1. INTRODUCTION GENERALE ET PROBLEMATIQUE
La constitution étant une charte des pouvoirs publics, qui
détermine les modes de désignation et les compétences
respectives des institutions de l'Etat ainsi que leurs rapports
juridiques1, chaque Etat doit en avoir de son choix. Actuellement,
le principe de l'autonomie constitutionnelle des Etats leur permet d'avoir des
constitutions écrites, contenues dans un document écrit, officiel
et unique. Mais, parmi les Etats dotés de constitutions, il ya ceux
-là qui manifestent une remarquable continuité constitutionnelle
en ce sens qu'ils continuent d'être régis, jusqu'à nos
jours par leur constitution d'origine et il y a ceux-là qui modifient
les leurs au fil du temps. La constitution avec ses règles, encadre les
comportements sociaux tout en privilégiant la satisfaction de
l'intérêt général ; ainsi pour y parvenir, elle doit
s'adapter aux nouvelles situations. Quand elle manifeste des inadaptations
conjoncturelles, elle doit être révisée ; car une loi est
vertueuse ou dangereuse, si elle ne parvient pas à s'adapter à
des réalités qu'elle va pourtant réglementer ; elle
devient automatiquement inutile. Jean PORTALIS avertissait déjà
depuis les années 1801 qu'il ne faut point des lois inutiles car elles
affaiblissent les lois nécessaires, compromettent la certitude et la
majesté de la législation; d'où la nécessité
de leur révision. Une constitution doit être
considérée comme un accélérateur plutôt que
comme un frein, à cet égard elle doit se conformer aux
évolutions socio-économiques, culturelles, scientifiques et
politiques. Le roi du Maroc Hassan II, déclara en 1963 que : << le
but de la constitution est de faciliter et d'accélérer le
développement de la nation sur tous les plans, ce qui est d'ailleurs
l'objectif supérieur qu'elle doit atteindre ; une constitution qui ne
permet pas à atteindre cet objectif, doit être
révisée, ou abrogée
carrément.>>2.
Par ailleurs, toute oeuvre humaine est perfectible et la
constitution n'est pas à l'abri de cette perfection.
Depuis son accession à l'indépendance, le 30
juin 1960, la république démocratique du Congo a
déjà connu plusieurs constitutions mais toutes étaient
pleines des lacunes :
· La loi fondamentale élaborée par le
parlement Belge et la constitution de Luluabourg élaborée par les
nationaux n'étaient pas claires sur la forme de l'Etat et sur le
régime politique ;
· La constitution révolutionnaire pourtant bien
conçue va au fur des révisions intempestives plonger le pays dans
la dictature ;
· L'acte constitutionnel harmonisé et l'acte
constitutionnel de la
transition seront à l'origine des crises
institutionnelles au sein du gouvernement ; Le décret loi
constitutionnel ira à son tour plus loin jusqu'à concentrer tout
le pouvoir au sein du chef de l'Etat ;
· La constitution de la transition va mettre en place un
régime mixte qualifié de << sui generis >>, ne
correspondant à aucun modèle théorique où on
trouvait facilement un président et quatre vice- présidents, tous
non élus ni par le parlement ni par le peuple et où les ministres
n'étaient responsables que devant leurs composantes alors qu'ils
étaient contrôlés par le parlement qui lui-même
n'était élu et ne pouvait être dissout.
Face à ces désordres politiques et
instabilités institutionnelles favorisés d'une
part, par la
non révision des dispositions constitutionnelles et pourtant
les
constitutions sont une matière vivante qui naissent, vivent,
subissent des
2 MAURICE-PIERRE ROY, <<Les régimes
politiques du tiers monde>>, L.G.D.J. Paris, 1997, P.13.
déformations de la vie politique et sont l'objet des
révisions plus ou moins importantes3 ; et d'autre part, par
des révisions intempestives. Les délègues de la classe
politique et de la société civile, force vive, réunis au
dialogue inter- congolais, ont convenu dans l'accord global et inclusif, de
mettre en place un nouvel ordre politique fondé sur une nouvelle
constitution susceptible des révisions importantes et opportunes. A
l'effet de matérialiser la volonté politique ainsi
exprimée par les participants au dialogue inter-congolais
précité, le sénat issu de l'accord global et inclusif, a
déposé conformément à l'article 104 de la
constitution de la transition, un avant projet de la constitution à
l'assemblée nationale qui après des débats et
modifications, sera adopté le 16 mai 2005, soumis au
référendum du 18 au 19 décembre 2005 et enfin
promulgué comme constitution de la République Démocratique
du Congo le 18 février 20064 .
Pour bien analyser ce que notre constituant a prévu en
matière de révision constitutionnelle, il sera impérieux
de savoir si la commission sénatoriale chargée de la
rédaction de l'avant projet de constitution, en admettant la
possibilité d'une éventuelle révision constitutionnelle,
a-t- elle prévu sa procédure et ses limites ?
C'est à cette question que se propose de
répondre notre modeste travail, mais pour l'instant contentons-nous de
dire que la réponse à cette question qui constitue la toile de
fond de cet ouvrage transparaîtra clairement tout au long de notre
cheminement, malgré l'anticipation d'une réponse provisoire.
2. HYPOTHESE
3 Pierre PACTET, Institutions politiques droit
constitutionnel, Masson, Paris, 1983, P.69.
4 Exposé des motifs de la constitution
congolaise du 18 Février 2006, un journal officiel de la
République Démocratique du Congo, Numéro spécial,
18 février 2006, P.3.
L'hypothèse est comme le signale M.GRAWITZ une
réponse provisoire à la question principale soulevée dans
la problématique et qui a été confirmée ou
infirmée dans le travail5. Les propos susmentionnés
prouvent à suffisance que l'hypothèse est l'ensemble des
réponses anticipées formulées au début d'une
recherche se apportant aux problèmes posés dans la
problématique et susceptibles d'être confirmées,
infirmées ou même nuancées par les résultats de la
recherche.
Aux termes de préoccupations soulevées dans le
précédent point, nous tentons à ce stade d'étude de
poser les jalons de réponses provisoires, susceptibles d'être
confirmées, infirmées ou nuancées par les résultats
sur lesquels aura débouché ce travail.
