La gestion transfrontaliere des ressources naturelles: l'accord relatif a la mise en place du tri-national de la Sangha (TNS) et son protocole d'accord sur la lutte contre le braconnage( Télécharger le fichier original )par Florantine Mapeine ONOTIANG Université de Limoges - France - Master droit international et comparé de l'environnement 2006 |
10.4 PARAGRAPHE 1- L'AMÉLIORATION DU CADRE INSTITUTIONNEL DU TNSL'harmonisation des législations dans le TNS est le premier des 11 domaines d'action en partenariat des Etats-parties à l'Accord TNS85(*). Mais il est évident qu'une question aussi délicate et importante ne saurait être traitée si l'Accord en lui-même n'a pas de force juridique.
10.4.1 A- L'URGENCE DE LA RATIFICATION DE L'ACCORD TNSLe traité-cadre ou encore convention-cadre est définit comme « un instrument conventionnel qui énonce les principes devant servir de fondement à la coopération entre les Etats parties dans un domaine déterminé, tout en leur laissant le soin de définir, par des accords séparés, les modalités et les détails de la coopération, en prévoyant, s'il y a lieu, une ou des institutions adéquates à cet effet »86(*). Au point de vue formel, le signe permettant d'identifier un traité-cadre est l'existence d'une part d'une convention principale et d'autre part des accords complémentaires. En plus, tous les pays signataires du traité principal ne doivent pas nécessairement devenir parties aux accords additionnels, bien que ne peuvent devenir parties aux accords additionnels que les Etats parties à l'instrument principal87(*). Dans le cas du TNS, le Traité relatif à la Conservation et à la Gestion Durable des Ecosystèmes Forestiers d'Afrique Centrale et instituant la Commission des Forêts d'Afrique Centrale, généralement appelé Traité COMIFAC, (signé entre la République du Burundi, la République du Cameroun, la République Centrafricaine, la République Démocratique du Congo, la République du Congo, la République Gabonaise, la République de Guinée Equatoriale, la République du Rwanda, la République de Sao Tomé et Principe et la République du Tchad) est la convention principale, par conséquent le traité-cadre, alors que l'Accord de Coopération relatif à la mise en place du TNS, généralement appelé Accord TNS (signé entre la République du Cameroun, la République Centrafricaine et la République du Congo) n'est qu'un accord additionnel à ce traité-cadre. Certes le Traité COMIFAC a été signé le 05 février 2005, longtemps après la signature de l'Accord TNS (07 décembre 2000), mais il est à préciser que ce cadre institutionnel sous-régional a existé bien avant sous la dénomination de Conférence des Ministres en charge des Forêts d'Afrique Centrale (COMIFAC) et a été mis en place en décembre 2000 après la Déclaration de Yaoundé de mars 1999, puis a servi de base à l'adoption de l'Accord TNS88(*). Le consentement d'un Etat à être lié par un traité s'exprime par la ratification lorsque le traité le prévoit89(*), car la ratification d'un acte en droit international est l'action par laquelle un accord international signé est rendu exécutable par un Etat. Il en est de même pour les accords additionnels au traité principal, lorsque ceux-ci le prévoient. Dans l'Accord relatif à la mise en place du TNS, il est prévu que celui-ci entrera en vigueur dès la signature par les Ministres et sa ratification par les trois Etats-parties90(*). L'Accord TNS a été signé le 07 décembre 2000 par les trois parties mais à ce jour, seule la République Centrafricaine ne l'a pas encore ratifié et la République du Congo l'a fait longtemps avant le Cameroun qui ne s'est décidé que le 14 juillet 200691(*). Ceci signifie clairement que l'Accord TNS n'est pas encore entré en vigueur, bien que les activités menées dans le cadre de cet accord soit assez avancées. La conséquence de la non entrée en vigueur de l'Accord TNS est que son application n'est obligatoire pour aucun des Etats signataires et ses dispositions ne sont pas imposables aux tiers, que sont les personnes privées ou morales et les autres Etats non parties à l'Accord. La non ratification de l'Accord TNS a également pour conséquence l'impossibilité de l'émission d'un mandat d'arrêt TNS en cas de poursuite d'un braconnier au-delà des frontières nationales. Il est également important de préciser que l'Accord TNS a prévu la possibilité que soient adoptés des protocoles d'accord complétant