2.1.2. La phénoménologie psychiatrique
La psychiatrie phénoménologique actuelle n'est
pas très commune et son influence ne semble pas avoir
profondément marqué le développement de la psychiatrie,
mise à part, peut-être, celle de Minkowski qui a su forcer le
respect de ses pairs. On distingue deux influences : celle en France
d'inspiration sartrienne (Merleau-Ponty/Bergson) dont sont issus notamment
Minkowski et Tatossian, et celle en Allemagne et en Suisse d'inspiration
heideggerienne et husserlienne dont est issu, entre autre, Biswanger. Au Japon,
Bin Kimura développe et adapte à son pays et à sa langue
la phénoménologie psychiatrique d'influence allemande. La
spécificité de la phénoménologie psychiatrique
consiste à ne pas se fixer, par avance, à une théorie
« psycho-phénoménologique » qui n'existerait pas, par
ailleurs. Elle se sert des théories de la philosophie
phénoménologique pour décrire et comprendre l'individu
psychiquement atteint. Pour exemple, elle utilise la réduction
phénoménologique6 qu'elle entend de la manière
suivante : « La réduction phénoménologique est le
résultat d'une attitude sceptique. C'est la distinction, la scission,
dans l'objet même, entre son en soi prétendu, c'est-àdire
la prétendue chose en soi, et son apparaître pur »
(Fineltain, 2005, p.14). Ainsi, la phénoménologie
psychiatrique ne comporte pas de thèse, mais travaille plutôt de
manière à ce que le rapport entre la philosophie et la
psychopathologie se conçoive dans l'implication et non dans
l'application de la théorie. Nous citions auparavant deux types
d'influence phénoménologique. Il convient également de
relever qu'en sont issus deux types de psychiatres
phénoménologues. Le premier type est celui qui fait appel de
manière accessoire à la phénoménologie et qui
n'insiste pas sur les notions techniques de cette spécificité
lors de ses analyses psychiatriques, tels que Minkowski, Straus et von
Gebsattel. Le second type est caractérisé par
l'interprétation et la juxtaposition de théories et de
résultats cliniques, tel Binswanger et sa
Daseinanalyse7 dont la référence est Etre
et Temps de Heidegger. Aussi, la phénoménologie
psychiatrique des années 1920, pure description de l'approche de
cliniciens comme Minkowski a évolué au fil du
6 Cf. p.17, 2ème paragraphe.
7 « La Daseinanalyse est purement une entreprise
scientifique et non thérapeutique », (Tatossian, 2002, p. 33).
temps vers une phénoménologie
génétique, centrée sur la trajectoire de l'individu
plutôt que sur ses traits psychopathologiques (Tatossian, 2002).
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