UNIVERSITE DE LA SAGESSE I.S.S.E.D.
D.E.A. - Droit privé
L'OBLIGATION IN SOLIDUM EN MATIERE DE DELITS
CIVILS
Mémoire pour le D.E.A. en Droit Préparé
sous la direction de
Dr. Marwan KARKABI
Présenté et soutenu publiquement Le 7
Décembre 2006
Par
Pierre RAHMEH
Membres du jury :
Monsieur Maroun BOUSTANY Doyen de l'université de la
SAGESSE
Monsieur Marwan KARKABI
Président de la cour d'appel de Beyrouth Docteur à
l'université de la SAGESSE
Introduction
« Le droit de responsabilité civile tend à
occuper le centre du droit civil, donc du droit tout entier ». C'est
la place que donne le Doyen Josserand à la responsabilité
civile.
Si la responsabilité est le centre du droit tout
entier, sa conséquence n'est pas moins importante que son existence.
Chaque fois qu'on parle de la responsabilité on parle de la
réparation du dommage. La personne qui a subi un dommage poursuit
l'auteur du dommage jusqu'à obtention de la réparation.
Les règles du code civil français et les
règles du code des obligations réglementent la
responsabilité délictuelle par les articles 1382 et 1383 du code
civil français et les articles 122 et 123 du code des obligations et
contrats libanais concernant la responsabilité du fait personnel, et les
articles 1384 al 1re du
C. civ. et l'article 131 COC
règlent la responsabilité du fait des choses. Ces articles
imposent la réparation du dommage à toute personne qui le cause
par son propre fait ou en sa qualité gardien de la chose instrument du
dommage.
Les articles que nous avons traitent le cas où une seule
personne cause le dommage. Que serait donc le cas lorsque plusieurs personnes
sont à l'origine du même dommage ?
Le code civil français n'a pas réglé ce
point, c'est la doctrine et la jurisprudence française qui ont
comblé cette lacune. Dans un premier temps, la cour de cassation
française adoptait la divisibilité de la réparation.
Chacun est responsable de la part qu'il a causée. Mais plus tard, la
doctrine et la jurisprudence française, surtout en XIXe
siècle, ont estimé que l'obligation des coauteurs d'un
délit civil est solidaire.
Cependant, une évolution est apparue au cours du
XXe siècle, qui dure encore de nos jours, présumant
que l'obligation des coauteurs d'un même délit ou quasi
délit civil, puis après les coauteurs d'un même dommage,
est in solidum. Cette institution a évolué en droit
romain en cas de pluralité d'auteurs. Certains auteurs contemporains se
sont inspirés de la tradition romaine qui consacrait cette institution
dans quelques cas spéciaux, pour renouveler cette institution. A son
tour la cour de cassation française n'a pas répondu à ces
propositions doctrinales qu'en 1939. Cette institution n'ayant aucun fondement
textuel, aucune trace dans le Code civil français, est une institution
purement jurisprudentielle.
Le Code des obligations et des contrats libanais règle
ce point dans l'article 137 qui dispose que la solidarité existe entre
les coauteurs d'un dommage lorsqu'il y a communauté d'action ou
lorsqu'il y a impossibilité de déterminer la part de chacun dans
la réalisation du dommage. Jusqu'à nos jours le problème
n'a pas été analysé méticuleusement. On doit
essayer dans ce mémoire de pénétrer au
centre du problème pour étudier si la solidarité
disposée par l'article 137 est conforme avec le dommage
généré par plusieurs auteurs.
Le thème est limité à présenter
l'obligation in solidum en matière délictuelle. Mais
avant de l'exposer, il faut chercher dans l'histoire du droit si l'obligation
in solidum était connue surtout en droit romain, ancien droit
français et en droit positif (chapitre préliminaire). Plus loin
on scrutera sa consécration et sa nature juridique, (chapitre I) et
enfin sa structure (chapitre II).
CHAPITRE PRÉLIMINAIRE
1 - Dans ce chapitre nous examinerons l'histoire du droit
libanais dans le but de savoir si l'obligation in solidum aurait des
traces historiques ou ne serait qu'une institution qui a récemment
évolué (section 1 : précis historique). Mais
l'histoire n'est pas suffisante pour l'admettre, il faut absolument scruter les
règles du droit civil se rattachant aux délits civils pour savoir
si elle est fixée ou non (section 2 : droit positif).
SECTION I : APERCU HISTORIQUE
L'étude historique consiste à étudier
l'histoire du droit français, le droit romain (Sous-section 1)
et l'ancien droit français (Sous-section 2), du fait que notre
droit positif est inspiré du droit positif français.
§ 1 : DROIT ROMAIN
2 - L'obligation in solidum est une institution
provenant du droit romain. C'est l'action pénale qui est devenue, avec
Justinien, une action civile, qui vise la réparation(1).
Elle n'est que la transformation de la responsabilité pénale
au total en responsabilité civile au total. Cette évolution
passait dans trois étapes consécutives. En première
étape, l'action pénale était affectée par le
principe de cumul des actions exercées par la victime. En
deuxième étape, le principe de cumul fut remplacé par un
cumul relatif, et enfin le principe de cumul était aboli.
3 - Sous l'empire, la pluralité d'auteurs d'un
délit donnait à la victime deux actions de nature
différentes : les actions réipersécutoires et les actions
pénales. Les actions réipersécutoires avaient un
caractère civil, elles tendaient à indemniser la victime en
dehors de toute vengeance. Cette action pouvait être intentée
contre l'un des codélinquants selon le choix de la victime. Cependant,
cette action était atteinte par l'effet extinctif de la litis
contestatio qui est une règle procédurale. L'instance en
droit romain se déroulait en deux phases l'instance in jure et
l'instance apud judiciem. La première se déroule devant
le magistrat. Dans cette phase les partis choisissent la formule qu'ils
voulaient appliquer à leur litige. La deuxième phase se
dépend du juge qui tranche le litige en fonction des
éléments de
(1) Raymond Monnier, Manuel
élémentaire de droit romain, tome II, n° 219, p.298 ;
Huvelin Paul, Cours élémentaire de droit romain, tome
II, p. 336 ; MIGNO Marc, Les obligations solidaires et les obligations
in solidum en droit privé français, Dalloz, 2002,
p. 235 et s.
preuve choisis par les partis en première phase. La
litis contestatio vient de supprimer la première phase. Les
actions réipersécutoires étaient affectées par
cette règle procédurale. Du fait que le créancier
poursuive l'un des débiteurs l'obligation disparaît à
l'égard des autres.
4 - La conséquence de la soumission de l'action
réipersécutoire à la litis contestation se
traduit par le non cumul du dédommagement contre les coauteurs. La
victime pouvait poursuivre l'un des coauteurs seulement pour la
réparation, car l'obligation disparaît à l'égard des
autres codébiteurs par l'effet de la litis contestatio. En
droit romain postclassique, étaient tenus au total les
codélinquants d'une même violence ou complices de mauvaise foi. De
même, les codélinquants d'argent volé(2). Dans
ce denier cas la victime exerçait la condictio furtiva contre
les codélinquants qui était une action
réipersécutoire.
5 - Au contraire, sur le plan pénal, il y avait
l'action de dolo qui était exercée par la victime
cumulativement contre tous les codélinquants. Elle n'était pas
affectée par la litis contestatio(3). Ce qui donnait
à la victime le droit d'obtenir des peines équivalentes au nombre
des auteurs. Le principe de cumul se justifiait par l'indivisibilité du
délit(4), ou chacun des auteurs était censé
avoir commis le délit tout entier, ou que chaque codélinquant
aurait commis un délit distinct des autres(5). Cependant, le
principe de cumul n'était pas absolu dans certains cas il était
relatif, et dans d'autres cas, l'action était affectée par la
litis contestatio.
(2) Dig. 4, 2, 14, 15 : << D'après ces
principes, lorsque la violence a été exercée par
plusieurs, et qu'il n'y en a eu qu'un d'actionne, si celui-ci rend
volontairement la chose avant la sentence, tous sont libérés
», Dig. 4, 3, 17 : << Si plusieurs sont complices de la mauvaise
foi, et qu'un d'entre eux fait la restitution, tous sont libérés
» ; C. 4, 8, 1, << mais pour l'action conditionnelle en
répétition de l'argent volé, si ayant été
intentée, contre l'un d'eux il a satisfait, les autres
libérés ».
(3) Raymond Monnier, Manuel élémentaire de
droit romain, tome II, no 219, p.298 ; Huvelin Paul, Cours
élémentaire de droit romain, tome II, p. 336.
(4) Dig. 9, 2, 51, § 2 : << Si plusieurs
hommes, dans l'intention de voler, ont enlevé une poutre que chacun
d'eux ne pouvoit porter, on a décidé qu'il y avoit action de vol
contre tous; quoique par un raisonnement subtil, au pourroit dire que cette
action ne doit avoir lieu contre aucun d'eux; parce qu'il n'est pas vrai
qu'aucun d'eux pris séparément ait emporté la poutre
», ; Dig. 43, 24,15, § 2 : << Labéon écrit
que si on a fait par mon ordre un amas de terre dans un lieu destiné
à la sépulture d'autrui, il y a lieu contre moi à
l'interdit quod vi vaut clam, et que si cela s'est fait du conseil unanime de
plusieurs, il est loisible d'intenter cet interdit contre un d'eux, au contre
chacun en particulier ; car, dit-il, une entreprise faite par indivis par
plusieurs oblige chacun solidairement » ; Dig. 47, 2, 21, § 9:
<< Si deux, ou plus, ont emporté une poutre que chacun en
particulier ne pouvoit pas enlever, il faut dire que tous sont tenus de
l'action de vol pour la totalité, quoique chacun ne put ni la manier ni
l' enlever; et tel est Ie droit reçu. Car on ne peut pas dire que chacun
ait fait le vol pour sa part, mais plutôt que tous l'ont fait du tout.
Ainsi il arrivera que chacun en particulier sera tenu du vol »,
Cité par Mignon, thèse précitée, p. 240.
(5) Dig. 2, 1, 9 : << Si tous les esclaves d'un
même maître ont altéré l'ordonnance du magistrat, le
maître n'en est pas quitte, comme dans le vol, pour payer au nom d'un des
esclaves, autant que paieroit un homme libre qui auroit fait le vol; mais il
est tenu de payer pour chacun de ses esclaves (probablement parce que cette
action porte atteinte à la dignité du magistrat, et qu'elle
renferme plusieurs délits; de même que quand plusieurs esclaves
ont injurié quelqu'un ou lui ont fait du tort d'une autre
manière; parce qu'alors il y a plusieurs délits et non pas un
seul comme dans le vol »; Dig. 47, 10, 34 : << Si plusieurs
esclaves ont battu ensemble quelqu'un, au ou ont jeté contre quelqu'un
des cris réunis; ce délit appartient à chacun en
particulier; et l'injure est d'autant plus grande qu'elle a été
commise par plus de gens. Bien plus, il y a autant d'injures que de gens qui
ont fait injure ».
6 - La deuxième étape de l'évolution
était avec le code Justinien, qui supprima l'effet extinctif de la
litis contestatio, et le principe de cumul d'action pénale fut
échangé par un cumul relatif, et la peine s'est
transformée en une somme payée pour l'endommagement, loin de
toute idée de vengeance. Ce qui combinait l'action pénale et
l'action réipersécutoire en une seule action. À moins que
la victime n'obtienne pas la totalité de la réparation, elle
pouvait renouveler ses poursuites jusqu'à dédommagement
complet.
7 - La dernière étape de l'évolution en
droit romain c'était par la fusion de toutes les obligations qui
incombaient sur les codélinquants en une seule obligation. Et, le
coauteur solvens fut accordé un recours contre les autres
codélinquants chacun pour sa part.
Le germe de l'obligation in solidum était dans
le droit romain. Est-ce que cette obligation a persisté plus tard ? La
réponse à cette question sera clarifiée par l'étude
de l'ancien droit français pour savoir si elle était admise ou
non.
§ 2 : ANCIEN DROIT FRANCAIS
8 - L'idée de l'obligation au total, qui était
en droit romain, subsistait encore dans l'ancien droit(6). C'est
à partir de XIIIe siècle, dans la coutume de Bretagne,
qu'on trouve des textes traitant l'obligation au tout. Chacun des coauteurs
d'un injure ou d'une extorsion, dite et faite, était tenu à
réparer le dommage pour le tout(7). Il en est de même
dans les coutumes de Beauvaisis au XIVe siècle. L'obligation
au tout était admise sur le fondement de la communauté du
dommage(8) : <<Bien se gart, qui fet à autrui
damage en blés semés, ou en mars, ou en bois, ou en prés,
que cil qui est pris damage fesans est tenus à rendre tout le damage,
qui est prouvés par l'apparence du lieu, tout soit ce que cil qui est
pris n'a pas fet tout le damage, ainçois le firent autre gent qui n'y
furent pas trouvé ».
9 - Au XIVe siècle quelques arrêts du
parlement de Paris montrent que le principe de l'obligation in solidum
était établi par quelques décisions. Dans une sentence du
23 décembre 1342(9), le parlement de Paris condamnait les
coauteurs de coups et de blessures pour le tout. De même le terme in
solidum fut employé dans quelques arrêts, le 23
décembre 1384 (10)le parlement de Paris << condamne
les complices in solidum « ». La solution fut encore
affirmée l'année précédente(11) en
condamnant << in solidum et por toto » des coauteurs, qui
ont dévasté et brûlé une maison, pour la
réparation civile.
(6) Planiol et Ripert par Esmein, Traité pratique de
droit civil, tome VII, page 431.
(7) Planiol et Ripert, ibid.
(8) J. Français, De la distinction entre l'obligation
solidaire et l'obligation in solidum, thèse, Paris, 1936, page
28.
(9) Cité par Chabas, L'influence de la
pluralité des causes sur le droit à réparation, LGDJ
1976, p. 17.
(10) Parlement de Paris: Reg. du parlement (X2 All f. 179 v
à 183 r).
(11)10 mars 1384 Archives nationales: Reg. du Parlement (X2 All
f. 200.201 r), cité par Chabas, thèse précitée,
page 16.
10 - Au XVIe siècle Cujas
étudiât les obligations solidaires d'une manière
précise par opposition aux auteurs médiévaux qui l'avaient
précédé. Pour Cujas(12) << Du fait
que des personnes soient tenues pour le tout en vertu d'une même cause,
il ne s'ensuit pas qu'elles soient duo rei (solidaire) ; tel est le cas des
deux dépositaires, chacun d'eux est bien tenu in solidum,
cependant la faute de l'un ne nuit pas aux autres, contrairement à ce
qui a lieu lorsque les débiteurs sont tenus solidairement. Il en est de
même lorsque deux personnes ont promis successivement la même
prestation à une tierce personne, ou encore dans le cas du
débiteur principal et du fidéjusseur ». Donc, Cujas
admettait l'obligation in solidum entre les coauteurs sur le fondement
de la communauté d'action, ou bien lorsqu'ils doivent la même
prestation.
11 - Du côté de Domat et Pothier, ils ne
distinguaient pas entre la solidarité et l'obligation in
solidum. D'après le raisonnement de Domat il n'y a qu'une seule
solidité (solidarité) qui trouve sa source par <<
1'effet d'une convention » ou << par la nature
même de la dette ». Il range, sous la nature même de la
dette, les personnes qui commettent << quelque crime, quelque
délit, ou causé du dommage par quelque faute qui leur soit
commune ». Selon Domat le fondement d'une condamnation solidaire,
lorsqu'il y a pluralité d'auteurs, est la complicité dans les
crimes et délits ou chacun est la cause du dommage, causalité
totale.
12 - Quant à Pothier(13) << ceux
qui ont concouru à un délit : ils sont tous obligés
solidairement à la réparation », la solidarité
est nécessaire quand plusieurs débiteurs doivent la même
chose, quelque soit la source de la solidarité.
De ce bref examen de l'histoire on tire que l'obligation
in solidum, était une institution bien connue en droit romain,
et relativement dans l'ancien droit. Mais elle n'était pas
formulée sous une théorie générale, mais
limitée à quelques cas. On arrive maintenant au droit positif.
Quelle était sa position, est-ce qu'il l'a réglée, est-ce
qu'il y a un article qui la dispose ? On découvrira cela avec l'analyse
du droit positif.
SECTION II : DROIT POSITIF
13 - La codification s'est lancée avec le code civil
français, qui tenta de régler le droit civil dans tous ses
détails. Et, dès lors, le mouvement de codification a
commencé dans plusieurs pays entre autres le Liban qui était sous
l'occupation française.
(12) Cujas, édition de Naples, tome III, Obs. livre XXVI,
cap. 26, Col. 709, cité par J. Français, thèse
précitée, p 31.
(13) Pothier, tome II, no 268.
En premier lieu, on étudie la position du code civil
français (sous-section :1) sur la pluralité d'auteurs
d'un même dommage, et en second lieu, celle du code des obligations et
contrats libanais (Sous-section : 2).
§ 1 : LE CODE CIVIL
14 - Les rédacteurs du code civil n'ont pas
trouvé nécessaire d'établir la responsabilité
délictuelle collective. L'activité humaine, à leur
époque, était agricole et, en plus, le concept individualiste
était l'inspirateur, et cela vu que le code civil s'est inspiré
des normes de la révolution française qui adoptait
l'individualisme.
15 - La partie qui règle la responsabilité
délictuelle, dans toutes ses subdivisions, ch. II « des
délits et des quasi-délits » titre IV livre III, ne
marque aucun signe relatif au cas où le dommage est
généré par plusieurs faits. Cette lacune n'apparaissait
que lors de l'application des règles du code, ce qui incitait la
doctrine à la combler en proposant l'admission de la solidarité.
La cour de cassation, au début, refusait cette extension du domaine de
solidarité, mais, postérieurement, elle l'aurait établie.
Il s'agissait, en premier lieu d'une solidarité proprement dite, et, en
deuxième lieu d'une institution inspirée du droit romain :
l'obligation in solidum.
On abordera dans cette partie la solidarité, dans la
doctrine et la jurisprudence. L'évolution de l'obligation in
solidum sera étudiée plus loin.
A - LA SOLIDARITÉ EN MATIÈRE DELICTUELLE
16 - L'absence d'un texte, qui rend le coauteur d'un
même dommage solidairement responsable, incitait la doctrine et la
jurisprudence à étendre le domaine de solidarité aux
délits civils, vu la garantie qu'elle fournit à la victime contre
l'insolvabilité de l'un des coauteurs(14). En effet, elle
permet à la victime de demander la réparation intégrale
à l'un des coauteurs selon l'article 1200 du C. civ.
Dans ce cadre, plusieurs arguments ont été
avancés différents d'un terrain à un autre : celui
tiré des règles de la solidarité (1200 et 1202 du C. civ.)
ou de l'article 55 du code pénal ou bien de l'article 1382 du
C. civ. et enfin de la tradition.
(14) Lafay, Étude sur la
responsabilité des coauteurs de délits ou quasi-délits
civils, thèse Lyon, 1902 ; J.Français, op. cit.,
page 35 ; H. et L. Mazeaud, Traité théorique et pratique de
la responsabilité civile, 3e éd., tome II,
no 1961 ; Lalou, la responsabilité civile,
no 37 ; Beudant Charles, Lerebours-pigeonnière Paul par
Lagarde, Cours de droit civil français, tome VIII,
no 857, page 640 ; R. Savatier, Traité de la
responsabilité civile en droit français, tome II,
no 488.
1o -. L'article 1202
17 - Ce qui nous concerne c'est l'obligation des coauteurs
d'un même délit civil ; est ce qu'elle est solidaire? Si on
examine les règles qui s'appliquent aux délits civils, articles
1382 et 1383 du Code civil, on trouve, et selon leurs termes, qu'elles gardent
le silence sur ce point. Par conséquent, il faut revoir les articles qui
traitent la solidarité. Mais si on admet la solidarité en
délits civils, comment devrait-on franchir l'obstacle de l'article 1202
du code civil.
18 - En effet, l'article 1202 du Code civil dispose que :
« La solidarité ne se présume point; il
faut qu'elle soit expressément stipulée.
Cette règle ne cesse que dans les cas ou la
solidarité a lieu de plein droit, en vertu d'une disposition de la
loi ».
D'après cet article, la solidarité
résulte soit d'une convention, soit d'une disposition légale.
Donc, les termes de cet article précisent qu'il y a deux sources de
solidarité la volonté de l'homme, ou la loi.
19 - Certains auteurs(15) refusent l'admission de
la solidarité en matière délictuelle parce que l'article
1202 s'y oppose, parce qu'il exige une disposition légale expresse
prononçant la solidarité.
20 - Ce résultat n'a pas obtenu l'approbation de
l'unanimité de la doctrine. Un courant doctrinal(16),
contraire à l'opinion précédente, pense que la
règle, selon laquelle la solidarité doit être expresse,
n'est pas exigée dans le second alinéa du même article, la
solidarité légale résulte virtuellement sans une
disposition expresse. Mais cette interprétation extensive fut
repoussée(17) par le fait que les partis
intéressés lorsqu'ils se trouvent dans une situation emportant la
solidarité légale, elle doit être appliquée, sans
une stipulation de leur part et quelle que soit leurs volonté.
21 - Entre ces deux opinions, existe une
troisième(18), qu'on pourrait dire qu'elle est
intermédiaire. L'article 1202 se limite seulement aux engagements
conventionnels. Donc, la solidarité, prononcée par cet article,
ne concerne que les obligations contractuelles et ne s'applique pas aux
obligations nées des délits civils.
(15) Toullier et Duvergier, Le droit civil
français suivant l'ordre du code, tome XI, no 150 page
117 ; Duranton, Cours de droit civil, 4e éd., tome
II, no 194 ; Beudant Charles, Lerebours-pigeonnière
Paul par Lagarde, Cours de droit civil français, tome
VIII, no 852, page 635; J. Français, thèse
précitée, p. 38 et 39.
(16) Aubry et Rau, Cours de droit civil,
5e éd., tome IV, § 298, page 33; Zacchariae, Le
droit civil, tome II, § 298 no 12.
(17) Demolombe, Cours de code Napoléon, tome
XXVI, no 251 ; Laurent, tome XVI, Principe de droit civil,
no 287.
(18) Larombière, Traite théorique et pratique
des obligations, tome II, no 22, page 607 ; Sourdat,
Traité de la responsabilité, tome I, no 475 ;
René Demogue, Traité des obligations en
général, tome IV.
22 - Cependant, une autre opinion fut présentée
par Ripert et Boulanger(19) qui professe que la solidarité
selon l'article 1202, résulte de la volonté de l'homme ou de la
loi. Mais le terme loi doit être compris d'une manière large.
Cet argument déjà présenté n'a pas
été décisif et définitif, c'est pour cela les
auteurs se tournent vers un autre terrain, celui de l'article 55 du code
pénal.
2o - L'article 55 du Code pénal
23 - Cet article, qui prononce la solidarité contre les
auteurs d'un crime ou délits pénaux, a été
utilisé par voie d'analogie pour étendre le domaine de
solidarité aux délits civils.
A l'appui de son opinion, Larombière(19)
invoque l'article 55 du Code pénal au droit civil comme une
théorie générale de solidarité. Cette transposition
de l'article 55 du Code pénal au droit civil a suscité dans la
doctrine des réactions divergentes(20).
24 - Sa théorie fut premièrement
contestée car l'article 1202 du Code civil s'oppose à cette
admission, puisqu'il exige, et selon leurs termes, une disposition
légale expresse prononçant la solidarité(21).
En plus, le caractère pénal de l'article 55 exige une
interprétation restrictive(22), le fait n'est qualifié
délit pénal que du point de vue pénal(23).
Dans ce sens encore, Lafay(24) se demande pourquoi on
étend le texte de l'article 55 du Code pénal et la plupart des
auteurs le confinent seulement aux crimes et délits et refusent de
l'appliquer aux contraventions(25). Mais cette opinion n'est pas
aujourd'hui acceptable depuis la loi du 16 décembre 1992, selon les
articles 375-2, 480-1 et 543 alinéa 2 du C.P.P. Les personnes
condamnées pour un même crime ou délit ou pour une
contravention de la cinquième classe sont solidairement responsables.
25 - On ne doit pas nier que le caractère pénal
de l'article 55 exige une interprétation
(19) Ripert et Boulanger, Traité de droit
civil d'après le traité de Planiol, tome II, no
1851 et s. page 615, LGDJ 1954.
(19) Larombière, op. cit., tome II,
no 22, page 607.
(20) J. Vincent, L'extension en jurisprudence de la notion
de solidarité passive, RTDC 1931, page 601, no
27, page 628.
(21) Toullier, op. cit., Tome XI, no 150 et
151, page 117 ; Duranton, op. cit., tome XI, no 194, page
228.
(22) Baudry-Lacantinerie et Barde, Traité
théorique et pratique de droit civil, les obligations, tome II,
no 1298, page 410 ; J. Français, thèse
précité, page 90, 119 ; Laurent, principe de droit
civil, tome XVI, no 319, page 319; Beudant Charles,
Lerebours-pigeonnière Paul par Lagarde, Cours de droit civil
français, tome VIII, no 850, page 633 ; Sourdat,
Traité générale de responsabilité,
no 163 ; Lalou, La responsabilité civile,
no 37.
(23) Colmet de Santerre, Manuel élémentaire
de droit civil, tome II, page 127.
(24) Lafay, thèse précitée, 1902, page
103.
(25) Toullier, op. cit., T. XI, no 151 ;
Marcadé, sur l'article 1202, tome II, no 605 ;
Demolombe, op. cit., tome XXVI, no 265 ; Larombière,
op. cit., tome III, sur l'article 1202, no 18 ; Sourdat,
op. cit., tome I, no 145 ; Garraud, Traité
théorique et pratique du droit pénal français, tome
II, no 39 ; Duranton, tome II, no 194, page 228 ; Charles
Beudant, Lerebours-Pigeonnière Paul par Lagarde, Cours de droit
civil français, tome VIII, no 850, page 633 ;
Zacchariae, Le droit civil, tome III, § 526, page 348, note 5.
subjective, ou nécessite une intention criminelle chez
les coauteurs du dommage. Si cette intention se trouve dans la plupart des
délits, elle ne l'est pas dans les quasi-délits. Les points de
vue, pénal et civil, sont divergents(27). Le mot délit
dans le code civil n'a pas le même sens dans le code
pénal(28).
26 - Vu que l'argument d'analogie, tiré de l'article 55
du Code pénal, a une portée restrictive qui n'a pu couver tous
les délits et quasi-délits civils, on doit se tourner vers un
autre terrain celui de la solidarité virtuelle.
3o #177; La solidarité virtuelle
27 - La solidarité entre les coauteurs d'un
délit civil n'est pas prononcée expressément par aucune
disposition légale. Mais selon certains auteurs(29)
même si elle n'est pas prononcée légalement, elle
résulte virtuellement d'après les termes de l'article 1382 C.
civ., chacun est responsable du dommage qu'il a causé par sa faute.
L'article 1382 détermine le caractère du fait, il faut qu'il soit
fautif, mais elle ne détermine pas l'étendue du fait dans la
réalisation du dommage.
28 - Cependant, l'article 1382 du Code civil, et selon sa
disposition, ne parle que du cas où le dommage est causé par une
seule personne, et ne mentionne pas le cas où le dommage est
causé par plusieurs personnes(30).
Même si la solidarité n'est pas prononcée
contre les coauteurs d'un même dommage, mais tous doivent la même
chose, et se trouvent dans la même situation des coobligées
solidaire d'après l'article 1200 C. civil.
4o #177; L'article 1200 du Code civil
29 - Il ressort de l'article 1200 du C. civ. qu' <<
Il y a solidarité de la part des débiteurs, lorsqu'ils sont
obligés à une même chose, de manière que chacun
puisse être contraint pour la totalité « >>. Tel
est le cas des coauteurs d'un même dommage, ils doivent supporter la
même chose. En conséquence, la victime peut demander en justice
l'un d'eux pour le paiement total de la dette. Donc ils sont tenus
solidairement parce que chacun d'eux est <<obligé in
totum et totalier comme s'il était seul débiteur
>>(31).
(27) Josserand, tome II, no 785, page 427.
(28) Colmet de Santerre, Manuel élémentaire de
droit civil, tome II, page 127.
(29) Delvincourt, tome III, page 683 ; Larombière,
op. cit., tome II, no 22, page 608.
(30) Toullier, op. cit., tome XI, no 149,
page 193.
(31) Aubry et Rau, op. cit., t. IV, § 298, page
23.
30 - Le recours à l'article 1200 en matière
délictuelle n'a pas convaincu. Pour Mazeaud(32) cet article
<< se préoccupe de définir l'obligation contractuelle
solidaire ».
En plus, l'article 1200 définit la conséquence
de la solidarité et ne vise guère les conditions d'existence de
la solidarité entre les débiteurs. De même, sa
définition a été critiquée vu qu'elle ne distingue
pas entre la solidarité passive et quelques institutions
proches(33).
Les textes légaux invoqués ne disposent pas
clairement la solidarité en matière délictuelle tandis
qu'à Rome la solidarité était prononcée dans
quelque cas.
5o _ La tradition romaine
31 - À Rome la solidarité était admise
dans quelques cas. Par exemple, contre les habitants d'une maison ayant
jeté quelque chose de nuisible (loi 1, § 9 et 10). Cette tradition
fut invoquée pour renforcer l'opinion qui soutient l'admission de
solidarité en matière civile. Cette invocation fut rejetée
par le fait qu'à compter du jour où le code civil a
été promulgué, les lois romaines cessent d'avoir de force
de loi, suivant l'article 7 de la loi 30 ventôse(34).
Une autre tradition fut invoquée celle qui provient du
raisonnement de Pothier, sur lequel les rédacteurs de code civil
s'appuyaient.
6o _ L'autorité de Pothier
32 - Pothier, l'inspirateur du code civil français,
considère que l'obligation des coauteurs est solidaire s'ils concourent
à un même délit. Dans ce cas, ils sont tous tenus
solidairement à indemniser la victime. Du fait que cette lacune n'est
pas réglée par le code civil, la tradition nous permet de la
combler en invoquant le raisonnement de Pothier. Mais cette évocation de
la tradition de Pothier ne suffit pas à suppléer un texte. Et, si
on devrait prendre en considération la tradition procédée
de Pothier, pourquoi ne le fait-on aussi pour la tradition
romaine(35).
(32) L .Mazeaud, Obligation in solidum et solidarité
entre codécideurs délictuelles, revue critique
lég. et juris., 1940, no
17, cité par J. Français, page 117.
(33) Aubry et Rau, op. cit., note 1 page 25,
<< Une obligation n'est pas solidaire par cela seul que chaque
débiteur peut être contraint au payement du total. Cet effet est
également attaché aux obligations indivisibles et même
à certains égards aux obligations divisibles dont parie
l'art.1121. II faut, pour une obligation soit véritablement solidaire,
que chacun des débiteurs debeat totum et tot aliter, comme s'il
était seul obligé ».
(34) Toullier, op. cit., tome XI, nos
150-151 ; Laurent, op. cit., tome XVI, n° 319, p. 319.
(35) J. Français, op. cit., page 115 et
116.
33 - Après avoir visé les arguments
présentés par la doctrine, il faut maintenant scruter la
jurisprudence qui est le terrain de la réaction, pour présenter
les répercussions des arguments sur lesquels la doctrine s'appuie afin
de permettre l'adoption de la solidarité en matière
délictuelle et quasi-délictuelle.
B - L'(EUVRE DE LA JURISPRUDENCE
34 - Concernant l'admission de la solidarité en
délit civil et à l'exception de Chabas(36), la plupart
des auteurs divisent la jurisprudence en quatre
étapes(37).
Dans la première étape, la cour de cassation
refusait toute condamnation solidaire. Dans la deuxième, la
solidarité fut acceptée en délits civils, en se basant sur
la complicité ou sur l'entente entre les coauteurs. Dans la
troisième la cour de cassation étendait la solidarité
à la matière de quasi-délits sur le fondement de la
communauté d'actions. Enfin, une solidarité fondée sur un
critère objectif, celui de la communauté de résultats.
1o - Première étape
35 - Les premiers arrêts émanant de la cour de
cassation rejetaient la condamnation solidaire, et adoptaient le principe de
divisibilité du dommage. Chacun des coauteurs n'est responsable que de
la part qu'il a causée. La justification avancée par la cour de
cassation était l'absence d'un texte légal prononçant la
solidarité en l'espèce. Mais la formule présentée
variait d'un arrêt à un autre.
36 - Dans deux arrêts(38), bien que
concernant les dépens, la cour de cassation a décidé que
la solidarité ne peut être étendue hors des cas
prévus par la loi. Dans d'autre arrêt(39) la cour de
cassation cassa une décision de la cour d'appel qui condamnait
solidairement les auteurs du dommage, en affirmant que les dommages et
intérêts, comme les dépens, sont divisibles.
37 - Une autre formule fut présentée suivant
laquelle la solidarité ne se présume pas(40), ou
« qu'aucune loi ne prononce la solidarité dans
l'espèce >>(41). Tous ces arrêts qui
rejetaient la
(36) Sur l'opinion du Chabas voir infra nos
88 et 87.
(37) Lafay, thèse précitée, page 30 et s ;
J.Français, op. cit., page 94 et s. ; J. Vincent, op.
cit., no 14, page 618.
(38) Cass. 21 messidor an IV, citée par Lafay,
précité, page 30 ; Cass. 15 mai 1811, citée par Lafay,
ibid., page 31; « Attendu qu'en règle
générale les dépens sont personnels et que, dans
l'espèce, ils ont été prononcés solidairement pour
un cas à l'égard duquel aucune loi n'a permis la
solidarité de leur condamnation; - Casse, >>. « Vu
l'article 1202 du Code civil. - Et attendu que la loi n'accorde pas la
solidarité à l'égard des dépens faits en
matière civile ; d'ou il suit qu'en condamnant Vignon el Guillaume
solidairement aux dépens, cet arrêt a tout ensemble commis un
excès de pouvoir et violé, par suite, cet article 1202; -
Casse >>.
(39) Cass. Civ., 3 décembre 1827, D.1828.1.41.
(40) Bordeaux, 12 février 1829, citée par
Lafay, thèse précitée, page 31.
(41) Cass. Civ., 4 juin 1822, citée par Lafay,
ibid., page 32.
solidarité dans le domaine délictuel le fait aussi
pour les quasi-délits en se basant sur la même
notion(42).
Ce que la cour de cassation adoptait dans la première
étape n'a pas persisté dans la deuxième étape, et
la solidarité commençait à être prononcée
contre les coauteurs d'un délit civil.
2o - Deuxième étape
38 - L'évolution de la jurisprudence ne s'est pas
arrêtée à ce stade, la réaction contre la stricte
interprétation des articles se lançait depuis le début du
XIXe siècle(43). Ce mouvement aboutissait à
l'extension du domaine de solidarité aux délits civils, vu la
sûreté procurée à la victime.
On peut souligner dans cette étape deux voies
d'arrêts, ceux qui interprètent strictement l'article 1202 du code
civil, et ceux qui s'appuient sur l'article 55 du Code pénal.
39 - En 1813(44) la cour de cassation, et pour la
première fois, condamna solidairement les coauteurs d'une injure. Le
sieur Pasteur et son fils ont battu Desbiez qui les avait injuriés. La
cour d'appel les a condamnés solidairement. Ils formaient pourvoi au
motif que la condamnation solidaire est contre l'article 1202 C.civ., la cour
de cassation rejetait le pourvoi en : « Considérant que, dans
l'espèce et les circonstances de la cause, la condamnation solidaire aux
dommages et intérêts et dépens ne doit être
regardée, quant aux dépens, que comme la supplément et le
complément de la réparation civile du délit qui avait
donné lieu à l'action, et qu'en ce sens, elle n'est contraire ni
à l'art. 1202 du code civil, ni à aucune loi ».
40 - Cette formule fut encore affirmée le 29 novembre
1836(45), et à plusieurs reprises la cour de cassation l'a
réaffirmée(46).
41 - L'étendue restrictive de l'article 1202 du C. Civ.
incitait la jurisprudence à s'appuyer
(42) Besançon, 3 août 1859, D., 1860.2.4 ; Lyon, 21
mai, 1855, D., 1856.2.35 ; Bourges, 16 mai 1870, D., 1871.2.98 ; Douai, 9 juin
1896, D., 1898.2.206 ; Bourges, 16 mai 1870, D., 1871.2.98 ; Douai, 9 juin
1896, D., 1898.2.206.
(43) Lafay, thèse précitée, page35.
(44) Cité par Toullier, op. cit., tome XI,
no 152, page 198.
(45) Cass. Civ., 29 nov. 1836, D., 1836.1.131 «
Attendu, y est-il dit, que l'article 1202 du Code civil qui statue que la
solidarité ne se présume pas, qu'il faut qu'elle soit
expressément stipulée, indique manifestement par cette
dernière expression que la règle posée par 1'article 1202
ne gouverne que la solidarité contractuelle ; qu'elle ne saurait donc
s'appliquer aux cas des délits et des quasi-délits, lesquels
constituent des engagements qui, suivant la définition du Code
lui-même, se forment sans convention ».
(46) Cass. Civ., 29 février 1836, S., 1836.1.293 ;
Req., 15 janvier 1878, D.P., 1878.1.152.
sur l'article 55 du code pénal. L'évocation de
cet article commença depuis 1817(47), même si la cour
de cassation ne l'avait jamais mentionnée clairement, lors de la
condamnation solidaire des coauteurs d'un délit qui était la
conséquence d'un concert frauduleux. En 1818 elle invoquait clairement
l'article 55 du Code pénal en déclarant << que le
jugement attaqué, loin d'avoir violé aucun principe, s'est au
contraire, exactement conformé à l'art. 55 du Code pénal,
en prononçant la solidarité contre tous les individus
condamnés pour le même délit
>>(48), et au-delà de cette date
plusieurs arrêts se sont appuyés sur cet
article(49).
42 - L'établissement dans la jurisprudence d'une voie
d'arrêts qui s'appuyait sur l'article 55 du Code pénal exige une
interprétation subjective, vu le caractère pénal de cet
article. Par conséquent, les arrêts du XIXe
siècle, dans le domaine des délits, utilisaient des expressions
qui marquaient cette subjectivité : << concert frauduleux
>>(50), << dol et de fraude
>>(51), << manceuvres frauduleuses et de dol
>>(52), << manceuvres frauduleuses
>>(53), << actes frauduleux
>>(54), << actes frauduleux et dolosifs
>>(55), préjudice causé par << la
fraude >>(56), << mauvaise foi
>>(57), << complicité civile
>>(58), << démarches abusives
>>(60), << complice de stellionat
>>(61), << qui se sont concertés
>>(62), << fautes concertés
>>(63), <<accord «commun
>>(64), << ceuvre commune
>>(65).
43 - Dans cette étape la condamnation solidaire
était tributaire de l'élément subjectif, qui se fondait
sur l'article 55 du Code pénal, et qui se limitait seulement aux
délits civils. Dans cette optique, la cour de cassation refusait de
condamner solidairement les auteurs d'un quasi-délit par absence d'une
disposition légale prononçant la solidarité. Mais cette
subjectivité fut rejetée en troisième étape au
profit d'une subjectivité dépourvue de toute intention de nuire,
il s'agissait d'une communauté de fait.
(47) Cass. 3 juillet 1817, S., 1818.1.338.
(48) Cass. Civ., 25 décembre 1818, cité par
Toullier, tome 11, page 201.
(49) Cass. Civ. 10 avril 1852, D., 1852.5.483 ; Cass. Civ., 3
décembre 1836, D., 1836.1.131 ; Paris 26 février 1829, S.,
1829.2.136, et 7 août 1837, S., 1837.1.889 ; Cass. Civ., 30 avril 1838,
rapporté sous cassation, 29 janvier 1840, D., 1840.1.123, 2e
espèce.
(50) Cass. Civ., 3 juillet 1817, précité.
(51) Cass. Civ., 12 février 1818, cité par Lafay,
op. cit., page 40 ; Cass. Civ., 27 février 1839, cité
par Lafay, op.cit., page 41.
(52) Nancy, 18 mai 1827, cité par Lafay, op.
cit., page 40 ; Cass. Civ., 12 janvier 1863, D., 1863.1.302.
(53) Toulouse, 20 juillet 1896, D., 1897.1.542 ; Cass. Civ., 14
août 1867, cité par Lafay, op. cit., page 47.
(54) Poitiers, 2 décembre 1852, D., 1855.2.332.
(55) Cass. Civ., 12 janvier 1863, D., 1863.1.302.
(56) Bordeaux, 16 mars 1832, D., 1832.2.164, S., 1832.2.630 ;
Cass. Civ., 12 février 1818, cité par Lafay, page 43 ; Cass.
Civ., 3 février 1829, cité par Lafay, page 43 ; Cass. Civ., 20
mars 1883, D., 1883.1.202 ; Cass. Civ., 12 janvier 1881, D., 1881.1.248.
(57) Cass. Civ., 20 juillet 1852, D., 1852.1.247
(58) Cass. Civ., 24 avril 1865, D., 1865.1.291.
(60) Cass. Civ., 25 juillet 1870, D., 1871.1.25.
(61) Rennes, 21 mars 1870, D., 1872.2.87.
(62) Cass. Civ., 24 juin 1872, D., 1873.1.19.
(63) Cass. Civ., 26 mars 1874, S., 1874.1.230
(64) Cass. Civ., 26 juin 1894, D., 1894.1.439 ; Cass. Civ., 14
février 1898, D., 1900.1.73.
(65) Cass. Civ., 14 février 1898, D., 1900.1.73.
3o _ Troisième étape
44 - Dans cette étape, la cour de cassation admettait
la solidarité en matière de quasi-délits sur le fondement
de communauté d'action. Il s'agit, en effet, << de fait ou
d'omissions de même nature ou accomplis simultanément
>>(66).