A ce titre, nous pensons que la lecture attentive des articles
218 et 219 à 220 traitant respectivement les matières relatives
à la procédure et aux limites de la révision
constitutionnelle ; laisse penser que la commission sénatoriale
chargée de la rédaction de l'avant projet de la constitution, a
prévu une procédure et des limites à la dite
révision. Remarquons qu'en ce qui concerne la procédure de la
révision, elle a énuméré limitativement à
l'article 218 de la constitution les initiateurs ainsi que la procédure
d'adoption de cette révision; et en ce qui concerne les limites,
l'article 219 limite temporairement cette révision alors que l'article
220 la limite matériellement.
3. METHODES ET TECHNIQUES
S'agissant de la méthode pour les juristes, F.PANSIER
écrit << la réalisation d'un
travail de qualité
commence par l'acquisition des méthodes et l'apprentissage
de
recherche, pour acheminer vers la formation de la démarche
intellectuelle
5 M.GRAWITZ, Méthodes des sciences
sociales, Dalloz, 1990, P.56.
qui doit caractériser les juristes.
>>6 ; Quant à la technique, elle est définie
comme l'<< l'outil mis à la disposition de la recherche et
organisé par la méthode dans un but, étant donné
qu'elle présente des opérations limitées liées
à des éléments pratiques, concrets adaptés à
un but>>7.
Il est hors de doute que le travail scientifique doit sa valeur
à la validité des méthodes et des techniques
utilisées par le chercheur.
Pour comprendre notre sujet dans ses moindres détails,
nous allons nécessairement tout au long de nos investigations faire
recours à des différentes méthodes (A), qui seront
complétées par des techniques. (B)
A. METHODES
Dans le cadre de notre travail, nous nous servirons de la
méthode juridique (1°) et de la méthode comparative
(2°).
1° .Méthode juridique
Cette méthode appelée aussi méthode
exégétique, nous permettra d'analyser les articles
constitutionnelles relatifs à notre sujet, en l'occurrence les articles
218 ,219 et 220.
2°.Méthode comparative
Cette démarche comparative nous permettra à son
tours de comparer ce que prévoit notre constitution en matière de
révision constitutionnelle à ce qu'en prévoient les
constitutions étrangères et ainsi dégager les lacunes ou
les avancés de notre constitution en cette matière.
B.TECHNIQUE
6 Telesphore MALONGA.M, << Initiation à
la recherche scientifique>>, Cours inédit, U.O.B, G2Droit,
2008-2009.
7 4ème
R.PINTO et M.GRAWITZ, Les méthodes de recherche en
sciences sociales édition, Dalloz, Paris, 1971.
P.42.
Toutes les méthodes ci-haut
énumérées seront appuyées dans notre travail par la
technique dite documentaire, qui nous permettra d'accéder aux divers
documents, ouvrages, travaux de mémoires et de fin de cycle et certains
cours ayant trait au sujet de cet ouvrage.
4. ETAT DE LA QUESTION
Le résultat scientifique jaillit de longues recherches,
tel est les soucis qui nous ont animés dans le cadre de ce contenu.
Nous inscrivant dans la logique de la révision
constitutionnelle, nous ne pouvons pas prétendre être le premier
à aborder cette matière.
Disons d'ailleurs que la question de la révision
constitutionnelle est issue du droit constitutionnel et des institutions
politiques, qui demeurent les branches respectivement du droit et des sciences
politiques les plus prolixes. C'est ainsi que les travaux et les ouvrages des
constitutionalistes et des politologues nous serviront de base pour cette
réflexion.
A titre illustratif, pouvons citer certains ouvrages :
institutions politiques droit constitutionnel écrit par PIERRE
PACTET, publié à Paris, à New York, à Milan,
à Mexico et à Sao Polo aux éditions Masson en 1983 ; nous
pouvons aussi ajouter Droit constitutionnel et régimes politiques
écrit par JOSEPH OWOMA publié à Nancy aux éditions
Berger-Levrault en 1985.
Mais aussi, nous ne pouvons pas oublier de signaler que
l'interprétation des articles de la constitution du 18 février
2006, a déjà fait l'objet de plusieurs critiques; ce qui atteste
que nous ne sommes pas le premier à aborder cette considération
de fait et d'autant plus que nous ne seront pas les derniers à orienter
notre réflexion dans ce sens. Ceux qui nous ont
précédés ont essayé
de nous donner une idée, entre autre c'est le cas de
MABANDIRO KYOTO, BALEMBA CHINYABUGUMA, FIKIRI WABENE dans leurs travaux de fin
de cycle. Sachant que la révision constitutionnelle est une notion
très vaste, en ce qui nous concerne, notre travail ne portera que sur la
révision constitutionnelle telle que prévue par la constitution
du 18février 2006.
5. CHOIX ET INTERET DU SUJET
L'intérêt d'une étude qui porte sur
l'analyse critique de la révision constitutionnelle telle que
prévue par la constitution du 18 février 2006 est
indéniable. Le thème que nous allons aborder nous permettra
d'approfondir les notions apprises non seulement en droit constitutionnel, mais
aussi dans les autres disciplines voisines. L'étude de la
révision constitutionnelle nous parait indispensable car, comme nous le
remarquons dans notre histoire constitutionnelle, nos constitutions quand elles
ne sont pas révisées, elles engendrent des désordres
politiques et quand elles le sont, elles nous conduisent à la
dictature.
Estimant enfin, que la révision constitutionnelle est
une notion extrêmement importante pour tous les citoyens, ce travail leur
montrera ce que prévoit notre constitution en cette matière
surtout que notre constitution n'est plus loin d'être
révisée.
6. DIFFICULTES RENCONTREES
Il est naturel que, dans la réalisation de toute oeuvre
humaine, il se pose toujours quelques difficultés, et que le travail
scientifique ne saurait en aucun cas échapper à ce principe.
En ce qui nous concerne, tout au long des nos investigations,
nous nous sommes heurtés à plusieurs difficultés, mais la
plus importante et déplorable est la rareté des documents en
rapport avec notre sujet, tant dans la bibliothèque de notre grande
institution que dans d'autres de la place que nous avons pu parcourir. Seules
existent quelques réflexions hélas ne traitant pas la question
d'une manière claire et approfondie.
Nous avons surmonté ces difficultés grâce
aux efforts envisagés et au soutient de tous ceux qui nous ont
assistés sans trêve ni se lacer tout au long de nos recherches,
car << l'union fait la force >> dit-on.
7. PLAN SOMMAIRE
Le présent travail hormis l'introduction et la
conclusion sera subdivisé en deux chapitres.
Le premier portera sur les notions générales de
la révision constitutionnelle et le second sera consacré à
l'étude de la procédure et des limites de la dite
révision
BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE
· Pierre PACTET, Institutions Politiques Droit
Constitutionnel, Masson, Paris, 1983.
