3UNIVERSITE DE BOURGOGNE Faculté de Droit et de
Science politique
Master II Recherche : Protection des droits fondamentaux
et des libertés Mention : Droit Public
DROIT DE LA CONDITION DES ETRANGERS
LES LIMITES DU DROIT APPLICABLE AU REGROUPEMENT
FAMILIAL
Par
Dominique DINGHAT
Sous la direction de : M. ALI BENCHENEB, professeur à
l'université de Bourgogne
REMERCIEMENTS
La présente étude est l'aboutissement de
plusieurs mois de recherches auxquelles un certain nombre de personnes ont
été associées à titres divers : que celles - ci
veuillent bien trouver dans ces quelques lignes un modeste hommage à
leur contribution .
IL m'est agréable d'exprimer ma reconnaissance au
Professeur A. BENCHENEB, mon directeur de mémoire, homme de sciences,
d'esprit et
de tolérance intellectuelle dont les précieux
enseignements ont nourri ma réflexion et qui n' a cessé de me
prodiguer conseils et encouragements tout au long de cette recherche .
SOMMAIRE
1re partie :
ENCADREMENT DE LA NOTION DE REGROUPEMENT FAMILIAL
Chapitre I : Une vision restrictive du droit au regroupement familial en droit
français Section I : Les bénéficiaires du droit
au regroupement familial
Section II : Le réfugié et l'apatride dans
le regroupement familial
Section III : Des conditions strictes d'exercice
du droit au regroupement familial Chapitre II :
Vers une harmonisation européenne de la notion de
regroupement familial
Section I : Le pacte européen sur
l'immigration et le programme pluriannuel de la commission européenne
Section II : Le regroupement familial et le
droit communautaire
IIe partie :
LE CONTRÖLE JURIDICTIONNEL DU REGROUPEMENT FAMILIAL
Chapitre I : Le contrôle du regroupement familial par les juridictions
européennes
Section I : Le contenu du contrôle
exercé par la Cour européenne des droits de l'Homme
Section II : Le rôle de la Cour de justice de
l'Union européenne
Chapitre II : Le contrôle par les juridictions
françaises du droit au regroupement familial
Section I : Le regroupement familial : un
principe à valeur constitutionnelle Section II : Le
regroupement familial : un principe général du droit
Principales abréviations
AFDI : Annuaire français de droit
international
AJDA : Actualité juridique de droit
administratif
AJ Fam : Actualité juridique famille
Ass. : Assemblée
Ass. Plén. : Assemblée
plénière
Bull. civ. : Bulletin des arrêts de la Cour de
cassation (chambres civiles)
CA : Cour d'appel
CAA : Cour administrative d'appel
Cah. dr. eur. : Cahiers de droit
européen
Cass. civ. 1re : Cour de cassation, Première
Chambre civile
CE : Conseil d'État Cf. Se rapporter à
Chron. : Chronique Comm. : Commentaire
Comm. EDH : Commission européenne des droits de
l'Homme
Concl. : Conclusions cons. : Considérant Cons.
const. : Conseil Constitutionnel
Cour EDH : Cour européenne des droits de
l'Homme
CJCE : Cour de justice des Communautés
européennes
D. Recueil Dallez déc. :
Décision
Dr. adm. : Revue mensuelle du Jurisclasseur - Droit
administratif
Dr. fam. : Revue mensuelle du Jurisclasseur - Droit de la
famille
Dr. soc. : Droit social éd. :
Édition
Gaz. Pal. : Gazette du Palais
Gr. ch. : Grande chambre
Hudoc : Recueil en ligne des décisions et des
arrêts de la Commission et de la Cour
européenne
inf. rap. : Informations rapides
JCP G : Jurisclasseur Périodique (édition
générale) JDI : Journal de droit international
(Clunet)
JOUE : Journal officiel de l'Union
européenne
JOCE : Journal officiel des Communautés
européennes
JORF : Journal officiel de la République
française
jurispr. : Jurisprudence
n° : Numéro
not. : Notamment
obs. : Observations
par. : Paragraphe
préc. : Précité rapp. :
Rapport
Rappr. : Rapprocher de
Rec. : Recueil
Rec déc. : Recueil des décisions de la
Commission européenne des droits de l'homme Rec Lebon : Recueil des
décisions du Conseil d'État
req. : Requête
Rev. adm. : Revue administrative
Rev. crit. DIP : Revue critique de droit international
privé
RD publ. : Revue du droit public et de la science
politique en France et à l'étranger RD sanit. soc. : Revue de
droit sanitaire et social
RFD adm. : Revue française de droit
administratif
RFD const. : Revue française de droit
constitutionnel
RGDI publ. : Revue générale de droit
international public
RID comp. : Revue internationale de droit
comparé
RJPF : Revue juridique - Personnes et famille
RRJ : Revue de recherche juridique - Droit
prospectif
RTD civ. : Revue trimestrielle de droit civil
RTD eur. : Revue trimestrielle de droit
européen
RTDH : Revue trimestrielle des droits de
l'homme
RUDH : Revue universelle des droits de
l'Homme
S. : Sirey
sect. : Section somm. : Sommaire
somm. comm. : Sommaire commenté
spéc. : Spécialement
T. : Tables
T. civ. : Tribunal civil
TGI : Tribunal de grande instance
T A : Tribunal administratif
V. : Voir
INTRODUCTION
« L'Allemagne est faite pour y voyager, l'Italie pour y
séjourner, l'Angleterre pour y penser, la France pour y vivre
»1. Cette pensée de Jean le Rond d'Alembert est-elle
encore vraie aujourd'hui ? La France est-elle toujours cette terre propice
à l'épanouissement de l'homme dans son individualité et
dans sa vie familiale?
Manifestation de la souveraineté de l'État, le
droit des étrangers est relativement récent2
Adoptée par le gouvernement provisoire, l'ordonnance n° 45-2658 du
2 novembre 19453 a été le premier texte qui a
défini une véritable politique d'immigration. A partir de 1945,
l'immigration étrangère en France reste encore marginale. Le 2
novembre 1945 a lieu le vote de l'ordonnance sur l'entrée et le
séjour des étrangers en France, avec la création de
l'O.N.I (Office National d'Immigration), à qui il est notamment
confié la tâche d'introduire les familles de
travailleurs4, et permet à l'État d'avoir le monopole
de l'introduction de la main d'oeuvre étrangère. Trois cartes de
séjour sont instaurées (1,3 et 10 ans) ; l'immigration des
familles est souhaitée dans une optique démographique,
l'accès à la nationalité est libéralisée par
une ordonnance du 18 octobre 1945. La France s'efforça d'accueillir les
familles des travailleurs auxquels elle avait fait appel : dès 1947, une
circulaire du Ministre de la Santé et de la Population5
insistait sur l'importance de l'immigration des familles des travailleurs
étrangers pour la réussite des opérations d'introduction
en France de la main d'oeuvre et de l'intégration de celle-ci dans
l'ensemble du corps social français.
Pourtant, malgré les nombreuses interventions
réglementaires en matière de condition des étrangers, le
regroupement familial ne fait l'objet d'aucune disposition particulière,
et le Ministère de la Population est donc libre de fixer les conditions
de la venue de la famille de l'immigré. En revanche, à cette
époque, l'immigration familiale est toutefois l'un des impératifs
les plus pressants de la politique à l'égard des étrangers
; en effet l'intégration de l'enfant apparaît comme la condition
majeure de la réussite de la politique d'immigration, qui accorde
dès cette époque une place prépondérante aux
facteurs d'intégration. La France semble avoir
préféré une immigration de
1 Cité par P. GRANT in thèse : La
protection de la vie familiale et de la vie privée en droit des
étrangers, coll. Genevoise, 2000, p. 2
2 Pour une présentation de l'évolution de la
politique migratoire en France, voir not. : F. JULIEN-LAFERRIERE, Droit des
étrangers, PUF, coll. Droit fondamental.
3 Ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative à
l'entrée et au séjour des étrangers en France et portant
création de l'Office National d'Immigration, JORF, 4 novembre
1945, p. 7225.
4 Cf. art. 1er du Décret n°46-550 du 26 mars 1946
.
5 Cf. JO 1947, p. 1230
peuplement à une immigration de main-d'oeuvre, même
si cette option sera plus ou moins remise en cause au gré des
fluctuations de la conjoncture économique.
Cette volonté d'intégration se concrétise
en 1976, lors qu'est adopté un décret6 qui
énonce de façon libérale les conditions que doivent
remplir les membres de la famille d'un travailleur étranger pour entrer
et séjourner en France. Très rapidement le gouvernement
français semble regretter cette politique en faveur de l'immigration
familiale et essaie d'en atténuer certains effets. A cette fin, il
adopte en 1977 un décret interdisant le regroupement des membres de la
famille aspirant à accéder au marché du travail .
Le recours pour excès de pouvoir qui frappe ce
décret, donne l'occasion au Conseil d'État7 de
reconnaître l'existence d'un principe général du droit
comportant la « faculté pour les étrangers de faire venir
auprès d'eux leur conjoint et leurs enfants mineurs8 » :
il annule ainsi le décret du 10 novembre 1977. A une époque
marquée par la crise économique et par la volonté de
restreindre le plus possible l'immigration, cette décision fait de la
France un « modèle en matière de regroupement familial
»9
Depuis cette date, les différentes lois adoptées
en matière migratoire contiennent des règles qui concernent
directement les étrangers qui justifient d'une vie familiale, qu'il
s'agisse des règles relatives à l'entrée et au
séjour des étrangers ou de celles ayant trait à la
protection contre l'éloignement. Depuis la codification des
règles énoncées dans l'ordonnance du 2 novembre
194510, la politique de l'immigration est désormais traduite
au plan juridique dans le Code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile qui regroupe l'ensemble des dispositions
législatives et réglementaires qui régissent cette
matière.
L'analyse des règles françaises relatives au
droit des étrangers présente un intérêt particulier
dans la mesure où le régime de la police des étrangers est
un exemple emblématique du phénomène de l'inflation
législative. Le recours à des principes intangibles, tels les
droits et libertés fondamentaux de l'homme, s'avère salvateur,
car il est de nature à assurer une plus grande stabilité du droit
des étrangers.
6 Décret du 29 avril 1976
7 Cf. arrêt GISTI du 5 décembre 1978, les grands
arrêts de droit administratif, 9ème éd., n°110, concl.
Dondoux, AJDA 1979 p.3
8 Conclusions Dondoux précitées.
9 Cf F. JAULT, Thèse, le regroupement familial en
droit comparé français et allemand, p. 7
10 Ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative
à la partie législative du Code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile, JORF, 25 novembre 2004,
p. 19924.
En France, en matière de droit des étrangers, les
réformes se succèdent au rythme des changements de
majorités parlementaires11, voire parfois des alternances de
ministres appartenant à la même majorité
gouvernementale12. Il a d'ailleurs été proposé
un nouvel adage susceptible de compléter et d'actualiser les
Institutes coutumières de Loisel : « Si change la
majorité, change le droit des étrangers »13
Les promoteurs de ces lois invoquent la priorité et la
nécessité de réformer le droit des étrangers. Mais,
à force de légiférer dans l'urgence et par complaisance au
profit de tel ou tel électorat ou groupe de pression, il n'est pas
certain que la démocratie ressorte grandie de ce nouveau mode
législatif reposant sur un « rafistolage » permanent des
textes. La succession effrénée des réformes du statut des
étrangers n'est pas le meilleur gage d'une politique normative
cohérente. Quelles que soient les attentes supposées des citoyens
en ce domaine, un droit plus stable serait bienvenu afin de donner plus de
crédit à la sécurité juridique des
étrangers.
Le droit des étrangers peut être défini comme
l'ensemble des règles de police qui régissent les conditions
d'entrée, de séjour et d'éloignement des étrangers
sur le territoire français. Il définit le
11 Loi n° 80-9 du 10 janvier 1980
relative à la prévention de l'immigration clandestine et
portant modification de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative
aux conditions d'entrée et de séjour en France des
étrangers et portant création de l'office national de
l'immigration, (dite Loi Bonnet), JORF, 11 janvier 1980, p. 71; -
Loi n° 81- 973 du 29 octobre 1981 relative aux conditions
d'entrée et de séjour des étrangers en France (dite Loi
Questiaux), JORF, 30 octobre 1981, p. 2970 ; Loi n°
84-622 du 17 juillet 1984 portant modification de l'ordonnance du 2
novembre 1945 et du Code du travail et relative aux étrangers
séjournant en France et aux titres uniques de séjour et de
travail, JORF, 19 juillet 1984, p. 2324 ; Loi n° 86-1025
du 9 septembre 1986 relative aux conditions d'entrée et de
séjour des étrangers en France (dite Loi Pasqua), JORF,
12 septembre 1986, p. 11035 ; - Loi n° 89-548 du 2 août 1989
relative aux conditions d'entrée et de séjour des
étrangers en France (dite Loi Joxe), JORF, 8 août 1989,
p. 9952 ; Loi n° 90-34 du 10 janvier 1990 modifiant
l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de
séjour des étrangers en France, JORF, 12 janvier 1990 ;
Loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991
renforçant la lutte contre le travail clandestin et la lutte
contre l'organisation de l'entrée et le séjour irréguliers
d'étrangers en France, JORF, 1er janvier 1992, p.15 ;
Loi n° 92-190 du 26 février 1992 portant
modification de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions
d'entrée et de séjour des étrangers en France,
JORF, 29 février 1992, p.3094 ; Loi n° 93-1027 du
24 août 1993 portant modification de l'ordonnance du 2 novembre
1945 et relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions
d'entrée et de séjour des étrangers en France, JORF,
29 août 1993, p. 12196 et la Loi n° 93-1417 du 30
décembre 1993 portant diverses modifications relatives à
la maîtrise de l'immigration et modifiant le Code civil, JORF,
1er janvier 1994, p.11 ; Loi n° 97-396 du 24 avril 1997
portant diverses dispositions relatives à l'immigration (dite Loi
Debré), JORF, 25 avril 1997, p. 6268 ; Loi n°
98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au
séjour des étrangers en France et au droit d'asile,
JORF, 12 mai 1998, p. 7087 ; Loi n°2003-1119 du 26
novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au
séjour des étrangers en France et à la nationalité,
JORF, 27 novembre 2003, p. 20136 ; Loi n° 2006-911 du 24
juillet 2006 relative à l'immigration et à
l'intégration, JORF, 25 juillet 2006, p. 11047 ; Loi
n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la
maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à
l'asile, JORF, 21 novembre 2007, p. 18993.
12 Depuis 2003, cinq lois intéressant la politique
migratoire ont été adoptées : la loi n°2003-1119 du
26 novembre 2003, relative à l'immigration, au séjour des
étrangers en France et à la nationalité, la loi n°
2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25
juillet 1952 relative au droit d'asile, la loi n° 2006-911 du 24 juillet
2006, relative à l'immigration et à l'intégration, la loi
n° 2006-1376 du 14 novembre 2006 relative au contrôle de
validité des mariages et la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007
relative à la maîtrise de l'immigration, à
l'intégration et à l'asile. Elles ont respectivement
été défendues par Messieurs Sarkozy, De Villepin, Sarkozy,
Clément et Hortefeux.
13 H. FULCHIRON, Réforme du droit des étrangers,
Litec, coll. Carré droit, novembre 1999, p. 1.
contrôle des entrées et de l'établissement
sur le territoire français, organise la protection du marché
national du travail et assure la sauvegarde de l'ordre public. Rationae
personae, le droit des étrangers a un champ d'application restreint
puisqu'il vise les personnes qui n'ont pas la nationalité
française. La qualité d'étranger se définit au
prisme du critère juridique de la nationalité. Est
considéré comme étranger, tout individu qui n'a pas la
nationalité française, qu'il ait une nationalité
étrangère ou qu'il n'ait pas de nationalité14.
Cette notion ne doit pas être confondue avec celle d'immigré qui
repose sur un critère factuel : le lieu de naissance15. Est
immigrée, toute personne, née dans un État tiers, qui
décide de s'établir en France, indépendamment de sa
nationalité. Partant, stricto sensu, les personnes nées
en France d'ascendants d'immigrés ne peuvent être regardées
comme étant des immigrés. En revanche, elles peuvent être
considérées comme des personnes d'origine étrangère
dont la plupart ont la nationalité française. Les personnes qui
sont nées à l'étranger et qui se sont installés en
France sont des étrangers, au sens de l'article L. 111-1 du Code de
l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
dès lors qu'elles n'ont pas la nationalité française. Le
droit des étrangers intéresse donc toutes les personnes qui ne
peuvent prouver qu'elles possèdent la nationalité
française, quel que soit leur lieu de naissance.
Définie en considération des
nécessités sociales et économiques, la politique
d'immigration est également sensible à l'opinion publique. Au
cours des périodes de prospérité économique et
d'expansion industrielle, les besoins de main-d'oeuvre expliquent les courants
d'immigration. A toute époque, pour pallier la pénurie de
main-d'oeuvre dans certains secteurs économiques, il a été
fait appel à des étrangers. Par exemple, sous la IIIe
République, aucun contrôle n'était exigé des
étrangers s'installant en France pour exercer une profession. Il leur
était seulement demandé de déclarer leur présence
à la mairie de leur résidence. Le recours à la
main-d'oeuvre étrangère s'imposa également au lendemain de
la Première Guerre mondiale et à la Libération en 1945.
Pour faire face aux conséquences économiques de ces combats, qui
ont fait nombre de morts ou d'invalides dans la population active, et pour
permettre la reconstruction de la France, les autorités
françaises ont favorisé l'immigration16. En revanche,
les périodes de crise économique, au cours desquelles
l'hostilité de l'opinion se fait plus prégnante, conduisent les
autorités publiques à adopter des dispositions visant à
ralentir l'afflux d'étrangers sur le territoire. Par exemple, pour
affronter la crise de 1929, des mesures restrictives ont été
votées. La loi du 10
14 Cf. article L. 111-1 du CESEDA
15 Sur la distinction entre ces différents termes, voir
not. : F. JULIEN-LAFERRIERE, droit des étrangers, pp. 14-16.
16 Avec le vote de l'ordonnance du 2 novembre qui devait
permettre de combler le vide démographique en accueillant des familles
étrangères.
août 1932 a durci les conditions d'entrée sur le
territoire français et a interdit la régularisation des
étrangers clandestins. Afin de protéger la main-d'oeuvre
nationale, elle a également autorisé le gouvernement à
prendre des décrets fixant des quotas par profession17. De
même, le choc pétrolier de 1973 a incité le Gouvernement
à suspendre l'immigration des travailleurs et des membres de leur
famille, à qui a été opposée la situation de
l'emploi, en juillet 1974. Depuis cette date, la maîtrise de
l'immigration est devenue un enjeu politique majeur, dont la succession des
législation , depuis la loi Bonnet du 10 janvier 1980 jusqu'à la
loi Hortefeux du 20 novembre 2007, est révélatrice. Le contexte
économique, social et démographique détermine donc
largement la venue en France d'étrangers.
Les bouleversements politiques conduisent également
à l'apparition d'une immigration politique. Terre d'asile, la France
accueille les étrangers fuyant leur pays. Ce fut notamment le cas
à la suite de la Révolution russe, des persécutions
antisémites et des répressions nazies, de la victoire franquiste
en Espagne, ou, plus tard de la situation au Liban et dans les pays
d'Amérique latine ou du Sud-Est asiatique. De même, à la
suite de l'indépendance de l'Algérie, en application des Accords
d'Evian qui prévoyaient la libre circulation entre l'Algérie et
la France pour les ressortissants de ces deux pays, des Algériens qui
avaient soutenu l'action de la France ont été accueillis en
France18.
De ces courants d'immigration, qu'ils soient
économiques ou politiques, peut découler un mouvement
d'immigration familiale puisque tout étranger établi sur le
territoire français peut espérer pouvoir vivre avec les membres
de sa famille. Le droit au respect de la vie familiale se trouve donc au coeur
de la mise en oeuvre des choix politiques adoptés en matière
d'immigration pour motif familial.
L'immigration familiale implique une approche globale de la
politique d'immigration dans la mesure où elle intéresse non
seulement la politique des flux de nouveaux migrants, mais également la
politique d'insertion d'une part de l'étranger
régulièrement établi sur le territoire français et,
d'autre part, des membres de la famille qui souhaitent le rejoindre. Au prisme
de la politique menée en matière d'immigration familiale, peut
donc être mesurée la cohérence de la politique
d'immigration dans sa globalité. D'ailleurs, depuis le choc
pétrolier de 1973, la question de l'immigration familiale est au coeur
de l'évolution de la politique migratoire. Elle en est devenue l'un
17 V. D. LOCHAK, Étrangers : de quel droit ? PUF,
1985, p. 139 et s.
18 L'afflux des Algériens a conduit les autorités
françaises a renégocié les Accords d'Evian. Les
discussions ont abouti à l'adoption de l'Accord franco-algérien
du 27 décembre 1968, JORF, 22 mars 1969, p. 2901.
des enjeux essentiels depuis 2003, date à laquelle a
été clairement affirmée l'intention de privilégier
l'immigration « choisie »19 et de limiter l'immigration
subie dont l'immigration familiale est une manifestation.
L'immigration familiale est une immigration de
droit20, puisque les membres de la famille d'un étranger
régulièrement établi ou d'un Français sont admis
sur le territoire français en raison de leur appartenance à l'une
des catégories objectives définies par la législation
relatives à l'entrée et au séjour ou bien de la protection
due au titre du droit au respect de leur vie familiale. Elle est
qualifiée d'immigration subie dans la mesure où l'État ne
fait pas le choix d'accueillir l'étranger en raison de ses
qualités, de ses compétences, de ses mérites ou d'un
besoin particulier pour la France.
La volonté gouvernementale de privilégier une
immigration choisie, c'est-à dire une immigration sélective
favorisant l'immigration de travail, et de limiter l'immigration familiale
explique les restrictions apportées au régime d'entrée et
de séjour en France pour motif familial, qu'il s'agisse de l'admission
en France au titre du regroupement familial ou de l'accès à un
statut stable à raison de l'existence d'un lien familial. La
réaction des pouvoirs publics français à la persistance de
la pression migratoire vers l'Europe n'est pas isolée. Dans la plupart
des pays d'immigration européens, la volonté de limiter la
migration d'établissement est affirmée alors que l'accueil d'une
immigration temporaire, répondant aux besoins structurels du
marché du travail, est souhaité. Dans cette perspective, les
États adoptent des mesures destinées à restreindre
l'immigration familiale, faisant abstraction au fait que l'immigration du
travail peut impliquer de nouveaux flux migratoires liés à
l'immigration familiale, le travailleur étranger pouvant
légitimement revendiquer le droit d'être rejoint par les membres
de sa famille.
De manière habituelle, l'immigration familiale est
associée au regroupement familial. On peut la définir comme un
droit pour un étranger régulièrement établi sur le
territoire français de se faire rejoindre par son conjoint et ses
enfants mineurs de moins de dix-huit ans21. Aussi, l'immigration
familiale intéresse l'ensemble des flux migratoires pour motif familial
dont le
19 A cette fin, le Gouvernement a décidé de
rouvrir l'immigration de travail notamment pour pourvoir les besoins de
main-d'oeuvre avérés dans certains secteurs d'activités ou
dans des zones géographiques caractérisées par des
difficultés de recrutement et d'attirer les talents en facilitant la
venue des meilleurs étudiants et des étrangers hautement
qualifiés.
20 Cf. art.8 de la Convention européenne des droits de
l'homme qui dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie
privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » et
art 63 bis du Traité de l'Union européenne qui affirme en
substance que l'Union développe une politique migratoire visant à
assurer un traitement équitable des ressortissants des pays tiers
même aux fins du regroupement familial.
