Paragraphe 2 :
L'intégration
Contrairement à la réflexion sur la
prévention des conflits, celle sur l'intégration a fait l'objet
d'une théorisation assez structurée. Elle laisse entrevoir quatre
grandes théories de l'intégration à savoir les
théories fonctionnaliste, néo-fonctionnaliste,
transactionnaliste, et systémique.
a ) La théorie
transactionnaliste
Karl Deutsch, l'un des pionniers de cette école, se
référant au modèle européen, définit
l'intégration comme étant un « sens de la
communauté accompagné d'institutions et de pratiques- formelles
ou non - suffisamment fort et répandu pour donner la certitude
raisonnable que l'évolution des relation entre le membres du groupes se
produira pacifiquement pendant une longue période de
temps » (Deutsch et al, 1957:5). L'approche transactionnaliste
accorde une attention particulière aux conditions nécessaires
à la naissance (take off) et au développement du
processus d'intégration en s'appuyant plus sur la pratique réelle
que sur une base formelle. Les tenants de cette école, qui est du reste
fortement influencée par la science des communications sociales
chère à Deutsch, appréhendent l'intégration comme
un processus d'intensification du réseau de communication sociales
(Bussy (de) M-E et Al, 1971 :621). Ainsi on part d'une intensification des
communications sociales qui fait naître par apprentissage (learning
process), au sein de la population transnationale, une communauté
d'expérience de préférences, ensuite on en arrive à
l'adoption de comportements et d'attitudes conçues comme
communément bénéfiques, pour aboutir à un stade
d'intégration politique matérialisé par la création
d'instituions nationales qui elles mêmes suscitent un déplacement
de l'attention et de la préférence des acteurs sociaux tels les
partis, les groupes d'intérêt et les élites, du plan
national vers le plan communautaire. En définitive,
l'intégration selon l'école transactionnaliste est un processus
qui part d'une assimilation sociale régionale à une
intégration politique résultant de la naissance d'un sentiment de
communauté et de la préférence de l'identité
communautaire au dépends des appartenances nationales. Qu'en est-il de
la théorie fonctionnaliste ?
b ) La théorie
fonctionnaliste
La théorie fonctionnaliste apparaît comme
étant l'une des premières approches à se pencher sur la
question de l'intégration. En effet, a working peace system,
l'oeuvre phare de David Mitrany sur la question parait en 1944, avant
même que le premier cas d'intégration, à savoir
l'intégration européenne, ne soit réalisé.
Dans son ouvrage, Mitrany part de l'observation d'un paradoxe
perceptible avec plus d'intensité de nos jours. Il constate que, du fait
des évolutions technologiques notamment dans les domaines du transport,
des communication et des armements, les Etats sont de moins en moins à
même d'assurer tout seuls la sécurité et le bien-être
de leurs concitoyens, d'où la perte de leur fonction fondamentale qui
est de garantir le bien-être et la sécurité de tous. Face
à ce constat, Mitrany envisage des functional arrangements
c'est à dire des cadres de coopération qui se
caractériseraient par des structures et un fondement institutionnel
assez solides et durables (Mitrany, 1966 : 149). En d'autres termes,
comme palliatif à la perte croissante de l'aptitude des Etats à
répondre aux problématiques nouvelles issues des
évolutions technologiques, les chefs d'Etats choisiraient volontairement
de rechercher la gestion de ces problématiques dans un cadre commun et
concerté qui garantirait une meilleure gestion de ces
problématiques en même temps qu'il susciterait des gains que
l'unilatéralisme ne pourrait permettre.
Pour Mitrany, le point de départ de
l'intégration se trouve dans la coopération technique au niveau
des low politics, c'est à dire dans des matières moins
souveraines et moins susceptibles de controverses telles l'économie ou
la culture, et s'étendrait par ramification. Par le concept de
ramification, Mitrany voudrait rendre compte du fait que les
succès obtenus par la coopération dans les low politics
suscitent le besoin d'étendre le champ de coopération à
des domaines plus délicats et plus complexes. Au finir, le processus
d'intégration aboutit à la création d'institutions
communautaires chargées de coordonner des actions devenues de plus en
plus complexes et de guider l'évolution du processus
d'intégration. Ainsi, les compétences des institutions
communautaires iraient sans cesse croissantes alors que celles des Etats
s'amenuiseraient progressivement au fur et à mesure de
l'évolution du processus de ramification.
En sommes, l'intégration fonctionnaliste est un
processus qui part du besoin de créer un cadre commun de gestion et de
résolution de certaines matières subsidiaires, puis à
l'instauration de ce cadre de gestion pour aboutir à l'étendue
et à l'amplification des compétences des institutions
régionales au détriment des institutions étatiques qui ne
conservent plus qu'une portion congrue de leur compétence
matérialisée par leur pouvoir législatif.
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