CHAP III
LE CHRIST, GRAND PRÊTRE MISERICORDIEUX (He 5,
5-10)
Parvenu à la fin de la description de «
tout grand prêtre », l'auteur transite sans
difficulté grâce à la mention d'Aaron. En effet, Aaron est
grand prêtre par appel de Dieu. « De même, ce
n'est pas le Christ qui s'est attribué à soi-même la gloire
de devenir grand prêtre, mais il l'a reçu de celui qui lui a
dit : « tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai
engendré » ; comme il dit encore ailleurs :
« tu es prêtre pour le monde éternel, selon l'ordre de
Melchisédech ».C'est lui qui, aux jours de sa chair, ayant
présenté avec une violente clameur et des larmes, des
implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la
mort, et ayant été exaucé en raison de sa
piété, tout Fils qu'il était, apprit, de ce qu'il
souffrit, l'obéissance ; après avoir été rendu
parfait, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe du
salut éternel, puisqu'il est salué par Dieu du titre de grand
prêtre selon Melchisédech. »(5,5-10). Ce texte
complexe de deux phrases a même structure de He 5,1-4. Nous y trouvons
trois éléments successifs qui constitueront la structure de notre
chapitre. Dans le premier élément (5,5-6), l'auteur souligne la
sacerdotalisation du Christ, dans le deuxième(5,7-8) l'auteur
évoque le sacrifice du Christ, et le troisième
élément (5,9-10) souligne le caractère salvifique et
rédempteur de l'acte sacrificiel du Christ.
III.1. La
sacerdotalisation du Christ (He5,5-6)
Nous voulons entendre dans cette partie, la manière de
devenir prêtre du Christ. Le souci de l'auteur, pensons-nous, est de
montrer la continuité et la ressemblance du sacerdoce aaronique à
celui du Christ. Le sacerdoce du Christ comme celui d'Aaron n'est pas
fondé sur une prétention personnelle, mais sur un vouloir de
Dieu. Toutefois, l'auteur en citant les oracles du Ps 2,7 et du Ps 110,4
souligne successivement trois points dans la sacerdotalisation du Christ. Le
premier point est l'abaissement du Christ qui fait de lui un prêtre
unique, le deuxième est la particularité de son sacerdoce en tant
que Fils et le troisième point est l'éternité du sacerdoce
à la manière de Melchisédech.
III.1.1. L'humilité du
Christ
Tout d'abord il faut souligner le parallélisme que
l'auteur fait entre le v.4 et le v.5. En effet, ces rapprochements peuvent
être déjà une esquisse de ce que l'auteur veut mettre en
évidence. Le v.4 étant la conclusion du développement
5,1-4, le v.5 apparaît à la fois comme une introduction à
une autre idée qui surpasse le développement
précédent. De ce point de vue, le parallélisme entre
conclusion et introduction peut signifier pour l'auteur les limites et la
vétusté du sacerdoce aaronique qui préparait ou mieux
préfigurait l'authentique sacerdoce, celui du Christ.
La considération de style et des vocabulaires sont
ensuite d'une importance remarquable. En fait, pour souligner la
différence essentielle entre le sacerdoce d'Aaron et celui du Christ,
l'auteur utilise deux termes : honneur et gloire. Pour Aaron, il utilise
« ôßìå» :
« honneur » qui est, d'après le dictionnaire
universel, « une disposition morale incitant à agir de
manière à obtenir l'estime des autres en conservant le respect de
soi-même ». L'honneur, à proprement dire, est une
qualité humaine. Pour le Christ, l'auteur utilise
plutôt « äùîá »
« gloire » qui n'est attribué qu'à l'homme
dans un sens figuré. La gloire est une propriété divine.
L'auteur par ces vocabulaires veut signifier la nature
même du sacerdoce d'Aaron et celui du Christ. En fait, bien que de
condition divine le Christ n'a pas voulu se glorifier lui-même. Il a
choisi la voie de l'humilité, de l'abaissement d'être
glorifié par le Père comme le souligne St Jean :
« Père, l'heure est venue, glorifie-moi auprès de
toi de cette gloire que j'avais auprès de toi avant que le monde ne
fut »(Jn17,5).
L'auteur pour mieux signifier la différence avec le
sacerdoce aaronique emploie le
nom « ×ñéóôïò »,
nom reçu après la glorification. Conscient de l'importance des
« noms » dans la tradition juive et biblique, l'auteur veut
situer ici le sacerdoce du Christ dans son être glorifié. Par tous
ces vocabulaires l'auteur veut, pensons-nous, fixer notre attention sur
Jésus, fils de Marie qui, à travers la mort, est consacré
prêtre de par sa résurrection. Greffé sur la situation
divine du christ glorifié, son sacerdoce est aussi unique.
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