Paragraphe 2 : Les facteurs exogènes des conflits en Afrique
centrale
a) Les considérations géopolitiques
La géopolitique s'intéresse à
l'étude des représentations conflictuelles à propos des
territoires et à la construction de la légitimité.
Le facteur géopolitique fait partie de ceux qui
permettent au mieux d'expliquer la polémologie de l'Afrique centrale. Ce
facteur amène à constater que la plupart des crises qu'a connues
l'Afrique centrale entre 2000 et 2008 sont des crises intra-étatiques.
L'Afrique centrale reste, ce faisant, en phase avec l'évolution
polémologique propre aux périodes de guerre froide et post guerre
froide qui fait état de l'extinction des conflits inter
étatiques du fait du risque de réaction en chaîne incluant
au final le recours à l'arme nucléaire par les principales
puissances bipolaires. Van Creveld (1998 : 16) pense de ce fait que
« s'il est possible en effet que les guerres
conventionnelles d'envergure telles que connues aujourd'hui par les grandes
puissances militaires semblent en passe de s'éteindre, la guerre
elle-même telle qu'en elle-même se porte mieux que jamais et
s'apprête à entrer dans une ère nouvelle ».
En fait, on observe une recrudescence de groupes armés nationaux,
très souvent issus de la militarisation des partis politiques ou de la
société civile, portant des revendications politiques et
s'imposant comme acteur sur la scène politique. A l'exception de la
guerre de RDC qui a connu l'implication très mitigée des
armées Rwandaise et Ougandaise, toutes les crises qu'a connu l'Afrique
centrale mettent en scène des acteurs ou des groupes d'acteurs nationaux
engagés dans des revendications propres à la gestion interne de
l'Etat. Nous pensons ici que l'un des moyens de garantir la stabilité de
la sous-région consisterait à accorder une attention
particulière à ces groupes, aux conditions de leur naissance et
de leur maintien.
Un autre aspect géopolitique qui, cette fois ci, serait
imputable à la fin de la guerre froide est le fait que la plupart de ces
guerres sont menées par des rébellions armées
abritées, financées et soutenues par des Etats voisins et
antagonistes. C'est ici aussi qu'il faut relever le fait qu'il existe des
collusions entre l'avènement de ces groupes rebelles et les
phénomènes de circulation des ALPC et de criminalité
transfrontalière à l'instar de celui des coupeurs de route. En
fait, ces groupes de coupeurs de routes qui alimentent et
bénéficient du trafic des ALPC sont très souvent
composés de mercenaires ou de soldats déserteurs ou vaincus qui
se livrent à ces activités criminelles, non seulement pour
assurer leur subsistance, mais aussi et très souvent pour
déstabiliser le pouvoir en place dans l'optique de leur retour en force.
On comprend donc que les troupes restées fidèles au
Président déchu Ange Félix Patassé se soient
retirées sur un terrain allié, le Soudan, d'où elles
partent soit pour couper des routes, soit pour mener des actions de
guérilla.
Cet état de chose s'expliquerait par le fait que la
balkanisation ou alors le containment qui interdisait à des
pays du camp opposé de s'immiscer dans les affaires intérieures
d'un Etat du camp adverse sous peine de s'attirer les foudres de ce camp ait
disparu avec la fin de la chute du mur de Berlin. Ainsi, même si les
Etats voisins évitent d'engager leur responsabilité en
déployant leurs armées régulières, ils s'appuient
sur ces groupes acquis à leur cause pour poursuivre leur projet
expansionniste. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est groupes sont
devenus de véritables sources d'insécurité pour la
sous-région dans son ensemble. Nous constatons ainsi pour le cas
d'espèce qu'à l'exception de la guerre du Pool et du coup d'Etat
de Sao Tomé, toutes les crises d'Afrique centrale retenues dans le cadre
de notre analyse sont portées par des groupes rebelles
bénéficiant de l'appui de pays voisins antagonistes. Cet aspect
est d'autant plus marquant que ces Etats antagonistes qui alimentent des
rebellions chez leurs voisins sont parfois des Etats-membres de la même
sous région, à savoir, la CEEAC. On peut citer le soutien
apporté par le Rwanda et le Burundi à la rébellion de
RDC, le soutien d'Ydriss Déby en faveur de la rébellion de
Bozize en RCA (Cf. Zongola, 2003).
Mieux que toutes les autres considérations, la prise en
compte des raisons géopolitiques appelle à une gestion
concertée des problématiques et donc à la construction
d'une identité sécuritaire sous-régionale. La solution
efficace ici consisterait en une approche conjointe de la lutte contre ces
phénomènes dans le cadre du COPAX qui à une
compétence régionale en la matière. Un bel exemple du
succès des initiatives communes en la matière est la tripartite
Cameroun-Tchad-RCA ayant permis la constitution de patrouilles mixtes couvrant
la zone frontalière de part et d'autre et permettant de juguler le
phénomène des coupeurs de route dans la zone
frontalière.
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