21 Cf. art. L. 411-1 du CESEDA.
regroupement familial n'est qu'un élément. Doivent
également être pris en considération, la venue des membres
de la famille d'un réfugié ou d'un apatride ainsi que les
hypothèses d'admission en France fondée sur l'intensité
des liens personnels et familiaux. Ainsi, l'immigration familiale, à la
différence du regroupement familial, peut être définie,
comme tout déplacement, individuel ou collectif, pour motif familial, en
vue de constituer, de réunir ou de maintenir une cellule familiale dans
le pays d'accueil ou sur le territoire d'un État dont l'un des membres
de la famille a la nationalité. Elle représente le
volume22 d'entrée d'étrangers le plus important en
France.
Parmi les entrées à caractère permanent
en France23, c'est à dire celle qui concerne les
étrangers recevant une première carte de séjour d'une
durée de validité d'au moins un an, l'immigration familiale est
le premier vecteur d'immigration24. Comparativement, l'immigration
de travail à caractère permanent demeure marginale. Les
entrées en France au titre des migrations familiales sont
mesurées en France au regard de trois catégories de
personnes25 : les étrangers admis en France dans le cadre de
la procédure de regroupement familial, les étrangers qui
rejoignent en France un membre de leur famille de nationalité
française et les étrangers qui ont des liens personnels et
familiaux avec la France et pour lesquels le refus de les autoriser à
séjourner sur le territoire français porterait à leur
droit au respect de la vie privée et familiale, une atteinte
disproportionnée au regard des motifs du refus. Outre ces trois
catégories, le flux migratoire des familles de réfugiés et
d'apatrides26 et des conjoints de scientifiques est également
pris en compte dans les statistiques réalisées par les services
de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations.
Après une évolution relativement importante du nombre d'admission
sur le territoire français pour motif familial jusqu'en 2003, depuis
cinq ans, ce flux migratoire est stable27. Les membres de la famille
de français représentent la catégorie la plus importante
des étrangers qui immigrent pour motif familial. Le regroupement
familial est le deuxième motif d'immigration familiale28.
22 Cf. sixième rapport sur l'immigration, la documentation
française p.58.
23 Les entrées à caractère permanent
intéressent principalement les migrations du travail, les migrations
familiales, l'entrée des visiteurs et des réfugiés. Sont
par ailleurs prises en compte les entrées à caractère
temporaire comme les étudiants, les stagiaires, les
bénéficiaires d'une autorisation provisoire de travail ou les
travailleurs saisonniers.
24 Sur les 83550, 93000, 107550, 124800, 136 400 et 140.100
entrées à caractère permanent 53.850 (64,4%), 64.250
(69,1%), 73.250 (68,1%), 89.550 (71,7%), 100.150 (73,4%) et 102.650 (73,3%)
concernent des migrations pour motif familial respectivement en 1999, 2000,
2001, 2002, 2003 et 2004;
25 Cette classification est adoptée par la Direction de la
population et des migrations.
26 Les membres de la famille de réfugiés et
d'apatrides admis en France étaient respectivement de 943, 1.100, 1.399,
1.450, 1205 et 1.585 en 1999, 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004.
27 Selon les statistiques de l'Agence nationale de l'accueil des
étrangers et des migrations, 102 619 étrangers sont entrés
en France pour motif familial en 2004 contre 100 105, 88 835, 72 611 et 63 609
respectivement en 2003, 2002, 2001 et 2000.
28 Aux fins du regroupement familial , sont entrés en
France 81177 étrangers, Cf. Le sixième rapport sur
Dans l'exercice de sa souveraineté, l'État
français a le pouvoir de décider librement les conditions
d'entrée et de séjour des étrangers sur son territoire.
Toutefois, aujourd'hui, la politique d'immigration subit l'influence
d'instruments internationaux, notamment en matière de droits de l'homme.
Le droit au respect de la vie familiale est l'un des droits fondamentaux qui a
prise sur la politique migratoire des États. Le droit au respect de la
vie familiale est traditionnellement étudié sous ses deux
composantes, d'une part, le droit de fonder une famille et, d'autre part, le
droit de tout individu de ne pas subir d'ingérences dans sa vie
familiale. Il convient dès lors, de mesurer l'emprise du droit au
respect de la vie familiale, entendu comme un mode de protection contre les
ingérences, sur la mise en oeuvre de la politique migratoire familiale.
Le droit au respect de la vie familiale est proclamé dans plusieurs
instruments internationaux et régionaux.
Outre la consécration de la famille en tant
qu'élément fondamental de la société et des
États29, les textes internationaux relatifs aux droits de
l'homme garantissent le droit individuel de toute personne au respect de sa vie
familiale
« Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa
vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni
d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute
personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions
ou de telles atteintes ». L'article 12 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme, adoptée le 10 décembre 1948
par l'Assemblée générale des Nations Unies, protège
donc toute personne contre les atteintes portées à sa famille,
quel que soit son auteur. L'article 17 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques du 16 décembre 1966 rappelle ce droit en
proclamant d'une part que « nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires
ou illégales à son honneur et réputation
»30, et d'autre part , que « toute personne a droit
à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles
atteintes »31.
Trois articles de la Convention de New York de 1989 relative
aux droits de l'enfant intéressent également la protection de
l'unité familiale et soulignent les fonctions protectrices de la famille
pour l'enfant32. Ces instruments internationaux des droits de
l'homme ne visent pas de manière spécifique
l'immigration, La documentation française
p.58.
29 En termes identiques, la Déclaration universelle des
droits de l'homme du 10 décembre 1948 (article 16, paragraphe 3) et le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16
décembre 1966 (art. 23§1) énoncent que la « famille est
l'élément naturel fondamental de la société et a
droit à la protection de la société et de l'État
». Rappr. De l'art. 10§1, du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 : Les
États parties reconnaissent qu'une « protection et une assistance
aussi larges que possible doivent être accordées à la
famille, qui est l'élément naturel et fondamental de la
société, en particulier pour sa formation et aussi longtemps
quelle a la responsabilité de l'entretien et de l'éducation
d'enfants à charge [...] ».
30 Cf. art. 17 § 1 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques de 1966.
31 Cf § 2 de l'art. 17 précité.
32 Cf art. 8§1, art. 9 l'art. 10 §1 de la Convention de
New York de 1989
Art. 8§1 « Les États parties s'engagent
à respecter le droit de l'enfant , de préserver son
identité y compris sa
le sort des étrangers mais, en prenant l'engagement de
respecter les droits et libertés garantis par ces textes, les
États s'obligent à ne pas leur porter atteinte, quels que soient
la nationalité ou l'origine du bénéficiaire du droit ou de
liberté en cause.
Par ailleurs, certains instruments internationaux
intéressent en particulier la vie des étrangers. La protection de
la vie familiale des travailleurs migrants est prise en compte dans plusieurs
textes internationaux. Ainsi, la Convention 143 de l'Organisation
internationale du Travail sur les travailleurs migrants du 24 juin 1975
prévoit que tout État partie doit prendre toutes mesures
nécessaires pour « faciliter le regroupement familial de tous les
travailleurs migrants résidant légalement sur son territoire
». Le regroupement familial apparaît donc clairement comme un
élément essentiel du droit au respect de la vie familiale des
étrangers33.
Au plan régional, plusieurs sources peuvent être
répertoriées. Aux termes de l'article 19, paragraphe 6, de la
Charte sociale européenne du 18 octobre 196134, en vue
d'assurer l'exercice effectif du droit des travailleurs migrants et de leurs
familles à la protection et à l'assistance, les États
s'engagent « à faciliter autant que possible le regroupement de la
famille du travailleur migrant autorisé à s'établir lui
même sur le territoire »35. De même, l'article 12
de la Convention européenne du 24 novembre 197736 relative au
statut juridique du travailleur migrant prévoit que le conjoint et les
enfants mineurs non mariés, qui sont à sa charge, sont
autorisés à rejoindre le travailleur salarié migrant,
ressortissant d'un État partie à la Convention,
déjà résidant sur le territoire d'une partie contractante,
à condition que ce dernier dispose d'un logement considéré
comme normal pour les travailleurs nationaux dans la région où il
est employé. En outre, les États peuvent subordonner le
regroupement familial à la condition que le travailleur migrant dispose
de ressources suffisantes et
nationalité, son nom et ses relations familiales, tels
qu'ils sont reconnus par la loi sans ingérence illégale »
Art 9 « Les États parties veillent à ce que
l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré
à moins que les autorités compétentes ne décident
sous réserve de révision judiciaire et conformément aux
lois et procédures applicables, que cette séparation est
nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une
décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas
particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent
l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une
décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de
l'enfant »
Art. 10 §1 « Conformément à
l'obligation incombant aux États parties en vertu du paragraphe 1 de
l'article 9, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer
dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification
familiale, est considérée par les États parties dans un
esprit positif, avec humanité et diligence. Les États parties
veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande
n'entraine pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la
demande et les membres de leur famille »
33 Cf art. 13 § 1 de la Convention sur les travailleurs
migrants
34 Ratifiée par la France par une loi du 23
décembre 1972, cette charte a été publié par
décret du 4 octobre 1974.
35 Aux fins de cette disposition, les termes »famille du
travailleur » visent au moins le conjoint du travailleur et ses enfants
non mariés mineurs qui sont à sa charge (Charte sociale
européenne révisée du 3 mai 1996 : le texte
révisé est entré en vigueur le 1er juillet 1999 et la
France l'a ratifié par un décret du 4 février 2000).
36 Adoptée par le comité des ministres du Conseil
de l'Europe, elle est entrée en vigueur le 1er mai 1983 et ouvert
stables pour subvenir aux besoins de sa famille.
Ces instruments ont pour but de préserver des
ingérences excessives des autorités publiques. La liberté
ou le droit de tout individu de vivre avec les membres de sa famille et
invitent les États à prendre les mesures adéquates pour
préserver ou assurer l'unité familiale. Rares sont les textes qui
contiennent des dispositions ayant trait au droit des étrangers.
En droit communautaire, le droit des étrangers n'entre
pas non plus directement dans le champ d'application du Traité de Rome,
texte fondateur de la Communauté européenne. Les questions ayant
trait à l'asile et à l'immigration ne sont devenues des
préoccupations communautaires qu'à partir de 1992, date à
laquelle a été adoptée la Traité de Maastricht. Au
regard de la libre circulation des travailleurs, le droit au respect de la vie
familiale est intimement lié à la construction de l'Union
européenne. Pour qu'il puisse s'exercer dans des conditions objectives
de liberté et de dignité, le droit à la libre circulation
exige d'une part, que soit assurée, en fait et en droit,
l'égalité de traitement et, d'autre part, « que soient
éliminés les obstacles qui s'opposent à la mobilité
des travailleurs notamment en ce qui concerne le droit pour le travailleur de
se faire rejoindre par sa famille, et les conditions d'intégration de
cette famille dans le milieu du pays d'accueil »37. Cet
objectif a été consacré dans la directive 2004/38/CE du
Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des
citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de
séjourner librement sur le territoire des États membres. Dans la
mesure où, par ricochet, la libre circulation des citoyens
européens risquait d'être mise en péril si l'unité
familiale n'était pas préservée, le droit communautaire
dérivé en a tiré les conséquences en
prévoyant une protection de la vie familiale. Par ailleurs, la directive
2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 participe également à
la construction d'un statut communautaire de l'étranger en harmonisant
les règles relatives au regroupement familial en vue d'assurer la
protection de l'unité de la vie familiale. En ce domaine, le droit
communautaire est pionnier puisque, jusqu'alors, nul texte international ou
régional ne garantissait en termes clairs et précis le droit des
étrangers à vivre en famille38. S'agissant de cette
harmonisation des règles applicables au regroupement familial en Europe,
la signature du Pacte européen sur l'immigration et l'asile en 2008 en
est une illustration.
37 Préambule du règlement (CEE) n° 1612/68 du
Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des
travailleurs à l'intérieur de la Communauté (cons.5),
JOCE L. 257, 19 octobre 1968, p. 2.
38 Sur la question de l'influence du droit communautaire sur la
situation des migrants, V., J-Y. CARLIER, la condition des personnes
dans l'Union européenne, Précis de la Faculté de
droit de L'université de Louvain, Larcier, 2007.
Nombre de textes39 contenant des règles
relatives au droit au respect de la vie familiale de tout individu,
démontre le caractère primordial de ce droit. Mais, il convient
dès lors de s'interroger sur leur application par les autorités
françaises. Celles-ci, dans l'exercice de sa souveraineté,
peuvent en effet restreindre ce droit à la vie familiale, notamment le
droit au regroupement familial qui retiendra notre attention. Il importe
d'examiner dans quelle mesure l'encadrement du droit au regroupement familial
peut porter atteinte à cette liberté fondamentale qui est, le
droit au respect de la vie familiale. Et de s'interroger sur la place du juge
dans les relations entre l'État et les étrangers s'agissant
notamment du regroupement familial .
.
Dès lors, nous envisagerons la question de
l'encadrement législatif du regroupement familial en droit
français ( première partie), avant, d'examiner
dans quelle mesure le juge intervient pour la bonne application des
règles applicables au regroupement familial, et donc pour veiller
à l'effectivité du droit au respect de la vie familiale
(deuxième partie).
39 Avec notamment la Charte des droits fondamentaux et la
Convention internationale sur les droits de l'enfant.
PREMIERE PARTIE
ENCADREMENT DE LA NOTION DE REGROUPEMENT FAMILIAL
La politique française de l'immigration s'oriente
autour de deux principes : l'un égalitaire, soucieux d'accorder aux
étrangers des droits sans distinction d'origine nationale, religieuse,
raciale ou culturelle. L'autre, fondé sur la présomption de
degrés « d'intégration » dans la nation
française en fonction de l'origine.
L'ordonnance du 19 octobre 1945, complétée par
celle du 2 novembre 194540, portant création du Code de la
nationalité, fait officiellement de la France, un pays ouvert aux
travailleurs immigrés et à leurs familles qui compenseraient la
faible fécondité française. Toutefois, il est
spécifié que « Tout étranger séjournant en
France depuis plus de trois mois doit être en possession d'un titre de
séjour »41. Au cours des trente glorieuses (entre 1945
et 1975), la France allait donc chercher à
l'étranger42 la main d'oeuvre dont elle avait besoin. Elle
bénéficiait également, de manière informelle, de
l'apport important de ses anciennes colonies, mandats, protectorats,
particulièrement le Maroc ou anciens départements français
devenus indépendants, le cas de l'Algérie.
Le démarrage de la crise économique, liée
à la hausse des prix de l'énergie, en 1974, va modifier cette
approche. Les frontières se ferment aux travailleurs étrangers,
mais l'immigration familiale est rétablie dès le début de
1975 et ouvre des négociations avec les pays d'origine. Dans le domaine
culturel, on développe l'enseignement des langues d'origine à
l'école ou la pratique de l'islam dans les entreprises au nom du «
droit à la différence », mais également pour
favoriser le retour éventuel de certaines communautés
immigrés dans leur pays d'origine. En mars 1977, le retour des
immigrés non européens devient l'axe prioritaire. Le
Gouvernement43 considère que le retour des immigrés
est un des moyens propres à faire diminuer le chômage. Ainsi, pour
favoriser les départs, l'on institue une aide au retour volontaire, soit
dix mille francs pour tous ceux d'entre eux qui sont au chômage ou
résident en France depuis plus de cinq ans ; parallèlement, l'on
a restreint l'entrée des familles ou des étudiants. L'incitation
aux départs volontaires s'avèrent peu
40 Préc.
41 Cf. art. 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
42 En Italie, Espagne, Portugal, Turquie, Yougoslavie, etc.
43 Le gouvernement sous Valéry Giscard d'Estaing,
président de la République française jusqu'en 1981.
efficace, le Gouvernement décide en mars 1978,
d'organiser le retour forcé de la majeur partie des étrangers
nord-africains, et plus particulièrement des Algériens.
La loi du 10 janvier 1980, dite loi Bonnet, fait de
l'entrée ou du séjour irrégulier un motif d'expulsion au
même titre que la menace pour l'ordre public. Elle permet par
conséquent, d'éloigner du territoire les clandestins ou ceux dont
le titre de séjour n'a pas été renouvelé, elle
prévoit la faculté de reconduire l'étranger expulsé
à la frontière et de le présenter au juge au bout de sept
jours. En substance, cette loi réforme et étend le champ de
l'expulsion, qui devient la mesure d'éloignement de droit commun.
La loi Peyrefitte44, adopté en
février 1981 parachève le dispositif de contrôle policier
sur la population étrangère en légalisant les
contrôles d'identité à titre préventif. En 1981 et
1982, le Gouvernement Mauroy régularise cent quarante mille clandestins.
La loi du 27 octobre 1981 abroge la loi Bonnet et introduit une série de
garanties nouvelles : l'expulsion ne peut être prononcée que si
l'étranger a été condamné à une peine
égale à un an de prison ferme. Les garanties entourant
l'expulsion sont accrues. En avril 1984, les autorités françaises
instaurent une aide publique à la réinsertion pour les
étrangers privés d'emplois qui acceptent de repartir chez eux. Le
décret du 4 décembre 1984, interdit désormais la
régularisation sur place des conjoints et des enfants. Aussi, la loi du
9 septembre 198645, rend aux préfets le droit de prononcer la
reconduite aux frontières des étrangers en situation
irrégulière. Elle rétablit le régime de l'expulsion
tel qu'il existait avant la loi d'octobre 1981. Elle restreint la liste des
étrangers qui obtiennent de plein droit la carte de résident.
La réélection en 1988, de François
Mittérand ne modifiera guère en profondeur la politique de
l'immigration : la lutte contre l'entrée des immigrés en
situation irrégulière est progressivement renforcée,
tandis que la volonté d'intégrer se manifeste par la
création d'un Haut conseil à l'intégration et d'un conseil
de la communauté musulmane en France.
Il faut dire que plusieurs lois se sont
succédées en matière d'immigration jusqu'en 2003, en
revanche, la loi n° 2006-911, du 24 juillet 2006, relative à
l'immigration et à l'intégration , fait suite à la
directive européenne n° 2003/86/CE, du Conseil du 22 septembre 2003
relative au regroupement familial46 . Cette dernière, devant
être transposée au 3 octobre 2005, érige de nouvelles
règles applicables au regroupement familial, en laissant la
possibilité aux États membres de l'Union européenne, de
réguler la procédure de regroupement familial.
Pour ce qui est de la France, cette possibilité
donnée par la directive, lui a permis de restreindre (Chapitre1)
les conditions du regroupement familial, dans la loi du 20 novembre
2007,
44 Cf
legifrance.gouv.fr.
45 Cf.
legifrance.gouv.fr
46 Cf. journal officiel de l'Union européenne n° L
251, du 3 octobre 2003, p. 12
relative à la maîtrise de l'immigration, à
l'intégration, et à l'asile ; celle-ci, adoptée selon la
procédure d'urgence47, modifie et encadre les conditions du
regroupement familial. Elle complète les lois du 26 novembre 2003 et du
24 juillet 2006 relative à l'immigration et à
l'intégration. Avec l'émergence de telles règles au niveau
européen, et la signature du Pacte européen sur l'immigration et
l'asile, n'allons nous pas, vers une harmonisation de la notion de regroupement
familial ? (Chapitre 2 ).
47 Pour être adopté, un projet de loi fait la
navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat, jusqu'à
ce qu'il soit en termes identiques.
En général, si deux lectures ne suffisent pas
à dégager un accord, une commission mixte paritaire de
députés et de sénateurs se réunit pour trouver un
compromis. Le tout prend au minimum deux mois. Sachant qu'il existe
désormais un délai obligatoire de six semaines entre le passage
d'un texte en conseil des ministres et le début de son examen par le
Parlement. Ainsi, avec la procédure d'urgence, une seule lecture est
organisée à l'Assemblée nationale et au Sénat avant
la réunion de la commission mixte paritaire.
Chapitre 1 : Une vision restrictive du droit au
regroupement familial en droit
français
Le législateur français, pour se conformer aux
textes communautaires, a transposé la directive relative au regroupement
familial, en profitant ainsi, des clauses optionnelles de la directive du 22
septembre 2003 pour retreindre les conditions du regroupement familial. La
vision restrictive du législateur français ne peut être
mise en lumière qu'après avoir énuméré les
différents bénéficiaires de ce droit (Section
1), ce à quoi ils sont confrontés pour exercer ce droit
(Section 2), et la place du réfugié et de
l'apatride dans le cadre de cette procédure de regroupement familial
(Section 3).
Section 1 : Les bénéficiaires du regroupement
familial
Le modèle familial retenu par la France, est celui de
la famille « nucléaire », au détriment de la famille
« naturelle ». Elle est composée uniquement du conjoint et des
enfants mineurs de dix huit ans48. Il s'ensuit que les ascendants et
les enfants majeurs n'ont pas automatiquement droit au regroupement familial :
il ne s'agit que d'une possibilité offerte aux États membres par
la directive et par le Code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile49 Par ailleurs, même au
sein de la famille nucléaire, une sélection peut
éventuellement être opérée s'agissant des enfants
mineurs. L'interprétation restrictive adoptée par la France au
regard des bénéficiaires transparaît donc d'abord à
travers une sélection parmi les membres de la
famille.(§2)
Cette définition de la famille n'est pas sans
intérêt dès lors, qu'elle est examinée sous l'angle
du droit civil50, du droit social51, ainsi que du droit
fiscal52. Par ailleurs, la perception limitative de la
48 Cf. Art. L.411-1 du Code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile
49 Cf. art. L. 313-6 applicable à l'ascendant d'un
étranger.
50 Cf. Art. 310 du Code civil « quelque soit la
qualité de leur filiation, les enfants dont la filiation est
légalement établie, ont les mêmes droit et les mêmes
devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent
dans la famille de chacun d'eux »
51 « Une famille de fait centrée sur la notion de
personne à charge » selon l'expression de Jean-Jacques Dupeyroux in
Droit de la sécurité sociale, Dalloz, 2005, p.132.
52 « La loi fiscale possède une indépendance
qui lui permet d'établir ses propres règles, le droit fiscal
comme Charbonnier, est maître chez lui » Louis Trotabas Essai
sur le droit fiscal, Revue de science et de la législation
financière, 1928, p.225
Le droit fiscal a à voir avec la famille. Les revenus
familiaux, le patrimoine familial, les transmissions sont soumis à
des règles d'imposition. Chaque épisode familial heureux ou
malheureux, rencontre le droit fiscal, de la naissance au
notion de conjoint transparaît d'une part dans la
manière dont le concubinage est pris en compte par le
législateur. En effet, alors que dans un premier temps le concubin
était considéré de droit comme bénéficiaire
du regroupement familial, la version finale de la directive n'en fait plus une
obligation. Ceci conduit à s'interroger sur la notion même de
conjoint en Europe et à étudier les différentes positions
des États, notamment de la France, sur la question. D'autre part, si le
mariage se révèle seul créateur de droit il s'agit du
mariage entendu strictement, c'est à dire monogame et entre
hétérosexuels. Cela pose notamment des difficultés au
regard du mariage ainsi que pour le mariage entre homosexuels, rendu possible
depuis 2001 aux Pays-Bas et plus récemment en Espagne en 2009. Cette
vision restrictive du législateur français, se manifeste donc
également à travers la considération de la notion de
conjoint (§1).