· Burdeau Georges, Hamon Francis, Troper Michel,
Droit Constitutionnel 26e édition, Paris, Librairie
Générale de Droit et de jurisprudence, 1999.
· Drago Guillaume, Contentieux Constitutionnel
Français, Paris, Presses Universitaires de France, 1998.
· Duverger Maurice, le Système politique
français : Droit Constitutionnel et Science Politique
21e édition, Paris, Presses Universitaires de
France, 1998.
· Louis Favoreu Droit constitutionnel
2e édition, Paris, Dalloz, 1996.
· EDOUARD MPONGO-BOKAKO B, Institutions Politiques et
Droit Constitutionnel, EUA, 2001.
· MARCEL PRELOT et JEAN BOULOUIS, Institutions
Politiques et Droit Constitutionnel 11e édition, Paris,
Dalloz, 1996.
· DOMINIQUE TURPIN, Droit Constitutionnel
3e édition, Paris, PUF, 1997.
11
CHAP I. THEORIE GENERALE DE LA REVISION
CONSTITUTIONNELLE
Sachant qu'il est impossible de réviser une
constitution inexistante c'està-dire non encore élaborée,
avant de traiter la théorie de la révision constitutionnelle
(section II), nous ferons d'abord un bref aperçu sur
l'élaboration de la constitution (section I).
Section I. L'ELABORATION DE LA CONSTITUTION
L'élaboration de la constitution est à
rapprocher de sa révision et même de son abrogation.
Qu'elle soit élaborée à la naissance d'un
nouvel Etat ou au lendemain d'une révolution ; ailleurs pour marquer une
étape dans la construction du socialisme, ou tout simplement, mais c'est
le plus rare, après la prise de conscience de l'inadaptation, ou de
l'échec, des institutions précédentes, la constitution est
l'aboutissement d'une procédure spécifique.
Des règles techniques, destinées à
assurer la solidité et la cohésion du texte, s'y combinent avec
des préoccupations politiques de ceux qui ont pris l'initiative de sa
rédaction.
Quant il s'agit de retoucher la constitution
c'est-à-dire de la modifier sur certains points sans bouleverser son
schémas générale, on est en présence d'une
révision de la constitution qui doit se dérouler suivant les
règles inscrites à cet effet dans constitution elle-même.
Enfin, l'abrogation de la constitution est un phénomène qui ne
relève que rarement du droit, mais intervient le plus souvent par la
force à l'issue d'un coup d'Etat ou d'une révolution.
Avant même de distinguer sur la procédure
à suivre pour rédiger la constitution, il faut se demander qui,
quel organe est compétent pour l'élaborer. On étudiera
successivement le pouvoir constituant (§1), et l'approbation et la
consultation populaire (§2).
§1. LE POUVOIR CONSTITUANT
Le pouvoir constituant est celui qui est à l'origine
d'une constitution. Lorsqu'intervient pour élaborer la constitution, il
est dit pouvoir constituant originaire ou absolu(A) ; si par contre il
intervient pour réviser la constitution, on parle d'un pouvoir
constituant dérivé ou institué ou encore relatif(B).
A. Le pouvoir constituant originaire ou absolu
1. Définition
Ce pouvoir est celui qui établit les règles
fondamentales relatives à la dévolution et à l'exercice du
pouvoir politique8. Il est constituant parce qu'il porte sur une
constitution, il est originaire parce qu'il est à l'origine d'une
constitution et il est absolu parce qu'il ne connait pas de limites car il
intervient en période de vide constitutionnel, aussi il élabore
la constitution qu'il veut et comme il veut. C'est ce que BASTIDE Paul traduit
en ce terme : « le pouvoir constituant originaire possède la
spontanéité créatrice, il peut tout, il n'est soumis
d'avance à aucune constitution donnée. »
2. Les hypothèses de mise en oeuvre du pouvoir
constituant originaire et absolu
Le pouvoir constituant originaire peut intervenir lorsqu'il y
a procréation d'un Etat sur un territoire, il peut aussi intervenir
lorsqu'il y a vision d'Etats ou création d'un Etat
fédéral.
Ce pouvoir se manifeste aussi lorsqu'il y a une
révolution qui entraine la destruction de l'ordre constitutionnel
antérieur ou lorsqu'il y a succession de régime politique dans un
même Etat.
3. Le mécanisme d'établissement de la
constitution
Le titulaire du pouvoir constituant originaire n'est pas le
même selon que la société est démocratique ou
non9.
8 Telesphore MALONGA .M, « droit constitutionnel
et institutions politiques », Cours inédit, U.O.B, G1Droit,
2007-2008
9 Philippe ARDANT, Institutions politiques &Droit
Constitutionnel 16édition, Paris, LGDJ, 2004, P 73
L'établissement de la constitution a plusieurs formes,
selon que le pouvoir constituant originaire serait d'essence proprement
populaire (formes démocratiques) (a), selon que l'organisation
constitutionnelle émane du chef de l'Etat (formes monocratiques) (b) et
selon que les deux formes sont combinées (formes mixtes) (c).
a. Les formes démocratiques
Le droit constitutionnel, avec la distinction des pouvoirs
constituants et constitués, n'est pas une exclusivité de la
démocratie, mais en doctrine il est souvent lié aux conceptions
où le pouvoir appartient au peuple.
L'idée est traditionnellement rependu que le pouvoir
constituant serait d'essence proprement populaire. Alors même que le
régime créé ne serait pas démocratique, son
établissement devrait l'être. C'est la thèse de Swarez et
de Bellarmin selon laquelle le pouvoir non encore dévolu appartient
à la multitude et lui revient en cas de déshérence.
Ce pouvoir constituant prend en démocratie trois
formes, selon que le peuple l'exerce à travers ses représentants
(1°), selon qu'il l'exerce seul (2°) et selon que les deux
procédés sont combinés (3°).
1°. La forme représentative ou semi
représentative : Dans cette forme, l'assemblée nationale ou
encore constituante est élu au suffrage universel pour élaborer
la constitution ;
2°. La forme démocratique directe : ici le peuple
lui-même forme une assemblée qui se déclare constituante.
L'éventualité en elle-même est concevable, mais à
l'état actuel des techniques, elle parait à peu près
irréalisable. La démocratie directe doit se combiner avec la
représentation.
3°. La forme démocratique semi- directe : ici la
constitution est le fruit d'une élaboration de l'assemblée et
d'une consultation populaire.
