INTRODUCTION
La présente étude part d'une constatation :
l'hypothèse suivant laquelle, il existe des déséquilibres
dans le financement des CTD du fait de l'importance inégale des taxes
communales indirectes, l'impossibilité de recouvrement et le rendement
faible de certaines taxes au niveau local, de la mauvaise répartition
des ressources recouvrées par l'Etat au bénéfice des
communes et de la faiblesse des économies locales, est confirmée
dans les développements précédents.
Il s'agit à présent de s'efforcer de trouver des
explications aux divergences observées dans le financement des CTD.
Ainsi, dans un premier temps, nous allons traiter de la nécessité
de la réforme du modèle de décentralisation et du
renforcement de la fiscalité locale ; et dans un second temps,
étudier les voies de redéfinition de la contribution de l'Etat et
la promotion de l'emprunt communal.
Section 1 : La
nécessité de reformer le modèle de décentralisation
et le renforcement de la fiscalité locale.
Il s'agira d'abord de présenter la
nécessité de reformer le modèle de décentralisation
ensuite d'examiner dans quelle perspective la fiscalité locale peut
être renforcée.
I- LA NECESSITE DE REFORMER LE MODELE DE DECENTRALISATION
Nous envisageons une action sur le découpage
territorial par la détermination de l'unité territoriale
optimale, la dynamisation de la coopération décentralisée
et le renforcement de la solidarité intercommunale.
A. La détermination de l' `'unité
territoriale optimale''.
Nous allons définir le concept d' `'unité
territoriale optimale'' ensuite nous donnerons ses caractéristiques.
1. La définition du concept d' `'unité
territoriale optimale''.
Ce concept renvoie au risque de marginalisation
économique de certaines CTD dont pourrait créer une mauvaise
répartition des ressources nationales.
L'unité territoriale optimale désigne ainsi une
portion du territoire national capable de générer des ressources
propres grâce à une activité économique territoriale
vivante. C'est sur la base du critère économique que repose le
concept d'unité territoriale optimale. Or tel que se présente le
modèle de décentralisation actuel, il ressort que la
création des collectivités territoriales repose sur des ambitions
politiques et non sur la base de ce critère 'efficace. Ce qui justifie
l'existence des collectivités territoriales financées à
90% par les centimes additionnels. C'est le cas de la commune rurale
d'Afanloum, dans la Mefou et Afamba, qui sur un total de recettes
budgétaires de 8 420 000 FCFA, 7 200 000 F CFA proviennent des CAC,
soit 85% du total des recettes de l'année 2004.
Ainsi le financement de la décentralisation
territoriale au Cameroun peut être émaillé de deux
débats : faut-il diminuer le nombre de CTD, afin d'élargir
leur champ économique ? Ou, faut-il créer davantage de
collectivités locales, tout en sachant que leur survie dépendra
des ressources transférées par l'Etat ? La première
option semble la meilleure, car c'est elle qui permet de garantir le principe
d'autonomie financière des CTD.
Le diagnostic sur le nombre de collectivités locales
est généralement admis, mais la volonté politique fait
souvent défaut. Le Cameroun possède aujourd'hui 339 CTD
réparties sur toute l'étendue du territoire national. Certaines
de ces collectivités connaissent d'énormes difficultés
dues à une faible quantité de ressources propres capables de
financer les seuls besoins en fonctionnement. Le financement de l'Etat se
faisant ainsi majoritaire.
Il paraît donc nécessaire de partir des bases
économiques fiables lors de la création des CTD.
2. Les caractéristiques
Nous distinguons d'une part les caractéristiques
juridiques et d'autre part, les caractéristiques économiques.
a- les caractéristiques juridiques.
La notion d'unité territoriale optimale satisfait aux
traits juridiques suivants :
- c'est une portion du territoire national, qui suppose
une délimitation
géographique précise ;
- c'est une personne morale de droit public, comme telle
apte à
accomplir des actes de la vie juridique (droits,
obligations, avec les
conséquences patrimoniales, fiscales, contentieuses
qui en résultent) ;
- son fonctionnement implique des organes qui lui sont
propres : conseil
élu, exécutif élu ;
-son fonctionnement doit rester subordonné à
l'ordre juridique étatique.
Ce qui rend nécessaire un contrôle
administratif par le pouvoir central (la
tutelle) ;
- son existence repose sur la reconnaissance
d'intérêts locaux spécifiques,
distincts des intérêts nationaux.
b- les caractéristiques
économiques
La caractéristique de l'activité
économique locale repose essentiellement sur l'étude des
statistiques fiscales. Elle ressort des déclarations fiscales
agrégées au niveau de chaque commune. Il est aussi possible de
disposer d'informations précises, fiables et significatives sur les
entreprises installées sur le territoire d'une commune ou d'une
agglomération.