45 - La première fois que la cour de cassation avait
condamné solidairement les auteurs d'un quasi-délit était
en 1836(67). Cependant, la première fois que la
solidarité fut étendue en matière de quasi-délits
était en 1825 par un arrêt du cour d'Aix(68) qui
déclarait << que la solidarité est de droit dans les
délits « >> et qu'en << « matière
de quasi-délit, il doit en être de même qu'en matière
de délit >>. Ont suivi la cour d'appel de Lyon et de
Bordeaux(69).
46 - Après avoir établi la solidarité en
quasi-délit, la chaîne des arrêts se poursuivait sur le
fondement de la communauté d'action. Il s'agissait des actes
simultanés ou successifs(70), << un fait
indivisible >>(71), auteurs d'un même délit
annexe(72), << concours >>, << fautes
communes >>, <<action commune
>>(73), << responsabilité commune
>>(74), <<imprudence commune
>>(75), << Coopération commune
>>(76), <<participation au même
quasi-délit >>(76), << les faits «
sont indivisibles >>(77), <<faits ou d'action
indivisible >>(78), << faute commune
>>(79), <<faits délictueux qui se relient
entre eux >>(80), << faute commune
>>(81), <<négligence commune
>>(82).
47 - La jurisprudence ne s'est pas arrêtée
à ce stade, l'évolution de la solidarité en matière
délictuelle continuait, mais en tentant de fonder la solidarité
sur l'indivisibilité. Cette
(66) J. Français, thèse précitée,
page 95. Dans le même sens, Bourges, 16 mai 1870, D., 1871.2.98 ; Paris,
27 août 1872, D., 1873.5.402.
(67) Cass. Civ., 29 février 1836, D., 18236.1.131 ; Cass.
Civ., 19 avril 1836, D., 1836.1.183 ; Cass. Civ., 8 novembre 1936, D.,
1836.1.411.
(68) Aix, 14 mai 1825, sous Req., 11 juillet 1826, D.,
1826.1.424.
(69) Lyon, avril, 1832, sous Cassation, 19 avril 1836, D.,
1836.1.183 ; Bordeaux, 9 février 1839, D., 1840.2.7.
(70) Cass. Civ., 29 février 1836, S., 1836.1.293.
(71) Bordeaux, 9 février 1839, cité par Lafay page
59.
(72) Cass. Civ., 23 avril 1841, S., 1842.1.243 ; 30 janvier
1873, D., 1874.1.501.
(73) Bordeaux, 12 août 1859, D., 1859.2.217 ;
Cassation, 30 juin 1869, D., 1869.1.336 ; Paris, 13 février 1882, D.,
1883.2.161; Cass. Civ., 14 mars, 1882, D., 1883.1.403 ; Cass. Civ. 18 novembre
1885, D., 1886.1.398 ; Tribunal civil du Havre, 7 novembre 1885, D., 1887.3.128
; Cass. Civ., 16 mai 1892, D., 1892.1.348.
(74) Paris, 3 février 1872, D., 1874.5.74.
(75) Bordeaux, 12 août 1859, D., 1859.2.217.
(76) Cass. Civ., 6 février 1883, D., 1883.1. 451.
(76) Amiens, 2 juin 1869, D., 1869.2.181.
(77) Cass. Civ., 13 juillet 1857, D., 1858.1.348.
(78) Cass. Civ., 4 mai 1859, D., 1859.1.314 ; Cass. Civ., 12
février 1879, D., 1879.1.281 ; Cass. Civ., 28 mai 1889, D.,
1890.1.415.
(79) Riom, 12 janvier 1885, D., 1886.2.133.
(80) Cass. Civ., 31 mars 1896, D., 1897.1.21.
(81) Cass. Civ., 30 juin 1869, D., 1869.1.336 ; Cass. Civ., 14
mars 1882, D., 1883.1.403.
(82) Cass. Civ., 14 mars 1882, D., 1883.1.403 ; Cass. Civ., 18
mars 1891, D., 1891.1.401 ; Cass. Civ., 16 mai 1892, D., 1892.1.348; Cass.
Civ., 28 mai, 1889, D., 1890.1.415.
formule permettait d'englober le dommage
généré par des faits distincts et indépendants.
Sujet de notre étude dans la dernière étape de
l'évolution.
4o _ quatrième étape
48 - L'élément objectif qui à la fin du
XIXe siècle devenait l'inspirateur de la jurisprudence, en
matière de responsabilité, fut encore appliqué pour la
solidarité en matière quasidélictuelle. Dans cette
étape de l'évolution la cour de cassation(83)
condamnait solidairement sur le fondement de la communauté de
résultats.
49 - Pour J. Français(84) la
solidarité fondée sur la communauté de résultats
s'est prononcée pour la première fois par la cour d'Aix en
considérant que l'indivisibilité dont le dommage s'était
effectué rendait l'obligation de réparer solidaire. Mais la cour
suprême le 11 juillet 1826 a rejeté cet étai sur
l'indivisibilité en premier temps, puis l'a ultérieurement
accepté. Ce stade commença en 1892(85) par
l'énoncé de l'impossibilité de déterminer la part
de chaque coauteur. Pour Lafay(86) comme pour J. Français
cette objectivité s'exprimait en fondant la solidarité sur
l'indivisibilité. Mais cette indivisibilité se traduisait par
l'indivisibilité du fait dommageable ou par l'impossibilité de
déterminer la part de chaque coauteur ou les deux formules ensembles.
50 - Ce que J. Français considérait que la cour
de cassation le 11 juillet 1826(87) rejetait l'indivisibilité
n'est pas convaincant, par ce que la cour de cassation, clairement, et pour la
première fois, créait la technique de l'impossibilité de
déterminer la part de chacun en « Considérant, qu'il y a
eu nécessite pour la cour royale de prononcer une condamnation solidaire
par l'impossibilité oil elle a déclaré se trouver, en
fait, de déterminer la proportion
« ».
Quelle que soit l'opinion de cet auteur, le fait dommageable
indivisible, ou l'impossibilité de déterminer la part de chacun
dans le fait dommageable ou dans le dommage se range sous la communauté
de résultat ou sous l'indivisibilité du
résultat(88) qui est le fondement de la solidarité en
dernière étape.
(83) J. Vincent, op. cit., cite l'arrêt Civ., 11
juillet 1892, D., 1894.1.513, note Levillain, S., 1892.1.508.
(84) J. Français, thèse précitée,
page 96 et s.
(85) Civ., 11 juillet 1892, D., 1894.1.513, note Levillain, S.,
1892.1.508.
(86) Lafay, thèse précitée, page 88, 89.
(87) Cass. Civ., 11 juillet 1826, S., 1826.1.138.
(88) Chabas, thèse précitée, page 57 et s.;
Marty et Raynaud, Les obligations, tome II, page 113, 114 no128.
51 - Notons que la cour de cassation exprimait cette
communauté de résultat en exigeant un fait ou une faute
indivisible(89), ou l'impossibilité de déterminer la
part de chaque coauteur dans le dommage ou dans le fait dommageable, et enfin
l'indivisibilité de l'obligation(90).
52 - Cette solution, qui fonde la solidarité sur
l'idée de l'indivisibilité, impose la réparation
intégrale d'après les articles 1382 et 1383 C.
Civ.(91), l'auteur fautif est tenu à réparer
intégralement le dommage(92), s'il a agit seul ou
collectivement (93).
53 - La théorie de l'indivisibilité,
utilisée comme fondement de la solidarité, a été
fortement critiquée, vu qu'elle employait l'indivisibilité hors
de son domaine. Même si les deux institutions, l'indivisibilité et
la solidarité, reposent sur l'impossibilité de division de
l'obligation. Dans la solidarité elle provient de la volonté des
partis ou du législateur, tandis que dans l'indivisibilité elle
est naturelle et provient de la nature de l'objet (art. 1218 C.
civ.)(94).
Il en est ainsi, que l'appel à la théorie de
l'indivisibilité du fait dommageable ou l'indivisibilité du
dommage rend l'obligation de réparer indivisible. Donc, on assimile
l'indivisibilité du fait ou du dommage avec l'indivisibilité de
l'obligation. Une obligation est indivisible si son objet est indivisible et
non pas sa cause. Cette idée est une «doctrine tout à
fait en dehors du code de prétendre que l'indivisibilité de la
cause se transporte à l'objet et rend l'obligation tout entière
indivisible »(95). En plus, cette idée
d'indivisibilité ne se rattache pas à la solidarité car la
réparation intégrale découle de l'article 1382 qui
concerne l'obligation in solidum(96).
(89) Aix 14 mai 1825, précité ; Aix 1 mars
1826, D., 1827.1.228 ; Cass. Civ., 3 mai 1827, S., 1827.1.435, D., 1827.1.230 ;
Cass. Civ., 8 nov. 1836, D., 1836.1.411 ; Cass. Civ., 4 mai 1859, D.,
1859.1.314 ; Cass. Civ., 16 mai 1892, D., 1892.1.348 ; Cass. Civ., 15 juillet
1895, D., 1896.1.31 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D., 1897.1.21 ; Cass. Civ., 12
février 1879, D., 1879.1.281 ; Req. 23 mars 1927, D., 1928.1.73 ; Req.
19 juin 1929, G.P., 1929.1.567.
(90) L'impossibilité de déterminer la part de
chacun dans le dommage: Cass. Civ., 11 juillet 1826, D., 1826.1.424, S.,
1826.1.138 ; Cass. Civ., 3 mai 1827, S., 1827.1.435, D., 1827.1.230 ; Caen, 23
mai 1873, D., 1875.2.41 ; Aix, 11 janvier 1873, D., 1874.2.68 ; Angers, 10 mars
1875, D., 1876.2.14 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D., 1879.1.281 ;
Cass. Civ., 6 février 1883, D. 1883.1.451 ; Douai, 4 mai 1891, D.,
1893.2.39 ; Cass. Civ., 22 juillet 1892, D., 1892.1.335 ; Cass. Civ., 11
juillet 1892, D., 1894.1.561 ; Cass. Civ., 15 juillet 1895, D., 1896.1.31 ;
Paris, 7 avril 1898, D., 1898.2.501 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D., 1897.1.21 ;
Cass. Civ., 10 novembre 1897, D., 1898.1.310 ; Cass. Civ., 24 janvier 1898, D.,
1899.1.109 ; Cass. Civ., 31 janvier 1899, D., 1899.1.300 ; Cass. Civ., 14
février 1898, D., 1900.1.73. Indivisibilité de l'obligation :
Cass. Civ., 8 nov. 1836, s. 1836.1.265 Req., 3 mai 1827, S., 1827.1.435, D.,
1827.1.230 ; Aix 19 nov. 1878, D. 1879.2.219.
(91) Infra no 88.
(92) Lafay, thèse précitée, page 113 ;
Demolombe, Traité des contrats, tome III, no 280 ;
Colmet de Santerre, op. cit., tome V, no 135 bis3 ; Sourdat, op.
cit., no 473; Baudry-Lacantinerie et Barde, Précis
de droit civil, 6e édit., tome II, no 219 ;
Aubry et Rau, Droit civil français, 4e édit.,
tome IV, § 298 ter, p. 23, note 14 ; J. Français, thèse
précitée, page 100.
(93) Rodière, De la solidarité et de
l'indivisibilité, thèse précitée,
no 50.
(94) J. Français, thèse précitée,
page 98 ; Baudry-Lacantinnerie et Barde, tome II, no 1304 ;
Demolombe, tome XXVI, no 193 et 194 ; Laurent, tome XVII,
no 322 à 324 ; Demogue, tome IV, no 768.
(95) Boistel, note Dalloz, D. 1979.1.281.
(96) Sur l'évolution de l'obligation in solidum,
infra nos 82 et s.
La solidarité produit des effets principaux et
secondaires. Pour quelques-uns il n'y a qu'une solidarité proprement
dite ou une solidarité parfaite. Mais pour d'autres la solidarité
délictuelle n'est qu'une solidarité imparfaite qui exclut les
effets secondaires.
C - LA SOLIDARITÉ IMPARFAITE
54 - La solidarité réglée par le code
civil produit des effets principaux et secondaires. Aucune divergence d'opinion
n'est soulevée sur l'effet principal. Le désaccord se concentre
sur les effets secondaires qui reposent sur un mandat réciproque entre
les débiteurs. Peut-on dire que les coauteurs d'un délit civil
sont représentés par l'un d'eux à l'égard du
créancier ? Pour cette raison certains auteurs ont essayé de
formuler une théorie dualiste de la solidarité.
55 - Cette théorie différencie entre deux
espèces de solidarité l'une parfaite, l'autre
imparfaite(97). La solidarité qualifiée de parfaite
est celle qui produit tous les effets de solidarité principaux et
secondaires, tandis que celle qualifiée d'imparfaite ne produit que les
effets principaux à l'exclusion des effets secondaires. La
solidarité conventionnelle est toujours parfaite, alors que la
solidarité légale est tantôt parfaite tantôt
imparfaite et le critère de distinction entre ces deux espèces
étant le mandat réciproque(98). II en résulte
que dans la solidarité parfaite les partis sont
représentés par chacun d'eux à l'égard du
créancier, ce qui n'existe pas dans la solidarité imparfaite.
56 - La matière en question est la
responsabilité délictuelle de plusieurs personnes. Comment les
auteurs l'ont-elle qualifiée ? Rodière, un des tenants de la
théorie dualiste de solidarité, considère que l'obligation
des coauteurs d'un délits civil est in solidum et n'est
solidaire ni parfaitement ni imparfaitement. Cependant, Mourlon ne fait aucune
allusion à la responsabilité des coauteurs d'un délit
civil. Alors qu'Aubry et Rau présument que l'obligation des coauteurs
d'un délit civil est solidairement imparfaite.
57 - Cette théorie n'a pu échappé aux
critiques, et a été fortement combattue
doctrinalement(99). Premièrement, la loi n'adopte
pas cette distinction et on ne trouve aucune trace de la solidarité
imparfaite dans le Code civil. Deuxièmement, la loi ne distingue pas
entre la solidarité conventionnelle et la solidarité
légale. En plus, les tenants de la solidarité
(97) Rodière, thèse précitée,
no 165, 175 ; Mourlon, Répétitions écrites
sur le code civil, tome II, no 1247, 1275 et s.; Aubry et Rau,
op. cit., page 33 et s.
(98) Critique de la représentation réciproque,
Ripert et boulanger, Traité élémentaire de droit
civil, tome II, page 611, no 1884 et s.; Weill et Terré,
Droit civil, Les obligations, no 910 ; même certaines
auteurs l'a nommé «folklore juridique » D. Veaux et
P.Veaux-Fournerie, La représentation mutuelle des
coobligés, Mélanges dédiés à A. Weill,
Dalloz-Litec 1983 ; Marc Mignon, Les obligations solidaires et les
obligations in solidum en droit privé français,
Dalloz 2002, page 127 et s.
(99) Laurent, tome XVII, no 314, 315 et 316, page
312 et s. ; J. Français, op. cit., page 46, 47 ; F. Derrida,
Dalloz Répertoire, Yo solidarité ; Sourdat, op.
cit., no 133; Ripert et Planiol par Gabolde, tome VII,
no 1098 ; Baudry-Lacantinerie et Barde, tome VIII, no 848
et s., page 630 ; Beudant et Lerebours-Pigeonnière, Cours de droit
civil français, tome VIII no 848 et s., page 630 ; J.
Vincent, op. cit., no 53 ; Josserand, Cours de droit
civil positif, tome II, no 771, page 420.
imparfaite ne sont pas d'accord sur son domaine. Enfin, la
condamnation solidaire d'après Aubry et Rau transforme la
solidarité imparfaite en une solidarité parfaite, tandis que dans
le raisonnement de Mourlon la solidarité imparfaite conserve son
caractère même après condamnation.
58 - Les reproches contre la théorie de la
solidarité imparfaite ne se limitent pas à la doctrine, il en est
de même pour la jurisprudence. La cour de cassation(100)
considérait que la distinction entre deux espèces de
solidarité « est contraire aux articles du Code civil qui
traitent de la solidarité, que l'article 1202 indique qu'elle doit
résulter, soit d'une stipulation, soit d'une disposition de la loi, et
que les articles suivants tracent les règles de la matière sans
distinguer entre la solidarité légale et la solidarité
conventionnelle ; qu'elles doivent donc s'appliquer à l'une comme
à l'autre». La même solution fut adaptée dans
plusieurs arrêts(101).
59 - La solidarité divisée en deux
espèces n'a pas convaincu certains auteurs pour lesquels il n'y a qu'une
seule solidarité quelle que soit sa source(102). Cette
distinction n'a aucune base légale, la loi ne connaît qu'une seule
solidarité. En plus le mandat réciproque qui est le
critère de distinction entre ces deux espèces, dérive de
la communauté d'intérêts entre les codébiteurs qui
peut exister qu'elle que soit la source de solidarité.
60 - Bien que la solidarité imparfaite fut
critiquée, certains auteurs la confèrent le caractère de
l'obligation in solidum, et l'expression est maintenant
utilisée comme synonyme de l'obligation in
solidum(103). D'ailleurs, la cour de cassation n'hésite
pas à déclarer que les termes solidarité imparfaite et
obligation in solidum sont synonymes(104).
61 - C'est le point de vue doctrinal et jurisprudentiel
français touchant le problème de la solidarité entre les
coauteurs d'un même dommage. Il nous reste encore à savoir celui
du droit libanais, qui, au contraire du Code civil français,
règle ce point sous le visa de l'article 137 du COC qui prononce la
solidarité contre les coauteurs en matière délictuelle.
(100) Req., 17 mars 1902, D.P. 1902.1.541.
(101) Paris 28 mai 1900, D.P. 1902.2.453 ; Cass. Civ., 3 juillet
1900, D. 1900.1.417, note Levillain ; Req., 23 mars 1927, D.P.
1928.1.73 et la note de Savatier ; Req., 9 décembre,
1929, D.H. 1930.117 ; Cass. Civ., 26 octobre, 1931, D.H. 1931.569.
(102) G. Ripert et J. Boulanger, Traité de droit
civil d'après le traité de Planiol, tome II, no
1884, page 628 ; Josserand, Cours de droit civil positif, tome II,
no 771 p. 420; Colin et Capitant, Cours
élémentaire de droit civil français, tome II,
3e éd., no 429 ; Moustafa el Awgi, Le droit
civil, page, 51 et s.
(103) Mazeaud Chabas, Leçons de droit civil,
tome II, Vol I, Les obligations théorie générale,
no 1070, page 1115 ; Philippe le Tourneau, Répertoire Dalloz,
Yo Solidarité, no154 et s.
(104) Cass. Civ., 3, 22 mars 1968, Bull. civ. III,
no 124, p. 97 ; - 10 mai 1968, Bull. civ. III,
no 208, p. 161 ; - 7 mars 1969, Bull. civ. III,
no207, p. 158 ; - 30 mai 1969, Bull. civ. III,
no 466, p. 340.
§ 2 : CODE DES OBLIGATIONS ET DES CONTRATS
62 - Le code des obligations et contrats Libanais est
inspiré du code civil français. La France étant un pays
influent dans le domaine législatif et qui était présent
à tous les niveaux au Liban.
Un comité consultatif de législation a
été institué dans le but d'instituer le projet du Code des
obligations et contrat. Une fois le projet terminé, le Code fut traduit
à l'arabe et approuvé par l'arrêté 154/LR Liban le 7
novembre 1932. Ce comité a pris en considération les
règles du Code civil français et les nouveaux principes ainsi que
la législation et les coutumes libanaises(105).
63 - Le Code civil français ne traite pas le cas
où plusieurs personnes commettent un délit civil. Ce
comité voulait combler cette lacune en droit libanais. Il rend les
coauteurs d'un délit civil solidairement responsables sous le visa de
l'article 137 COC.
L'avant-propos ne mentionne pas les motifs de l'article 137 et
tout ce qu'on peut déduire c'est que le comité était sous
l'égide du Doyen Luis Josserand, qui était un des auteurs qui ont
considéré que le dommage généré par
plusieurs personnes les rend solidairement responsables, à condition
qu'il y ait complicité dans le fait dommageable ou que chaque fait est
la cause totale du dommage.
Cet article prononce la solidarité passive contre les
personnes qui causent le même dommage :
<< 1 - s'il y a eu communauté d'action
».
<< 2 - s'il est impossible de déterminer la
proportion dans laquelle chacun de ces personnes a contribué au
dommage ».
64 - Un problème s'est posé concernant les deux
alinéas de l'article 137. Est-ce que chaque alinéa est un cas
propre à lui et suffit pour une condamnation solidaire, où il
faut que le fait dommageable renferme les deux conditions.
La plupart des auteurs libanais spéculent que les deux
cas disposés par les alinéas 1 et 2 sont des cas
différents, et il suffit que le fait dommageable renferme l'un d'eux
pour que la solidarité soit prononcée. Les arrêts de la
cour de cassation libanaise se divisent en deux voies. Ceux qui
considèrent chaque alinéa comme un cas autonome suffisant pour
condamner solidairement(106) et ceux qui exigent les deux
conditions(107).
(105) Avant-propos du code des obligations et contrats,
Beyrouth, 31 décembre 1930.
(106) Cass. civ. lib., ch. I, 30 octobre 1969, revue Baz 1969,
arrêt no120, page 206 ; Cass. civ. Lib., ch. III, 31 mai 1972,
revue Baz 1972, arrêt no65, page 284.
65 - La cour de cassation le 4 mai 1971 déclara que la
solidarité passive disposée par l'article 137 exige les deux
conditions. Elle ajoute que « si le fait de chacun de ces personnes,
qui ont commis le dommage, était indépendant et distinct de
l'autre et s'il était possible de se renseigner de la
responsabilité de chacun, dès lors il n'y a aucune
solidarité passive entre eux à l'égard de la victime, il
reste chacun d'eux responsable seulement de la part causée par son
propre fait ». Cette analyse de la cour de cassation n'est pas
acceptable car elle rejette la solidarité lorsque le dommage est
généré par des faits distincts.
66 - D'un côté on approuve que la
solidarité est une garantie de paiement pour la victime lorsqu'il y a
communauté d'action(108), et d'un autre on l'a rejetée
lorsque les faits sont distincts. Cette garantie doit être
attribuée ou doit être rejetée dans les deux cas. En outre,
il faut scruter la jurisprudence française antérieure à la
mise en ceuvre du Code des obligations et contrats, puisque le
conseillé, charger de mettre le projet, avait pris comme
référence les solutions jurisprudentielles françaises. La
cour de cassation française et pendant tout le XIXe
siècle et une partie du XXe siècle prenait la
communauté d'action comme cas distinct de l'impossibilité de
déterminer la part contributive. Le premier était pour les faits
communs(109) le deuxième pour les faits indépendants
et distincts(110). D'ou les deux alinéas 1 et 2 sont des
conditions distinctes et il suffit que l'un des deux soit en cause pour
condamner l'un des coauteurs à réparer intégralement le
dommage.
67 - Quant à la solidarité disposée par
l'article 137, les auteurs libanais l'ont considérée comme un
axiome sans explorer le fondement de cette solidarité. Le
problème n'est pas logomachique, solidarité ou in
solidum. Effectivement, c'est le fondement de chaque institution. Est-ce
que le fondement d'une condamnation solidaire selon l'article 137 est en
harmonie avec celui de la solidarité proprement dite?
Précisément, la communauté d'action ou
l'impossibilité de déterminer la part contributive est
reliée à la solidarité ou à l'obligation in
solidum(111).
68 - Puisque les deux conditions se distinguent l'une de
l'autre, on aborde premièrement le premier alinéa en essayant de
démontrer l'insuffisance de la communauté d'action, puis
après le deuxième alinéa en prouvant que
l'impossibilité de déterminer la part contributive concerne
l'obligation in solidum.
(107) Cass. civ. Lib., ch.2, 4 mai 1971, revue Hatem, tome
19, 1971, arrêt no 47, G119, page 38, revue Baz, 1971,
arrêt no 47, page 271 ; Dans le même sens: Cass. civ.
Lib., 8 juillet 1969, revue Hatem, arrêt no 106, tome 93, page
30 ; Appel Beirut, 2 février 1967, revue Hatem, arrêt
no 198, tome 78, page 48.
(108) Appel Mont-liban, 13 janvier 1973, revue Hatem,
arrêt no 45, G147, page 51.
(109) Voir la troisième étape de
l'évolution de la solidarité, Supra no 44 et
s.
(110) Voir la troisième étape de
l'évolution de la solidarité, Supra no48 et
s.
(111) Infra, no 85.
A - LA COMMUNAUTÉ D'ACTION
69 - L'exigence de la communauté d'action pour
condamner solidairement n'est pas compatible avec la jurisprudence
française qui précède la mise en ceuvre du code des
obligations et contrats. Le dépouillement des répertoires
jurisprudentiels permet de signaler que la cour de cassation française
admettait la solidarité hors de toute communauté d'actions.
À plusieurs reprises, elle prononçait la solidarité contre
les coauteurs des faits distincts. « Il s'agit en effet de faits
différents, successifs parfois, accomplis sans accord préalable,
par des personnes ne se connaissant même pas et reliées entre
elles seulement par cette circonstance qu'elles ont fortuitement concouru
à un même résultat dommageable
»(112).
70 - La cour de Lyon(113) condamnait solidairement
à la réparation du dommage le notaire et le conservateur des
hypothèques, le premier était coupable par une erreur de
désignation du numéro d'inscription, et le deuxième de ne
pas avoir reconnu l'erreur en lisant l'acte. Aussi, la cour de
Paris(114) avait déclaré qu'ils sont solidairement
responsables de la ruine d'une société, tous les administrateurs,
même ceux qui n'étaient pas en fonction et encore ceux qui sont
décédés.
71 - Il en est de même pour la cour
d'Aix(115) qui prononçait la solidarité contre
plusieurs usines qui par le fait de l'accumulation des vapeurs
dégagées de leurs conduits de fumée causaient du dommage
au voisinage, et qui aussi la prononçait contre les exploitants de
maisons(116). De même la cour de cassation prononçait
la solidarité contre un capitaine qui n'a pas amarré son navire
et l'entrepreneur qui a commencé le chargement sans avoir
vérifié l'amarrage(117)
72 - À plusieurs reprises et dans toute la
période qui a précédé le Code des obligations et
contrats la cour de cassation française admettait la solidarité
contre les coauteurs des faits distincts(118).
(112) Lafay, thèse précitée, page 73.
(113) Lyon, 13 avril 1832, cité par Lafay, op.
cit., page74.
(114) Paris, 18 juillet 1895, D. 1896.2.78.
(115) Sous requêtes, 11 juillet 1826, D. 1826.1.424.
(116)Aix., 14 août 1861, D., 1862.2.156 ; - 11
janvier 1873, D., 1874.2.68 ; - 19 septembre 1878, D., 1879.2.219.
(117) Cass., 15 janvier 1878, D., 1878.1.152.
(118) Aix, 14 mai 1825, sous Req., 11 juillet 1826, D.
1826.1.424 ; Cass. Civ., 3 mai 1827, S. 1827.1.435 ; Cass. Civ., 8 nov. 1836,
D. 1836.1.411 ; Cass. Civ., 4 mai 1859, D. 1859.1.314 ; Cass. Civ., 16 mai
1892, D. 1892.1.348 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D. 1897.1.21 ; Cass. Civ., 11
juillet 1826, D. 1826.1.424 ; Caen, 23 mai 1873, D. 1875.2.41 ; Angers, 10 mars
1875, D. 1876.2.14 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D. 1879.1.281 ; Cass.
Civ., 6 février 1883, D. 1883.1.451 ; Cass. Civ., 22 juillet 1892, D.
1892.1.335 ; Douai, 4 mai 1891, D. 1893.2.39 ; Cass. Civ., 15 juillet 1895, D.
1896.1.31 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D. 1897.1.21 ; Cass. Civ., 10 novembre
1897, D. 1898.1.310 ; Cass. Civ., 24 janvier 1898, D. 1899.1.109 ; Cass. Civ.,
31 janvier 1899, D. 1899.1.301.
73 - il résulte que la communauté d'action
exigée par l'al. 1er de l'article 137 n'englobe pas tous les
cas de la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle
générés par des faits distincts. Ainsi, l'expression
communauté d'action marque un caractère
pénal(119), puisque elle est inspirée de la
jurisprudence française qui, à une époque
déterminée, admettait la communauté d'action, mais en
posant cette condamnation sur l'article 55 du Code pénal
français. Quoi qu'il en soit la responsabilité civile est
différente de la responsabilité pénale.
Il reste encore à prouver que l'alinéa 2 de
l'article 137 ne concerne pas la solidarité et qu'elle s'attache
à l'obligation in solidum.
B - L'INDIVISIBILITÉ DU DOMMAGE
74 - L'impossibilité de déterminer la part
contributive de chacun des coauteurs dans le dommage, cette formule,
disposée par l'alinéa 2 de l'article 137 COC a été
utilisée par la cour de cassation française à plusieurs
reprises(120), lorsqu'elle a admit la solidarité sur le
fondement de la communauté de résultat.
75 - Cette idée explique que « du moment que
l'intervention de l'un a joué dans la réalisation du dommage un
rôle suffisant pour en être considéré comme la cause,
c'est tout le dommage qu'il a causé »(121). En
plus, cette impossibilité de déterminer la part de chaque
coauteur rend le dommage indivisible(122).
76 - Cet étai sur l'indivisibilité en
matière de solidarité a été réfuté
par plusieurs auteurs. L'impossibilité de division est la base des deux
institutions, mais sa source diffère dans chacune. Dans la
solidarité elle provient de la volonté des partis ou celle du
législateur, tandis que dans l'indivisibilité,
l'impossibilité de division est naturelle et provient de la nature de
l'objet (art. 1218)(123) .
77 - Le problème consiste à savoir si
l'indivisibilité du dommage qui rend l'obligation solidaire est en
cohérence avec la solidarité. En premier lieu,
l'indivisibilité du dommage est
(119) Appel Beirut, 2 février 1967, revue Hatem,
arrêt no 198, G78, page 48.
(120) Cass. Civ., 11 juillet 1826, D. 1826.1.424, S.
1826.1.138 ; Cass. Civ., 3 mai 1827, S. 1827.1.435, D. 1827.1.230 ; Caen, 23
mai 1873, D. 1875.2.41 ; Aix, 11 janvier 1873, D. 1874.2.68 ; Angers, 10 mars
1875, D. 1876.2.14 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D. 1879.1.281 ; Cass.
Civ., 6 février 1883, D. 1883.1.451 ; Douai, 4 mai 1891, D. 1893.2.39 ;
Cass. Civ., 22 juillet 1892, D. 1892.1.335 ; Cass. Civ., 11 juillet 1892, D.,
1894.1.561 ; Cass. Civ., 15 juillet 1895, D. 1896.1.31 ; Cass. Civ., 31 mars
1896, D. 1897.1.21 ; Cass. Civ., 10 novembre 1897, D. 1898.1.310 ; Paris, 7
avril 1898, D. 1898.2.501 ; Cass. Civ., 24 janvier 1898, D. 1899.1.109.
(121) H. et L. Mazeaud, Traité théorique et
pratique de la responsabilité civile, tome 2, 4e
éd., p. 786.
(122) Chabas, L'influence de la pluralité des
causes sur le droit à réparation, thèse,
no16, page 22, 23.
(123) J. Français, De la distinction entre
l'obligation solidaire et l'obligation in solidum, thèse Paris,
page 98; Baudry-Lacantinnerie et Barde, op. cit., tome II,
no 1304 ; Demolombe, précité, tome XXVI, no
193 et 194 ; Laurent, Principe de droit civil, tome XVII,
no 322 à 324 ; R. Demogue, op. cit., tome IV,
no 768.
une institution inconnue dans le droit positif. C'est
l'indivisibilité de l'obligation que le Code des obligations et contrats
règle, et aucune disposition légale fait allusion à
l'indivisibilité du dommage. Il faut donc la réfuter lorsqu'il
s'agit de la solidarité car la solidarité est une institution
légale réglée par la loi, tandis que
l'indivisibilité du dommage est une institution extralégale. En
deuxième lieu, cette indivisibilité du dommage découle de
l'article 1382 du Code civil et n'a aucune liaison avec la
solidarité(124). Chaque fait est la cause du
préjudice, il doit donc réparer tout le dommage en vertu de
l'article 1382, parce ce que cet article ne détermine pas
l'étendue du fait dans le dommage.
78 - Notons aussi que la référence au concept de
l'impossibilité de déterminer la part contributive de chaque
coauteur est fictive par ce qu'elle n'explique pas la possibilité d'un
recours exercé par le coauteur solvens contre l'autre (s)
coauteur (s). Si l'un des codébiteurs solidaire supporte la dette envers
le créancier, il pourrait subroger ce dernier (article 40/310 COC) ou
profiter d'une action personnelle (article 40 du COC) pour demander la part
incombant à l'autre coobligé (s), et la jurisprudence de la cour
de cassation libanaise est dans le même sens(125).
79 - Il résulte de ce qui est présenté
que l'obligation née de la responsabilité collective selon
l'article 137 COC n'a aucune liaison avec la solidarité. La dette, dans
la solidarité, se divise et pas question d'une impossibilité de
division, et la communauté d'action a un caractère pénal.
En réalité, chaque coauteur est responsable de la part qu'il a
causée et devrait être garant envers la victime de la part
causée par l'autre (s) coauteur (s)(126). Dans la
solidarité tous les coauteurs doivent la même chose (article 23
COC), mais en matière de pluralité d'auteurs chacun doit une
obligation distincte de l'autre(126bis).
La solidarité entre coauteurs, disposée par
l'article 137 COC, est inconcevable avec la solidarité, le même
dommage généré par plusieurs auteurs est in
solidum. Il faut donc une reformation de l'article 137 COC pour admettre
l'obligation in solidum. D'où provient cette institution,
comment a-t-elle évolué ? Quelles sont ses conditions ? On
exposera en premier lieu, la nature juridique de l'obligation des coauteurs
d'un même dommage (chapitre I), puis sa structure (chapitre II).
(124) Lafay, thèse précitée, page 113 ;
Demolombe, Traité des contrats, tome III, no 280 ;
Colmet de Santerre, op. cit., tome V, no 135 bis3 ; Sourdat,
no 473 ; Baudry-Lacantinerie et Barde, Précis de droit
civil, 6e édit., tome II, no 219 ; Aubry et
Rau, op. cit., 4e édit., tome IV, § 298 ter, p.
23, note 14 ; J.Francais, thèse précitée, page 100 ;
Rodière, De la solidarité et de 1'indivisibilité,
thèse précitée, no 50 ; Chabas, thèse
précitée, page 22, 23.
(125) Civ. Lib., ch. 2, 25 mai 1956, revu Baz 1956,
no 37, page 180 ; Civ. Lib., ch. 3, 5 décembre 1967, revu Baz
1967, no 124, page 264.
(126) Marc Mignon, sur la théorie de Mignon infra
nos 147 et s. ; Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munik,
Droit civil, les obligations, Defrénois, 2004, no
1284.
(126 bis) Sur la doctrine de pluralité de liens
et d'objets, Infra n° 198 et s.
CHAPITRE I : LA NATURE JURIDIQUE
80 - Étant donné que l'obligation in
solidum n'a pas une base légale, mais c'est une institution qui a
été consacrée par la jurisprudence. Quelle est sa nature
juridique ? Est-ce qu'elle est une espèce dégradée de la
solidarité ou elle est de même nature ? Est-elle une institution
de nature différente ? Et quelles étaient les incidences de son
admission ? Pour déterminer sa nature juridique, commençons par
exposer son évolution (Section I), et les critiques qu'il a
suscités (Section II).
SECTION I : L'ÉVOLUTION DE L'OBLIGATION IN
SOLIDUM
L'absence d'un fondement textuel de l'obligation in
solidum donne à la doctrine et à la jurisprudence une
malléabilité de fixer les traits de cette institution. Aucun
article du code civil ne la dispose, tout ce qui est mis en ceuvre n'est qu'une
tradition romaine. On examine successivement la jurisprudence, en essayant de
préciser l'évolution de l'idée de l'obligation in
solidum, et puis son autonomie comme une institution
indépendante.
§ 1 : LA CONSÉCRATION JURISPRUDENTIELLE
81 - L'obligation in solidum ou la
responsabilité collective, était une institution connue en droit
romain et relativement dans quelques coutumes des provinces. Le code civil ne
l'a pas réglé c'est la jurisprudence qui traçait ses
lignes essentielles(1). Au début, elle était une
question d'obligation in solidum en matière de délits et
quasi-délits civils, puis elle est devenue une théorie
générale qui touche plusieurs matières.
Au milieu du XIXe siècle des tentations
doctrinales essayèrent de présenter l'obligation in
solidum en s'inspirant de la tradition romaine. Le premier auteur
était Rodière(2) qui dit qu'au cas de pluralité
d'auteurs d'un même délit ou quasi-délit, il s'agit d'une
obligation in solidum. Cette thèse va être appuyée
par Demolombe(3) qui a écrit que l'obligation in
solidum << a lieu par la force même des choses »
par << sa nature propre et constitutive ! C'est sa manière
d'agir ! ...», et différemment de Rodière il admet
l'obligation in solidum lorsque plusieurs personne causent la
même dommage et non pas lorsqu'ils commettent le même délit.
Mais la jurisprudence réfute les idées de ces deux auteurs. Il
fallait attendre le XXe siècle, surtout au début
jusqu'à les années soixante, pour que
(1) Alain Prothais, D. 1987, Chr. LXII, p. 237.
(2) De la solidarité et de
l'indivisibilité, thèse, page 123 et s., n° 196 et s.
(3) Demolombe, tome XXVI, no 291 et s.
l'obligation in solidum reçoive le soutien de
plusieurs auteurs, en essayant de la généraliser sous une
théorie générale d'obligation in
solidum(4).
Partant de l'expression in solidum qui a
été utilisée pour la première fois par la cour de
cassation en 1939, les arrêts antérieurs à cette datte,
émanant de la cour de cassation, utilisaient la solidarité ou
pour le tout pour désigner l'obligation des coauteurs d'un même
dommage. La solidarité est hors de portée, ce qui nous concerne
c'est l'obligation au tout. Est-ce que la cour de cassation en admettant le
principe de l'obligation au tout, lui conférait les caractères de
solidarité ou celui de l'obligation in solidum ? C'est le
ntieud du problème, car c'est à l'époque où la cour
de cassation condamnait pour le tout que la théorie classique de
l'obligation in solidum a pris essor. Pour en décider il faut
chercher le fondement de cette condamnation et le rapprocher avec celui de la
solidarité et de l'obligation in solidum, et la ressemblance
avec l'un d'eux montre si le principe de l'obligation au tout est solidaire ou
in solidum.
A -- AVANT 1939
82 - La condamnation au tout commençait en
1852(5), et depuis, la cour de cassation ne cessait de condamner au
tout en évitant d'employer le mot solidarité(6). Le
débat juridique se concentrait sur le caractère de l'obligation
au tout, est-ce qu'elle est solidaire ou in solidum. Deux courants
doctrinaux entrent en débat sur ce point et chacun a ses propres
raisons.
83 - Le premier stipulait que la cour de cassation accordait
à l'obligation au tout le caractère de
solidarité(7). Ce courant fonde son opinion sur deux
idées : La cour de cassation n'a pas employé, avant 1939, le
terme in solidum, et a appliqué quelques effets de la
solidarité, l'appel et la remise de dette. Des arrêts admettaient
que l'appel interjeté par l'un
(4) Aubry et Rau, op. cit., 5eéd.,
t. IV, 298, p. 30 et s. ; Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., tome
II, nos 1298 à 1306, p. 410 et s. ; Beudant Charles, par B
Robert, Lerebours-Pigeonnière Paul et Lagarde Gaston, Cours de droit
civil français, Tome VIII, n° 857, p. 639 à 640 ; Capitant,
note D. 1903.1.401 ; J. Français, De la distinction entre
l'obligation solidaire et l'obligation in solidum, thèse, Paris,
1936; J. Vincent, L'extension en jurisprudence de la notion de
solidarité passive, RTDC 1939.601.
(5) Req., 20 juillet 1852, D. 1852.1.247, S. 1852.1.689
<< Attendu qu'en règle générale, et en vertu des
principes sur les engagements qui se forment sans convention 1a
réparation d'un fait dommageable indivisible peut être
ordonnée pour le tout contre chacun des auteurs de ce fait.
»
(6) Cass. Civ., 11 juillet 1892, D. 1894.1.513, note
Levillain ; Cass. Civ., 11 juillet 1892, D. 1894.1.561, note Levillain ; Cass.
Civ., 6 août 1894, D. 1895.1.199 : << Ils sont tenus chacun
pour le tout mais non solidairement », et également : Civ., 21
mai 1890, D.P. 1890.1.337, note de Loynes; Nancy 15 avril 1899, D. 1900.2.193
(ces deux arrêts ne traitant pas de Responsabilité civile); Cass.
Civ., 28 mai 1889 précité ; Douai, 25 janvier 1897,
précité.
(7) Savatier, op. cit., tome 2, n°
490, page 46 ; H. et L. Mazeaud, Traité théorique et pratique
de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle,
4e éd., t. 2, n° 1963, page 807 ; Lalou et
Azard, Traité pratique de la responsabilité civil,
6e éd., 1962, page 58, no 104 ; Colin, Capitant et Juliot de
la Morandière, Traité de droit civil, tome 2, p. 980,981
; Ripert et Boulanger, Traité de droit civil, page 388.
des coauteurs serait au profit des autres(8), ainsi
la remise de dette faite à l'un d'eux libérait tous les
autres(9).
84 - Le deuxième courant considérait
l'obligation au tout comme ayant le caractère de l'obligation in
solidum. Mais sur quoi base-t-il son opinion ? Les partisans de
l'obligation in solidum acceptaient la condamnation au tout qui se
fondait sur la causalité totale(10), lorsqu' « il y
a entre chaque faute et la totalité du dommage une relation directe et
nécessaire >>(11). Les autres(12)
considéraient que la condamnation au tout ou la condamnation in
solidum, et de l'esprit de la jurisprudence, se rattachaient à la
dernière étape de l'évolution(13) qui
concernait le cas ou le dommage est causé par des faits distincts en
dehors de toute communauté d'action ou d'un concert frauduleux. C'est la
communauté de résultat qui en est son fondement.