En effet, l'élaboration émane d'un corps
élu et le texte ne devient valable qu'avec l'approbation du corps
électoral.
b. Les formes monocratiques
L'organisation constitutionnelle émane de la
décision personnelle d'un homme qui est généralement le
chef de l'Etat. La distinction à faire ici, tient au caractère de
la monocratie : de légitimité (1°) ou de pouvoir de fait
(2°).
1°. La monocratie sous forme de la monarchie
légitime ; elle possède régulièrement la
plénitude de pouvoir. On doit, en conséquence, reconnaitre
à son détenteur le droit d'aménagement et de limitation.
Le roi jusqu'à lors absolu accorde soit spontanément, soit plus
souvent, sous la pression des circonstances, une constitution dite charte. On
donne habituellement à ce mode autocratique le nom d'octroi.
2°. La dictature de fait issue d'un coup d'Etat ou d'une
révolution, peut également donner naissance à une
constitution par octroi.
Toutefois le terme n'est pas employé
traditionnellement, bien que la technique soit la même. Très
souvent d'ailleurs, les pouvoirs de faits autoritaires cherchent eux-
même, pour soutenir leur établissement, une consacrassion
populaire
c. Formes mixtes
Les deux combinaisons les plus intéressantes que
connaisse l'histoire sont celle de la monarchie avec la démocratie
(1°) et de la monarchie avec représentation (2°).
1°. La combinaison monocratie-démocratie se
réalise grâce au plébiscite constituant, l'une des
pièces maîtresses du césarisme démocratique. OEuvre
du dictateur ou de son entourage, la constitution est soumise à
l'adhésion d'un corps électoral suggestionné, dans le
climat des libertés restreintes. L'approbation populaire peut aussi
être sollicitée préventivement.
2°. Combinaison monarchie-représentation : elle
traduit l'égalité théorique et l'accord formel entre
l'assemblée proposant et un prince consentant. La constitution est
considérée comme un véritable contrat. On lui donne le nom
de « pacte ».
B. LE POUVOIR CONSTITUANT DERIVE OU INSTITUE ET
RELATIF
Il s'agit du pouvoir de révision de la constitution, il
est appelé pouvoir dérivé ou institué parce qu'il
découle de la constitution déjà existante qui
elle-même prévoit les modalités de sa révision, et
il est dit relatif parce qu'il connait des limitations. La constitution peut
lui-même interdire de réviser certaines de ses dispositions ou de
procéder à la révision à certaines
périodes.
Certes, il est permis de penser que la charte fondamentale de
l'Etat a été mûrement réfléchie lorsqu'elle a
été élaborée et qu'elle est faite pour durer.
Cependant rien n'est immuable dans la vie et il peut être
nécessaire de la modifier sur certains points, sans que pour autant le
régime soit remis en cause. Il faut rappeler à ce sujet que la
constitution n'est de nos jours considérée comme un texte
sacré et intangible, même dans les Etats pluralistes, les
héritiers de la philosophie de lumière bien au contraire,
nombreux sont ceux qui estiment qu'en adoptant la constitution à
l'évolution de la situation politique par des révisions non
fréquentes mais suffisamment espacées, on accroit
considérablement ses chances de durée. A cet égard, la
révision parait être nécessaire avec les avantages qu'elle
nous offre(1), mais elle a aussi ses inconvénients(2).
1. Avantages
A cet égard deux sortes révisions peuvent paraitre
avantageuses :
· Il y a d'abord les révisions destinées
à corriger les lacunes et les imperfections techniques que peuvent
relever le fonctionnement des institutions ;
· Il y a ensuite les révisions qui marquent un
tournant ou tout au moins un changement important, dans l'orientation politique
du régime, sans pour autant provoquer un changement brutale du
régime politique.
2. Inconvénients
On observe généralement que si la
révision porte sur un grand nombre de dispositions, et a fortiori si
elle est totale, on peut pratiquement en venir à l'élaboration
d'une nouvelle constitution et ainsi le pouvoir constituant
dérivé se substitue au pouvoir constituant originaire et on parle
de « fraude à la constitution. »
C'est avec cette conséquence pratique que le peuple,
qui est titulaire du pouvoir à l'exercice du pouvoir constituant
dérivé, se trouve dessaisi de ses compétences et dans une
large mesure de sa souveraineté10.
On pourra dire autant et même d'avantage, des formules,
qui consistent à user le pouvoir de révision pour confier
à des tiers ou à des organes non prévus par le texte
initial le soin d'élaborer une nouvelle constitution, quitte à la
faire ratifier ensuite par le peuple : une autorité investie d'une
compétence qui en délègue l'exercice en dehors de cas
prévu par la constitution commet une irrégularité
flagrante, même si celle-ci n'est pas sanctionnée11.
§2. L'APPROBATION ET LA CONSULTATION POPULAIRE
A. L'APPROBATION
Pour donner plus d'autorité à la constitution,
le texte est soumis pour approbation au peuple. Cette procédure peut
être utilisée dans les perspectives différentes :
· Le texte a été constitué par
une assemblée constituante élue, mais celle-ci n'était pas
souveraine, on a voulu en effet que la constitution paraisse comme l'oeuvre du
peuple lui-même, l'assemblée n'a rédigé qu'un projet
proposé à l'approbation des citoyens. l'instrument de
l'approbation populaire est le référendum.
10 Pierre PACTET, Op Cit, p 74
11 Idem
· Le projet a été rédigé
par l'exécutif : le gouvernement ou le chef de l'Etat. Cette
hypothèse est plus contestée, car il est à craindre que le
référendum ne se transforme en plébiscite et ne laissant
pratiquement aucune liberté au peuple qui ne peut qu'accepter le texte
qui lui est soumis.
En tout état de cause, l'expérience montre que
le peuple n'use que rarement de son droit de repousser le projet qui lui est
soumis et qu'il n'approuve parfois à une majorité
écrasante les textes les p lus défectueux, les moins durables et
les moins favorables à ses intérêts12.
Pourtant, il est difficilement concevable aujourd'hui qu'une
cons titution soit mise en vigueur sans avoir été soumis e au
suffrage populaire.
B. LA CONSULTATION POPULAIRE
Avec la consultation populaire, le peuple n'approuve pas un
texte préparé en dehors de lui ou par ses représentants,
il est associé à la rédaction du texte. Des débats
sont organisés à travers tout le pays dans les entreprises, les
universités, ... ; la presse écrite, la radio, la
télévision sont mobilisées pour une vaste campagne
d'étude du projet de constitution, les journaux publient un abondant
courrier de suggestions les lecteurs. Après quoi les modifications
proposées par le corps électoral sont examinées par
l'assemblée investie du pouvoir constituant qui les accepte ou les
rejette.
