CONCLUSION GENERALE ET
RECOMMAMDATIONS
Nous sommes partis d'une préoccupation que suscitent
les comportements sexuels à risque d'infection aux IST/VIH/SIDA chez les
jeunes et les adolescents au Niger. L'objectif de notre étude
était de contribuer à l'amélioration de l'état des
connaissances des facteurs explicatifs des comportements sexuels à
risque des jeunes et des adolescents au Niger. Ceci, afin d'aider les
décideurs politiques et autres partenaires au développement
à avoir des informations fiables qui pourront leur servir de base pour
une prise en charge des besoins spécifiques des jeunes et des
adolescents; et de là, intégrer la problématique du
VIH/SIDA dans les politiques et les programmes nationaux de
développement. Pour atteindre cet objectif, nous nous sommes
fixés les trois objectifs spécifiques suivants:
Ø Identifier les déterminants des comportements
sexuels à risque d'infection aux IST/VIH/SIDA des adolescents au
Niger ;
Ø Mettre en évidence les mécanismes par
lesquels certains facteurs socio-culturels et économiques influencent
les comportements sexuels à risque des adolescents au Niger;
Ø Hiérarchiser les déterminants selon
leur pouvoir explicatif dans l'explication des comportements sexuels à
risque chez les adolescents nigériens.
La présentation des différents contextes
révèle des conditions favorables à des comportements
sexuels à risque des adolescents au Niger : conditions
économiques très difficiles, population très jeune
à 83,4% rurale (EDSN-MICS-III), faible taux de scolarisation
estimé à 52,4% (EDSN-MICS-III).
La revue de la littérature nous a permis de faire le
point sur les déterminants des comportements sexuels à risque des
jeunes et des adolescents. Des études antérieures qui ont
porté sur ce sujet, il est ressorti deux principales approches
explicatives des comportements sexuels des jeunes et des adolescents :
l'approche socio-culturelle et l'approche économique. A partir de la
synthèse de la littérature, un schéma conceptuel des
comportements sexuels à risque a été élaboré
à cet effet. De ce schéma, nous avons émis
l'hypothèse selon laquelle les comportements sexuels à risque des
adolescents nigériens sont influencés directement ou
indirectement par l'environnement socio-culturel et économique. Pour
opérationnaliser l'environnement socio-culturel, nous avons retenu comme
variables l'ethnie, le milieu de socialisation, le milieu de résidence,
le niveau d'instruction, la fréquence d'exposition à la radio et
la fréquence d'exposition à la télévision. Le
niveau de vie du ménage a permis d'opérationnaliser
l'environnement économique. Dans le cas des variables
intermédiaires, nous avons considéré les connaissances et
attitudes vis-à-vis des IST/VIH/SIDA. L'âge, le sexe et
l'état matrimonial nous ont servi de variables de contrôle. En
effet, si les comportements sexuels à risque sont susceptibles de varier
selon les conditions de vie des adolescents, ils peuvent également
être influencés par différents facteurs qui relèvent
aussi bien du domaine démographique que du socio-culturel et
psychosocial. Si bien que pour mieux comprendre la réalité de
l'association entre les conditions de vie des adolescents et leurs pratiques en
matière de sexualité, il est important de les prendre en compte
dans l'analyse en vue d'éliminer l'effet de certaines
caractéristiques psychosociales à l'origine des décisions
sexuelles des adolescents. Les variables susceptibles d'être retenues
pour chacun de ces domaines sont ; au niveau démographique :
l'âge, le sexe et le statut matrimonial ; au niveau socio-culturel :
l'appartenance à une association, l'attachement à une ou
plusieurs activité de loisir ; au niveau psychosocial : l'importance
accordée à l'opinion d'autrui sur les comportements sexuels, la
religion, l'estime de soi, la connaissance du SIDA. Mais, les variables
relatives à l'appartenance à une association, à
l'attachement à une ou plusieurs activité de loisir, à
l'importance accordée à l'opinion d'autrui sur les comportements
sexuels, l'estime de soi n'ont pas été saisies au moment de
l'enquête. Ce qui a fait que nous n'avons pu garder que l'âge, le
sexe et le statut matrimonial comme variables de contrôle. Quant
à la religion, elle n'a pas été prise en compte car la
quasi-totalité des jeunes et des adolescents enquêtés ont
déclaré être de confession musulmane (plus de 99%) et
seulement 1% de ces adolescents ont répondu pratiquer une autre
religion. Pour opérationnaliser les comportements sexuels à
risques, nous avons considéré comme variable la non-utilisation
des condoms. Dans ce cas, on a retenu comme indicateur : la non-utilisation
d'un préservatif au dernier rapport sexuel.
