La gestion transfrontaliere des ressources naturelles: l'accord relatif a la mise en place du tri-national de la Sangha (TNS) et son protocole d'accord sur la lutte contre le braconnage( Télécharger le fichier original )par Florantine Mapeine ONOTIANG Université de Limoges - France - Master droit international et comparé de l'environnement 2006 |
2 CHAPITRE I- L'IMPLANTATION DU TRI-NATIONAL DE LA SANGHA...................................12CHAPITRE II- Le cadre juridique d'exécution en partenariat des activités de lutte contre le braconnage transfrontalier dans le TNS.................................................................23 DEUXIEME PARTIE : La stratégie conjointe d'exécution des activités de lutte contre le braconnage transfrontalier dans le TNS...............................................................34 3 CHAPITRE I- LA RÉPRESSION DU BRACONNAGE TRANSFRONTALIER DANS LE TNS....................35CHAPITRE II- Les mesures d'accompagnement dans la lutte contre le braconnage dans le TNS.............................................................................................................46 4 CONCLUSION..............................................................................................655 ANNEXES....................................................................................................696 BIBLIOGRAPHIE..........................................................................................96TABLE DES MATIERES.................................................................................99 7 INTRODUCTIONVéritable trésor floristique et faunistique, le massif forestier du bassin du Congo, situé en Afrique Centrale, souffre aujourd'hui de l'exploitation anarchique de ses ressources naturelles. L'extraction du bois, en augmentation avec l'attribution de plusieurs millions d'hectares de forêt à l'exploitation forestière, est une cause sérieuse de dégradation de la flore dans la région. En outre, l'ouverture des routes à cette fin a facilité l'accès aux chasseurs attirés par la richesse de la faune, notamment la présence de grands mammifères, et permis une circulation plus régulière des armes et des produits de chasse entre les différents pays de la sous-région d'Afrique Centrale. Depuis la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement qui s'est tenue à Stockholm en 1972 et où il a été proclamé que « la protection et l'amélioration de l'environnement est une question d'importance majeure qui affecte le bien-être des populations et le développement économique dans le monde entier ... »1(*), tous les pays ont connu un bouleversement politique et institutionnel relatif à la problématique environnementale. Deuxième bloc forestier tropical au monde après la forêt amazonienne, les forêts du bassin du Congo revêtent une importance vitale pour l'humanité, d'où le qualificatif de « poumon du monde ». Sur le plan national, chacun des pays de l'Afrique Centrale, conscient de la valeur sociale, économique, et touristique des ressources naturelles que regorgent ces forêts, a pris soin de mettre en oeuvre divers moyens tendant à leur protection. Dans l'effort de protection de la faune, ces pays se sont dotés d'instruments juridiques nationaux semblables, avec le double objectif de préservation de la diversité biologique et de développement économique, mettant ainsi en application la notion de développement durable, consacrée par la Déclaration de Rio de 1992 sur l'environnement et le développement. Le développement durable qui intègre la conservation au développement économique implique, en matière de gestion de la faune, une utilisation rationnelle de celle-ci, c'est-à-dire d'une manière et à un rythme qui n'entraînent pas leur appauvrissement à long terme, et sauvegardent ainsi leur potentiel pour satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes et futures2(*). D'où l'intérêt de la création des aires protégées sur le territoire national. Ces aires protégées sont des zones géographiquement délimitées et gérées en vue d'atteindre des objectifs spécifiques de conservation et de développement durable de la faune et de la flore y présentent. Cependant, face à la menace qui ne cesse de croître malgré les mesures prises au niveau national, la nécessité de conjuguer leurs efforts afin de mieux appréhender et gérer les causes de dégradation de l'environnement en général et le problème particulier du braconnage dans la sous-région de l'Afrique Centrale, s'est imposée aux dirigeants des pays concernés. En 1983 a été mis sur pied un programme pour la « Conservation et l'utilisation rationnelle des