L'efficacité de cette procédure est très
faible, tout au moins sur le plan du contenu de la constitution. Il est certain
que cette procédure joue avant tout un rôle politique de
mobilisation des masses populaires et d'éducation : elle permet aussi au
pouvoir de connaitre les sentiments et les voeux de la population et ainsi y
adapter la constitution lors des révisions.
SECTION
II. LA T HEORIE DE LA REVISION DE LA
CONSTITUTIONNELLE
12 Philippe ARDANT, Institutions Politiques &
Droit Constitutionnel 16édition, Paris, LGDJ, 2004, p 74
Le pouvoir constituant dérivé ou
institué est l'autorité désignée par la
constitution elle-même pour modifier éventuellement le texte
constitutionnel, il est donc un organe de l'E tat.
L existence d'un pouvoir constituant dérivé
répond à une double nécessité :
· L'adaptation du statut de l'Etat (qui ne saurait
prétendre à une immutabilité absolue) aux
réalités et aux besoins nécessairement changeants ;
· La stabilité des institutions qu'il ne
conviendrait pas de modifier à tout moment et fréquemment.
D'où l'insertion dans la constitution d'une procédure
destinée à canaliser ce pouvoir de modification.
Nous allons d'abord étudier selon que la constitution
peut être facilement (constitution souple) ou difficilement (constitution
rigide) (§1) avant d'examiner la mise en oeuvre de cette révision
(§2).
§1. LES CONSTITUTIONS RIGIDESES ET LES CONSTITUTIONS
SOUPLES
Parce qu'elle est la charte fondamentale de l'Etat, la
constitution doit l'emporter sur toutes les autres règles juridiques
adoptées par les organes institués, qu'ils soient
législatifs ou réglementaires. Ceci rend évidement
souhaitable que l'on puisse distinguer la loi constitutionnelle, qui est au
sommet de la hiérarchie des normes juridiques, des autres règles
en vigueur dans l'Etat et notamment des règles ordinaires votées
par les organes législatifs.
Cette distinction ne sera jamais mieux marquée
qu'à l'occasion des révisions de la constitution initiale : c'est
à ce moment seulement que l'on pourra constater si la primauté de
la constitution se manifeste formellement13. D'où la
distinction des constitutions rigides (1) et des constitutions souples (2).
A. LES CONSTITUTIONS SOUPLES
En principe, la constitution est dite souple lorsqu'elle peut
être modifiée comme le serait une simple loi, par la
procédure législative ordinaire. Ceci
13 Philippe ARDANT, Op Cit, p 76
implique qu'il y a pas la suprématie de la constitution
sur la loi parce qu'il y a aucune différence entre les lois
constitutionnelles et les ordinaires dès lorsqu'elles s'identifient et
se situent à la même place dans la hiérarchie des
règles juridiques.
Cette souplesse de la constitution s'identifie selon que la
constitution est écrite ou coutumière (1), et aussi ses avantages
et inconvénients (2).
1. Les constitutions écrites et les constitutions
coutumières
a. Les constitutions écrites souples
Le cas extrême est celui où une constitution
écrite ne prévoit pas de procédure spéciale de
révision14.
Mais la référence à la souplesse et
relative et n'est pas réservée aux constitutions modifiables par
une simple loi. On dira ainsi qu'une constitution dont la révision doit
être approuvée par les chambres par la majorité 2/3, est
plus souple qu'une autre pour laquelle la majorité exigée est
3/4, de même si la révision est impossible dans les cinq
premières années de la promulgation de la constitution, celle-ci
est moins souple qu'une révisable sans condition de délai.
b. Les constitutions coutumières
On qualifie généralement de souple les
constitutions coutumières et l'on donne l'exemple de la Grande Bretagne
où, la constitution peut être entièrement changée
par le parlement votant une simple loi. Est-ce que le parlement ne pourrait un
jour donner aux britanniques une constitution écrite (souple ou rigide)
?
En droit l'analyse est tout à fait exacte, mais en
même temps, politiquement, il ne sera pas du toujours facile de rompre
avec une tradition séculaire à laquelle le peuple peut être
très attaché, il faudra des circonstances assez
particulières pour que la révision par la loi soit
acceptée sans tensions. Cela donne une certaine rigidité aux
constitutions coutumières15 .
14 Philippe ARDANT, Op Cit, p 77
15 Idem
2. Avantages et inconvénients des constitutions souples
a. Avantages
Les avantages que nous offre actuellement une constitution
souple, est qu'elle préserve et est compatible avec la conception de
l'Etat de droit, en ce sens que la supériorité de la loi
constitutionnelle sur la loi ordinaire ne débouche sur aucune
conséquence juridique pratique.
b. Inconvénients
L'inconvénient majeur d'une constitution souple, est
que lorsque la souplesse est excessive elle devient dangereuse pour les droits
fondamentaux des citoyens, car elle permet de faire plier le droit devant les
volontés de la majorité du moment16.
B. LES CONSTITUTIONS RIGIDES
Les constitutions rigides sont celles, ne peuvent être
révision que par un organe distinct ou et souvent selon une
procédure différente de celle servant à l'adoption des
lois ordinaires. La différence existant alors, sur le plan organique ou
sur le plan procédural, entre les lois constitutionnelles et les lois
ordinaires marque clairement la suprématie des premières, qui
occupent la première place dans la hiérarchie des normes
juridiques.
Avant de voir les inconvénients et les avantages des
constitutions rigides(2), nous étudierons la portée de la
rigidité constitutionnelle(1).
1. La portée de la rigidité constitutionnelle
La rigidité n'est pas comme le terme pourrait le
laisser croire, l'immutabilité, du moins l'immutabilité
complète. Celle-ci a été parfois, mais vainement
proposée, elle est conciliable avec les mouvements de la vie.
L'expérience contemporaine montre que, pratiquement ou
théoriquement elle est écartée. Il peu y avoir une
immutabilité partielle(a) ou une immutabilité temporaire(b).
a) L'immutabilité partielle.
Il ya immutabilité partielle, lorsque certains principes
ou institutions sont
déclarées intangibles. Ainsi, souvent
certaines constitutions ne permettent
16 Dominique TURPIN, Droit Constitutionnel
3e édition, Paris, PUF, 1997. P 85
pas de porter atteinte à la forme républicaine du
gouvernement. Une proposition ou projet de révision en ce sens est,
donc, irrecevable.
b) L'immutabilité temporaire
Il y a immutabilité temporaire lorsque la constitution
n'est pas susceptible de révision pour temps détermine.
