WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Déterminants des comportements sexuels à  risque d'infection aux IST/VIH/sida chez les adolescents au Niger

( Télécharger le fichier original )
par Djibrilla MODIELI AMDOU
Université Yaoudé II SOA - Diplome d'Etudes Supérieures Spécialisées en Démographie DESSD 2008
  

précédent sommaire suivant

INTRODUCTION GENERALE

« Le problème de la santé reproductive des adolescents dans le

Sahel est urgent, complexe et sensible et les solutions sont loin d'être évidentes » (CERPOD, 1996).

Pendant des générations, le mystère le plus complet a régné sur la sexualité : elle était fortement imprégnée de peur, d'angoisse, ce qui lui donnait un contexte dramatique (Vellay, 1979 :13) et faisait de la sexualité l'un des sujets ou phénomènes de société les plus sensibles de l'époque. Cette sensibilité a constitué un obstacle à la production scientifique dans ce domaine. Jusqu'aux décennies 1980-90, très peu d'efforts ont été fournis pour la production statistique publique dans le domaine de la sexualité. Il a fallu attendre l'émergence du SIDA avec ses corollaires (forte mortalité, problèmes de la santé de reproduction) pour voir les démographes notamment, accorder de l'intérêt à l'étude de la sexualité. Ce développement scientifique a été surtout renforcé par le paradigme de la « Santé de la Reproduction » promu par la Conférence Internationale sur la Population et le Développement en 1994 au Caire en Egypte.

Le SIDA restera longtemps, comme la plus grave pandémie qu'ait connu le vingtième siècle. En effet, nulle autre maladie n'a touché simultanément autant de pays. Bien plus, le SIDA intervient au cours d'une période où la mortalité a fortement diminué dans les pays industrialisés et très légèrement dans les pays en voie de développement. Il provoque " la panique " dans le monde en réduisant, chez les uns l'assurance d'une espérance de vie élevée, et anéantissant chez les autres tous les efforts consacrés à la réduction de la mortalité (Mboup, 1989, 12-21).

Dans les pays en voie de développement, particulièrement les pays d'Afrique sub-saharienne, l'apparition de la maladie a coïncidé avec une période de forte récession économique et de profondes transformations sociales. Le SIDA est venu anéantir les capacités déjà fort limitées des infrastructures sanitaires de ces pays à prendre les malades en charge.

L'infection à VIH a commencé à devenir une épidémie, voire une endémie, le début des années 1980. En deux décennies, sa propagation s'est effectuée selon une très forte progression marquée par une "tiers-mondialisation" du fléau. Ainsi la grande majorité des personnes infectées par le VIH vit dans le monde en développement (ONUSIDA, 1999). Le continent africain est la région la plus affectée par l'épidémie, notamment sa partie subsaharienne qui regroupe plus de 68% du nombre estimé des personnes vivant avec le VIH à la fin de l'année 2006 (ONUSIDA, 2007).

Les personnes atteintes n'appartiennent pas à des groupes isolés mais font partie des jeunes actifs de la population générale. D'où l'impact de l'infection en termes de pertes humaines et de coûts socio-économiques directs et indirects. Ceci est lié à l'une de ses principales caractéristiques : dans cette région, 90% des infections chez les adultes se font par voie hétérosexuelle (ONUSIDA, 2000).

La santé sexuelle et reproductive des jeunes est au centre des préoccupations actuelles visant à répondre aux besoins de la jeunesse. Cela est vrai notamment en Afrique Subsaharienne où les données disponibles révèlent une situation déplorable. Dans cette région du monde, caractérisée par une extrême jeunesse de la population (plus de la moitié de la population ayant moins de 20 ans), l'entrée en vie sexuelle est précoce, le multipartenariat s'est développé et le nombre de grossesses avant le mariage a augmenté du fait de la non utilisation systématique du condom et des autres méthodes contraceptives modernes (Zanou et al, 2002). Les risques d'infection aux IST/VIH/SIDA sont par conséquent devenus incalculables.