écosystèmes forestiers en Afrique Centrale » (ECOFAC) avec pour objectifs, entre autres, la valorisation et la protection de la faune en Afrique Centrale. Mais avant ce programme, la première manifestation du désir des chefs d'Etats de l'Afrique Centrale de protéger ensemble la faune notamment à travers la lutte contre le braconnage a été la création en 1983 de l'Organisation pour la Conservation de la Faune en Afrique Centrale dont l'un des premiers objectifs était l'harmonisation des politiques en matière de chasse et de commercialisation des produits de chasse pour tous les Etats membres. Mais, à cause de problèmes d'ordre financier et politique, l'OCFSA n'a pas pu mener à bien ces missions et a sombré pendant plusieurs années dans la léthargie. Plusieurs accords régionaux ont été signés en Afrique avec pour même objectif la protection et le valorisation de la faune, telle la Convention Africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles adoptée le 15 septembre 1968 à Alger, le Protocole concernant la Conservation des Ressources Naturelles Communes adopté le 24 janvier 1982 et l'Accord concernant l'exécution commune des mesures visant à lutter contre le commerce illégal de faune et de flore ou encore Accord de Lusaka, signé en 1994 et entré en vigueur le 10 décembre 1996. Mais la protection de la faune à travers la création des aires protégées transfrontalières est le mode de conservation de la faune sur lequel nous nous attarderons. Elle a été mise en branle par la déclaration faite à Yaoundé le 17 mars 1999 par certains chefs d'Etats de pays de l'Afrique Centrale ( la République du Cameroun, la République du Congo, la République Gabonaise, la République Centrafricaine, la République de Guinée Equatoriale et la République du Tchad) réunis lors de leur sommet sur la conservation et la gestion durable des forêts tropicales. Cette déclaration que l'on a nommé Déclaration de Yaoundé a consacré la volonté ferme de ces chefs d'Etats de préserver la biodiversité par une utilisation appropriée des ressources naturelles de la région. Avec la Déclaration de Yaoundé naît en Afrique Centrale l'idée d'une nouvelle forme de protection des ressources naturelles à travers la création des aires protégées transfrontalières dont la gestion nécessite la participation et la collaboration entre deux ou plusieurs pays frontaliers, fort du principe que les animaux ne connaissent pas les frontières entre états limitrophes et les braconniers non plus. CONTEXTE D'une population d'environ 14 millions d'habitants pour une superficie de 475.442 km2, le Cameroun est un pays dont le relief est composé de trois grands ensembles que sont les plateaux, les basses terres et les hautes terres. Le climat, qui est influencé entre autres par ce relief, est tropical dans la partie nord du pays et équatorial au sud. Dans la zone équatoriale du sud, la végétation est la forêt dense. Cette forêt, traversée par divers fleuves et rivières dont le Dja et la Sangha, est habitée par les peuples pygmées et bantous. C'est dans cette zone qu'est situé le parc national de Lobéké qui partage une même limite, à l'est, avec les aires protégées de la République Centrafricaine incluses dans le Tri-national de la Sangha (TNS). Pays très enclavé coincé entre le Tchad au nord, le Cameroun à l'ouest, la République du Congo et la République Démocratique du Congo au sud et le soudan à l'est, la République Centrafricaine couvre une superficie totale de 662.436 km2 et compte environ 3.250.000 habitants. Elle dispose d'une grande diversité biologique dont les forêts équatoriales denses au sud du pays, zone dans laquelle se trouve le parc national de Dzanga-Ndoki, limitrophe au parc national de Nouabalé-Ndoki en République du Congo. Par rapport au Cameroun et à la République Centrafricaine, la République du Congo fait office de petit poucet, car sa superficie n'est que de 341.821 km2 pour une population d'environ 2.600.000 habitants, composée majoritairement de bantous et de quelques minorités parmi lesquels les pygmées. Les trois quarts de cette population habitent les villes principales que sont Brazzaville, Pointe-Noire, Loubomo et Nkayi, raison pour laquelle la densité humaine est très faible, presque inexistante, dans la zone de forêt dense au nord du pays où a été crée le parc national de Nouabalé-Ndoki. Créé en 2000, le Tri-national de la Sangha (TNS) est un complexe d'aires protégées réunissant les 3 parcs nationaux cités ci-dessus et leurs zones périphériques. Le TNS est une zone transfrontalière dont la gestion nécessite une collaboration entre le Cameroun, la République