Pour le reste, la rigidité, opposée à la
souplesse constitutionnelle, tient dans la différence entre le mode
d'élaboration de la loi ordinaire et de la loi constitutionnelle de
révision. Elles consistent en ce que les seconds soient sensiblement
plus ardus que les premiers.
Les obstacles sont multipliés sur la voie des
révisionnistes à tel point qu'aucune constitution ne peut
être révisée régulièrement17
2. Avantages et inconvénients des constitutions rigides
Les constitutions rigides sont apparues à la fin du XVIIIe
siècle. Elles présentent des avantages (a) et des
inconvénients (b).
a. Avantages
· Cette volonté de rendre ainsi plus difficile la
modification de la constitution, relève d'une certaine méfiance
à l'égard du législateur. On souhaite exclure un certain
nombre de règles et des principes des procédures habituelles
considérées comme suffisamment protectrices de ses
compétences18.
· L'existence d'une procédure spéciale
souligne à la fois la vocation durable du texte et de la gravité
de toute modification du pacte originaire; on veut éviter les
décisions hâtives, inspirées par les circonstances ou
votées par des majorités passagères19.
· Les constitutions rigides établissent des
procédures de révision dont le degré difficulté est
variable l'une à l'autre et par là le degré de
17 Marcel PRELOT et Jean BOULOUIS, Institutions
Politiques et Droit Constitutionnel 11è édition, Paris, Dalloz,
1990, P242
18 Philippe ARDANT, Op Cit, p 77
19 Idem
rigidité joue sur les autorités qui peuvent
l'initier, le délai, les conditions de majorité, etc. Ainsi elles
ne peuvent pas être
Révisées par n'importe qui, n'importe comment et
n'importe quand.
b. Inconvénients
A la notion de constitution rigide se rattache deux
conséquences importantes :
· Le législateur ne pouvant modifier librement la
constitution ne peut non plus voter des lois ordinaires qui lui seraient
contraires, il y aurait la révision déguisée de la
constitution20 ;
· Le législateur, le gouvernement et tous les
organes institués par la constitution ne peuvent renoncer à
exercer les attributions qu'elle leur confie, ils détiennent des
compétences et non des droits dont ils seraient propriétaires,
ils ne peuvent en disposer. Abandonner un pouvoir inscrit dans la constitution
équivaut en effet en une révision implicite de la constitution,
celle-ci a désigné un titulaire, qui n'est pas libre de s'en
décharger sur un autre21. Tout dépend à cet
égard des modalités de révision.
§2. LA MISE EN OEUVRE DE LA REVISION
La révision de la constitution est exercée par un
organe (A), en suivant une procédure (B) et ce pouvoir connait des
limites(C).
A.ORGANE
Avant d'examiner la théorie du parallélisme des
formes(3) et la théorie du pouvoir spontané de
révision(2), nous allons d'abord appréhender quelques notions sur
l'organe de révision de la constitution(1).
1. NOTION
20 Philippe ARDANT, Op Cit, P 77
21 Idem
Il ya une grande variété de situation
possibles, qu'on peut cependant ramener à deux catégories
comportant des nombreuses variantes. Dans une première série des
situations, ce sont des représentants élus qui sont investis,
seuls et de manière exclusive, du pouvoir constituant
dérivé. Mais on peut subdiviser selon une premier
modalité, ces représentants peuvent avoir été
élus spécialement pour procéder à la
révision, ils composent alors ce qu'on appelle une convention,
d'après une terminologie d'origine américaine. Selon une autre
modalité, il s'agit tout simplement des représentants composant
les assemblées parlementaires mais on doit supposer que pour la
révision, ils siègent dans la formation différente de
celle prévue pour le vote des lois ordinaires.
En effet, dans le cas contraire la constitution serait
souple. Dans une seconde série, sont investis du pouvoir constituant
dérivé d'une part, ces mêmes représentants
élus dans les conditions qui viennent d'être
évoquée, d'autre part, soit le peuple se prononce par
référendum de ratification, soit dans le cas des Etats
fédéraux, les Etats membres, qui se prononcent par
l'intermédiaire de leurs assemblées. Ces formules rendent la
constitution rigide22.
2. Théorie du pouvoir spontané de
révision
Cette théorie a été l'objet d'une
polémique ; certains ont soutenu la thèse de
l'illégitimité d'une désignation préalable des
organes de révision ou de la détermination de la
procédure. Selon SIEYES, le peuple ne saurait faire abandon de son
pouvoir constituant à une autorité quelle qu'elle soit. A lui
seul appartient le droit de changer, en dehors même de toute forme,
l'acte constitutionnel.
Accepter les entraves d'une règle positive serait
l'exposer la liberté sans recours « car il ne faudrait qu'un moment
de succès à la tyrannie pour dévouer les peuples, sous
prétexte de la constitution, à une forme
22 Pierre PACTET, Op Cit, P 76
telle qu'il ne leur serait plus possible d'exprimer librement
leur volonté et, par conséquent, se secouer la haine du
despotisme .>>23
L'exercice de la volonté de la nation est libre et
indépendante de toutes règles civiles. De quelle que
manière qu'une nation veuille, il suffit qu'elle veuille. Toutes les
procédures lui sont bonnes. La nation a le droit imprescriptible de
changer sa constitution24.
3. Théorie du parallélisme des formes.
Selon d'autres auteurs, le pouvoir constituant
dérivé est soumis à la règle dite du <<
parallélisme des formes >>. C'est un principe
général du droit, aussi bien de bon sens, que celui qui est
compétent pour accomplir un acte est aussi compétent pour le
modifier ou l'abroger25.
En conséquence, le pouvoir constituant
dérivé appartiendrait au même organe que le pouvoir
constituant originaire et suivrait la même procédure que celle-ci.
J.J. ROUSSEAU, admet que la constitution puisse imposer pour sa révision
l'emploie des formes dont elle a usé pour sa confection : << Il
est contraire à la nature du corps social de s'imposer des lois qu'il ne
puisse abroger, mais il n'est ni contraire à la nature, ni même
solennité qu'il met pour les établir >>26. Mais
sans que le parallélisme soit absolu, il y aura souvent des grands
analogues entre les modes de révisions et ceux d'établissement.