Pour atteindre nos objectifs, nous avons formulé les
hypothèses spécifiques suivantes :
ü H1 - Les adolescents
appartenant à une ethnie ayant des moeurs sexuelles permissives ont
précocement leurs premiers rapports sexuels et plus de risque d'avoir
d'autres partenaires sexuels occasionnels et de ne pas utiliser les condoms que
ceux appartenant à une ethnie ayant des moeurs sexuelles rigides.
ü H2 - Les facteurs
socio-culturels de modernisation tels que le milieu de résidence, les
écoles ou les médias influencent le multipartenariat sexuel ou la
non-utilisation des condoms chez les adolescents.
ü H3 - Les adolescents qui
vivent dans des conditions économiques difficiles ont plus de chance
d'avoir plus de partenaires sexuels occasionnels et de ne pas utiliser les
condoms que ceux qui vivent dans les conditions économiques
meilleures.
ü H4 - Les jeunes et
les adolescents qui débutent précocement leurs premiers rapports
sexuels ont plus de chance d'avoir d'autres partenaires sexuels occasionnels
et de ne pas protéger leurs rapports sexuels.
ü H5 -Les adolescents qui ont
une connaissance élevée des IST/VIH/SIDA et qui savent que les
condoms permettent prévenir ces maladies sont plus enclins à
utiliser les condoms.
Le test de ces hypothèses s'est fait en appliquant
notre cadre théorique aux données de l'EDSN-MICS-III,
réalisée au Niger en 2006. L'analyse des données a
été faite à trois niveaux selon les modèles
statistiques utilisés. En premier lieu l'analyse factorielle des
correspondances multiples (AFCM) nous a permis de catégoriser trois
grands groupes de adolescents selon leurs comportements sexuels. En second
lieu, nous avons décrit au niveau bivarié les associations qui
existent entre les variables indépendantes retenues dans l'étude
et chacune des trois variables dépendantes grâce au test de
Khi-deux. Enfin, l'analyse multivariée nous a permis de valider les
résultats de l'analyse bivariée à l'aide de la
régression logistique.
A l'issue de l'analyse bivariée, il ressort les
résultats suivants :
L'ethnie, le milieu de socialisation, le milieu de
résidence, le niveau d'instruction, le fréquence d'exposition aux
medias et le niveau de vie des ménages dans lesquels évoluent les
jeunes et les adolescents sont les facteurs associés à la
précocité des premiers rapports sexuels chez les adolescents
nigériens. En effet, l'occurrence précoce des premiers rapports
sexuels est fréquente chez les jeunes et les adolescents
nigériens quelle que soit leur appartenance ethnique. Ce comportement
s'observe plus chez les jeunes et les adolescents ayant passé les douze
premières années de leur vie en campagne, résidant en
milieu rural, n'ayant aucun niveau d'instruction, vivant dans des
ménages de niveau de vie faible ou moyen et qui ne sont pas
exposés aux medias.