Selon les estimations, 6,9 % des femmes et 2,2% des hommes âgés de 15 à 24 ans vivaient avec le VIH, en fin 20043(*). Etant donné l'urgence et l'ampleur des besoins en matière de santé sexuelle et reproductive chez les adolescents, il est devenu important d'évaluer, chez ceux-ci, les comportements qui les mettent en danger vis-à-vis de la transmission du VIH ou les grossesses non désirées ; d'examiner les niveaux de connaissances et les raisons pour lesquelles certains adolescents courent des risques plus élevés que d'autres en terme de transmission du VIH ou des grossesses non désirées ; de documenter les obstacles que rencontrent les adolescents dans la recherche de services et d'informations en matière de santé sexuelle et reproductive ; et de fournir de nouvelles informations sur ce que les adolescents savent et font en ce qui concerne la santé sexuelle et reproductive afin de faciliter la mise en oeuvre des programmes de santé publique.

La recherche sur les facteurs explicatifs de ces changements en matière de sexualité a mis en évidence l'influence de la modernisation avec son corollaire de « désorganisation sociale » qui auraient induit un affaiblissement de l'autorité des aînés sur les cadets et du groupe familial sur les enfants faisant ainsi place à la liberté pour les jeunes d'avoir des conduites sexuelles contraires à la morale traditionnelle (Diop, 1995 Rwenge, 2000 ; Gueye et al., 2001). D'autres chercheurs mettent l'accent sur l'approche de « l'adaptation rationnelle » selon laquelle, s'engager dans une relation sexuelle résulterait d'une décision rationnelle visant à rechercher un soutien d'ordre économique. C'est ainsi que les jeunes filles peuvent entretenir des rapports sexuels avec les hommes dans le but d'obtenir de l'argent, des cadeaux ou diverses autres faveurs en vue de subvenir à leurs besoins. Ce facteur pourrait jouer d'autant plus en Afrique subsaharienne que la récession économique à laquelle est confronté ce continent depuis le début des années 1980 et la dégradation des conditions de vie en ville comme en campagne ont rendu les populations plus vulnérables. Les enfants démunis qui n'ont généralement aucun soutien financier, en particulier les adolescentes qui ont besoin de payer leurs études sont alors devenues les premières victimes. Mais la plupart de ces études n'ont pas couvert l'ensemble du pays et se sont limitées au milieu urbain ou certaines grandes.

La situation au Niger est très préoccupante à l'instar d'autres pays d'Afrique subsaharienne. Les données de L'ESD-MICS-III révèlent que l'âge médian au premier rapport sexuel des femmes s'élève à 15 ans. La quasi-totalité (93 %) ont déjà eu leur premier rapport sexuel à 22 ans. Cette précocité reste vraie quelle que soit la génération, le milieu de résidence ou l'ethnie ; l'âge moyen d'entrée en vie sexuelle se situe en effet, entre 15 et 17 ans selon les catégories de population (INS et ORC Macro, 2006). L'entrée en vie sexuelle des hommes se produit un peu plus tard, soit environ 2,5 années après celle des femmes. On note des différences selon le niveau d'instruction et le milieu de résidence : la précocité des relations sexuelles est un peu plus prononcée en milieu rural (16 ans) qu'en ville (17 ans); plus les hommes ont un niveau d'instruction élevé, moins l'entrée en vie sexuelle est précoce (20 ans pour ceux qui sont du niveau d'instruction secondaire et plus, 18,5 ans pour le primaire et 17,5 ans pour les analphabètes).

Si les femmes et les hommes débutent de plus en plus tôt leur première expérience sexuelle, ils entretiennent également des rapports avec plusieurs partenaires sexuels. L'enquête démographique et de santé de 2006 qui a collecté des informations sur ce sujet pour la période des 12 derniers mois qui l'ont précédé révèle qu'environ 2 % des femmes en union et 8 % des femmes célibataires ont déclaré avoir eu au moins deux partenaires sexuels durant cette période de référence. Ces femmes se retrouvent à des degrés variables dans toutes les catégories socio-économiques. Les citadines et les femmes de niveau d'instruction primaire ont plus de partenaires multiples que les femmes du milieu rural et les analphabètes. Les hommes qui déclarent avoir eu au moins deux partenaires sexuels sont nettement plus nombreux que leurs homologues femmes : 23 % contre 2 % chez ceux qui sont en union, et 34 % contre 8 % chez les célibataires. Cela se vérifie dans toutes les catégories socio-économiques.