§ 1 : La notion de conjoint
Avant tout, évoquons quelques lignes sur la notion de
famille. Une famille53 est une communauté de personnes,
réunies par des liens de parenté. Elle est dotée d'une
personnalité juridique, d'un nom, d'un domicile et d'un patrimoine
commun et créée entre ses membres, une obligation juridique, de
solidarité morale et matérielle, censée les
protéger et favoriser leur développement social, physique et
affectif. Aussi, la famille a toujours été le principal facteur
de l'intégration sociale d'un individu : l'intégration
désigne la situation d'un individu qui est en interaction avec les
autres groupes ou individus qui partagent les valeurs et les règles de
la société à laquelle il appartient.
Le législateur français a une perception
limitative de la notion de conjoint. Cela se vérifie d'abord dans la
manière dont il prend en compte le concubinage. On constate que le
mariage est seul créateur de ce droit. Il s'agit d'ailleurs uniquement
du mariage monogamique et hétérosexuel, ce qui constitue la
seconde limitation posée par le législateur à la notion de
conjoint
Dès lors, le droit au regroupement familial du conjoint
d'un étranger est acquis (A) alors que, en
principe54, le droit au regroupement familial du concubin ou du
partenaire d'un étranger demeure exclu (B).
décès, du mariage à la rupture, le droit
fiscal de la famille est un droit qui s'applique à des situations
régies par le droit patrimonial de la famille.
53 Cf. lexique des termes juridiques
54 Seul le partenaire avec lequel le citoyen européen a
contracté un partenariat enregistré jouit d'un droit au
regroupement familial sous certaines conditions.
A- Le droit au regroupement familial du conjoint
L'admission en France au titre du regroupement familial
concerne tout d'abord le conjoint. La qualité de conjoint est
attachée à la célébration régulière
d'un mariage en France ou à l'étranger. Si la qualité
d'époux ne posait jusqu'alors pas de problèmes particuliers,
l'avènement des mariages de même sexe constitue un nouvel objet de
débats. Se pose alors la question de savoir si des étrangers
régulièrement mariés selon leur loi personnelle peuvent se
prévaloir de leur qualité d'époux dans le cadre de la
procédure de regroupement familial. En France, cette possibilité
est écartée puisque le regroupement familial est
réservé au conjoint au sens du droit interne, c'est-à dire
à l'homme et à la femme composant le couple
conjugal55.
Le sort du conjoint de même sexe du citoyen
européen n'est pas plus favorable. Au sens de l'article 2, paragraphe 2,
point a) de la directive, le terme conjoint est réservé aux
membres d'un couple marié composé de deux personnes de sexe
différent. Au moment de la discussion de la proposition de la directive,
le Parlement européen avait préconisé d'adopter une
définition du terme conjoint en visant toute personne mariée,
quel que soit son sexe56. Cet amendement a été
rejeté par le Conseil qui n'a pas souhaité opter pour une
définition qui englobe explicitement les personnes de même sexe
mariées, dès lors que la majorité des États membres
de l'Union ne prévoit pas de dispositions pour les mariages
homosexuels57. Il n'est donc pas exclu, à l'avenir, une
évolution dans l'appréciation du terme conjoint. Mais, pour
l'heure, le terme conjoint vise seulement un rapport fondé sur un
mariage entre deux personnes de sexe opposé. Seul le conjoint de sexe
différent du citoyen européen a le droit d'entrer et de
séjourner sur le territoire de l'État membre58,
dès lors que les intéressés ne sont pas
divorcés59 alors même qu'ils vivraient
séparés60.
55 Sur cette définition du mariage, voir Cass. civ. 1ere,
13 mars 2007, bull. Civ. 2007, I, n°113 pourvoi n°05-16627 Cf. Art.
144 du Code civil tel que modifié par la loi n° 2006-399 du 4 avril
2006, JORF, 5 avril 2006 : « l'homme et la femme ne peuvent
contracter mariage avant dix ans révolus ».
56 V. Art. 2, paragraphe 2, point a) de la Résolution
législative du Parlement européen sur proposition de directive du
Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de
l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner
librement sur le territoire des États membres, JOCE C 43 E, 19
février 2004, p. 42.
57 Il a été soutenu que le « terme mariage,
selon la définition communément admise par les Etats membres,
désigne une union entre personnes de sexe différent [...] sauf
évolution future » (COM (2003) 199 final, du 15 avril 2003
(proposition modifiée, p.11). Rappr. de : Position commune (CE) n°
6/2004 arrêtée par le Conseil le 5 décembre 2003, JOUE
C 54 E, 2 mars 2004, p. 12 (Cf. l'exposé des motifs du conseil, p.
28).
58 V. Art. 2, paragraphe 2, point a) combiné avec
l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38/CE.
59 CJCE, 17 avril 1986, aff. 59/85, État
néerlandais c. Ann Florence Reed, point 15, Rec. CJCE, p. 1283,
concl. C. Otto Lenz.
60 CJCE, 13 février 1985, aff. 267/83, Aissatou Diatta
c. Land Berlin, points 18 et 20, Rec CJCE, p.567, concl. M. Darmon.
Afin d'assurer une meilleure intégration et de
prévenir des mariages forcés, la directive 2003/8661
permet aux États membres d'exiger que le regroupant ou son conjoint
aient atteint un âge minimal qui ne peut être supérieur
à vingt-et-un ans, avant que ne puisse être revendiqué le
droit au regroupement familial62. Jusqu'à une époque
récente, une telle restriction n'était pas introduite en droit
interne. L'article 44 de la loi du 24 juillet 2006 modifie cette règle.
Désormais, il est prévu que l'étranger
régulièrement établi en France « peut demander
à bénéficier de son droit à être rejoint, au
titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est
âgé d'au moins dix-huit ans »63. Cette restriction
du droit au regroupement familial, réservée au seul conjoint
majeur, au sens du droit français, s'inscrit dans la suite du
relèvement de 15 à 18 ans de l'âge nubile de
l'épouse opérée par la loi du 4 avril 2006 visant à
lutter et prévenir les mariages forcés64.
Le droit de vivre en famille n'implique pas le droit pour les
étrangers bigames à vivre avec leurs différents conjoints.
Le principe de la prohibition du regroupement familial des époux bigames
a été consacré par la loi du 24 août 1993 et il n'a
jamais été remis en cause65. Un étranger ne
saurait se prévaloir de son statut personnel autorisant la bigamie pour
faire venir sur le territoire français ses différents conjoints.
Le regroupement familial d'un autre conjoint d'un étranger bigame vivant
en France avec un premier époux doit être refusé par les
autorités françaises66. Le cas des Algériens
polygames fut un temps discuté dans la mesure où l'accord
franco-algérien ne contenait aucune stipulation expresse en cette
matière. Tel que modifié par l'avenant du 11 juillet
200167, l'article 4, alinéa 6 de l'accord
franco-algérien, exclut expressément la venue des
différentes épouses d'un Algérien : « lorsqu'un
ressortissant algérien dont la situation matrimoniale n'est pas conforme
à la législation réside sur le territoire français
avec un premier conjoint, le bénéfice du regroupement familial ne
peut être accordé par les autorités françaises
à un autre conjoint »68.
Lorsque l'étranger sollicitant le regroupement familial
est ressortissant d'un État autorisant la
61 Directive du 22 septembre 2003 relative au regroupement
familial précité.
62 V. Art. 4 § 5 de la directive 2003/86 du 22 septembre
2003.
63 V. Art. L. 411-1 du CESEDA, tel que modifié par
l'article 44 de la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006.
64 Cf. Loi n°2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la
prévention et la répression des violences au sein du couple ou
commises contre les mineurs, JORF, 5 avril 2006, p. 5097.
65 V. Art. L. 411-7 du CESEDA.
66 V. Art L. 411-7 al. 1er du CESEDA.
67 Décret n°2002-1500 du 20 décembre 2002
portant publication du troisième avenant à l'accord du 27
décembre 1968 entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République algérienne
démocratique et populaire relatif à la circulation, à
l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et
de leurs familles et à son protocole annexe, signé à Paris
le 11 juillet 2001, JORF, 26 décembre 2002, p. 21614.
68 Cette solution coïncide avec l'évolution du droit
de la famille algérien qui, quoique ne l'interdisant pas
expressément a une approche de plus en plus restrictive de la polygamie,
au moins depuis 1984.
bigamie, il doit produire une déclaration sur l'honneur
certifiant que le regroupement familial ne crée pas une situation
irrégulière de polygamie. Dans l'hypothèse où le
demandeur aurait déjà sollicité l'admission d'un premier
conjoint au titre du regroupement familial, il lui appartient de prouver que
l'union avec le conjoint résident en France a été dissoute
antérieurement à la sollicitation du regroupement familial au
bénéfice d'un second conjoint, à la suite d'un
décès ou d'une procédure de divorce69.
La situation des étrangers qui ont
répudié une première épouse pose des
problèmes spécifiques. Une répudiation homologuée
par une autorité juridictionnelle étrangère produit les
mêmes effets qu'un divorce dans le pays où l'homologation
judiciaire intervient. L'étranger régulièrement
établi en France peut donc arguer de cet acte pour justifier de la
dissolution de l'union avec la femme qui vivait avec lui en France et se faire
rejoindre par une autre épouse. En pratique, ces cas peuvent
s'avérer délicats. Le tribunal administratif de Besançon a
été saisi par un marocain qui contestait la décision du
préfet du Jura lui refusant le droit au regroupement familial au
bénéfice de la femme qu'il avait épousée en seconde
noce70. Le préfet considérait que
l'intéressé était bigame, estimant que l'acte de
répudiation de sa première épouse n'avait pas dissous
cette union dans la mesure où il avait été rendu hors de
la présence de la femme. Partant du constat que
l'intéressé se croyait valablement libéré de sa
première union, et en l'absence de toute allégation de fraude, le
commissaire du gouvernement invitait le tribunal à constater que le
requérant n'était pas bigame. Le tribunal a suivi les
conclusions. Après avoir constaté que la répudiation est
un mode de dissolution du mariage admis par la loi nationale des deux
époux, il a considéré que le requérant avait
coupé le lien matrimonial avec sa première épouse et,
partant, il ne se trouvait pas dans la situation d'un étranger polygame
résidant sur le territoire français avec un premier conjoint. La
demande de regroupement familial pouvait donc être accueillie.
En ce domaine, les instructions ministérielles
apparaissent plus restrictives, mais en substance, la position adoptée
est identique. Se référant aux arrêts de la Cour de
cassation du 1er juin 199471 et du 11mars 199772, selon
lesquels les répudiations ne produisent effet en France que si la partie
défenderesse a été régulièrement
citée, présente ou légalement représentée,
le ministre de l'Emploi et de la solidarité et le ministre de
l'Intérieur, cosignataires de la circulaire du 28 février 2000
69 v. Art. R. 421-5 4° du CESEDA.
70 TA de Besançon, 29 juin 1995, M. Mohamed Ibar c.
Préfet du Jura, RFD adm. 1996, pp. 533-534, concl. F. Garde.
71 Cass. Civ. 1Ere, juin 1994, EL Madani, Bull. Civ. I,
n°192, pp.141-142 .
72 Cass. Civ. 1Ere, 11 mars 1997, Dame Malki c. Sieur Bahri,
D. 1997, jurispr., pp. 400-403, note M.-L. NiboyetHoegy.
relative au regroupement familial, invitent les préfets
à vérifier que ces mentions figurent expressément dans
l'acte de répudiation. A défaut, les préfets sont
fondés à requérir la production de tout document attestant
que, lors du prononcé de la décision, la partie
défenderesse a été légalement citée ou
représentée. Si ces éléments ne peuvent être
vérifiés, le demandeur qui sollicite le regroupement familial
pour un nouveau conjoint doit être considéré comme
polygame. Dès lors, s'il ne peut attester la présence à
l'étranger de son précédent conjoint, un refus peut
être opposé à sa demande73. Le regroupement
familial n'est pas exclu lorsque le demandeur démontre qu'il n'y a plus
de communauté de vie avec la première épouse sur le
territoire français. C'est donc la communauté de vie en France
avec plusieurs épouses qui est prohibée.
A cet égard, la position adoptée par certaines
décisions de juridictions du fond peut paraître restrictive.
Ainsi, dans un jugement du 21 octobre 2003, le tribunal administratif
d'Orléans a considéré qu'un préfet est fondé
à rejeter la demande de regroupement familial présentée
par un Marocain au profit de sa seconde épouse alors que la
première, dont il prétendait être divorcé,
résidait toujours en France. Selon la juridiction orléanaise,
l'ordre public français en matière internationale s'opposant
à la reconnaissance du jugement de divorce rendu au terme d'une
procédure non contradictoire, le Préfet pouvait estimer que le
lien matrimonial n'avait pas été rompu et, partant, refuser de
faire droit à la demande de regroupement familial sollicitée au
bénéfice de la seconde épouse74. Dans une
décision du 9 février 2006, le tribunal administratif de Dijon a
également statué en ce sens. Il a considéré que
c'est à bon droit que le préfet avait refusé le
bénéfice du regroupement familial à la seconde
épouse d'un Marocain qui se trouvait en situation de polygamie dans la
mesure où le jugement du tribunal marocain homologuant la
répudiation dont avait fait l'objet la première épouse
n'était pas opposable en France car elle n'avait pas été
appelée en la cause75. Dans un arrêt du 10 avril 1998,
la Cour administrative d'appel de Lyon a également adopté cette
position76.
Certes, les conditions de la dissolution de lien conjugal sont
sujettes à caution, mais, eu égard à la question de
l'admission d'un autre conjoint aux fins du regroupement familial, il importe
de vérifier, in concreto, l'absence de situation de polygamie,
sans se prononcer sur la validité du mode de dissolution du mariage. A
défaut, à la lumière de la jurisprudence récente
aux effets de
73 V. Circulaire du 28 février 2000 relative au
regroupement familial, pp. 15-16, point III-B-1, abrogée et
remplacée
74 TA Orléans, 21 octobre 2003, req. n°01-4511,
Boudabbouz, Rec. Lebon, T., p. 808.
75 TA Dijon, 9 février 2006, req. n°0500624 et
0500918, M. et Mme Naciri.
76 CAA Lyon, 10 avril 2008, req. n° 06LY02165, M.
Mokadim, AJDA 2008, p. 1557.
répudiations sur le territoire
français77, selon laquelle les procédures de
répudiation sont intrinsèquement contraires à l'ordre
public français en matière internationale78, tout
étranger qui répudierait l'une de ses épouses et qui
solliciterait le regroupement familial au bénéfice d'une autre
risque de se voir opposer ce motif. Il importe de privilégier une
méthode pragmatique, sans que soit porté un jugement sur la
validité de la répudiation en tant que mode de dissolution du
lien conjugal. Dès lors, au regard du droit au regroupement familial,
seules les situations de bigamie avérée devraient justifier le
rejet d'une demande. Dans la circulaire du 17 janvier 2006, le ministre de
l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement et le ministre de
l'Intérieur et de l'aménagement du territoire ont d'ailleurs
adopté cette position. Lorsqu'une union précédente a
été dissoute par une décision qui n'est pas opposable en
France, telle la répudiation unilatérale du mari, le demandeur
peut faire venir un second conjoint sous réserve qu'il apporte la preuve
que le précédent conjoint ne se trouve pas sur le territoire
français79.
Ajoutons qu'il fut un temps où le juge estimait que
« le jugement de répudiation » violait le droit au
procès équitable, du fait du caractère unilatéral
de la décision de répudiation, de l'absence de citation à
comparaitre de l'épouse. Période servant de base à la
circulaire du 28 février 2000. Mais depuis 2004, le juge80
estime que ce jugement de répudiation viole le principe
d'égalité des époux servant cette fois de base à la
circulaire de 2006 susmentionnée, permettant aussi un revirement de la
Cour de cassation.
B- La question du regroupement familial du concubin et
du partenaire
En principe, les concubins ou les partenaires enregistrés
restent exclus du droit au regroupement familial (1). Au regard du droit au
respect de la vie familiale, cette position est discutable (2).
77 Rappr. De : Cour EDH, 2e sect., 8 novembre 2005, req. n°
3/02, D. D.c. France, § 27 ; Gaz. Pal. 2006, 1, somm., p. 532.
78 Voir not. Cass. Civ. 1Ere, 17 février 2004 AJ
fam., avril 2004, pp. 140-141, obs. S. David ; Cass. Civ. 1Ere, 6
février 2008, RJPF, mai 2008, Brèves, p. 21.
79 Circulaire n° DPM/DMI/2/2005 et NOR : INT/D/06/00009/C du
17janvier 2006 relative au regroupement familial des étrangers, p.13.
80 Cf. CourEDH 2e sect. 8 novembre 2005, req. 3/02, D.D c.
France.
1- L'exclusion du partenaire et du concubin du
regroupement familial
L'article L. 411-1 du Code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile exclut les concubins du
bénéfice de la procédure de regroupement familial. Il ne
vise pas davantage le droit au regroupement familial du partenaire lié
par un pacte civil de solidarité ou par une institution
équivalente. Or, les relations de couple hors mariage, entre deux
personnes de sexe différent, sont protégés au titre du
droit au respect de la vie familiale. En conséquence, il ne serait pas
singulier que les membres de ces couples revendiquent le droit de vivre avec
leur concubin ou partenaire dans le pays d'établissement sur le
fondement du droit au respect de la vie familiale. Sous réserve de la
démonstration de la réalité des liens familiaux
établis, l'admission des concubins ou des partenaires enregistrés
au fins du regroupement familial pourrait être reconnue81 . En
outre, il ne peut être exclu, a priori, que le respect de la vie
privée puisse justifier la reconnaissance du droit au regroupement
familial au bénéfice du concubin ou du partenaire de même
sexe d'un étranger régulièrement établi en
France.
Cette conception stricte est retenue également dans la
directive 2003/86/CE relative au droit au regroupement familial. Cette
procédure est réservée au conjoint. Chaque État
membre est libre d'autoriser ou de refuser l'admission sur son territoire, aux
fins du regroupement familial, du concubin ou du partenaire d'un
étranger82. A la diligence des États, le partenaire
non marié qui a avec le regroupant une relation durable et stable
dûment prouvée, notamment par la production d'un certificat de
concubinage, ou qui est lié au regroupant par un partenariat
enregistré, peut être autorisé à entrer et
séjourner83. Le statut du partenaire ou concubin d'un citoyen
européen peut paraître enviable.
2- Une exclusion discutable
L'exclusion en droit français des concubins et des
partenaires enregistrés du champ d'application du droit au regroupement
familial est contestable au regard du droit au respect de la vie familiale et
du principe de non-discrimination. Il est désormais acquis que les
relations entre des concubins ou entre des partenaires sont
protégés au titre de l'article 8 de la Convention
européenne des droits de
81 Pour une position plus réservée, voir not. : F.
JAULT-SESSEKE, le regroupement familial en droit comparé
français et allemand, p. 115, n°217.
82 Cf Art. 4 § 3, de la directive 2003/86/CE.
83 Cf. Art. 4 § 3, de la directive préc.
l'homme, sous le volet de la vie familiale. Combiné
avec l'article 14 de la Convention européenne, l'article 8 garantit le
droit au respect de la vie familiale à toute personne sans aucune
discrimination. Le maintien des concubins et des partenaires d'un
étranger hors du champ d'application du regroupement familial ne semble
être justifié par aucun motif raisonnable et proportionné.
Il semble difficile de soutenir que la nature des relations hors mariage et
l'absence de formalisme ou le formalisme allégé de la formation
des relations hors mariage sont des motifs raisonnables et objectifs
susceptibles de justifier cette différence de traitement. En outre, la
difficulté de prouver l'état de concubin ne saurait à elle
seule légitimer l'exclusion du bénéfice du regroupement
familial puisqu'il peut être envisagé de mettre en place un
document établissant l'existence d'une relation suivie.
Le droit au respect de la vie familiale au sens de l'article 8
de la Convention européenne ne présuppose pas un lien de couple
formel. Il inclut toute relation de famille correspondant à une
réalité sociale dès lors qu'elle est effective. C'est
pourquoi, les membres d'un couple entretenant des relations stables, en dehors
du cadre du mariage ou d'un partenariat enregistré, doivent pouvoir
revendiquer le droit à vivre ensemble.
L'admission du concubin ou du partenaire sur le territoire
français ne remettrait pas en cause la maîtrise des flux
migratoires auquel les gouvernements successifs ont rappelé leur
attachement avec plus ou moins de vigueur. En effet, le regroupement familial
resterait réservé aux membres de la famille nucléaire
composée des enfants et des membres du couple, quelle que soit la nature
de leur relation. Dès lors, ne serait pas remis en cause le principe
selon lequel seules les relations au sein de la famille nucléaire sont
couvertes par le droit au regroupement familial. Au contraire, la
reconnaissance du droit au regroupement familial pour le concubin ou le
partenaire enregistré permettrait de le réaliser pleinement.
Cette perspective ne serait pas novatrice puisque, dans le cadre particulier de
la protection temporaire, sous certaines conditions restrictives, le droit
communautaire prévoit le regroupement familial des étrangers
bénéficiaires de ce régime avec le
partenaire84.
La reconnaissance du droit au regroupement familial au
bénéfice du concubin ou du partenaire pose des
difficultés. D'une part, jusqu'alors, le concept de vie familiale ne
recouvre que les relations
84 Sont considérés comme membres de la famille
« le conjoint du regroupant ou son partenaire non marié
engagé dans une relation stable, lorsque la législation ou la
pratique en vigueur dans l'État membre concerné traite les
couples non mariés de manière comparable aux couples
mariés dans le cadre de sa législation sur les étrangers
» (Article 15§1 point a) de la directive 2001/55/CE du conseil du 20
juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une
protection temporaire en cas d'afflux massif des personnes
déplacées et à des mesures tendant à assurer un
équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour
accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil,
JOUE, L 212, 7 août 2001, p. 12).
de couple entre deux personnes de sexe différent. Il
pourrait alors être tentant de réserver le regroupement familial
aux concubins ou partenaires de sexe différent. Toutefois, l'exclusion
des concubins ou des partenaires étrangers risque d'être
analysée comme constituant une discrimination fondée sur
l'orientation sexuelle. D'autre part, s'il est fait le choix d'étendre
le regroupement familial aux membres des couples de fait, quelle que soit leur
nature, il importerait d'étendre ce droit au conjoint homosexuel d'un
étranger car son exclusion pourrait être considérée
comme violant le principe de non discrimination. De plus, il conviendrait alors
de modifier les règles relatives aux conditions d'admission du concubin
ou des partenaires d'un français. La prise en compte des relations de
couple hors mariage semble nécessaire, y compris dans le cadre du
regroupement familial, mais il importe d'adopter une position cohérente
à l'égard de l'ensemble des situations susmentionnées. Le
droit fondamental à une vie familiale impose que ces différentes
relations de couple soient traitées de la même manière,
sans dépendre du choix des individus de conclure un mariage.
§ 2. Une sélection parmi les membres de la
famille du regroupant
Dans la mesure où le législateur de 2007, opte
pour un modèle familial qui est celui de la famille nucléaire,
les ascendants et les enfants majeurs sont exclus du bénéficie de
ce droit (A). Ainsi, le droit au regroupement familial est
réservé qu'aux enfants mineurs de dix huit ans
(B).
A- Le principe de l'exclusion des enfants majeurs
En droit interne, il n'est pas envisagé l'admission des
enfants majeurs, y compris à charge, aux fins du regroupement familial.
Dans le droit intracommunautaire, la même règle est
énoncée. Aux termes de l'article 4, paragraphe 2, point b) de la
directive 2003/86/CE, « les enfants majeurs célibataires du
regroupant ou de son conjoint, lorsqu'ils sont objectivement dans
l'incapacité de subvenir à leurs propres besoins en raison de
leur état de santé » peuvent être autorisés
à entrer et séjourner. Il n'est donc pas consacré un droit
subjectif au regroupement familial car chaque État membre est libre
d'autoriser ou de refuser l'entrée des enfants majeurs à charge
d'un étranger régulièrement établi sur leur
territoire. En revanche, sous certaines conditions, le droit communautaire
prévoit l'entrée de l'enfant majeur citoyen européen.