En plus des variables associées à la
précocité des premiers rapports sexuels, la connaissance des
IST/VIH/SIDA, la connaissance du condom comme moyen prévention des
IST/VIH/SIDA, la connaissance de la fidélité à un
partenaire sexuel non infecté comme moyen de prévention des
IST/VIH/SIDA et la connaissance de la voie sexuelle comme moyen de transmission
du VIH/SIDA sont les facteurs associés au multipartenariat sexuel chez
les jeunes et les adolescents nigériens. En effet, le multipartenariat
sexuel est davantage fréquent chez les jeunes et les adolescents
"Djerma/songhaï" et "Haoussa", socialisés en
ville, résidant en milieu urbain, de niveau d'instruction secondaire ou
plus, qui écoutent la radio au moins une fois par semaine ou moins
d'une fois par semaine, qui suivent la télévision au moins une
fois par semaine et qui vivent dans les ménages de niveau de vie
élevé. Ce comportement s'observe chez les adolescents ayant une
connaissance partielle ou élevée des IST/VIH/SIDA, qui savent que
le condom est un moyen de prévention des IST/VIH/SIDA, qui ignorent que
la fidélité à un partenaire non infecté est un
moyen de prévention des IST/VIH/SIDA et qui ignorent que le SIDA se
transmet par voie sexuelle.
En ce qui est de la non-utilisation du condom, rappelons que
très peu de jeunes et d'adolescents ont recouru au condom lors de leurs
derniers rapports sexuels. Les jeunes et les adolescents "Haoussa",
"Peul" et "Touareg" n'ont pas utilisé de condom lors de
leurs derniers sexuels. La non-utilisation du condom est un comportement qui
s'observe aussi chez les adolescents socialisés en campagne,
résidant en milieu rural et ayant au plus un niveau d'instruction
primaire. Ces jeunes et ces adolescents sont moins exposés aux medias et
vivent dans les ménages de niveau de vie faible ou moyen. Notons en plus
que ces jeunes et ces adolescents n'ont aucune connaissance des IST/VIH/SIDA et
ignorent que le SIDA se transmet par voie sexuelle.
A cette étape nous remarquons que les résultats
vont le sens de nos hypothèses. Les résultats de l'analyse
multivariée vont nous permettre de confirmer ou d'infirmer les effets de
certaines variables. Il ressort de ces résultats que :
Les facteurs explicatifs de la non-utilisation du condom sont
l'ethnie, le niveau d'instruction, le niveau de vie du ménage dans
lequel évoluent les adolescents et la connaissance du condom comme moyen
de prévention des IST/VIH/SIDA. En effet, l'appartenance au groupe
ethnique "Djerma/songhaï", le niveau d'instruction à partir du
secondaire influencent négativement la non-utilisation du condom au
dernier rapport sexuel. En revanche, le fait d'évoluer dans un
ménage de niveau de vie faible influence positivement la non-utilisation
du condom au dernier rapport sexuel chez les adolescents. La connaissance du
condom comme moyen de prévention des IST/VIH/SIDA chez les adolescents
contribue à son utilisation d'autant plus que les adolescents qui ne le
savent pas ont trois plus de risque de ne pas l'utiliser lors de leurs rapports
sexuels.
On peut donc conclure que les facteurs socio-culturels et
économiques, à travers la connaissance des IST/VIH/SIDA,
déterminent la non-utilisation du condom chez les adolescents
nigériens.
Au regard de ce qui précède, nous pouvons
affirmer que nos objectifs sont partiellement atteints et nos hypothèses
partiellement vérifiées.
Globalement, nous estimons que les résultats auxquels
nous avons abouti sont très importants puisque largement suffisants pour
des recommandations. Toutefois, nous pouvons noter quelques limites. En effet,
comme dans plusieurs études démographiques utilisant les
données des enquêtes démographiques, la présente
étude souffre du caractère transversal des données et du
fait que les données collectées pendant l'enquête soient
exclusivement quantitatives.
Une autre limite est celle relative à la
définition retenue pour designer une sexualité précoce. La
limite de la précocité que nous avons retenue n'est pas
irréfutable car un changement de l'âge limite pourrait
entraîner un changement de résultats, donc de conclusions sur les
risques de la sexualité précoce. A cela, il faut ajouter que les
variables retenues pour expliquer la précocité des premiers
rapports sexuels (par exemple le niveau de vie du ménage, le milieu de
résidence, le niveau d'instruction du jeune adolescent) n'ont pas
été saisies au moment où ces rapports sexuels ont eu lieu.