Dans de nombreux cas, les rapports sexuels ne sont pas protégés. Le préservatif qui constitue aujourd'hui le moyen le plus efficace de protection des rapports hétérosexuels est bien connu mais son utilisation demeure restreinte. D'après ces données de l'enquête démographique et de santé, seulement 7 % des hommes utilisaient le préservatif au moment de l'enquête, cette proportion est un peu plus élevée en milieu urbain (10 %) qu'en milieu rural (6 %) (INS et ORC Macro, 2006).

Au Niger, comme partout ailleurs en Afrique au sud du Sahara, les jeunes (filles comme garçons) sont plus susceptibles que leurs aînés d'adopter des pratiques sexuelles à risque. Le contexte socio-économique dans lequel ils vivent a une influence parfois négative sur leurs décisions et leurs pratiques en matière de santé sexuelle et reproductive, augmentant ainsi le risque d'infections sexuellement transmissibles et de grossesses non souhaitées susceptible de compromettre leur réussite sociale. Il importe donc d'identifier les catégories de jeunes les plus exposées en matière de pratiques sexuelles à risque en vue de contribuer à mieux cibler les actions des nombreux programmes en matière de santé reproductive en faveur des jeunes. C'est dans cette perspective que nous examinons à travers cette étude les comportements sexuels à risque des jeunes nigériens, c'est-à-dire les individus des deux sexes âgés de 15 à 24 ans révolus au moment de l'enquête.

Parmi les trois aspects des comportements sexuels à risque à savoir la précocité des premiers rapports sexuels, le multipartenariat sexuel, et la non-utilisation des condoms aux derniers rapports sexuels, seul le dernier fera l'objet d'une analyse multivariée. En effet, le multipartenariat sexuel ne peut être considéré comme un comportement sexuel à risque que lorsque le condom n'est pas systématiquement utilisé au cours des rapports sexuels. Il serait idéal de savoir si les adolescents qui entretiennent des relations multipartenariales utilisent les condoms avec leurs partenaires, mais cette variable n'a été saisie au moment de l'enquête. Quant à la précocité des premiers rapports sexuels, elle ne fera pas l'objet d'une analyse multivariée compte tenue de la faible association observée au niveau bivarié entre cette variable et les variables indépendantes.

Cette étude cherche à répondre à une seule question : quels sont les déterminants des comportements sexuels à risque chez les jeunes et les adolescents au Niger dans un contexte des IST/VIH/SIDA ?

L'objectif de notre étude est de:

Contribuer à l'amélioration de l'état des connaissances des facteurs explicatifs des comportements sexuels à risque des adolescents au Niger, afin d'aider les décideurs politiques et autres partenaires au développement à avoir des informations fiables qui pourront leur servir de base pour une prise en charge des besoins spécifiques des jeunes et des adolescents; et de là, intégrer la problématique du VIH/SIDA dans les politiques et les programmes nationaux de développement.

Pour atteindre cet objectif, nous nous fixons les trois objectifs spécifiques suivants:

Ø Identifier les déterminants des comportements sexuels à risque d'infection aux IST/VIH/SIDA des adolescents au Niger ;

Ø Mettre en évidence les mécanismes par lesquels certains facteurs socio-culturels et économiques influencent les comportements sexuels à risque des adolescents au Niger;

Ø Hiérarchiser les déterminants selon leur pouvoir explicatif dans l'explication des comportements sexuels à risque chez les adolescents nigériens.

Pour ce faire, notre travail est structuré en quatre chapitres :

Ø Le premier chapitre est consacré au contexte général de l'étude ; une brève présentation du Niger et de son environnement socio-économique et démographique. Il s'agira des éléments justificatifs de l'étude.

Ø Le second chapitre porte sur le cadre théorique qui servira de base à l'étude. Il s'agira ici de mettre en place un cadre conceptuel et de formuler les différentes hypothèses de l'étude.

Ø Le troisième chapitre traite des aspects méthodologiques. A ce niveau, il sera question de présenter les sources de données, de décrire les données, d'évaluer leur qualité et de présenter la méthodologie adaptée.

Ø Enfin le dernier chapitre donne un essai d'identification des comportements sexuels à risque chez les adolescents et la synthèse des résultats de l'étude.

Ø Une conclusion générale fait suite à ces chapitres pour rappeler les principaux résultats et présenter les différentes recommandations.

CHAPITRE I

CONTEXTE DE L'ETUDE

Ce chapitre a pour objectif de présenter le contexte de l'étude afin de mieux comprendre les comportements sexuels des adolescents. Les pesanteurs culturelles, la situation économique et la politique sanitaire d'un pays constituent des cadres d'expression de la sexualité des adolescents et de leur vie reproductive.