L'appréciation des activités économiques
au sein d'un territoire n'est toutefois pas très facile. L'idée
la plus simple serait de pouvoir disposer d'un indicateur de valeur
ajoutée localisée au niveau d'un territoire. Un tel indicateur,
idéal en théorie, se révèle indisponible en
pratique.
Ainsi certaines informations socio-économiques
permettent de contrecarrer les difficultés liées à
l'absence d'indicateurs de flux financiers au niveau local. Ces informations
peuvent être considérées comme les caractéristiques
socio-économiques de l'unité territoriale optimale. Il s'agit
:
- du nombre d'établissement ventilé par
activité ;
- de la taille de ces établissements (nombre de
salariés ou chiffre d'affaire) ;
- des équipements scolaires et sanitaires
disponibles ;
- des ressources naturelles disponibles ;
- etc.
Sur la base de ces critères, les autorités
centrales doivent revoir le ressort territorial de certaines
collectivités locales, ou procéder à une autre division du
territoire national.
B. La dynamisation de la coopération
décentralisée
La coopération décentralisée permet le
recourir à un mode de coopération généralement
nord-sud, qui repose sur la recherche de collectivités territoriales
partenaires susceptibles d'appuyer la mise en oeuvre d'un ou plusieurs services
ou de réaliser une ou plusieurs activités dans leur domaine de
compétences et dans le respect des engagements internationaux. C'est une
coopération qu'on pourrait qualifiée de coopération entre
collectivités étrangères à capacité de
financement et collectivités nationales a besoin de financement.
Comme on peut le constater, la coopération
décentralisée telle que menée par les collectivités
nationales manque d'efficacité et d'objectivité. Nous constatons
que les élus locaux exploitent ce cadre de coopération pour se
faire des "amis" à l'étranger et non des partenaires au
développement de la commune.
Or pour l'union européenne, la coopération
décentralisée est un moyen de sortir du système de
coopération « centralisée » avec les Etats et
de s'engager vers « une autre façon de faire de la
coopération ». La démarche européenne de
coopération décentralisée repose sur quelques idées
maîtresses qui tournent autour de la participation active, la
responsabilisation de l'ensemble des acteurs de la société
civile. Pour la commission européenne, il s'agit de
« transformer les bénéficiaires en véritables
acteurs et/ou partenaires, capables de prendre en charge leur propre
développement ».
En d'autres termes, la coopération
décentralisée est un cadre qui permet aux CTD de trouver d'autres
sources de financement étrangères à leurs multiples
investissements. Elle ouvre aussi la possibilité aux CTD de passer des
conventions avec des CTD étrangères.
C'est donc un cadre bénéfique pour les CTD qui
font face à une pénurie de ressources financières. Elle
devrait être bien exploitée par nos dirigeants locaux, et cela
contribuerait à générer d'autres recettes dans les
rubriques telles que les dons et legs, les transferts reçus dans le
cadre de la coopération internationale décentralisée ou
des subventions de fonctionnement reçues des autres organismes
dispensateurs.
C. Le renforcement de la solidarité
intercommunale.
Nous examinons ici la nécessité de
l'intercommunalité, ses objectifs, les formes adaptées de
l'intercommunalité et son mode de financement.
1. La nécessité de
l'intercommunalité
Aujourd'hui, le constat est fait que bien de services publics
à la population (eau, électricité, infrastructures
scolaires etc.) ne peuvent être fournis par une commune seule, soit que
le service en question répond à une population dont le bassin
dépasse le cadre d'une seule commune, soit que les coûts de
production sont supérieurs aux moyens d'une seule commune, soit que
l'interdépendance des communes exige une mise en cohérence des
investissements et les politiques de développement, la mise en oeuvre de
certaines compétences locales nécessitent une mise en commun des
énergies par plusieurs communes.
L'intercommunalité s'impose ainsi comme une
nécessité. Elle peut être un moyen de renforcement de
l'efficacité des services de base et de la crédibilité des
communes. Comme on peut le constater au Cameroun en général, et
dans la Province du centre en particulier, la seule solidarité
intercommunale qui existe, est celle entre la communauté urbaine de
Yaoundé et ses six (06) CUA. Ainsi, chaque CUA reçoit, au cours
de l'année, une subvention de fonctionnement et une subvention
d'équipement de l'ordre de 150 millions par an.