Le règlement (CEE) 1612/68 prévoyait que les
descendants de moins de 21ans ou à charge du travailleur communautaire
pouvaient s'installer dans le pays d'exercice de son activité
professionnelle85. Le seuil de l'âge n'était donc pas
rédhibitoire puisque le regroupement familial devait être
autorisé lorsque l'enfant majeur était à la charge du
parent. En outre, cette disposition avait vocation à s'appliquer dans
les rapports entre un travailleur communautaire et ses petits enfants, voire
ses arrières petits-enfants86, qui se trouvaient à sa
charge87. Le nouveau régime défini dans la directive
2004/38/CE est plus restrictif puisque sont visés les « descendants
directs », c'est à dire les seuls enfants, à l'exclusion des
autres descendants en ligne directe, tels les petits enfants ou les
arrières petits enfants. Les descendants directs du citoyen
européen qui sont âgés de moins de vingt et un ans ou qui
sont à charge ainsi que les descendants directs de son conjoint ou de
son partenaire enregistré bénéficient d'un droit
d'entrée et de séjour dans l'État membre d'accueil .
Sous réserve des enfants majeurs des citoyens
européens, en droit français, le dix-huitième anniversaire
est un seuil au-delà duquel la demande de regroupement familial n'est
plus recevable. Certes, l'exclusion des enfants majeurs du
bénéfice du regroupement familial n'est pas contraire en soi
à l'article 8 de la Convention européenne des droits de
l'homme88 et le grief tiré de la violation de l'article 8 est
irrecevable lorsqu'il concerne une requête relative à l'admission
aux fins du regroupement familial d'un enfant majeur89
Toutefois, il importe de prendre en compte les circonstances
de dépendance qui justifieraient l'admission des majeurs
célibataires à charge et des handicapés,
c'est-à-dire « des personnes qui n'ont pas d'existence autonome par
rapport au groupe familial, en particulier pour des raisons économiques
ou, le cas échéant pour des motifs tels que la poursuite
d'études non rémunérées ou des raisons de
santé »90
85 Cf. Article 10, par. 1, point a) du règlement (CEE)
1612/68.
86 H. Gaudemet-Tallon, La famille face au droit
communautaire, in Internationalisation des droits de l'homme et
évolution du droit de la famille, spec. p.100.
87 CE, 22 février 1993, req. N° 107467,
Ministère de l'intérieur c. Cordeiro
88 Comm. EDH, déc. du 8septembre 1988, req.
N°13654/88, R .R . et S. R. c. Pays-Bas, Déc. et Rapp. pp.
291-294, spéc. p. 293.
L'artice 8 de la ConvEDH dispose que « 1. Toute personne a
droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance »
89 Cour EDH, 19 février 1996, req. N° 23218/94,
Gûl c. Suisse
90 Cf. article 19, paragraphe 6 de la Charte sociale
européenne dans sa rédaction initiale aux termes duquel les
États s'engagent « à faciliter autant que possible le
regroupement de la famille du travailleur autorisé à
s'établir lui même sur le territoire » : Comité des
Ministres, Conclusions VIII, p. 216. Adde : P. Boucaud, Les travailleurs
migrants et leurs familles, protection dans la Charte sociale
européenne, Droits de l'homme - Cahier de la Charte sociale,
n°4, Ed. du Conseil de l'Europe, p.57 et s.
B- Le regroupement familial des enfants mineurs
Le droit au regroupement familial bénéficie aux
enfants mineurs de dix huit ans venant rejoindre leur père ou leur
mère régulièrement établi sur le territoire
français (1). En outre, des enfants « recueillis
» par un membre du couple peuvent également se prévaloir du
droit au regroupement familial (2).
1- Les enfants nés d'un membre du couple
conjugal
Le regroupement familial peut être sollicité au
bénéfice des enfants mineurs de dix huit ans nés de
parents mariés ensemble. Le droit au regroupement familial n'est pas
réservé aux enfants communs des époux. Sous certaines
conditions, il est également reconnu aux enfants nés d'une
précédente relation de l'un des conjoints91
L'étranger qui séjourne
régulièrement en France peut solliciter le regroupement familial
au bénéfice de son conjoint et des enfants mineurs du
couple92. La minorité des enfants titulaires du droit au
regroupement familial s'apprécie à la date du dépôt
de la demande du regroupement familial, le délai d'instruction de la
demande ne devant pas influer sur la réalisation de la condition
d'âge93. Elle est déterminée au regard du droit
français, quel que soit le seuil prévu par la loi nationale de
l'étranger94. Seuls les mineurs de moins de dix-huit ans
peuvent être admis sur le territoire français au titre du
regroupement familial95, indépendamment de leur
capacité à s'intégrer dans la communauté
française, notamment au regard de leur âge et de leur
faculté d'acquérir les connaissances linguistiques.
En principe, lorsqu'un étranger polygame réside en
France avec un premier conjoint, le bénéfice du regroupement
familial ne peut être accordé à un autre conjoint ni aux
enfants nés de
91 Cf. Article L.411-2 du Code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile. Rappr. de l'article 4,
paragraphe 1. point b) de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relative
au regroupement familial qui vise différemment les enfants mineurs du
regroupant et de son conjoint.
92 Cf. Article L.411-1 du Code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile.
93 Cf. Article R. 411-3 du CESEDA. Rappr. De : TA Lyon, 20
décembre 1993, EL Bouadli, JCP G 1994, IV, 2322, p.304.
94 Rappr. De l'article 4, paragraphe 1, alinéa 2 de la
directive 2003/86/CE relative au regroupement familial aux termes duquel les
enfants « doivent être d'un âge légal inférieur
à la majorité légale de l'État membre
concerné ». L'application de la règle de conflit de lois
énoncée par l'art. 3 du Code civil devrait conduire à
apprécier la minorité d'un étranger par rapport à
sa loi nationale.
95 CE, Ass. 29 juin 1990, req. N° 78519, GISTI c.
Ministère de l'intérieur, Rec Lebon , p. 171, concl. R.
Abraham; AJDA 1990, p. 631, note G. Teboul.
cette union96. En d'autres termes, seuls les
enfants du demandeur et de son conjoint qui réside en France peuvent
bénéficier de la procédure de regroupement familial. Les
enfants nés des autres unions ne peuvent valablement soutenir que le
refus de les autoriser à pénétrer sur le territoire
français serait discriminatoire, dès lors que cette mesure est
justifiée par la défense de la famille monogame à laquelle
les États occidentaux sont fermement attachés. En
conséquence, le sort des enfants nés d'une union polygame
dépend non pas du lien de filiation, mais du statut du parent, conjoint
d'un étranger bigame, défini par la politique migratoire du pays
hôte. Ainsi dans l'affaire EL Abasse97, la
mère de l'enfant n'étant pas autorisée à habiter
dans le pays d'accueil dans la mesure où son mari y résidait
déjà avec une autre épouse, la Cour européenne des
droits de l'homme a considéré que l'enfant ne pouvait pas se
prévaloir de la procédure de regroupement familial.
Toutefois, lorsqu'un conjoint bigame réside en France
avec un premier conjoint, il peut être fait droit à la demande de
regroupement familial sollicitée au bénéfice des enfants
nés de l'union avec un autre conjoint, si ce dernier est
décédé ou a été déchu de ses droits
parentaux98. Dès lors que le parent avec qui l'enfant
résidait est décédé ou déchu de ses droits
parentaux, l'intérêt de l'enfant justifie que lui soit reconnu le
droit de rejoindre son autre parent, aux fins du regroupement familial, alors
même que ce dernier vit avec un autre conjoint, car cette
possibilité offre à l'enfant un cadre familial dont il ne dispose
pas, ou plus, à l'étranger. De même, dans son
intérêt, le regroupement familial d'un enfant né d'un
divorce est admis.
Le sort des enfants nés d'une précédente
union ou relation du demandeur ou de son conjoint a connu une évolution
heureuse. Sous l'empire de la loi du 24 août 1993, le regroupement
familial pouvait être sollicité « pour les enfants mineurs de
dix huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande,
la filiation n'était établie qu'à l'égard du
demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent était
décédé ou déchu de ses droits parentaux
»99. Les systèmes juridiques étrangers ne
prévoyant pas forcément la procédure de
déchéance, l'enfant resté dans le pays d'origine avec un
parent qui se désintéresserait de lui ne pouvait pas
bénéficier de la procédure de regroupement familial.
L'application littérale de ces dispositions privait les étrangers
installés en France d'être rejoint par leur enfant mineur dont
l'autre parent était ressortissant d'un pays dont la législation
ignorait la procédure de déchéance. Elle exposait le
demandeur à un refus100.
96 V. Art. L. 411-7, al.1er, du CESEDA
97 Comm. EDH, déc. du 6 janvier 1992, req. n°
14501/89, Alliouch El Abasse, spec. p. 128.
98 V. Art. L. 411-7, al. 1er in fine, du CESEDA
99 Cf. Art. 29 I al. 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
100P. WEIL (dir.), Mission d'étude des législations
de la nationalité et de l'immigration, Pour une politique de
Dans une circulaire du 24 juin 1997 relative au
réexamen de la situation de certaines catégories
d'étrangers en situation irrégulière101, il a
été observé que l'application stricte de ces règles
pouvait « conduire à des situations humainement difficiles ».
C'est pourquoi, lorsque le parent résidant en France ne pouvait produire
le document attestant de la déchéance de l'autorité
parentale de l'autre parent, alors que les autres conditions du regroupement
étaient satisfaites, les préfets étaient invités
à demander à l'intéressé de fournir une copie du
jugement du tribunal étranger compétent lui confiant la garde de
l'enfant ainsi qu'une autorisation de l'autre parent pour laisser partir le
mineur en France102. La portée de cette instruction
ministérielle demeurait restrictive puisque le dispositif était
réservé aux enfants de moins de dix ans, considérés
comme les plus vulnérables, et qui étaient susceptibles d'obtenir
un titre de séjour à leur majorité. La jurisprudence
adopta une position plus souple en admettant le regroupement familial dans
l'hypothèse où la législation étrangère
connaissait une institution équivalente à la
déchéance.
Le tribunal administratif de Paris fut saisi de la demande
d'une mère tendant à l'annulation d'une décision par
laquelle le préfet des Hauts-de-Seine avait refusé de l'autoriser
à faire venir sa fille sur le territoire français. Le tribunal
décida de soumettre le dossier au Conseil d'État pour
avis103. Deux questions étaient alors posées à
la Haute juridiction administrative : d'une part, le tribunal s'interrogeait
sur le fait de savoir si les dispositions de l'article 29 I de l'ordonnance du
2 novembre 1945 alors applicable, dans sa rédaction issue de la loi du
24 août 1993, impliquaient que fût rejetée la demande d'un
étranger tendant à l'admission en France de son enfant mineur
alors que l'autre parent était ressortissant d'un pays dont la
législation ne prévoyait pas la possibilité de prononcer
la déchéance de l'autorité parentale ; d'autre part, en
cas de réponse négative, le tribunal souhaitait connaître
les critères auxquels devaient répondre les actes susceptibles
d'être produits par les demandeurs pour être
considérés comme équivalents à une
déchéance de l'autorité parentale dans le cadre de la mise
en oeuvre de la procédure du regroupement familial.
Le Conseil d'État a considéré que, lors de
l'examen d'une demande de regroupement
l'immigration juste et efficace, Rapport remis au
Premier ministre le 31 juillet 1997, la documentation française, Coll.
Des rapports officiels, 1997, p.77.
101V. JORF, 26 juin 1997, p. 9819; D. 1997,
légis., p. 301.
102Point 1.5.3 de la circulaire.
103Avant de statuer sur une requête soulevant une question
de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et
se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la Cour
administrative d'appel peut, par un jugement ou un arrêt qui n'est
susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au conseil
d'État qui examine dans un délai de trois mois la question
soulevée. Sur la procédure de consultation pour avis
instaurée par l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987, voir
note D. Labetoulle, Ni monstre, ni appendice, « le renvoi »
de l'art.12, RFD adm. 1988, pp. 213-218.
familial, l'autorité administrative devait examiner si
la législation étrangère applicable à l'enfant dont
la venue en France était sollicitée, prévoyait une
procédure équivalente à la procédure de
déchéance de l'autorité parentale adoptée en droit
français104. Le Conseil d'État n'a pas répondu
à la seconde question dans la mesure où il a constaté que
la législation nationale en cause, le droit colombien, prévoyait
un régime équivalent à la procédure de
déchéance du droit français. En conséquence, en
l'espèce, la venue de la fille mineure de la requérante pouvait
être autorisée au titre du regroupement familial. Le
tempérament de l'équivalence introduit par le Conseil
d'État constituait un progrès. Mais il demeurait encore trop
restrictif dans l'hypothèse où la loi étrangère ne
connaissait pas d'institution équivalente aux procédures
françaises de déchéance ou de retrait de l'autorité
parentale105
La nouvelle rédaction de l'article 29 I de l'ordonnance
du 2 novembre 1945 adoptée quelques mois plus tôt par le
législateur français a corrigé les imperfections du
régime antérieur. A été consacré le droit au
regroupement familial au bénéfice des enfants mineurs de dix-huit
ans confiés à l'étranger régulièrement
établi en France ou à son son conjoint, au titre de l'exercice de
l'autorité parentale, en vertu d'une décision
étrangère106. Cette disposition marque un
progrès indéniable, mais il peut être regretté que
ne soit pas visée l'hypothèse de l'attribution, de plein droit ou
par une autorité non juridictionnelle, de l'autorité
parentale107. Dans l'intérêt de l'enfant, le cas
échéant, il convient d'interpréter largement ces
dispositions, en admettant les cas d'attribution de l'autorité
parentale, par la loi nationale de l'enfant ou des parents; ou bien par une
décision d'une autorité juridictionnelle ou administrative
compétente.
Désormais, outre les enfants communs des époux,
deux catégories de mineurs sont bénéficiaires du
regroupement familial. D'une part, peuvent bénéficier du
regroupement familial les enfants mineurs du demandeur et ceux de son conjoint
dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à
l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est
décédé ou déchu de ses droits
parentaux108. D'autre part, le regroupement familial peut être
sollicité pour les enfants
104CE, Avis n° 187438, 21 octobre1998, Mme Ramos, Gaz.
Pal. 1999, 1, panor. dr. Adm., p. 81 ; Rev. crit. DIP 1999, pp.
493-500, note F. Jault.
105La loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à
l'adoption ( JORF, 6 juillet 1996, p. 10208) a substitué le retrait de
l'autorité parentale à la déchéance.
106Rappr. De l'article 4, paragraphe 1, points a) et c) de la
directive 2003/86/CE : il est reconnu un droit au
regroupement familial aux enfants mineurs du regroupant et de son
conjoint lorsque ceux-ci exercent le droit de
garde et en ont la charge. En revanche, lorsque la garde est
partagée, les États ne sont plus tenus d'autoriser le
regroupement familial. Ils peuvent le permettre, sous
réserve du consentement de l'autre titulaire du droit de garde. 107F.
JAULT, note sous CE, Avis, 21octobre 1998, Mme Ramos, Rev. Crit. DIP
1999, pp. 493-500, spéc. p. 499. 108V. Art. L. 411-2 du CESEDA
mineurs de dix-huit ans et ceux de son conjoint, qui sont
confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice
de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une
juridiction étrangère dont la copie doit être produite,
accompagnée du consentement de l'autre parent à la venue de
l'enfant en France109 dans les formes prévues par la
législation du pays de résidence110.
La restriction au droit au regroupement familial des enfants
nés d'une précédente relation du demandeur n'est pas en
soi critiquable dans la mesure où ce régime garantit le droit au
respect de la vie familiale du parent qui réside à
l'étranger, en lui permettant de maintenir des relations normales avec
l'enfant. Elle devient contestable lorsqu'elle prive un étranger
établi en France de la possibilité d'être rejoint par
l'enfant alors que le parent resté à l'étranger s'en
désintéresse ou le maltraite. Dans cette hypothèse, le
parent établi en France doit avoir la possibilité d'accueillir
l'enfant, indépendamment d'une décision étrangère
prononçant le retrait de l'autorité parentale ou une mesure
équivalente111. En outre, dans l'intérêt de
l'enfant, il doit être permis de passer outre l'opposition de l'autre
parent et d'admettre l'enfant en France aux fins du regroupement familial.
Notamment, il peut être envisagé de passer outre le refus du
parent s'il s'avère qu'il se désintéresse de l'enfant, le
maltraite ou met en danger sa santé physique ou morale.
Outre les enfants communs du couple, marié ou
nés d'une relation antérieure de l'un des conjoints, sous
réserve que les intéressés aient une filiation
légalement établie112 dont la preuve est
rapportée par la production de tout acte de l'état civil
étranger, conformément aux dispositions de l'article
47113 du Code civil ou bien, en cas d'inexistence de l'acte de
l'état civil ou de doute quant à son authenticité, qui n'a
pu être levé par la possession d'état, par identification
grâce aux empreintes génétiques, le regroupement familial
s'étend également à certains enfants « recueillis
».
109V. Art. L. 411-3 du CESEDA
110V. Art. R. 421-5 du CESEDA
111En ce sens, voir F. JAULT note sous CE, Avis, 21 octobre 1998
préc.
112L'étranger mineur dont la loi personnelle prohibe
l'établissement des filiations hors mariage ne peut donc
bénéficier d'un regroupement familial. Toutefois, en pratique,
leur auteur qui réside en France a la possibilité de le
reconnaître et les autorités préfectorales accueillent
alors la demande de regroupement familial, à moins qu'un motif de refus
ne soit opposé.
113Cf. Art. 47 du Code civil modifié par la Loi
2006/1376 du 14 novembre 2006 qui dispose que : « Tout acte de
l'état civil des français et des étrangers fait en pays
étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce
pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus , des
données extérieures ou des éléments tirés de
l'acte lui-même, établissent le cas échéant ,
après vérifications utiles, que cet acte est irrégulier,
falsifié ou que les faits qui y sont déclarées ne
correspondent pas à la réalité. »
2- Les enfants «recueilis »
Les enfants ayant une filiation légalement
établie, en vertu d'une décision d'adoption, peuvent
bénéficier du regroupement familial. En revanche, les enfants
simplement recueillis ne sont pas en principe, titulaires du droit au
regroupement familial114.
Le regroupement familial vise non seulement les adoptés
sous la forme plénière115, mais aussi les mineurs
adoptés sous la forme simple116. Le regroupement familial des
enfants adoptés est soumis à un régime spécifique
puisque le procureur de la République près le tribunal de grande
instance dans le ressort duquel est domicilié le demandeur
contrôle la régularité de la décision d'adoption et
son caractère définitif quand elle a été
prononcée par une autorité étrangère117.
En outre, lorsque le regroupement familial est sollicité pour un enfant
adopté alors que son retour au foyer de ses parents biologiques est
possible, la demande de regroupement familial doit être examinée
au regard du respect de l'intérêt de l'enfant. Par exemple, il a
été jugé que le refus du regroupement familial
motivé par la possibilité d'un retour de l'enfant au foyer de son
père biologique méconnaissait l'intérêt
supérieur de l'intéressé car, adopté à
l'âge de trois semaines et ayant depuis toujours vécu
auprès de ses parents adoptifs, son retour aurait porté atteinte
à son équilibre psychologique et à ses liens
affectifs118. Le regroupement familial peut donc être
sollicité pour les enfants adoptés. Mais les autres modes
d'accueil ou de prise en charge d'un enfant, telle que la
kafala119 n'ouvre pas, en principe, ce droit.
114Dans un arrêt isolé, le Conseil d'État a
assimilé une décision juridictionnelle de kafala
à une adoption: le regroupement familial d'une mineure marocaine
bénéficiant d'une kafala avait été
autorisé, mais le consul avait refusé de délivrer le visa.
Considérant que l'enfant devait être regardée comme ayant
fait l'objet d'une adoption, le Conseil d'État a estimé que
l'autorité consulaire n'était pas fondée à
s'opposer à la délivrance du visa (CE, 8 juin 2005, req. N°
221774, Mohamed A.).
115Adoption provoquant une rupture de tout lien juridique entre
la famille d'origine et l'enfant adopté et assimilant ce dernier
à un enfant légitime dans la famille légitime. Cf. Art.
343 s. du Code civil
116Adoption laissant subsister des liens juridiques entre
l'enfant et sa famille d'origine, tout en créant des liens de filiation
entre l'adoptant et l'adopté. Cf. Art. 360 s. du Code civil.
117cf. Articles L.411-4 et L. 314-11 du CESEDA
118CAA Paris, 5 décembre 2000, req. n°98PA02437,
Epoux Neggaoui, Rec Lebon,T., pp. 1037-1038. 119A l'instar de
l'adoption (plénière ou simple), il existe deux types de
Kafala
-La kafala notariale ou adoulaire établie devant notaire,
qui correspond le plus souvent à une adoption intrafamiliale, les
parents de l'enfant étant connus et
déléguant leurs droits et obligations à un membre de la
famille ;
-La kafala judiciaire, ordonnée par un juge lorsque
l'enfant a été déclaré abandonné, qui permet
à un enfant qui en est
dépourvu d'avoir une famille dans laquelle
s'épanouir.
Quelque soit sa forme, la kafala se définit
habituellement comme un engagement à titre volontaire de prendre en
charge les besoins, l'éducation et la protection d'un enfant mineur
« de la même manière qu'un père le ferait pour son
fils ». Aucun nouveau lien de filiation ne se crée, la filiation
avec la famille d'origine, ou l'absence de filiation, devant rester
gravée sur les registres, d'état civil. En revanche, la kafala
entraine l'exercice de l'autorité parentale par le « kafil »
ou le parent recueillant et une obligation de prise en charge et d'entretien de
l'enfant qui cesse à sa majorité.
Par ailleurs, la kafala est un concept juridique particulier
aux pays musulmans, qui s'appuie entièrement sur une
En 1987, le tribunal administratif de Limoges a
considéré qu'un enfant confié à un étranger
séjournant régulièrement en France pouvait être
admis aux fins du regroupement familial. Il a estimé que la prise en
charge par des époux marocains d'une jeune fille aux termes d'une
décision de justice étrangère qualifiée «
d'acte de remise d'enfant » attestait l'existence d'un lien juridique leur
octroyant « une véritable autorité parentale dont le plein
exercice [supposait] la normalité d'une vie familiale commune » et
impliquait donc que la jeune fille pût entrer en France au titre du
regroupement familial120.
Cette interprétation n'a pas été reprise
par le législateur français. Le regroupement familial est
réservé aux enfants du demandeur ou de son conjoint à
l'égard desquels la filiation est établie. Or, si la kafala
opère un transfère d'autorité parentale, elle ne
modifie nullement le lien de filiation existant entre l'enfant et ses parents
biologiques121. Le parent à qui il est confié ne peut
donc se prévaloir d'un lien de filiation avec l'enfant sur le fondement
duquel il pourrait revendiquer le droit au regroupement familial. Il en va de
même en cas de délégation de l'autorité
parentale122.