Centrafricaine et la République du Congo. La politique de conservation de la faune sur le territoire national est définit par chacun des gouvernements des trois pays concernés, représenté par le Ministère des Forêts et de la Faune au Cameroun, le Ministère de l'Environnement, des Eaux, des Forêts, de la Chasse et de la Pêche en République Centrafricaine, et le Ministère de l'Economie Forestière et de l'Environnement en République du Congo. Mais avec la création d'une aire transfrontalière de conservation où toutes les activités tendant à cette fin doivent être menées de façon concertée entre les pays concernés, il est important et même indispensable que soit adoptée une stratégie conjointe d'exécution de ces activités. La signature, le 07 décembre 2000, de l'Accord de coopération relatif à la mise en place du Tri-national de la Sangha entre la République du Cameroun, la République Centrafricaine et la République du Congo a donc pour objectif la mise en place d'un cadre institutionnel au sein du quel seront menées de façon collégiale les activités de conservation dans la zone TNS. Il serait opportun de noter que le Tri-national de la Sangha est une initiative qui remonte à très longtemps, en 1986, à un moment où les « Projet de Développement et Conservation Intégrée » (ICDP) étaient à la mode. Le TNS est né avec l'idée d'un projet à deux volets initié par Richard Caroll : le projet Dzanga-Sangha, tel qu'il est connu actuellement avec deux parcs nationaux et une réserve spéciale à usages multiples, et le projet de création d'une réserve trinationale qui serait constituée de Dzanga-Sangha en RCA et des aires de conservation contiguës de Lobéké au Cameroun et Ndoki au Congo3(*). Depuis le début des années 1990 jusqu'à fin 2000, les activités liées à la mise en réseau des aires protégées limitrophes et de leurs zones périphériques de ces trois pays ont été essentiellement guidées par des chercheurs et scientifiques expatriés appartenant à des organismes tels WWF-US, WWF-Allemagne, WCS, Sangha-River-Network, Yale-University. Le premier aboutissement de ce projet a été la création de l'aire protégée Dzanga-Sangha en RCA en 1990, ensuite quelques années plus tard, en 1993, le parc national de Nouabalé-Ndoki a été crée à la limite de Dzanga-Sangha, au nord du Congo. La troisième aire protégée, qui est le parc national de Lobéké a été créée en 2001 au Cameroun. Dès 1997, sur l'initiative du WCS et WWF, responsables des projets établis dans ces aires protégées, et avec l'appui financier de la Fondation McArthur (USA) des rencontres tri-nationales rassemblant les représentants des trois pays concernés, les collaborateurs expatriés des projets, ainsi que les partenaires étatiques que sont les administrations en charge des forêts et de la faune, ont régulièrement eu lieu et ont abouti à l'organisation, avec le concours du WWF-International, de deux événements importants : le Sommet des Chefs d'Etat d'Afrique Centrale sur la Conservation et la Gestion Durable des Forêts Tropicales du Bassin du Congo tenu à Yaoundé en mars 1999 et couronné par la signature de la "Déclaration de Yaoundé", et la Première Conférence des Ministres en charge des Forêts d'Afrique Centrale (COMIFAC) tenu à Yaoundé en décembre 2000 et qui a donné lieu à la signature de l'Accord TNS4(*). OBJECTIF Vu le temps qu'a duré la conception du projet TNS avant sa mise en place effective, vu sa singularité par rapport aux autres accords sous-régionaux signés entre les pays de l'Afrique Centrale, le TNS, qui est la première initiative de conservation transfrontalière des ressources naturelles en Afrique Centrale, mérite une attention particulière. Depuis son officialisation en 2000 par la signature de l'Accord, le TNS a déjà fait l'objet de diverses études, surtout en ce qui concerne son cadre juridique et institutionnel. Mais, en matière de protection de l'environnement, « les gens ne se satisfont plus de simples déclarations. Ils veulent des décisions fermes, des résultats concrets. Ils s'attendent à ce que les nations du monde, ayant diagnostiqué un problème, aient la force d'agir »5(*). Le problème diagnostiqué dans la zone TNS a été celui de la dégradation des ressources naturelles, notamment celles fauniques, et l'action a commencé avec la volonté ferme de conserver ces ressources au-delà du plan national. Cette volonté a été concrétisée par la mise en place d'un cadre juridique de collaboration instauré par l'Accord TNS et son Protocole d'Accord sur la lutte contre le braconnage signés respectivement les 07 décembre 2000 et 28 juin 2002. Six ans plus tard, le monde entier attend