85 - Cependant, la controverse se concentre sur la
communauté de résultat(14) ou
précisément sur l'idée de l'indivisibilité. La cour
de cassation employait l'indivisibilité de la faute(15),
l'indivisibilité du fait dommageable(16) et
l'impossibilité de déterminer la part de chacun des faits ou des
fautes dans le dommage(17). La diversification des formules
utilisées par la cour de cassation résume une seule idée :
l'indivisibilité du dommage. L'impossibilité de déterminer
la part de chacun est une formule qui conduit à l'indivisibilité
du dommage(18), « Pourquoi le dommage est-il indivisible ?
Tout simplement parce qu'il est produit par chaque faute pour le tout
>>(19). De même, l'indivisibilité de la
faute ou le fait dommageable conduit aussi à l'indivisibilité du
dommage, car on envisage la faute ou le fait dans ses conséquences dans
le dommage.
(8) Req., 10 novembre 1890, D. 1892.1.8 ; Caen, 5 mars 1894, D.
1895.2.329; Cass. Civ., 26 octobre 1931, D.H. 1931.569 ; Riom, 30 novembre
1931, D. 1932.2.81, note J. Loup ; Paris, 22 mai 1939, D.H. 1939.344.
(9) Req., 17 mars 1902, D. 1902.1.541 ; Paris, 28 mal 1900, D.
1902.2.453, G.P. 1900.2.22l ; Colmar, 21 juin 1932, G.P. 1932.2.640.
(10) J. Français, thèse précitée,
page ; Savatier, op. cit., no 488, p.51 « Chacune
des fautes contenant, en effet, en puissance, la totalité du
préjudice ... >> ; Aubry et Rau note 14 p.33;
Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., tome II, no 1305
«... celui qui paie le tout,..., ne paie que ce qu'il doit
personnellement...>> ; Capitant, note D. 1903.1.401 ; H. Baudin,
op. cit., no 15.
(11) Cass. Civ., 11 juillet 1892, D., 1894.1.561, S.,
1892.1.505 et la note de Levillain ; Dans le même sens, infra
no 217
(12) Lafay, thèse précitée, p. 158
(13) Supra no48.
(14) Supra nos 48 et s.
(15) Req., 9 déc. 1929, D.H. 1930.117 ; - 3 fév.
1930, Gaz. Pal. 1930.1.728 ; - 2 juin 1930, D.H. 1930.377 ; - 12 nov. 1940,
D.A. 1941.j.37, Gaz. Pal. 1941.1.5.
(16) Req., 19 juin 1929, Gaz. Pal. 1929.2.567 ; - 11 déc.
1929, Gaz. Pal., 1930.1.300 ; - 9 mars 1942, S.J. 1942.II.1930, 2e
espèce, note Bastien.
(17) Req., 23 mars 1927, D. 1928.1.76 et la note de Savatier
; - 19 juin 1929, D. 1930.1.169, Gaz. Pal., 1929.2.567 ; - 11 déc. 1929,
Gaz. Pal, 1930.1.300 ; - déc. 1929, D.H. 1930.117 ; - 2 juin 1930, D.H.,
1930.377 ; - 25 fév. 1935, D.H., 1935.161, Gaz. Pal., 1935.1.659 ; - 9
mars 1942.
(18) Colin et Capitant, Traité de droit
civil, t. 2 n° 128, p. 114 ; Chabas, thèse précitée,
page 22.
(19) H. et L. Mazeaud, op. cit., no 1945,
p. 788 ; Josserand, op. cit., 3 éd., t. II, no
785
86 - Pour quelques-uns l'obligation au tout fondée sur
l'indivisibilité pendant le 19e siècle n'est qu'un cas
de la solidarité(20), la cour de cassation a maintes fois
fondé la solidarité sur l'indivisibilité(21).
À son tour, J. Français(22), après avoir
démontré que l'idée de l'indivisibilité n'est pas
compatible avec la solidarité, dit que le fondement de l'obligation
in solidum est l'indivisibilité du dommage ou
l'impossibilité de répartir la dette entre les coauteurs. J.
Vincent, Baudry-Lacantinerie et Barde admettaient l'obligation in solidum
lorsqu'il y a impossibilité de déterminer la part de chacun
des coauteurs dans le fait dommageable(23). Mais, d'un autre
côté, cette impossibilité de déterminer la part de
chacun dans le fait dommageable se range sous la communauté de
résultat car elle conduit à l'indivisibilité du dommage
que Vincent admettait comme le fondement d'une condamnation
solidaire(24).
87 - Pour mettre fin à la confusion entre la
solidarité et l'indivisibilité, Alain Prothais
propose(25), de ranger l'indivisibilité sous la
solidarité en la nommant solidarité naturelle qui est
l'obligation in solidum. Quant à Marty et
Raynaud(26) cette indivisibilité ne sert pas comme fondement
surtout que le solvens a un recours contre les autres coauteurs, d'ou
il est nécessaire de revenir à la théorie de la
solidarité imparfaite que certains auteurs contemporains(27)
essayent de réactiver.
88 - Quoique la solidarité se fonde au cours d'une
époque précédente sur l'indivisibilité, cette
dernière est le fondement de l'obligation au tout car elle n'est pas
conforme avec la solidarité(28). Pour quelles raisons : Cette
idée d'indivisibilité explique que lorsque le dommage est le
résultat de plusieurs faits et que chaque fait était
nécessaire dans la réalisation du dommage, ce fait est la cause
totale du dommage. L'auteur de ce fait serait donc responsable de la
réparation totale du dommage selon l'article 1382 Code
civil(29).
(20) Holleaux, D.C. 1941.128.
(21) Savatier, op. cit., no 490, p, 53.
(22) J. Français, thèse précitée,
page 120 et 121.
(23) J. Vincent, op. cit., nos 16 et 23 page
620 et 626 ; Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., no
1306.
(24) Supra no 48
(25) Alain Prothais, D. 1987, Ch. LXII, p. 237.
(26) Marty et Raynaud, Les obligations, t. II, n° 128, p.
114.
(27) Ph. Le Tourneau, Rep. Dalloz, Yo
solidarité ; Malaurie Philippe et Aynès Laurent, tome VI,
10e éd., n° 1174, p.713; Pierre Raynaud, op. cit.,
n° 2, p. 318; Terre, Simler, Lequette, 8e éd., no
1261, p. 1170 ; Cf. Cass. Civ. 3e, 10 mai 1968, Bull. civ. II, no
208, D. 1968.Somm.111; - 17 juillet 1968, JCP éd. G.,
1969.II.15932 et la note de Prieur ; - 30 mai 1969, Bull. civ. III, no
446, RTDC 1970, p. 168, obs. Loussouarn.
(28) Chabas, thèse précité ; Charles
Beudant, op. cit., no 870, p. 649.
(29) Lafay, thèse précitée, page 113 ;
Demolombe, Traité des contrats, tome III, no 280;
Colmet de Santerre, tome V, no 135 bis3 ;
Sourdat, no 473 ; Baudry-Lacantinerie et Barde,
Précis de droit civil, 6e édit., tome II,
no 219 ; Aubry et Rau, Droit civil
français, 4e édit., tome IV,
§ 298 ter, p. 23, note 14 ; J. Français, thèse
précitée, page 100 ; Chabas, thèse précitée,
page 67 ;
Rodière, thèse précitée,
no 50.
89 - Donc l'obligation au tout provient de l'article 1382 et
la solidarité vient se superposer à l'obligation au tout chaque
fois « qu'à l'idée de l'indivisibilité du
résultat s'ajoutait celle de complicité ». L'obligation
au tout n'est que la règle dans le droit commun et la solidarité
n'est qu'un supplément, une sanction qui s'ajoute à la
condamnation au total. Elle repose sur l'entente ou sur la complicité.
Donc elle s'appuie sur l'idée subjective car la jurisprudence asseyait
à une époque déterminée la solidarité sur
l'article 55 du code pénal. En outre, l'admission de
l'indivisibilité comme fondement d'une condamnation solidaire a
été fortement critiquée. L'impossibilité de
division dans l'indivisibilité est naturelle, dans la solidarité
elle procède de la volonté des partis ou de la
loi(30). Il en est de même que l'indivisibilité
réglée par le code civil est différente que celle
utilisée comme fondement de l'obligation au tout.
L'indivisibilité légale provient de l'indivisibilité de
l'objet de l'obligation, mais l'indivisibilité de l'obligation au tout
est en vertu de sa cause.
90 - Donc, la division de la jurisprudence en quatre
étapes(31), comme point de repère, pour marquer
l'évolution de la solidarité en matière
délictuelle, n'est en aucun cas acceptée. Il faut diviser la
jurisprudence entre deux phases, la première se rattache à la
solidarité fondée sur le critère subjectif, qu'il
était tenu en matière de délits qu'en matière de
quasi-délits (32). Et la deuxième concerne l'obligation au tout
lorsque le fondement de la solidarité était
l'indivisibilité.
91 - Par conséquent, l'idée de
l'indivisibilité a été lancée depuis 1825 par la
cour d'Aix(33) qui a déclaré que « Si, par la
manière indivisible dont le dommage s'effectue et par le résultat
d'une faute particulière et commune, le fait de chacun devenant le fait
de tous et le fait de tous étant le fait de chacun, per totum et
totaliter, cette solidarité est conforme aux principes du droit
». Cette idée a servi à justifier la condamnation au tout
par le fait dommageable indivisible(34), ou l'impossibilité
de déterminer la part de chaque coauteur dans la réalisation du
dommage(35), ou l'indivisibilité de la faute(36),
malgré la confusion de quelques arrêts entre
l'indivisibilité du dommage et l'indivisibilité de
l'obligation(37).
(30) Supra no 53.
(31) Supra no48
(32) Req., 12 janvier 1863, D. 1863.1.302. «La
solidarité est la peine du quasi-délit qui a été
commis » ; infra nos 35 et 38
(33) Aix, 14 mai 1825, sous Req., 11 juillet 1826, D.
1826.1.424.
(34) Aix 14 mai 1825, précité ; Aix 1 mars
1826, D. 1827.1.228 ; Cass. Civ., 8 nov. 1836, D. 1836.1.411 ; Cass. Civ., 4
mai 1859, D. 1859.1.314 ; Cass. Civ., 16 mai 1892, D. 1892.1.348 ; Cass. Civ.,
15 juillet 1895, D. 1896.1.31 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D. 1897.1.21 ; Cass.
Civ., 12 février 1879, D. 1879.1.281 ; Req. 23 mars 1927, D. 1928.1.73 ;
Req., 19 juin 1929, G.P. 1929.1.567.
(35) Cass. Civ., 11 juillet 1826, D. 1826.1.424, S.
1826.1.138 ; Cass. Civ., 3 mai 1827, S. 1827.1.435, D. 1827.1.230 ; Caen, 23
mai 1873, D. 1875.2.41 ; Aix, 11 janvier 1873, D. 1874.2.68 ; Angers, 10 mars
1875, D. 1876.2.14 ; Cass. Civ., 12 février 1879, D. 1879.1.281 ; Cass.
Civ., 6 février 1883, D. 1883.1.451 ; Douai, 4 mai 1891, D. 1893.2.39 ;
Cass. Civ., 11 juillet 1826, S. 1826.1.138 ; Cass. Civ., 22 juillet 1892, D.
1892.1.335 ; Cass. Civ., 15 juillet 1895, D. 1896.1.31 ; Paris, 7 avril 1898,
D. 1898.2.501 ; Cass. Civ., 31 mars 1896, D. 1897.1.21 ; Cass. Civ., 10
novembre 1897, D. 1898.1.310 ; Cass. Civ., 24 janvier 1898, D. 1899.1.109 ;
Cass. Civ., 31 janvier 1899, D. 1899.1.300 ; Cass. Civ., 14 février
1898, D. 1900.1.73 ; Req., 23 mars 1927, D. 1928.1.76, et la note de Savatier ;
- 19 juin 1929, D. 1930.1.169, Gaz. Pal. 1929.2.567 ; - 11 déc. 1929,
Gaz. Pal.
92 - Il en résulte que la justification d'une
condamnation solidaire par l'idée de communauté de
résultat n'a aucune liaison avec la solidarité. Cette idée
se rattache à l'obligation au tout parce que le fondement de
l'obligation au tout était un fait dommageable
indivisible(38) ou bien l'impossibilité de déterminer
la part de chaque coauteur(39).
93 - En conséquence, la communauté de
résultat concerne l'obligation au tout donc l'obligation in
solidum, vu la similarité entre les deux expressions qui ont
été employées ensemble par plusieurs
arrêts(40).
C'était l'évolution de l'obligation in
solidum avant 1939. Après 1939 l'utilisation de l'expression in
solidum a supprimé tout doute sur sa consécration.
B - APRÉS 1939
94 - La première fois que la cour de cassation a
utilisé le terme in solidum c'était le 4 décembre
1939(41) en déclarant « que chacun des coauteurs
d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit
être condamné in solidum à la réparation de
1'entier dommage, chacun des fautes ayant concouru à le causer tout
entier «». Cet arrêt rendu par la cour de cassation
n'était pas isolé, dès le dix-neuvième
siècle, des cours d'appels ont laissé conjecturer cette solution
en condamnant in solidum(42). Le terme fut encore
réemployé par la cour de cassation le 21 décembre
1943(43) qui a censuré la cour
1930.1.300 ; - déc. 1929, D.H. 1930.117 ; - 2 juin 1930,
D.H., 1930.377 ; - 25 fév. 1935, D.H., 1935.161, Gaz. Pal., 1935.1.659 ;
- 9 mars 1942.
(36) Req., 9 déc. 1929, D.H. 1930.117 ; - 3 fév.
1930, Gaz. Pal. 1930.1.728 ; - 2 juin 1930, D.H. 1930.377; - 12 nov. 1940, D.A.
1941.j.37, Gaz. Pal. 1941.1.5.
(37) Req., 3 mai 1827, S. 1827.1.435, D. 1827.1.230 ; Aix 19
nov. 1878, D. 1879.2.219.
(38) Req., 20 juillet 1852, D. 1852.1.247, S. 1852.1.689 ; Req.,
28 mai 1889, D. 1900.1.414 ; Civ. 11 juillet 1892, D. 1894.1.561, note
Levillain, S. 1892.1.505.
(39) Alger 15 mars 1890, D. 1894.1.513 ; Nîmes, 30
avril 1895, D. 1895.2.334; Douai 31 juillet 1897, D. 189q.2.211 ; Douai 25
janvier, 1897, D. 1897.2.319; Civ. 11 juillet 1892, D. 1894.1.513, note
Levillain, S. 1892.1.508; Req., 23 mars 1927, D. 1928.1.476, note Savatier.
(40) Alger 15 mars 1890, D. 1894.1.513 ; Nîmes, 30
avril 1895, D. 1895.2.334 ; Douai 31 juillet 1897, D. 189q.2.211; Amiens 5
décembre 1933, D.H. 1934.75 ; Nîmes 5 novembre 1934, G.P.
1934,2.816; Paris 21 novembre1923, G.P. 1924.1.187, et 23 juillet 1932, G.P.
1932.2.423 ; Nîmes, 5 novembre 1934, G.P. 1934.2.816 ; Pour des
fautes délictuelles et contractuelle : Civ., 1re février
1937, D.P. 1937.1.41, note R. Roger ; Amiens 5 juin 1935, D.H. 1935.481 ; Civ.
20 mai 1935, D.H. 1935.394 ; Pour le concours de fautes contractuelles
: Grenoble, 24 décembre 1935, G.P. 1936.1.424.
(41) Cass. Civ., 4 décembre 1939, D.C. 1941.125, et la
note de Holleaux.
(42) Aix, 19 novembre 1878, D. 1879.2.219; Nîmes 30
avril 1895, D. 1895.2.334; Alger, 15 mars 1890, D. 1894.1.513 ; Douai, 31
juillet 1897, D. 1899.2.211 ; Douai, 25 janvier 1897, D. 1897.2.319; Paris, 21
novembre 1923, G.P. 1924.1.187 ; Nîmes, 20 juin 1930, G.P. 1930.225 ;
Paris, 23 juillet 1932, G.P. 1932.2.423; Amiens 5 décembre 1933, D.H.
1934.75 ; 5 novembre 1934, G.P. 1934.2.816 ; Saumur, 15 février, 1935,
G.P. 1935.1.766.
(43) Cass., 21 décembre 1943, D.C. 1944.38, et la note
de P.L.-P, JCP 1945.2.2779, et la note de André Besson ;
RTDC 1944, no 10, p. 114, obs. Mazeaud H. et L.) et dans tous les
arrêts qui suivent la cour de cassation censurait les cours d'appels (
Cass. com., 10 mai 1948, D. 1948.407,
JCP 1949.II.4937, note de M. Bastian ; Cass. Crim., 26 avril 1952, D.
1953.somm.33 ;
Cass. Com., 30 déc. 1952, D.
1953.183; Cass. civ. 1re, 24 fév. 1954, Bull. civ. I,
no 74, JCP 1954.IV.50 ;
Cass. Com., 6 mars 1957,
d'appel qui employait le terme solidarité tandis qu'il
s'agissait d'une obligation in solidum. Mais d'un autre
côté la cour de cassation, dans des arrêts
postérieurs, ne censurait pas les arrêts qui employaient le terme
solidarité à la place d'in solidum si cette erreur
terminologique n'a aucune incidence sur les effets de
l'obligation(44).
95 - Jusqu'à maintenant, l'évolution
présentée s'attache aux délits et quasi-délits
civils, mais l'extension de l'obligation in solidum ne s'est pas
arrêtée. D'abord une responsabilité sans faute fut
détectée par la jurisprudence qui est la responsabilité du
fait des choses. Dans un premier temps, la jurisprudence l'asseyait sur la
présomption de faute(45), et dans un deuxième temps
sur une présomption de responsabilité(46). Elle
devient une responsabilité de plein droit qui ne peut être
détruite que par la preuve d'un cas fortuit ou de la force majeur ou par
une cause étrangère qui revête le caractère de la
force majeure : imprévisible, extérieure et
irrésistible(47).
96 - Parfois le fait d'un tiers ne présente pas le
caractère de la force majeure, dans ce cas, le gardien est responsable
intégralement ou partiellement. Selon Baudin (48) comme la
condamnation in solidum dans la responsabilité pour faute se
fonde sur l'article 1382 C. civ., il en est de même en matière de
la responsabilité du fait des choses, elle se fonde aussi sur l'article
1384 al.1 du Code civil. Il suffit un fait de la chose pour la
réparation entière. Il y a donc similarité entre les deux
articles 1382 et 1384 al.1, toutes les deux déterminent le fait et non
pas son étendue. À partir de ce jugement la jurisprudence n'a pas
assigné au gardien coauteur une part de la réparation, mais l'a
condamné in solidum. Le 29 novembre 1948 la cour de cassation
déclara que « « les gardiens, qui répondent du fait
de leurs véhicules entrés en collision, sont
présumés coauteurs et responsables in solidum de
l'accident « », sur le fondement de l'article 1384 al. 1(49).
97 - L'évolution présentée cantonne
l'obligation in solidum dans le domaine de la responsabilité
pour faute et dans la responsabilité sans faute. Cependant, parfois le
dommage est généré par des faits fautifs et des faits non
fautifs, l'un des auteurs est tenu sur le fondement de la responsabilité
de faute et l'autre sur celui de la responsabilité sans faute,
G.P. 1957.2.5 ; Civ. 1re, 16 janv. 1962,
JCP 1962.II.12557, note de P. Esmein, D. 1962.199 et la note de
Rodière ; Civ. 1re, 14 déc. 1964, JCP
1965.II.14175, note de G.L.V. ; Civ. 2e, 18 janv. 1973, JCP
1973.II.17545.
(44) Cass. Civ. 1re, 13 nov. 1967, D. 1968.97,
note de Y. Lambert-Faivre ; Cass. Civ. 3e, 22 mars 1968, G.P.
1968.2.167; Cass. Civ. 3e, 17 juillet 1968, Bull. civ. III,
n° 347 ; Ch. mixte, 26 mars 1971, JCP 1971.II.16762 et la note de
Lindon « les juges d'appel, qui étaient saisis d'une demande de
condamnation in solidum, ont nécessairement, bien que par un
emploi impropre du terme, entendu prononcer l'obligation in solidum
qui pèse sur les coauteurs d'un même dommage ».
(45) Arrêt Teffaine, Cass. Civ., 16 juin 1896,
D.1897.1.433.
(46) Arrêt jeand'heur, Ch. réunies, 13
février 1930, D. 1930.1.57.
(47) Cass. Civ., 19 juin 1934, S. 1935.I.28
(48) H. Baudin, La responsabilité en
matière délictuelle corréalité ou
solidarité, JCP éd.G.1943, I, 349.
(49) Civ., 29 novembre 1948, D. 1949.117, note de H. Lalou ;
Dans le même sens Civ. 2e, 14 mars 1958, Bull. civ.
II, no 202; Civ. 2e, 14 février 1962, G.P.
1962.1.430 ; Civ. 1re, 16 juin 1965, JCP 1966.II.14649,
note J. Bigot ; Civ. 2e, 15 nov. 1972, D. 1973.533 et la note de F.
Chabas.
donc les deux articles 1384 al.1. et 1382 devront être
retenus. En premier lieu, la cour de cassation refusait de condamner in
solidum le coauteur gardien à cause de l'impossibilité d'un
recours contre l'autre auteur qui n'est pas fautif(50).
C'était en matière de transport
bénévole(51) que le problème a commencé
et n'a pas longtemps duré. Un arrêt de la chambre mixte en
1968(52) déclara que «tout responsable d'un dommage
en est tenu à la réparation intégrale, tant sur le terrain
de l'article 1382 que sur celui de la responsabilité de droit de
1'article 1384 ».
98 - La progression de l'obligation in solidum ne
s'arrêta pas au niveau des délits civils, elle franchit vers
d'autres domaines. Elle est admise entre gardiens d'animaux(53),
ainsi entre gardiens des véhicules entrant en collision et causant
dommage à un tiers(54).
99 - Il en est de même lorsque l'un des auteurs est
responsable délictueusement et l'autre contractuellement(55),
ou tous les deux sont responsables d'un même contrat sans une stipulation
établissant la solidarité(56), ou chacun des auteurs
est responsable en vertu des contrats distincts(57).
100 - D'ailleurs, le responsable civilement est tenu d'une
obligation in solidum, à l'exception de la
responsabilité des pères et des mères (article 1384
ale. 4 C. civ.)(57). Elle atteignait aussi l'obligation
de l'assureur et l'auteur du dommage(58). La victime peut demander
la réparation du dommage de l'auteur ou de son assureur qui est
obligé à réparer dans la limite de la somme
désignée dans le contrat d'assurance.
101 - La qualification d'obligation in solidum a
été retenue relativement pour les obligations alimentaires qui
sont à la charge du père et de la mère concernant la
nourriture, l'entretien et l'éducation des enfants d'après
l'article 203 C. Civ. En effet, le débat n'est pas
(50) Civ. 2e, 9 mars 1962, JCP
1962.II.12728, note P. Esmein, D. 1962.625, note R. Savatier, S. 1963.II note
Meurisse; RTDC 1962.625, obs. de M. Tunc.
(51) Infra, no138.
(52) Ch. Mixte, 20 déc. 1968, D. 1969.37, conclusions
Schmelck, JCP 1969.II.15756.
(53) Cass. Crim., 11 juillet 1974, Bull. crim.,
no 256.
(54) Cass. Civ., 1re juin 1939, D.H. 1939.449 ; Cass.
Civ. 2e, 15 nov. 1956, G.P. 1957.1.149 ; Cass. Civ. 2e,
30 juin 1961, JCP 1961.II.12386, note de P. Esmein ; Cass. Civ. II, 17
nov. 1976, JCP 1977.II.18550.
(55) Req., 2 juin 1930, D.H. 1930.337 ; Cass. Civ., I, 12 juin
1954, D. 1954.558 ; JCP 1954.II.8225 ; RTDC 1954.655, obs. H.
et L. Mazeaud ; Cass. Civ. I, 7 octobre 1958, D., 1958.763 ;
Cass. Com., 3 janvier 1964, Bull.
civ. III, no 4.
(56) Entre époux co-vendeurs, Cass. Civ. 14 mai 1959, D.
1959.somm.105 ; Entre une société et son représentant,
Cass. Civ. I, 28 mars 1995, Bull. civ. I, no 146, G.P.
1995.pan.224 ; Entre co-vendeurs : Cass. Civ. 1re, 26 mars 1996,
Bull. civ. I, n° 154.
(57) Cass. Civ. I, 18 avril 1989, Gaz. Pal, 1990.Somm.ann.10,
obs. F. Chabas ; Com., 8 janv. 1991, RTDC 1991.528, oba. Mestre ;
Entre deux entrepreneurs : Cass. Civ. 1re, 9 nov. 1960,
1re arrêt, Gaz. Pal. 1961.1.83 ; Cass. Civ. 1re, 18
avril 1989, G.P. 1990.somm.10, obs. F. C.
(57) Cass. Civ. 2e, 21 janv. 1954,
Bull. civ. 2e, no 25 ; JCP 1954.IV.30 ; Paris, 4
déc. 1958, G.P. 1959.1.72 ; Civ. 1re, 17 juillet 1979, D.S.
1980.IR.114 ; Com. 25 mai 1993, Bull. civ. IV, no 210.
(58) Civ., 23 mai 1944, G.P. 1944.2.81 ; RTDC 1945.272,
obs. H. et L. Mazeaud ; Civ., 22 nov. 1948, S. 1949.I.19 ; Civ. 2e,
29 mars 1963, Bull. civ. II, n° 301 ; Civ. 2e, 18 janvier
1973, JCP 1973.II.17545, note M. A.
clos, l'obligation in solidum en matière
d'obligations alimentaires n'a pas été accepté d'une
manière définitive(59).
Après avoir exposé cette évolution, on
révèle, et selon les faits présentés devant les
tribunaux, qu'une brèche a été décelée lors
des applications des règles. L'obligation in solidum vient de
la satisfaire en matière délictuelle mais ne s'arrête pas
à ce niveau, elle devrait franchir d'autres obstacles surtout
lorsqu'elle acquiert son autonomie.
§ 2 : L'OBLIGATION IN SOLIDUM UNE INSTITUTION
AUTONOME
La formulation d'une théorie générale
d'obligation in solidum évoluait dans la jurisprudence qui
déterminait ses limites et ses conditions après plusieurs
arrêts en l'espèce. Elle devient une institution autonome qui se
distingue de la solidarité ayant son propre domaine et ses propres
conditions.
A - LA DISTINCTION ENTRE L'OBLIGATION IN SOLIDUM ET LA
SOLIDARITÉ
L'obligation in solidum est-elle une institution
différente de la solidarité ? Les romanistes ont
considéré que chaque institution est distincte de l'autre par sa
structure. La solidarité se caractérise par l'unité
d'objets et de pluralité de liens, tandis que l'obligation in
solidum est plurale par les objets et les liens(60).
102 - Certains auteurs du XXe siècle
considèrent qu'il n'y a qu'un seul type de
solidarité(61), refusant l'obligation in solidum,
manque d'appui légal. Les partisans de l'obligation in solidum
rétorquent que c'est une institution qui ne déroge pas au
droit commun(62), son existence est un état de pur fait,
<<c'est une institution plus logique que juridique »(63).
C'est une responsabilité naturelle qui résulte de la force des
choses, chaque cause est la cause totale du dommage, de la nature même du
rapport juridique(64), c'est une responsabilité qui <<
a lieu indépendamment de toute disposition de la loi ; elle a lieu
par la force même des
(59) Cass. Civ. 1re, 17 mars 1964, Gaz. Pal.
1964.2.56 cet arrêt montre que le débiteur poursuivit peut
demander la réduction de son montant ; Cf. J. Mester et M-E
Tian-Pancrazi, op. cit., J-Cl. civ. art. 1197 à 1216 ; Ph. Le
Tourneau, Rep. Dalloz, op. cit., n° 181.
(60) Infra nos 199 et s.
(61) Colin et Capitant, Traité de droit
civil, 9e éd., tome II, no 705; Josserand,
op. cit., 3e éd. tome II, nos 771 et 779
; Planiol et Ripert, op. cit., n° 903 ; H. et L. Mazeaud,
Traité théorique et pratique de la responsabilité
civile délictuelle et contractuelle, tome II, 4e
éd., no 1962, p.806 ; P. raynaud, op. cit., in
Mélanges J. Vincent, p. 317.
(62) Savatier, op. cit., no 488 p. 45 ;
J. Vincent, op. cit., RTDC 1939, p. 668.
(63) Chabas, thèse précitée, p. 23.
(64) Marty et Raynaud, t. II, no 797.
choses, par la nécessité des situations
lorsqu'en effet il sort de ces situations une obligation telle, par sa propre
constitution, que plusieurs s'en trouvent tenus chacun pour le tout
»(65).
103 - Pour juger si l'obligation in solidum est une
espèce de solidarité ou non. Il faut prendre en
considération la structure et le fondement de chaque institution. Si
l'obligation in solidum a le caractère de l'unité
d'objet et de pluralité de liens(66) sa structure est donc
similaire à celle de la solidarité. Et si elle a la structure de
pluralité d'objets et de liens, elle diffère donc de la
solidarité. Mais cela ne suffit pas à décider, il y a
encore le fondement donné. Trois fondements on été
donnés à l'obligation in solidum :
l'indivisibilité du dommage, la causalité totale et la garantie.
Le premier et le deuxième fondement ne sont en aucun cas compatible avec
le fondement de la solidarité. L'obligation solidaire est divisible, et
le fondement de la solidarité, qu'il soit la sûreté ou la
garantie, est loin de l'idée d'indivisibilité ou de la
causalité totale. Cette attitude d'expliquer l'obligation in
solidum, selon ces deux fondements, ne justifie pas le recours du
solvens contre les autres coauteurs, celui qui paie la dette, paie ce
qu'il doit.
Reste le troisième fondement qui est la garantie.
Chaque coauteur est responsable d'une part et garant de la part des autres
coauteurs. Aujourd'hui les auteurs qui donnent à l'obligation in
solidum la garantie comme fondement la range sous la tutelle de la
solidarité(67). Mais pour ces auteurs la garantie est le
droit de la victime à une réparation intégrale, alors avec
la solidarité la garantie est réciproque entre les
codébiteurs.
104 - D'autres auteurs moins hostiles à l'obligation
in solidum proposent d'admettre la solidarité imparfaite. Mais,
d'un autre côté l'admission de la solidarité pose une
question : comment devrait-t-on régler le problème de la
détermination de la part de la réparation incombant à
chaque coauteur ? Le dommage sera réparti pro
parte(68) entre eux comme en matière de
solidarité ou bien selon un autre mécanisme(69). Sans
aucun doute, le problème est subtile et nécessite une
étude plus approfondie. Il ne faut pas oublier qu'en matière de
responsabilité il y a le lien de causalité, le comportement des
auteurs ainsi que le dommage. Dans une étude récente Marc Mignon
a essayé de formuler une seule théorie de l'obligation au tout en
rangeant sous ce titre la solidarité et l'obligation in
solidum. Cependant, et attendant les répercussions de la
thèse de Mignon, la structure de la solidarité et celle de
l'obligation in solidum telle que adoptées, sûrement,
marque une différence entre elles. Même si quelques auteurs
estiment que l'obligation in solidum n'est qu'une
variété de la solidarité
passive(70).
(65) Demolombe, op. cit., t XXVI, n° 295.
(66) Sur la doctrine de l'unité d'objet et
pluralité de liens, infra nos 196 et s.
(67) Infra nos 224 et s.
(68) Marc Mignon, thèse précitée.
(69) Infra no.309 et s.
(70) MALAURIE et AYNÈS, op. cit., no
1165
La solidarité diffère de l'obligation in
solidum par sa source et par les effets appliqués à chaque
institution.
105 - a) Source : La source de la
solidarité, en matière civile est la volonté des partis ou
celle de la loi, ce qui lui attribue un domaine restrictif. En opposition,
l'obligation in solidum est une institution jurisprudentielle, ce qui
lui confère une élasticité. Apparemment, l'obligation
in solidum est confirmée dans les terrains où la
solidarité ne peut pas être établie. Pouvons-nous dire que
l'obligation a comblé plusieurs lacunes.
106 - L'obligation in solidum est admise lorsque l'un
des coauteurs est tenu délictueusement et l'autre
contractuellement(71). Par exemple, entre un entrepreneur et son
sous-traitant(72), ou tiers complice dans la violation d'un
contrat(73), ou un tiers créant une apparence trompeuse pour
l'un des contractants(74). C'est le cas également lorsque
l'assureur est condamné à réparer le dommage causé
par son assuré. L'assureur est tenu contractuellement et l'auteur du
dommage est tenu sur la base de la responsabilité commune.
107 - Itou, l'obligation in solidum est
appliquée aux débiteurs tenus par des contrats distincts. Une
clinique et un médecin condamnés in solidum à
indemniser le malade(75), Un architecte et un entrepreneur tenus
à dédommager le maître de l'ouvrage(76), ou bien
deux entrepreneurs dont chacun était tenu par un contrat distinct de
l'autre auront été condamnés in solidum à
l'égard du maître de l'ouvrage(77).
Au demeurant, l'obligation in solidum fut admise
encore entre coauteurs tenus chacun sur des bases différentes, l'un est
tenu sur le fondement du fait d'autrui l'autre sur le fondement du fait des
choses ou bien l'un est tenu personnellement l'autre en sa qualité
gardien ou responsable du fait d'autrui(78).
108 - b) Effets : Les effets
secondaires de la solidarité reposant sur la représentation
mutuelle ne sont pas applicables à l'obligation in solidum. Pas
de communauté d'intérêt,
(71) Cass. Civ. 29 nov. 1948, D. 1949.117, note H. Lalou ; Cass.
Civ. 1re, 7 oct. 1958, D. 1958.763 ; Cass. Civ. 3e, 5
déc. 1972, D. 1973.401, note J. Mazeaud.
(72) Cass. Civ. 1re, 26 mars 1996, Bull.
civ. I, n° 154.
(73)
Cass. Com. 27 oct. 1992, D. 1992.505, note
A. Benabent ; - 15 mars 1994, Bull. civ. IV, n° 108 ; 18 oct. 1994,
ibid. IV, no310.
(74)
Cass. com., 17 oct. 1995, D. 1995, IR 236,
loueur de fonds de commerce responsable solidairement des dettes du
locationgérance envers un fournisseur mis en confiance par les
excellentes relations qu'il entretenait avec le premier.
(75) Cass. Civ. I, 1re juin 1976, JCP
1976.11.18483 ; C.A. Paris, 15 juin 1954, D. 1954.649 ; Civ. 2e, 21
avr. 1982, D. 1983, IR 497.
(76) Cass. Civ. 1re, 14 oct. 1958, Bull.
civ. I, no 42 6; Cass. Civ. 3e, 3 juill. 1996,
JCP 1997.11.22758, note Ph. le Tourneau.
(77) Cass. Civ., 1re, 9 nov. 1960, 1re
arrêt, Gaz. Pal. 1961.1.83.
(78)
Cass. Com., 25 mai 1993, Bull.
civ. IV, no 210 ; Cass. civ. 3e, 13 juin 1990, Bull.
civ. III, no 148.
entre les débiteurs, justifiant la représentation
de l'un d'eux à l'égard du créancier. Les effets de
l'obligation in solidum seront étudiés
postérieurement d'une façon détaillée.
L'autonomie, de l'obligation in solidum, impose des
conditions nécessaires pour que la cour puisse la prononcer contre les
coauteurs.
B - LES CONDITIONS DE L'OBLIGTION IN SOLIDUM
Notre thème est limité à l'étude de
l'obligation in solidum en matière de délits civils.
Nous exposerons seulement les conditions dans cette optique.
Le dommage peut être la conséquence de plusieurs
fautes. Donc, les articles 1382 et 1383 du Code civil et les articles 122 et
123 du Code des obligations et contrats sont en cause, ou bien le dommage est
généré par les faits de plusieurs choses, ou l'un des
auteurs est tenu par sa faute et l'autre gardien d'un chose inanimée.
1o - La responsabilité pour
faute
109 - La condamnation in solidum a été
admise dans ce domaine qui en est son terrain
d'évolution(79). Mais quelles sont les conditions
nécessaires pour une condamnation in solidum. La cour de
cassation a déterminé les conditions dans l'arrêt de 1939 :
« Chacun des coauteurs, dit la cour, d'un même
dommage, conséquence de leurs fautes
respectives, doit être condamné in solidum à la
réparation de l'entier dommage, chacun des fautes ayant concouru
à le causer tout entier ».
D'après cette formule la condamnation in
solidum suppose un seul et même dommage généré
par plusieurs fautes délictuelles ou quasi délictuelles. Donc,
cette solution exige deux conditions, d'une part un dommage unique et d'autre
part plusieurs fautes.
110 - La première condition que suppose la condamnation
in solidum est un dommage unique(80), alors que
Demogue(81) étend la portée de l'obligation in
solidum dans le cas où les faits dommageables conduisent à
des dommages distincts. La jurisprudence, appelée à trancher sur
ce point, décide que les fautes des coauteurs doivent produire le
même dommage. Dans le cas où on peut attribuer le dommage à
l'une des fautes, la condamnation
(79) Derrida F., Rep. Dalloz, Yo
Solidarité, no 141 page31 ; J. Mestre et M.-E.
Tian-pancrazi, J-Cl civ., art. 1187 à 1216, obligations
conjointes et solidaires, fasc.3, no 25 ; Le TOURNEAU P., Rep.
Dalloz Yo Solidarité, no 168, page 20.
(80) J. Français, thèse précitée,
page 127 ; H. et L. Mazeaud, op. cit., no 1951, p. 793 et
794.
(81) Op. cit., t. IV, n° 776.
in solidum est écartée(82).
Un dommage unique causé par plusieurs faits est nécessaire.
Lorsque le dommage est causé par un seul fait, l'obligation in
solidum(83) ne sera pas retenue. La charge de réparation
ne doit pas être supportée par des fautes ne conduisant pas au
dommage.
111 - La faute de la part des coauteurs est la deuxième
condition exigée. Qu'elle soit une faute commune(84), ou des
fautes successives, la réparation intégrale s'impose à
l'un des coauteurs(85).
112 - La gravité de la faute n'est en aucun cas
sollicitée. Il se peut que le coauteur poursuivi pour la
réparation du dommage, ait commis une faute lourde ou une faute
légère. Il suffit qu'un rapport de causalité entre la
faute de l'auteur et le dommage existe pour qu'on l'assigne le
désintéressement de la victime. Auparavant, la jurisprudence
exigeait une contribution totale de la part du coauteur pour qu'il soit tenu
in solidum(86), mais aujourd'hui le fondement de garantie
donné à l'obligation in solidum permet de condamner l'un
des coauteurs à réparer intégralement le dommage
même si sa contribution est partielle. La jurisprudence actuelle de la
cour de cassation précise que chacun des coauteurs << d'un
même dommage doit être condamné à le réparer
en totalité »(87). Et l'annonce de certains auteurs
du déclin de l'obligation in solidum n'a pas été
retenue. Reste aujourd'hui la règle en matière de délits
civils(88).
C'étaient les conditions d'une condamnation in
solidum pour la responsabilité pour faute. Quelles sont les
conditions pour une responsabilité sans faute.
(82) Paris, 19 janvier 1972, D. 1974.1.116, note de P.
Raynaud.
(83) Cass. Civ. 2e, 19 avril 1956, JCP
1956.II.9281.
(84) Cass. Civ. 1er, 22 janvier 1957, Bull
I, no ; Cass. Civ. 1re, 10 février 1959,
JCP. 1959.somm.31 ; Com., 6 mars 1957, G.P. 1959.2.5 ; Cass. Civ.
2e, 10 mai 1961, JCP 1967.somm.94.
(85) Cass. Crim., 14 décembre 1967, D.S. 1968.somm.47
; Cass. Civ., 2e, 1re février 1973, JCP
1974.II.17882 ; Cass. Civ. 3e, 23 janvier 1975, D.S. 1975 IR. 88 ;
Cass. Civ. 2e, 11 janvier 1979, Bull. civ. II,
no 19;
Cass. Com., 19 novembre 1996, Bull.
civ. IV, no 280 ; CA paris, 1re décembre
1995, JCP 1997.II.22760.
(86) Cass. civ. 2e, 19 avril 1956, D. 1956.1.538,
JCP 1956.2.9381, note P. Esmein << chacun des coauteurs dans
le cas de concours de plusieurs fautes peut être condamné à
réparer l'intégralité du dommage lorsqu'il a
contribué à son entière réalisation » ;
Dans le même sens : Cass. civ., 4 déc. 1939,
précité;
Cass. Com., 30 déc. 1952, D.
1953.183; Cass. civ. 2e, 26 juin 1953, JCP 1953, éd.
G.IV.122 ; Cass. Soc., 8 déc. 1960, Bull. civ. IV, n° 149;
Cass. Civ. 1re, 13 nov. 1967, D.S. 1968.97, note Y.
Lambert-Faivre.
(87) Com., l4 janv. 1997, Bull. Civ. IV,
no 16, p. 13 ; Cf. Civ., 12 mai 1966, Bull. Civ. II, n°
565, p. 404 ; Civ. I, 26 janvier 1970, Bull. Civ. I, no 35,
p. 28 ; Civ. II, 26.fév. 1970, Bull. Civ. II, no 75,
p. 57 ; Civ. II, 23 avri11971, JCP. Éd. G. 1972,17086, 3e
espèce, note J. BORÉ ; Civ. II, 2 avril 1979, Bull. Civ.
II, no 110, p. 78 ; Civ. 3e, 25 mars 1980, Bull.
Civ. III, no 69, P. 48 ; Soc, 12 mai 1982, Bull. Civ. V,
no 300, p. 223; Civ. II, 12 janv. 1984, Bull. Civ. II,
no 5, p.3 ; Civ. II, 15 juin 1983, JCP Éd. G.
1984.II.20274, note F. C. ; Civ. III, 5 déc. 1984, Bull. Civ.