On distinguera, de même que pour ces derniers, des modes
démocratiques(a), monocratiques(b) et mixtes(c).
a. Les formes démocratiques de révision
De très nombreuses combinaisons sont possibles pour
compliquer la procédure ou pour modifier les organes. Les unes portent
sur la représentation (1°) et les autres sur le caractère
semi -direct (2°).
1°. La nature représentative ou semi
-représentative
23 Marcel PRELOT et Jean BOULOUI, Op Cit, p 243
24 Idem
25 V. Joseph-BARTHELEMY, La distinction des lois
constitutionnelles et des lois ordinaires dans la monarchie de
juillet, Paris, RDD, 1909, P.7.
26 Idem
Elle comporte :
· Soit la désignation d'un organe particulier :
l'assemblée de révision constituante, convention sans
compétence législative, de façon tantôt absolue,
tantôt hors de cas d'urgence ;
· Soit l'élection des assemblées normales
renforcées, soit par réélection des assemblées
ordinaires avant la révision ;
· Soit l'utilisation des assemblées existantes, la
réunion en congrès des chambres ;
· Soit l'attribution préalable à leur
élection, du pouvoir constituant aux assemblées ordinaires.
2°. Le caractère semi- direct
Le peuple intervient comme organe de ratification, ou encore
il prend l'initiative. Celle-ci consiste en une demande présentée
par un nombre déterminé des citoyens ayant le droit de vote et
réclamant l'adoption d'un nouvel article constitutionnel ou l'abrogation
ou la modification des articles déterminés de la constitution en
vigueur, la demande d'initiative pouvant revêtir la forme d'une
proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet
rédigé de toute pièce.
Mais aussi, une structure fédérale peut
permettre encore d'autres complications. Ainsi l'amendement d'une constitution
dans un Etat fédéral suppose l'intervention non seulement du
congrès, mais encore du corps législatif des Etats.
b.Les formes monocratiques de révision
Comme pour le pouvoir originaire, il y a lieu de distinguer
les chartes établies par l'octroi d'un pouvoir traditionnel (1°) et
les constitutions issues de dictatures de fait (2°).
1°. L'octroi
Il comporte en principe un caractère irrévocable :
le pouvoir absolu abandonné ne peut être ressaisi. La charte
concédée l'est à toujours. En
revanche, rien n'empêche l'octroi des nouvelles
libertés. Celle-ci pourrait perdre l'aspect extraordinaire d'une
nouvelle charte, mais il est plus aisé de recourir à l'accord des
trois pouvoirs : le roi, les paires et les députés
c'est-à-dire la voix législative ordinaire. La charte
octroyée se modifie alors comme la charte- pacte.
2°. La concession dictatoriale
Elle se heurte aux mêmes difficultés de
révision que la concession par l'octroi. Généralement,
cherche à voiler son action personnelle derrière des
sollicitations ou interventions extérieurs. Pour modifier la
constitution, il utilise le sénat-consulte, c'est-à-dire il
recourt à l'assemblée la plus dépendante de luimême.
Ce sénatus-consulte est une improvision comme le suggère
TALLEYRAND qui fait l'objet d'une utilisation systématique qui lui
permet de transformer une constitution souple en constitution rigide.
c.Les formes mixtes de révision
Comme dans l'exercice du pouvoir constituant originaire, il y
a combinaison possible de la monocratie avec la démocratie semi-direct
et même semireprésentative. Le sénatus-consulte se combine
avec le plébiscite lors des modifications importantes conduisant du
consulat à l'Empire.
La révision constitutionnelle fait appel à la
fois à une habilitation par les élus (forme
semi-représentative), à une rédaction et à une
promulgation par l'exécutif (forme monocratique) et à une
acceptation par le peuple (forme semidémocratique)27.
Toutes ces différentes formes de révision suivent
une certaine procédure.
B.PROCEDURE DE REVISION
La révision de la constitution résulte d'une
mise en oeuvre du pouvoir constituant institué ou dérivé.
Si les constitutions souples se révisent aisément, selon la
procédure d'adoption d'une loi ordinaire (1), les constitutions rigides
utilisent un processus en plusieurs phases (2).
27 Marcel PRELOT et Jean BOULOUIS, Op cit, P 245
1. LA PROCEDURE DE REVISION D'UNE CONSTITUTION SOUPLE Elle
comporte l'initiative (a) et l'adoption (b).
a. L'initiative
Elle appartient au chef de l'Etat, au gouvernement, à
chaque chambre du parlement à l'initiative d'un ou plusieurs de ses
membres et à la population par voie de pétition. Chacune de ces
initiatives est soumise aux deux chambres réunies en congrès, qui
en examine le bien fondé. C'est donc le congrès qui
apprécie la nécessité de la révision.
b.L'adoption
Elle est faite soit par le peuple par voie de
référendum, soit le congrès à une majorité
importante de ses membres. C'est l'étape de la validation
définitive de la révision.
1. PROCEDURE DE REVISION D'UNE CONSTITUTION RIGIDE
La révision d'une constitution rigide comporte des
formes contraignantes et des conditions difficiles à réunir. La
complication de la procédure à pour but d'éviter les
révisions trop faciles. Cette procédure comporte plusieurs phases
dont : l'initiative (a), la révision proprement-dite (b) et la
ratification de cette révision (c).
a.L'initiative de la révision
Elle peut appartenir soit concurremment au président
de la république sur proposition du premier ministre, et aux membres du
parlement ; soit exclusivement réservée au seul parlement ou au
seul exécutif, mais aussi le peuple peut intervenir seul à ce
niveau.
La procédure concurrente institue en
réalité une fausse symétrie car seules les
révisions proposées par l'exécutif est
singulièrement par le chef de l'Etat car la proposition du premier
ministre est purement formelle, ont quelques chances d'aboutir28.
28 Dominique TURPIN, Op Cit, P 88
Une initiative parlementaire est certes possible, mais elle
conduit nécessairement à une révision par voie
référendaire, ce que le chef de l'Etat et le chef du gouvernement
doivent éviter, par la crainte de dérapages
xénophobes29. b.La révision proprement-dite
Elle doit être votée par les deux
assemblées en termes identiques. Ici la volonté de la chambre
ayant le plus grand effectif, suffit pour bloquer définitivement un
processus de révision souhaité par le chef de l'Etat, l'autre
chambre ou l'opinion et cela est surtout remarquable lorsque cette chambre
n'est pas initiatrice de cette révision.
Cet incongru de droit de veto accordé à la
chambre la plus peuplée du parlement, traduit le rôle que certains
constituants, avaient initialement souhaité faire jouer à ce
dernier. A ce sujet THIERS écrit en ce sens : « c'est la plus
sotte, la plus absurde, la plus impraticable constitution ...tout son esprit
est dans sa perfidie, dans les conditions exigées qui rendent sa
révision impossible. Nous y sommes comme dans une souricière
>>30.
