Le banquier et la modernisation des systèmes de paiement, le cas de la carte bancaire.( Télécharger le fichier original )par Gnienlnaha Modeste OUATTARA Université Catholique d'Afrique de L'Ouest/Unité Universitaire d'abidjan (UCAO/UUA) - MASTER 1 Droit des affaires 2010 |
SECTION II : LES RAPPORTS DE DROIT DANS LE FONCTIONNEMENT DES CARTES BANCAIRES
Une étude juridique de la carte exige de distinguer les rapports contractuels qui se nouent entre les diverses parties (émetteur, porteur de la carte, fournisseur) d'une part et les banques d'autre part. Cela postule l'existence de trois sortes de contrats, liant respectivement l'émetteur au porteur, le fournisseur à son banquier (et, par représentation, aux autres banquiers), et enfin les relations entre banquiers, organisées au sein du G.I.E Groupement Cartes Bancaires) qui ne seront pas étudiées ici. Nous examinerons tour à tour le contrat conclu entre l'émetteur et le titulaire de la carte, couramment appelé « contrat porteur» (PARAGRAPHE I) et le contrat conclu entre le fournisseur et son banquier, appelé « contrat fournisseur » ou « accepteur » (PARAGRAPHEII). PARAGRAPHE I : LE CONTRAT PORTEUR : Relations entre banque émettrice et porteur de la carteLa carte bancaire n'est qu'un instrument d'identification du client et une pièce matérielle permettant l'utilisation du service de paiement promis par la banque. Au point de vue juridique, l'important, c'est la convention qui unit l'émetteur et le porteur. Le mot convention vient du latin conventio lui-même dérivé de convenire qui signifie venir ensemble c'est-à-dire être d'accord. Conclure un contrat, une convention, c'est se mettre d'accord sur quelque chose. Aussi, s'accorde t-on à définir la convention comme un accord de volontés, entre deux ou plusieurs personnes, en vue de produire des effets de droit. Le contrat apparaît par rapport à la convention comme l'espèce d'un genre plus vaste. Il est conclu afin, précisément, de créer des obligations28(*). Selon l'article 137 du règlement n° 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats membres de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA), « les relations entre l'émetteur, le titulaire de la carte ou d'un autre instrument de paiement électronique et le bénéficiaire sont régies par la convention des parties ». La relation qui nait entre la banque émettrice et le porteur de la carte découle de la formation d'un contrat (A) appelé généralement contrat porteur ou contrat adhérent qui engendre des obligations réciproques (B) pour les deux parties au contrat. A- LA FORMATION DU CONTRAT La convention dite « contrat adhérent » présente toutes les caractéristiques d'un contrat d'adhésion. Le contrat d'adhésion selon le professeur Jacques Ghestin, peut être défini comme l'adhésion à un contrat type, qui est rédigé unilatéralement par l'une des parties et auquel l'autre partie adhère sans possibilité réelle de le modifier29(*). Dans notre cas le contrat type ici est celui entre la banque émettrice et le client. Le contrat porteur doit être écrit30(*).Il implique une demande, signée du client, d'adhésion à un texte standard dont les clauses ne sont pas, en pratique, discutables. Après examen du dossier l'acceptation de l'émetteur de la carte emporte formation du contrat. L'acceptation de la banque résulte de la remise de la carte au client. Le client reçoit également un écrit indiquant le numéro de code nécessaire à certaines utilisations de la carte, notamment les retraits d'espèces à un DAB et de plus en plus fréquemment chez un commerçant. Un document explicatif est généralement joint auquel on peut reconnaître une valeur contractuelle. La confidentialité du numéro de code est un élément essentiel de ce contrat. Un compte est normalement ouvert au titulaire pour le fonctionnement de la carte. Une banque peut refuser sans fournir de motif une carte de paiement ou de crédit, même si le demandeur est titulaire d'un compte. L'intuitus personae et la responsabilité de l'émetteur justifient31(*) cette faculté de refuser la délivrance d'une carte32(*). Il en résulte que le banquier peut à tout moment, retirer la carte au porteur ou refuser le renouvellement, comme le prévoit le contrat33(*). Mais ce droit est susceptible d'abus. Il est généralement considéré comme un contrat à durée déterminée (un an, durée de validité usuelle de la carte) ; il est renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation par le porteur ou par le titulaire du compte dans les délais prévus (ex. préavis de trois mois). La carte est personnelle, eu égard au caractère d'intuitus personae, elle est donc incessible. La clôture du compte y met fin automatiquement et oblige le porteur à restituer la carte. La formation d'un tel contrat exige de la part de l'adhérent une pleine capacité du fait de l'importance des engagements qui peuvent être souscrites par lui34(*). Les cartes peuvent être délivrées à des personnes physiques ou morales.