III, no 206, p. 161 ; Civ. I, 28 mars 1995, Bull. Civ. I,
no 146, p. 104.
(88) Toulouse, 10 juin 2002, JCP 2003.IV.1712 ;
Dijon, 5 sept. 2002, JCP 2003.IV.1413.
2o - La responsabilité sans faute
113 - C'est le cas ou le dommage est causé par le fait
d'une chose ou d'un animal. Cette responsabilité est une
responsabilité de plein droit, l'auteur du dommage est tenu à
réparer le préjudice en dehors de toute faute. Quelle
était la position de la jurisprudence dans le cas ou le fait, de
plusieurs choses, produit le même dommage ?
Etant donné qu'il y a une différence entre les
règles du code civil et celles du code des obligations et contrat
libanais, ils seront analysées séparément.
a) - Code civil
114 - La responsabilité du fait des choses est une
responsabilité de plein droit, le gardien est responsable lorsqu'il y a
entre le fait de la chose et le dommage une relation de causalité. Au
cas de pluralité de gardiens la jurisprudence admet aussi l'obligation
in solidum. Le 29 novembre 1948(89) la cour de cassation a
décidé pour la première fois « que les gardiens
« sont présumés coauteurs et responsables in solidum de
l'accident « dont la réparation intégrale est à la
charge de l'autre et réciproquement ». Cette décision
était la première en l'espèce sur le fondement de
l'article 1384 al. 1re qui attribue la réparation totale du
dommage au gardien. Et les séries d'arrêts ont continué, le
gardien est tenu in solidum si la chose qui est sous sa garde est
l'une des causes du dommage(90), ou si plusieurs personnes ont la
garde de la même chose(91). Il suffit qu'il y ait une relation
de causalité entre le fait de la chose et le dommage, même si son
intervention n'a causé qu'une part du dommage.
b) - Code des obligations et contrats
115 - La responsabilité du fait des choses est
réglée par les articles 131, 132 et 133 du COC. Le code des
obligations et contrats vise le cas de plusieurs coauteurs gardien dans
l'article 137 COC. Mais comme déjà prouvé, cet article
n'est pas conforme avec la solidarité et concerne l'obligation in
solidum. Il n'y a donc aucun obstacle sur l'admission de l'obligation des
coauteurs gardiens in solidum. Ajoutons à cela qu'au Liban
l'article 132 du COC dispose que « Si plusieurs choses
inanimées ont concouru au dommage, et, par exemple, au cas de collision
entre automobiles, la responsabilité objective disparaît pour
faire place à la responsabilité de droit commun, basée sur
le fait personnel ». Cet article
(89) Civ., 29 novembre 1948, D. 1949.117, note de H. Lalou.
(90) Civ. II, 14 mars 1958, Bull. civ. II,
no 202 ; Cass. civ. II, 30 juin 1961, JCP éd. G
1961.II.12386, note P. Esmein ; Civ. II, 14 février 1962, G.P.
1962.1.430 ; Civ. I, 16 juin 1965, JCP 1966.II.14649, note J. Bigot ;
Civ. II, 15 nov. 1972, D. 1973.533 et la note de F. Chabas ; Civ. II, 17 nov.
1976, JCP éd. G 1977.II.18550, concl. Baudouin.
(91) Cass. Civ. II, 13 mars 1975, D. 1975.I.R.124, RTDC
1975, p. 543, obs. G. Durry ; Cass. Civ. II, 15 déc. 1980, D. 1981, p.
455, note Poisson-Drocourt ; Mayer, la garde en commun, RTDC 1975, p.
197.
s'applique sur le rapport entre gardiens et non pas sur le
rapport de la victime avec les coauteurs gardiens que chacun d'eux est
responsables pour le tout.
Parfois les coauteurs sont responsables sur des bases
différentes, l'un sur la responsabilité pour faute l'autre sans
faute. Dans ce cas l'obligation in solidum s'impose contre eux ou la
réparation se divise proportionnellement selon leurs parts
contributives.
3o #177; La responsabiité pour faute et celle sans
faute
116 - L'obligation in solidum est admise entre
coauteur chacun tenu sur des bases différentes. L'un sur le fondement de
la responsabilité personnelle l'autre sur le fondement de la
responsabilité du fait des choses. La victime peut poursuivre l'un
d'eux, chacun est tenu à réparer le dommage intégralement.
À plusieurs reprises la cour a estimé que le partage de
responsabilité entre les coauteurs n'affecte que les rapports entre eux
et non pas l'égard de la victime qui peut demander la réparation
totale sans qu'il y ait lieu de déterminer l'étendue de chaque
fait(92).
Après cette exposition de l'évolution de
l'obligation in solidum, le manque d'appui légal à cette
obligation la rend une institution instable donc, sujette à des
critiques parfois intransigeants, à la limite jusqu'à la
réclamation de son déclin.
SECTION II : CRITIQUE DE L'OBLIGATION IN SOLIDUM
117 - Les critiques avancées contre l'obligation in
solidum commencèrent en France dans les années cinquante. La
causalité partielle soutenue, par plusieurs auteurs, devenait
l'inspiratrice de la jurisprudence, mais dans certains cas
déterminés. En somme chacun doit supporter la part dont il est la
cause (sous-section 1 : la responsabilité partielle).
Récemment une thèse de doctorat a essayé de
présenter qu'un faux concept était adopté en
matière de solidarité et d'obligation in solidum, au
fond les deux institutions sont de même nature (Sous-section 2 : la
théorie de Mignon).
§ 1 : LA RESPONSABILITE PARTIELLE
118 - Un courant doctrinal estime que l'obligation in
solidum est tributaire de la théorie de
(92) Cass. Civ., 10 mai 1948, D. 1948.407 ; Cass.
Civ. II, 4 fév. 1981, Bull. civ. II, no 24 ; - 3
fév. 1983, Bull. civ. III, no 30 ; Cass. Soc. 8
déc. 1983, D. 1984.90, concl. Picca, JCP 1984.II.20220 et la
note de J. Le Calonnec et Bedoura ; Cass. Civ. I, 22 avr. 1992, Bull.
civ. I, no 127 ;
Cass. com., 14 janv. 1997, Bull
civ. IV, no 16.
l'équivalence des conditions. Elle n'est qu'un reflet
de la théorie de condition sine qua non(93).
119 - Cette théorie fut formulée par l'allemand
Von Buri qui écrivit que << La somme totale des forces qui ont
pris une part quelconque à la production du phénomène doit
être regardée comme cause de ce phénomène. Mais on
peut, avec le même droit, considérer chacune de ces conditions
isolement comme la cause de ce phénomène. Car l'existence de
celui-ci dépend à tel point de chacune d'entre elles que si l'on
supprime une seule condition le phénomène lui-même
disparaît. Par conséquent, c'est chaque condition qui communique
la vie à la masse sans elle inerte de toutes les autres conditions ;
chaque condition rend toutes les autres causales.
>>(94).
120 - En France c'est Marteaux et Guex qui ont adopté
le raisonnement de Von Buri. Le droit ne s'intéresse pas à la
cause des phénomènes, il cherche le lien qui unit le fait et le
résultat dommageable(95), << Y a-t-il entre l'acte
de A et le dommage subi par B une relation de cause à effet ? En
l'absence de l'acte le dommage eut-il été évité ?
L'acte a-t-il posé une condition du dommage ?
>>(96). Si la réponse est positive le fait est la
cause totale du dommage, par contre si elle est négative, il ne l'est
pas.
121 - Selon les partisans de l'équivalence des
conditions : chaque condition, sans elle le dommage n'aurait pas
été produit, est une condition sine qua non. Ce
raisonnement permet de faire supporter tout le dommage sur une seule cause sans
aucune détermination du degré de causalité, ou la mesure
de chaque fait dans le dommage.
La théorie de l'équivalence des conditions subit
des critiques à deux niveaux : la hiérarchisation qualitative et
la hiérarchisation quantitative. L'obligation in solidum est
inexplicable selon cette théorie, c'est une fausse équation de
retenir l'une des causes du dommage et de lui faire supporter la
totalité de la réparation, vu qu'elle a causé tout le
dommage.
A - LA HIÉRARCHISATION QUALITATIVE
122 - La déficience principale de la théorie de
l'équivalence des conditions est qu'elle permet de retenir les causes
antécédentes les plus éloignées même si elles
ne sont pas présentes lors de l'accident. Il est donc inconcevable de
faire supporter la réparation sur une
(93) P. Raynaud, note sous arrêts : Paris, 19 janvier
1972 et 30 mars 1973, D.1974.116 ; Ch. Larroumet, note sous cass. civ. I, 7
juin 1977, D. 1978.289 ; Pierre Raynaud, op. cit., in Mélanges
J. Vincent, p. 317 et s. ; Lambert-Faivre Yvonne, De la poursuite à
la contribution; quelques arcanes de la causalité, D. 1992, Chron.
LXIII.
(94) Von Buri, cité par Chabas, thèse
précitée, page 84.
(95) Marteau, La notion de causalité dans la
responsabilité civile, thèse Aix-marseille 1914, page 130 et
131 ; Guex, page 105.
(96) Marteau, ibid.
cause qui n'existe pas sur la scène de l'accident. Il
faut une hiérarchisation qualitative des causes du dommage. L'essentiel
de la théorie de l'équivalence des conditions est consacré
sur le lien entre le dommage et les causes du dommage et ne s'intéresse
pas sur la qualité des causes du dommage.
123 - Une théorie fut formulée par l'allemand
Von Kries(97) qui a essayé de remplir la brèche de la
théorie de l'équivalence des conditions par la procédure
d'hiérarchisation des causes du dommage : c'est la théorie de la
causalité adéquate.
Selon cette théorie une condition cause du dommage, est
une condition sine quibus non. Toutes les conditions sont mises sur un
plan d'égalité, pas d'avantage d'une cause sur les autres. Une
cause est retenue comme condition du dommage, est une cause qui, objectivement,
par son apparition unique, génère le dommage. Les conditions
fortuites sont éliminées, seules les conditions adéquates
sont prises en considération(98). Mais pour faire cette
discrimination il faut que le juge puisse connaisse le savoir nomologique et le
savoir ontologique.
Le savoir nomologique, qui est la connaissance de la loi de la
nature, permet de déterminer que telle cause est la condition qui
produit tel résultat. En effet, c'est la détermination
mathématique : telle cause produit tel effet.
Le savoir ontologique consiste à savoir les conditions
connues par l'agent ou l'auteur du dommage. Mais le critère de la
connaissance diffère d'un auteur à un autre. Il y a,
premièrement, le critère temporal. Von Kries présente un
critère subjectif qui consiste à isoler l'agent au moment de son
action, et de retenir toutes les conditions dont il avait connaissance ou qu'il
aurait pu connaître. Cependant, le système proposé par
Rümelin distingue entre les conditions antérieures à la
faute et les conditions postérieures. Les actes antérieurs
doivent être toujours pris en considération même si au
moment de l'acte l'agent ne les connaissait pas. Tandis que les conditions
postérieures, si elles sont prévisibles, doivent être
prises en considération. Deuxièmement, il y a le critère
de Thon qui estime que l'homme avisé est un critère de
connaissance des conditions du dommage.
Ce que les partisans de la théorie de causalité
adéquate essayent de résoudre ne suffit pas à trouver la
solution requise. La hiérarchisation qualitative n'était pas
conforme à la pratique, une mesure quantitative était
nécessaire pour déterminer l'étendue de chaque cause dans
la réalisation du dommage. La déficience subsiste la même,
la théorie de causalité adéquate hiérarchise
qualitativement et le problème constitue une hiérarchisation
(97) Chabas, thèse précitée, page 86 et s.
; G. Marty, La relation de cause à effet comme condition de la
responsabilité civile, RTDC 1939, p. 702 ; P. Conte, Rep.
Dalloz, Yo Responsabilité du fait personnel,
no 128, page 21.
(98) G. Marty, précité
quantitative. Il faut trouver une méthode de mesure exacte
de l'étendue de chaque cause dans le dommage.
B - LA HIÉRARCHISATION QUANTITATIVE
124 - La réflexion, rendue par les auteurs à
propos des théories de la causalité, paraît que ces
théories ne servent pas comme fondement à déterminer la
part de chaque coauteur. Le problème, de la pluralité d'auteurs
d'un même dommage est dans la mesure de l'étendue de chaque fait
pour que le juge puisse assigner à chaque coauteur la part de la
réparation incombant sur lui. Pour cette raison le mécanisme de
la causalité partielle fut proposé, mais cette proposition s'est
avérée insuffisante pour quelques auteurs, c'est pour cela ils
ont avancé une analyse dénotant l'impraticabilité de ce
mécanisme.
1o - Exposé de la doctrine
125 - Le premier auteur, qui a marqué ce point,
était Birkmeyer. Il présenta une théorie qui
diffère de la causalité adéquate ou la causa
proxima par l'hiérarchisation quantitative des causes du dommage.
Sa théorie diffère de la causalité adéquate par la
permission de déterminer la quote-part de chaque fait dans le dommage.
Parmi les conditions du dommage chacune a causé une partie, un quantum.
L'auteur outrepasse le domaine juridique qui considère le lien de
causalité comme condition de responsabilité au domaine
matériel ou fonctionnel. La cause du dommage est la condition la plus
efficace quantitativement. Cette détermination de la part de chaque
cause est laissée par Birkmeyer au « gros bon sens »
du juge. Pour la pluralité d'auteurs Birkmeyer n'exclut pas que dans
quelques cas plusieurs causes génèrent la même
conséquence, mais chacune des causes a une quote-part
déterminée.
126 - En France vers la moitié du XXe
siècle l'obligation in solidum fut soumise à des
observations diverses qui conduisirent à sa critique et à son
déclin. La causalité totale adoptée par la jurisprudence
n'a pas persuadé les tenants de la causalité partielle. Cette
impossibilité de déterminer la part incombant à chaque
coauteur a abouti à une responsabilité totale, aucun instrument
de mesure ne permet d'évaluer le rôle causal de chaque fait.
À cette objection, les tenants de l'équation causalité
partielle donc responsabilité partielle ripostent que le partage de
responsabilité est possible. Le coauteur solvens a un recours
contre les autres coobligés et le juge partage cette
responsabilité. Pourquoi donc invoquer cette impossibilité de
répartition(99).
(99) Aydolat, conclusions, Ch. Réuni 25
novembre 1964, D. 1964.733 ; Radouant note sous cass. 13 mars 1957, D. 1958.73
; Meurisse, Le déclin de l'obligation in solidum, D.1962, Ch.
page 243 ; J.Boré, Les arrêts de la chambre mixte du 20
décembre 1968, JCP 1969.I.2221, nos 20 à
27.
127 - Deureux(100) fut le premier auteur en France
qui adopta l'équation de causalité partielle donc
responsabilité partielle. Il dit que, sous l'égide de
l'équité, celui qui contribue à causer un dommage doit
réparer proportionnellement à la part qu'il a causée par
sa faute. Il écrit que « L'équité veut, à
notre avis, que celui qui, par un quasi-délit, a seulement
contribué à causer un dommage doive seulement contribuer à
le réparer, et non qu'il soit tenu de réparer pour le tout le
dommage que sa faute n'a causé que pour partie ; et il doit être
tenu dans le mesure de la gravité de sa faute par rapport aux autres
fautes qui ont concouru au dommage ». Tandis que
Radouant(101) considéra que c'est une erreur de retenir l'une
des causes du dommage et l'imputer une responsabilité totale, parce que
chaque cause a ses propres effets.
128 - D'autres auteurs pensent que le problème de
répartition du préjudice doit être réglé
selon le degré causal qui est un problème de fait, et que le juge
de fait doit(102) « rechercher quelles sont les causes du
dommage, d'en attribuer la responsabilité à chacune des choses
qui ont participé « ». Et si le juge se trouve en face
d'une impossibilité de répartition, il peut revenir à des
experts pour la régler(103).
129 - D'autre(104) essaye de qualifier les causes
antécédentes du dommage. Il ne suffit pas qu'il y ait une
relation entre chaque cause et le dommage, il faut prendre en
considération seulement les causes génératrices ou les
causes créatrices(105).
Un système très proche présenté
par Daclcq(106) propose de retenir la cause la plus efficiente
« comme critère de la causalité, il dit que,
rien n'empêcherait de considérer que chacune des causes n'a
été génératrice que d'une partie du dommage et de
déterminer l'étendue de l'obligation de réparer le
préjudice imposée à chacun des responsables en
(100)Deureux, De la réparation due par
l'auteur d'une seule des fautes dont le concours a causé un
préjudice, RTDC 1944, page 156.
(101) Radouant notes D. 1961, p 681, D. 1958, p. 73 «
Lorsqu'un dommage peut être rattaché à deux causes dont
l'une écarte la responsabilité du défendeur et dont
l'autre l'engage, ce serait une erreur de n'en retenir qu'une seule et de
régler uniquement d'après elle le problème de la
responsabilité. Chacune doit avoir ses effets propres ».
(102) Peytel, La responsabilité partagée et
la présomption de l'art. 1384, G.P. 1942.1, doctrine, P. 7.
(103) Carel, De la responsabilité civile au cas de
pluralité d'auteurs fautifs, G.P. 1959.I.Doct., page 51 «
Certes, lorsque les dommages ont été successivement
causé par plusieurs auteurs fautif sur la même partie du d'une
victime, il est parfois difficile de discerner quelle part du dommage incombe
à l'un et à l'autre des différents auteurs. Mais cette
difficulté ne doit pas faire perdre de vue le principes du Code civil,
notamment, que chacun n'est responsable que du dommage qu'il a causé. Ce
sera une question de fait et, le plus souvent, des experts qualifiés
sauront apporter aux juges les éléments leur permettant de faire
une discrimination ».
(104) Peytel, La responsabilité partagée et
la présomption de l'art. 1384, Art. précité, p. 7.
(105) Mazeaud et Tunc, Traité de la
responsabilité civile, 5 éd., tome II, nos 1425
et 1426 « tous les événements qui jouent un rôle
dans la réalisation d'un préjudice n'y jouent pas un rôle
décisif, un rôle véritablement créateur»,
et encore no 1442 « les différentes fautes
n'ont pas le meme pouvoir causale ... La nécessité apparaît
d'affirmer qu'il ne suffit pas qu'un événement ait joue un
rôle dans la réalisation d'un dommage pour qu'il soit retenu, au
point de vue de la responsabilité civile, comme cause du dommage, de
rejeter tous ceux qui n'ont pas un rôle vraiment
prépondérant, qui, par suite, n'ont pas vraiment produit le
dommage, qui n'en sont pas la cause génératrice ».
(106) Cité par Chabas, thèse
précitée, page 105.
fonction du caractère plus ou moins adéquat ou
plus ou moins efficient du lien de causalité entre la faute qu'il a
commise et le préjudice subi par la victime >>.
Enfin, un éminent auteur a essayé de distinguer
entre l'imputabilité et la causalité, en la nommant «
causalité matérielle >>(107). Les
causes du dommage sont les causes présentes en même temps et dans
le même lieu de l'accident. Et, l'imputabilité n'est que d'allouer
une part de la réparation à chaque auteur afin de réparer
le dommage.
2o _ Critiques de la doctrine
130 - La théorie de Birkmeyer a subi diverses critiques
à différents niveaux en tant que fondement de la
détermination quantitative de chaque cause. Birkmeyer part de
l'hypothèse que plusieurs dommages distincts ou des dommages divisibles
existent. Alors que l'obligation in solidum impose un dommage unique.
Si on peut déterminer le fait qui a causé le dommage, ou la
quote-part de chaque fait dans le dommage, la condamnation in solidum
est exclue. Donc la théorie de Birkmeyer ne s'applique pas au cas
où le dommage est unique, elle est applicable en présence de
plusieurs dommages juxtaposés et distincts(108).
131 - En outre, Birkmeyer ne donne aucune méthode pour
mesurer le rôle causal de chaque condition(109). Sa
théorie n'est qu'un postulat, il y a parmi les causes du dommage celles
qui ont un rôle causal plus que d'autres, mais le mécanisme de
calcul de l'étendue de chaque fait dans le dommage est absent. En somme,
il ne donne aucune réponse concernant la hiérarchisation
quantitative, mais critique seulement l'hiérarchisation qualitative.
Quant aux autres propositions présentées, aucune
d'elles n'est pratique. La causalité ne peut être rendue au
domaine matériel(110). Tout ce que cherche la
causalité c'est le lien entre le dommage et le fait, et n'a aucune
liaison avec la répartition de la dette entre les
coauteurs(111). C'était la causalité dans la doctrine.
Quelle était donc la position dans la jurisprudence.
C - LA CAUSALITÉ PARTIELLE DANS LA JURISPRUDENCE
132 - La théorie de l'équivalence des conditions
appliquée à l'obligation in solidum n'a pas
résisté aux critiques avancées contre elle. La progression
des sciences a permis de désigner
(107) P. Esmein, Le nez de Cléopâtre ou les
affres de la causalité, Ch. XXX, D. 1964, no , p. 206 ;
Cf. R. Béraud, Les mythes de la responsabilité civile,
JCP 1964.I.1387.
(108) Marc Mignon, thèse précitée, page
409, 410.
(109) Chabas, thèse précitée.
(110) Infra nos 218 et s.
(111) STARCK Boris, La pluralité des causes de
dommage et la responsabilité civile, JCP 70, I, 2339.
la part contributive de chaque fait, vu que la mission des
expertises devant les cours progressait aussi. Cette évolution
transformait les situations. Pour cela on trouvait que la jurisprudence
adoptait à une certaine époque la causalité partielle qui
dérogeait au principe de l'obligation in solidum. Les
répercussions de la causalité partielle dans le domaine de
responsabilité en tant que fondement tiennent à répartir
la réparation du dommage entre les coauteurs. C'était en
matière de dommage par ricochets, d'accidents de travail, transport
bénévole, exonération partielle du gardien et enfin la
faute de la victime et sa conséquence sur la réduction du montant
de la réparation.
L'obligation in solidum se caractérise par la
pluralité d'objets et de lien(112), chacun des coauteurs est
responsable d'une part distincte de l'autre, chacune des causes est à
l'origine du dommage tout entier. Chaque cause a un effet propre, et doit
supporter la part qu'elle a générée. Le déclin de
l'obligation in solidum serait alors avec la causalité
partielle.
133 - Les premiers arrêts en l'espèce
étaient les fameux arrêts Lamoricière(113) qui
instituaient dans la jurisprudence le courant de la causalité partielle.
Notons que la dérogation à l'obligation in solidum se
limitait seulement aux matières susvisées, et la cour de
cassation, hors de ces hypothèses, continuait à condamner in
solidum(114).
1o - Dommage par ricochet
134 - Il s'agit en effet de savoir si les proches de la
victime, agissant en leur nom propre, peuvent demander la réparation
intégrale sans que l'on oppose la faute de la victime. C'est le cas
où une personne décède par un accident résultant de
sa faute avec celle d'un tiers. D'abord la jurisprudence repoussait cette
prétention en déclarant que la faute de la victime est opposable,
la réparation n'est pas totale(115).
Plus tard un revirement opéré par la chambre
criminelle(116) qui soutint la thèse de la réparation
intégrale sans que la faute de la victime soit opposable à ceux
qui agissent en leur nom propre. La thèse de la chambre criminelle fut
aussi adoptée par la deuxième chambre civile(117).
Cette solution repose sur le fait que les victimes par ricochets n'ont pas une
action
(112) Infra nos199 et s.
(113)
Cass. Com., 19 juin 1951, D. 1951.717,
note G. Ripert ; Gaz. Pal 1951.2.151 ; JCP 1951.II.6426, note
Becqué.
(114) Cass. Civ., 19 avril 1956, D. 1956.538; Civ. II, 14
fév. 1962, Gaz. Pal. 1962.1.430; - 26 juin 1956, Bull. civ. II,
no 1278.
(115) Cass. Req., 4 mars 1872, D.P. 1872.jur.327 « » ;
Cass. Crim., 14 déc. 1938, S. 1939.I.233, note Houin ; ibid, 27
nov. 1956, D. 1957.373, note R. Savatier.
(116) Cass. Crim. 31 mars 1960, Bull. crim., n° 188, p.
392 ; - Sur l'évolution de la jurisprudence, Cf. J. Fossereau,
L'incidence de
la faute de la victime sur le droit de ses ayants cause
agissant à titre personnel, RTDC 1963.9 ; R. Savatier, D.
1964.Chr.155
; Meurisse, D. 1962.Chr.93 ; G. Durry, RTDC 1968.553 ;
Terré François et Lequette Yves, Les grands arrêts de
la
jurisprudence civile.
(117) 16 nov. 1962, D. 1963.317, note de P. Azard ; - 20
novembre 1963, Bull. civ. II, n° 749, p. 559, D. 1964.549, note J.
Boré; - 30 janvier 1964, D. 1964.451.
contre la victime initiale(118). Mais d'un autre
côté, l'inopposabilité de la faute privilégie les
victimes par ricochet beaucoup mieux que la victime initiale(119).
Ils peuvent obtenir une réparation intégrale tandis que la
victime initiale supporte sa faute par la diminution du montant de la
réparation.
135 - Des cours d'appel ne se sont pas inclinées devant
cette solution de la cour de cassation, ce qui a conduit à une
intervention de la chambre réunie(120). La cour décide
que la faute de la victime est opposable aux proches du
décédé. Toutes les chambres de la cour de cassation ont
admis cette solution, mais quelques années plus tard, la deuxième
chambre civile réadmit sa position antérieure à
l'intervention de la chambre réunie, en optant pour
l'inopposabilité de la faute de la victime initiale(121). La
polémique juridique de la deuxième chambre a
nécessité une intervention de l'assemblée
plénière pour réaffirmer la position prise par la chambre
réunie(122). Les arrêts rendus postérieurement
à l'intervention de l'assemblée plénière
témoignent de la stabilité de la solution de
l'opposabilité de la faute de la victime initiale contre les victimes
par ricochet(123).
2o _ Accidents de travail
136 - Une autre dérogation au principe de l'obligation
in solidum dans le domaine des accidents de travail inspirée de
la causalité partielle. C'est le cas où le dommage est
provoqué à la fois par le fait de l'employeur ou de l'un de ses
préposés et par celui d'un tiers, étranger à
l'entreprise. Le problème dérive de l'article 450-1 code de la
sécurité sociale qui fixe le montant verser par la
sécurité sociale au préposé victime qui ne peut pas
obtenir de l'employeur une réparation intégrale.
La chambre sociale condamnait la réparation partielle
au tiers, vu que si la totalité de la dette est payée il ne peut
avoir un recours contre l'employeur à cause de l'article 450- 1(124).
Cette jurisprudence aurait été adoptée aussi par la
chambre criminelle(125).
(118) civ. II, 27 janv. 1965, D. 1965.619, note de Y.
Lambert-Faivre.
(119) Aydolat, concl. Sous Ch. Réunie., 25 nov. 1964, D.
1964, 734; Stark Boris, La pluralité des causes de dommage et la
responsabilité civile, JCP 70, I, 2339.
(120) Ch. réunies, 25 novembre 1964, D. 1964.733,
conclusions Procureur gén. Aydolat; JCP 1964.II.13972, note de
P. Esmein ; RTDC 1965.136, obs. Rodière.
(121) Civ. II, 25 oct. 1978, 2e espèce, D.
1979, 114, note Larroumet Christian, JCP éd. G., 1979.19193,
note F. Chabas, G.P. 1979.1.198, note Plancqueel André, RTDC
1980 p. 112, obs. G. Durry.
(122) Cass. Ass. Plén., 19 juin 1981, D. 1982.jur.85,
conclu. Cabannes, note Chabas; D. 1981.jur.529, note de J. Boré;
RTDC 1981, p. 857 obs. G. Durry; JCP 1982.II.19712, rapp.
Ponsard.
(123) Civ. I, 28 octobre 2003, D. 2004.comm.233, note de
Philippe Delebecque.
(124) Cass. soc., 19 juillet 1960, JCP
1961.II.11987, note G. B.; ibid, 21 juin 1961, Bull. civ. IV,
n° 671 il est tenu « in solidum, déclare la cour, le tiers
partiellement responsable d'un accident du travail aboutirait à lui
accorder un recours accessoire contre l'employeur déclaré
partiellement responsable de l'accident, recours qui irait à l'encontre
des articles 466 et suivant du code de la sécurité sociale qui
exonèrent l'employeur de toute responsabilité de droit commun,
lorsque l'accident n'est du ni à sa faute intentionnelle, ni à la
faute intentionnelle de son préposé ».
137 - A contrario, la deuxième chambre civile et dans
un arrêt fort connu par l'arrêt Gueffier(126) s'opposait
à la position prise par les autres chambres du cour de cassation en
déclarant que le tiers, responsable avec l'employeur ou son
préposé de l'accident, est tenu à l'égard de la
victime de réparer intégralement le dommage.
L'arrêt Gueffier ne règle pas le problème
et la chambre sociale tient à sa jurisprudence(127), et
parfois même la deuxième chambre ne suivait pas la jurisprudence
de l'arrêt Gueffier(128). Le conflit d'arrêts ne
s'éteint qu'en 1988 suite à l'intervention de l'assemblée
plénière(129). La victime, dit la cour, en
« cas de partage de la responsabilité « entre l'employeur
ou son préposé et un tiers étranger à l'entreprise,
est en droit d'obtenir de ce tiers, dans les conditions du droit commun, la
réparation de se son entier dommage dans la mesure ou celui-ci n'est pas
indemnisé par les prestations de sécurité sociale
».
3o #177; Transport bénévole
138 - Le mouvement de la causalité partielle s'est
amplifié pour englober les solutions en matière du transport
bénévole. Le premier arrêt dans l'espèce
était l'arrêt Pilastre le 9 mars 1962(130). Deux
automobilistes causèrent un dommage à une personne, dont un
était le transporteur bénévole de cette personne. À
l'époque la victime ne puit demander la réparation de son
transporteur que si elle pouvait prouver sa faute (article 1382 C. civ.).
Tandis qu'elle pouvait assignée à l'autre automobiliste la
réparation en se basant sur l'article 1384 al. 1er Code
civile. La cour de cassation, statuant ce point, décidât que
l'automobiliste était tenu partiellement à réparer le
dommage par ce qu'il n'avait pas d'action récursoire contre le
transporteur qui n'avait commit aucune faute.
139 - Cette jurisprudence ne persistait pas longtemps lorsque des
cours d'appels refusaient de marcher dans le sillage de la cour de cassation.
Sans doute, ce refus d'inclination
(125) Cass. crim., 21 déc. 1954, Bull. crim.,
no 420 ; ibid., 25 nov. 1958, JCP 1959.II.11021 ;
- 31 oct. 1960, Bull. crim., n 437 ; - 3 juin 1966, Bull.
crim., no 163, p. 365.
(126) Cass. civ. II, 2 juillet 1969, G.P. 1969.2.311 ;
JCP 1971.II.16582 ; RTDC 1970.177, obs. G. Durry.
(127) 8 juillet 1971, JCP 1973.II.17303, 2e
espèce, note L. Mouourgeon ; - 28 oct. 1971, JCP1973.II.17303,
3e espèce, note L. Mouourgeon ; - 26 fév. 1975,
JCP 1975.II18194, note H. Groutel.
(128) Civ. II, 25 fév. 1981, Gaz. Pal. 1981.2. Pan.237,
obs. F. Chabas ; - 16 oct. 1985, Bull. civ. II, n° 156, p. 103, Gaz.
Pal. 1986.1.Somm.185, obs. F. Chabas.
(129) Ass. Plénière, 22 déc. 1988,
JCP Ed. G., 1989.II.21236, note Y. Saint-Jours, Bull. Ass.
Plén., no 10, p. 14; D. 1989.105, conc. Monnet Yves, note G.
Paire ; RTDC 1989, no 7, obs. P. Jourdain; Cf. Dejean De La
Bâtie, La responsabilité du tiers coauteur d'un accident du
travail, JCP Éd. G., 1989.I.3402.
(130) Cass. civ. II, 9 mars 1962, D. 1962.625, note R.
Savatier; JCP 1962.II.12728, note Esmein, RTDC 1962.625, obs.
Tunc ; Dans le même sens: Civ. II, 21 décembre 1965, JCP
1966.II.14736, note N. Dejean de la Bâtie ; - 27 janv. .1966, G. P. 1966.
1. 206 ; - 20 mai 1966, JC P 1966. II. 14849 ; G. P. 1966. 2. 280 : D.
1967.Somm.10 ; - 9 et 30 juin 1966, Bull. civ. II, no 657 et 721, p.
464 et 506 ; - 5 oct. 1966, D. 1967. 229; 20 oct. 1966, JCP
1966.II.14869 ; - 7 juin 1968, Bull. civ. II, no 165, p. 177, D.
1969.Somm.34 ; - 28 oct. 1968, Bull. civ. II, no 254, p.
178; D. 1969.Somm.34.
aboutissait quelques années plus tard à
l'intervention de la chambre mixte, qui désavoua ce qui était
inauguré par l'arrêt pilastre(131). Le
transporté, avait déclaré la cour de cassation, est tenu
à réparer entièrement le dommage sans besoin de
vérifier s'il a une action récursoire contre l'autre
automobiliste. Le transporteur où le tiers coresponsable est responsable
de la réparation intégrale du dommage(132).
4o _L'exonération partielle du gardien par le fait
d'un tiers
140 - La théorie de la causalité partielle fut
aussi introduite dans la responsabilité du fait des choses. À
plusieurs reprises la cour de cassation avait déclaré que le
gardien s'exonère partiellement si le fait d'un tiers était l'une
des causes du dommage et qui ne revêt pas le caractère de la force
majeure. Ce mouvement commença par la cour de cassation le 15 janvier
1960 en jugeant que le « Le gardien « peut être
partiellement exonéré « si la preuve est rapportée
que le dommage a été causé par le fait, même
prévisible, d'un tiers
>>(133).
141 - Cette orientation a duré à peu près
une décennie. Plus tard la cour de cassation revint à sa position
antérieure. Néanmoins, un conflit chronologique entre les auteurs
sur l'arrêt marquant le revirement. Starck(134) nota les
arrêts émanant de l'assemblée plénière le 20
décembre 1968(135), tandis que J.Boré(136)
dit que les arrêts du revirement sont les arrêts des premiers mois
de 1970(137). Même si les arrêts de l'assemblée
plénière présageaient le revirement, les arrêts du
premier mois de 1970 ont clairement marqué le revirement.
5o _ Exonération partielle par le fait ou la faute
de la victime
142 - Dans cette perspective, la situation diffère si
l'auteur du dommage est tenu personnellement sur le fondement des articles 1382
et 1383 du C. civ., ou s'il est tenu en sa qualité de gardien de chose
instrument du dommage sur le fondement de l'article 1384 al. 1re Code civil.
(131) Trois arrêts : Ass. plénière, 20
déc. 1968, D. 1969.37, conclusions Schmelck, JCP
1969.II.15756.
(132) Civ. II 21 janv. 1970, D. 1970.525, note de Y. Lambert
Faivre ; Civ. II, 15 nov. 1972, D. 1973.533, note F. Chabas ; Civ. II, 17 nov.
1976, JCP 1977, éd. G.1977.II.18550, conclusions Baudouin, G.
P. 1977.1.349, note P. André.
(133) Civ. II, 15 janvier 1960, D. 1961.681, note Radouant,
S. 1962.2; Civ. II, 24 avril 1964, JCP 1964.IV.78, Bull. civ.
II, no 328, p. 247 ; Civ. II, 9 mai 1963, D. 1963.Somm.113, S.
1963.313, G.P. 1963.2.223 ; Civ. II, 3 févr. 1965, Bull. civ.
II, no 113, p. 82 ; Civ. II, 29 mars 1966, Bull. civ. II,
no 436, p. 310 ; Civ. II, 28 oct. 1968, Bull. civ. II,
no 254, p. 178, D. 1969.Somm.34.
(134) STARCK Boris, La pluralité des causes de
dommage et la responsabilité civile, JCP 70.I.2339 et
Chabas, Bilan de quelques années de jurisprudence en matière
de rôle causale, D. 1970, Ch. XXV.
(135) Trois arrêts : Ass. plénière, 20
déc. 1968, D. 1969.37, conclusions Schmelck, JCP
1969.II.15756.
(136) La causalité partielle en noir et blanc ou les
deux visages de l'obligation « in solidum >>, JCP
1971.I.2369, no 25.
(137) Civ. 2e, 4 mars 1970, Bull. civ. II,
nos 76,77,78,80; - 12 mars 1970, ibid, no 97 ; -
29 avril 170, JCP 1971.II.16586 ; - 21 mai 1970, JCP
1971.II.16584.
a - La responsabilité du fait des choses
143 - La jurisprudence, dans un premier temps, n'admettait
l'exonération partielle du gardien que si la victime avait commis une
faute(138). Deux années plus tard, à son tour, la
chambre civile adopta la même solution(139), et cette solution
se poursuivit par la chambre civile jusqu'à la fin des années
cinquante(140). La cour de cassation admit seulement la faute de la
victime et non pas son simple fait.
144 - Néanmoins, malgré la persistance de
prendre seulement le fait fautif de la victime comme cause d'exonération
partielle, la deuxième chambre civile, et au début des
années soixante du XXe siècle, inaugura un courant
permettant une exonération partielle du gardien par le simple fait de la
victime. Le 20 janvier 1961(141) la deuxième chambre civile
exonérait partiellement le gardien par le fait même non fautif de
la victime lorsqu'il est l'une des causes du dommage, et la chaîne
d'arrêts dans le même sens s'écoulait(142). La
position prise par la deuxième chambre civile suscita des critiques
ferventes de la part des autres chambres supportées par un large courant
doctrinal, ce qui incita la deuxième chambre civile à admettre
par un arrêt fameux, connu par l'arrêt Desmares(143),
que « seul un événement constituant un cas de force
majeur exonère le gardien de la chose instrument du dommage de la
responsabilité par lui encourue par application de l'article 1384 al
1re, du code civil ; dès lors le comportement de la victime,
s'il n'a pas été pour le gardien imprévisible même
partiellement ». Selon cet arrêt l'exonération partielle
ne peut être retenue, seulement l'exonération totale si le fait ou
la faute de la victime revêt le caractère de force majeur.
145 - Les cours d'appel résistèrent à la
jurisprudence Desmares en refusant de s'incliner, même s'il y a avait une
possibilité de censure par la deuxième chambre. Cette
jurisprudence ne persista pas longtemps la deuxième chambre en
1987(144) et par cinq arrêts désavoua la jurisprudence
Desmares. Elle déclare que « le gardien de la chose instrument
du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité
s'il prouve que la faute de la victime a contribué au dommage
». L'arrêt mentionne la faute de la victime seulement, est-ce que
le
(138) Req., 13 avril 1934, D.P. 1934.1.41.
(139) Cass. civ., 1re déc. 1936, G.P.
1937.1.157.
(140) Civ., 8 février 1938, D.H. 1938.194 ; Civ., 9
sept. 1940.141, S. 1940.I.81, note H. Mazeaud ; Civ., 30 mai 1944, D.A.
1944.105 ; Civ., 27 oct. 1948, JCP 1949.II.4793, note P. Esmein ;
Civ., 7 mai 1952, D. 1952.487 ; Civ. II, 14 nov. 1956, D. 1957.74 ; Civ. I, 4
juin 1959, S. 1961.329, note A. Plancqueel
(141) Civ. II, 20 janvier 1961, Bull. civ. II,
no 60.
(142) Civ. II, 17 déc. 1963, D. 1964.569 note A. Tunc,
JCP 1965.II.14075, note N. Dejean de La Bâtie ; Civ. II, 16 juin
1965, D. 1965.662, note A. Tunc ; Civ., 12 mai 1971, JCP
1972.II.17086, 4e espèce, note J. Boré ; Civ. II, 4
oct. 1972, JCP 1973.II.17450, note B. Starck ; Civ. II, 21 mars 1974,
D. 1974.IR.151; Civ. II, 12 février 1975, JCP 1975.IV.114.
(143) Civ. II, 21 juillet 1982, D. 1982.449, concl.
Charbonnier, note Ch. Larroumet, JCP 1982.II.19861, note F. Chabas.
(144) Civ. 2e, 6 avril 1987, D. 1988.32, note C.
Mouly ; JCP 1987.II.20828, note de F. Chabas ; J. Landel, Desmares
est mort, Gaz. Pal. 1987.2.591.
fait non fautif est exclu ? Quelques arrêts
postérieurs de la cour de cassation révélèrent que
seule la faute de la victime et non pas son simple fait est libératoire
partiellement de l'auteur du dommage, si elle ne revêt pas le
caractère de la force majeure(145).
b --La responsabilité du fait personnel
146 - Depuis le XIXe siècle la
jurisprudence(146) a refusé d'admettre que le fait de la
victime est partiellement exonératoire de l'auteur fautif tenu sur le
fondement de l'article 1382 ou 1383 du Code civil. Il faut une faute de la part
de la victime pour que l'auteur fautif s'exonère partiellement. Cette
position reste aujourd'hui la règle(146bis), le
coauteur d'un dommage ne s'exonère pas partiellement par le fait non
fautif de la victime, qui est tenu à réparer intégralement
le dommage.
Après l'exposition de la théorie de la
causalité partielle on trouve qu'elle ne peut pas devenir la
règle pour répartir la dette entre les coauteurs. Elle restait
limitée à quelques domaines, parce que la jurisprudence dans la
plupart des hypothèses susvisées revenait à l'obligation
in solidum. Et si on pousse l'analyse un peu plus loin, on trouve que
dans la plupart des cas ce n'était pas une question de causalité
partielle, mais une impossibilité de fait au coauteur solvens
de recourir contre l'autre coauteur non fautif, sauf dans les domaines de
l'exonération partielle du gardien et le fait de la victime et son
incidence sur la réparation.