des résultats concrets. Le présent mémoire a par conséquent pour objectif d'étudier les différentes mesures prises dans le TNS pour lutter contre le braconnage, afin de juger de leur efficacité sur la conservation de la faune dans la zone. Ceci est d'autant plus important que depuis la signature de l'Accord TNS, un accord similaire a été signé entre la République du Cameroun, la République du Congo et la République du Gabon pour la mise en place d'une zone forestière transfrontalière pour la conservation et le développement durable dénommée Trinationale de Dja-Minkebe-Odzala (TRIDOM). METHODOLOGIE La collecte et l'analyse des documents relatifs de près ou de loin au TNS ont été indispensables pour une connaissance théorique du système de conservation instauré dans cette zone. La connaissance pratique du TNS s'est faite à travers la visite de la saline de Dzanga (dans le parc national de Dzanga-Ndoki) et des infrastructures mises en place à Bayanga (RCA), à Yokadouma et Mambelé (Cameroun). En plus, les interviews des conservateurs des 3 parcs nationaux, des responsables de projets établis dans les aires protégées du TNS, des représentants des Ministères chargé de la faune, des représentants de l'autorité judiciaire, ainsi que des représentants de quelques ONG nationales et des écogardes, des trois pays concernés par le TNS, ont permis une meilleure appréhension des divers problèmes inhérents à la gestion de la faune dans la zone. Ces problèmes ont encore été mieux perçus, et les solutions préconisées relevées lors des réunions et séminaire auxquels j'ai participé : - la réunion du CTPE qui s'est tenue à Yokadouma du 19 au 21 mai 2006 ; - la Tripartite des Préfets du TNS qui a eu lieu le 21 mai 2006 à Yokadouma ; - le séminaire sur « Les procédures de constatation et de répression des infractions liées au braconnage » organisé par WWF, en collaboration avec le Ministère de l'Environnement, des Eaux, des Forêts, de la Chasse et de la Pêche, du 29 au 31 mai 2006 à Nola en République Centrafricaine. A travers tout ce qui précède, il m'est apparu que le premier objectif du TNS est la conservation de la faune à travers la lutte contre le braconnage. Cette menace qui pèse sur la faune est encore plus sérieuse lorsqu'elle implique le transport du produit illicitement obtenu ou l'auteur de l'acte illégal au delà des frontières nationales, ce qui a justifié l'utilisation du terme « braconnage transfrontalier ». Il n'est donc par conséquent pas étonnant que le premier protocole d'accord signé dans le cadre d'exécution des missions du TNS soit celui relatif à la lutte contre le braconnage et qu'il institue à cette fin, en plus du cadre général mis en place par l'Accord TNS, un cadre juridique spécifique de collaboration au sein duquel des mesures sont prises afin de mener à bien cette guerre contre les braconniers transfrontaliers. L'efficacité de ces mesures sera donc perçue à travers l'analyse de la stratégie développée dans la zone TNS pour lutter contre le braconnage (Deuxième partie). Mais avant, il est indispensable de faire une expédition dans les méandres des forêts du TNS afin découvrir leur précieuse faune et comprendre qu'elle mérite d'être préservée et conservée, pour notre bien-être et celui des générations futures, contre les actes des braconniers, qualifiés par un chef de canton camerounais d'« hommes sans futur ne comptant que sur le présent ». D'où l'intérêt de la mise en place d'un cadre juridique tendant à leur conservation (Première partie). PREMIERE PARTIE LE TRI-NATIONAL DE LA SANGHA, UNE INITIATIVE PIONNIERE DE CONSOLIDATION DE L'ACTION DE LUTTE CONTRE LE BRACONNAGE La situation des aires protégées composant le TNS et la richesse de sa faune qui attise la convoitise des chasseurs, ont conforté les trois pays concernés dans leur désir d'unir leurs efforts pour lutter contre le braconnage. Ce désir a été concrétisé par la mise en place d'un cadre juridique (Chapitre II) au sein duquel oeuvrent les différents acteurs de cette lutte afin de satisfaire aux objectifs de conservation et protection de la faune dans la zone d'implantation du TNS (Chapitre I). * 1 Préambule Déclaration de Stockholm 1972. * 2 Article 2 Convention sur la Diversité Biologique Rio 1992. * 3 J. Michael Fay, Le développement du système trinational de Conservation : une perspective depuis dix ans, 1997,WCS. * 4 Mathias Heinze, Les différentes phases de la mise en place du Tri-national de la Sangha, 2001, GTZ. * 5 Premier Ministre suédois Olof Palme, qui a accueilli la Conférence de Stockholm de 1972. |
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