I-1 Cadre géographique

Le Niger est l'un des pays enclavés de l'Afrique Occidentale, situé en zone sahélo-saharienne. Il a une superficie de 1.267.000 km2 et est limité au nord par l'Algérie et la Libye, au sud par le Bénin et le Nigeria, à l'ouest par le Burkina Faso et le Mali et à l'est par le Tchad. Le Niger est organisé en 8 régions administratives, 42 départements, 52 communes urbaines et 213 communes rurales.

De par sa position géographique, le Niger constitue un trait d'union entre l'Afrique du Nord et l'Afrique Noire. Quoique les données ne soient pas disponibles, nombreux sont ceux qui transitent par le Niger en partance ou en retour du nord au sud, de l'est à l'ouest, avec des séjours plus ou moins prolongés dans les villes d'escales (Agadez, Arlit, Bilma, Dirkou).

On observe des ressortissants des pays côtiers, les routiers transfrontaliers partant pour la Libye, l'Algérie ; les chauffeurs (Yen turis) de diverses nationalités (Béninois, Nigériens, Nigérians) importateurs des véhicules d'occasions principalement en provenance des ports de Lomé, Cotonou ayant pour destinations le Nigeria, le Tchad, voire le Cameroun.

Les deux tiers des migrants internationaux nigériens sont les jeunes, essentiellement de sexe masculin de moins de 30 ans, sans leurs compagnes. Ils proviennent des milieux ruraux. Pour certaines régions comme Tahoua, l'une des principales destinations des migrants est la Côte d'Ivoire, en raison des importantes opportunités économiques qu'offre ce pays. Mais aussi on les retrouve dans une certaine mesure dans presque tous les pays de la sous région (Tchad, Cameroun, Gabon, Libye, Algérie, Mali, Bénin etc.) Ils ont tendance au séjour longue durée 4-6 mois voire une ou plusieurs années.

Figure 1.1 : Carte administrative du Niger

Sur toute la bande sud du pays y compris Tahoua en partie, on observe de nombreux courants migratoires avec le Nigeria en raison d'importants échanges commerciaux avec ce pays. Habituellement, les migrations en direction du Nigeria ont tendance au séjour courte durée. Elles sont très fréquentes, drainent beaucoup de monde et semblent être pour la majorité des cas, au rythme des marchés hebdomadaires des grandes citées des régions frontalières du Niger.

Des franges soudano-sahéliennes au sud du territoire et le désert du Sahara au nord, la pluviométrie définit deux principales saisons : une très longue saison sèche qui va du mois d'octobre au mois de mai, et une courte saison des pluies qui s'étale du mois de juin au mois de septembre. Comme conséquence de cette situation géographique, le pays figure parmi les régions les plus chaudes de la terre avec des variations importantes de température. Les températures moyennes les plus élevées sont enregistrées entre mars et avril où elles dépassent les 40°C, tandis que les plus basses le sont de décembre à février où elles peuvent descendre en dessous de 10°C.

Par ailleurs, le pays a connu plusieurs années de sécheresse au cours des dernières décennies. Une des plus importantes manifestations des contraintes économiques sur les conditions sanitaires reste la précarité de la situation alimentaire des populations et ses implications sur l'état nutritionnel des femmes et des enfants. En effet, la combinaison de la désertification, des sécheresses récurrentes et de la croissance rapide de la population se traduisent dans la baisse des rendements agricoles et des années successives de déficit alimentaire que le pays est contraint de résorber par des importations et l'aide alimentaire. Cette situation se reflète dans la relation étroite entre la pauvreté et l'insécurité alimentaire qui se manifeste sous diverses formes : des pénuries saisonnières pendant la période de soudure précédent la période des récoltes ; et une insuffisance alimentaire chronique qui, en association avec l'exposition aux maladies et à la pauvreté, se traduit dans l'état nutritionnel parmi les populations.

Les éléments ci-dessus évoqués sont caractéristiques d'un environnement hostile dans lequel vit la population nigérienne. Cette situation de précarité devient plus préoccupante lorsque l'on tient compte de la composante démographique.

* 3 ONUSIDA 2004

précédent sommaire suivant







Cactus Bungalow - Bar Restaurant on the beach @ Koh Samui