CHAPITRE II:
RESULTATS
I- Faune anophélienne
Seul An. gambiae s.l a été capturé
dans tous les sites. A Rosso et à Boghé, il était
associé à An. pharoensis (tableau
1).
Tableau 1 : Composition et proportion
respective des différentes espèces dans
l'échantillon d'anophèles capturés et testés
dans chaque localité.
Espèces Localités
|
An. gambiae s.l
|
An pharoensis
|
Total
|
effectif
|
pourcentage
|
Effectif
|
pourcentage
|
Sélibaby
|
125
|
100
|
0
|
0
|
125
|
Rosso
|
100
|
36,4
|
175
|
63,6
|
275
|
Boghé
|
100
|
50
|
100
|
50
|
200
|
Aioun
|
125
|
100
|
0
|
0
|
125
|
Kankossa
|
11
|
100
|
0
|
0
|
11
|
Total
|
461
|
62,6
|
275
|
37,4
|
736
|
Aucune infection n'a été notée chez les
461 femelles d'An. gambiae sl récoltés qui ont toutes
été testées en PCR pour la détermination des
espèces qui composent ce complexe. An. arabiensis a
représenté 97,2% (448/461) des spécimens dans les
échantillons testés contre seulement 2,8%(13/461) pour An.
gambiae s.s. (tableau 2). Avec 10 des 13 spécimens
(77%) récoltés à Boghé contre seulement 3
récoltés à Aioun, An. gambiae s.s. est
concentré dans la vallée du fleuve Sénégal. Seule
la forme moléculaire M homozygote S/S (absence du gène kdr)
d'An. gambiae s.s. a été trouvée.
Tableau 2 : Résultats de la PCR des
461 An. gambiae sl récoltés dans les cinq sites
d'étude. Fréquence d'An. arabiensis et An.
gambiae ss touts sites confondues et pour chaque
sites d'étude.
Sites
|
Sélibaby
|
Rosso
|
Boghé
|
Aïoun
|
Kankossa
|
Nombre An. gambiae s.l capturés
|
125
|
100
|
100
|
125
|
11
|
Nombre An. gambiae s.l testés
|
125
|
100
|
100
|
125
|
11
|
Nombre An. gambiae s.s identifiés
|
|
|
10
|
3
|
|
Nombre An. arabiensis identifies
|
125
|
100
|
90
|
122
|
11
|
% An. gambiae s.s
|
|
|
10%
|
2,4%
|
|
% An. arabiensis
|
100
|
100
|
90
|
97,6
|
100
|
II. Sensibilité à la perméthrine
(0,75%) et à la deltaméthrine (0,05%)
1. Température et humidité relative pendant
les tests.
La température et l'humidité relative ayant
prévalu dans chaque site pendant les tests sont
représentées dans le tableau 3. A Sélibaby, une
augmentation de 3°C de la température a été
notée au cours de la période d'observation (tableau
3).
Tableau 3: Variation de la
température et de l'humidité relative au cours de l'exposition et
de la période d'observation des femelles d'An. gambiae sl et
d'An. pharoensis. Octobre 2002. Mauritanie.
|
période d'exposition
|
période d'observation
|
Température
|
Humidité relative
|
Température
|
Humidité relative
|
Boghé
|
31°C
|
80%
|
31°C
|
78%
|
Sélibaby
|
30°C
|
78%
|
33°C
|
81%
|
Rosso
|
30°C
|
81%
|
30°C
|
80%
|
Aïoun
|
30°C
|
78%
|
30°C
|
80%
|
2- Taux de mortalité.
2.1. Taux de mortalité à la
perméthrine 0,75%.
2.1.1. An. gambiae s.l.
A la dose discriminante de 0,75% la mortalité a
été totale pour tous les spécimens d'An. gambiae
s.l. exposés à la perméthrine, excepté
à Boghé où sur les 100 femelles testées, une
était vivante après 24 heures d'observation.(Tableau
4).
2.1.2. An. pharoensis
A Boghé et Rosso, la mortalité était totale
pour les femelles d'An. pharoensis testées. (Tableau
4).
2.2. Taux de mortalité à la
deltaméthrine 0,05%.
Les tests à la deltaméthrine ont
été effectués seulement à Rosso. Ils ont
porté sur les seules femelles d'An. pharoensis dont la
mortalité a été totale à la dose discriminante de
0,05% (Tableau 5).