En apparence, les auteurs considèrent que la
causalité partielle était consacrée dans les domaines de
victime par ricochet, d'accidents du travail et transport
bénévole. Dans tous ces cas, la cour justifie la condamnation
partielle par l'impossibilité au coauteur poursuivi de recourir contre
l'autre coauteur qui n'a commis une faute. Si on adopte le raisonnement
inverse, le coauteur non poursuivi, s'il était fautif, la condamnation
in solidum s'impose. Donc la causalité partielle n'est pas ici
en question, le problème était une question de fait, de prouver
la responsabilité du coauteur non poursuivi(147).
Effectivement, la causalité partielle se trouve dans les domaines
d'exonération partielle du gardien par le fait d'un tiers, et le fait de
la victime comme l'une des causes du dommage.
Récemment, une théorie de l'obligation au tout
avait été mise en ceuvre qui essaie de développer une
théorie générale d'obligation au tout, la
solidarité et l'obligation in solidum se range sous cette
théorie.
(145) Civ. 2e, juillet 1987, Gaz. Pal. 1987.2.271;
Civ. 1er, 13 oct. 1987, Gaz. Pal., 1987.2.287; Cass. II, 5
fév. 2004, D. 2004.IR.471 ; - 10 juin 2004, D. 2004.IR.
(146) Req., 8 février 1875, D.P. 1875.1.320 ; Civ., 20
août 1879, D.P. 1880.1.15.
(146 bis) Civ. II, 12 février 1970,
Bull. civ. II, no 50 ; Civ. II, 11 février, 1976,
JCP 1976.IV.118 ; Civ. II, 8 juillet 1976, D. 1976.I.R.282 ; Civ. II,
10 avril 1991, Bull. civ. II, no 122.
(147) Marc, Mignon, thèse précitée,
no 576, page 417.
§ 2 - LA THÉORIE DE MIGNON
147 - Marc Mignon dans sa thèse(148) a
essayé de nous montrer que l'approche dogmatique adaptée par les
auteurs du XIXe siècle était fausse parce qu'elle a
mis en opposition la solidarité et l'obligation in solidum. En
effet, les deux institutions n'ont qu'un seul aspect l'obligation au total
lato sensu. Avant d'exposer sa théorie, il faut
présenter les critiques qu'il avance contre la solidarité et
l'obligation in solidum.
A - CRITIQUE DE LA SOLIDARITÉ ET DE L'OBLIGATION IN
SOLIDUM
148 - La doctrine du XIXe siècle
interpréta la solidarité selon deux approches
dogmatiques(149). La première mettait en opposition la
solidarité avec l'obligation in solidum. La solidarité
se caractérise par une obligation unique tandis que l'obligation in
solidum est plurale. La deuxième adapte un point de vue alternatif,
parce qu'il y a un seul objet, la structure de la solidarité est
objectivement unique, et parce qu'il existe autant de liens ou d'obligations
que de sujets alors elle est subjectivement multiple.
149 - L'approche dogmatique selon Mignon est
défectueuse(150) par sa méthode parce qu'elle n'avait
pas pris en considération les sources historiques de tous les textes qui
admettaient la pluralité d'obligations. Et la doctrine de l'unité
d'obligation est vraie dans son principe, mais le fondement qui lui est
attribué est faux. La solidarité et l'obligation in solidum
ont la même structure : l'obligation au total lato
sensu.
1o -- Critique de la solidarité
150 - De l'évolution de la
solidarité(151) il ressort qu'une structure hybride lui a
été conférée. La solidarité
réglée par le code civil n'est que la consécration de la
solidarité romaine et la garantie mutuelle orientale. La fusion de ces
deux institutions a formé la base de la solidarité
réglée par le code civil. Ce qui conduit à la fusion des
deux institutions qui sont parfois en contradiction. Chacun d'eux a ses propres
règles, d'ou la nécessité de clarifier la
solidarité actuelle des contradictions héritées par la
fausse compréhension de l'évolution de l'obligation au tout.
(148) MIGNO Marc, Les obligations solidaires et les obligations
in solidum en droit privé français, Dalloz, thèse 2002.
Récemment plusieurs études traite de l'obligation solidaire en
considérant que la solidarité n'est qu'une
(149) Mignon, ibid., n° 67, p. 70.
(150) Ibid., n° 68, p. 71.
(151) Mignon Marc, ibid., n° 88 et s., p. 84 et
s.
152 - La solidarité romaine est une obligation au total
stricto sensu, un seul objet doit être dû par n'importe
quel membre du groupe, elle ne peut être considérée que
d'une manière collective. Plusieurs obligations principales, dont chacun
des coobligés doit supporter la même chose ou le même objet.
Tandis que la garantie mutuelle(152) est constituée par des
obligations conjointes qui se greffent par une relation de sûreté
ou de garantie, son but étant d'assurer le paiement intégral de
la dette commune.
153 - La solidarité romaine est contre la division de
la dette(153) et n'accorde aucun recours au codébiteur
solvens tenant compte que chacun est débiteur principal. Elle
trouve son fondement dans le cadre collectif(154). Avec la garantie
mutuelle il y a plusieurs obligations conjointes, le solvens paie sa
propre obligation et les obligations des autres codébiteurs, et le
paiement de ces dernières un recours s'ouvre pour le solvens
contre les autres codébiteurs chacun pour sa part.
154 - Dans la jurisprudence les articles 1202 et 1281 al 1 du
Code civil qui sont inspirés de la solidarité romaine n'ont
jamais été une cause de demande devant les tribunaux, tandis que
les articles 1213 et 1214 du Code civil qui procèdent de la garantie
mutuelle ont donné plusieurs décisions dans la jurisprudence.
La théorie de Mignon est générale et
couve la solidarité et l'obligation in solidum. Après
avoir prouvé l'hybridité de la solidarité étudions
maintenant les incohérences de l'obligation in solidum.
2o _ Critique de l'obligation in solidum
155 - Aujourd'hui l'obligation in solidum est une
obligation au total lato sensu, possédant le même
caractère de l'obligation solidaire. Mais la fausse
interprétation des sources historiques a abouti à un
système hybride d'obligation in solidum.
156 - Les romanistes distinguent la solidarité de
l'obligation in solidum suivant la litis
contestatio(155). L'action issue de l'obligation solidaire
était soumise à l'effet extinctif de la litis
contestatio, l'action ne pouvant être exercée qu'une seule
fois. Au contraire, celle issue de l'obligation in solidum ne
l'était pas, elle pouvait être renouvelée jusqu'à
paiement complet, elle n'était pas affectée par la litis
contestatio(156). Cependant, Les auteurs qui prennent la
litis contestatio comme critère de distinction entre les deux
institutions(157),
(152) Mignon, op. cit., n ° 84-87, p. 79-84
(153) Mignon, op. cit., n° 74, p. 73.
(154) Mignon, op. cit., n° 75, p. 74.
(155) Mignon, précité, n° 313, p. 242-243.
(156) Supra nos 2 et s.
(157) Mignon, précité, n° 312, p. 241
reposent sur une règle procédurale pour donner des
réponses dans la substance. Il faut analyser le fondement et non la
procédure.
157 - L'obligation in solidum n'est que la mutation
d'une institution pénale en une institution civile. En droit romain
classique l'action pénale de la victime se cumulait contre tous les
coauteurs. La victime pouvait obtenir plusieurs peines. Puis la
responsabilité pénale se transformait en une
responsabilité civile, les peines se fusionnant en une seule et
même dette. La victime poursuivait l'un des coauteurs pour le paiement
total de la dette, dont chacun des coauteurs était tenu à une
obligation au total stricto sensu. L'obligation in solidum
transposée au domaine civil qui devenait une obligation au total
stricto sensu sans aucun changement structurale. La pluralité
d'obligations, dégagée du principe de cumul des peines, reste sa
structure mai une seule dette unique doit être due par n'importe quel
coauteur sans que la dette ne se divise entre eux.
158 - Pour Mignon, au moment, ou on se trouve dans le domaine
civil il faut se soumettre aux principes de droit civil. Il n'y a pas une seule
dette entre les coauteurs, il y a une dette qui se divise entre eux chacun pour
sa part. La responsabilité pénale collective n'est pas connue en
droit civil. En réalité, l'obligation in solidum est une
obligation au total lato sensu(158). Chaque
codélinquant supporte une part de la dette et est garant des autres
parts, et le solvens a le droit de recourir contre les autres
coauteurs chacun pour sa part.
159 - Pour la doctrine de la pluralité d'objets et de
liens donnée à l'obligation in solidum(159),
elle n'est que la conséquence du principe du cumul d'actions
accordées à la victime en droit romain. Les codélinquants
étaient tenus à réparer distinctement, chacun doit
supporter une peine différente de l'autre. La victime poursuivait chacun
des codélinquants jusqu'à obtention des dédommagements.
Cette formule procédurale donnait à l'obligation in solidum
la structure de pluralité d'objets et de liens à partir du
principe de cumul d'actions pénales. Après la transposition de
l'obligation in solidum au domaine civil les peines se fusionnait en
une seule somme payée par l'un des coauteurs. D'un côté
l'obligation in solidum est devenue une obligation au total
stricto sensu, chaque coauteur est responsable d'une obligation
principale la totalité de la dette, et d'un autre côté la
doctrine l'explique d'après la pluralité d'objets et de liens.
160 - De même la doctrine de la pluralité
d'objets et de liens(160), soutenue par la doctrine positive, impose
quelques conséquences juridiques. Premièrement, elle permet
à la victime de réclamer cumulativement des peines aux nombres
des codébiteurs. La deuxième conséquence de cette
structure est l'interdiction au solvens à recourir contre les
autres
(158) Supra, no 2 et s.
(159) Infra n os 198 et s.
(160) Mignon, précité, nos 320-322, p.
246-247.
codébiteurs. Le codébiteur en payant, paie sa
propre dette. Ces deux conséquences ne sont pas aujourd'hui
appliquées à l'obligation in solidum.
161 - Les tenants de la pluralité d'objets et de liens
en admettant qu'il est inconcevable que la victime demande plusieurs fois la
réparation déclinent le système de la pluralité
d'objets et de liens(161). D'une part ils prétendent que
chaque codébiteur doit une dette distincte des autres et, d'autre part,
ils considèrent que le paiement effectué par l'un des
codébiteurs libère les autres. En outre, ils admettent que le
coauteur solvens a un recours contre les autres coauteurs. C'est une
autre dérogation du système de pluralités d'objets et de
liens, le coauteur qui paie la dette paie ce qu'il doit sa propre obligation.
Les explications présentées, par les auteurs tenants de la
pluralité d'objets et de liens, pour justifier le recours du
solvens(162), n'ont pu donné un fondement technique
au recours du solvens.
162 - Nous arrivons maintenant à la doctrine de
l'unité d'objets et liens(163). La conséquence de
cette doctrine est le cumul des dettes à tous les
codébiteurs(164). Mais ce principe n'est pas aujourd'hui
appliqué parce qu'une seule obligation doit être due. En somme la
doctrine de l'unité d'objet et de pluralité de liens est en
réalité la structure du rapport externe de l'obligation in
solidum et n'explique pas le rapport interne compte tenu de son
insuffisance.
163 - Pour quelques-uns l'obligation in solidum a
comme fondement la causalité totale(165). Chaque cause
antécédente au dommage est la cause du dommage tout entier. Pour
Mignon la causalité n'est qu'un lien factuel utilisé dans le
domaine matériel.
Cette fausse interprétation des sources aboutit
à un système hybride de l'obligation au tout. Au fond la
solidarité et l'obligation in solidum sont de même nature
que l'obligation au total lato sensu.
B - L'OBLIGATION AU TOTAL LATO SENSU
164 - De l'évolution de la solidarité et de
l'obligation in solidum se dégage la déformation de
l'obligation au tout. En droit classique l'obligation solidaire et l'obligation
in solidum avaient le caractère de l'obligation au tout
stricto sensu. Chacun des coauteurs était tenu à
réparer le tout, il était considéré comme
débiteur principal. Plus tard l'adoption le principe de la division de
la dette entre les codébiteurs et le recours du solvens
transforma
(161) Mignon, précité, n° 321, p. 246.
(162) Infra, nos 257 et s.
(163) Infra, n° 196
(164) Mignon, précité, n° 323, p. 248.
(165) Infra, n° 214
l'obligation au total stricto sensu en une obligation au
total lato sensu, qu'elle soit solidaire ou in solidum.
165 - Les historiens distinguent entre les
sûretés institutionnelles et les sûretés
individuelles(166). Les premières ne sont que
l'extériorisation d'un lien qui se trouve entre un membre d'un groupe et
un autrui, de façon que chaque membre du groupe se trouve engagé
de la même façon. Les deuxièmes sont l'engagement
simultané d'un groupe à l'égard d'autrui. Elles sont
toutes sur la scène de l'engagement. D'après cette distinction,
l'obligation au total lato sensu se divise entre les
sûretés institutionnelles et les sûretés
individuelles.
166 - Avant d'exposer la théorie, il est
nécessaire de préciser qu'il existe trois types de garantie dans
l'obligation au total lato sensu : la garantie simple, la garantie
mutuelle et la garantie mutuelle au second degré.
167 - Dans la garantie simple(167) l'engagement
revient à un seul coobligé à titre de débiteur
principal de la totalité de la dette et les autres coobligés ne
sont que des garants. Une obligation principale est supportée par un
débiteur principal et les autres coobligés supportent chacun une
obligation de garantie accessoire de la totalité de la dette.
168 - Deuxièmement, la garantie
mutuelle(168) qui donne à chaque codébiteur une double
qualité. Il est débiteur principal d'une part et portion et
garant les parts des autres codébiteurs. La dette se divise par des
obligations conjointes, chaque codébiteur doit une obligation conjointe.
Une autre obligation vient se superposer à ces obligations conjointes
c'est la garantie mutuelle. Par cette deuxième obligation chaque
codébiteur garantit la part et la portion des autres
codébiteurs.
Enfin, la garantie mutuelle au second
degré(169) qui est la conséquence d'une combinaison de
la garantie simple et la garantie mutuelle.
(166) Mignon, précité, n° , p.
(167) Mignon, précité, n° 494, p. 366.
(168) Mignon, précité, n° 492, p. 365.
(169) Mignon, précité, n° 495, p. 366 : Un
des codébiteurs est le débiteur principal de la totalité
de la dette et les autres codébiteurs sont des garants de la dette. Mais
les codébiteurs garants sont tenus par deux obligations de garantie.
Selon la première obligation de garantie chaque codébiteur
garantit une part de la dette d'après la division de la dette en vertu
d'une obligation conjointe. Et par la deuxième obligation de garantie
chaque codébiteur garantit l'obligation de garantie conjointe des
autres.
1o - L'obligation au total institutionnelle
169 - Mignon(170) définit l'obligation au
total institutionnelle par « Toute relation juridique,
créatrice d'obligation entre un membre d'une collectivité et un
membre d'une autre collectivité, implique une relation juridique de
même nature entre chacun des membres de ces deux
collectivités ». Cette définition suppose qu'une
relation existe entre un débiteur et un créancier, un engagement
ou un fait illicite qui génère une dette. Le créancier de
cette dette peut poursuivre l'un des membres du groupe social auquel appartient
le débiteur principale, de sorte qu'il peut exiger le paiement total sur
le fondement de la liaison qui se trouve entre le débiteur principal et
le groupe social. L'obligation au total institutionnelle se divise entre
obligation délictuelle et contractuelle.
a - L'obligation institutionnelle délictuelle
170 - L'application de l'obligation au total institutionnelle
délictuelle est la responsabilité du fait d'autrui.
Historiquement(171) la responsabilité pénale
était collective. Elle touchait tous les membres du groupe social auquel
l'auteur du délit appartenait. Peu à peu la responsabilité
pénale collective se transformait dans l'ancien droit en une
responsabilité individuelle qui remplaçait la
responsabilité collective. L'auteur du dommage supportait la
responsabilité de son fait, les autres membres du groupe devinrent de
simples garants de sa dette. C'est le cas de la responsabilité, des
parents des enfants(172), et du commettant des délits commis
par ses préposés(173).
171 - Ces deux applications sont les applications de
l'obligation au total institutionnelle délictuelle, reste encore des
applications contractuelles celles qui sont issues d'un contrat liant plusieurs
coobligés.
(170) Mignon, précité, n° 374, p. 286.
(171) Mignon, op. cit., n° 377-381, p. 287-290.
(172) Mignon, précité, nos 467-468
p. 348-349 D'après l'article 1384 al 4e les parents sont
solidairement responsables du dommage causé par leur enfant à la
victime. L'enfant est le débiteur principal, les parents ne sont que des
garants de la dette. La structure de la responsabilité des parents
impose la garantie mutuelle au second degré parce que plusieurs
codébiteurs garantirent la dette issue du rapport externe. Ils sont
tenus par deux obligations de garanties, une obligation conjointe de garantie
selon le principe de la division de la dette en droit commun. Et une autre
obligation de garantie de sorte que chacun garantit l'obligation conjointe de
garantie de l'autre. Le mari ou la femme en payant leur obligation de garantie
conjointe un recours s'ouvre à eux contre leur enfant. Et en payant la
deuxième obligation de garantie, qui selon cette obligation garantit
réciproquement leur obligation de garantie conjointe, un recours s'ouvre
au solvens contre l'autre mari et l'enfant.
(173) Mignon, loc. cit., nos 455-456,
p.338-339 : La structure de la responsabilité du fait d'autrui impose la
garantie simple parce qu'il y a une seule relation externe et une seule
relation interne. Le commettant n'est qu'un débiteur annexe qui en
payant la dette un droit de recourir s'ouvre pour son profit contre l'auteur du
dommage qui est le responsable définitif. L'auteur du dommage en payant
ce qu'il doit n'a aucun recours contre la personne civilement responsable.
b - L'obligation institutionnelle contractuelle
172 - La structure de l'obligation au total dans les
sociétés primitives avait un caractère collectif qui
pèse sur le patrimoine collectif du groupe. L'individu n'avait pas un
patrimoine propre, c'est le groupe qui en acquiert un. Selon cette structure
chaque individu était assimilé à un débiteur
principal, l'obligation au total institutionnelle avait le caractère de
l'obligation au total stricto sensu.
173 - Avec l'écoulement des années l'individu
acquit un patrimoine propre donc un intérêt personnel. Cette
évolution divise l'intérêt de l'individu entre deux
intérêts, d'une part son intérêt personnel et,
d'autre part, l'intérêt du groupe auquel il appartenait. Le
schéma devenait un patrimoine pour le groupe et un autre pour
l'individu. L'obligation au total institutionnelle se fonde sur ces deux
patrimoines. Le patrimoine collectif du groupe supportait les dettes
collectives, il en est le débiteur principal, les individus ne sont que
les garants des dettes du patrimoine collectif sur leur patrimoine propre.
174 - En droit positif le patrimoine collectif sur lequel se
fonde l'obligation au total n'existe plus aujourd'hui. Un autre système
fut instauré, la disparition du patrimoine collectif n'était pas
absolue, une liaison patrimoniale demeure entre quelques groupes. L'obligation
au total institutionnelle prenait une structure naturelle et atypique. La
structure naturelle impose une personne juridique personnifiée
liée à plusieurs personnes. Ce schéma rend chaque personne
liée à cette personne juridique personnifiée garant
solidaires des dettes à sa charge. C'est le cas des associés des
sociétés dotées de la personnalité
morale(174) et de la responsabilité solidaire du
propriétaire d'un fond de commerce donné en
location-gérance(175).
175 - La deuxième structure de l'obligation au total
institutionnelle est une structure atypique vu que l'association qui lie le
groupe n'est pas personnifiée. C'est le cas
(174) Les associés des sociétés
dotées de la personnalité : Les associés sont tenus sur la
base de la garantie mutuelle au second degré, parce que les
codébiteurs garantissent une même relation externe. Mais il faut
distinguer entre les associés d'une société civile et ceux
d'une société commerciale. Les associées des
sociétés civiles garantissent conjointement la totalité
des dettes sociales, suivant une obligation de garantie accessoire à
l'obligation de la société. Alors que les associés des
sociétés commerciales sont responsables des dettes sociales par
deux obligations de garantie. Le schéma mis en °uvre c'est la
garantie mutuelle au second degré. Une obligation conjointe de garantie,
par cette obligation chaque associé garantit à l'égard du
créancier sa part et portion personnelle qui est en principe
proportionnelle à sa part dans le capital social de la
société. Cette obligation conjointe de garantie est accessoire et
subsidiaire à l'obligation de la société, le paiement de
cette obligation un recours s'ouvre au solvens contre la
société. Et, une deuxième obligation de garantie suivant
laquelle il est garant de la part des autres associés. Cette
deuxième obligation permet au solvens de recourir contre la
société et les associés chacun pour sa part.
(175) Le propriétaire d'un fond de commerce
donné en location-gérance : Selon
l'article L. 144-7 du code de commerce le propriétaire d'un fonds de
commerce « est solidairement responsable avec le
locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci ».
Le locataire-gérant est le débiteur principal, et le
propriétaire n'est que garant de la dette. Un rapport initial qui lie le
locataire-gérant avec le créancier, et un rapport au total
subséquent. Le rapport externe lie le créancier avec le
locataire-gérant et le rapport interne, le contrat de location, lie le
locatairegérant avec le propriétaire, et la conséquence de
ces deux rapports un rapport au total subséquent, qui est la garantie
simple, lie le créancier avec le propriétaire.
notamment de la solidarité entre les
époux(175bis) et la solidarité des
associés des sociétés dépourvues de la
personnalité morale(176).
2o - L'obligation au total individuelle
176 - L'obligation au total individuelle(177) est
l'obligation constituée par la coparticipation occasionnelle de tous les
débiteurs à la naissance de l'obligation. Plusieurs
codélinquants participent au même acte illicite, plusieurs
contractants stipulent la solidarité. Elle est fondée par
l'intervention active de tous les codébiteurs. Donc l'obligation au
total individuelle diffère de l'obligation au total institutionnelle par
la participation de tous les coobligés à la naissance de
l'obligation, ils sont tous présents sur la scène. Par contre,
dans l'obligation au total institutionnelle un seul membre apparaît sur
la scène de l'engagement.
177 - L'obligation au total individuelle exige la
superposition de plusieurs relations de nature
différente(178): Une relation fondamentale groupe plusieurs
obligations principales conjointes. Chaque coobligé doit une obligation
distincte de l'autre qui est la part et portion de la dette qui lui est
incombée. Une autre relation de garantie qui groupe plusieurs
obligations conjointes de garantie. Par ces obligations de garantie les
coobligés garantissent réciproquement leurs obligations
principales. Si cette relation n'existe pas le créancier ne pourrait pas
demander la totalité de la dette de l'un des coobligés. Il doit
diviser ses recours contre les coobligés chacun pour sa part.
178 - Comme l'obligation au total institutionnelle se divise
entre obligation délictuelle et contractuelle, on divise de la
même sorte l'obligation au total individuelle. Notons que sous
l'obligation au total individuelle se range la responsabilité solidaire
en matière pénale et la solidarité en matière de
caution, mais on ne les expose pas elles sont hors de notre domaine.
(175bis) La solidarité entre époux :
Mignon distingue entre deux hypothèses : si l'association conjugale est
personnifiée ou non. Si on admet la deuxième structure,
l'association conjugale non personnifiée, la solidarité des
époux serai une structure atypique de l'obligation au total
institutionnelle. Mais par contre la troisième structure, la
personnification de l'association conjugale, rend la solidarité des
époux comme structure typique de l'obligation au total institutionnelle.
La différence des structures rend aussi différent le type de
garantie appliqué. La garantie mutuelle sera appliquée si on
admet la structure positive, tandis que la personnification de l'association
conjugale rend le schéma appliqué à la garantie mutuelle
au second degré. L'engagement de l'un des époux
génère un rapport externe entre l'époux engagé et
le créancier, et un rapport interne lie les deux époux. La
conséquence ou l'existence de ces deux rapports génère un
rapport au total subséquent qui lie le créancier avec
l'époux non engagé.
(176) Les associés des sociétés
dépourvues de la personnalité morale : L'obligation au total
institutionnelle des associés des sociétés
dépourvues de la personnalité morale s'explique d'après la
garantie mutuelle. Un rapport externe qui lie le créancier avec
l'associé qui s'engageait. Le rapport interne est constitué par
le contrat de société liant les associés. L'existence de
ces deux rapports génère un rapport au total subséquent
entre le créancier et les associés. Dans cette espèce le
débiteur principale est l'associé qui a agit initialement, et les
autres associés sont des garants de la dette, le typer de garantie
appliquée est la garantie mutuelle. Mais si la société se
personnifie et acquiert la personnalité morale le schéma mis en
°uvre serait le caractère typique de l'obligation au total
institutionnelle, on revient le cas échéant à la garantie
mutuelle au second degré.
(177) Mignon, précité, n° 478, p. 358.
(178) Mignon, précité, n° 490, p. 364.
a - L'obligation individuelle délictuelle
179 - La responsabilité au total individuelle
délictuelle est fondée sur la coparticipation de tous les
codébiteurs à la naissance de l'acte défectueux. Cette
responsabilité impose un fait générateur, un dommage et un
lien de causalité entre le fait et le dommage. Les conditions de
l'obligation au total individuelle sont une relation fondamentale et une
relation de garantie.
180 - La relation fondamentale(179) estime qu'il y
a un même dommage généré par plusieurs individus et
tous les coauteurs doivent réparer le dommage. La dette n'a qu'une seule
source, contrairement à ce qui est en matière contractuelle, un
dommage unique et indivisible. La cause immédiate de la dette est le
dommage, et la cause immédiate est le fait générateur du
dommage qui englobe le fait de chacun des coauteurs.
181 - La réparation intégrale doit être
équivalente à la perte que la victime a subie suite au dommage.
Cette réparation se divise entre les coauteurs. Chacun d'eux, est
responsable, sur le plan économique, d'une obligation issue de la
division de la dette globale en diverses parts. Mais sur le plan juridique il y
a plusieurs créances ou obligations conjointes, la somme de leurs objets
est la totalité de la dette. L'objet de chaque obligation conjointe est
limité à la part de la réparation qui incombe à
chaque coauteur.
182 - La répartition de la dette entre les coauteurs ne
s'effectue pas d'après la causalité totale(180)
où d'après la théorie de Birkmeyer(181) qui
traite de la causalité partielle(182). Le fondement
véritable de la division de la dette est similaire à celui de la
division de la dette globale en un faisceau d'obligations conjointes. Comme les
codébiteurs en matière contractuelle, les coauteurs d'un
même dommage se soumissent au principe de droit commun de division de
l'obligation plurale qui est pro parte. En somme, la relation
fondamentale est constituée par un faisceau d'obligations conjointes
générées par la participation de tous les
codébiteurs à la réparation du dommage.
283 - Les conditions d'existence de la relation
fondamentale(183) sont l'apport par la victime de la preuve de la
responsabilité de chaque coauteur. La victime doit prouver le dommage
qu'elle a subi, le fait de chaque coauteur et le lien entre chaque fait et le
dommage. La démonstration de la responsabilité d'un seul coauteur
exige une réparation partielle qui est la
(179) Mignon, ibid, n° 551, p. 401.
(180) Infra no 214 et s.
(181) Supra nos 125-126
(182) Supra no 127 et s.
(183) Mignon, précité, n° 555, p. 403-404.
part qui incombe sur ce coauteur, pour que la victime obtienne la
réparation intégrale il faut qu'elle prouve la
responsabilité de tous les coauteurs.
184 - La fonction de l'obligation au total individuelle est
d'assurer la réparation intégrale de la victime. Cette fonction
ne peut être expliquée que par la relation de
garantie(184), imposée par la loi ou par la jurisprudence,
qui s'ajoute à la relation fondamentale. Chaque codébiteur sera
responsable de l'obligation qui incombe à lui et garant des obligations
des autres codébiteurs. Dans ce cas, chaque codébiteur supporte
un faisceau d'obligation principal et partiel. Chacun des coauteurs est tenu
par une obligation conjointe qui est la part et la portion incombant sur lui et
une obligation de garantie de la part des autres coauteurs. Sans la relation de
garantie les coauteurs sont tenus conjointement, chacun pour sa part. Dans ce
cas, si l'un des coauteurs est insolvable la victime supporte son
insolvabilité. Alors que l'existence de la relation de garantie rend le
coauteur assigné la réparation de supporter
l'insolvabilité de l'un ou de plusieurs coauteurs. Cette relation de
garantie trouve son fondement dans l'équité accordée par
la jurisprudence à la victime(185).
185 - Quant à la structure obligatoire de l'obligation
au total individuelle délictuelle elle est la garantie
mutuelle(186). Chaque coauteur est tenu par deux obligations,
premièrement il est tenu à payer la part incombant sur lui selon
le principe de division de la dette entre les coauteurs, et deuxièmement
il est responsable d'une obligation de garantie qui, selon cette obligation,
garantit la part des autres coauteurs. Cette deuxième obligation de
garantie réciproque entre les coauteurs est la conséquence de
l'admission d'un recours au profit du solvens. Mais parfois la
jurisprudence donne à l'obligation de garantie des coauteurs le
caractère de la garantie simple(187) lorsque le dommage est
généré par la faute et le fait d'une chose, le gardien
solvens a un recours pour le tout contre l'auteur
fautif(188).
b - L'obligation individuelle contractuelle
186 - L'origine de l'obligation au total individuelle
contractuelle est la fusion de deux institutions la solidarité romaine
et la garantie mutuelle orientale(189). De même les deux
conditions de l'obligation individuelle contractuelle sont une relation
fondamentale et une relation de garantie.
(184) Mignon, précité, n 568 et s., p.411 et s.
(185) Mignon, précité, n 578, p. 419.
(186) Mignon, précité, n° 550 p.400-401.
(187) Ibid., n° 597-598, p.429-430.
(188) Infra nos 335 et s.
(189) Mignon, précité, n° 485-486, p.
360-361.
187 - La relation fondamentale peut être composée
d'une seule convention ou de plusieurs conventions(190). Dans
l'hypothèse ou elle est composée d'une seule
convention(191), la relation fondamentale est constituée par
un faisceau d'obligations conjointes. Le principe de division classique
répartit pro parte la dette unique entre les
codébiteurs. Mais en réalité il y a plusieurs
créances ou obligations conjointes l'objet de ces obligations est
réparti pro parte, la somme de ces objets est la dette totale
unique.
188 - Dans l'hypothèse ou la relation fondamentale est
composée de plusieurs conventions(192) juxtaposées il
y a plusieurs objets contractuels qui n'ont pas des obligations conjointes.
Plusieurs rapports juridiques ont donné naissance à plusieurs
obligations distinctes. La relation fondamentale est constituée d'un
ensemble de contrats juxtaposés et non pas d'obligations conjointes
comme dans l'hypothèse ou la relation fondamentale est composée
d'une seule convention.
189 - La relation de garantie(193) est la relation
qui s'ajoute à la relation fondamentale. Les partis sont libres de
stipuler la solidarité d'après l'article 1202 du Code civil. Non
établie, la relation de garantie n'existe pas les coauteurs sont tenus
conjointement chacun pour sa part. Au contraire, si elle est établie la
relation de garantie s'impose, de sorte que chaque codébiteur sera
responsable de deux obligations. Une obligation principale concernant la part
et portion de la dette incombant sur lui et une obligation accessoire
concernant la garantie des parts des autres codébiteurs. Dans ce cas, le
créancier peut exiger le paiement de la dette globale de chacun des
codébiteurs en sa double qualité. Chacun des codébiteurs
doit une des obligations conjointes et il est garant des autres obligations.
Nous avons vu jusqu'à maintenant la consécration
de l'obligation in solidum qui est une institution jurisprudentielle.
Mais, en réalité, l'obligation in solidum engendre
plusieurs rapports entre plusieurs individus, par conséquent, on visera
plus loin la structure de l'obligation in solidum.
(190) Ibid, n° 541, p.393.
(191) Ibid, n° 542, p. 394-395.
(192) Ibid, n° 544-545, p. 396-397.
(193) Ibid., n° 549, p. 399.
Chapitre II - LA STRUCTURE DE L'OBLIGATION IN
SOLIDUM
190 - Comme convenu, l'obligation in solidum est une
institution qui assure l'indemnisation totale à la victime contre le
dommage qu'elle a encouru par n'importe quel coauteur (Section I : Le
rapport externe). Néanmoins, dans l'obligation in solidum
se trouve plusieurs coauteurs, un seul d'entre eux supporte la
réparation (Section II : rapport interne).
SECTION I : LE RAPPORT EXTERNE
191 - La victime en matière d'obligation in
solidum peut ad libitum poursuivre l'un des coauteurs qui est
tenu à la réparation intégrale du dommage. Elle peut agir,
simultanément ou successivement, contre tous les coauteurs qui sont
placés sur un plan d'égalité sans aucun ordre ou aucune
hiérarchisation, ce qui déroge au principe de division de la
dette et les poursuites. C'est ce que la cour de cassation a
précisé dans divers arrêts. Le partage de la
responsabilité n'affecte que le rapport entre les coauteurs et est
inopposable à la victime(1).
192 - Cependant si le créancier peut poursuivre tous
les coauteurs il ne peut en aucun cas obtenir plus de ce qu'il
doit(2). La réparation du dommage ne peut être obtenue
qu'une seule fois selon le principe << pas d'intérêt pas
d'action ».
193 - L'inconnaissance ou l'insolvabilité de l'un des
coauteurs n'est en aucun cas un obstacle à la victime d'exiger le
paiement intégral du coauteur connu ou solvable(3). Le but de
l'obligation in solidum est d'assurer à la victime une
réparation totale du dommage qu'elle a subi sans aucun obstacle de fait.
Le fond de garantie que l'obligation in solidum assure est
réservé à la victime elle-même et non à
l'égard des coresponsables dans leurs rapports entre
eux(4).
194 - Également, la renonciation de la victime à
ses droits contre l'un des coauteurs(5) ou la prescription de son
action(6) ou la transaction consentie au profit de l'un des
coauteurs(7), n'a
(1) Cass. Crim., 16 fév. 1949, JCP
1950.II.5592 ; Cass. Civ. 2, 26 juin 1953, S. 1953.1.191; - 11 février
1954, Bull. civ. II, n° 56; Cass. Civ. 1re, 24
février 1954, Bull. civ. I, n° 74 ; - 14 décembre 1964,
D. 1965.95 ; Cass. civ. II, 22 mai 1979, Bull. civ. II, no 150 ; Com.,
l4 janv. 1997, Bull. Civ. IV, no 16, p. 13.
(2) Terré, Simler, Lequette, Les obligations,
8e éd., page 1172, no 1263.
(3) Pour l'insolvabilité de l'un des coauteurs voir :
Cass. Civ. 3e, 22 juin 1994, Bull. civ. III, n° 127, p. 80,
D. 1994.IR.226, Gaz. Pal. 1995.pan.16 ; Pour l'inconnaissance de l'un des
coauteurs voir : Cass. Civ. 2e, 29 avril 1970, JCP
1971.II.16586 ; Cass. Soc., 8 février 1972, D. 1972.656.
(4) Cass. Civ. 2e, 7 juin 1968, Bull.
civ. II, n° 162, p. 115.
(5) Cass. Civ. 1re, 7juin1977, Cass. Civ.
3e, 24 janvier 1978, Bull. civ. III, n° 50, Gaz. Pal.
1978.2.474, note Plancqueel D. 1978.IR.321, obs. Larroumet : << Le
désistement de l'instance dirigée contre l'un des coresponsables
n'implique pas que le
pas d'effet contre l'autre coauteur qui demeure responsable
pour le tout. Cette solution a été critiquée par son
injustice, car elle permet au créancier de demander la totalité
de la dette alors que c'est par son comportement il a renoncé à
ses droits ou de laisser la prescription de recourir où consente la
transaction.
195 - Admettre que le coauteur doit supporter la
totalité du dommage exige une explication logique. Pourquoi chacun est
tenu pour le tout ? (Sous-section 1 : La structure du rapport
externe). Et sur quel fondement la cour condamne le paiement de la
totalité de la dette ? (Sous-section 1 : Le fondement de
l'obligation in solidum).
§ 1 - LA STRUCTURE DU RAPPORT EXTERNE
Si l'obligation in solidum s'explique d'après
l'équité accordée à la victime cela ne suffit pas
il faut lui donner une structure logique. Dans cette optique existent maintes
propositions, celle de l'unité d'objet et de la pluralité de
liens et celle de la pluralité d'objets et des liens.
A - L'UNITÉ D'OBJET
196 - L'obligation in solidum se caractérise
par l'unité d'objet qui présume que tous les coauteurs se
trouvent unis autour d'un même objet unique, ils doivent supporter la
même dette. Le coauteur qui a payé la dette « n'a pas
payé une dette commune, il a payé comme sienne une dette qui a
toujours été sienne pour le tout «
>>(8). Avec cette structure l'obligation in
solidum serait de même nature que l'obligation solidaire. Le fait
que chacun des codébiteurs paie la dette implique qu'il paie la sienne.
Chaque codébiteur supporte une obligation principale, qui a sa source
indépendante et sa propre cause, la totalité de la
dette(9).
197 - La conséquence de cette doctrine est la
fédération de tous les codébiteurs autour d'un objet
unique, qui rend l'obligation in solidum et l'obligation solidaire de
même nature : l'unité d'objet et pluralité de liens. La
seule différence entre les deux institutions étant les effets
secondaires qui sont applicables à la solidarité et exclus en
matière d'obligation in solidum manque de mandant
réciproque(9 bis).
créancier consente la division de la dette ; la
condamnation in solidum des autres débiteurs trouve son fondement dans
le fait que le faute par eux commise a concouru la création de l'entier
dommage >>.
(6)
Cass. Com., 31 mars 1981, Bull.
civ. IV, n° 169 ; RTDC 1982.150, obs. G. Durry; Civ.
3e, 5 juillet 2000, Bull. civ. III, n° 135.
(7)
Cass. Com., 14 février 1989, R. C.
A. 1989.IV.6.
(8) Huc, op. cit., Tome VII, n° 314 ; J.
Français, thèse précitée, page 137.
(9) Charles François-Noël, thèse citée
par Mignon, page 220.
(9 bis) Infra nos 240 et s.
198 - L'admission de l'unité d'objet rend l'obligation
in solidum identique à l'obligation solidaire. Une seule dette
doit être dû par n'importe quel coauteur, sa conséquence est
le cumul des dettes à tous les coauteurs qui n'est pas concevable avec
l'état actuel. La doctrine de l'unité d'objet et de liens
explique le rapport externe de l'obligation in solidum mais reste
insuffisante à expliquer le rapport interne (9ter).
Mais pour quelques-uns l'obligation in solidum ne se
caractérise pas par l'unité d'objet. Chacun des faits a un objet
déterminé distinct de l'autre.
B - PLURALITÉ D'OBJET
199 - Presque unanimement les auteurs considèrent que
l'obligation in solidum se caractérise par la structure de
pluralité d'objets et de liens. Cependant cette doctrine est
actuellement contestée, elle est inspirée du principe de cumul
des actions pénales en droit romain.
1o - Exposé de la doctrine
Les insuffisances de la doctrine de l'unité d'objets et
de liens ne permet pas de justifier l'obligation in solidum c'est pour
cela les auteurs tournent vers la doctrine de la pluralité d'objets et
de liens(10).
200 - La pluralité d'objets explique que chacun des
codébiteurs est tenu d'une obligation distincte de l'autre, le coauteur
qui paie la dette, paie ce qu'il doit lui-même. Du point de vue du
créancier l'obligation in solidum est unique, mais du point de
vue des débiteurs elle est plurale(11). Chaque faute donne
lieu à une action et un lien juridique ayant son propre objet
différent des autres fautes. Cependant, la victime ne peut obtenir
qu'une seule obligation. Une autre justification présentée par
Chabas(12) pense que même si chacun des codébiteurs
doit un objet distinct, « ils doivent des choses identiques
>>, ou chacun supporte « une obligation identique quoique
indépendante >>(13).
(9 ter) Supra n° 162.
(10) CHABAS François, L'influence de la
pluralité des causes sur le droit à réparation,
LGDJ 1976; CHABAS François, Remarques sur l'obligation
« in solidum >>, RTDC 1967, p. 310 ; DERRIDA Fernand,
V°Solidarité, Rep. Dalloz ; J. Mestre et M.-E.
Tian-pancrazi, J-Cl civ., art. 1187 à 1216, obligations
conjointes et solidaires, fasc. 3, no 25 ; J. VINCENT,
L'extension en jurisprudence de la notion de solidarité
passive, RTDC 1939.601.
(11) J. Vincent, article précité.
(12) Thèse précitée, page 27.
(13) Demolombe, op. cit., n° 291, p. 227.
201 - Quant à la pluralité de liens, elle
explique que les rapports qui lient les débiteurs avec le
créancier sont isolés les uns par rapport aux
autres(14). Selon cette doctrine une indépendance
complète des liens existe. Chaque obligation a une cause
indépendante des autres causes. Il se peut que chacun des coauteurs est
tenu sur des bases différents, les uns sont tenus en raison d'un
délit ou quasi-délit ou gardien d'une chose ou d'après un
contrat ou une loi. Les autres en raison d'un autre délit ou
quasi-délit ou gardien d'une chose ou contrat ou une loi(15).
L'obligation s'éteint par le paiement de cette obligation sans aucune
extinction des autres obligations. Mais le créancier ne peut obtenir
qu'une seule fois le paiement de la dette, en se basant sur le principe que la
victime se désintéresse une seule fois(16), ou sur le
base de la règle que le créancier n'a pas intérêt
à agir contre les autres coauteurs(17).
202 - Cette doctrine mène à d'autres
conséquences la remise de la dette accordée à l'un des
coauteurs n'a d'effet à l'égard des autres coauteurs. Et le
coauteur solvens n'a aucun recours contre les autres
coauteurs(18).
2o _ Les critiques avancés
225 - La pluralité d'objets et de liens n'est que la
conséquence du principe de cumul absolu appliqué à
l'action pénale en droit romain classique(19). La victime
obtenait un nombre de peines autant au nombre des codélinquants, parce
que chacun d'eux était tenu à supporter distinctement. Cette
structure fut transposée au droit civil et donnée à
l'obligation in solidum même après son
détournement pour des matières civiles.