La jurisprudence du tribunal Limougeaud n'est plus
d'actualité, mais elle n'est pas anachronique puisque dans le cadre de
l'Accord franco-algérien, ce droit est reconnu. Par application de cet
accord, l'enfant juridiquement à charge en vertu d'une décision
judiciaire algérienne peut rejoindre les parents à qui il a
été confié123. Dès lors, un
préfet ne peut refuser la demande de regroupement familial à un
algérien résidant régulièrement en France
présentée pour sa nièce dont la garde lui a
été confiée par un jugement d'un tribunal
algérien124. A l'exception des enfants algériens, les
enfants recueillis, ceux qui sont seulement à la charge d'un membre
établi en France ou ceux qui font l'objet d'une délégation
de l'autorité parentale ne sont pas titulaires du droit au regroupement
familial.
interprétation de certains articles du Coran sur la
question de la filiation. Elle est reconnue par la Convention des Nations unies
du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant , mais pas par la
Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la
coopération en matière d'adoption internationale, dont le champ
recouvre toutes les formes d'adoption créant un lien de filiation. La
kafala est donc exclue de son champ.
120TA Limoges, 17 décembre 1987, Mme Khatouff.
121Cass. Civ. 1Ere, 10 octobre 2006, bull. Civ. I,
n°431 et 432, pp. 370-372 ; D. 2007, jurisp. ,pp. 816-821, note H.
FULCHIRON.
122CE, 18 octobre 1996, req. n°153669, Oustou, D.
1998, somm. comm., p.17, comm. F. Julien-Laferrière.
La délégation de l'autorité parentale
peut être totale ou partielle, mais jamais définitive. A tout
moment, les parents peuvent recouvrer leurs droits vis-à-vis de leurs
enfants. On distingue deux types de délégation d'autorité
parentale qui sont : la délégation volontaire et la
délégation forcée.
123Cf. le titre II du protocole annexé à
l'Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 prévoit que
le regroupement familial peut être sollicité pour les enfants
mineurs d'un ressortissant algérien ainsi que pour les enfants de moins
de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une
décision de l'autorité judiciaire algérienne. « Les
membres de la famille s'entendent du conjoint du ressortissant algérien
de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix huit ans, dont il
a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité
judiciaire algérienne dans l'intérêt supérieur de
l'enfant. »
124TA Limoges, 24 juin 1993, Merouani, JCP G 1994, IV,
744, pp. 97-98.
Toutefois, dans des circonstances particulières, le
respect de la vie familiale est susceptible de fonder l'admission de l'enfant
sur le territoire français. Sous le contrôle du juge de
l'excès de pouvoir, il appartient aux autorités
préfectorales de s'assurer qu'une décision refusant le
bénéfice du regroupement familial sollicité pour un enfant
n'appartenant pas à l'une des catégories visées par les
dispositions légales, ne porte pas une atteinte excessive aux droits des
intéressés au respect de leur vie privée et familiale et
ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de
l'enfant125.
Section III : Le réfugié et l'apatride dans
le regroupement familial
Au vu des textes en vigueur126, une distinction est
faite entre l'apatride et le réfugié, en ce qui concerne la
procédure de regroupement familial. En revanche, une question en devenir
justifie que l'on y consacre quelques lignes, celle des réfugiés
écologiques127, pour qui à ce jour, aucun texte
international, ni régional, notamment français ne
prévoient.
Tout d'abord, la Convention du 28 septembre 1954 relative au
statut des apatrides dispose dans son article 1er que : « Aux fins de la
présente Convention, le terme « apatride » désigne une
personne qu'aucun État ne considère comme son ressortissant par
application de sa législation ». Ainsi, au contraire des
réfugiés, les apatrides et les membres de leur famille ne
bénéficient que d'une carte de séjour provisoire d'une
année. Elle est délivrée de plein droit, alors qu'avant
1997, un séjour régulier de trois ans était
requis128. Cela dit, nous allons nous rendre compte que la
législation française est plus restrictive à
l'égard des apatrides que des réfugiés pou lesquels cette
partie sera consacrée, s'agissant notamment du regroupement familial.
En second lieu, dans l'acte final de la Conférence des
plénipotentiaires qui a adopté a Convention de Genève du
28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés , il est
notamment recommandé aux gouvernements de prendre les mesures
nécessaires pour la protection de la famille
125Pour une prise en compte de l'intérêt
supérieur de l'enfant au sens de l'article 3 de la Convention sur les
droits de l'enfant par la Cour européenne, voir : Cour EDH, 1ere sect.,
12 octobre 2006, req. n° 13178/03, Mubilanzila Mayeka et Kaniki
Mitunga c. Belgique.
126 V. Circulaire du 17 janvier 2006 relative au regroupement
familial voir not. Point 1.5; et le Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) Art. L.313-11 10° et
Art. L.313-13 al.2
127 Une interrogation à laquelle C. COURNIL répond
avec beaucoup de tacts , in les réfugiés écologiques :
quelles protections quels statuts? RD. Pub. 20 juin 2007 p. 1035.
128 V. Art. L.313-11 10° du CESEDA et la circulaire du 17
janvier préc.
du réfugié et en particulier pour assurer le
maintien de l'unité de la famille. En droit interne, le conjoint et les
enfants d'un réfugié qui n'ont pas demandé ou qui n'ont
pas obtenu pour eux même la qualité de réfugié
peuvent être admis au séjour dans des conditions moins rigoureuses
que celles qui sont prévues dans le cadre de la procédure du
regroupement familial car ils bénéficient de plein droit d'une
carte de résident129. Le cas échéant, le
conjoint ou les enfant mineurs qui ne rempliraient pas les conditions
rigoureuses pour solliciter ce titre et d'autres membres de la famille du
réfugié peuvent être enclins à obtenir la
qualité de réfugié sur le fondement du principe de
l'unité de famille130. Ce principe permet d'étendre le
bénéfice de la Convention de Genève, telle que
modifiée par le protocole de New York131, aux membres de la
famille d'un réfugié statutaire sans qu'ils aient à
établir qu'ils remplissent, à titre personnel, aux conditions de
reconnaissance de la qualité de réfugié. Cette extension
du statut de réfugié aux membres de la famille des
réfugies statutaires contribue à la réunification des
membres d'une famille. Indirectement, elle participe donc à la garantie
effective du droit au respect de la vie familiale des étrangers auxquels
le statut de réfugié a été reconnu.
Section III : Des conditions strictes d'exercice du droit
au regroupement familial
Afin d'exercer son droit au regroupement familial, le
regroupant, dans la législation française, doit remplir certaines
conditions. Cependant, poser des conditions à ce droit, ne le vide pas
de tout son sens ? En effet, la directive de 2003 sur le regroupement familial
des étrangers, transposée par la France, donne la
possibilité aux États membres de fixer des conditions d'exercice
du droit au regroupement familial. Conditions particulièrement
difficiles à remplir pour le regroupant (§1). A
ces conditions, va s'ajouter un délai d'attente pour le regroupant avant
de pouvoir faire venir sa famille. Délai qui pourra se
révéler particulièrement long
(§2).
129 V. Art. L.314-11 8° du CESEDA
130 J. Fougerouse et R. Ricci, Le contentieux de la
reconnaissance du statut de réfugié devant la Commission des
Recours des Réfugiés, RD publ. 1998, pp. 179-224,
spéc. pp. 185-190.
131Loi n°70-1076 du 25 novembre 1970 autorisant
l'adhésion de la France au Protocole relatif au statut des
réfugiés, signé à New York le 31 janvier 1967 par
le président de l'Assemblée générale et par le
secrétaire général des Nations Unies, JORF, 26
novembre 1970, p.10851. Le protocole a été publié par le
décret n°71-289 du 9 avril 1971, JORF, 18 avril 1971 p.
3752;
§ 1 : Des conditions difficiles à remplir
pour le regroupant
Tout d'abord, avant même de pouvoir demander le
bénéfice du regroupement familial, le ressortissant de
l'État tiers résidant régulièrement en France, doit
démontrer une volonté d'installation à long terme sur le
territoire132.
Ensuite, pour bénéficier du droit au regroupement
familial, le regroupant doit justifier de ressources stables (B), et d'un
logement adéquat afin de recevoir sa famille (A).
A- Un logement adéquat
Depuis la loi de 2006133, c'est désormais le
maire de la commune de résidence de l'étranger
régulièrement établi en France, ou le maire de la commune
où il envisage de s'établir, qui vérifie en premier
ressort si les conditions de logement et de ressources sont effectivement
remplies.
Ces vérifications se font à partir de
pièces justificatives fournies par le demandeur et pour la condition de
logement et en tant que de besoin, par des contrôles sur place qui seront
confiés à des agents des services de la commune, ou par les
enquêteurs de l'Agence Nationale de l'Accueil des Étrangers et des
Migrations. L'avis du maire sur le logement, agissant en l'espèce, comme
représentant de l'État, est toutefois consultatif :
l'autorité titulaire du pouvoir de décision en matière de
regroupement familial reste le Préfet. Comme c'était
déjà le cas auparavant, en l'absence d'avis motivé, l'avis
du maire est réputé favorable à l'expiration d'un
délai de deux mois.
Ce qui revient à dire que dès lors le regroupant
est au chômage, même pendant une courte durée, ou que le
famille ne soit entre temps élargie, avec la naissance d'un enfant par
exemple, pour que le regroupant ne remplisse plus les conditions de logement.
Raison pour laquelle, il est intéressant de faire un parallèle
avec l'interprétation que la Cour de justice des communautés
européennes fait de la condition de logement prévue pour le
regroupement familial des membres de la famille d'un ressortissant
communautaire. Cette condition est prévue par l'article 10 §3 du
règlement n°1612/68 qui impose la condition d'un « logement
normal » pour les ressortissants communautaires souhaitant faire venir
leur famille. La Cour, dans un arrêt Commission c/ R.F.A du 18 mai 1989,
pose que la condition de logement normal prévue à cet article 10
doit s'entendre uniquement comme condition d'accueil. Ne pourrait-on,
dès lors transposer ce raisonnement aux cas des ressortissants des
États tiers ?
132 Cf Art. L. 411-1 du CESEDA
133 Préc.
Depuis la loi du 24 juillet 2006, les conditions de logement
sont appréciées par référence à ce qui est
normal « pour une famille comparable dans la même région
géographique ». Le législateur a en effet estimé que
les caractéristiques du logement n'étant pas homogènes,
les conditions d'habitat devraient s'apprécier en fonction du lieu de
résidence. Sur ce fondement, est considéré comme «
normal », un logement qui présente une superficie
minimale134 et qui satisfait aux conditions de salubrité et
d'équipement.
B- Des ressources stables
Le regroupement familial peut être refusé si le
demandeur ne justifie pas de ressources135 stables et suffisantes
pour subvenir aux besoins de sa famille. Dans ce calcul sont prises en compte
les ressources du demandeur, et de son conjoint, pour autant que ce dernier
soit régulièrement présent en France ou dispose de revenus
qui continueront à lui être versés lorsqu'il quittera son
pays d'origine. Si le conjoint est salarié à l'étranger,
il ne dispose plus, par hypothèse, de revenus salariés lorsqu'il
quitte son pays, En le quittant, ses ressources ne peuvent être pris en
compte.
§ 2 : Des délais d'attente important
Comme nous l'avons vu plus haut, l'intégration du
regroupant dans l'État d'accueil se fait essentiellement grâce
à la venue de sa famille et à la réunification de celle-ci
. Pourtant, paradoxalement, le droit français exige que le regroupant
ait séjourné légalement sur le territoire pendant une
période de dix-huit-mois avant de se faire rejoindre par sa
famille136.
Au vu d'une telle disposition, l'on se demande dès
lors, si l'intégration est réellement un droit, ou ne devient pas
plutôt une condition à remplir. En effet, l'intégration
devient indirectement pour le regroupant une condition à remplir pour
accéder au droit au regroupement familial puisque le délai
fixé avant de pouvoir faire venir sa famille est justement prévu
afin d'attendre qu'il soit bien intégré. Elle devient
également une condition directe pour le membre de la famille rejoignant
puisqu'il est prévu à l'article 7§2 de la directive de 2003
relative au regroupement familial ; que les
134 Cf. Art. R. 411-5 du CESEDA
135 Cf. Art. L.411-5 du CESEDA et Circulaire du 7 janvier 2009
fixant les conditions de ressources.
136 Cf Art. L411-1 du CESEDA
États membres peuvent exiger des «
ressortissants des États tiers qu'ils se conforment aux mesures
d'intégration, dans le respect du droit national ».
L'intégration devient dès lors une notion ambiguë,
puisqu'elle peut désormais « exclure ». Comme nous l'avons
déjà constaté à propos des dérogations
prévues pour les mineurs, il semblerait qu'en faisant de la notion
d'intégration un critère, la directive détourne celle-ci
de son sens premier.
Cette vision restrictive du regroupement familial par le
législateur français, ne faisant que transposer la politique
européenne d'immigration, suscite de s'interroger sur l'harmonisation
européenne de la notion de regroupement familial.
Chapitre II : Vers une harmonisation européenne de
la notion de regroupement
familial
La construction de l'Europe et la définition de
nouvelles frontières pose inéluctablement la question de savoir
si et comment le droit européen doit se saisir des sujets relatifs
à l'entrée et au séjour des étrangers non
communautaires, spécialement pour ce qui nous concerne, le regroupement
familial.
On peut à cet égard se référer au
texte suivant : « La mise en place d'une politique européenne
globale en matière de migrations qui s'inscrive dans une perspective
d'avenir et soit fondée sur la solidarité et la
responsabilité, reste un objectif primordial pour l'Union
européenne. Il convient d'entreprendre la mise en oeuvre effective de
l'ensemble des instruments juridiques pertinents et de recourir pleinement aux
agences et offices intervenants dans ce domaine. Des migrations bien
maîtrisées peuvent être profitables à tous. Le Pacte
européen sur l'immigration et l'asile constituent une base claire pour
poursuivre les travaux dans ce domaine. L'Europe aura besoin d'une politique
souple, modulée en fonction des priorités et des besoins des
États membres et permettant aux migrants de tirer pleinement partie de
leur potentiel. La création d'un régime d'asile commun en 2012
reste un de nos objectifs, et il convient de garantir aux personnes qui ont
besoin d'une protection, la possibilité d'accéder à des
procédures d'asile juridiquement sûres et efficaces. En outre,
afin de maintenir dans l'Union européenne de systèmes
d'immigrations et d'asile qui soient crédibles et qui s'inscrivent dans
la durée, il est nécessaire de prévenir, maîtriser
et combattre l'immigration clandestine, conformément aux conclusions du
conseil européen d'octobre 2009, les flux migratoires clandestins
exerçant une pression croissante sur l'Union européenne, et en
particulier sur les États membres situés à ses
frontières méridionales ».137
Faut il, au regard de ces conclusions du Conseil
européen, croire à une harmonisation de la politique migratoire,
notamment celle applicable au regroupement familial?. Pour s'en rendre compte,
il sied, d'examiner dans un premier temps les préconisations du pacte
européen sur l'immigration ainsi que du programme pluriannuel de la
Commission européenne (Section 1), avant d'envisager
l'examen du droit au regroupement familial sous l'égide du droit
communautaire (Section 2).
137 Conclusions du Conseil européen : Bruxelles 10-11
décembre 2009, Europa.fr point 31.
Section 1 : Le Pacte européen sur l'immigration et
le programme pluriannuel de la Commission européenne
Pour une harmonisation effective du regroupement familial,
l'Europe s'est dotée d'un Pacte sur l'immigration et
l'asile138 (§1), ainsi, par le biais de sa
Commission, elle s'est fixée des perspectives dans son programme
pluriannuel 2010-2014139 (§2), applicables au
regroupement familial.
§1 : Le dispositif du Pacte européen
applicable au regroupement familial
Signé le 16 octobre 2008, le Pacte européen sur
l'immigration et l'asile est le « socle d'une politique commune ». Il
est constitué de cinq engagements fondamentaux, pris par le Conseil
européen qui sont :
- Organiser l'immigration légale en tenant compte des
priorités, des besoins et des capacités
d'accueil déterminées par chaque État membre
et favoriser l'intégration.
- Lutter contre l'immigration irrégulière,
notamment en assurant le retour dans leur pays
d'origine ou vers des pays de transit, des étrangers en
situation irrégulière.
- Renforcer l'efficacité des contrôles aux
frontières
- Bâtir une Europe de l'asile
- Créer un partenariat global avec les pays d'origine et
de transit favorisant les synergies entre
les migrations et le développement.
L'engagement qui fera l'objet de notre examen est celui
consacrer à « organiser l'immigration légale... ».
S'agissant du regroupement familial, le Pacte européen prévoit de
« mieux réguler l'immigration familiale en invitant chaque
État membre à prendre en compte dans sa législation
nationale, dans le respect de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, ses capacités
d'accueil et les capacités d'intégration des familles
appréciées au regard de leurs conditions de ressources et de
logement dans le pays de destination ainsi que, par exemple de leur
connaissance de la langue de ce pays ;... »140.
138 Signé le 16 octobre 2008, cf.
europa.fr
139 Signé LE 11 décembre 2009 à Stockholm
140 Pacte européen sur l'immigration et l'asile, I, c),
europa.fr.
L'on peut d'ores et déjà affirmer que, les
dispositions du Pacte européen sur l'immigration sont restrictives vis
à vis du droit au regroupement familial car ce dernier affirme que
« la création d'un espace commun de libre circulation confronte par
ailleurs les États membres à des défis nouveaux. Le
comportement d'un État peut affecter les intérêts des
autres. L'accès au territoire de l'un des États membres peut
être suivi de l'accès au territoire d'autres États membres.
Aussi est-il impératif que chaque État membre prenne en compte
les intérêts de ses partenaires dans la définition et la
mise en oeuvre de ses politiques d'immigration, d'intégration et d'asile
»141
Il découle de cette affirmation, que le Pacte exhorte
les États membres a beaucoup plus de fermeté, afin
d'éviter toute « attractivité de l'Europe », de ce fait
il incite à une régularisation « au cas par cas » et
non à une régularisation « massive » des
étrangers en situation irrégulière.
Au regard de tout ce qui précède, l'on peut
affirmer qu'il se « profile » une harmonisation de la notion de
regroupement familial. Reste à examiner si tel est la cas avec le
programme pluriannuel de la Commission européenne.
§ 2 : Les perspectives de la Commission sur la
notion de regroupement familial
Onze ans après le Conseil européen de
Tampere142, l'Union européenne a donné un nouveau
cadre à la construction de l'espace commun de liberté, de
sécurité et de justice143. D'ores et
déjà, le nouveau programme pluriannuel reflète une
nouvelle détermination à mettre en oeuvre les décisions
prises au niveau politique et reposer sur une indispensable culture de
l'évaluation.
La première priorité de la contribution
française144 pour le programme pluriannuel, c'est de
prôner une approche commune des États membres pour l'immigration
afin de répondre à un double défi qui est d'une part,
d'organiser la migration professionnelle pour répondre aux besoins du
marché du travail des États membres et, d'autre part, de lutter
contre l'immigration irrégulière, source de difficultés
pour l'intégration des ressortissants de pays tiers.
Pour la France, le programme de travail de la Commission
devrait se conformer au Pacte européen sur l'immigration et l'asile
notamment avec la « régulation de l'immigration familiale, dans
141 V. §5 du Pacte européen sur l'immigration et
l'asile préc.
142 Conseil européen de Tampere des 15-16 octobre 1999.
143 Cf le plan quinquennal de la commission sur la justice et la
sécurité intérieure du 20 avril 2010
144 Cf. contribution française à
l'élaboration du programme pluriannuel 2010-2014,
europa.fr.
le respect des droits fondamentaux et de la Convention
européenne des droits de l'homme, et en fonction des capacités
d'accueil des États membres et des capacités d'intégration
des familles ».
En somme, il ne figure aucune perspective applicable au
regroupement familial dans ce programme de travail de la Commission, si ce
n'est qu'il « envisage une politique d'ensemble de l'immigration ».
Mais, il n'en demeure pas moins que ce programme pluriannuel se fonde sur les
dispositions du Pacte européen sur l'immigration et l'asile, tel que l'a
préconisé la France.
Section 2 : Le regroupement familial et le droit
communautaire
Le droit au regroupement familial a tout d'abord
été reconnu aux membres de la famille des citoyens
européens (§1), avant qu'il ne soit étendu
aux membres de la famille d'un étranger régulièrement
établi sur le territoire d'un État membre
(§2).
§ 1 : Le regroupement familial des membres de la
famille du citoyen européen
En droit communautaire, le droit au regroupement familial est
entendu comme un droit propre du travailleur communautaire. Il a pour objet de
permettre l'intégration du travailleur dans le pays dans lequel il s'est
établi pour exercer une activité professionnelle. A cette fin,
des droits dérivés sont reconnus aux membres de sa famille, en
particulier le droit d'entrer, de séjourner et de travailler. Le droit
au regroupement familial et la reconnaissance de droits dérivés
aux membres de la famille sont donc entendus comme des moyens de rendre
effectif l'exercice de la liberté de circulation des travailleurs
communautaires garantie par le Traité de Rome145.
Indirectement, la vie familiale des citoyens européens
est protégée en vue d'éliminer les obstacles à
l'exercice des libertés fondamentales garanties par le Traité de
Rome146. Cet objectif est la clef de voûte de la
consécration du droit au regroupement familial au bénéfice
des membres de la famille du citoyen européen. Le rattachement au droit
au respect de la vie familiale est plus récent.
En 1989, à la lumière des stipulations de l'article
8 de la Convention européenne, La Cour de justice des communautés
européenne a considéré que le regroupement familial
constituait un droit
145Le droit au regroupement familial n'est pas
réservé aux étrangers membres de la famille du citoyen
européen. Il a également été reconnu dans le cadre
de l'application de l'Accord d'association conclu entre l'union
européenne et la Turquie. Le droit au regroupement familial est reconnu
aux travailleurs turcs afin de rendre effectif l'accès au marché
du travail dans les États membres de l'Union européenne.
146Voir not. : CJCE, 11 juillet 2002, aff. C-60-00, Mary
Carpentier, point 38 ; CJCE, 25 juillet 2002, aff. C-459/99, MRAX c.
Belgique, point 53.
fondamental147. Depuis, la référence au
droit au respect de la vie familiale est plus prégnante.
§ 2 : Le regroupement familial des membres de la
famille des étrangers
Jusqu'à une époque récente, ni le droit
communautaire originaire ni le droit communautaire dérivé, ne
consacraient le droit au regroupement familial des étrangers au sens du
droit communautaire, c'est à dire des ressortissants qui n'ont pas la
nationalité de l'un des États membres. L'adoption de la directive
2003/86/CE du Conseil européen du 22 septembre 2003 relative au droit au
regroupement familial148 marque donc une étape importante
dans la protection des droits des étrangers dans les États
membres de l'Union européenne. Le droit au regroupement familial est
défini comme étant la cohésion au sein du pays
d'accueil149. Il permet donc d'atteindre un double objectif
correspondant pour le premier à un intérêt individuel,
garantir la vie familiale des étrangers, et pour le second à un
intérêt général, assurer la cohésion sociale
et économique dans les pays d'accueil .
Le champ d'application personnel de la directive 2003/86/CE
est restreint. Le régime défini dans cet instrument communautaire
ne s'applique qu'aux ressortissants de pays tiers titulaires d'un titre de
séjour d'une durée de validité supérieure ou
égale à un an et justifiant d'une perspective fondée
d'obtenir un droit de séjour permanent150 ainsi qu'aux
réfugiés151. Les étrangers qui ont
sollicité la reconnaissance de la qualité de
réfugié et dont la demande n'a pas fait l'objet d'une demande
définitive152, les bénéficiaires de protections
temporaire ou subsidiaire et les membres de la famille d'un citoyen
européen153 sont exclus de son domaine d'application.
Élaborée à partir d'un
147CJCE, 18 mai 1989, aff. C-249/86, Commission c.
République fédérale d'Allemagne, point 10, Rec. CJCE,
p. 1263, concl. J.Mischo ; JDI 1990, chron. De jurisprudence de la
Cour de justice des communautés européennes, pp. 476- 477, obs.