Tableau 4 : Taux de mortalité
d'An. gambiae sl et d'An. pharoensis obtenus 24 heures
après une heure d'exposition à la perméthrine 0,75%,
à Boghé, Sélibaby, Aïoun et Rosso. Octobre 2002
Mauritanie.
Permèthrine 0,75%
|
|
An. gambiae sl
|
|
An. pharoensis
|
Boghé
|
Sélibaby
|
Aioun
|
Rosso
|
Boghé
|
Rosso
|
Témoins
Morts
Vivants Mortalité % Effectif
testé
KD après :
|
25 0 25 0% 100
|
25 0
25 0% 125
|
25 0 25 0% 125
|
25 0 25 0% 100
|
25 0 25 0% 100
|
25
0
25
0% 100
|
10 mm
|
55
|
42
|
23
|
49
|
55
|
47
|
15 mm
|
73
|
95
|
71
|
82
|
69
|
70
|
20 mm
|
95
|
116
|
112
|
93
|
96
|
99
|
30 mm
|
97
|
121
|
122
|
98
|
100
|
100
|
40 mm
|
99
|
125
|
125
|
100
|
100
|
100
|
50 mm
|
99
|
125
|
125
|
100
|
100
|
100
|
60 mm
|
99
|
125
|
125
|
100
|
100
|
100
|
Morts après 24 heures
|
99
|
125
|
125
|
100
|
100
|
100
|
Vivants après 24 heures
|
1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Mortalité %
|
99%
|
100%
|
100%
|
100%
|
100
|
100%
|
Mortalité corrigée %
|
NR*
|
NR*
|
NR*
|
NR*
|
NR*
|
NR*
|
3. Temps de Knock Down.
Les temps de Knock Down (KDT) ont été
déterminés à partir de la droite de régression
obtenue sur papier log probit. Les KDT50 et
KDT95 correspondent respectivement au temps pour lequel 50% et 95% des
spécimens sont abattus (Knocked down).
Tableau 5 :
Taux de mortalité d'An.
pharoensis,obtenus 24 heures après une heure d'exposition à
la deltaméthrine 0,05%, à Rosso. Octobre 2002
Mauritanie.
Deltaméthrine 0,05%
|
An. pharoensis
|
Rosso
|
Témoins
|
25
|
Morts
|
0
|
Vivants
|
25
|
Mortalité %
|
0%
|
Total testé
|
75
|
KD après :
|
|
10 mm
|
52
|
15 mm
|
75
|
20 mm
|
75
|
30 mm
|
75
|
40 mm
|
75
|
50 mm
|
75
|
60 mm
|
75
|
Morts après 24 heures
|
75
|
Vivants après 24 heures
|
0
|
Mortalité %
|
100
|
Mortalité corrigée %
|
NR*
|
3.1. An. gambiae s.l.
3.1.1 Temps de Knock Down 50% (KDT50).
Le KDT50 minimum obtenu avec la perméthrine était
de 10 mn à Boghé. Il était de 15 mn dans les autres sites
(Tableau 6).
3.1.2. Temps de Knock Down 95% (KDT95).
La valeur du KDT95 a été le double de
celle obtenue pour le KDT50 dans chaque site.
Tableau 6 :
Temps de Knock Down et taux de mortalité d'An.
gambiae sl obtenus avec la perméthrine 0,75% selon la
localité d'origine des femelles. Octobre 2002 Mauritanie.
Perméthrine 0,75%
Localités
|
|
An. gambiae sl
|
|
KDT 50
|
KDT 95
|
%Mortalité
|
Boghé
|
10
|
20
|
99
|
Sélibaby
|
15
|
30
|
100
|
Aioun
|
15
|
30
|
100
|
Rosso
|
15
|
30
|
100
|
3.2. An. pharoensis
Le KDT50 obtenu avec la perméthrine a
été relativement plus faible à Boghé (10 mn)
qu'à Rosso (15 mn) où le KDT50 obtenu avec la
deltaméthrine a été de 10 mn (Tableau 7).
Dans chacun des deux sites, la valeur du KDT95 a
été supérieure de 5 mn à celle du KDT50 obtenue.
Tableau 7 : Temps de Knock Down et taux de
mortalité d'An. pharoensis obtenus avec
la perméthrine 0,75% (Boghé et Rosso) et la
deltaméthrine 0,05% (Rosso), Octobre 2002, Mauritanie.
