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Le processus électoral au Cameroun

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par Mbassi BEDJOKO
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master droit de l'Homme et Action Humanitaire 2004
  

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B. L'extrême dépendance et le manque de cohésion des partis

Quelque soit leur taille ou leur envergure, tous les partis politiques laissent apparaître leur dépendance à l'égard des intérêts divers.

Le Rdpc, parti au pouvoir, fournit le meilleur exemple de ce type de dépendance qui prend deux formes : la dépendance à l'égard des intérêts économiques et celle à l'égard des chefferies traditionnelles.

S'agissant de la première forme de dépendance, le Rdpc a toujours été lié, assez étroitement aux milieux d'affaires. L'ancien Premier Ministre Simon Achidi Achu, militant de ce parti n'avait-il pas comparé la politique au « Ndjangui » C'est-à-dire, à la tontine ? Autrement dit, ne peut recevoir du pouvoir que celui qui est utile au pouvoir, soit en apportant les suffrages au parti qui l'exerce, soit en fournissant à ce parti les moyens matériels et financiers dont il a besoin pour mener ses activités et son programme. Depuis lors, on assiste à un véritable chassé-croisée d'hommes d'affaires camerounais mobilisés autour du Rdpc et occupant de hautes responsabilités au sein du parti104(*) qui, membre du bureau politique ou du Comité central, qui député ou maire, etc. Il s'agit donc d'une organisation dont la puissance financière est à la base de l'implantation du Rdpc dans toutes les régions du pays où se recrutent en masse de nombreux sympathisants et adhérents.

La dépendance à l'égard des groupes d'intérêt financier s'accompagne de la dépendance à l'égard des chefferies traditionnelles plus proches des populations.

On connaît à peu près l'influence que les chefs dans certaines régions ont sur leurs populations. Généralement celles-ci expriment la volonté des autorités traditionnelles dont elles dépendent. Les consignes de vote sont de ce fait courantes et nécessitent un contrôle de la part du parti au pouvoir.

La chefferie traditionnelle de Rey-bouba dans le Nord a fait l'objet de nombreux écrits sur ce plan, car en période de vote, le secret ( de vote) n'existe pas. Les bureaux de vote sont placés sous le contrôle des hommes du lamido105(*) qui s'assurent minutieusement que les électeurs ont voté selon les prescriptions du monarque. Après avoir accompli leur devoir civique, les citoyens ramènent les bulletins des autres partis pour démontrer qu'ils ont effectivement voté pour le parti de leur leader coutumier. De plus, les chefs traditionnels sont des auxiliaires de l'Administration ; Ils sont désignés par elle et peuvent être démis de leur fonction en toute circonstance. D'où leur soumission qui heurte de front la neutralité que commande l'exercice de leur fonction. Car le chef traditionnel doit se placer au-dessus des partis politiques, il ne saurait faire de distinction de manière ostentatoire entre ses sujets, sinon il risque le discrédit et devient un citoyen ordinaire.

Le respect voué aux « gardiens » de la tradition procède également de l'attachement excessive des populations à certaines croyances. Rencontré à Yaoundé au quartier dit Nkomkana, un ressortissant de la province de l'Ouest nous a affirmé que les chefs utilisent parfois les pouvoirs que leur confère leur position pour détourner le choix des électeurs. Aussi a-t-il fait la révélation suivante : «  à Bafoussam lors des municipales de janvier 1996, le chef Njitack Ngompé Pélé, membre du Rdpc, avait transporté une urne dans la forêt sacrée , (où il a seul accès avec quelques rares notables) pour faire le dépouillement des résultats au profit de son parti »106(*).    

Le Rdpc n'est pas seul à connaître les diverses formes de dépendance, les autres partis sont encore plus dépendants, en particulier ceux de l'opposition.

L'opposition au Cameroun a , en effet, du mal à accomplir ses missions à cause de sa dépendance à l'égard du parti au pouvoir et de son extrême hétérogénéité.

Le souci de tout parti au pouvoir est de se maintenir. Par conséquent, on aura du mal à concevoir l'aménagement d'un cadre législatif qui met véritablement tous les partis politiques au même pied d'égalité et bénéficiant des avantages identiques.

La dépendance des partis d'opposition à l'égard du Rdpc résulte en partie, comme nous l'avons souligné, du fonctionnement de la Commission de contrôle des fonds alloués aux partis politiques dont le rapport a pour unique destinataire le chef de l'Etat. Mais elle résulte aussi des faveurs exceptionnelles de ce dernier à l'endroit des partis de la majorité dont le rôle consiste à déstabiliser l'unité de l'opposition à son profit.

Cette frange de l'opposition ne peut alors justifier d'une quelconque autonomie. Il en résulte un affaiblissement de l'opposition dans son ensemble, qui ne peut intégrer des actions communes cohérentes. Avant chaque scrutin, les partis politiques dits d'opposition tiennent toujours des réunions de concertation dans la perspective d'aborder les élections en rangs serrés. Mais jamais, depuis une décennie ils n'ont parvenu à le faire. C'est le témoignage que livre Abel Eyinga dans le journal Aurore plus : « un jour, j'ai eu l'honneur d'être invité à assister à une réunion de l'opposition à Yaoundé, au quartier Essos. Samuel Eboua m'avait assuré au téléphone que tout le monde serait présent : Les petits leaders, les grands et même les super-grands. Mais je n'ai vu ni Adamou Ndam Njoya, ni Garga, ni Fru ndi, ni Bello Bouba... »107(*). Et d'ajouter, une autre réunion de l `opposition à laquelle j'avais été invité peu après chez Garga, il y avait encore beaucoup moins de monde.... »108(*).

On peut constater que cette absence de discipline interne de l'opposition ne peut pas faire son jeu et contribue ni plus ni moins à son affaiblissement qui justifie les entraves à l'exercice de droit électoral. C'est d'ailleurs ce qui fait dire à Manga Kuoh que « l'opposition camerounaise donne la preuve de son insuffisante acclimatation au pluralisme. Les multiples dissensions et rivalités personnelles au sein des différentes formations politiques ne reflètent-elles pas une culture politique autocratique dans laquelle la pensés et l'action du chef omnipotent ne souffrent pas la moindre interrogation  ? »109(*) Les entraves à l'exercice du droit de vote ont une autre source : la société.

* 104 On peut cité André Sohaing, Madame Françoise Foning, Fadil Mohamadou Abbo, Issa Balarabé, Thomas Tobbo Eyoum, Ndongo Essomba, Victor Fotso, James Onobiono, etc.

* 105 Voir signification infra, p. 88

* 106 Enquête, Yaoundé, 25 juin 2002.

* 107 Cf. Aurore plus, n° 533 du 21 octobre 2002, pp. 6-7

* 108 Idem, p. 6.

* 109 Manga Kuoh, Cameroun : un nouveau départ, L'Harmattan 1996, p. 96

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