M-C Boutard-Labarde.
148Directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative
au droit au regroupement familial, JOUE L 251, 3 octobre 2003, p. 12.
Sur ce texte , voir not. : C. Urbano de Sousa, le regroupement familial au
regard des standards internationaux, in F. Julien-Laferrière, H.
Labayle et Ö. Edstrôm (dir.), La politique européenne
d'immigration et d'asile : bilan critique 5 ans après le Traité
d'Amsterdam, pp. 127-139.
149Considérant 4 de la directive 2003/86/CE : « le
regroupement familial est un moyen nécessaire pour permettre la vie en
famille. Il contribue à la création d'une stabilité
socioculturelle facilitant l'intégration des ressortissants des pays
tiers dans les États membres, ce qui permet par ailleurs de promouvoir
la cohésion économique et sociale, objectif fondamental de la
Communauté énoncé dans le Traité instituant la
Communauté européenne ».
150 Cf. Art. 1Er et 3, paragraphe 1, de la directive
2003/86/CE.
151 Cf. Art. 9, paragraphe 1, de la directive 2003/86/CE.
152 Cf. Art. 3, paragraphe 2, point a) de la directive
préc.
153 CF. Art. 3, § 3 de la directive . Le regroupement
familial des membres de la famille du citoyen européen qui a
exercé son droit à la libre circulation est régi par la
directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril
2004 relative a droit des citoyens de l'Union et des membre de leur famille.
dénominateur commun minimal des politiques nationales
migratoires, la directive est un texte novateur dans la mesure où le
droit des étrangers au regroupement familial est formellement
consacré par l'Union européenne alors que, jusqu'ici, le droit au
regroupement familial garanti par le règlement (CEE) 1612/68, concernait
exclusivement les travailleurs communautaires154. En outre,
l'adoption de règles communes permet d'éviter que les
étrangers choisissent un pays d'accueil en considération du
régime favorable au regroupement familial adopté dans cet
État.
La directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre
2003155 étend le régime de regroupement familial
défini par la directive 2003/86/CE aux membres de la famille du
résident de longue durée, c'est à dire du ressortissant
d'un État tiers156 qui réside de manière
légale et ininterrompue depuis cinq ans sur le territoire d'un
État membre157. Afin de maintenir l'unité familiale et
de ne pas entraver l'exercice du droit au séjour du résident de
longue durée. Les membres de sa famille peuvent l'accompagner ou le
rejoindre dans tout État membre autre que celui qui a octroyé le
statut de résident de longue durée et dans lequel il exerce son
droit de séjour158. Les membres de sa famille qui remplissent
les conditions visées à l'article 4, paragraphe 1, de la
directive 2003/86/CE sont autorisés à l'accompagner . Pour les
autres membres de la famille, les États sont libres de les autoriser
à vivre auprès du résident de longue
durée159. Le deuxième État membre, remet aux
membres de la famille un titre de séjour renouvelable de durée
identique à celle du titre délivré au résident de
longue durée. Lorsque le résident de longue durée a
fondé une famille dans le deuxième État membre, il est
fait application des règles énoncées par la directive
2003/86/CE160.
Le droit au regroupement familial au sens de la directive
2003/86/CE est fondé sur l'obligation des États de
protéger la famille et de respecter la vie familiale. Dans la directive
2003/109/CE, à l'instar de la directive 2004/38/CE du Parlement
européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au
154H. TAGARAS, le champ d'application personnel du regroupement
familial et de l'égalité de traitement des membres de la famille
du travailleur dans le cadre du règlement 1612/68, Cah. dr. Eur. 1998,
pp. 329-341.
155Directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative
au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue
durée, JOUE L 16, 23 janvier 2004, pp. 44.
156Le champ d'application ratione personae de la directive est
défini de manière restrictive. Aux termes de son article 3,
§ 2, elle ne s'applique pas aux ressortissants de pays tiers qui : «
a) séjournent pour faire des études ou suivre une formation
professionnelle : b) sont autorisés à séjourner dans un
État membre en vert d'une protection temporaire ou ont demandé
l'autorisation de séjourner pour ce même motif et attendent une
décision sur leur statut... .
157 V. Art. 4, § 1 de la directive 2003/109/CE.
158 Lorsque le résident concerné exerce son droit
de séjour dans un deuxième État membre, les membres de sa
famille ne peuvent l'accompagner ou le rejoindre que si la famille était
déjà constituée dans le premier État membre. Le
principe et les conditions de séjour dans un deuxième État
membre du résident de longue durée sont énoncées
aux articles 14 à 23 de la directive 2003/109/CE.
159 V. Art.16 § 2 , de la directive 2003/109/CE.
160 V. Art. 19, § 3 de la directive 2003/109/CE.
Par ailleurs, avec la signature du Traité de
Lisbonne161, outre le fait que la Charte des droits fondamentaux de
l'Union a dorénavant une force juridique contraignante, l'on peut enfin
de nouveau affirmer que l'harmonisation européenne sur la politique
migratoire se veut être dorénavant effective, notamment en ce qui
concerne le regroupement familial avec l'article 63 bis dudit
Traité qui dispose que :
« 1. L'union développe une politique commune de
l'immigration visant à assurer, à tous les stades, une gestion
efficace des flux migratoires, un traitement équitable des
ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans les
États membres, ainsi qu'une prévention de l'immigration
illégale et de la traite des êtres humains et une lutte
renforcée contre celle-ci ;
2. Aux fins du paragraphe 1, le Parlement européen et le
Conseil, statuant conformément à la
procédure législative ordinaire, adoptent les
mesures dans les domaines suivants :
a) les conditions d'entrée et de séjour, ainsi que
les normes concernant la délivrance par les États membres de
visas et de titres de séjour de longue durée, y compris aux fins
du regroupement familial ; ... ». Il n'en demeure pas moins, que le
Traité de Lisbonne ne vient que consolider les instruments juridiques
communautaires existants en leur donnant une force juridique obligatoire.
Ceci dit, l'on a pu constater tout au long de cette
première partie, que les États membres de l'Union
européenne, tiennent à préserver leur souveraineté
en matière migratoire, en voulant maîtriser les flux migratoires,
notamment, pour le regroupement familial en particulier. Ainsi, ces
restrictions législatives des États membres applicables au
regroupement familial, tel qu'en France, pouvant susciter des discriminations,
ne laissent pas les juges des libertés fondamentales162
indifférents. A cet égard, un contrôle visant à
faire respecter et appliquer cette liberté fondamentale qui est «
le respect de la vie familiale » s'impose.
161 Traité de Lisbonne, signé le 13 décembre
2007, et entré en vigueur le 1er décembre 2009.
162 En l'occurrence, le juge communautaire, le juge
européen, le juge administratif, le juge constitutionnel.
IIe partie: LE CONTRÖLE JURIDICTIONNEL DU
REGROUPEMENT FAMILIAL
Le droit au regroupement familial se trouve au coeur d'une
actualité juridique que les juridictions ont la responsabilité de
contrôler, car l'affirmation des textes n'est rien sans le secours du
juge163 . La souveraineté des États au titre de
l'encadrement de l'entrée et le séjour des étrangers sur
leur territoire, n'empêche pas que le juge peut être
sollicité et soit ainsi confronté à cette encadrement. Le
juge est en effet le garant de la préservation du respect des
libertés fondamentales, notamment en ce qui nous concerne, le droit de
vivre en famille, plus particulièrement celui au regroupement
familial.
De plus, notons qu'il existe une multiplicité de
juridictions susceptibles d'être saisies164. De ce fait, les
juges européens notamment, ceux de la Cour européenne des droits
de l'homme et de la Cour de justice de l'Union européenne prennent des
décisions qui s'imposent aux juges nationaux du fait de leur
suprématie.
Il convient ainsi, dans cette seconde partie, d'une part,
d'examiner le regroupement familial sous l'angle du droit européen
(Chapitre 1). D'autre part, il sera question de l'étude
du contrôle juridictionnel du droit à être rejoint par sa
famille exercé par les juridictions internes (Chapitre
2),
163 Cf . H. LABAYLE, Le droit des étrangers
au regroupement familial, regards croisés du droit interne et du droit
européen, RFDA 2007, p. 102.
164 Nous faisons ici référence aux juridictions
européennes, telles la Cour EDH, la Cour de justice de l'Union
européenne et nationales parmi lesquelles le Conseil constitutionnel et
le conseil d'État .
Chapitre 1: Le contrôle du regroupement familial
par les juridictions européennes
Le droit des étrangers de mener une vie familiale
normale trouve aujourd'hui ses sources autant dans le droit communautaire et la
directive 2003/86 du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement
familial que dans le Préambule constitutionnel et la Convention
européenne des droits de l'homme. Les contrôles
opérés tant par la Cour de justice (Section 2),
sur la directive 2003/86 que par la Cour européenne des droits de
l'homme (Section 1) sur l'applicabilité de l'article 8
de la Convention méritent d'être développés.
Section 1 : Le contrôle exercé par la Cour
européenne des droits de l'homme
Il semble nécessaire, afin de constater qu'il existe
des violations de l'article 8, notamment par la directive relative au
regroupement familial, d'analyser la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l'homme à l'égard du regroupement familial et de
voir quelle est son interprétation de l'article 8 dans ce domaine.
L'article 8 § 1 dispose que « Toute personne a
droit au respect de la vie privée et familiale, de son son domicile et
de sa correspondance » . Ce droit au respect est
interprété conjointement avec le paragraphe 2 de l'article qui
énonce qu'il « ne peut y avoir ingérence d'une
autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette
ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure
qui, dans une société démocratique, est nécessaire
à la sécurité nationale, à la sûreté
des infractions pénales, à la protection de la santé ou de
la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui
». La Cour, après avoir constaté que le cas posé
correspond au domaine de la « vie familiale », examine donc s'il y a
ingérence. Si telle est sa conclusion, elle opte pour une approche
analytique en examinant si cette ingérence est « conforme
à la loi », et « nécessaire dans une
société démocratique » au regard des
intérêts énumérés au paragraphe 2
(sécurité nationale, sûreté publique...) .
Si en principe, l'État ne peut s'ingérer dans
les relations familiales de l'étranger, la Cour a également
établi qu'il pouvait être tenu d'assurer le respect de ces
relations au moyen de dispositions législatives, réglementaires,
ou de tout autre moyen approprié. En effet, si « l'article 8 a
essentiellement pour objet de prémunir l'individu contre des
ingérences arbitraires des pouvoirs
publics, il ne se contente pas d'astreindre l'État
à s'abstenir de pareilles ingérences : à cet engagement
plutôt négatif peuvent s'ajouter des obligations positives
inhérentes à un respect effectif de la vie privée ou
familiale... »165. Cette interprétation de la Cour,
de l'article 8 permet donc d'imposer à l'État des obligations
plus contraignantes, dans la mesure où il n'aura plus uniquement des
obligations « négatives »166, mais également
des obligations « de faire »167. Selon la
Cour168 « les principes applicables à pareilles
obligations sont comparables à ceux qui gouvernent les obligations
négatives » Dans les deux cas, « il faut tenir compte
du juste équilibre à ménager entre les
intérêts concurrents de l'individu et de la société
dans son ensemble ». De même, « dans les deux
hypothèses, l'État jouit d'une certaine marge
d'appréciation »169. S'agissant des cas relatifs au
regroupement familial, la Cour européenne se fonde exclusivement sur les
obligations positives de l'État, et non sur son ingérence, afin
de constater la violation ou non de l'article 8 de la Convention
européenne. Dans ces affaires, la Cour contrôle que les
États ont effectivement levé tous les obstacles appliqués
par les pouvoirs publics à l'exercice du droit à la vie
familiale. Cela pourrait traduire une attitude protectrice à
l'égard du droit au regroupement familial. Cependant la jurisprudence de
la Cour européenne au regard du regroupement familial sera jusqu'en 2001
particulièrement restrictive. En effet, elle conclut à chaque
fois que l'État n'a pas failli à ses obligations positives et
qu'il a ménagé de façon équitable, après
avoir mis en balance, les intérêts des requérants et ceux
de l'État qui sont en général le contrôle de
l'immigration . Cette jurisprudence va néanmoins se trouver assouplie
par l'arrêt Sen de 2001 qui, même s'il ne pose toujours
pas que l'article 8 garantit un droit au regroupement familial, va
représenter une inflexion importante à la jurisprudence
antérieure de la Cour.
L'évolution de la jurisprudence de la Cour EDH dans ce
domaine montre que l'on passe d'une attitude restrictive
(§1), à une position plus protectrice du droit au
regroupement familial (§2). On relèvera notamment,
afin de mieux comprendre ces décisions, les différences
d'interprétation par rapport aux cas de dégroupement
familial170. En effet, dans ce domaine, la Cour analyse la rupture
de la vie familiale différemment qu'en matière de regroupement
familial, ce qui se constate par l'analyse de la jurisprudence
Ciliz171.
165 CEDH, 9 octobre 1979, Airey, série A,
n°32, p. 17 § 32-33.
166 Les obligations négatives sont des obligations de ne
pas faire incombant à un État
167 Les obligations de faire ou obligations positives qui
incombent à l'État
168 V. notamment CourEDH, 21 décembre 2001, Sen c.
Pays-Bas, req. n° 31465/96, §31.
169 V. également à ce sujet CourEDH, 19 juin 1996,
Gûl c. Suisse, Req. 232 18/94, §38 et CourEDH, 28 novembre
1996, Ahmut c. Pays-Bas, Req. n°21702/93, §63.
170 Dégroupement familial ou rupure de la vie familiale,
notamment pour des cas d'expulsion
171 CourEDH, 11 juillet 2000, Ciliz c. Pays-Bas, Req.
n°29192/95
48 § 1 : Une attitude restrictive vis à
vis du droit au regroupement familial
Il est d'abord essentiel de constater qu'il n'existe pas de
« droit au regroupement familial » formulé en tant que tel,
que ce soit dans le cadre de la Convention, ou dans la jurisprudence de la Cour
européenne. Celle-ci est même, dans un premier temps très
stricte dans ce domaine. Dans l'arrêt Abdulaziz de
1985172, la Cour pose que « l'article 8 ne saurait
s'interpréter comme comportant pour un État contractant
l'obligation générale de respecter le choix, par un couple
marié, de leur domicile commun et d'accepter l'installation de conjoints
non nationaux dans le pays » dans la mesure où en
l'espèce, « les requérantes n'ont pas prouvé
l'existence d'obstacles qui les aient empêchées de mener une vie
familiale dans leur propre pays, ou dans celui de leur mari ni des raisons
spéciales de ne pas s'attendre à les voir opter pour une telle
solution ». Elle juge qu'il n'y a pas de violation de l'article 8.
Nous pouvons donc conclure que, dès que la vie familiale peut se
construire ailleurs que dans l'État membre, ce sera aux
requérants de prouver le contraire , ce dernier ne viole pas l'article 8
en refusant une demande de regroupement familial.
Ce raisonnement est appliqué par la Cour alors
même que les faits pourraient justifier la délivrance d'un titre
de séjour pour raisons humanitaires. Dans l'arrêt Gûl de
1996, la Cour reprend le même raisonnement que dans sa décision
précédente. Elle pose que le litige a « trait non
seulement à la vie familiale, mais aussi à l'immigration. Or
l'étendue de l'obligation, pour un État, d'admettre sur son
territoire des parents d'immigrés dépend de la situation des
intéressés et de l'intérêt général.
D'après un principe de droit international bien établi, les
États ont le droit, sans préjudice des engagements
découlant pour eux des traités, de contrôler
l'entrée des non-nationaux sur leur sol »173 et, «
l'article 8 ne saurait s'interpréter comme comportant pour un
État l'obligation générale de respecter le choix, par des
couples mariés, de leur résidence commune et de permettre le
regroupement familial sur son territoire. Afin d'établir l'ampleur des
obligations de l'État, il convient d'examiner les différents
éléments de la situation ». Celle-ci paraissait
cependant relever ici d'un cas humanitaire. Il s'agissait de la demande de
regroupement familial du fils d'un couple de ressortissants turcs, M. et Mme
Gûl. Le mari ayant immigré en Suisse où il avait fait une
demande d'asile, sa femme l'avait rejoint quelques années après
pour raisons médicales graves, laissant son fils en Turquie. La demande
d'asile fut refusée mais M. Gûl obtint néanmoins
un titre de séjour pour raisons humanitaires. Le regroupement familial
de son fils ayant également été refusé, il saisit
alors la Commission européenne des droits de l'Homme qui conclut
à une violation
172 CourEDH, 28 mai 1985, Abdulaziz c. Royaume-Uni, req.
n°9214/80.
173 V. arrêt Abdulaziz préc.
de l'article 8, ce que la Cour européenne rejeta
à dix sept voix contre deux. La Cour, pour arriver à cette
conclusion, avait comme dans l'arrêt Abdulaziz,
apprécié les faits afin de déterminer si la venue du fils
de M. Gûl en Suisse constituait le seul moyen de
développer une vie familiale ; dans quelle mesure la famille «
Gûl » pouvait reconstruire une vie familiale ailleurs.
L'appréciation des faits par la Cour européenne est
particulièrement « sévère ». Il est
nécessaire de relever tout d'abord, que selon une « attestation
établie par un spécialiste de médecine interne de Pratteln
et datée du 31 mars 1989, un retour en Turquie s'avérait
impossible pour Mme Gûl et risquerait même de lui être fatal
eu égard à son grave état de santé ».
D'autre part, cette dernière a donné naissance à une
fille ayant toujours vécu en Suisse. Enfin, M. Gûl vit
depuis plus de dix ans en Suisse et possède un titre de séjour
pour raison humanitaire, au regard notamment de son état de
santé. Cependant malgré ces éléments, la Cour
déclare qu'en s'installant en Suisse, « M. Gûl a
été à l'origine de la séparation avec son fils
», et que concernant l'état de santé de Mme
Gûl, « il n'est pas démontré que par la
suite, elle pouvait disposer des soins médicaux adéquats dans les
hôpitaux spécialisés en Turquie ». Elle conclut alors
que « compte tenu de la durée de leur séjour en Suisse, un
retour en Turquie des époux Gûl ne s'annonce certes pas facile,
mais il n'existe pas à proprement parler d'obstacles au
développement d'une vie familiale en Turquie »
La Cour européenne paraît donc plutôt
conciliante avec les États en matière de regroupement familial.
Dès que la vie familiale peut être reconstruite ailleurs, il n'y a
pas violation de la part de l'État membre de l'article 8 de la
Convention européenne des droits de l'homme, ce qui, au regard de ces
décisions, semble toujours le cas, car même dans des situations
où le retour paraît très délicat, voire impossible,
la violation de l'article 8 n'est toujours pas constatée. Cela se
confirme dans un arrêt Ahmut de 1996174. Il
s'agissait du cas du regroupement familial d'un enfant aux Pays-Bas dont la
mère était décédée et dont le père ,
M. Ahmut, était résident aux Pays-Bas depuis de
nombreuses années. La Cour considère dans cet arrêt
qu'alors même que M. Ahmut a la nationalité
néerlandaise, vit depuis plus de dix ans aux Pays-Bas et y tient un
commerce depuis plusieurs années, celui-ci « ne se trouve pas
empêché de maintenir le degré de vie familiale qu'il a
lui-même choisi lorsqu'il a émigré aux Pays-Bas, et il n'y
a pas non plus d'obstacle à son retour au Maroc »
La Cour déclare que, certes « M. Salah
préfèrerait maintenir et intensifier ses liens familiaux »
avec son fils aux Pays-Bas, mais que « l'article 8 ne garantit
pas le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer
une vie familiale ». Dans ces conditions, après avoir mis en
balance les
174 CourEDH, 28 novembre 1996, Ahmut c. Pays-Bas, req.
n°21702/93
intérêts des requérants et ceux de
l'État défendeur à contrôler l'immigration, la Cour
conclut que l'équilibre ménagé par les autorités
néerlandaises a été équitable.
La reconnaissance d'un droit au regroupement familial de ces
trois décisions semble impossible. On relève également,
que dans ces arrêts, l'intérêt de l'enfant n'a pas
été pris en considération. La Cour conclut indirectement
que, la vie familiale ayant été volontairement rompue par le
parent qui est venu s'installer sur le territoire de l'État membre, il
doit désormais assumer ce choix : soit maintenir la vie familiale telle
qu'elle est, c'est à dire « à distance », soit
retourner dans le pays d'origine. Elle vérifie que l'enfant
possède encore une personne de sa famille dans le pays d'origine et y a
vécu la majeure partie de sa vie pour conclure qu'il n' y a dès
lors pas de nécessité à ce qu'il rejoigne ses parents dans
l'État membre.
Afin de mieux comprendre la jurisprudence de la Cour
européenne, il est intéressant de soulever à propos de
l'intérêt de l'enfant, que la Cour y accorde plus d'importance
dans les décisions liées à l'expulsion. La Cour opte alors
pour une position très différente, notamment vis à vis de
l'intérêt de l'enfant. Contrairement à sa jurisprudence sur
le regroupement familial, elle semble faire prédominer
l'intérêt de l'enfant et la réunion de la famille, sur les
intérêts propres à l'État. Elle a donc une
interprétation sensiblement différente de l'article 8 selon le
domaine dans lequel on se trouve . C'est ce que l'on constate dans la
jurisprudence Ciliz. En l'espèce, il s'agissait du cas d'un
ressortissant turc, arrivé aux Pays-Bas, qui s'était marié
à une compatriote résidant légalement dans cet État
et avec qui il eut un fils. Il obtint un titre de séjour du fait de son
mariage lui permettant de résider indéfiniment aux Pays-Bas.
Divorçant quelques années plus tard, il demanda alors un titre de
séjour indépendant lui permettant de travailler. Il lui fut
accordé mais non renouvelé car il percevait à
l'époque des allocations chômage. La Commission consultative des
étrangers « tout en considérant qu'il y avait une vie
familiale [...] estima que l'ingérence était justifiée au
regard de la nécessité de protéger le bien-être
économique du pays ». Par ailleurs, d'autres
éléments rentraient en compte notamment le fait que M.
Ciliz ne voyait son fils que de façon
irrégulière, et qu'il ne « contribuait
qu'irrégulièrement aux frais afférents à son
entretien et à son éducation » . Cette analyse fut
reprise par les différentes instances juridiques des Pays-Bas qui
déboutèrent M. Ciliz des différents recours
formés175
La Cour européenne se prononça différemment.
Elle a constaté que le lien entre le requérant et
175 V. notamment CourEDH, 26 mai 1994, Berrehab et Keega c.
Irlande, série A n°290, p.19, § 50.
son fils s'analysait en une « vie familiale ». Elle
a rappelé sa jurisprudence antérieure en observant « qu'il
ne peut faire aucun doute qu'un lien s'analysant en une vie familiale au sens
de l'article 8 § 1 de la Convention existe entre les parents et l'enfant
né de leur mariage » et que pareille relation ne prend pas fin en
cas de séparation ou de divorce, car cela entrainerait comme
conséquence que l'enfant cessât de vivre avec l'un de ses parents.
Alors même que le requérant n'a pas fait beaucoup d'efforts pour
voir son fils pendant la période immédiatement postérieure
à la séparation, le contact fut rétabli après. Il
n'y a donc pas rupture des liens de « vie familiale » entre le
requérant et son fils. La Cour, contrairement au cas de regroupement
familial, examine ensuite s'il y a ingérence de la part de l'État
et si celle-ci remplit les conditions de l'article 8 § 2. Si cette
ingérence est prévue par la loi et peut être
légitimée par le « bien être économique »
elle n'est cependant pas « nécessaire dans une
société démocratique ».