B- LES OBLIGATIONS ENGENDREES PAR LE CONTRAT Dans les rapports entre la banque émettrice et le titulaire de la carte appelé aussi porteur, plusieurs obligations réciproques naissent entre les parties. L'émetteur de la carte doit respecter ses obligations ainsi que le porteur de ladite carte. 1/ Les obligations de la banque émettrice Pour la banque émettrice deux obligations principales et une spéciale lui sont imposées. L'engagement pour la banque de fournir à son client un service de caisse : le banquier doit assurer, dans la mesure de la provision au compte, le paiement de toutes les facturettes signées par son client à l'aide de la carte bancaire et qui emportent pour lui un mandat à cette fin. En tant que mandataire, le banquier doit obtempérer à la révocation du mandat, mais cette obligation est limitée par la deuxième obligation contractée par la banque. La banque est garante du paiement des facturettes, dans la limite définie par les conditions contractuelles, indépendamment de la provision figurant au compte du porteur35(*). Dans ces deux obligations le banquier joue deux rôles conjoints : dans la première situation, il est mandataire et dans la seconde il a une fonction de garantie. Souvent, la banque s'engage à ouvrir un crédit au titulaire de la carte. Dans le système carte bleue le crédit fait l'objet d'un contrat distinct ; son octroi n'est pas automatique. Pour d'autres cartes, l'ouverture de crédit résulte de la seule délivrance de la carte. Il s'agit d'un crédit revolving sus-vu36(*). 2/ Les obligations du titulaire de la carte Beaucoup plus nombreuses sont les obligations du porteur comme l'affirme le professeur Françoise Pérochon. On en énumère généralement six. Le porteur : - s'engage à apposer sa signature sur la carte dès qu'elle lui est remise, ce qui limite les risques de fraude. - s'engage à vérifier, avant chaque achat ou retrait d'espèces, qu'il dispose d'un solde créditeur ou d'une ouverture de crédit suffisants, provision qu'il doit maintenir jusqu'au débit correspondant. - s'oblige irrévocablement à rembourser à l'émetteur, à la date et selon les modalités convenues, le montant des factures payées par celui-ci ou des fonds qu'il a retirés. - s'oblige également à payer une certaine somme annuellement en contrepartie du service de paiement assuré par l'émetteur. - s'interdit de divulguer ce code et de conserver à proximité de la carte, sur un document susceptible d'être volé en même temps que celle-ci. - s'oblige à faire opposition sans délai en cas de perte, de vol ou de soustraction de la carte.37(*) * 28 J. Ghestin, Traité de droit civil - la formation du contrat, L.G.D.J 3ième éd. Paris 1993 p5. * 29 J. Ghestin, Traité de droit civil - la formation du contrat, L.G.D.J 3ième éd. Paris 1993 p94 * 30 Le Code européen de bonne conduite (art.111) et la législation canadienne exigent que le contrat soit écrit. Il s'agit de protéger le consommateur contre les dangers et les mirages du crédit. * 31 Paris, 5e Ch., 30 sept. 1998: Juris-Data n. 025502). * 32 Ch. GAVALDA et J. Stoufflet, DROIT DU CREDIT 2 : Effets de commerce-chèque-carte de paiement et de crédit, Litec 3ième éd. Paris 1998 p399. * 33 T.G.I. Créteil, 15 janv. 1985, D. 1985. IR.344, n. Vasseur. * 34 Sur la capacité requise du client, voir Paris, 25 mai 1970, R.T.D Com., 1970, p. 755, obs. M. Cabrillac et L.-L. Rives-Lange. Ainsi la 1RE Chambre civile considérant que l'incapable sous curatelle pouvait au moyen d'une carte bleue s'endetter au-delà de ses revenus (ce qui avait été le cas), en ne respectant pas la convention, a jugé qu'une telle convention ne pouvait être conclue sans l'assistance du curateur (Civ. 21 nov. 1984, D. 1985.297, Lucas de Leyssac). Solution théoriquement discutable parce que, en soi, la détention d'une carte, n'est pas un acte juridique et que le porteur pourrait n'effectuer avec la carte que des opérations qu'il a la capacité d'effectuer (ex. : actes de la vie courante...), mais pratiquement opportune en raison du risque élevé que courrait l'incapable ou les tiers. * 35 M. de Juglart et B. Ippolito, Traité de droit commercial Tome 7 Banques et Bourses 3ème édition, Montchrestien, Paris, 1991 p 553 * 36 J-L. Rives-Lange et M. Contamine-Raynaud, Droit Bancaire, 6e éd., D. Paris 1995, p.337. * 37 F. Pérochon, Entreprise en difficulté/instruments de paiement, 2e éd., L.G.D.J, Paris 1995,p.526. |
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