Donc l'intercommunalité se présente, de nos
jours comme une nécessité en ce sens qu'elle permet de trouver
des solutions aux questions pertinentes en matière de
décentralisation : quel est le territoire pertinent d'exercice des
compétences, le meilleur niveau d'administration des communes ?
Comment optimiser la gestion des services publics locaux ou le
développement local ?comment les CTD riches peuvent aider les CTD
pauvres ?
L'intercommunalité est un regroupement de communes dans
une structure supra communale pour réaliser certains travaux ou
tâches d'intérêt commun. C'est donc une association de
communes qui vise la réalisation efficiente d'objectifs
déterminés.
2. Les objectifs de
l'intercommunalité
L'intercommunalité répond d'une part à la
nécessité de rationaliser la gestion, d'optimiser l'organisation
des services urbains ; et d'autre part à la nécessité
de maintenir une participation, une démocratie de proximité.
Quel que soit le système communal, il est en effet
toujours souhaitable, voir nécessaire de :
- produire à moindre coût des services de
qualité ;
- traiter les problèmes à l'échelle
territoriale pertinente ;
- partager l'information ;
- rechercher de la valeur ajoutée qui
procède d'une mise en commun des énergies, avec notamment des
économies d'échelle ;
- éviter de trop grandes disparités
entre les territoires notamment sur le plan du développement
économique ;
- diminuer les conflits pouvant résulter de la
compétition ou de l'opposition entre territoires voisins ;
- améliorer le financement des services.
Cette exigence de production efficiente des services qui
pousse à la centralisation à une échelle territoriale
suffisante, doit être confrontée à l'exigence de
participation démocratique locale qui suppose des unités plus
réduites permettant le rapprochement entre la gestion des services et
les populations.
Mais la réalité n'est que rarement dans une
compétence exclusive donnée d'un niveau ou à un
autre ; elle est souvent dans une compétence partagée entre
différents niveaux ; compétence partagée par la loi
qui a défini différents niveaux de CTD en leur attribuant chacune
une compétence ou partie de cette compétence. Tout ceci ne doit
pas rester vague : une compétence partagée, c'est un cahier
des charges qui explique qui fait quoi ; à la fois pour une
transparence en évitant le rejet de responsabilités, pour qu'on
sache à quoi sont affectés les financements et que l'on sache
rendre compte à la foi à la tutelle et à la population qui
élit et donne mandat aux responsables de ces collectivités.
3. Les formes adaptées de
l'intercommunalité
Les formes d'intercommunalité dépendent du
découpage territorial existant et des compétences visées.
L'intercommunalité conduit toujours à un transfert de
compétences des communes vers une structure de coopération
intercommunale qui peut prendre deux formes : une forme
intégrée allant jusqu'à la création d'un nouveau
niveau de collectivité locale. C'est le cas des communautés
urbaines, qui disposent d'un niveau de compétences exclusives et
partagées mais sur la base d'un cahier de charge précis et des
ressources propres de type fiscal. Au regard des expériences qui ont
été définies précédemment, la
communauté urbaine se présente incontestablement comme la
structure la mieux adaptée à l'intercommunalité en milieu
urbain. Elle représente une structure intégrée de
coordination et de rationalisation des services des différentes
interventions publiques, mais laisse aux communes la possibilité de la
gestion des compétences de proximité.
L'autre forme d'intercommunalité est une forme
associative, l'exemple en est le syndicat intercommunal (le syndicat des
communes, à vocation unique ou multiple avec activité à la
carte et financement par contribution des budgets de chacune des communes).
Cette formule apparaît la mieux adaptée pour les zones rurales.
Cette forme est la plus modeste et plus respectueuse de l'autonomie communale.
De plus, la clarté de ses règles de fonctionnement et sa
souplesse lui permettent d'être opérationnelle aussi bien pour la
gestion d'un service unique que de plusieurs services. Cependant, même en
milieu rural, il ne saurait être question de se regrouper sans projet
précis, comme on le vit trop souvent uniquement parce qu'on se situe
dans la même zone géographique ou pour succomber à la mode
de constitution de syndicats de communes.
Seul le souci d'un développement
équilibré dans la zone syndicale devait être la motivation
principale de l'institution des syndicats de communes. Plus encore que la
question : comment regrouper ? Il y a lieu de répondre la
question : Comment faire pour que la structure de regroupement soit
adaptée aux services à gérer ou aux équipements
à implanter ? Plus qu'un cadre élargi de gestion, la
structure intercommunale doit devenir un mode de gestion adapté aux
services à gérer. La logique fonctionnelle doit prévaloir
sur la seule logique de regroupement territorial.