L'intérêt de l'enfant semble donc être
davantage pris en compte. Pourquoi alors, la Cour qui semble plutôt
protectrice des droits de l'enfant et de l'unité familiale dans cette
décision opte pour une position beaucoup plus sévère
à l 'égard de ces mêmes droits dans sa jurisprudence sur le
regroupement familial ? Cela peut s'expliquer par la différence de
situations que présentent ces jurisprudence. En effet, dans
l'arrêt Ciliz, la vie familiale était déjà
constituée auparavant sur le territoire de l'État membre alors
que dans le cas d'un refus du regroupement familial elle se situe au niveau de
l'empêchement de la constitution future d'une vie familiale sur le
territoire de l'État membre. L'intérêt de l'enfant n'est
pas considéré de la même manière selon que l'enfant
a toujours habité sur le territoire de l'État membre ou demande
de s'y installer. Cette jurisprudence, favorable à
l'intérêt de l'enfant, ne peut cependant pas être
invoquée au regard de la directive sur le regroupement familial.
§ 2 : Une inflexion de la jurisprudence :
L'arrêt Sen
En revanche, afin de montrer l'inflexion de la jurisprudence
de la Cour européenne, l'on se basera sur son arrêt Sen de 2001.
Cet arrêt témoigne d'une inflexion remarquable par rapport
à la position de la Cour sur le regroupement familial. Rendu à
l'unanimité, il sanctionne le refus du regroupement familial d'un enfant
de douze ans venant rejoindre ses parents. Il est intéressant de voir
que cet affaire offre nombre de points communs avec la situation
examinée dans l'arrêt Ahmut où aucune violation de
l'article 8 n'avait été constatée au vu des faits de
l'espèce. Dans l'affaire Sen
contre Pays-Bas du 21 décembre 2001, il
s'agissait du cas d'un couple de ressortissants turcs, résidant aux
Pays-Bas, dont la demande de regroupement pour leur fille avait
été rejetée. M. Zeki Sen, ressortissant turc
installé aux Pays-Bas s'était marié avec une compatriote
en Turquie et avait eu un enfant avec cette dernière. La femme
était venue seule rejoindre son mari dans le cadre du regroupement
familial, confiant leur fille à sa soeur en Turquie. Comme dans
l'affaire Ahmut, la résidence séparée des
requérants est le résultat de la décision, prise
délibérément par les parents lorsque l'épouse Sen a
rejoint son mari aux Pays-bas. Ainsi, les requérants ne se trouvent donc
pas empêchés de maintenir le degré de vie familiale qu'ils
ont eux-même choisi en 1986. Cette enfant a par ailleurs également
vécu toute sa vie dans son pays d'origine et a, en conséquence,
des liens solides avec l'environnement linguistique et culturel de son pays
où elle possède toujours de la famille. Mais, contrairement
à ce qu'elle a considéré dans l'affaire Ahmut, la
Cour estime qu'il existe toutefois dans le cas présent un obstacle
majeur au retour de la famille Sen en Turquie. En effet, la Cour opte pour un
raisonnement pratiquement contraire à celui de l'arrêt
Ahmut et de l'arrêt Gûl précité.
Elle constate d'une part que les deux parents, l'un titulaire d'un permis
d'établissement et l'autre, d'un permis de séjour du fait de son
mariage avec une personne autorisée à s'établir aux
Pays-Bas « ont établi leur vie de couple aux Pays-Bas,
où ils séjournent légalement depuis de nombreuses
années »176. D'autre part, et la Cour insiste
particulièrement sur ce point, ils ont eu sur le territoire
néerlandais deux autres enfants « qui ont toujours vécu
aux Pays-Bas, dans l'environnement culturel de ce pays et y sont
scolarisés » et qui « n'ont de ce fait peu ou pas de
liens autres que la nationalité avec leurs pays d'origine
»177. Ces différents éléments et
surtout le second, dressent un obstacle à « un transfert de la
vie familiale en Turquie »178. En effet indirectement,
c'est également l'intérêt supérieur des enfants
nés aux Pays-Bas que la Cour prend en compte, puisqu'elle constate qu'il
serait difficile d'envisager un retour les concernant179. Elle
énonce donc, que dans ces conditions, la venue de l'enfant
concernée « aux Pays-Bas constituait le moyen le plus
adéquat pour développer une vie familiale avec celle-ci d'autant
qu'il existait, vu son jeune âge, une exigence particulière de
voir favoriser son intégration dans la cellule familiale de ses parents,
aptes et disposés à s'occuper d'elle »180.
La Cour rejette donc, alors que cela constituait son raisonnement dans sa
jurisprudence antérieure, la position de l'État qui reprenait
l'analyse des arrêts précédents au double motif que :
l'enfant « n'appartient plus, de facto, au cercle familial de
ses
176 V. raisonnement inverse de la Cour notamment dans
l'arrêt Gül précité.
177 V. à ce sujet l'arrêt CourEDH, 26 septembre
1997, Mehemi c. France, Recueil 1997-VI, p. 1971, § 36.
178 V. le raisonnement inverse de la Cour notamment dans
l'arrêt Gûl précité.
179 A ce propos l'on peut se demander si la situation aurait
été la même si le couple n'avait pas eu d'autres enfants
nés sur le territoire néerlandais.
180 V. CourEDH, Sen, précité, § 40
parents » mais à celui de sa tante, les
parents ayant volontairement provoqué la séparation, et il n'est
pas apparu que « les requérants aient contribué,
financièrement ou d'une autre manière, à
l'éducation de leur fille » . A cela s'ajoute le fait que
différents membres de la famille vivant en Turquie peuvent la prendre en
charge et que leur fille n'est donc pas dépendante des soins de ses
parents181. La Cour prend le contre pied de son analyse des
arrêts précédents. Elle déclare que même si
les requérants ont pris l'option de vivre séparée de leur
fille, cette circonstance est intervenue dans la prime enfance de cette
dernière et « ne saurait toutefois être
considérée comme une décision irrévocable de fixer,
à tout jamais, son lieu de résidence dans ce pays et de ne garder
avec elle que les liens épisodiques et distendus, renonçant
définitivement à sa compagnie et abandonnant par là toute
idée de réunification de leur famille ». La Cour ajoute
qu' « il en va de même de la circonstance que les
requérants n'ont pas pu établir avoir participé
financièrement à la prise en charge de leur fille
»182. En l'espèce, l'État néerlandais
avait donc l'obligation positive d'accorder l'autorisation de séjour
à la fille de M. et Mme Sen.
En somme, sans aller jusqu'à poser un droit au
regroupement familial découlant de l'article 8, et en conséquence
analyser le refus d'un titre de séjour comme une ingérence
injustifiée, la Cour reconnaît néanmoins l'obligation
positive pour les États membres de « ménager un juste
équilibre entre les intérêts des requérants, d'une
part, et son propre intérêt à contrôler
l'immigration, d'autre part » sans placer les étrangers devant
le choix de renoncer soit à leur résidence sur le territoire de
l'État concerné, soit à leur vie
familiale183.
181 CourEDH, ibid., §30.
182 CourEDH, ibid., §41.
183 CourEDH, ibid., §41 : « en ne laissant
aux deux premiers requérants que le choix d'abandonner la situation
qu'ils avaient acquise aux Pays-Bas ou de renoncer à la compagnie de
leur fille aînée, l'État défendeur a omis de
ménager un juste équilibre entre les intérêts des
requérants, d'une part, et son propre intérêt à
contrôler l'immigration, de l'autre »
Section 2 : Le rôle de la Cour de justice de l'Union
européenne
Après avoir conclu à la légalité
de la directive 2003/86 du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial.
Le 27 juin 2006184, suite au recours en annulation
déposé par le Parlement européen contre le Conseil, la
Cour de justice a ainsi joué un rôle de gardienne des droits
fondamentaux. La CJCE, en l'espèce, invitée à
contrôler la légalité de la directive, accepte d'exercer
son office de juge des droits fondamentaux, malgré le rejet du recours.
Il convient dès lors, d'examiner le fondement de ce contrôle
(§1), ainsi que le contenu de celui-ci
(§2).
§ 1 : Le fondement du contrôle de la
CJCE
Le passage de la politique de l'immigration du
troisième au premier pilier185 a permis à la CJCE
d'avoir un rôle actif concernant ce domaine. Elle était en effet
totalement exclue dans le mécanisme du troisième pilier, sauf
lorsque les conventions internationales susceptibles d'être
adoptées prévoyaient explicitement sa compétence. Avec le
premier pilier186, la Cour devient compétente dans les
domaines de l'immigration et de l'asile, notamment pour statuer sur la
validité et l'interprétation des actes pris tant par les
institutions de la Communauté que par les États.
La CJCE est évidemment compétente pour examiner
les actes communautaires. Elle le fut tout d'abord à l'occasion de la
mise en oeuvre du droit communautaire primaire187 puis à
l'occasion de celle du droit dérivé188. Surtout, elle
va affirmer sa compétence dans l'examen des mesures nationales. En
effet, dans l'affaire Wachauf189, la CJCE souligne que les
« exigences de la protection des droits fondamentaux au sein de
l'ordre juridique communautaire lient également les États membres
lorsqu'ils mettent en oeuvre des réglementations communautaires
», et la Convention européenne peut lui servir de point de
repère pour opérer ce contrôle. A moins que la Cour de
justice se place dans la position où elle condamne un État pour
non-respect des droits fondamentaux alors même que cette violation
découle de la transposition d'une directive, ce qui est peu probable,
184 CJCE, 27 juin 2006, Parlement c/ Conseil,
C-540/03.
185 Justice et sécurité intérieure
186 ibid
187 CJCE, 28 octobre 1975, Roland Rutili c. Ministre de
l'Intérieur, aff. 36/75, Rec., 1219.
188 CJCE, 15 mai 1986, Marguerite Johnston c. Chief Constable
of the Royal Ulster Constabulary, aff. 222/84, Rec., p.1651.
189 CJCE, 13 juillet 1989, Wachauf c. R.F.A., aff. 5/88,
Rec., p. 2609.
notre intérêt va plutôt se porter sur la
possibilité pour la Cour de justice de contrôler des actes
communautaires dérivés. L'article 230 alinéa 1 du
Traité sur l'Union européenne établit que la Cour de
justice « contrôle la légalité des actes
législatifs conjointement adoptés par le Parlement
européen et le Conseil, des actes du conseil, de la Commission et de la
BCE, autres que les recommandations et les avis, et les actes du Parlement
européen destinés à produire des effets à
l'égard des tiers. Elle contrôle aussi la légalité
des actes des organes ou organismes de l'Union destinés à
produire des effets juridiques à l'égard des tiers. ».
Cet article ajoute à son alinéa 2, que la Cour «
est compétente pour se prononcer sur les recours pour
incompétence, violation des formes substantielles, violation du
présent Traité ou de toute règle de droit relative
à son application, ou détournement de pouvoir, formés par
un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la
Commission ».
§ 2 : Le contenu du contrôle
L'harmonisation des politiques migratoires par le
Traité de Lisbonne est fondée sur l'article 63 bis point
2 a) qui prévoit d'arrêter des « mesures relatives aux
conditions d'entrée et de séjour... y compris aux fins du
regroupement familial ». L'adoption d'une directive à ce propos
conduit donc la Cour de justice à consacrer le droit des
étrangers au regroupement familial, à la suite du
législateur.
L'arrêt du 27 juin 2006 se veut être
délibérément solennel dans son énoncé comme
dans sa nature. Formellement, il s'agit là d'un arrêt de grande
chambre. La Cour de justice de l'Union européenne a entendu marquer son
importance théorique et constitutionnelle en ouvrant son analyse au fond
du recours « sur les normes de droit au regard desquelles la
légalité de la directive peut être contrôlée
». Il est vrai que la Cour fait ici un pas considérable en faveur
de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ainsi,
indique t-elle « s'agissant de la charte, elle e été
proclamée solennellement par le Parlement, le Conseil et la Commission
à Nice le 7 décembre 2000190. Si cette charte ne
constitue pas un instrument juridique contraignant, le législateur
communautaire a cependant entendu en reconnaître l'importance en
affirmant au deuxième considérant de la directive que cette
dernière respecte les principes qui sont reconnus non seulement par
l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, mais
également, par la charte ».
Par ailleurs, l'objectif principal de la charte, ainsi qu'il
ressort de son préambule est de réaffirmer
190 Ce n'est plus le cas depuis le Traité de Lisbonne
« les droits qui résultent notamment des
traditions constitutionnelles et des obligations internationales communes aux
États membres, du Traité sur l'Union européenne et des
Traités communautaires, de la (...) Convention européenne des
droits de l'homme, des chartes sociales adoptées par la
communauté et par le Conseil de l'Europe, ainsi que la jurisprudence de
la Cour et de la Cour européenne des droits de l'homme ». Plus
loin, elle rappelle que « la charte en son article 7, reconnaît de
même , le droit au respect de la vie privée ou familiale. Cette
disposition doit être lue en corrélation avec l'obligation de
prise en considération de l'intérêt supérieur de
l'enfant reconnu à l'article 24 § 2 de ladite et en tenant compte
de la nécessité pur un enfant d'entretenir
régulièrement des relations avec ses deux parents,
exprimée audit article 24 § 3 ». Que faut-il alors, tirer de
ces formulations qui pour être essentielles, n'en semblent pas moins
relativement ambiguës ?
Certes, le contexte juridique était un peu particulier,
la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003, relative au regroupement
familial, dont les articles 4 § 1, dernier alinéa et 6 et l'article
8, étaient attaqués par le Parlement européen, faisait
elle-même référence à la charte dans le
deuxième Considérant en indiquant que « les mesures
concernant le regroupement familial devraient être adoptées en
conformité avec l'obligation de protection de la famille et de respect
de la vie familiale qui est consacrée dans de nombreux instruments du
droit international. La présente directive respecte les droits
fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus, notamment par
l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et par la
charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ». La
directive, dans la lignée de l'accord inter institutionnel, se conforme
donc aux droits et principes reconnus entre autres, par la charte. La
première conséquence est que, la charte apparaît comme une
des normes de droit auxquelles la directive peut être confrontée.
Elle apparaît ainsi comme étant dotée d'une valeur
juridique compte tenu du fait que la directive s'y réfère
Pour autant, l'énoncé jurisprudentiel,
paraît dépasser le cas particulier de la directive en cause.
Laisser envisager cette interprétation extensive de la dernière
phrase du point 38 renvoyant à l'objectif principal de
réaffirmation des sources traditionnelles des droits fondamentaux
communautaires attribué à la charte. On en veut pour preuve les
points 35 à 37 de l'arrêt dans lesquels la Cour rappelle à
la fois sa propre jurisprudence, mais aussi l'article 6 § 2 du
Traité sur l'Union européenne191. On peut sans doute
en déduire que dorénavant, la charte des droits
191 Cf art. 6 § 2 du TUE qui dispose que « L'union
adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne
modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont
définies par les Traités »
fondamentaux sans se voir reconnaître une valeur juridique
propre, peut avoir une fonction dans la jurisprudence de la Cour.
En somme, par l'intermédiaire de la Cour de justice, le
droit communautaire confirme et consolide l'existence de ce droit de
l'étranger, à la suite de l'affirmation expresse de son
législateur. Et ce, contrairement à la jurisprudence
européenne qui se veut être prudente à affirmer l'existence
d'un droit au regroupement familial
Aussi, le droit au regroupement familial au sens de la
directive 2003/86/CE est fondé sur l'obligation des États de
protéger la famille et de respecter la vie familiale. Dans la directive
2003/109/CE, à l'instar de la directive 2004/38/CE du Parlement
européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens
de l'Union et des membres de leur famille, le droit au regroupement familial
répond à un double objet : d'une part garantir le respect de la
vie familiale et, d'autre part, garantir la liberté de circulation du
résident de longue durée. Désormais, en droit
communautaire, comme en droit européen, quel que soit le sujet de droit
en cause, le droit au regroupement familial est donc clairement
identifié comme un élément essentiel du droit au respect
de la vie familiale. Il en est de même en droit interne.
Chapitre II : Le contrôle par les juridictions
françaises du droit au regroupement familial
Le droit des étrangers étant un « droit
transversal », le juge judiciaire se voit de temps à autre,
être invité à se prononcer sur différentes
questions, notamment en droit de la famille.
Plus généralement, le droit des étrangers
pénètre bon nombre de règles civiles, commerciales et
répressives dont l'application relève de la compétence du
juge judiciaire. A ce titre, ce dernier est parfois amené à
confronter la police des étrangers aux droits fondamentaux garantis par
plusieurs instruments internationaux auxquels la France est partie. Nous
pouvons alors nous demander dans quelle mesure le contrôle dit de «
conventionnalité »192 a orienté, depuis la loi du
24 août 1993 la jurisprudence de la Cour de cassation en ce domaine, et
ce notamment, sur celui du regroupement familial.
Les occasions pratiques d'exercer ce contrôle de
conventionnalité dépendent de la compétence du juge
judiciaire en droit des étrangers. Or, en dehors même du
contentieux de la nationalité, un nombre assez important de questions
intéressant la condition des étrangers lui incombe. Certes,
lorsqu'il s'agit de remettre en cause la présence de l'étranger
du territoire national, le juge judiciaire est incompétent pour
apprécier la régularité de la mesure administrative
d'éloignement, de même pour un refus d'accéder à la
demande de regroupement familial. Toutefois, aux termes de l'article 66 de la
Constitution, il est amené, en tant que gardien des libertés
individuelles, à contrôler les modalités d'exécution
de l'acte tandis que le juge répressif peut éloigner durablement
l'étranger en lui infligeant une peine d'interdiction du territoire.
Mais, le rôle du juge judiciaire ne s'arrête pas
là. Les litiges privées constituent en effet autant d'occasions
pour les étrangers de revendiquer la jouissance des mêmes droits
que les français. Il appartient dès lors au juge judiciaire de
vérifier si le refus opposé à l'étranger de
bénéficier de tel ou tel droit est légitime et
proportionné, contentieux qui s'amplifie de nos jours, en particulier
c'est le bénéfice de la solidarité nationale qui est
refusé aux étrangers ou à leurs enfants mineurs.
Quant à la Cour de cassation, de 1993 à 2005, elle
a d'abord estimé que l'ensemble des stipulations de la Convention
internationale sur les droits de l'enfant ne créaient d'obligations
qu'à la
192 Admis devant les juridictions judiciaires depuis le
célèbre arrêt Jacques Vabre, Civ. 1Ere, 24 mai 1975, D.
1975, Jur. 497, concl. A. TOUFFAIT.
charge des États parties et ne pouvaient donc
être invoquées directement devant les juridictions par des
particuliers193. Puis, dans un revirement de jurisprudence intervenu
à l'occasion de deux décisions du 18 mai 2005, elle a reconnu
l'applicabilité directe de l'article 3.1 de la Convention internationale
sur les droits de l'enfant et de l'article 12.2 relatif à la
possibilité pour l'enfant d'être entendu dans toute
procédure judiciaire ou administrative
l'intéressant194.
Depuis, la référence à la Convention sur
les droits de l'enfant est devenue la règle dans certains contentieux
notamment en cas d'application de la Kafala , c'est à dire
l'adoption sans création d'un lien de filiation195.
En droit interne, contrairement au droit européen des
droits de l'homme, est consacré un droit au regroupement familial.
Facteur d'intégration196, le droit au regroupement familial a
été consacré en droit interne en 1976. Par l'adoption du
décret du 29 avril 1976197, le gouvernement français a
institué un droit au profit des membres de la famille des
étrangers titulaires d'un titre de séjour. L'admission et le
séjour sur le territoire français ne pouvaient être
refusées que pour l'un des six motifs exhaustivement
énumérés. En 1980, le regroupement familial a
été consacré par le législateur198. En
1993, les dispositions relevant jusqu'alors du règlement ont
été insérées dans l'ordonnance du 2 novembre
1945199 dont les règles ont fait l'objet d'une codification
à partir de
193 Civ. 1Ere, 10 mars 1993, S. Le Jeune c. Mme Sorel
194 Civ. 1Ere 18 mai 2005, Enfant Chloé X,
arrêt n° 20613.
195 La kafala est une institution prévue notamment
à l'article 46 du Code de la famille algérien, selon lequel une
« personne s'engage à s'occuper bénévolement d'un
autre » . Il s'agit d'un recueil d'enfant sans création de lien de
filiation. Le problème en France est de savoir si un enfant
algérien doit se contenter de cette institution, ou s'il a droit
à une adoption au sens du droit français selon l'arrêt de
la Cour de cassation , 1ere civ. 10 octobre 2006, enfant Hichem X .
« L'article 46 du Code de la famille algérien autorise la
Kafala, mais prohibe l'adoption ; attendu qu'en assimilant la Kafala à
l'adoption simple pour considérer que la loi algérienne autorise
l'adoption simple, alors que la Kafala ne crée aucun lien de filiation
entre l'enfant et les personnes qui le prennent en charge, contrairement
à l'adoption simple qui crée ce lien de filiation entre l'enfant
et ses adoptants, l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse paraît
entaché d'une erreur de droit » arrêt n°1486
La Cour de cassation refuse ainsi, de faire jouer l'ordre
public à l'égard de la loi algérienne car cette
dernière est conforme aux articles 20 et 21 de la Convention sur les
droits de l'enfant.
196 Dans la circulaire du 28 février 2000
abrogée, « le regroupement familial est confirmé comme un
facteur fondamental d'intégration » (Circulaire DPM/DM2-3/2000/114
et NOR/INT/D/00/00048 du 28 février 2000 relative au regroupement
familial, p. 9). Dans la circulaire NOR/INT/D/05/00097/C du 31 octobre 2005
relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour
déposées par des ressortissants étrangers en situation
irrégulière dans le cadre des dispositions du Code de
l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
le regroupement familial est également considéré comme un
moyen de garantir « une bonne intégration de l'étranger qui
souhaite rejoindre son conjoint en situations régulière »,
p. 6, point 2.2. Rappr. de la circulaire NOR/INT/D/02/00215/C du 19
décembre 2002 relative aux conditions d'application de la loi
n°98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au
séjour des étrangers en France, p. 11, point 2.2.4.
197 Décret n°76-383 du 29 avril 1976 relatif aux
conditions d'entrée et de séjour en France des membres des
familles des étrangers autorisés à résider en
France (JORF, 2 mai 1976, p. 2628) modifié par le décret
n°84-1080 du 4 décembre 1984 (JORF, 5 décembre
1984, p. 3733).
198 Cf. l'article 2 de la loi n° 80-9 du 10 janvier 1980
relative à la prévention de l'immigration clandestine et portant
modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux
conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers
et portant création de l'Office national d'immigration (dite loi
Bonnet), JORF, 11 janvier 1980, p. 71.
199 Voir les anciens articles 29 et suivants de l'ordonnance du 2
novembre 1945.
2005. En le rattachant au droit de mener une vie familiale
normale, tel qu'il est énoncé par la Constitution
française, la Conseil d'État puis le Conseil constitutionnel ont
respectivement reconnu que le droit au regroupement familial était un
principe général du droit (Section 2) et un
principe à valeur constitutionnelle (Section 1) .
Section 1 : Le regroupement familial : un principe à
valeur constitutionnelle
Selon le Conseil constitutionnel, le droit de mener une vie
familiale normale au sens du dixième alinéa du Préambule
de la constitution de 1946, implique la faculté pour les
étrangers en situation régulière de faire venir en France
leur conjoint et les enfants mineurs, sous réserve des restrictions
tenant à la sauvegarde de l'ordre public et à la protection de la
santé publique. En 1993, dans une décision qui fonde le «
statut constitutionnel » des étrangers200, le Conseil
constitutionnel pose le principe en vertu duquel « si le
législateur peut prendre à l'égard des étrangers
des dispositions spécifiques, il lui appartient de respecter les
libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus
à tous ceux qui résident sur le territoire de la
République » ainsi que le droit d 'asile garanti par
l'alinéa 4 du Préambule de 1946.
