II- Situation actuelle du paludisme en Mauritanie.
1. Les vecteurs
Avant 1962, seules 4 espèces anophèliennes
étaient signalées en Mauritanie : An. funestus, An. gambiae
s.l., An. pharoensis et An. rufipes (SAUTEL
et al., 1948). Par la suite, HOSTEIN
et al. (1962) signalent la
présence de An. melas et An. dhtali. En plus de ces
espèces, la présence d'An. rhodesiensis (MAFFI,
1964) ainsi que celle de An. coustani, An. ziemmani, An. funestus,
An. pretoriensis, An. squamosus et An. demilloni (HAMON et
al., 1964) ont été signalées. Au total, la
présence de 12 espèces anophèliennes a été
notée en Mauritanie (BRUNHES et al., 1998). Il
s'agit de : An. arabiensis, An. dhtali, An. flavicosta, An. funestus, An.
gambiae, An. melas, An. pharoensis, An. pretoriensis, An. rhodesiensis
rhodesiensis, An. rufipes rufipes, An. squamosus et An. ziemanni. Des
prospections entomologiques effectuées le long d'un transect
vallée du fleuve /plateau du Tagant ont permis de noter des similitudes
dans la composition de la faune anophèlienne sur les deux rives du
fleuve Sénégal (MOLEZ & FAYE, 1996). Cette
enquête a montré la présence saisonnière d'An.
rhodesiensis dans le Tagant. Toutes les études antérieures
ont révélé une diminution de l'abondance et de la
variété de la faune anophèlienne du Sud vers le Nord du
pays. Cependant, aucune d'entre elles n'a eu à étudier les
modalités de la transmission anophèlienne. Une enquête
récente effectuée au cours des mois d'octobre et de novembre 2003
(DIA, et al soumis) dans les Wilayas (régions
administratives) du Trarza, du Brakna, de l'Assaba et du Tagant a montré
qu'An. gambiae s.s et An. arabiensis étaient
présents dans la majorité des localités
prospectées. En revanche, la présence d'An. funestus n'a
été signalée que dans le Trarza, (delta du fleuve
Sénégal).
2. MorbiditéLe paludisme sévit
sous forme d'épidémies apparaissant en période de
transmission et
pouvant toucher la quasi-totalité de la population du
sud et du sud-est du pays où il représente la première
cause de morbidité et de mortalité (MSAS, 1998).
Dans une enquête conduite en 1987, GASQUET a
trouvé un taux moyen de splénomégalie de 12,7% dans la
région du fleuve, s'élèvant à 24,4% chez les
enfants âgés de 1 à 9 ans. Le nombre de cas de paludisme
diagnostiqués est très variable selon les années
(Figure 2). La morbidité proportionnelle a
été évaluée à 16,5% (ANONYME,
1999).
350000
300000
250000
200000
150000
100000
50000
0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
ANNEES
Figure 2 Nombre de cas annuels de paludisme
(présumés et confirmés) enregistrés dans
les centres de santé de la Mauritanie. (MSAS, 2002).
NOMBRE DE CM
Des flambées épidémiques de
fièvres supposées d'origine palustre avec 30 à 40% de cas
d'accès graves et un taux de létalité de 15% ont
été notées ces dernières années dans
plusieurs régions du sud du pays, faisant ainsi du paludisme un
véritable problème de santé publique.
3. Faciès
épidémiologiques
En Mauritanie, le paludisme est de type instable
(MOUCHET et al., 1993) avec une transmission
saisonnière très courte et des années sans transmission.
Trois zones géoclimatiques en rapport avec le faciès
épidémiologique ont été définies en
Mauritanie :
- Zone soudanienne, où le paludisme est stable.
- Zone sahélienne, où le paludisme est
instable.
- Zone saharienne, transmission anophélienne non
documentée mais supposée faible et irrégulière.
4. Espèces plasmodiales
Les quatre espèces plasmodiales responsables du
paludisme humain (P. falciparum, P. malariae, P. vivax et P. ovale)
sont rencontrées en Mauritanie, avec une large prédominance de
P. falciparum (SAUTEL et al., 1948 ; BARBIER &
TIMBILA, 1964 ; MONJOUR et al., 1984 ; ABDALLAHI, 2001)
responsable de plus de 90% des cas de paludisme (SAUTEL et
al., 1948). Cependant, P. vivax est rencontré
dans certains localités du sud-est (COLLINS et al.,
1999 ; ABDALLAHI, 2001).
5. Prise en charge des accès
En République Islamique de Mauritanie, le traitement de
première intention des accès palustres simples repose sur
l'administration de la chloroquine à la dose totale de 25 mg/kg,
répartie sur trois jours à raison de 10 mg/kg le premier et
deuxième jour et 5mg/kg le troisième jour. La chimioprophylaxie
avec la chloroquine est réservée aux seules femmes enceintes. En
cas d'intolérance ou d'échec thérapeutique, la chloroquine
est remplacée par la sulphadoxine/pyriméthamine (Fansidar®).
Les sels de quinines sont réservés aux accès graves et
compliqués. GUIGUEMDE et al., (1990)
écrivaient : « tous les pays de l'OCCGE sont atteints par la
chloroquinorésistance de P. falciparum, exceptée la
Mauritanie, pays où le paludisme est rare...». Depuis cette date,
deux études sur la chloroquino-résistance in vivo de P.
falciparum ont été réalisées en Mauritanie.
Elles ont révélé un taux d'échec
thérapeutique inférieur à 10% à Boghé, dans
le sud du pays (région du Brakna) (GASQUET et al.,
1994) et 33% (PENALI et al., 1998) à
Aïoun, dans le sud-est du pays (région du Hodh el garbi).
En 2001 à Aïoun une étude centrée
sur la recherche de gènes mutant de la dihydrofolate reductase (DHFR) et
la dihydropteroate synthetase (DHPS) responsable de la résistance de
P. falciparum à la sulphadoxine/pyriméthamine montre une
prévalence de 41,97% (EBERL et al., 2001).
6. Lutte antivectorielle
L'introduction de moustiquaires imprégnées
d'insecticides conduits par le Programme National de Lutte contre le Paludisme
date de 1995 dans la région du Guidimakha et de l'Assaba et de 1997 dans
la région du Hodh el Garbi et le Trarza (COULIBALY,
1999). Elle est largement répandue dans tout le sud et sud-est
du pays où les résultats sur la sensibilité des vecteurs
de paludisme aux insecticides seront présentés dans la seconde
partie de ce travail.
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