Toutefois, compte du fait que l'âge moyen aux premiers rapports sexuels
est de 15 ans chez les filles et 17ans chez les garçons, nous avons
estimé que peu de adolescents ont changé de condition de vie ou
de milieu de résidence. Ce qui n'est pas forcement le cas en ce qui est
du niveau d'instruction. L'idéal aurait été de disposer
des données sur cette variable au moment de l'occurrence des premiers
rapports sexuels. La dernière limite, non moins importante est relative
aux données de l'EDSN-MICS-III qui ne nous ont permis de permis de
prendre en compte l'aspect genre et les facteurs psychosociaux à cause
du fort taux de non-réponses observé sur les variables relatives
à la prise de décision sur l'utilisation du condom lors des
rapports sexuels et à l'opinion d'autrui sur les comportements sexuels.
Bien que la sexualité soit précoce chez les
adolescents nigériens, une des choses les plus importants à noter
ici est qu'elle a lieu généralement dans le mariage. Il s'agit
là d'une exception en Afrique subsaharienne et c'est aussi le reflet de
la réalité sociale au Niger où une valeur capitale est
accordée au mariage. Celui-ci répond au souci social
d'éviter les relations sexuelles prémaritales prohibées
par la religion musulmane qui est la religion dominante dans le pays.
Les comportements sexuels des adolescents au Niger sont
très divers et complexes. Ils le sont de plus en plus dans une situation
de pauvreté qui amène la population à se retrancher sur
ses anciennes valeurs. En effet, pour les défenseurs de la tradition,
c'est la dégradation des moeurs engendrée par des facteurs
modernes extérieurs à la culture qui est à la base des
maux dont souffre la société (sécheresse, maladies,
pauvreté). Par exemple, la campagne de lutte contre le SIDA qui se fait
en conseillant l'utilisation des préservatifs est
considérée comme une incitation à la débauche, donc
difficilement acceptable.
Au vu des résultats auxquels nous avons abouti, il
semble intéressant d'appréhender la dimension sociologique
surtout dans un pays comme le Niger où la parole des leaders
traditionnels et religieux est primordiale et où la tradition orale sert
de support à l'éducation sociale. Pour cette approche, il est
indispensable de passer par une enquête qualitative qui nous permettra de
mieux saisir les représentations sociales de la sexualité et
comprendre les vrais mobiles des comportements observés et que l'on
souhaite modifier.
Notre souci est la protection de la santé des jeunes
et des adolescents. Pour ce faire, nous formulons les recommandations suivantes
à l'adresse des décideurs et autres autorités :
ü La forte relation observée entre la connaissance
du condom comme moyen de prévention des IST/VIH/SIDA et la
non-utilisation du condom aux derniers rapports sexuels montre qu'il
s'avère nécessaire d'intensifier les programmes visant à
promouvoir l'utilisation des condoms par les adolescents ;
ü Pour ce faire, l'Etat et les organismes internationaux
doivent prendre en compte les représentations négatives qui
bloquent l'usage des condoms chez les adolescents.
ü Ils doivent par conséquent éviter de
calquer les programmes déjà testés ailleurs ; il est
temps que ces derniers s'approchent de la population avant l'élaboration
de tout programme, parce qu'en fait ce ne sont pas les programmes qui sont
rejetés mais les stratégies de leur mise en oeuvre ;
ü La mise en place des actions favorables à la
scolarisation des jeunes et des adolescents au niveau secondaire et
supérieur afin de renforcer les programmes visant à promouvoir
l'utilisation des condoms ;
ü Renforcer et amplifier les actions d'information et de
conscientisation de la population sur les risques et les inconvénients
d'une sexualité précoce déjà engagées dans
le pays avec le soutien de l'UNICEF, le UNFPA et l'OMS à travers les
projets mis en place ;
ü Sensibiliser les adolescents sur les
inconvénients du multipartenariat sexuel à l'ère du
SIDA et sur les risques liés à l'activité sexuelle
précoce ;
ü Comme l'influence de l'ethnie s'est
avérée significative avec la précocité des premiers
rapports sexuels, il importe de sensibiliser les parents sur les
inconvénients du mariage précoce et de la sexualité
précoce chez les adolescents.
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