Dans le même temps, il constate que « aucun
principe ni aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux
étrangers des droits de caractère général et absolu
d'accès et de séjour sur le territoire national » et que
« les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent
être restreintes par les mesures de police administrative
conférant à l'autorité publique des pouvoirs
étendus et reposant sur des règles spécifiques
»201. Comme l'avait fait quinze ans plutôt le Conseil
d'État, le Conseil constitutionnel a fondé le droit au
regroupement familial du conjoint et des enfants de l'étranger
régulièrement établi en France sur le droit de mener une
vie familiale au sens du Préambule de la Constitution de 1946.
Aussi, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du
20 novembre 2003202 en application du dixième alinéa
du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, a affirmé
que: « la Nation assure à l'individu et à la famille les
conditions nécessaires à leur développement » ;
« qu'il résulte de cette disposition que les étrangers dont
la résidence en France est stable et régulière ont, comme
les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale », la Conseil
constitutionnel ajoute que
200 B. GENEVOIS, « Un statut constitutionnel pour les
étrangers », cité par S. SLAMA, « Immigration et
Libertés », Pouvoirs 2009, p. 31.
201 Cons. constit. n°93-325, DC du 13 août 1993,
in S. SLAMA « immigration et Libertés »,
Pouvoirs 2009 p. 31.
202 Cons. constit. Déc n° 2003-484 DC du 20 novembre
2003
« aucun principe non plus qu'aucune règle de
valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de
caractère général et absolu et de séjour sur le
territoire national; qu'il appartient au législateur d'assurer la
conciliation entre la sauvegarde de l'ordre public qui est un objectif de
valeur constitutionnelle et les exigences du droit de mener une vie familiale
normale ». Il en a été de même dans sa décision
du 15 décembre 2005203, et du 15 novembre 2007204
sur la loi relative à la maîtrise de l'immigration,
l'intégration et l'asile.
L'absence de référence à l'article 8 de
la Convention européenne des droits de l'homme ne manifeste ni une
défiance à l'égard du texte européen, ni une
préférence nationale. N'étant pas le juge de la «
conventionnalité » des lois, le Conseil constitutionnel ne peut pas
fonder son raisonnement sur le droit au respect de la vie familiale au sens de
l'article 8 de la Convention européenne. Néanmoins, il ne fait
pas de doute que le droit à mener une vie familiale normale,
constitutionnellement garanti et le droit au respect de la vie familiale
conventionnellement garanti renvoient au même concept et reposent sur des
préoccupations du même ordre. Le regroupement familial
apparaît ainsi, comme un droit induit par le respect de la vie familiale
des étrangers.
Section 2 : Le regroupement familial : un principe
général du droit
Le Conseil d'État a fait du regroupement familial, un
principe général de droit. Ainsi, dans ses conclusions sur
l'affaire GISTI de 1978205, le commissaire du gouvernement
Dondoux a défendu l'idée selon laquelle le droit à mener
une vie familiale normale impliquait le droit de vivre en famille : « pour
que l'individu se développe il faut qu'il puisse créer une
famille et, pour que la famille, une fois constituée, puisse
elle-même se développer, il faut que rien n'entrave son
évolution et, notamment, qu'elle ne soit artificiellement
séparée »206. C'est pourquoi, il a incité
le Conseil d'État à reconnaître « qu'il existe, en
vertu du Préambule de 1946, un principe qui a trait à l'existence
même de la famille, et qui reconnaît à tout individu le
droit de mener, notamment en créant une famille et en vivant avec elle,
une existence et une vie familiale normales ». S'interrogeant ensuite sur
la portée du droit à une vie familiale normale garanti par la
Constitution française, il a admis que certains principes
proclamés par le Préambule de la Constitution de 1946
203 Cons. const. 15 décembre 2005, déc. n°
2005-528, JORF, 20 décembre 2005, p.19561 ;
204 Cons. constit. N° 2007-557 du 15 novembre 2007,
JORF 21 novembre 2007 p. 19001.
205 Cf. supra p.2
206 Dondoux, conclusions sur CE, 6 novembre 1978, Rec.
Lebon, pp. 493-507, spéc. p. 502.
ne concernaient que les nationaux207. Mais, il a
observé que l'essentiel des dispositions du Préambule avait une
portée générale208. En ce qui concerne le droit
à mener une vie familiale normale, le commissaire du gouvernement en a
déduit qu'il n'avait pas été réservé aux
seuls nationaux et qu'il visait toute personne.
Cette position a été suivie par le Conseil
d'État. Dans son arrêt du 8 décembre 1978, il a
affirmé qu'il « résulte des principes généraux
du droit et, notamment, du préambule de la Constitution du 27 octobre
1946 auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958, que les
étrangers résidant régulièrement en France ont,
comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale » avant
de préciser « que ce droit comporte, en particulier, la
faculté pour ces étrangers, de faire venir auprès d'eux
leur conjoint et enfants mineurs »209; Cette position avait
été retenue un an plus tôt par le Conseil d'État
alors saisi en qualité d'autorité consultative à propos du
projet de décret adopté le 10 novembre 1977 relatif aux
conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers
résidant régulièrement en France avaient le droit de mener
une vie familiale normale, ce droit comportant en particulier la faculté
de se faire rejoindre par leur conjoint et enfants mineurs. Partant, le Conseil
d'État en avait déduit que le gouvernement ne pouvait pas
interdire par voie de mesure générale l'occupation d'un emploi
par les membres des familles des ressortissants étrangers car une telle
règle était de nature à restreindre la portée du
droit au regroupement familial210
Par ailleurs, le Conseil d'État a estimé que le
refus d'accorder le visa par les autorités consulaires aux
bénéficiaires de la procédure de regroupement familial,
porte atteinte aux droits des requérants à mener une vie
familiale normale211. En revanche dans une autre de ses
décisions, le Conseil d'État a considéré qu'en
application de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme, il appartient à l'autorité administrative qui
envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant
étranger en situation irrégulière d'apprécier si,
eu égard notamment à la durée et aux conditions de son
séjour en France, ainsi qu'à la nature et à
l'ancienneté de ses liens familiaux
207 Il a notamment visé les dispositions relatives
à la solidarité et à l'égalité des
Français devant les charges résultant des calamités
nationales.
208 A l'appui de cette affirmation, il a souligné que le
Préambule de la Constitution de 1946, « fidèle à une
tradition qui conduisait en son temps à déclarer solennellement
les droits de l'homme - pas seulement ceux du citoyen - proclame des principes
qui, quant à leurs bénéficiaires, dépassent en
général le cadre de nos frontières ».
209 CE, Ass. 8 décembre 1978, req. n° 10097, 10677 et
10979, GISTI et autres, Rec. Lebon, pp. 493-507, concl. Dondoux ;
AJDA 1979, pp. 38-39, chron. Générale de jurisprudence
administrative française, obs. J. DUTHEILLET de LAMOTHE et Y.
ROBINEAU.
210 CE, Ass. Avis, 27 octobre 1977, GISTI, cité
in M. LONG, P. WEIL, G. BRAIBANT, P. DELVOLVE et B. GENEVOIS, Les
grands arrêts de la jurisprudence administrative française, Sirey,
coll. Droit public, 9e éd., 1990, p. 693.
211 CE, 27 mars 2009, Benerab, req. n°286886, Gaz.
Pal., 19 septembre 2009, n° 262 p. 18.
sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure
porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard
des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance
que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des
catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par
elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par
l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de
l'intéressé. Cette dernière peut, en revanche, tenir
compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure
d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne
pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul
bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas
respecté cette procédure212.
En somme, le Conseil d'État dans son rôle de
contrôler de l'administration, et en reconnaissant le droit au
regroupement familial sur le fondement de l'alinéa 10 du
Préambule de la Constitution de 1946, la haute juridiction
administrative213 indique clairement que ce droit est un attribut du
droit de mener une vie familiale dont la substance se retrouve dans le droit au
respect de la vie familiale, au sens de l'article 8 de la Convention
européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés
fondamentales.
212 CE, 28 décembre 2009, Mme Boudaa, req.
n° 308231, Gaz. Pal. 28 janvier 2010, n°28, p.12.
213 Les juridictions du fond admettent également que le
droit de mener une vie familiale normale comporte en particulier la
possibilité pour les étrangers résidant
régulièrement en France, de faire venir leur conjoint et leurs
enfants mineurs ( Voir not. : TA Versailles, 30 décembre 1996, req.
n° 96574, Mensah c. Préfet du Val d'Oise, Gaz. Pal. 1997,
2, panor. dr. adm., p. 183).
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 1
1ere Partie : ENCADREMENT DE LA NOTION DE
REGROUPEMENT FAMILIAL 12
Chapitre 1 : Une vision restrictive du droit au
regroupement familial en droit français 15
Section 1 : Les bénéficiaires du
droit au regroupement familial 15
§ 1 : La notion de conjoint 16
A : Le droit au regroupement familial du
conjoint 17
B : La question du droit au regroupement
familial du concubin et du partenaire 21
1- L'exclusion du partenaire et du concubin du regroupement
familial 22
2- Une exclusion discutable 23
§ 2 : Une sélection parmi les
membres de famille du regroupant 24
A : Le principe de l'exclusion des enfants
majeurs 24
B : Le regroupement familial
réservé aux enfants mineurs 26
1- Les enfants nés d'un membre du couple 26
2- Les enfants « recueillis » 31
Section II : Le réfugié et
l'apatride dans le regroupement familial 33
Section III : Des conditions strictes d'exercice
du droit au regroupement familial 35
§ 1 : Des conditions difficiles à
remplir par le regroupant 35
A : Un logement adéquat 35
B : Des ressources financières stables 36
§ 2 : Des délais d'attente important
37
Chapitre II : Vers une harmonisation
européenne de la notion de regroupement familial 38
Section I : Le pacte européen sur
l'immigration et le programme pluriannuel de la commission européenne
39
§ 1 : Le dispositif du pacte
européen applicable au regroupement familial 39
§ 2 : Les perspectives de la commission sur
la notion de regroupement familial 40
Section II :Le regroupement familial et le droit
communautaire 41
IIe partie : LE CONTRÖLE JURIDICTIONNEL DU
REGROUPEMENT FAMILIAL 45
Chapitre 1 : Le contrôle du regroupement
familial par les juridictions européennes 46
Section I : Le contrôle exercé par
la Cour européenne des droits de l'Homme
§ 1 : Une attitude restrictive vis à
vis du regroupement familial
§ 2 : Une inflexion de la jurisprudence :
l'arrêt Sen du 21 décembre 2001
|
46
48 51
|
Section 1I : Le rôle de la Cour de justice
de l'Union européenne
|
54.
|
§ 1 : Le fondement du contrôle de la
CJCE
|
54
|
§ 2 : Le contenu du contrôle de la
CJCE
|
55
|
Chapitre II : Le contrôle par les
juridictions française du droit au regroupement familial
|
58
|
Section 1 : Le regroupement familial : un
principe à valeur constitutionnelle
|
60
|
Section II : Le regroupement familial : un
principe général du droit
|
61
|
BIBLIOGRAPHIE
|
66
|
TABLE DE JURISPRUDENCE
|
72
|
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- Site du Conseil constitutionnel :
http://www.conseil-constitutionnel.fr
- Site du Conseil d'État :
http://www.conseil-etat.fr/cde/
- Site de la Cour de cassation : http//
www.courdecassation.fr
- Site du Ministère de l'immigration : http//
www.immigration.gouv.fr
TABLE DE JURISPRUDENCE
I- Jurisprudence européenne
Cour européenne des droits de l'homme
- Cour EDH, Gr. Ch., 18 octobre 2006, req. n° 46410/99,
Üner c. Pays-Bas, Hudoc ; JCP G 2007, I, 106, chron. Droit de la
Convention européenne des droits de l'homme, n°12, pp. 21- 22, obs.
F. Sudre.
- Cour EDH, 1ere sect., déc., du 12 octobre 2006, req.
n° 13178/03, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, Rev.
Crit. DIP 2008, pp. 35-59, C. Cournil.
- Cour EDH, 2e sect., 8 novembre 2005, req. n° 3/02, D.
D. c. France, Gaz. Pal. 2006, I, somm., p. 532.
- Cour EDH, 3e sect., 10 juillet 2003, req. n° 53441/99,
Benhebba c. France, RFD adm. 2004, chron. Jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme et droit administratif, p. 986, obs. H.
Labalye et F. Sudre
- Cour EDH, 3e sect., 10 avril 2003, req. n° 53470/99,
Mehemi c. France, Rec. 2003-IV
- Cour EDH, 3e sect., déc. du 28 février 2002,
req. n° 53470/99, Mehemi c. France, F.
Doublet, les étrangers et les garanties de la
Convention. Les suites données à un arrêt
relatif à l'éloignement d'un étranger :
de Mehemi I à Mehemi II (arrêt Mehemi du 10 avril
2003), in P. Tavernier (dir.), La France et la Cour
européenne des droits de l'homme. La
jurisprudence en 2003, Bruylant , Collection du Credho,
2003, pp. 140-143.
- Cour EDH, 1re sect., 21 décembre 2001, req. n°
31465/96, Sen c. Pays-Bas, JCP G 2002, I, 105, chron. Droit de la
Convention européenne des droits de l'homme, n° 14, p. 131, obs. F.
Sudre.
- Cour EDH, 2e sect., 2 août 2001, req. n°
54273/00, Boultif c. Suisse, Rec. 2001-IX ; JCP G 2002, I,
105, chron. Droit de la Convention européenne des droits de l'homme,
n° 14, p. 131, obs. F. Sudre
- Cour EDH, 1re sect., 11 juillet 2000, req. n°
27798/95, Ciliz c. Pays-Bas, AJDA 2000, chron. Actualité de
la Convention européenne des droits de l'homme, p. 1017, obs. J.-F.
Flauss
- Cour EDH, 28 novembre 1996, req. n°21702/93, Ahmut
c. Pays-Bas, Rec. 1996-VI ; RUDH 1997, chron. De la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l'homme, pp. 26-27, obs. M.
Levinet
- Cour EDH, 26 mars 1992, req. n° 12083/86, Beldjoudi c.
France, Rec., série A, n° 234 A ; JDI 1993, pp.
723-727, obs., E. Decaux.
- Cour EDH 18 février 1991, Moustaquim, Clunet
1992, note Tavernier et D. 1992, Somm. 323 obs. Renucci
- Cour EDH, 21 juin 1988, Berrehab c. Pays-Bas,
série A, n° 138
- Cour EDH, 28 mai 1985, req. n° 9214/80, 9473/81,
Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume Uni, Rec., série A,
n° 94.
- Cour EDH, 13 juin 1979, Marchx, série A,
n° 31, p. 15 Rev. Trim. de dr. fam.
Commission européenne des droits de
l'homme
- Comm. EDH, rapp. Du 4 avril 1995, n° 23218/94,
Gûl c. Suisse, Hudoc
- Comm. EDH, rapp. Du 17 mai 1995, req. n° 21702/93,
Ahmut c. Pays-Bas, Hudoc
- Comm. EDH, rapp. Du 10 mars 1994, req. n° 19465/92,
Nasri c. France, AFDI 1995, chron.
Activité de la Commission européenne des droits de
l'homme, pp. 470-471, obs. G. Gohen-
Jonathan
Cour de justice des communautés
européennes
- CJCE, Gr. Ch. 27 juin 2006, aff. C-540/03, Parlement
européen c. Conseil de l'Union européenne, Rec.
CJCE, p. I-5769, concl. J. Kokott
- CJCE, 23 septembre 2003, Akrich, C-109/01, Rec.
CJCE, p. I-9607, concl. L. A. Geelhoed
- CJCE, 25 juillet 2002, aff. C- 459/99, Mouvement contre
le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie ASBL (MRAX) c.
Belgique, Rec. CJCE, p. I-6591, C. Stix-Hackl ; AJDA 2002, chron.
Actualité du droit communautaire, pp. 1122-1124, obs. J.-M Belorgey, S.
Gervasoni et C. Lambert
- CJCE, 11 juillet 2002, aff. C-60/00, Mary Carpentier c.
Secretary of State for the home Department, Rec. CJCE, p. I-6279, concl.
C. Stix-Hackl
- CJCE, 7 juillet 1992, Singh, Clunet 1993, 426, ZAR
1992, p. 172.
- CJCE, 26 février 1992, Bernini, Rec. I-1071.
- CJCE, 13 juillet 1989, Wachauf c. R.F.A., aff. 5/88,
Rec. 1989, p. 2609.
- CJCE, 18 mai 1989, aff. C-249/86, Commission c.
République fédérale d'Allemagne, Rec. CJCE, p. 1263,
concl. J. Mischo ; JDI 1990, chron. de jurisprudence de la Cour de
justice des Communautés européennes, pp. 476-477, obs. M.-C.
Boutard-Labarde
II- Jurisprudence française
Conseil constitutionnel
- Cons. const. 15 novembre 2007, déc. n° 2007-557 DC,
JORF, 21 novembre 2007, p. 19001, D. 2007, point de vue, pp.
3017-3018, obs. F. Mélin-Soucramanien.
- Cons. const. 20 juillet 2006, déc. n° 2006-539
DC, JORF, 25 juillet 2006, p. 11066, AJDA
2006, Brève, p. 1474, obs. M.-C. De Montecler
- Cons. const. 15 décembre 2005, déc. n°
2005-528, JORF, 20 décembre 2005, p.19561 ;
AJDA 2005, p. 2428, obs. S. Brondel
- Cons. const. 20 novembre 2003, déc. n° 2003-484
DC, JORF, 27 novembre 2003, p. 20154 ;
AJDA 2004, pp. 599-606, comm. O. Lecucq
- Cons. const., 5mai 1998, déc. n° 98-399 DC,
JORF, 12 mai 1998, p. 7092 ; AJDA 1998, pp.
489-492, note J.-E. Schoettl.
- Cons. const., déc. n° 97-389 DC, du 22 avril 1997
, JORF, 25 avril 1997, p. 6271 ; AJDA
1997, pp. 524-532, note F. Julien-Laferrière.
- Cons. const., 13 août 1993, déc. n° 93-325
DC, D. 1994, somm. comm., pp. 111-112, comm.
D. Maillard Desgrées du Loû ; Les
étrangers en France : de la décision du Conseil
constitutionnel au droit d'asile, RFD adm. 1993, pp.
871-900, comm. B. Genevois
Conseil d'État
- CE, 24 mars 2004, req. n° 249369, Ministre des
Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité c. Mme. Boulouida,
Rec. Lebon, pp. 139-141 ; AJDA 2004, pp.1425-1427, note A.-M.
Tournepiche.
- CE, Avis n° 187438, 21 octobre 1998, Mme. Ramos, Gaz.
Pal.1999, I, panor. dr. adm., p. 81 ; Rev. Crit. DIP
1999, pp. 493-500, note F. Jault.
- CE, 24 octobre 1997, M. EL Mansri, req. n°
172178, RFD adm. 1998, chron. Droit administratif et Convention
européenne des droits de l'homme, p. 1212, obs. J. Andriantsimbazovina,
H. Labayle et L. Sermet
- CE, 4 juillet 1997, req. n° 156298, Bouzerak,
AJDA 1997, p. 636 et chron. Générale de jurisprudence
française, pp. 584-590 obs. D. Chauvaux et T.-X. Girardot ; Gaz.
Pal. 1998, I, panor. dr. adm., p. 54 ; RFD adm. 1997,
pp. 815-819, concl. R. Abraham ; RD publ. 1998, pp. 271-283, note P.
Wachsmann
- CE, 12 avril 1991, req. n° 118188, Abbad, Rec. Lebon,
T., p. 936 ; Gaz. Pal. 1992, 1, panor. dr. adm., p. 8 ;
Rev. Crit. DIP 1993, 1993, somm., p. 174.
- CE, 18 janvier 1991, req. n° 99201, Beldjoudi, Rec.
Lebon, pp. 18-19 ; D. 1991, inf. Rap., pp. 171-172.
- CE, 8 novembre 1989, req. n° 80966, Bejaoui, Rec. Lebon,
pp. 227-228 : D. 1989, inf. Rap., p. 323
- CE, Ass., 8 décembre 1978, req. n°10677 et 10679,
GISTI et autres, Rec. Lebon, pp. 493- 507, concl. Dondoux ;
AJDA 1979, pp. 38-39, chron. générale de jurisprudence
administrative française, obs. J.Dutheillet De Lamothe et Y. Robineau ;
D. 1979, jurisprudence, pp. 661-664, note L. Hamon ; D. 1979, inf. Rap., pp.
94-95, obs. P. Delvolvé ; Dr. soc. 1979, pp. 57-65, concl. Dondoux ;
Rev. Crit DIP 1979, p. 139
- CE, Ass., Avis, 27 octobre 1977, GISTI, cité
in M. Long, P. Weil, G. Braibant, P. Delvolvé et B. Genevois,
les grands arrêts de la jurisprudence administrative française,
Sirey, coll. Droit public, 9e éd., 1990 p.693
Cour administrative d'appel
- CAA Lyon, 17 juillet 2008, Mme Fatma Benzekhroufa,
www.legifrance.gouv.fr
- CAA Lyon, 17 juillet 2008, Mme Farida Ducrocq,
www.legifrance.gouv.fr
- CAA Lyon, 1er juillet 2008, M. Hocine Sellami,
www.legifrance.gouv.fr
- CAA Marseille, 17 juin 2008, Préfet des
Pyrénées Orientales c. M. Abdelkader Bouaziz,
www.legifrance.gouv.fr
- CAA Versailles, 12 mai 2006, Préfet de la
Seine-Saint Denis c. Bouarifi,
www.legifrance.gouv.fr
- CAA Bordeaux, 27 décembre 2006, Boutrad c.
Préfet de Gironde,
www.legifrance.gouv.fr
Tribunaux administratifs
- T A Dijon, 9 février 2006, req. n° 0500624 et
0500918, M. et Mme Naciri, Rec Lebon, T., p.899
- T A Amiens, 27 février 1997, n°961779, Bakary
c. Préfet de l'Oise, Gaz. Pal. 1997, 2, panor, dr. adm. p. 201
- T A Versailles, 30 décembre 1996, req. n° 96574,
Mensah c. Préfet du Val d'Oise, Gaz. Pal. 1997, 2, panor. dr.
adm., p.183
- T A Limoges, 24 juin 1993, Merouani, JCP G 1994, IV,
744, pp. 97-98
Cour de cassation
Première Chambre civile
- Cass.civ. 1re, 10 octobre 2006, 2 arrêts, AJ
fam., janvier 2007, pp. 32-33, obs. A. Boiché, D. 2006, inf. Rap.,
p. 2623 ; RJPF, janvier 2007, pp. 22-23, obs. M.-C. Le Boursicot ; H.
Fulchiron, Adoption sur Kafala ne vaut (à propos des
arrêts Civ. 1re, 10 octobre 2006)
- Cass. Civ. 1Re, 10 mai 2006, 2 espèces, AJ
fam., octobre 2006, pp. 374-376, obs. A. Boiché
dr. fam., septembre 2006, comm. n° 178, pp. 34-36, note M.
Farge ; JCP G 2006, II, 10165, pp. 1903-1906, note T. Azzi ; RJPF,
septembre 2006, pp. 17-18, obs. T. Garé.
- Cass. Civ. 1re, 17 février 2004 (quatre arrêts),
AJ fam., avril 2004, pp. 140-141, obs. S. David, JCP, G 2004,
II, 10128, pp. 1481-1487, note H. Fulchiron
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