certaines de ses dispositions. Ceci a pour conséquence que tous les protocoles d'accord signés92(*) sur la base de cet accord principal qui n'a aucune force juridiquement contraignante, ne pourront eux-mêmes avoir de force juridique, l'accessoire suivant le principal. Cependant, bien que l'Accord ne soit pas légalement irrévocable, du fait qu'il n'a pas été ratifié par la République Centrafricaine, le fait qu'il soit signé par toutes les parties rend officielle la collaboration actuelle en matière de gestion transfrontalière des ressources naturelles entre les trois pays. En attendant la régularisation de la situation par la ratification par tous qui marquera l'entrée en vigueur de l'Accord, les 3 pays concernés doivent s'abstenir de poser des actes qui priveraient l'Accord de son objet ou de son but tant qu'ils n'ont pas marqué leur intention de ne plus faire partie de l'Accord93(*). B- L'harmonisation des législations sur la faune dans le TNS L'idéal serait l'adoption d'un texte unique réglementant la faune dans le TNS, mais l'harmonisation des lois dans la zone est un aspect de la conservation transfrontalière assez complexe qui relève des missions du CTSA94(*), organe suprême de décision du TNS. Néanmoins il appartient au CTPE, composé des conservateurs des aires protégées et des responsables des projets qui y sont établis, de faire des propositions tendant à cette fin. Il ressort ainsi des comptes-rendus des réunions du CTPE que l'urgence dans le TNS est à l'adoption d'une définition unique et meilleure de l'acte de chasse et à l'harmonisation de la liste des espèces phares dans la zone. 1- Une définition unique et meilleure de l'acte de chasse L'examen des différentes législations sur la faune en vigueur dans les pays du TNS démontre la nécessité de l'adoption d'une définition unique et meilleure de l'acte de chasse dans la zone. Est réputé acte de chasse en République Centrafricaine, « toute action visant à tuer, blesser ou capturer un gibier... »95(*). L'on peut alors constater que cette définition est la même au Cameroun où l'on considère comme acte de chasse « toute action visant à poursuivre, tuer, capturer un animal sauvage ou guider des expéditions à cet effet... ». Cependant, ce rajout « ...guider des expéditions à cet effet... » par la loi camerounaise pose problème, car il est inconnu en République Centrafricaine comme faisant partie de l'acte de chasse alors que la République du Congo le qualifie plutôt de tourisme de vision, l'article 4 de la loi n° 48/83 du 21 avril 1983 définissant les conditions de le conservation et de l'exploitation de la faune sauvage disposant qu'est considéré comme tourisme de vision « toute action à observer à pieds ou en véhicule la faune sauvage ou guider des expéditions en vue de sa chasse ». Le braconnage étant définit comme tout acte de chasse illégale ou illicite par rapport à la législation et la réglementation en vigueur des états concernés, encore que cette définition du braconnage est officieuse car le Cameroun est le seul pays du TNS à avoir précisément définit cette infraction dans son texte législatif relatif à la faune, ceci implique que celui qui aura guidé une expédition pour la chasse illégale de la faune sera inculpé pour complicité de braconnage au Cameroun, alors qu'en République du Congo il ne pourra pas être inculpé, n'ayant fait que du tourisme de vision, et en République Centrafricaine il ne sera pas inquiété du tout, la législation sur la faune n'ayant prévue aucune disposition en la matière. En plus, au Cameroun et en République du Congo, photographier et filmer des animaux sauvages à des fins commerciales est un acte de chasse alors que tel n'est pas le cas en République Centrafricaine, encore que l'on se demande comment ce fait peut être considéré comme acte de chasse quand l'on sait que cette forme d'exploitation de la faune sauvage ne peut pas être assimilée juridiquement à un acte de chasse, puisqu'elle ne porte atteinte en principe ni à la liberté, ni à l'intégrité des animaux96(*) Les contradictions ainsi relevées dans les différentes législations pourront être corrigées si l'on adopte dans le TNS une définition unique de l'acte de chasse qui tiendrait compte de l'intention délictuelle de l'auteur de l'acte, par exemple le fait d'être trouvé en possession d'une arme dans un parc national, et de la privation temporaire ou définitive de liberté à l'animal.