203 - L'admission de cette structure impose des
conséquences juridiques, qui doivent être appliquées
à l'obligation in solidum. La victime peut obtenir la
réparation plusieurs fois selon le nombre des coauteurs, parce que
chacun d'eux est tenu par une obligation distincte des autres. Mais la
jurisprudence ne permet à la victime d'obtenir qu'une seule fois la
réparation. Ce qui déroge au principe de pluralité
d'objets et de liens. De même, le coauteur solvens n'a pas un
recours contre les autres coauteurs parce qu'il a payé sa propre dette.
Ce qui ne justifie pas le recours contre les autres coauteurs.
(14) F. Derrida, op. cit.,
(15) J. Vincent, op. cit.,
(16) Chabas, article précité, RTDC 1967,
p. 319; J. Vincent, article précité, n° 58, p. 670.
(17) J. Mestre et M.-E. Tian-pancrazi, J-Cl civ., art. 1187
à 1216, obligations conjointes et solidaires, fasc.3,
no 25 ; J. Vincent article précité n° 58, p. 669 ;
Mazeaud et Chabas, Leçons de droit civil, tome II, Vol. I,
Les obligations théorie générale, 1998, n° 1072,
p. 1123.
(18) Sur l'effet de l'obligation in solidum,
Infra no
(19) Mignon Marc, thèse précitée,
Supra nos 159-161
La structure du rapport externe ne suffit pas à
condamner in solidum il faut un fondement juridique pour justifier la
condamnation du coauteur au paiement totale de la réparation.
§ 2 - LE FONDEMENT DU RAPPORT EXTERNE
204 - Le fondement de l'obligation in solidum a
changé depuis sa consécration. Premièrement c'est
l'indivisibilité qui prenait plusieurs aspects par la jurisprudence.
Mais elle n'a pas résisté aux critiques. Les partisans de
l'obligation in solidum s'orientent vers une autre justification celle
de la causalité totale et par suite vers la garantie qui devient le
fondement actuel de l'obligation in solidum.
A - L'INDIVISIBILITÉ
205 - On trouvait cette idée dans la doctrine avec
Demolombe(20). Ce dernier fonde l'obligation in solidum sur
l'indivisibilité lorsque le fait est indivisible ou lorsque le dommage
est indivisible. Il écrit dans ce sens que « Lorsque
plusieurs personnes ont commis un délit civil, sans qu'on puisse
distinguer la part de chacun d'eux dans la perpétuation du fait, ou dans
ses conséquences dommageables, il est logique de penser que
chacun d'eux soit tenu de le réparer pour le tout, comme s'il avait seul
commis pour le tout ».
206 - La jurisprudence appliquait les postulats de Demolombe,
l'appui sur l'indivisibilité se présentait par la cour de
cassation selon des formules différentes. Il s'agissait de fautes
communes(21), ou des fautes communes et indivisible(22),
ou des faits indivisible. Cette dernière formule exprime l'idée
de l'impossibilité de déterminer la part de chacun dans le fait
dommageable(23).
207 - La cour de la même manière exprimait
l'idée de l'indivisibilité par l'impossibilité de
(20) Demolombe, op. cit., t. XXVI, nos 291et
s ; Larombière, op. cit., tome II, n° 22, p. 607.
(21) Civ., 19 avril 1836, D.P. 1836.1.183 ; Civ., 19 avril
1836, D.P., 1836.l.183 ; Civ., 10 janvier 1849, D.P. 1849.1.195 ; Civ., 30 juin
1869, D.P. 1869.1.336 ; Civ., 14 mars 1882, D.P. 1883.1.403 ; Req. 28 janv.
1885, S.1885.1.480 ; Req., 18 nov. 1885; D.P.1886.1.398 ; Req., 10 fév.
1886, Gaz. Pal. 1886.1.454 ; Req., 16 mai 1892, D.P. 1892.1.348 ; Req., 4 avril
1940, précité ; Civ. I, 25 janv. 1960, Bull. Civ. I,
n° 49, p. 38 ; Civ. III, 8 mars 1968, Bull. Civ. III, n° 101, p.
81 ; Civ. III, 29 nov. 1968, Bull. Civ. III, n° 509, p. 390; Civ. III,
8 juillet 1971, Bull. Civ. III, n° 448, p. 320; Civ. I, 5 fév.
1975, Bull. Civ. I, n° 53, p, 50.
(22) Req., 27 déc. 1921, D.P. 1922.1.109 ; Req., 3
fév. 1930, Gaz. Pal. 1930.1.728 ; Req., 12 nov. 1940, D.A. 1941.37, Gaz.
Pal. 1941.1.5; RTDC 1940-1941, n° 8, p. 433, obs. H. et L.
Mazeaud ; Req., 28 mai 1889, 2e espèce, D.P. 1890.1.414 ;
Req.. 12 fév. 1879, D.P. 1879.1.281, note A. Boistel.
(23) Cass. Civ., 4 mai 1859, D. 1859.1.314 ; Cass. Civ., 12
février 1879, D. 1879.1.281 ; Cass. Civ., 28 mai 1889, D. 1890.1.415 ;
Cass. Civ., 13 juillet 1857, D., 1858.1.348 ; Req.., 20 juillet 1852, D.P.
1852.1.247.
déterminer la part de chacun dans le
dommage(24).
208 - Il s'agit d'une indivisibilité du fait, certains
auteurs considèrent l'indivisibilité du cause de dommage, ou
l'indivisibilité du dommage et parfois indivisibilité de
l'obligation. En somme toutes ces formulent résume une seule idée
le dommage est indivisible, la réparation doit être
intégrale d'après l'article 1382 du Code civil qui
détermine le caractère du fait et non pas son
étendue(25).
209 - Sans doute, l'indivisibilité discutée
ci-dessus est différente de celle réglée par le code
civil. Ici c'est l'indivisibilité du dommage qui rend l'obligation
in solidum, avec l'indivisibilité du code civil c'est l'objet
de l'obligation qui rend l'obligation indivisible.
210 - D'après cette idée « ou bien il
est prouvé que chaque cause a eu un effet déterminé
indépendant des autres causes et il y aura alors deux préjudices
différents donc exclusion de 1'obligation in solidum ; ou bien il est
prouvé que les différentes causes ont été
nécessaires pour la réalisation du dommage unique et alors
l'obligation in solidum s'impose. »(26).
211 - L'adoption du principe d'indivisibilité
s'éloigne du but de l'obligation in solidum qui est l'assurance
à la victime d'une réparation totale en cas de pluralité
d'auteurs. Si la cour détermine la responsabilité des coauteurs
l'obligation in solidum s'écarte. Dans ce cas on n'assure pas
à la victime une réparation intégrale. En plus si l'un des
coauteurs est insolvable la victime supporte son insolvabilité. De
même selon cette considération la cour pourrait condamner in
solidum l'un des coauteurs qui a contribué partiellement a la
réalisation du dommage où a aggravé le dommage sans qu'il
n'ait causé tout le dommage parce que la répartition étant
impossible vu que la victime a subi un dommage unique.
212 - L'indivisibilité comme fondement de l'obligation
in solidum subit des critiques tant sur le principe
d'indivisibilité dégagé, que sur l'impossibilité de
déterminer la responsabilité de chacun. Apparemment,
l'indivisibilité de l'obligation selon sa cause est totalement
différente de l'indivisibilité réglée par le code
civil(27), l'indivisibilité comme fondement de l'obligation
in solidum est une institution extralégale qui n'est pas
mentionnée par la loi. En plus, dire puisque le dommage est indivisible
ou il est impossible de déterminer la part de
(24) Req., 11 juillet 1826, précité; Civ., 30
juin 1869, D.P. 1869.1.336 ; Req., 17 juillet 1876, D.P. 1877.1.135 ; Req., 6
fév. 1883, D.P. 1883.1.451 ; Req., 22 juillet 1891, D.P. 1892.1.35, S.
1892.1.569 ; Req., 16 mai 1892, D.P. 1892.1.348 ; Civ., 11 juillet 1892, S.
1892.1.508 ; Civ. 15 juillet 1895, D.P. 1896.1.31 ; Req., 10 nov. 1897, D.P.
1898.1.310 ; Req., 20 janv. 1902, S. 1902.1.280 ; Req., 27 déc. 1921,
D.P. 1922.1.109 ; Civ., 3 juillet 1922, D.P. 1925.1.191, 1e
espèce ; Req., 5 juillet 1926, D.H. 1926.401 ; Req., 21 oct. 1929, S.
1930.1.10 ; Req., 9 déc. 1929, D.H. 1930. 117, S. 1930.1.174 ; Req., 11
dec. 1929, Gaz. Pal. 1930.1.300 ; Req., 2 juin 1930, D.H. 1930.377 ; Civ., 7
juin 1932, S. 1933.1.23 ; Req., 23 juillet 1935, S. 1935.1.333 ; Civ.
3e, 20 fév. 1969, Bull. Civ. III, no 158,
p. 120.
(25) Supra n o 85
(26) Chabas, thèse précitée, p. 22
(27) Supra no 53
chaque coauteur donc chacun doit la totalité de la
réparation, est temporairement fictif parce que le coauteur
solvens peut exercer un recours contre les autres coauteurs, et dans ce
cas la cour divise la dette entre eux chacun pour sa part(28).
213 - La critique de l'indivisibilité, qui fait
supporter la réparation sur une seule cause, n'arrête pas la
doctrine et la jurisprudence de condamner l'un des coauteurs de réparer
la totalité du dommage mais sur un autre fondement celui de la
causalité totale.
B -- LA CAUSALITÉ TOTALE
On analysera en premier lieu cette doctrine puis,
deuxièmement on abordera les critiques.
1o -- Exposé de la doctrine
214 - La causalité totale remplace
l'indivisibilité comme fondement de l'obligation in solidum
partant du postulat que chaque cause étant la cause totale du
dommage(29). La réparation intégrale du dommage
s'impose à l'un des coauteurs parce que sa faute cause tout le dommage.
Il est donc responsable d'après l'article 1382 du Code
civil(30).
215 - Cependant plusieurs explications ont été
données pour justifier la causalité totale. La première
présentée par Defroidmont(31) qui postule que «
Primus et Secundus ont donne mutuellement force dommageable l'un
à l'acte de l'autre. Ce qui remonte à Primus, c'est 1o
sa faute, 2o d'avoir mis la faute de Primus dans le cas de
nuire. C'est pourquoi ils se trouvent tout entiers dans
l'événement comme la cause dans l'effet ; et comme
l'événement est un et qu'il est un seul mal, il faut
nécessairement que le mal de l'un soit le mal de l'autre sans division
possible ... les auteurs au regard l'un de l'autre sont cause mutuelle du
caractère dommageable de leur acte fautif. ».
(28) Aydolat, conclusions, Ch. Réuni 25 novembre 1964,
D. 1964.733 ; Radouant note sous cass. 13 mars 1957, D. 1958.73 ; Meurisse,
le déclin de l'obligation in solidum, D.1962, Ch. page 243 ; J.
Boré, Les arrêts de la chambre mixte du 20 décembre
1968, JCP 1969.I.2221, nos 20 à 27.
(29) Rodière, De la solidarité et de
l'indivisibilité, thèse, page 123, nos 168 et s.
« » ; Aubry et Rau, op. cit., note 14, page 33) « ...
chacune des personnes qui ont participé au délit, est
à considérer comme étant individuellement l'auteur du
dommage qu'il a causé, et en doit, par conséquent, la
réparation intégrale. » ; Antoine blanche, n° 411, p.
500 : « celui qui a concouru in solidum, en tout et pour le
tout, au fait préjudiciable doit concourir in solidum, en tout et pour
le tout, à la réparation ».
(30) Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., tome II,
no 1305 ; H. et L. Mazeaud, Traité théorique et
pratique de la responsabilité civile, t. II, no 1944, p.
1064 et s. ; R. Savatier, ouvrage précité, tome II, no
488.
(31) Cité par H. Et L. Mazeaud, Théorique
et pratique de la responsabilité civile, t. II, no 1944,
p. 786 ; Dans le même sens : Meurisse : Le déclin de
l'obligation in solidum, D. 1962, Ch. p. 243 : « si l'une des
fautes n'avait pas été commise, aucun préjudice n'aurait
été causé à la victime ».
216 - Pour certains auteurs la causalité totale
s'explique d'après la théorie de l'équivalence des
conditions(32). Dans ce sens, un auteur(33) relève
qu'il « Il ny a pas, selon elle à distinguer parmi les
événements qui ont précédé un dommage, ceux
qui ont eu une influence plus ou moins directe, ou plus ou moins proche, ou
plus ou moins dynamique : ils s'équivalent tous, ils peuvent tous en
être considérés comme la cause, dès lors qu'ils en
ont été la condition, c'est-à-dire que sans l'un
quelconque d'entre eux, ce dommage n'aurait pas lieu. Tout dommage
n'étant possible que par la réunion d'un grand nombre de
circonstances, il suffira que parmi ces circonstances, il se trouve une faute,
et que le dommage n'ait pas eu lieu sans elle, pour que cette faute puisse
être considérée comme la cause de tout le dommage et
engendre l'obligation de le réparer ».
217 - Dans la jurisprudence la diversification des formules se
diffèrent, mais tous expriment la même idée, chaque cause
est la cause du dommage tout entier. Dans une série d'arrêts la
cour précise que « lorsqu'il y a entre chaque faute et la
totalité du dommage, une relation directe et
nécessaire»(34), ou sans la faute du coauteur le
dommage n'aurait pas été produit(35).
2o _ Critique de la causalité totale
218 - Sans l'une des fautes le dommage n'aurait pas
été produit, c'est ce présument les partisans de la
causalité totale. Mais cette conception est fausse parce que l'autre
coauteur peut prouver l'inverse ce qui exclut toute
responsabilité(36). Un autre auteur relève que «
Cet argument n'est pas convaincant, car l'autre coauteur peut soutenir la
même chose ; cela prouve que chacun n'a été qu'une
cause partielle du dommage, ce qui, au demeurant, est évident
puisque, par hypothèse, c'est la conjonction des divers faits qui a
été nécessaire pur que le dommage s'ensuive
»(37).
(32) Supra no 118.
(33) P. Kayser, La solidarité au cas de fautes,
Rev. Crit. 1931, n° 6 ; cité par J .Français, thèse
précitée, page 129-130.
(34) Civ. 11 juillet 1892, précité; Civ., 8
juillet 1895, D.P. 1896.1.85 ; Civ., 5 mai 1896, S. 1896.1.345 ; Req., 12
fév. 1935, Gaz. Pal. 1935, 1, 64, Sem. Jur.1935, 703 ; Civ., 20 mai
1935, D.H.1935, 394, Sem. Jur. 1935,1107, Gaz. Pal. 1935.2.187 ; Req., 29
déc. 1852, D.P. 1853, 1,49 ; Civ., 4 déc. 1939,
précité ; Req., 20 mai 1941, S. 1941, 1,200 ; Civ. III, 5 janv.
1973, Bull. Civ. III, no 27, p. 21 ; Civ., 3 juin 1902,
D.P. 1902, 1,452, S. 1902, 1,485 ; Req., 27 déc. 1921, D.P. 1922, 1, 109
; Req., 9 déc. 1929, D.H. 1930,117 ; Req., 2 juin 1930, D.H. 1930,377,
S. 1931, 1,350 ; Civ. I, 7 oct. 1958, D. 1958,763 ; Civ. I, 14 oct. 1958,
Bull. Civ. I, n° 426, p. 342 ; Civ. I, 14 oct. 1958,
Bull. Civ. I, no 430, p, 345 ; Civ. II, 21 juillet 1969,
Bull. Civ. II, no 266, p. 192 ; Civ. III, 8 juillet 1971, Bull.
Civ. III, no 448, p. 320 ; Civ. I, 5 fév. 1975,
Bull. Civ. I, no 53, p. 50 ; Civ. III, 11 juin 1976,
Bull. Civ. III, no 260, p. 200, D. 1976, I.R. 271,
RTDC 1977, no11, p. 136, obs. DURRY Georges ; Com., 31 mars
1981, Bull. Civ. IV, no 169, p. 134 ; Civ. II, 3
fév. 1983, JCP Ed. G. 1984.II.20183, note CHABAS F.
(35) Req., 25 mars 1874, S. 1874.1.220 ; Civ., 11 juillet
1892, précité; Req., 29 déc. 1852, D.P. 1853.1.49, S.
1853.1.91 ; Rouen, 16 janv. 1895 sous Req., 21 oct. 1896, D.P. 1900.1.41 ;
Req., 10 nov. 1897, D.P. 1898.1.310 ; Civ. I, 11 fév. 1970, Bull.
Civ. I, n° 53, p. 43.
(36) Chabas, thèse précitée, n° 15, page
20.
(37) STARCK Boris, La pluralité des causes de
dommage et la responsabilité civil, JCP 1970, I, 2339,
n°15.
Notons aussi que l'admission de la causalité totale
n'explique pas le recours du coauteur solvens. S'il a causé
tout le dommage pourquoi la cour de cassation lui confère un recours
subrogatoire(38).
219 - Cependant la critique de la causalité ne se
limite pas à cet argument réciproque, elle s'étend
à la fonction même de la causalité, << La
causalité existe ou n'existe pas, et il ne peut être question de
degrés »(39), c'est la fonction de la
causalité. Elle n'est qu'un lien factuel transposé au domaine
matériel(40). Donnant à la causalité la
fonction matérielle où le mécanisme de déterminer
la part de chaque cause est une fiction juridique. Un auteur(41)
relève que << la causalité est un élément
nécessaire à la responsabilité, car on ne saurait exiger
réparation de n'importe qui : il faut bien qu'entre l'activité du
défendeur et le dommage il y ait une relation de causalité «
».
220 - Les théories de la causalité
proposées s'attachent au domaine théorique qui diffère de
la fonction de lien de causalité. Elles cherchent un lien entre le
dommage et le fait illicite. La confusion entre les théories de
causalité et le lien de causalité conduit à une confusion
entre le domaine factuel et le domaine matériel.
221 - En donnant à la causalité la fonction de
détermination le montant de réparation s'avère contre
certaines exceptions légales et jurisprudentielles. La loi du 7 juillet
1967, qui concerne le cas d'abordage maritime(42), impose aux
navires la réparation intégrale du dommage. Et, entre eux, la
division de la réparation est proportionnelle à la gravité
de la faute. La causalité n'est en aucun cas le mécanisme de
détermination de la part de chacun.
222 - De même, et dans quelques solutions
jurisprudentielles, la faute de la victime est partiellement
exonératoire pour les coauteurs(43). En matière
d'accident de la circulation la loi de 1985 parle de l'implication au lieu de
la causalité, ce qui a une portée plus large que celle de la
causalité.
223 - L'indivisibilité et la causalité totale deux
fondements qui ont été successivement donné à
l'obligation in solidum mais on a vu que ses deux fondements n'ont pu
justifié
(38) Infra n° 278 et s.
(39) P. Conte, Rep. Dalloz, Yo
Responsabilité du fait personnel, no 128, page 21.
(40) Mignon Marc, thèse précitée,
no, page.
(41) STARCK Boris, Loc. cit.
(42) << S'il y a faute commune, la
responsabilité de chacun des navires est proportionnelle à la
gravité des fautes respectivement commises. Toutefois, si,
d'après les circonstances, la proportion ne peut être
établie ou si les fautes apparaissent comme équivalentes, la
responsabilité est partagée par parties égales. Les
dommages causés, soit aux navires, soit à leur cargaison, soit
aux effets ou autres biens des équipages, des passagers ou autres
personnes se trouvant à bord, sont supportés par les navires en
faute, dans ladite proportion, sans solidarité à l'égard
des tiers ».
(43) Supra no 142 et s.
l'obligation in solidum. Aujourd'hui la plupart des
auteurs s'inclinent vers l'idée de garantie pour justifier l'obligation
in solidum.
C - LA GARANTIE
224 - Dans cette optique on trouve deux explications de la
garantie l'une est une garantie à l'égard de la victime, l'autre
une garantie entre les coauteurs. La première considère que
l'obligation in solidum est une faveur faite à la victime pour
assurer une indemnisation complète du préjudice qu'elle a
subi(44). Cette explication se justifie à ce que la victime
n'est pas obligée à diviser ses poursuites et de supporter
l'insolvabilité de l'un des coauteurs. La pluralité d'auteurs
impose une pluralité de responsabilités autant des coauteurs en
vertu de la pluralité de causes. Selon certains auteurs cette
explication de l'obligation in solidum la rend identique à
celle de la solidarité(45).
225 - La deuxième explication de garantie est
présentée par Mignon(46) qui considère que
chacun des coauteurs supporte deux obligations, une principale qui est la part
et portion qu'il a causée, et l'autre une obligation de garantie
réciproque entre les coauteurs de sorte que chacun garantie la part des
autres. Selon Mignon la garantie n'est pas à l'égard de la
victime elle est réciproquement à l'égard des
coauteurs.
226 - Aujourd'hui la jurisprudence de la cour de cassation et
à plusieurs reprises présume « que chacun des
responsables d'un même dommage doit être condamné à
le réparer en totalité »(47). D'après
cette jurisprudence la relation totale que la cour de cassation exigeait entre
la faute et l'entière du dommage n'est pas maintenant exigée, ce
qui nous montre que la fonction de l'obligation in solidum n'est
qu'une garantie de paiement accordée à la victime.
227 - Précisons enfin que la garantie aussi
présentée permet la condamnation in solidum
(44) J. Radouant, notes sous cassation, D., 1958.73 et D.
1961.681; BORE Jacques, Le recours entre coobligés in solidum,
JCP 1967.1.2126 ; La causalité partielle ou les deux
visages de l'obligation in solidum, JCP 1971.1.2369 ; P. Raynaud,
La nature de l'obligations des coauteurs d'un même dommage,...
Art. précité ; B. Stark, H. Roland et L. Boyer, Droit
civil, Les obligations, tome I, Responsabilité
délictuelle, 4e éd. no 1271 ; J. Flour
et J. L. Aubert, Les obligations, tome II, Le fait juridique,
6e éd., no 170; Ph. Le Tourneau et L. Cadiet,
Droit de la responsabilité, no 840.
(45) J. Flour et J. L. Aubert, Les obligations, tome
II, Le fait juridique, 6e éd., no 170 ;
Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munik, Droit civil,
Les obligations, Defrénois, 2004, no 1284.
(46) Marc Mignon, thèse précité.
(47) Com., l4 janv. 1997, Bull. Civ. IV,
no 16, p. 13 ; Cf. Civ., 12 mai 1966, Bull. Civ. II, n°
565, p. 404 ; Civ. I., 26 janvier 1970, Bull. Civ. I, no
35, p. 28 ; Civ. II, 26.fév. 1970, Bull. Civ. II, no
75, p. 57; Civ. II, 23 avri11971, JCP Éd. G. 1972,17086, 3e
espèce, note J. BORÉ ; Civ. II, 2 avril 1979, Bull. Civ.
II, no 110, p. 78 ; Civ. Ill, 25 mars 1980, Bull. Civ. III,
no 69, P. 48 ; Soc, 12 mai 1982, Bull. Civ. V,
no 300, p. 223 ; Civ. II, 12 janv. 1984, Bull. Civ. II,
no 5, p.3 ; Civ. II, 15 juin 1983, JCP Éd. G.
1984.II.20274, note F. C. ; Civ. III, 5 déc. 1984, Bull. Civ.
III, no 206, p. 161 ; Civ. I, 28 mars 1995, Bull. Civ. I,
no 146, p. 104.
aux auteurs qui ne contribuent pas totalement dans la
réalisation du dommage, même si leurs faits aggravent la
conséquence dommageable ou la participation est incomplète. Ce
qui donne à l'obligation in solidum un domaine
vaste(47bis).
Nous avons vu le rapport coauteurs victime, reste aussi le
rapport des coauteurs entre
eux.
SECTION II - RAPPORT INTERNE
228 - La fonction de l'obligation in solidum est
d'assurer à la victime la réparation du dommage en poursuivant
l'un des coauteurs. Rationnellement est-ce que le coauteur doit supporter seul
la dette ? Sûrement non, parce qu'il y a d'autre qui a aussi
contribué dans la réalisation du dommage. Quelle relation peut-il
exister entre le coauteur qui a payé la dette et les autres. En payant
la dette peut recourir contre les autres ? Afin de répondre à ces
questions on analysera les effets de l'obligation in solidum
(Sous-section 1), et le recours du solvens contre les autres
coauteurs (Sous-section 2).
§ 1 - LES EFFETS DE L'OBLIGATION IN SOLIDUM
229 - Les effets de l'obligation in solidum sont
justifiés selon la doctrine de l'unité d'objet et la
pluralité de liens, puisque chaque coauteur est tenu par une obligation
distincte de l'autre les effets collectifs de la solidarité sont exclus
en matière d'obligation in solidum. Chaque obligation a ses
propres effets. Cependant, une autre justification des effets de l'obligation
in solidum d'après la garantie.
Il s'agit en effet du paiement de la dette, de la compensation,
de la transaction et les effets secondaires de la solidarité.
1o - Le paiement
230 - Le paiement intégral de la dette effectué
par l'un des coauteurs est libératoire pour les autres à
l'égard du créancier. Ce denier ne peut obtenir l'endommagement
qu'une seule fois suivant la règle procédurale « Pas
d'intérêt, pas action »(48).
(47bis) G. Viney et P. Jourdain, Traité de
droit civil, 2e éd., LGDJ 1998, n° 412, p.
259.
(48) J. Mestre et M.-E. Tian-pancrazi, J-Cl civ., art.
1187 à 1216, obligations conjointes et solidaires, fasc.3,
no 69, page13; Mazeaud et Chabas, Leçons de droit
civil, tome II, Vol. I, Les obligations théorie
générale, 1998, no 1072, p. 1123.
231 - Mais dans le cas où le créancier
reçoit un paiement partiel, il pourrait renouveler ses poursuites pour
le complément de la dette non acquittée. Donc, il faut que le
paiement soit définitif et total pour que les autres coauteurs soient
exempts des poursuites du créancier. De même, si le paiement
intégral n'est pas exécuté par un des coauteurs, le
créancier peut poursuivre les autres coauteurs non poursuivis.
2o _ La compensation
232 - Il s'agit en effet de savoir si le codébiteur
poursuivi pourrait opposer à la victime la compensation entre la dette
de l'un des codébiteurs et ce que le créancier doit à ce
dernier. Surtout l'article 1294 alinéa 3 C. civ. dispose que «
le débiteur solidaire ne peut « opposer la compensation de ce que
le créancier doit à son codébiteur >>. La
disposition de cet article fut critiquée et une autre explication fut
donnée à la compensation selon la garantie. La compensation entre
l'un des coauteurs et la victime dans le cadre de la garantie simple et de la
garantie mutuelle peut être invoquée par les autres coauteurs,
tous profitent de la compensation opérée entre la victime et l'un
d'eux(49).
233 - Cependant, l'article 1294 al. 3 aurait été
posée devant la cour de cassation, s'il est applicable à
l'obligation in solidum. L'architecte Sogorb fut condamné
in solidum avec l'entreprise Dordilly pour le paiement d'une somme
réclamée par la société de géophysique qui
à son tour était débitrice de l'entreprise Dordilly.
Sogorb réclamé pour le paiement de la dette, il s'oppose à
la Société de géophysique la compensation entre la dette
réclamée et la dette qu'elle doit à l'entreprise Dordilly.
La Société mettait en cause l'article 1294 al 3. La cour,
statuant sur ce point, décide qu'« Attendu que si l'obligation
solidaire et l'obligation in solidum ont l'une et l'autre pour effet
de contraindre le débiteur au payement du tout, la règle
exceptionnelle de l'article 1294, § 3, ne peut être étendue
à l'obligation in solidum, qui reste soumise au droit commun
>>(50).
234 - Postérieurement, il a été
jugé que la compensation en matière d'obligation in
solidum(51) est opposable aux tous les coauteurs, même si
l'article 1294 al. 3 écarte cette exception en matière de
solidarité. Le paiement intégral par l'effet de la compensation
est libératoire pour tous, mais s'il s'avère qu'elle était
partielle, la victime peut renouveler ses poursuites de nouveau contre les
coauteurs pour obtenir la totalité de sa dette.
(49) Mignon Marc, op. cit., n° 948, page 700.
(50) Civ. 1er, 29 nov. 1966, Bull. civ. I,
n° 531, D. 1967.2, JCP 1968.II.15355, note PLANCQUEEL,
RTDC 1967, p. 152, obs. CHEVALLlER ; Seine, 23 avril 1963, D. 1964.62,
note L. Mazeaud.
(51)
Cass. Com., 19 juillet 1982, Bull.
civ. IV, no 278, D. 1982.IR.424.
235 - Certains auteurs reprochent à la jurisprudence
son refus d'étendre à l'obligation in solidum l'article
1294 C.civ.(52). Ils raisonnent dans ce sens, qu'il est regrettable
qu'un assureur puisse invoquer contre la victime la compensation avec la somme
qu'elle doit au responsable ce qui prive la victime de la réparation du
dommage.
236 - En droit Libanais c'est l'article 37 COC qui dispose que
<< Lorsqu'il y a solidarité entre les débiteurs, chaque
codébiteur peut libérer tous les autres.
1 - ....
2 - en opposant, pour cette totalité, la
compensation d'une créance existant à son profit sur la
créance. ». Cet article traite le cas où le
débiteur poursuivi compense avec le créancier, mais le cas que
nous sommes en présence, est que si chacun des codébiteurs peut
opposer au créancier ce qu'il doit à l'un d'eux.
3o #177; La transaction
237 - D'après l'article 2051 du Code civil <<
la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les
autres intéressés et ne peut être opposée par
eux ». En droit libanais c'est l'article 34 du COC qui dispose que
<< La transaction faite entre le créancier et l'un des
coobligés profite aux autres lorsqu'elle contient la remise de la dette
ou un autre mode de libération. Elle ne peut les obliger ou aggraver
leur condition, s'ils ne consentent à y accéder. »
238 - Selon la théorie de la représentation
réciproque la transaction est relative. Elle s'attache à celui
qui a été déféré, mais si elle était
favorable tous les codébiteurs profiteraient de ces conséquences.
La transaction dans la théorie de Mignon(53) est
libératoire pour tous les codébiteurs dans le cadre de la
garantie simple si son objet est l'obligation principale. Dans le cadre de la
garantie mutuelle la transaction qui n'est pas consentie par tous les coauteurs
n'a pas d'effet, parce que chacun ne peut transiger que sur les droits dont il
est le titulaire. Donc, la transaction faite entre la victime et l'un des
coauteurs n'a d'effet qu'à l'égard de ce dernier.
239 - À son tour la cour de cassation française
a implicitement admis que la transaction, en matière d'obligation in
solidum, faite au profit de l'un des coauteurs n'a pas d'effet à
l'égard des autres, ils restent tenu pour le tout(54). Mais
d'un autre côté, la cour de cassation et dans l'arrêt de 7
juin 1977 a permis au responsable solvens de recourir contre celui qui
a profité de la transaction pour sa part. Cela nous indique que la
transaction est partielle et n'a pas
(52) MALAURIE Ph., AYNES L. et STOFFEL-MUNICK Ph., Les
obligations, Defrénois, 2004, no 235.
(53) Thèse précitée, n° 1036-1037, page
758.
(54) Civ. 1re, 7 juin 1977, JCP
1978.II.19003, note N. Dejean De La BÂTIE, D. 1978.J.289, note Chr.
Larroumet ; RTDC 1978, p. 364, obs. G. Durry, Gaz. Pal. 1978.1.131,
note Plancqueel ;
Cass. Com., 14 février 1989, R. C.
A. 1989.IV.6.
d'effets à l'égard des autres coauteurs que s'ils
la consentent, où si elle était avec tous les coauteurs.
À part la transaction, les effets secondaires de la
solidarité ne sont pas applicables à l'obligation in
solidum. Si l'effet principal de la solidarité est admis en
matière d'obligation in solidum les effets secondaires ne le
sont pas. C'est la particularité de l'obligation in solidum.
4o #177; Effets secondaires de la solidarité
240 - Les effets secondaires de la solidarité ne sont
pas applicables à l'obligation in solidum, c'est son
originalité et son but. Cette exclusion des effets secondaires se fonde
sur l'absence d'une communauté d'intérêts entre les
codébiteurs. C'est la cour de cassation(55) qui a
décidé qu' « en matière de réparation d'un
délit civil, l'obligation de chacun des coauteurs est une obligation
in solidum, de laquelle résulte contre chacun une obligation au
tout, mais non une communauté d'intérêts permettant d'en
déduire une représentation réciproque ».
241 - La volonté commune entre les codébiteurs
solidaires ne se trouve pas entre codébiteurs in solidum ce qui
ne justifie pas le mandat réciproque. L'exclusion de la
communauté d'intérêt entre coauteurs, en matière
d'obligation in solidum, selon quelquesuns(56) est fictive,
parce qu'une fraude entre l'un des codébiteurs et le créancier,
doit toujours être réservée, il se peut que la
réparation serait supportée à quelqu'un d'entre les
coauteurs(57).
242 - La conséquence de l'absence d'un mandat
réciproque est l'exclusion en matière d'obligation in
solidum des règles relatives à l'opposabilité de la
chose jugée, l'interruption et la suspension de la prescription, la mise
en demeure et l'appel.
243 - a) - Il a été jugé que la
renonciation de la victime à son action à l'égard de l'un
des coauteurs, tous poursuivis, n'empêche pas l'autre coauteur, s'il a
été poursuit pour le tout, de recourir contre le coauteur au
profit duquel la renonciation était faite(58). Mais cette
solution s'explique si le fondement du recours du solvens est autre
que la subrogation(59).
(55) Cass., civ. 2e, 9 janv. 1958, Bull.
civ. 2e, n° 36, D., 1958.292 ; Cf. Civ.1re, 27
novembre 1967, Bull. civ. I, n° 337 ; Civ.2e, 16 mars 1966,
Bull. civ. II, no348; civ. 2e, 9 janvier 1958,
D., 1958.292 ; Civ. 1re, 27 oct. 1969 : Bull. civ. I,
no 314.
(56) Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil, Les
obligations, Cujas, no 1156.
(57) Civ., 14 fév. 1990, D. 1990.IR.65.
(58) Paris, 15 oct. 1975, Gaz. Pal 1976.Somm. 58 ; Cass. civ.
1re, 7 juin 1977, JCP 1978.II.19003, note N. Dejean De La
BÂTIE, D. 1978.J.289, note Chr. Larroumet, RTDC 1978, p. 364,
obs. G. Durry, Gaz. Pal. 1978.1.131, note Plancqueel ; Cass. civ.
3e, 24 janvier 1978, Bull. civ. III, n° 50, Gaz. Pal.
1978.2.474, note Plancqueel D. 1978.IR.321, obs. Larroumet.
(59) Infra nos 281 et s.
244 - Cependant, cette jurisprudence se reproche que cette
action récursoire peut être évitée en condamnant le
coauteur qui ne bénéficiait pas de la renonciation de
réparer le dommage après la soustraction de la part du coauteur
qui bénéficiait de la renonciation(60).
245 - Sans doute, le fondement de l'obligation in
solidum a une influence directe sur la renonciation de la victime s'il est
libératoire ou non pour tous les coauteurs. Si le fondement de
l'obligation in solidum est la causalité totale, la
renonciation faite à l'un des coauteurs n'a pas d'effets à
l'égard des autres. Mais si le fondement est la garantie de sorte que
chacun est tenu d'une portion et garant des portions des autres la renonciation
faite à l'un des coauteurs ne peut être que partielle.
246 - b) - La mise en demeure doit être adressée
à chacun des coauteurs contrairement à l'article 1205 C. civ. qui
s'attache à la solidarité passive(61). Une autre
explication est présentée de la mise en demeure d'après la
garantie(61bis). Dans la garantie simple
l'intérêt est collectif. Chacun des coauteurs est tenu des
intérêts par ce qu'ils sont tenus d'une seule obligation. Mais
dans la garantie mutuelle la mise en demeure adressée à l'un des
coauteurs fait courir l'intérêt pour l'intégralité
de la dette à l'égard du créancier. Et à
l'égard des autres coauteurs, elle court aussi mais proportionnellement
à la part et portion de chacun.
247 - c) - Le principe de l'autorité de la force
jugée est aussi jugé inopposable aux autres codébiteurs
tenus in solidum(62). Mais en matière d'assurance
cette solution n'est pas admise. Le jugement obtenu contre l'assuré est
opposable par la victime à l'égard de l'assuré, sauf s'il
existe une fraude entre la victime et l'assuré(63).
248 - d) - Les voies de recours sont aussi inopposables entre
les codébiteurs. Elles sont personnelles et s'attachent à chaque
coauteur. Par exemple, les coauteurs condamnés par les premiers juges
pourraient interjeter un appel le jugement sans que chacun soit opposé
un non-recevoir de son appel par cause que l'autre coobligé n'a pas fait
appel(64). Pour le délai d'exercice de la voie de recours, il
ne commence à courir qu'à la datte de notification de chaque
coauteur. Si la signification est faite contre l'un d'eux le délai ne
courir à l'encontre des autres(65).
(60) P. RAYNAUD, La nature de l'obligation des coauteurs
d'un dommage, obligation in solidum ou solidarité? Mélanges
dédiés à J. Vincent, no 22 ; Civ.
3e, 24 janv. 1978, Bull. civ. III, n° 50, D. 1978.IR.321,
obs. Larroumet.
(61) J. Mestre et M.-E. Tian-pancrazi, J-Cl civ., art. 1187
à 1216, obligations conjointes et solidaires, fasc.3.
(61 bis) Marc Mignon, op. cit., nos
1023-1024, page 751.
(62) Cass. Civ., 4 février. 1954, Bull. civ. II,
no 47.
(63) Cass. civ. 1re, 12 juin 1968, Bull civ.
I, n° 170, D. 1969.249, JCP 1968.II.15584; Critique de l'effet
collectif de l'interruption en matière solidaire, Mignon, thèse
précité, n° 1022, p. 749-750.
(64) Cass. civ. 2e, 6 nov. 1969, Bull. civ.
II, no 300, RTDC 1970.413, obs. P. Raynaud.
(65) Pau 20 mai, 1952, S. 1953.2.103.
249 - En droit libanais et selon l'article 617 CPC la
signification d'un jugement entre coobligés solidaires ne fait courir le
délai que contre celui dont la signification à été
faite à son égard. Mais si la décision est à leurs
profits chacun pourrait profiter de la signification faite à l'un
d'eux.
250 - e) - L'appel interjeté n'est profitable qu'au
coobligé qui l'a utilisée et ceux intervenus à l'instance
d'appel(66). Ce qui n'exerce pas l'appel ou plutôt
néglige de se joindre au recours formé par un autre ne peut
profiter du bénéfice obtenu par celui-ci(67). Par
conséquent, si un seul codébiteur obtient des juges du second
degré une réduction de la réparation il se profite seul,
mais d'un autre côté, il n'y a pas aucun obstacle
d'exécuter le nouveau jugement obtenu contre les autres
coobligés(68).
251 - f) - Concernant le pourvoi en cassation une
jurisprudence traditionnelle refuse d'étendre les effets de la cassation
aux coauteur in solidum qui n'avaient pas attaqué l'arrêt
ou qui ne s'étaient joints à l'instance de
cassation(69).
252 - Cependant, la question s'est posée après
le règlement de la procédure devant la haute juridiction en 1979.
Précisément c'est l'article 615 du C.P.C. français qui
dispose qu' << En cas d'indivisibilité à l'égard
de plusieurs parties, le pourvoi de l'une produit effet à l'égard
des autres meme si celles-ci ne sont pas jointes à l'instance de
cassation ». La cour de cassation visant la question décide
que l'article 615 est applicable à l'obligation in solidum. En
effet la cour déclare que(70) << la cassation du
chef de l'arrêt prononçant la condamnation in solidum de
la demanderesse au pourvoi profite à tous les condamnés in
solidum ».
253 - Mais cette décision est restée isoler parce
que la même chambre et dans deux arrêts ultérieurs revenait
sur la position de non profit des coauteurs non joints au
pourvoi(71).
254 - g) - L'interruption de la prescription contre l'un des
coauteurs ne l'interrompe pas à l'égard des
autres(72). L'interruption collective en matière solidaire
(article 1206 C. civ. article 36 COC) n'est admise en matière
d'obligation in solidum qu'entre l'assureur et l'assuré
seulement(73).
(66) CA Pau, 20 mai 1952, Gaz. Pal. 1952.2.52, D. 1952.678 ;
Cass. civ. 2e, 16 mars 1966, Bull. civ. II, no
348.
(67) Req., 14 mars 1934, D.H. 1934.249 ; Cass. Civ.
2e, 21 nov. 1958, Bull. civ. II, n° 762, Gaz. Pal.
1959.1.113.
(68) Cass. civ. II, 16 mars 1966, Bull. civ. II,
no 348.
(69) Cass. civ. 1re, 21 nov. 1967, Bull.
civ. I, n° 337 ; Cass. civ. 3e, 19 avril 1977, Bull. civ.
II, n° 165; - 11 juin 1980, Gaz. Pal. 1981.1.291, note Plancqueel.
(70) Cass. 30 civ. 10 mars 1981, Bull. civ. III,
n° 49, D. 1981.429, note J. Boré.
(71) Cass. civ. 3e, 18 oct. 1983, Bull. civ.
III, n° 186 ; - 22 fév. 1984, Bull. civ. III, n° 47.
(72) Ph. Le Tourneau, article précité, n° 159,
p.19.
(73) Cass. civ. 1re, 12 juin 1968, Bull civ.
I, n° 170, D. 1969.249, JCP 1968.II.15584 ; Critique de l'effet
collectif de l'interruption en matière solidaire, Mignon, thèse
précité, n° 1022, p. 749-750.
Selon la théorie de Mignon(73bis),
dans la garantie simple l'interruption de la prescription contre le coauteur
principal ne l'interrompe pas à l'égard des autres vu le
caractère accessoire de leurs obligations de garantie. Il en est de
même dans la garantie mutuelle.