Pour tenter de contourner cet obstacle, à coté
de cette « procédure omnibus >>, on peut recourir au
référendum populaire.
c.La ratification de la révision
La révision est définitive après avoir
été approuvée par référendum. Mais ce
recours au peuple peut être évité, alors que le parlement
lui, ne peut pas l'être.
Si le président décide de soumettre le projet
de révision au parlement convoqué en congrès, qui doit
alors l'approuver à la majorité des trois cinquièmes des
suffrages exprimés. Ce procédé est destiné à
être utilisé pour des révisions mineures ou techniques,
nécessitant pas qu'on déroge le peuple.
On précisera aussi que, d'une part la voie du
congrès n'est ouverte que pour les projets de révision
c'est-à-dire résultant d'une initiative présidentielle, et
d'autre part, que celle du référendum à
préséance sur celle du congrès.
29 Idem
30 Dominique TURPIN, Op Cit, P89
Notons en fin que la révision constitutionnelle doit
avoir une procédure assouplie, dans une optique de
rééquilibrage des compétences entre le chef de l'Etat, les
deux chambres et la nation, dont la réunion forme le pouvoir
constituant31 ; car :
· Si la constitution n'assouplie pas sa phase
initiative, lorsque les deux chambres votent un même texte, l'option du
président da la république entre la ratification par
référendum ou par procédure du congrès est
également offerte dans le cadre des propositions de révision
d'origine parlementaire ;
· Mais aussi pour prévenir les blocages, le chef
de l'Etat peut soumettre au référendum un projet ou une
proposition de révision non adoptée en termes identiques par les
deux chambres, après deux lectures par chacune d'elles, à
condition que l'une de deux lui ait apporté les trois cinquièmes
des suffrages exprimés ;
· Et surtout en fin sans évoquer
l'établissement d'une coutume constitutionnelle, pendant la
période de cohabitation, le chef de l'Etat peut s'arroger un droit veto
lui permettant, de donner la décision de soumettre un projet de
révision au parlement réuni en congrès plutôt qu'au
peuple ; mai la procédure normale de révision pourra être
réactivée plus tard par un autre chef de l'Etat, se trouvant dans
contexte politique différent.
La constitution détermine la procédure de sa
révision, mais en plus de ces multiples phases, le pouvoir de
réviser la constitution peut connaitre des limitations.
B.LES LIMITES DE LA REVISION
Un peuple a toujours le droit de revoir, de réforme et
de changer sa constitution. Une génération ne peut assujettir
à ses lois les générations futures. Malgré tout,
certaines limitations au pouvoir de révision sont parfois
instituées,
et les organes exerçant le pouvoir de réviser
la constitution se trouvant ainsi être limités dans leurs
attributions. C'est pourquoi on dit qu'à la différence du pouvoir
constituant originaire, le pouvoir constituant dérivé est par
essence un pouvoir limité.
Nous allons à cet effet distinguer deux types de
limitations : les limitations expresses (1) et les limitations implicites
(2).
1. Les limitations expresses.
Certaines constitutions limitent expressément le
pouvoir de l'organe de révision qu'à l'époque à
laquelle il peut agir (a), à l'objet sur lequel peut porter la
modification (b) et aux circonstances qui entourent l'intervention (c).
a .La limitation de la révision dans le temps
Cette limitation se rapporte à l'époque de la
révision. Il peut ainsi arriver que la révision ne soit
autorisée qu'après certaine échéance. Il y a donc
interdiction de toute révision pendant un certain laps de temps ou
à certaines périodes.
b .Les limites de la révision dans son objet
Il est parfois imposé aux constitutions des
limitations qui portent sur l'objet de la constitution. A titre d'exemple, il
faut signaler l'interdiction de modifier la forme républicaine du
gouvernement qu'imposent presque toute les constitutions.
c .Les limitations quant aux circonstances qui entourent
l'intervention de l'organe de révision
Quelques constitutions interdisent leurs révisions
lorsqu'apparaissent certaines circonstances.
2. LIMITES IMPLICITES
A vrai dire, la nature même du pouvoir constituant
dérivé, c'est-à-dire de l'organe chargé de
révision implique d'autres restrictions plus générales et
découle plus de la lettre des textes. A cet égard, trois
questions se posent :
a. La révision totale est-elle de la compétence du
pouvoir constituant dérivé ?
Deux raisons s'y opposent :
· Crée par la constitution, le pouvoir de
révision ne doit pas abroger la constitution, c'est-à-dire
détruire le fondement de sa propre compétence, ou si l'on
préfère scier la branche sur laquelle on est assis32
;
· Il y a alors ; si les formes légales sont
sauvegardées, ce que l'on appelle une « fraude à la
constitution », une violation de son esprit. La fraude constitutionnelle
est un procédé par lequel l'autorité de révision
utilise ses pouvoirs dans le but autre que celui en vue duquel ils lui ont
été conférés, c'est-à-dire dans le but
d'établir un régime fondamentalement
différent33 .
b. pouvoir constituant dérivé peut-il modifier la
procédure de révision elle-
même ?
C'est ce qui a fait indirectement contester au pouvoir
constituant dérivé, la compétence pour modifier cette
partie -clé de la constitution. Car modifier la procédure de
révision, ce n'est pas seulement transformer une partie de la
constitution. C'est finalement changer l'autorité maîtresse de la
constitution34.
Or, un tel pouvoir ne peut appartenir qu'au souverain
c'est-à -dire au pouvoir constituant originaire.
c. pouvoir constituant originaire peut-il être
substitué au pouvoir constituant dérivé dans la
réalisation d'une forme partielle de la constitution ?
Il semble bien, pour la raison que, qui peut le plus peut le
moins. Mais à condition que l'initiative de la substitution émane
du peuple lui-même. Les gouvernants, eux doivent se conformer à la
constitution et il ne leur appartient pas de s'en affranchir sous
prétexte de donner la parole au peuple35.
32 E. Mpongo-Bokako BAUTULINGA Institutions Politiques
et Droit Constitutionnel, kin, EUA, 2001 , P 101
33 DEBACH(ch), Pontier(J.M), BOURDON(J), RICCI (J.C),
Droit Constitutionnel et institutions Politiques, Paris, L.G.D.J., 1974, P
96.
34 E. Mpongo, Op Cit, P 101
35 Idem