L'interdiction totale ou la restriction de la chasse de certaines espèces animales, est l'un des modes de gestion durable de la faune dans le TNS qui emporte l'adhésion de tous les 3 pays concernés, et a pour objet la préservation des espèces rares, menacées d'extinction ou qui ont une valeur scientifique ou touristique. Afin que nul n'en ignore, ces espèces intégralement ou partiellement protégées font l'objet d'un classement par liste tel que déterminée par les législations de chaque pays du TNS. Le problème est que les animaux ne connaissent pas de frontières et vu la proximité des frontières internationales entre les 3 pays du TNS, ils se déplacent indifféremment d'un territoire à l'autre, en suivant pour ce qui est des éléphants par exemple des couloirs de migration. Ceci a pour conséquence la fragilité ou le renforcement de leur protection en fonction du territoire sur lequel ils se trouvent car malheureusement les animaux ne bénéficient pas d'une protection harmonisée dans le TNS. Ainsi le cas de l'éléphant qui est entièrement protégé en République Centrafricaine et au Congo97(*) et ne l'est que partiellement au Cameroun où il peut faire l'objet d'une chasse réglementée. Néanmoins les éléphants aux pointes de moins de 5kg et les éléphants pygmées sont intégralement protégés au Cameroun98(*). Le bongo, espèce très prisée par les amateurs de chasse sportive, est partiellement protégé en République Centrafricaine ainsi qu'au Cameroun, alors qu'il est intégralement protégé en République du Congo99(*). Cette situation favorise le braconnage transfrontalier des espèces protégées car les trophées des espèces rares abattues sur les territoires où ils sont intégralement protégés sont transportés au delà de la frontière et vendus librement sur les territoires où ils ne le sont que partiellement . Alors les pays du TNS qui ont une politique de protection intégrale de ces espèces ont le sentiment qu'ils effectuent la conservation pour le bénéfice des autres. Le classement ou le déclassement des espèces pouvant se faire par loi100(*)ou par arrêté101(*)toutes les fois que l'autorité administrative qui en a la charge le jugera nécessaire et bien que la législation camerounaise impose une périodicité d'au moins 5 ans102(*), l'harmonisation de la liste des espèces protégées dans le TNS aura pour avantage que l'introduction ou la suppression d'une espèce d'une liste ou classe A, B ou C ne pourra plus se faire qu'avec le consensus de toutes les parties, ce qui limitera par conséquent la profusion des textes de classement et de déclassement et favorisera une meilleure connaissance des espèces dont l'abattage non conforme à la législation en vigueur constituera une infraction.
* 85 Article 9 Accord TNS. * 86Alexandre Kiss, Les traités-cadres : une technique juridique caractéristique du droit international de l'environnement, 2005, DICE. * 87Alexandre Kiss, Les traités-cadres : une technique juridique caractéristique du droit international de l'environnement, 2005, DICE. * 88 Voir up-cit. La COMIFAC. * 89 Article 14 alinéa1 (a) Convention de Vienne relative au Droit des traités, 1969. * 90 Article 26 de l'Accord TNS. * 91 Loi n° 2006/006 du 14 juillet 2006 autorisant le président de la république à ratifier l'Accord de Coopération relatif à la mise en place du Tri-national de la Sangha. * 92 Deux protocoles d'accord ont été signés à ce jour dans le cadre de l'Accord TNS : le Protocole d'Accord sur la lutte contre le braconnage (28 juin 2002) et le Protocole d'Accord sur la libre circulation du personnel TNS (4 février 2005). * 93 Article 18 Convention de Vienne relative au Droit des traités, 1969. * 94 Voir article 13 Accord TNS. * 95 Article 33 Ordonnance n°84.045 du 27 juillet 1984 portant protection de la faune sauvage et réglementant l'exercice de la chasse en République Centrafricaine. * 96 Aenza Konate, Tendances d'évolution du droit de la faune et des aires protégées en Afrique Centrale, 2001, FAO. * 97 Arrêté n°3282/MFFPE/DGEF/DFF du 18 novembre 1991 portant protection absolue de l'éléphant sur toute l'étendue de la République du Congo. * 98 Annexe II du décret du 18 novembre 1947 réglementant la chasse dans les territoires africains relevant du Ministre de la France d'outre-mer. * 99 Annexe I Arrêté n°3863/MEF/SGEF/DCPP du 18 mai 1984. * 100 Article 32 Ordonnance n° 84.045 portant protection de la faune sauvage et réglementant l'exercice de la chasse en République Centrafricaine. Article 15 Décret n°95-466-PM du 20 juillet 1995 fixant les modalités d'application du régime de la faune au Cameroun. * 101 Article 2 Loi n° 43/83du 21 avril 1983 définissant les conditions de la conservation et de l'exploitation de la faune sauvage au Congo. * 102 Article 14 Décret n°95-466-PM du 20 juillet 1995 fixant les modalités d'application du régime de la faune au Cameroun. |
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