255 - S'agissant des causes de la suspension de la
prescription, ils sont personnelles, elles s'attachent à chaque coauteur
(Art. 36 al. 2e COC libanais), mais les causes communes, par exemple
l'incapacité du créancier, sont valables pour tous les
coauteurs(74).
256 - Notons enfin que la prescription de
l'action(75) contre l'un des coauteurs n'empêche pas la
victime de poursuivre les autres qui demeurent tenu pour le tout, s'appuyant
sur l'idée que chacun doit différemment de l'autre. Mais cette
solution se reproche que c'est par le comportement de la victime qui
laissé courir le délai.
Le principe de l'obligation in solidum est de
faciliter à la victime de demander la réparation du dommage
qu'elle a subi de l'un des coauteurs. Néanmoins, cela ne doit pas
aboutir à l'omission du droit des coauteurs si l'un d'eux a payé
la totalité de la dette. A-t-il un recours contre les autres
coauteurs.
§ 2 : ACTIONS RÉCURSOIRES
257 - Le responsable poursuivi doit payer
l'intégralité du dommage, c'est la fonction de l'obligation
in solidum. Cependant, il n'est pas seul responsable, il y a aussi
d'autres coauteurs. Est-ce que la structure de l'obligation in solidum
justifie le recours ?
258 - La structure de l'obligation in solidum ne
permet pas au responsable solvens de recourir contre les autres
coauteurs. Chacun doit un objet distinct de l'autre, « Celui qui a
payé n'a pas payé une dette commune, il a payé comme
sienne une dette qui a toujours été sienne pour le tout, et qui
ne s'est jamais composée de la dette d'un autre. Donc, il n'y a aucune
base juridique au recours qu'il pourrait vouloir exercer
»(76). Cette solution inéquitable est la plus
juridique(77).
(73bis) Mignon M., op. cit., n° 1022, p. 750.
(74) Marc Mignon, ibid, n° 971, p. 714.
(75)
Cass. Com., 31 mars 1981, Bull.
civ. IV, n° 169; RTDC 1982.150, obs. G. Durry : c'est le cas
ou le transporteur et le vendeur cause un dommage à autrui, la
prescription contre le transporteur était bref, la cour condamne le
vendeur à la réparation intégrale même si l'action
s'est prescrite contre le transporteur ; Civ. 3e, 5 juillet 2000,
Bull. civ. III, n° 135.
(76) Huc, Commentaire théorique et pratique du
code civil, cité par J .Français, thèse
Précitée, page 137.
(77) Lafay, thèse précitée, page 182.
259 - Certains auteurs refusèrent cet obstacle
structural. Ils présument parce qu'il donne le privilège à
la partialité et à la fantaisie du créancier de laisser
supporter la totalité de la réparation sur un d'entre
eux(78).
260 - Sûrement, le fondement de l'obligation in
solidum explique l'acceptation ou le refus du recours. On renvoie, dans ce
sens, à un auteur(79) qui écrit que << si en
effet, on fonde 1'obligation in solidum, notamment en matière
de coresponsabilité, sur l'indivisibilité du dommage ou sur
l'idée que chacun des responsables est cause du dommage tout entier, si
on décrit l'obligation in solidum comme comportant autant
d'objets distincts que de débiteurs (pluralité d'objets) et les
divers dettes comme indépendantes, on ne peut pas dire que le
codébiteur qui a payé était tenu avec d'autres. Il a
payé sa propre dette... » ceci exclut le recours du
solvens.
261 - En résumé, le recours ne peut pas
être établi par un manque d'initiative de paiement de la dette
d'autrui(80), parce que dans l'obligation in solidum
<< s'il y a des dettes plurales, ce ne sont pas des dettes plurales
partielles mais des dettes plurales de réparation totale >>.
Le coauteur << qui paie le tout à la victime, ne lui paie que
ce qu'il doit, puisqu'il a causé tout le dommage
>>(81).
262 - La causalité totale comme fondement de
l'obligation in solidum ne justifie pas le recours du
solvens. Seulement la causalité partielle explique le recours
selon l'idée que celui qui a payé la totalité du dommage a
payé sa propre part qu'il a causée et les parts des autres
coauteurs. J. Vincent(82) justifie le recours par
l'intérêt de chaque coauteur à désintéresser
la victime pour éviter sa poursuite ou sa saisie. Un autre
auteur(83) distingue entre le rapport victime responsable et le
rapport responsable solvens et coauteurs. En réalité
à l'égard de la victime chacun des coresponsables est tenu de
réparer l'intégralité du dommage, mais les rapports entre
eux se traduisent que le responsable solvens a payé sa part et
les parts des autres et il pourrait avoir un recours contre eux. Cette
structure de l'obligation in solidum s'explique par l'idée de
garantie donnée à l'obligation in solidum. Pour cette
dernière idée le responsable solvens, lorsqu'il paie la
dette, il paie sans qu'il soit tenu, il a payé la dette d'autrui.
263 - Un autre fondement proposé par Marc Mignon est celui
de la garantie. Chacun des coauteurs est responsable d'une obligation conjointe
proportionnelle à sa part et portion dans
(78) Demolombe, t XXVI, op. cit., n° 304, p. 240 ;
Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., t. II, n° 1305, p.
419.
(79) P. Raynaud, L'obligation in solidum, Cours de
doctorat, p. 125, cité par Patrick Canin, ouvrage
précité, n° 91, p. 112.
(80) Chabas, thèse précitée, nos
85, 86.
(81) H.-L., J Mazeaud et A. Tunc, Traité
théorique et pratique de la responsabilité délictuelle et
contractuelle, Montchrestien, 6 éd. 1970, n° 1971.
(82) Article précité, n° 69.
(83) Patrick canin, ouvrage précité, no
92 pages 113.
la dette, et une obligation de garantie conjointe. Selon ces
deux obligations chaque coauteur doit sa part en vertu d'une obligation
conjointe et garantie les parts des autres en vertu de l'obligation de
garantie. En exécutant l'obligation de garantie un recours s'ouvre au
profit du solvens contre les autres coauteurs.
264 - En réalité le fondement de l'obligation
in solidum a une incidence sur l'admission du recours de
solvens. Sans le fondement actuel le recours ne peut être
établi, l'indivisibilité du dommage ou la causalité totale
ne justifie le recours et sans le changement d'explication de l'obligation
in solidum le recours n'aurait pas été
établi(84).
265 - Reste le cas où on est en présence d'un
recours du solvens contre deux ou plusieurs coauteurs. Dans cette
situation les coauteurs sont tenus in solidum à l'égard
du solvens. La cour de cassation et dans diverses arrêts a admis
cette solution en matière d'obligation in
solidum(85).
266 - De l'ensemble de ces décisions est-il possible de
dégager un principe général. Sans doute l'admission de la
condamnation in solidum des coresponsables à l'égard du
coresponsable solvens se déroge au principe de division des
recours, mais pour un auteur c'est une solution
équitable(86).
267 - En effet, cette solution est admise seulement dans la
responsabilité des constructeurs et des sous-traitants(87),
surtout que l'article 1729 du code civil est en cause. Hors des
hypothèses susvisées la cour de cassation n'a pas admis ce
principe(88), risque d'une série d'arrêts ou comme
Pothier l'a nommé <<circuits d'actions ».
268 - D'ailleurs, la cour de cassation étendait
l'article 1214 du code civil, qui s'applique à la solidarité et
l'indivisibilité, à l'obligation in solidum. Cet article
dispose que << le codébiteur d'une dette solidaire, qui l'a
payée en entier, ne peut répéter contre les autres que les
part et portion de chacun d'eux », parallèlement, l'article 39
du COC en droit libanais.
(84) Cass. Civ., 8 nov. 1886, D. 1887.1.9 ; Cass. Civ., 11
juillet 1892, D. 1894.1.561, note Levillain.
(85) Civ. 3e, 5 déc. 1984, JCP
1986.II.20543, note N. Dejean De La Bâtie ; Civ. 1re, 22 avril
1992, Bull. civ. I, n° 127 ; Civ. 3e, 22 juin 1994,
Bull. civ. III, n° 127 ; Civ. 2e, 6 juillet 1994,
Bull. civ. II, n° 182, JCP 1994.IV.2242, JCP
1995.I.3835.
(86) N. Dejean De La Bâtie, Loc. cit.
(87) J. Huet, l'obligation in solidum et le jeu
de la solidarité dans la responsabilité des constructeurs; J.
Chanet, Responsabilité entre techniciens du bâtiment, Gaz.
Pal. 1969.doct.99 ; G. Cornu, inopposabilité de la limite
décennale au recours de garantie du propriétaire contre le
constructeur en cas de dommages causés aux tiers, RTDC
1973, p. 141.
(88) Paris, 27 janvier 1983, Gaz. Pal. 1983.1.182.
269 - Le recours contre les coresponsables, dit la cour, est
<< la part de chacun d'eux dans la dette commune
>>(89). La cour de cassation applique cet article, qui
s'attache à la solidarité et l'indivisibilité, au recours
entre coresponsables in solidum même s'il y a subrogation,
<< Vu 1'article 1214 ; dit la cour, le codébiteur
d'une obligation solidaire ne peut, comme celui d'une obligation in
solidum ne peut, comme celui d'une obligation solidaire,
répéter contre les autres que la part et portion de chacun d'eux
>>(90).
A - Le fondement du recours
270 - La plupart des auteurs pensent que le recours du
solvens contre les autres coauteurs est de nature
subrogatoire(91), même si quelques auteurs lui
confèrent une double nature la subrogation légale (article 1251
al. 3), et l'action personnelle(92).
271 - La jurisprudence et après une longue silence sur
la nature du recours de solvens(93), opta pour la
subrogation par un arrêt le 21 décembre 1943(94),
malgré que quelques propositions postulent la gestion d'affaires ou
l'enrichissement sans cause(95).
272 - Dès lors on trouve dans la jurisprudence les
formules suivantes << par voie de subrogation
>>(96), << par l'effet de la subrogation
légale >>(97). La subrogation trouve son
(89) Civ. 2e, 9 mars 1962, JCP
1962.II.12728, note Esmein, D. 1962.J.625, note Savatier ; Civ. 2e,
6 janv. 1966, Bull. civ. II, n° 5 ; V. en ce sens : J.
Boré, La causalité partielle en noir et blanc ou les deux
visages de l'obligation in solidum, JCP 1971.I.239, in fine n°
1971.
(90) Cass. civ. 1re, 28 juin 1989, Bull.
civ. I, n° 264 ; Voir dans le même sens : Civ. 1re, 12
novembre 1987, Bull. civ. I, n° 290 : << le
codébiteur tenu in solidum, qui a exécuté
l'entière obligation, ne peut, comme le débiteur solidaire, meme
s'il agit par subrogation, répéter contre les autres
débiteurs que les parts et portion de chacun d'eux >> ; Civ.
3e, 22 juin 1994, Gaz. Pal. 1995.pan.16.
(91) Colin et Capitant, Traité de droit civil,
t. II, n° 1779 ; Marty et Raynaud, Droit civil, t. II, vol. I, les
obligations, n° 800 ; H., L. et J. Mazeaud, Traité de la
responsabilité civile, t. II, 6 éd., 1971 ; J. Vincent,
article précité, RTDC 1939, n° 69.
(92) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 103 p.
126 ; B. Starck, Droit civil, Les obligations, 1974, n° 2416 ;
Terré, Simler et Lequette, Droit civil, Les obligations,
8e éd., n° 1263, note 2 page 1173 ; Ch. Larroumet note Civ.
1er, 7 juin 1977, D. 1978.J.289.
(93) Cass. civ. 11 juillet 1892, D. 1894.1.561, note
Levillain ; Civ. 20 mai 1935, D.H. 1935.394 ; Crim., 30 déc. 1940, D.H.
1941.70 : Dans ces deux derniers décisions la cour décide que le
partage de responsabilité n'affecte que les rapports des
codébiteurs entre eux.
(94) Civ., 21 décembre 1943: DC 1944.J.39, note P.L.P.
; JCP 45, II, 2779, note BESSON ; Civ., 29 novembre 1948: D. 1949, J,
117, note Lalou ; Civ. 2e, 29 février 1956, D. 1956.j.303 ;
Civ. 2e, 9 mai 1956: JCP 56.II.9384 ; Civ. Ire,
3 novembre 1958, Gaz. Pal. 1959.1.13 ; Civ. 2e, 16 février
1962, Bull. civ. II, n° 208 ; Civ. 2o, 5 mars 1964,
Bull. civ. II, n° 214 ; Civ. 2e, 19 février
1965: Bull. civ. II, n° 178 ; Civ. 2e, 19 mai 1965,
Bull. civ. II, n° 162 ; Civ. 2e, 6 janvier 1966:
Bull. civ. II, n° 5 ; Civ. 2e, 19 mai 1969,
Bull. civ. II, n° 162; Civ. 2e, 2 juillet 1969 (2
arrêts), Gaz. Pal. 1969.2.220 ; et Gaz. Pal. 1969.2.311 (2e
esp.), JCP 71, II, 16588; RTDC 1970, p. 177, obs. G. DURRY ;
Civ. 2e, 27 avril 1972, Bull. civ. II, n° 116 ; Civ.
2e, 8 mai 1978, JCP 81.II.19506, note L. PERALLAT ; Civ.
2e, 11 février 1981, D. 1982.j.255, note AGOSTINI ; Civ.
2e, 24 avril 1981, Bull. civ. II, n° 105 ; Soc. 8
décembre 1983, D. 1984.j.90, concl. PICCA ; Civ. 2e, 18
janvier 1984, Gaz. Pal. 1984.1.125, obs. F. CHABAS ; Civ. 2e, 12
décembre 1984, Gaz. Pal. 1986.1. Somm.250, obs. F. CHABAS.
(95) Wahl, S. 1909.2.129 ; Rouast, D.P. 1936.1.25, et chronique
: L'enrichissement sans cause et la jurisprudence civile, RTDC 1922.35
; Ripert, note D.C. 194418 ; Loynes, D. 1890.1.337 ; Savatier, JCP
1956.II.9263.
(96) Civ. 2e, 4 mars 1970, Bull. civ. II, n°
79 ; Civ. 2e, 17 mars 1971, Bull. civ. II, n° 124 ; civ.
2e, 17 novembre 1976, Gaz. Pal. 1977.1.349, note de Plancqueel ; JCP
1977.II.18550, concl. Baudoin.
explication en ce que le solvens <<
n'invoque pas un préjudice qui lui soit propre mais exerce les
droits des victimes qu'il a payées en l'acquit du tiers responsable en
même temps >>(98). Mais cette idée est
inconcevable avec le fondement actuel de l'obligation in solidum, le
coauteur doit supporter la part qu'il causé du dommage et doit
être garant des parts des autres coauteurs. Il ne s'agit pas d'exercer
les droits de la victime mais il s'agit d'un paiement de la dette d'autrui.
273 - L'admission de la subrogation légale rend parfois
l'exercice de l'action du solvens impossible soit par la renonciation
de la victime à ses droits soit par la prescription extinctive. Pour
cette raison un arrêt, le 7 juin 1977(99), de la
première chambre de la cour de cassation changea la situation en donnant
au recours du coresponsable contre les autres coobligés une double
nature la subrogation et l'action personnelle. La victime qui a renoncé
à ses droits contre l'un des coauteurs prive le responsable
solvens de recourir contre le coauteur sur le fondement de la
subrogation. La cour déclare, en se basant sur l'article 1214
C. Civ., que << le coauteur qui a payé
l'intégralité de l'indemnité dispose aussi d'une action
personnelle contre son coauteur, qui peut subsister malgré la
renonciation de la victime >>. Cet arrêt qui est pour
quelques-uns un arrêt de principe(100), fut refusé par
d'autres en considérant que le fondement unique du recours est la
subrogation(101).
274 - L'arrêt de 7 juin 1977 n'était pas
isolé quelques arrêts antérieur se réfèrent
à l'action personnel implicitement(102). Par la suite, la
cour de cassation resta sur sa position prise en 1977(103)
jusqu'à l'intervention de l'assemblée plénière, par
trois arrêts(104), qui opta pour la subrogation comme
fondement du recours du responsable solvens. Les commentateurs de cet
arrêt se divisent avec ou contre la décision.
Groutel(105) approuve fermement l'arrêt. Pour lui la
subrogation est le seul et unique fondement du recours. Patrick
Canin(106) confine la solution rendue par l'assemblée
plénière seulement en matière d'accidents du travail
lorsqu'un tiers responsable recours contre les autres coauteurs, l'employeur ou
ses préposés. Hors cette hypothèse l'action personnelle
est admise.
(97) Civ. 2e, 22 mai 1979, Bull. civ. II, n° 150 ;
Civ. 2e, 12 déc. 1979, Bull. civ. II, n° 290.
(98) Civ., 29 nov. 1948, D. 1949. 117 et la note de H. Lalou.
(99) Civ. 1re, 7 juin 1977, JCP
1978.II.19003, note N. Dejean De La BATIE, D. 1978.J.289, note Chr. Larroumet ;
RTDC 1978, p. 364, obs. G. Durry ; Gaz. Pal. 1978.1.131, note Plancqueel.
(100) Patrick Canin, ouvrage précité,
nos 103, p. 126 et s.
(101) H. Groutel, Le recours entre coauteurs (suite et fin
?), D. 1992.Chr.19; Ph. Conte, Répertoire Dalloz, V°
Responsabilité civile, n° 228.
(102) Civ. 2e, 28 janvier 1955, D. 1955.449, note R.
Savatier ; Civ. 2e, 4 février 1954, Bull. civ. II,
no 47 ; Civ. 1re, 17 mars 1969, D. 1969.532 ; ces
arrêts admettait le recours sur le fondement de la responsabilité
civile.
(103) Civ. 1re, 14 mars 1978, Bull. civ. I,
no 106 ; Civ. 1re, 1er mars 1983, Gaz. Pal. 1984.1.119,
note G. Durry.
(104) Trois arrêts, Ass. Plén. 31 oct. 1991,
Bull. civ. n° 6 ; J.C.P. 1992.II.21800, note Saint-Jours.
(105) Chronique précitée, D. 1992.Chr.19
(106) Ouvrage précité, no 104, p.
128
275 - Après les arrêts de l'assemblée
plénière une jurisprudence passée de la cour de cassation
s'est de nouveau présentée. Cette jurisprudence qui
considérait que le paiement de la dette d'autrui est
générateur d'une obligation nouvelle(107),
réactivée par la cour de cassation après un long
abandon(108), ne retarda pas à la rejeter
ultérieurement(109). Selon cette jurisprudence la subrogation
ne peut pas être retenue.
276 - L'état actuel de la jurisprudence assigne au
recours du solvens la nature subrogatoire sous le visa des articles
1251 et 1382 du Code civil(110), un arrêt(111)
récent de la cour de cassation précise que l'action
récursoire entre coobligés ne peut être exercée que
d'après la subrogation selon les articles 1251 et 1382.
277 - En droit libanais l'article 40 du COC qui s'attache
à l'obligation solidaire donne au codébiteur solvens
contre les autres codébiteurs l'action personnelle ou l'action que le
créancier pourrait exercer, donc la subrogation. Partant de l'article 40
et de l'arrêt de 7 juin 1977 on analyse successivement la subrogation et
l'action personnelle.
1o - La subrogation
278 - Admettre la subrogation comme fondement du recours de
solvens impose des conséquences, parfois avantageux et parfois
non. Ces avantages et ces désavantages seront examinés
successivement.
a - Les avantages de la subrogation
279 - D'après, l'article 1250 al 1re du Code
civil français les droits, les actions, les privilèges ou
hypothèques, que la victime possède contre le débiteur,
pourraient être profités par le subrogé. Ce dernier est mis
dans la même situation que l'accipiens (créancier) avant
son désintéressement, et comme l'a identifié la cour de
cassation si « Le paiement avec subrogation, s'il a pour effet
d'éteindre la créance a l'égard du créancier, la
laisse subsiste au profit du subrogé, qui dispose de toutes les actions
qui appartenaient au créancier et qui se rattachaient à cette
créance immédiatement avant le paiement »(112).
(107) Req., 3 février 1879, D.P. 1879.1.231 ; Cass. civ.,
12 février 1929, D.H. 1929.180.
(108) Cass. civ. 1re, 15 mai 1990, Bull.
civ. I, n° 106, JCP 1991.II.21628, note B. Petit, D. 1991.J.538, note
G. Virassamy, RTDC 1991, p. 556-558, obs. J. Mestre.
(109) Cass. civ. 1re, 2 juin 1992, JCP 1992.IV.2215,
p. 243.
(110) Cass. Civ. 2e, 14 janvier 1998, D. 1998.174,
note Groutel, JCP 1998.II.10045, note P. Jourdain.
(111) Civ. 2e, 20 oct. 2005, D. 2006.J.494 ; Dans
le même sens Cass. civ. 1re, 4 déc. 2001, Bull.
civ. I, n° 310 ; D. 2002.J.3044, note M.-C de Lambertye-Autrand ;
RTDC 2002.308, obs. P. Jourdain ; Gaz. Pal 2002.1.394, note C.
Caseau-Roche ; JCP 2002.I.186 ; Cass. civ. 2e, 9 oct. 2003,
Bull. civ. II, n° 294 ; D. 2003.IR.2550.
(112) Civ. 1re, 15 mars 1983: Bull. civ. I,
n° 96 ; Civ. 1re, 7 décembre 1983, Bull. civ.
I, n° 291 ; RTDC 1984. p. 717, obs. MESTRE ; Com., 15 mars 1988:
D. 1988.J.330, note PEROCHON, RTDC 1988, p. 791, obs. BANDRAC.
280 - Il résulte que la subrogation avec paiement
éteint l'obligation à l'égard du créancier, mais
reste à l'égard des autres coauteurs qui sont poursuivis par le
responsable solvens à la place de la victime. Il résulte
que le coauteur solvens se mit à la place de la victime, il
acquiert la créance et de ses accessoires. Il peut exercer l'action que
la victime aurait pu exercer, il est dans la même situation. Il peut
invoquer contre l'autre coauteur de ce qui a été jugé au
profit de la victime(113).
b - Les désavantages de la subrogation
281 - La subrogation en matière d'obligation in
solidum est strictement appliquée(114). En principe le
subrogé se trouve dans la même situation de la victime, tous les
droits dont la victime disposent sont transférés au
subrogé. Mais en matière d'obligations in solidum le
coresponsables solvens ne peuvent pas revenir pour le tout contre les
autres coresponsables. La subrogation est partielle et proportionnelle à
la part et portion qui incombe à chaque coresponsable(115).
La jurisprudence de la cour de cassation est dans le même sens, elle
précise que « Lorsque deux coauteurs ont par leurs fautes
contribué à la production du même dommage, celui qui a
désintéressé intégralement la victime, n'a, par
l'effet de la subrogation légale, un recours contre l'autre coauteur que
dans la mesure de la responsabilité de celui-ci »(116).
282 - Le fondement de cette solution est d'échapper
à une série d'arrêts entre les coobligés si le
recours était total, si le coobligé paie plus que sa part un
recours s'ouvre à son profit contre les autres coobligés.
283 - Le principe de division du recours du solvens trouve son
fondement dans l'article 1214 al. 1er du code civil(117).
La conséquence de ce principe est la division du subrogé de son
action contre les autres coresponsables.
284 - Comme déjà mentionné le
subrogé acquiert la créance avec les vices qui
l'affectent(118), toutes les exceptions qui pourrait être
invoquées par le coauteur contre la victime est opposable aussi au
solvens.
285 - Le coresponsable poursuivi par le solvens peut
invoquer de ce qui a été jugée contre la victime. Cette
conséquence découle de la représentation du
solvens par la victime, qu' « elle avantageuse lorsque la
décision rendue était favorable au créancier, elle
est
(113) Patrick Canin, précité, n° 95, p
117.
(114) Civ. 2e, 19 février 1965, Bull.
civ. II, n° 178 ; Civ. 2e, 6 janvier 1966, Bull.
civ. II, n° 5.
(115) J. Boré, Recours entre coobligés in
solidum, JCP 1967.1.2126.
(116) Cass. civ. 2e, 1re oct. 1975, D. 1975.IR.256,
Bull. civ. II, n° 235.
(117) Supra n° 269
(118) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 95,
p. 116.
désavantageuse dans le cas contraire. Et c'est pour
éviter cette conséquence défavorable que la jurisprudence
a parfois tenté de reconnaître au débiteur un droit
propre >>(119). L'admission de cette
représentation était ainsi reconnue par la cour de
cassation(120).
286 - D'ailleurs, il a été jugé que la
renonciation de la victime à son action contre l'un des
coauteurs(121), et la prescription de l'action(122) prive
le responsable solvens de recourir contre l'autre coauteur.
287 - Pareillement le responsable solvens ne peut
revenir à l'autre coauteur si la prescription a couru contre la victime.
La prescription extinctive est opposable au responsable
solvens(123).
Ayant constaté que la subrogation et dans divers
situations prive le responsable solvens de recourir contre l'autre
coauteur l'action personnelle ne le prive pas.
20 - L'action personnelle
288 - Plusieurs fondements ont été
proposés dans le but de justifier le recours du responsable
solvens, si quelques-uns trouvent parmi ces propositions un fondement
logique, il y a des propositions qui sont loin d'être retenues. Il s'agit
en effet d'un recours fondé sur la responsabilité civile, gestion
d'affaires, enrichissement sans cause, l'équité et enfin la
garantie.
a - La responsabilité civile
289 - Certains auteurs(124) justifient le recours
du coauteur sur le fondement de la responsabilité civile. Le recours
entre coresponsable tenus in solidum ne se fonde pas ni sur la
subrogation ni sur l'article 1214 du Code civil. R. Savatier(125) un
des tenants de cette proposition présume que tout dommage causé
à une victime par la collision de deux voitures chacun d'eux est tenu
à la réparation intégrale du dommage. Le coresponsable
solvens et « en vertu de l'article 1382 « peut demander
réparation du préjudice qu'il éprouve par le fait de
l'auteur de la seconde >>.
(119) P. Raynaud, L'obligation in solidum, cours de
droit civil, cours de doctorat, p. 147, cité par Patrick Canin,
ouvrage précité, page 117 ; voir Civ. 2e, 4
févr. 1954, Bull. civ. II, n° 47 ; Civ. 2e, 11
juin 1964, Bull. civ. II, n° 469.
(120) Civ. 2e, 5 mars 1964, Bull. civ. II,
n° 214.
(121) Paris, 15 oct. 1975, Gaz. Pal 1976.Somm. 58 ; Civ.
1re, 7 juin 1977, précité ; Cass. civ. 1re,
7 janvier 1977, Cass. civ. 3e, 24 janvier 1978, Bull. civ.
III, n° 50, Gaz. Pal. 1978.2.474, note Plancqueel D. 1978.IR.321, obs.
Larroumet.
(122)
Cass. Com., 31 mars 1981, Bull.
civ. IV, n° 169; RTDC 1982.150, obs. G. Durry ; Civ.
3e, 5 juillet 2000, Bull. civ. III, n° 135.
(123) Supra n° 254
(124) E. Agostini, note sous Cass. civ. 2e, 11
fév. 1981, D. 1982.J.255 ; R. Savatier, op. cit., T. II,
no 510 et note sous Req. 23 mars 1928, D.P. 1928.1.73.
(125) R. Savatier, loc. cit.
290 - C'est une action fondée sur la
responsabilité civile issue du droit commun. Ce recours combine «
les deux approches du lien de causalité : l'équivalence des
conditions explique que la seule pluralité d'auteurs ne détruise
pas l'entière responsabilité de chacun ; la causalité
adéquate, qu'elle ne la réduise pas par le biais du recours
>>(126).
291 - La jurisprudence et par quelques arrêts admet le
recours du solvens contre les coresponsables sur le fondement de la
responsabilité civile. Le 28 janvier 1955 un arrêt de la cour de
cassation a considéré qu' : « Attendue qu'aucune
disposition légale ne prive la personne reconnue responsable,
d'après l'article 1384 al 1er, du dommage causé par le
fait de la chose qu'elle avait sous sa garde, du droit de réclamer une
indemnité à celui, fut-il son préposé, par la faute
duquel elle s'est trouvée obligée de réparer le dommage
« >>(127).
292 - La responsabilité civile impose des conditions
nécessaires pour qu'elle soit établie. Deux de ces conditions
sont un préjudice et un lien de causalité. Est-ce que ces deux
conditions existent-elles dans un cas pareil ?
293 - Quelques auteurs ont jugé que cette proposition
« ne résiste pas à l'examen
>>(128). Pour les tenants de ce fondement le solvens
en payant la réparation à la victime a subi un
préjudice, donc il faut le dédommager.
294 - D'autre estime(129) que le responsable
lorsqu'il paie la réparation il la paie suivant une obligation
légale ou jurisprudentielle d'ou l'absence du préjudice. Le
préjudice est une atteinte à un intérêt
légitime ce qui n'existe pas en pareille hypothèse. Le fait que
le responsable paie la totalité du dommage n'est pas une atteinte au
droit ou à son intérêt légitime, il remplit une
obligation jurisprudentielle.
295 - Le deuxième élément de la
responsabilité est le lien entre le dommage et le fait
générateur. Dans l'hypothèse susvisée le
coresponsable qui a payé la dette a payé plus que sa part, donc
il a subi un préjudice par le fait du paiement. Mais, en effet, le lien
entre le fait dommageable et le préjudice du solvens est
absent. Pour dépasser cette objection plusieurs explications ont
été présentées. Par exemple, un auteur qualifie le
solvens comme une victime indirecte. Il serait dans la situation des
victimes par ricochets, mais là encore aucun lien entre le
préjudice et le fait dommageable n'existe. Pour d'autres ce n'est pas le
fait du coresponsable qui a causé le préjudice au responsable
solvens, mais sa condamnation à
(126) E. Agostini, loc. cit.
(127) Civ. 2e, 28 janvier 1955, D., 1955.J.449, note
R. Savatier ; Voir aussi : Civ. 1er, 17 mars 1969, D. 1969.J.532 ;
Civ. 3e, 1er mars 1983, Bull. civ. III, n 57, Gaz. Pal. 1984.1.119,
note Plancqueel.
(128) H. Roland et L. Boyer in Starck, Droit civil,
Obligations, Responsabilité délictuelle, Litec.
4e éd. 1991, n° 959 ; Cf. Ph. Malaurie et L.
Aynès, Droit civil, Les obligations, 5e
éd., n° 1173.
(129) Patrick Canin, n° 110, p. 136.
réparer le dommage entier qui est la cause de son
préjudice(130). Enfin une dernière explication
considère que le solvens n'invoque pas un préjudice qui
lui est propre, il invoque le préjudice de la victime(131),
il exerce les droits de cette dernière(132).
296 - Les conditions de la responsabilité civile ne
sont pas tous existées, ce qui nie le recours à une proposition
pareille. Quelques auteurs ont relevé que la gestion d'affaires explique
le fondement du recours.
b - Gestion d'affaires
297 - Un autre fondement du recours fut proposé : celui
de la gestion d'affaire(133). Selon cette proposition le
coresponsable solvens paie sa part de la réparation et la part
des autres coresponsables. En payant la part des autres coresponsables il
gérerait leur l'affaire. Cette admission de la gestion d'affaires
provient de l'avis qui prédit que toutefois l'action du mandat n'est pas
admise la gestion d'affaires en est. Un auteur(134) propose un
fondement alternatif de l'action : la subrogation premièrement et la
gestion d'affaires deuxièmement lorsque la subrogation est fermée
par la renonciation de la victime à poursuivre l'un des
coobligés.
298 - Cet appel à la gestion d'affaire parait par un
examen méticuleux inadmissible comme fondement du recours du
solvens. L'article 1371 du code civil dispose que << les
quasicontrats sont des faits purement volontaires de l'homme, dont il
résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un
engagement réciproque des deux parties » parallèlement
à l'article 149 COC libanais. D'après ces deux articles la
gestion d'affaires exige une intention de gérer l'affaire d'autrui. La
gestion d'affaires est appréciée d'une manière subjective,
le gérant gère volontairement les affaires du maître. Cette
immixtion volontaire n'existe pas dans le cas des coauteurs tenus in
solidum, lorsque l'un d'eux paie la totalité du dommage, il remplit
une obligation légale(135). Il résulte que le
coresponsable solvens n'a pas payé volontairement plus que sa
part, il n'a pas agit intentionnellement(136). Donc le
solvens en exécutant une obligation légale ou
jurisprudentielle ne gère pas l'affaire
(130) H. Roland et L. Boyer in Starck, op. cit., Litec.
4e éd. 1991, n° 1323.
(131) J. Boré, le recours entre coobligés in
solidum, article précité.
(132) H. Lalou note sous Civ., 29 novembre 1949, D.
1950.J.117.
(133) Loynes, D. 1890.1.337 ; Savatier, JCP
1956.II.9263 ; Wahl, S. 1909.2.129.
(134) Ch. Larroumet note Civ. 1er, 7 juin 1977, D.
1978.J.289 << Le recours d'un coobligé in solidum
sera calqué sur celui du codébiteur solidaire,
c'est-à-dire qu'il pourra être fondé soit sur la
subrogation légale, soit sur l'action de la gestion d'affaires. N'est-ce
pas ce qui pourrait être admis par l'arrêt du 7 juin 1977 ? La voie
de la subrogation légale étant fermée par la suite de la
renonciation de la victime à poursuivre un des coobligés, il
subsistait celle de la gestion d'affaires ».
(135) R. Bout, La gestion d'affaires en droit français
contemporain, LGDJ 1972, n° 81, cité par Canin ouvrage
précité no 113, page 138.
(136) N. Dejean de la bâtie, note sous Civ.
1re, 7 juin 1977, JCP 1978.V.19003 ; J. Boré, Le
recours entre coobligés in solidum, article précité ;
Rouast, note D. 1936.1.25.
d'autrui. Et si on admet la causalité totale comme
fondement de l'obligation in solidum le responsable solvens a
exécuté sa propre obligation, il n'a pas payé la dette
d'autrui.
Si la gestion d'affaires impose une intention de gérer
l'affaire d'autrui qui n'existe pas chez le responsable solvens
l'enrichissement sans cause peut expliquer le recours.
c - L'enrichissement sans cause
299 - Nul ne doit s'enrichir sans cause aux dépens
d'autrui, une règle coutumière qui n'est pas réglée
par le Code civil français contrairement au Code des obligations et des
contrats libanais qui lui a attribué le titre 3 livre 2 (Les articles
140, 141, 142, 143, 144, 145, 146 COC). Cette règle, qui a
été consacré par la jurisprudence française dans
divers arrêts(137), a été invoquée comme
fondement du recours entre coresponsables tenus in
solidum(138). Le responsable solvens en payant la
totalité du dommage a payé plus que sa part. D'une part, le
solvens s'est appauvrit sans cause, et, d'autre part, l'autre coauteur
s'est enrichit par « une perte évitée, une
dépense épargnée >>(139). Se basant
sur ces deux conditions le recours du solvens se fonde sur
l'enrichissement sans cause.
300 - Cependant, celui qui désintéresse la
victime ne s'appauvrit pas sans cause, il paie ce qu'il doit envers la victime,
donc il exécute une obligation légale(140). Et,
L'action de in rem verso est une action subsidiaire qu'on exerce en
dernier lieu lorsqu'il n'y a d'autre moyen. Le recours à cette action ne
peut être autorisé en exécutant une obligation
légale.
301 - Contre ces objections(141) il a
été répondu que la cour de cassation a admis
l'enrichissement sans cause même si on est en présence d'une
obligation légale de paiement. Une analyse détaillée faite
par certains auteurs rejette l'argument adopté pour repousser
l'enrichissement sans cause.
302 - Ceux qui admettent, que le coauteur doit une obligation
légale est inexacte. Il faut distinguer entre le rapport victime
coauteurs et les rapports coauteurs entre eux. A l'égard de la victime
le coauteur solvens paie une obligation légale qui est sa
propre dette d'après les règles de la responsabilité
civile(142), il y a donc une cause légitime à ce
paiement(143). Mais à
(137) Req., 15 juin 1892, D.P. 1892.1.596 ; Civ., 2 mars 1915,
D.P. 1920.1.102.
(138) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 116-118,
page 141-147 ; Wahl, S. 1909.2.129. Contra ; Rouast, D.P. 1936.1.25, et
chronique : L'enrichissement sans cause et la jurisprudence civile,
RTDC 1922.35 ; Ripert, note D.C. 194418.
(139) J. Carbonnier, Droit civil, t. IV, Les
obligations, P.U.F. 22e éd., p. 544 : Selon l'auteur
L'enrichissement se réalise lorsqu' « Autant que dans un gain
positif, l'enrichissement peut consister dans une perte évitée,
une dépense épargnée >>.
(140) J. Boré, Le recours entre coobligés
in solidum, article précité ; Rouast, note D. 1936.1.25 ; J.
Vincent, article précité, RTDC 1939, p. 601 et s.
(141) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 117, p.
143
(142) Patrick Canin, no 117, page 144
l'égard des autres coauteurs, le solvens a
payé la part qu'il a causée et leurs parts(144). Il y
a donc appauvrissement injustifié dans le patrimoine du responsable
solvens(145). Il a payé la dette d'autrui sans aucune
obligation légale qui lui impose à lui seul le support de la
dette(146).
303 - Reste un obstacle à l'admission de
l'enrichissement sans cause, C'est son caractère subsidiaire. Le
caractère subsidiaire de l'action de in rem verso est un
obstacle au solvens. L'action fondée sur l'enrichissement sans
cause ne peut être utilisée que lorsqu'il y a un obstacle de fait
et non pas du droit, et une relation juridique entre trois
personnes(147). Tout obstacle légal ne permet pas d'exercer
l'action d'enrichissement sans cause et tout faute de la part du demandeur
exclu l'action de in rem verso. Pour que le responsable
solvens puisse exercer l'action fondée sur l'enrichissement sans
cause il faut qu'il y ait un obstacle de fait et non pas de droit. Parfois la
subrogation est inadmissible soit qu'un article particulier reste
réservé à la victime, soit en raison du droit en cas de
prescription ou de la renonciation faite par la victime à ses droits
contre l'un des coauteurs. Dans ces hypothèses l'action de in rem
verso est acceptable.
304 - Cependant la condition de subsidiarité,
d'après un auteur(148), n'est pas exigée pour
l'exercice du solvens du recours. Dans cette optique, il a
écrit que « s'il faut fonder ainsi le recours personnel sur
l'idée d'enrichissement injuste, d'aucuns se demanderont sans doute si
ce recours doit être"subsidiaire" c'est-à-dire
n'être ouvert que quand la subrogation est exclue, ou si on peut
l'admettre en option avec le recours subrogatoire dans les cas oft ce dernier
est possible. Il n'y a pas lieu de s'étendre sur ce point, la question
ne se posant pas dans l'hypothèse de l'espèce. On peut toutefois
remarquer que les motifs de notre arrêt n'impliquent en rien
l'idée de subsidiarité; et nous ne voyons pas pourquoi celle-ci
s'imposerait dès lors qu'il ne s'agit pas techniquement, de
l'action de in rem verso ».
Malgré que cette proposition s'avère la plus
logique pour expliquer le recours du solvens, le caractère
subsidiaire est infranchissable il serait préférable de tourner
vers un autre fondement : celui de l'équité.
(143) M. Behar-Touchais, Le fondement des recours
contributoires entre conducteurs ou propriétaires de véhicules
coïmpliqués dans un accident de la circulation après la loi
du 5 juillet 1985, JCP 1988.I.3339.
(144) Patrick Canin, loc. cit.
(145) N. Dejean de la bâtie, note sous Civ.
1re, 7 juin 1977, JCP.II.19003.
(146) M. Behar-Touchais, loc. cit.
(147) P. DRAKIDIS, La "
subsidiarité", caractère spécifique et
international de l'action d'enrichissement sans cause, RTDC 1961, p. 577 :
« si le demandeur dispose d'une autre voie de droit l'action
d'enrichissement est inopérante, et s'il dispose la voie de droit commun
de même il ne peut intenter l'action d'enrichissement sans cause
».
(148) N. Dejean De La Bâtie, note sous Civ.
1re, 7 juin 1977, JCP 1978.II.19003 ; Cf. Patrick Canin,
ouvrage précité, no 118, page 146.
d - L'équité
305 - L'existence des obstacles de droit et de fait excluant
les propositions susvisées afin de fonder le recours du
solvens, un auteur(149) propose de fonder le recours sur
l'équité. Il considère que la jurisprudence en
élaborant l'obligation in solidum, avait seulement pour but de
favoriser la victime en imposant la réparation totale. Mais le
responsable solvens a le droit de recourir contre les autres parce que
c'est << c'est l'équité qui préside
également à l'opération mathématique de
répartition » et qu'elle présidé aussi <<
au règlement de tous les recours ».
306 - Un autre auteur(150) relève qu'il
<< il serait inéquitable que le hasard du choix fait par la
victime, s'adressant à l'un des auteurs de son malheur plutôt
qu'à un autre, pût faire porter tout le poids de la
réparation sur le défendeur assigne seul par la victime par. Si
d'ailleurs, celui-ci n'avait pas de recours contre les autres, ce pourrait
être la source de combinaisons immorales entre la victime et les autres
fautifs ».
306 - Le recours à l'équité
détermine qu'une difficulté affronte les auteurs pour trouver un
fondement à l'action récursoire(151). C'est un
fondement vague qui n'explique pas rationnellement le recours du
solvens(152).
En conséquence l'équité ne peut
être retenue comme fondement du recours. Aujourd'hui l'orientation tend
vers la garantie qui n'explique pas l'obligation in solidum mais
encore le recours du solvens.
e - La garantie
307 - Une étude récente faite par Marc
Mignon(153) nous présente une évolution de
l'obligation au tout sous un autre angle de ce qui est connue.
Brièvement, selon cette théorie le recours du solvens en
matière délictuelle s'explique d'après la garantie
mutuelle et la garantie simple.
308 - Chaque coauteur est tenu de deux obligations. Une
obligation conjointe principale qui est la part qu'il l'a causé et une
obligation conjointe de garantie qui garantit les obligations conjointes
principales des autres coauteurs. Le responsable solvens en payant les
parts des autres coauteurs un recours s'ouvre à son profit contre eux
chacun pour sa part d'après la
(149) Chabas, thèse précitée, p 126, F.