4- Le financement de
l'intercommunalité
L'intercommunalité n'est viable qu'autant qu'elle
possède les moyens financiers d'assurer matériellement la
poursuite des objectifs qu'elle s'est fixée. L'intercommunalité
ne change pas fondamentalement les mécanismes de financement des
services qui reposent toujours sur l'impôt et la tarification. Mais
l'intercommunalité permet de gérer ces services dans un cadre
financier plus large : ce qui donne plus de poids dans la
négociation et le contrôle vis-à-vis de l'Etat et
vis-à-vis des prestataires.
Il faut que les structures intercommunales aient un budget
propre. Celui-ci peut être alimenté par les cotisations des
communes associées au risque de faire apparaître la
prééminence de la contribution de la commune centrale, ce qui
déséquilibre les relations de pouvoir et même parfois
l'application des programmes entre les communes associées.
Dans le cas du Cameroun, il se pose déjà le
problème de l'impossibilité de communes à satisfaire aux
besoins les plus élémentaires tels que le paiement des
personnels. Cette situation ne favorise pas le financement de la structure
intercommunale, basé sur le principe de cotisations. Ainsi
l'efficacité d'une telle structure apparaît à priori
limitée. Il est donc question que l'Etat participe au financement de ces
structures en reversant les transferts alloués aux CTD de cette zone
à la structure intercommunale ainsi créée.
Il apparaît essentiel, pour assurer non seulement la
survie mais aussi et surtout la crédibilité et
l'efficacité de l'intercommunalité, de la doter de ressources
propres de nature à assurer une autonomie par rapport aux
collectivités locales qui la composent mais aussi vis-à-vis de
l'Etat. La disponibilité d'une fiscalité directe et des taxes
pour services rendus (ordures ménagères, assainissement) en est
la seule garantie véritable.
II- LE RENFORCEMENT DE LA FISCALITE LOCALE
Il s'agit de mettre en place les services d'assiette et de
recouvrement dans toutes les CTD, de reverser totalement la fiscalité
partagée aux CTD et de transférer certains impôts au CTD
ayant purement un caractère local.
A-la mise en place des services
d'assiette et de recouvrement dans toutes les CTD.
Les opérations d'assiette portent essentiellement sur
les recettes fiscales. Elles constituent la phase administrative et consistent
à déterminer le montant de la matière imposable qui est
imputable à chaque contribuable. Pour le moment l'intervention des
communes en matière d'assiette fiscale et de recouvrement est
limitée. Dans la plupart des pays africains en général et
au Cameroun en particulier les lois prédéterminent les listes des
impôts et taxes ainsi que les plafonds pour leur tarification pour toutes
les collectivités locales. Dans certains pays, comme c'est le cas au
Cameroun, le fisc va jusqu'à émettre les titres et à
recouvrer certains impôts locaux. Cet état des choses ne favorise
non seulement pas l'autonomie financière des CTD mais aussi limite la
quantité des recettes fiscales locales, car la part revenant aux CTD est
très souvent résiduelle.
Nous recommandons donc que les services d'assiette et de
recouvrement soient étendus dans toutes les collectivités
locales. Ceci permettrait de connaître le potentiel fiscal local par un
système d'identification des contribuables locaux. Cela devrait aussi
permettre d'accroître le rendement de la fiscalité locale et
partant les recettes des CTD.
B- Le reversement total de la fiscalité
partagée
Par fiscalité partagée nous entendons :
- les impôts levés par l'Etat pour le compte
des collectivités locales. Les
autorités locales déterminent les tarifs,
soit librement soit à l'intérieur
des limites fixées par l'Etat : c'est le cas
des taxes communales directes ;
- les impôts levés et administrés par
les gouvernements centraux mais
dont les produits sont, soit cédés aux
collectivités locales, soit supportent
un pourcentage additionnel qui leur est
destiné : les centimes additionnels
communaux, la patente, la licence relèvent de cette
classe.
Pour ces deux (02) catégories d'impôts, l'Etat
dispose d'un certain pourcentage (10% des CAC appartiennent à
l'Etat) ou conserve un certain montant au titre des frais d'assiette, de
recouvrement et les diverses pénalités dues au retard ou à
la l'incivisme fiscal.
Donc nous recommandons que ces frais et divers pourcentages
soient reversés aux CTD, car celles-ci, avec leurs propres services
d'assiette et de recouvrement, pourraient remplir les fonctions
jusque-là accomplies par l'Etat au titre des services liés
à la fiscalité locale.
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