4.1.3. Créativité et folie
On pense souvent au mythe du savant fou, à la
corrélation entre intelligence surdimensionnée et folie. Si le
paragraphe précédent souligne effectivement le lien entre
l'activité intellectuelle et l'activité musicale, les
données de la clinique, de l'épidémiologie et des
neurosciences montrent que la créativité est, elle, en relation
avec les troubles affectifs. Il semblerait que l'hyperactivation du cerveau
soit une cause possible de la créativité chez les personnes
psychiquement atteintes. Cette prérogative, qui compense la maladie,
pourrait tenir à leur capacité à donner une valeur
émotionnelle aux idées, à une forme d'hyperactivité
et à une accélération de la sphère idéative,
ou encore à leur faible besoin de sommeil. C'est lors d'aspect maniaque
sous la forme mineure dite hypomaniaque que l'on remarque des capacités
créatrices, l'accès maniaque nécessitant des
stabilisateurs de l'humeur qui rompent le lien entre exaltation, joie
extrême et créativité.
Jean Cottraux, psychiatre français, relate dans son
ouvrage portant sur la créativité de chacun, qu'une étude
rétrospective portant sur 291 personnalités
célèbres dans les domaines des arts, des sciences et de la
politique (Post, 1994) a retrouvé des traits et des troubles de la
personnalité en plus grande fréquence que dans la population
générale dont la prévalence est de 13%. On observe que 25%
d'entre eux souffraient d'un trouble de la personnalité. Parmi les
poètes, 90% d'entre eux présentaient des traits pathologiques
dont 20% d'un trouble caractérisé. On recensait 7% des personnes
comme appartenant au groupe des troubles de la personnalité
(paranoïa et schizoïdie), 22% d'entre elles comme personnalité
narcissique, antisociale ou borderline et 39% de personnes souffrant de
dépendance ou d'obsession compulsive (Cottraux, 2010, p.114).
On retient de cette étude qu'un certain degré de
non-conformisme et d'impulsivité est utile et bienvenu à la
créativité. Une absence d'inhibition telle que celle
retrouvée dans des troubles de la personnalité peut être
source de créativité, engendrée par l'hyperactivité
de l'amygdale qui appartient au cerveau émotionnel. Ainsi le lien entre
création et émotion se ressert, qu'il naisse de manière
saine ou pathologique.
4.1.4. Créativité en
musicothérapie
En ce qui concerne l'utilisation thérapeutique de la
créativité, la primeur revient à Max Simon qui initie, au
XIXème siècle, un intérêt grandissant
pour « l'art des aliénés ». On parle alors d'Art Brut
et la clinique ne manque pas de souligner quelques vertus
thérapeutiques.
Pour certains musicothérapeutes, l'activité
musicale serait en elle-même thérapeutique alors que pour
d'autres, c'est la pratique créative qui posséderait des
propriétés thérapeutiques.
Aussi, le sujet de la créativité en
musicothérapie est traité par quelques auteurs qui la
conçoivent sous forme d'expression de soi ou d'identité
culturelle.
Edith Lecourt mentionne que d'après ses propres
observations cliniques « la musicothérapie facilite le
processus créatif conduisant à l'accomplissement de soi, en
développant la capacité et la volonté d'utiliser le
potentiel individuel vers un mieuxêtre, dans des domaines tels que
l'indépendance, la liberté de changement, l'adaptabilité,
l'équilibre et l'intégration (Lecourt, 1988, p.8) ».
Selon Ling (1974), la créativité musicale serait
un moyen d'exprimer des émotions et de communiquer des sentiments qui ne
peuvent émerger autrement. Quant à Prevel (1979), ce serait avant
tout l'instrument de musique qui agirait comme « un véhicule de
l'expression de soi » plutôt que comme un objet de
développement de compétences. Dobbins en 1980 avance que la
véritable expression de soi peut accéder à sa
clarté par l'improvisation spontanée. Pour Davis (1963), la
composition musicale, comme la peinture et la littérature, est un moyen
naturel d'expression qui pourrait jouer un rôle salutaire dans la vie des
humains. Et Van Ernst (1995) souligne que les processus compositionnels
s'apparentent à une expression de soi. En 1985, Fowler pointe que
l'expression musicale personnelle permet au patient de relier sa musique
à sa propre vie et autorise les autres à entendre un aspect
intérieur précieux de son être. (Barbot, revue de
musicothérapie, 2005, p.27-31).
Rolando Benenzon quant à lui spécifie que la
créativité en musicothérapie est importante, car elle
permet l'émergence du concept de l'Identité Sonore propre
à chaque individu et que l'on nomme l'ISO (Benenzon, 1992). Cet ISO
induit un attachement à une identité culturelle, sociale et
personnelle.
Jean-Marie Guiraud-Caladou dans son ouvrage un chant
d'action développe une méthode musicothérapeutique
visant le développement de la créativité par l'interaction
du langage, du corps, de la musique et du graphisme.
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