Chabas, Remarque sur l'obligation in solidum, RTDC 1967, p.
310.
(150) Chr. Larroumet, Rep. Dalloz de droit civil, V°
Responsabilité du fait d'autrui.
(151) Patrick Canin, ouvrage précité n° 115,
p.140.
(152) RAYNAUD P., La nature de I'obligation des coauteurs
d'un dommage, obligation in solidum ou solidarité?
Mélanges dédiés à J. Vincent, Dalloz 1981 ; E.
Agostini, note sous Civ. 2e, 11 fév. 1981, D. 1982.J.255.
(153) M. Mignon, thèse précitée.
garantie mutuelle imposée par la jurisprudence entre
tous les coauteurs du dommage. Mais parfois le fondement de ce recours est la
garantie simple lorsque le solvens a un recours pour le tout contre
l'autre coauteur, c'est le cas d'un gardien solvens qui a un recours pour le
tout contre l'auteur fautif.
On arrive maintenant et après avoir identifié
les traits du recours, à la répartition de la réparation
entre le coauteur. Tous les coauteurs sont responsables, tous donc doivent
payer leurs parts de la dette.
B - L'ÉTENDUE DU RECOURS
309 - Il s'agit de connaître le mécanisme de
répartir la réparation entre les coauteurs. Le responsable
solvens a payé la totalité de la dette, et a le droit de
recourir contre les autres. Comment la cour de cassation va répartir la
charge supportée par chacun des coauteurs du dommage ? Dans cette
vision, il faut distinguer si les coauteurs sont fautifs ou s'ils ont tenus en
leur qualité gardien d'une chose inanimée. Ou bien, quelqu'un est
tenu sur le fondement de la responsabilité pour faute et d'autre en tant
que gardien d'une chose inanimée.
310 - Mais avant de les formuler on expose le cas de l'un des
coauteurs qui est insolvable ou inconnu. Selon l'article 1214 al. 2 du Code
civil et l'article 41 du Code des obligations et contrats
l'insolvabilité de l'un des codébiteurs solidaires doit
être supportée par les autres codébiteurs. En premier lieu
c'est le solvens qui la supporte et lorsqu'il recourt contre les
autres codébiteurs l'insolvabilité ou l'inconnaissance de l'un
d'eux sera répartie entre ceux qui sont solvables ou connus. Cette
règle est appliquée aussi à l'obligation in solidum
en matière de la responsabilité
délictuelle(154).
1o - La responsabilité pour faute
311 - La répartition de la charge du dommage en
matière de délits et quasi-délits proposée par la
doctrine doit être faite d'après la gravité des fautes des
coauteurs(155). Cette répartition n'affecte que les rapports
des coauteurs entre eux et non pas leurs rapports avec la victime.
(154) Pour l'insolvabilité de l'un des coauteurs voir
: Cass. civ. 3e, 18 mars 1987, Bull. civ. II, n° 58,
p. 34 ; Civ. 3e, 22 juin 1994, Bull. civ. III, n° 127,
p. 80, D. 1994.IR.226, Gaz. Pal. 1995.pan.16 ; Pour l'inconnaissance de l'un
des coauteurs voir : Cass. Civ. 2e, 15 déc. 1966,
Bull. civ. II, n° 968, Gaz. Pal. 1967.1.216, note Blaevoet ; - 29
avril 1970, JCP 1971.II.16586 ; Cass. Soc., 8 février 1972, D.
1972.656.
(155) N. Dejean De La Bâtie in Aubry et Rau, op.
cit., t. VI-2, Responsabilité civile, n° 82, note 85
; H. Lalou, Traité pratique de la responsabilité civile,
3e éd., 1943, n° 111 ; Planiol et Ripert par Esmein,
Radouant et Gabolde, Traité de droit civil français, t.
VII, Les obligations, LGDJ 1954, no 1090.
Cependant, des auteurs considèrent que la
répartition doit être par parts viriles(156), si on
admet que chaque cause est censée avoir causé la totalité
du dommage(157).
312 - La jurisprudence et dès le XIe
siècle retenait que dans le cas des coauteurs fautifs la
répartition du montant entre eux se fait « suivant la
gravité des torts imputable à chacun d'eux
>>(158). Dans le XXe siècle des
arrêts consacrent cette conception qui retenaient que la
répartition se fait selon « la gravité de leurs
(les coauteurs) fautes respectives >>(159).
313 - La gravité des fautes est souverainement
appréciée par les juges du fond(160), qui ne sont pas
mêmes obligés de motiver le partage
effectué(161) et la cour de cassation n'a aucune censure
concernant l'appréciation des juges du fond.
314 - Le juge, en appréciant les fautes, doit examiner
attentivement les causes du dommage, et rechercher le comportement le plus
grave et le plus important dans la production du dommage(162). Il a
la liberté de répartir la responsabilité de
chacun(163). Cette répartition du montant d'après la
gravité de la faute s'applique même si le coauteur a payé
une part de la dette et non pas la totalité(164). Le juge
lorsqu'il y a concours entre la faute du coauteur et la faute de la victime,
doit prendre en considération la faute de cette
dernière(165).
315 - Cependant, cette appréciation n'est pas absolue.
Elle connaît certaines limites. S'il y a dénaturation ou
contradiction des faits, la cour de cassation casse l'arrêt. C'est la
cour de cassation(166) qui a considéré que
l'appréciation retenue par la cour d'appel est en contradiction avec la
gravité relative des fautes. De même le juge ne peut
décharger quelqu'un et charger quelqu'un d'autre de toute la
réparation si tous les coauteurs sont fautifs(167), sauf dans
le cas où il y a inégalité entre les fautes. Dans un
arrêt le 11 février 1980 la cour de cassation censure la cour
d'appel d'avoir mis la charge entière sur une seule faute, tandis qu'une
autre contribuait à la production du dommage. Dans le même sens,
il a
(156) Baudry-Lacantinerie et Barde, t. II, n° 1301, p. 386
; Chabas, thèse précitée, n° 29, page35.
(157) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 137,
p. 169.
(158) Req., 24 février 1886, S. 1886.1.460 ; Dans le
même sens : civ. 11 juillet, 1892, D.P. 1894.513.
(159) Trib. Confli., 8 mai 1933s. 1933.3.117 ; Req., 5
juillet 1926, D.H. 1926.401 ; Civ. 20 mai 1935, D.H. 1935.394, Gaz. Pal. 1935,
2,187 ; Dans le même sens: Req., 5 juillet 1926, D.H. 1926.401 ; Cass.
Civ., 20 mai 1935, D.H. 1935.394, Gaz. Pal. 1935.2.187 ; Cass. civ.
1re, 21 fév. 1956, D. 1956.J.285 ; Civ. 2e, 17
mars 1971, Bull. civ. II, n° 123 ; Paris, 24 oct. 1983, D.
1984.J.149, note Penneau.
(160) Cass. Civ. 2e, 14 fév. 1979, Bull.
civ. II, n° 52 ; Req. 24 nov. 1924, D.H. 1924.715 ; Civ.
2e, 11 janvier 1979, Bull. civ. II, n° 19 ; Civ.
2e, 23 janvier 1975, Bull. civ. II, n° 26 ; civ.
3e, 19 déc. 1972, Bull. civ. III, n° 695 ; Civ.
2e, 16 mars 1994.
(161) Civ. 3e, 3 juillet 1968, JCP
1969.II.15860 et la note de Soinne ; Civ. 1re, 3 avril 1973, Gaz
Pal. 1973.2.559.
(162) Cass. civ., 20 mai 1935, D.H. 1935.394 ; Civ. 21
fév. 1956, D. 1956.J.285, JCP 1956.II.9200, note H. Blin.
(163) 1/3 Civ. 2, 16 mars 1994; 2/3-1/3 Civ. 20 mai 1935, Gaz.
Pal. 1935.1.187; 2/3-1/3, civ. 2e, 17 mars 1971, Bull. civ.
II, n° 123 ; 1/2-1/2 Paris, 24 oct. 1983, D. 1984.J.149, note Penneau.
(164) Req., 23 avril 1872, D.P. 1872.1.411.
(165) Cass. civ. 1re, 25 nov. 1992, Gaz Pal.
1993.pan.61, JCP 1993.I.3664, obs. G. Viney, JCP
1993.IV.336.
(166) Civ. 3e, 26 oct. 1967, Bull. civ. II,
n° 302.
(167) Civ. 1re, 19 juin 1973, Bull. civ. I,
n° 208.
été retenue que si la faute du coauteur
était génératrice du dommage, elle n'était pas
seule il faut prendre aussi en considération la faute de l'autre
personne.
316 - Certains auteurs reprochent la répartition
d'après la gravité de la faute qui, à leur avis, a un
aspect de sanction et de répression(168). Un autre
système fut proposé celui du pouvoir causale de chaque faute. Il
est nécessaire de déterminer les causes
antécédentes du dommage qui ont un rôle causal dans le
dommage, et la répartition se fait selon le degré causal de
chaque cause(169). Cette proposition est plus rationnelle que le
partage d'après la gravité de la faute(170). Une autre
proposition, au fond est identique de celle de l'intervention causale, mais
différente dans son aspect. Elle considère que le partage doit
être établi selon l'étendue de la responsabilité de
chaque coauteur(171). Il semble que la jurisprudence a parfois
reparti selon l'importance de la participation, quand la cour de cassation
relève que le coauteur solvens peut avoir recours contre
l'autre coauteur « dans la mesure de responsabilité de celui-ci
>>(172), dans d'autre d'après «
l'importance de la participation ... >>(173) ce qui
s'éloigne du critère générale d'appréciation
d'après la gravité de la faute.
317 - La répartition d'après le pouvoir causal
de chaque fait s'est avoir reproché de ce que la responsabilité
civile n'a pas pour fondement la causalité. Dans ce sens, un
auteur(174) écrit qu' « il n'existe aucun
critère concevable pour apprécier l'influence causale des divers
facteurs ayant contribué à provoquer le dommage ; ce partage de
causalité est donc purement arbitraire, et, surtout, que la
responsabilité civile n'a pas pour fondement la causalité du
dommage >>. Pour un autre auteur(175) si les auteurs qui
proposent la répartition d'après le rôle causale
considèrent que chaque cause a causé une portion du dommage est
une conception fausse et doit être rejetée parce que le dommage
est unique, et seul l'hiérarchisation des causes est acceptable. La
jurisprudence n'est stable sur quelle théorie l'hiérarchisation
doit être faite la causalité adéquate (175 bis) ou
l'équivalence des conditions(175 ter). Notons aussi
que la fonction de la causalité n'est pas la détermination de la
part de chaque cause(176).
(168) P. Raynaud, 1'obligation in solidum, p. 167,
cité par Patrick Canin, n° 136, p.167 ; H. Roland et L. Boyer,
Les obligations, 3e éd. 1988, n° 997 ; F. Chabas,
thèse précitée, n° 89.
(169) H., L., J. Mazeaud et A. Tunc, Traité de la
responsabilité civile, 5 éd., t. II, n° 1443.
(170) Ph. Conte, Encyclopédie Dalloz, Rep. Civil, V°
responsabilité du fait personnel, n° 290.
(171) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 132,
page 164 ; Ph. Conte, Rep. Dalloz, Vo, Responsabilité du
fait personnel, n° 290.
(172) Civ. 2e, 1er oct. 1975, D. 1975.IR.256,
Bull. civ. II, n° 235.
(173) Civ. 2e, 6 mars 1968, Bull. civ. II,
n° 76.
(174) Boris Starck, article précité, JCP
1970.I.2339, n° 6.
(175) Chabas, thèse précitée, n° 29,
page 35.
(175 bis) La cour de cassation s'inspire parfois de la
causalité adéquate : Cass. Civ.2e, 24 févr.
2005, JCP 2005.I.149, obs. G. Viney. (175 ter) Cass. Civ.
2e, 27 mars 2003, Bull. civ. II, n° 76.
(176) Supra n° 242.
318 - Aujourd'hui la jurisprudence répartit la
réparation d'après la gravité de la faute(177),
et comme relève un auteur << si la conception subjective et
moraliste de la responsabilité civile a largement disparu des
règles gouvernant l'obligation à la dette, elle persiste dans une
large mesure au stade de la contribution »(178).
Si la gravité de la faute contrôle le principe de
répartir la dette entre coauteurs fautifs le problème
diffère si on est en face des coauteurs gardiens qui sont tenus d'une
responsabilité objective.
2o _ La responsabiité sans faute
319 - Le coauteur solvens tenu en tant que gardien a
un recours contre l'autre coauteur gardien. Mais quelle est la base de
répartir le montant entre eux ? La même règle de la
responsabilité pour faute est aussi appliquée.
320 - Certains auteurs(179) estiment que le partage
en cas de concours de plusieurs choses est par parts viriles. Mais un autre
mécanisme de partage fut proposé celui de la mesure ou de
l'étendue de chaque responsabilité(180), ou bien selon
le rôle causale de chaque fait(181).
321 - Dans la jurisprudence le partage par parts viriles s'est
consacrée par en 1948(182), le transporteur qui a payé
la totalité du dommage subroge la victime et demande la
répartition de la dette avec le gardien du véhicule. La cour de
cassation le fait par parts viriles. Ce principe aurait été
rappelé à plusieurs reprises par la cour(183).
322 - Certes ce principe connaît une dérogation
surtout depuis 1969. Un arrêt de la cour de cassation le 2 juillet
1969(184) institua dans la jurisprudence un courant qui partage la
responsabilité non pas par parts viriles mais par la mesure de la
responsabilité. Dans cette optique la cour déclare que <<
... dans le cas oft un dommage atteint un tiers et que chacun des gardiens
est le coauteurs, quelle que soit la cause juridique de cette
responsabilité, celui que a désintéressé la victime
a, par le fait de la subrogation légale, un recours contre son
(177) Cass. civ. 2e, 20 oct. 2005, D. 2006.J.492 ;
Civ. 2e, 6 mars 2003, D. 2003.IR.867, RTDC 2003.310, obs.
P. Jourdain.
(178) P. Brun, responsabilité civile extracontractuelle,
Litec, 2005, n° 716, cité par G. Chantepie, note D. 2006.J.492.
(179) V. Cl. Et Ch. Bryon, De la notion de
responsabilité des coauteurs d'un dommage en cas de division de la dette
par parts viriles entre eux, Gaz. Pal. 1980.doct.54 ; H. L. J. Mazeaud et
A. Tunc, Traité de la responsabilité civile, 6
éd. , no 1661 ; Boris Starck, article précité,
JCP 1970.I.2339, n° 20.
(180) Patrick Canin, op. cit., no 140, p.
173.
(181) Supra nos 316-317.
(182) Cass. Civ., 29 nov. 1948, D. 1949.J.117, note H.
Lalou.
(183) Civ. 2e, 15 nov. 1956, Bull. civ.
II, n° 603 ; Civ. 2e, 16 fév. 1962, Bull. civ.
II, n° 208 ; Civ. 2e, 17 nov. 1976, D. 1977.IR.29, JCP
1977.II.18550, concl. Baudoin, Gaz. Pal. 1977.1.349, note Plancqueel ; Civ.
2e, 6 juillet 1978, Gaz. Pal. 1979.1.42 ; Civ. 2e, 11
fév. 1981, Gaz. Pal. 1981.2.237, note F. Chabas ; Civ. 2e,
1er, juillet 1981, Gaz. Pal. 1982.1.106, obs. F. Chabas ; Civ.
2e, 22 fév. 1989, Bull. civ. II, n° 43.
(184) Civ. 2e, 2 juillet 1969, Bull. civ.
II, n° 233, Gaz. Pal. 1969.2.311.
débiteur, dans la mesure de la
responsabilité de celui-ci ». Cet arrêt n'était
pas été isolé. Plusieurs arrêts postérieurs
consacrent cette conception, le partage serait fait dans la mesure de la
responsabilité(185). Dans tous ces arrêts la cour ne
nous a pas montré selon quel fondement le partage est fait, elle a
seulement mentionné que le partage est dans la mesure de la
responsabilité de chaque coauteur.
333 - Le partage par parts viriles reste la règle de
repartir la réparation mais selon un auteur il est acceptable si on est
en présence de responsabilités présumés, mais en
revanche si la défectuosité d'une chose est prouvée le
partage par parts viriles serait inacceptable(186), par ce que le
partage est inégale, surtout s'il a été prouvé que
le rôle causale d'un fait est plus que celui de l'autre ou les autres. Et
l'auteur ajoute que « le concours de deux responsabilités sans
faute peut donner lieu à recours intégrale lorsque ces deux
responsabilités ne se situent pas sur le même plan, l'un des
responsables ayant mis en défaut par une défectuosité
imputable à l'autre. »
334 - Le partage entre coauteurs fautif s'établit
d'après la gravité respective des fautes et entres coauteurs
gardiens par parts viriles. Mais si parmi les coauteurs quelqu'un est fautif et
quelqu'un d'autre gardien d'une chose, selon quel fondement la
répartition doit-elle être faite ?
3o _ Le concourt de la responsabilité pour faute et
la responsabilité sans faute
335 - C'est lorsque l'un des coauteurs est responsable de
plein droit a été condamné à réparer la
totalité du dommage. Ce dernier peut recourir contre l'autre coauteur
fautif, et selon quelle règle la répartition est elle faite ? La
jurisprudence octroie au responsable gardien tenu sur le fondement de l'article
1384 al 1re C. civ. un recours pour le tout contre le responsable
fautif(187).
336 - Un auteur relève(188) le gardien de la
chose solvens a un recours pour le tout contre l'auteur fautif, mais
si le fait de la chose est défectueux logiquement il a un recours
partielle(189). Cependant, si la faute était la cause du fait
défectueux le recours sera pour le tout(190). Dans cette
dernière hypothèse, le recours n'est partiel que si la
défectuosité est
(185) Cass. civ. 2e, 8 mai 1978, JCP
1981.II.19506, note Perallat ; Civ. 2e, 14 février 1979,
Bull. civ. II, n° 52.
(186) N. Dejean De La Bâtie in Aubry et Rau, op. cit.,
n° 82, note 85.
(187) Civ. 1re, 16 mai 1960, D. 1960.J.737, note
A. Tunc ; Civ.3e, 22 juin 1977, D. 1977.IR.472 ; Civ. 2e,
11 juillet 1977, Bull. civ. II, n° 185, D. 1978.J.581, note E.
Agostini ; Civ. 3e, 8 mai 1979, Gaz. Pal. 1980.2.684, note A.
Plancqueel ; Civ. 2e, 2 déc. 1982, Bull. civ. II,
n° 160 ; Civ. 2e, 25 nov. 1987, D. 1987.IR.254, JCP
1988.IV.46, Bull. civ. II, n° 242.
(188) P. Raynaud, L'obligation in solidum, Cours
de doctorat, p. 164, cité par Patrick Canin, op. cit.,
n° 146, p. 180.
(189) N. Dejean De La Bâtie in Aubry et Rau, op.
cit., t. VI-2, Responsabilité civile, n° 82, note
85.
(190) R. Savatier, Traité de la
responsabilité civile, op. cit., T. I, n° 403;
Patrick Canin, op. cit., n° 148, p. 183.
propre et indépendante de la faute du
tiers(191). D'autres proposent que le partage doive être
établi selon le rôle causal de chaque fait(192).
337 - Précisons enfin que la jurisprudence a parfois
considéré que le juge partage dans la mesure de la
responsabilité de chacun(193), sans tenir compte la
défectuosité ou l'anormalité du fait. Alors que la
jurisprudence actuelle de la cour de cassation impose la
défectuosité ou l'anormalité de la chose cause du
dommage(194) même si dans un arrêt isolé exige le
rôle actif de la chose. En somme, la cour de cassation parle d'une part
de la défectuosité ou l'anormalité de la chose, et d'autre
part accorde au responsable gardien un recours pour le tout. Il faut retenir un
recours partiel et non pas un recours total.
(191) N. Dejean De La Bâtie, op. cit. ; Voir dans
le même sens : Civ. 2e, 15 déc. 1986, D. 1987.J.221,
note Chr. Larroumet ; Civ. 2e, 6 nov. 1985, Bull. civ. II,
n° 168.
(192) Supra nos 316-317.
(193) Cass. civ. 2e, 8 mai 1978, JCP
1981.II.19506, note Perallat ; Civ. 2e, 14 fév. 1979,
Bull. civ. II, n° 52.
(194) Civ. 2e, 24 fév. 2005, D. 2005.J.1395,
note Damas Nicolas ; Civ. 2e, 25 nov. 2004, D. 2005.IR.114.
Conclusion
Comme on a déjà prouvé que l'article 137
du Code des obligations et des contrats libanais n'est en aucun cas convenu
avec le cas de pluralité d'auteurs. L'obligation née par le fait
défectueux de plusieurs individus est in solidum et n'est pas
solidaire. Les deux alinéas de l'article 137 ne servent pas comme
fondement d'une condamnation solidaire, ils sont insuffisants et ne traitent
pas de toutes les hypothèses, d'où l'impraticabilité de
cet article. Il faut donc une reformation opérée et changer la
disposition de l'article 137.
L'explication logique de l'obligation des coauteurs d'un
même dommage est d'après la garantie. Selon cette idée
chaque coauteur est tenu de la part qu'il a causée par son propre fait
et garant les parts causées par les autres coauteurs. C'est le fondement
actuel de l'obligation in solidum.
Ce que nous avons essayé de démontrer
c'était l'obligation générée par le fait de
plusieurs personnes en matière délictuelle qui est in
solidum. Cependant, l'obligation in solidum est admise dans
diverses matières. Espérons qu'on puisse faire en future une
étude de l'obligation in solidum dans tous les matières qu'elle
est intervenue.
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« in solidum » en responsabilité
dé1ictuelle, Gaz. Pal. 1965.Doct.75.
- CAREL : De la responsabilité civile au cas de
pluralité d'auteurs fautifs, G.P. 1959.I.Doct., page 51
- CHABAS F. : Remarques sur l'obligation « in solidum
», RTDC 1967, p.310 ; Bilan de quelques années de
jurisprudence en matière de rôle causale, D. 1970, Ch.
XXV.
- Cl. V. Et Ch. Bryon : De la notion de responsabilité
des coauteurs d'un dommage en cas de division de la dette par parts viriles
entre eux, Gaz. Pal. 1980.doct.54.
- CONTE Ph. : Rep. Dalloz, Vo
Responsabilité du fait personnel.
- CORNU G. : inopposabilité de la limite
décennale au recours de garantie du propriétaire
contre le constructeur en cas de dommages causés aux
tiers, RTDC 1973, p. 141. - DEJEAN DE LA BÂTIE N. ; La
responsabilité du tiers coauteur d'un accident du travail,
JCP Éd. G., 1989.I.3402.
- DERRIDA F. : Répertoire Dalloz,
V°Solidarité.
- DEUREUX : De la réparation due par l'auteur d'une
seule des fautes dont le concours a causé un préjudice,
RTDC 1944, page 156.
- DRAKIDIS P. : La " subsidiarité",
caractère spécifique et international de l'action
d'enrichissement sans cause, RTDC 1961, p. 577
- ESMEIN P. : Le nez de Cléopâtre ou les affres
de la causalité, Ch. XXX, D. 1964, p. 206 ; - FOSSEREAU J. :
L'incidence de la faute de la victime sur le droit de ses ayants cause
agissant à titre personnel, RTDC 1963.9 ;
- GROUTEL H., La pluralité d'auteurs dans un
accident de la circulation, D. 1987, chron. 86 ; Le
recours entre coauteurs (suite et fin ?), D. 1992.Chr.19.
- HUET J. : l'obligation in solidum et le jeu de
la solidarité dans la responsabilité des constructeurs ; J.
Chanet, Responsabilité entre techniciens du bâtiment, Gaz.
Pal. 1969.doct.99.
- LAMBERT-FAIVRE Y. : De la poursuite à la
contribution ; quelques arcanes de la causalité, D. 1992, Chron.
LXIII.
- LANDEL J. : Desmares est mort, Gaz. Pal.
1987.2.591.
- LE TOURNEAU Ph. : Rep. Dalloz, V°
Solidarité.
- MARTY G. : La relation de cause à effet comme
condition de la responsabilité civile, RTDC 1939, p.
702.
- MAYER : La garde en commun, RTDC 1975, p.
197.
- MESTRE J. et M.-E. TIAN-PANCRAZI : J-Cl civ., art.
1187 à 1216, Obligations conjointes et solidaires, fasc.3.
- MEURISSE R. : Le déclin de l'obligation in solidum,
D. 1962, chron. 243.
- PEYTEL : La responsabilité partagée et la
présomption de l'art. 1384, G.P., 1942.1.7. - PROTHAIS A. : D.
1987, Chr. LXII, p. 237.
- ROUAST : L'enrichissement sans cause et la jurisprudence
civile, RTDC 1922.35 ; - SAVATIER R. : D. 1964.Chr.155;
- STARCK B. : La pluralité des causes de dommage et la
responsabilité civile, JCP 70.I.2339.
- VINCENT J. : L'extension en jurisprudence de la notion de
solidarité passive, RTDC 1939.601
Notes - observations - conclusions - rapports
- AGOSTINI E.: Notes sous Civ. 2e, 11 fév.
1981, D. 1982.J.255 ; Civ. 2e, 11 juillet 1977, D. 1978.J.581.
- AYDOLAT : Conclusions, Ch. Réuni 25 novembre 1964, D.
1964.733.
- AZARD P. : Note sous Civ. 2e, 16 nov. 1962, D.
1963.317.
- BANDRAC M. : Observations Com., 15 mars 1988, RTDC
1988, p. 791.
- BASTIAN M.: Notes sous
Cass. Com., 10 mai 1948, D. 1948.407,
JCP 1949.II.4937.
-BAUDOUIN :Conclusions,Civ. 2e, 17 nov. 1976,
JCP éd. G 1977.II.18550.
- BEDOURA : Note sous Cass. Soc. 8 déc. 1983, JCP
1984.II.20220.
- BENABENT A. : Note sous
Cass. Com. 27 oct. 1992, D. 1992.505.
- BESSON A. : Note sous Cass. Civ., 21 décembre 1943,
JCP 1945.II.2779.
- BIGOT J. : Note sous Civ. 1er, 16 juin 1965,
JCP 1966.II.14649, note;
- BlAEVOET : Note sous Cass. Civ. 2e, 15 déc.
1966, Gaz. Pal. 1967.1.216.
- BLIN H. : Note sous Civ., 21 fév. 1956, D. 1956.J.285,
JCP 1956.II.9200.
- BOISTEL : Note sous Req., 12 fév. 1879, D.P.
1879.1.281.
- BORÉ J. : Notes sous Civ. 2e, 23 avri11971,
JCP. Éd. G. 1972,17086 ; Civ., 20 novembre
1963, D. 1964.549 ; Civ., 12 mai 1971, JCP
1972.II.17086 ; Cass. Ass. Plén., 19
juin 1981, D. 1981.jur.529 ; Cass. Civ. 3e, 10 mars
1981, D. 1981.429. - CABANNES : Conclusions Cass. Ass. Plén., 19 juin
1981, D. 1982.jur.85
- CASEAU-ROCHE C. : Cote sous Cass. Civ. 1re, 4
déc. 2001, Gaz. Pal 2002.1.394.
- CHABAS F. : Notes sous Civ. 2e, 15 nov. 1972, D.
1973.533 ; Civ. 2e, 25 oct. 1978, JCP Ed. G., 1979.19193 ;
Civ. 2e, 11 fév. 1981, Gaz. Pal. 1981.2.237 ; Ass.
Plén., 19 juin 1981, D. 1982.jur.85 ; Civ. 2e, 21 juillet
1982, JCP 1982.II.19861 ; Civ. 2e, 3 fév. 1983,
JCP 1984.II.20183 ; Civ. 2e, 15 juin 1983, JCP
1984.II.20274 ; Civ. 2e, 6 avril 1987, JCP 1987.II.20828 ;
Observations Cass. Civ. 2e, 25 fév. 1981, Gaz. Pal. 1981.2.
Pan.237 ; Civ. 2e, 1er, juillet 1981, Gaz. Pal.
1982.1.106 ; Civ. 2e, 18 janvier 1984: Gaz. Pal. 1984.1.125 ; Civ.
2e, 12 décembre 1984: Gaz. Pal. 1986.1.250 ; Civ.
2e, 16 oct. 1985, Gaz. Pal. 1986.1.Somm.185 ; Civ. 1er,
18 avril 1989, Gaz. Pal, 1990.Somm.10.
- CHANTEPIE G. : Note sous Cass. Civ. D. 2006.J.492.
- CHARBONNIER : Conclusions Civ. 2e, 21 juillet 1982,
D. 1982.449.
- CHEVALLlER J. : Observations Civ. 1er, 29 nov. 1966,
RTDC 1967, p. 152. - DAMAS N. : Note sous Cass. Civ. 2e, 24
fév. 2005, D. 2005.J.1395.
- De LAMBERTYE-AUTRAND M.-C : Note sous Cass. Civ.
1re, 4 déc. 2001, D. 2002.J.3044.
- DEJEAN DE LA BÂTIE N. : Notes sous Cass. Civ.
2e, 17 déc. 1963, JCP 1965.II.14075 ; Civ.
2e, 21 décembre 1965, JCP 1966.II.14736 ; Civ.
1er, 7 juin 1977, JCP 1978.V.19003.
- DELEBECQUE Ph. : Note sous Cass. civ. 1er, 28
octobre 2003, D. 2004.comm.233.
- DURRY G. : Observations Cass. civ. 2e, 2 juillet
1969, RTDC 1970.177 ; Civ. 2e, 13 mars
1975, RTDC 1975, p. 543 ; Civ. 3e, 11 juin
1976, RTDC 1977, p. 136 ; Civ. 1re, 7
juin 1977, RTDC 1978, p. 364 ; Civ. 2e, 25
oct. 1978, RTDC 1980 p. 112 ; Cass.
Com., 31 mars 1981, RTDC 1982.150 ; Cass. Ass.
Plén., 19 juin 1981, RTDC 1981,
p. 857 ; Note sous Cass. Civ. 1re, 1er mars 1983, Gaz.
Pal. 1984.1.119.
- ESMEIN P. : Notes sous Cass. Civ., 27 oct. 1948, JCP
1949.II.4793 ; Civ. 2e, 19 avril 1956, D. 1956.1.538, JCP
1956.2.9381 ; Cass. civ. 2e, 30 juin 1961, JCP
1961.II.12386 ; Cass. Civ. I, 16 janv. 1962, JCP
1962.II.12557 ; Civ. 2e, 9 mars 1962, JCP 1962.II.12728 ;
Ch. réunies, 25 novembre 1964, JCP 1964.II.13972.
- GROUTEL H. : Notes sous Cass. Soc. 26 fév. 1975,
JCP 1975.II.18194 ; Cass. Civ. 2e, 14
janvier 1998, D. 1998.174.
- G.L.V. : Note sous Cass. Civ. 1er, 14 déc.
1964, J.C.P. 1965.II.14175.
- HOLLEAUX G. : Note sous Cass. civ. 4 déc. 1939, D.C.
1941.128.
- HOUIN : Note sous Cass. Crim., 14 déc. 1938, S.
1939.I.233.
- JOURDAIN P. : Note sous Cass. Ass. Plénière,
22 déc. 1988, RTDC 1989 ; Civ. 2e, 14 janvier 1998,
JCP 1998.II.10045 Cass. Civ. 1er, 4 déc. 2001,
RTDC 2002.308 ; Civ. 2e, 6 mars 2003, D. 2003.IR.867,
RTDC 2003.310.
- LALOU H. : Note sous Cass. Civ., 29 novembre 1948, D.
1949.117.
- LAMBERT-FAIVRE Y. : Notes sous Cass. civ. 2e, 27
janv. 1965, D. 1965.619 ; Cass. Civ.
1er, 13 nov. 1967, D. 1968.97; Civ. 2e, 21
janv. 1970, D. 1970.525.
- LARROUMET Chr. : notes sous Cass. Civ. I, 7 juin 1977, D.
1978.289; Civ. 2e, 25 oct. 1978, 2e espèce, D.
1979, 114 ; Civ. 2e, 21 juillet 1982, D. 1982.449 ; Civ.
2e, 15 déc. 1986, D. 1987.J.221 ; Observations Cass. Civ.
3e, 24 janvier 1978, D. 1978.IR.321.
- LE CALONNEC J. : Note sous Cass. Soc. 8 déc. 1983,
JCP 1984.II.20220.
- LE TOURNEAU Ph. : Note sous Cass. Civ., 3 juill. 1996,
JCP 1997.II.22758.
- LEVILLAIN : Notes sous Cass. Civ., 11 juillet 1892, D.,
1894.1.513 ; Cass. Civ., 11 juillet
1892, D. 1894.1.561, note Levillain ; Cass. Civ., 3 juillet 1900,
D. 1900.1.417. - LINDON : Note sous Cass. Ch. mixte, 26 mars 1971,
J.C.P. 1971.II.16762.
- LOUSSOUARN : Observations Civ. 3e, 30 mai 1969,
RTDC 1970, p. 168.
- LOYNES : D. 1890.1.337 ;
- M. A. : Note sous Civ. 2e, 18 janvier 1973,
JCP 1973.II.17545.
- MAZEAUD H. et L. : Observations Req., 12 nov. 1940,
RTDC 1940-1941, p. 433 ; Cass., 21 décembre 1943, RTDC
1944, p. 114 ; Civ., 23 mai 1944, RTDC 1945.272. - MAZEAUD H. : Note
sous Cass. Civ., 9 sept. 1940.141, S. 1940.I.81
- MAZEAUD J. : Note sous Cass. civ. 3e, 5 déc.
1972, D. 1973.401
- MAZEAUD L. : Note sous Seine, 23 avril 1963, D. 1964.62.
- MESTRE J. : Observations Com., 8 janv. 1991, RTDC
1991.528 ; Civ. 1re, 7 décembre 1983, RTDC 1984. p.
717 ; Cass. Civ. 1re, 15 mai 1990, RTDC 1991, p. 556-558. -
MEURISSE : Note sous Cass. Civ. II, 9 mars 1962, S. 1963.II.
- MOULY C. : Note sous Cass. Civ. 2e, 6 avril 1987, D.
1988.32.
-MOURGEON L. : Notes sous Cass. Soc. 8 juillet 1971, JCP
1973.II.17303, 2e espèce; Soc. 28 oct. 1971,
JCP1973.II.17303, 3e espèce.
- PAIRE G. : Ass. Plénière, 22 déc. 1988, D.
1989.105.
- PENNEAU : Note sous Paris, 24 oct. 1983, D. 1984.J.149.
- PERALLAT L. : Note sous Cass. Civ. 2e, 8 mai 1978:
JCP 81.II.19506.
- PEROCHON : Note sous
Cass. Com., 15 mars 1988: D. 1988, J,
330.
- PETIT B. : Note sous Cass. Civ. 1re, 15 mai 1990,
JCP 1991.II.21628.
- PICCA : Conclusions Cass. Soc. 8 déc. 1983, D.
1984.J.90.
- PLANCQUEEL A. : Notes sous Cass. Civ. I, 4 juin 1959, S.
1961.329 ; Civ. 1er, 29 nov. 1966, JCP 1968, II, 15355 ;
Civ. 2e, 17 novembre 1976, Gaz. Pal. 1977.1.349 ; Civ.
1re, 7 juin 1977, Gaz. Pal. 1978.1.131 ; Cass. Civ. 3e,
24 janvier 1978, Gaz. Pal. 1978.2.474 ; Civ. 2e, 25 oct. 1978, G.P.
1979.1.198 ; Civ. 3e, 8 mai 1979, Gaz. Pal. 1980.2.684 ; Civ. 3, 11
juin 1980, Gaz. Pal. 1981.1.291; Civ. 3e, 1er mars 1983, Gaz. Pal.
1984.1.119.
- P.L.-P. : Note sous Cass. Civ., 21 décembre 1943, D.C.
1944.38.
- POISSON-DROCOURT : Note sous Cass. Civ. 2e, 15
déc. 1980, D. 1981.445. - PONSARD : Rapport Cass. Ass. Plén., 19
juin 1981, JCP 1982.II.19712.
- PRIEUR : Note sous Cass. Civ. 3e, 17 juillet 1968,
JCP 1969.II.15932.
- RADOUANT J. : Notes sous Cass. Civ. 13 mars 1957, D. 1958.73;
D. 1961, p 681.
- RAYNAUD P. : Note sous Paris, 19 janvier 1972, D. 1974.1.116 ;
Observations Cass. Civ. 2e, 6 nov. 1969, RTDC 1970.413.
- RIPERT G. : Notes sous Cass., Com., 19 juin 1951, D. 1951.717 ;
D.C. 1944.18.
- RODIÈRE R. : Note sous Cass. Civ. 1re, 16
janv. 1962, D. 1962.199 ; Observations Ch. réunies, 25 novembre 1964,
RTDC 1965.136,
- ROUAST : Note D. 1936.1.25.
- SAINT-JOURS Y. : Notes sous Cass. Ass. Plénière,
22 déc. 1988, JCP 1989.II.21236 ; Ass. Plén. 31 oct.
1991, JCP 1992.II.21800.
- SAVATIER R. Notes sous Req., 23 mars 1927, D.P., 1928.1.73 ;
Civ. 2e, 28 janvier 1955, D. 1955.449 ; Cass. Crim., 27 nov. 1956,
D. 1957.373 ; Civ. 2e, 9 mars 1962, D. 1962.J.625 ; JCP
1956.II.9263
- SCHMELCK: Conclusions Ch. mixte, 20 déc. 1968, D.
1969.37.
- SOINNE : Note sous Cass. Civ. 3e, 3 juillet 1968,
JCP 1969.II.15860.
- STARCK B. : Note sous Cass. Civ. 2e, 4 oct. 1972,
JCP 1973.II.17450.
- TUNC A. : Notes sous Cass. Civ. 2e, 17
déc. 1963, D. 1964.569 ; Civ. 2e, 16 juin 1965, D. 1965.662 ;
Civ. 1re, 16 mai 1960, D. 1960.J.737; Observations Cass. Civ.
2e, 9 mars 1962, RTDC 1962.625
- VINEY G. : Observations Cass. civ. 1re, 25 nov.
1992, JCP 1993.I.3664.
- VIRASSAMY G. : Note sous Cass. Civ. 1re, 15 mai
1990, D. 1991.J.538.
- WAHL : Note S. 1909.2.129.
- MONNET Y. : Conclusions Ass. Plénière, 22
déc. 1988, D. 1989.105.
TABLE DES MATIERES
Introduction
CHAPITRE PRÉLIMINAIRE
Section I : Aperçu historique
§ 1 : droit romain
§ 2 : Ancien droit français
Section II : Droit positif
§ 1 : Code civil
A - La solidarité en matière délictuelle
1o -- L'article 1202
2o - L'article 55 du code pénal 3o - La
solidarité virtuelle
4o - L'article 1200 du code civil
5o - La tradition romaine 6o - L'autorité de
Pothier
B - L'teuvre de la jurisprudence
1o - Première étape 2o - Deuxième
étape 3o - Troisième étape 4o - quatrième
étape
C - la solidarité imparfaite
§ 2: Code des obligations et contrats
A - la communauté d'action
B - l'indivisibilité du dommage
CHAPITRE I : LA NATURE JURIDIQUE Section I :
L'évolution de l'obligation in solidum
§ 1 : La consécration jurisprudentielle
A - Avant 1939
B - Après 1939
§ 2 : l'obligation in solidum une institution
autonome
A - La distinction entre l'obligation in solidum et la
solidarité
B - Les conditions de l'obligation in solidum 1o -- La
responsabilité pour faute
2o - La responsabilité sans faute
a) - Code civil
b) - code des obligations et contrats 3o - La
responsabilité pour faute et celle sans faute
Section II : Critique de l'obligation in solidum
§ 1 : La responsabilité partielle
A - La hiérarchisation qualitative
B - La hiérarchisation quantitative 1° --
Exposé de la doctrine
2° -- Critique de la doctrine
C - La causalité partielle
dans la jurisprudence
1o - Dommage par ricochets 2o - Accidents de travail
3o - Transport bénévole
4o - L'exonération partielle du gardien
5o - Exonération partielle par le fait
oft la faute de la Victime
a - La responsabilité du fait des choses
b --La responsabilité du fait personnel
§ 2 : La théorie de Mignon
A - Critique de la solidarité
et de l'obligation in solidum
1o - Critique de la solidarité
2o - Critique de l'obligation in solidum
B - L'obligation au total Lato sensu
1o - L'obligation au total institutionnelle
a - L'obligation institutionnelle délictuelle
b - L'obligation institutionnelle contractuelle 2o -
L'obligation au total individuelle
a - L'obligation individuelle délictuelle
b - L'obligation individuelle contractuelle
Chapitre II :
LA STRUCTURE DE L'OBLIGATION IN
SOLIDUM
Section I : Le rapport externe
§ 1 : La structure du rapport externe
A - L'unité d'objet
B - Pluralité d'objets
1° -- Exposée de la doctrine 2° -- Les critiques
avancés
§ 2 : Le fondement du rapport externe
A - L'indivisibilité
B - La causalité totale
1o - Exposée de la doctrine
2o - Critiques de la causalité totale
C - La garantie
Section II : Le rapport interne
§ 1 : Les effets de l'obligation in solidum 1o -- Le
paiement
2o - La compensation
3o - La transaction
4o - Effets secondaires de la solidarité
§ 2 : Actions récursoires
A - Le fondement du recours
1o - La subrogation
a - Les avantages de la subrogation
b - Les désavantages de la subrogation 20 _ L'action
personnelle
a - La responsabilité civile
b - Gestion d'affaires
c - L'enrichissement sans cause
d - L'équité
e - La garantie
B - L'étendue du recours
1o -- La responsabilité pour faute
2o - La responsabilité sans faute
3o - Le concourt de la responsabilité pour faute et la
responsabilité sans faute
Conclusion
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