Perméthrine 0,75%
Deltaméthrine 0,05%
Localités KDT 50 KDT 95
%Mortalité
KDT 50 KDT 95 %Mortalité
Boghé 10 15 100
Rosso 15 20 100
10 15 100
An. pharoensis
3.3. Ratio des temps de Knock Down.
Pour la perméthrine, le ratio KDT 95/KDT50 a
été de 2 pour An. gambiae s.l. dans tous les sites
étudiés. Les valeurs correspondantes pour An. pharoensis
ont été de 1,5 et 1,3 respectivement à Boghé et
Rosso (Tableau 8).
Tableau 8 Ratio KDT95 / KDT50 d'An.
gambiae sl et An. pharoensis selon l'insecticide et la
localitéd'origine des femelles.
Perméthrine 0,75%
An. gambiae sl An. pharoensis
Boghé 2 1,5
Rosso 2 1,3
Sélibaby 2 TNR*
Aïoun 2 TNR*
* TNR : Test Non Réalisé.
DISCUSSION
La sensibilité aux insecticides peut être
étudiée sur les larves ou les adultes des vecteurs
anophéliens. En raison du faible recours aux mesures de lutte
antilarvaire en Mauritanie (un seul site pilote à Aïoun), le choix
a été porté sur les moustiques adultes sauvages
récoltés sur le terrain. Pour ces tests, les kits de l'OMS ont
été préférés à la bouteille d'essai
mise au point par le CDC d'Atlanta (Center for Disease Control). Les deux
insecticides testés dans cette étude sont des
pyréthrinoïdes de synthèse. Un seul des deux aurait pu
servir pour les tests, du fait que toute résistance constatée
avec un insecticide induit en général une résistance
croisée avec tous les insecticides de la même famille et/ou
agissant sur le même site (CHANDRE et al.,
1999b). La connaissance du statut de chaque vecteur vis-à-vis
des différents insecticides est nécessaire à
l'élaboration d'une bonne politique des insecticides par le PNLP. La
nécessité de cette connaissance explique la réalisation
des tests avec les deux insecticides.
La faune anophèlienne
La technique de capture directe à l'aide d'aspirateur
à bouche utilisée lors de cette étude ne cible que les
moustiques endophiles. Seuls An. gambiae sl et An. pharoensis
ont été récoltés. An. funestus dont le
retour dans la vallée du fleuve a été signalé
(KONATE et al., 2001) n'a pas été
récolté. Cependant sa présence a été
notée dans le Trarza (DIA et al., soumis).
Deux (An. gambiae ss et An. arabiensis) des trois
espèces ouest Africaines du complexe An. gambiae ont
été pour la première fois formellement identifiées
dans les sites sentinelles de la Mauritanie. Ces deux vecteurs majeurs du
paludisme en Afrique de l'ouest (MOUCHET & CARNEVALE, 1991, FAYE
et al., 1993, 1994, 1995 ; KONATE et al., 1994 ; FONTENILLE
et al., 1997a,b) ont présenté une
répartition spatiale hétérogène.
Présent dans tous les sites, An. arabiensis couvre
ainsi le sud et le sud-est du pays. Par contre, An. gambiae s.s,
représenté par la forme M, semble être confiné
à l'extrême sud du pays (Boghé). La zone de recouvrement de
ces deux espèces ne semble pas être importante en Mauritanie.
Cependant, selon COZ (1973), la zone de recouvrement de ces
deux vecteurs est très importante et on les trouve souvent en sympatrie.
La prédominance d'An. arabiensis au sein du complexe An.
gambiae était attendue en Mauritanie (bordure du Sahara). Elle
confirme les observations faites sur la distribution des espèces du
complexe An. gambiae (COETZEE et al.,
2000).
Taux d'infection des femelles testées
Aucune femelle infectée n'a été
trouvée. En 1963 l'indice sporozoïtique d'An. gambiae s.l
;, dans le Hodh el Garbi (région englobant le site d'Aïoun)
était de 0,45% (2/444). Son évaluation avait été
faite après dissection des glandes salivaires des femelles
(HAMON et al., 1964). En 2003 DIA et
al trouvent dans l'Assaba (région englobant le site de
Kankossa) un indice de 0,42% (1/239) après des tests d'Elisa-csp,
l'unique espèce anophèlienne positive à P.
falciparum était An. arabiensis. L'évaluation
fiable des indices sporozoïtique dans les sites du PNLP (bordure du
Sahara) où la transmission du paludisme est supposée être
saisonnière courte nécessite d'une part de tester un grand
effectif d'An. gambiae s.l. collecté à différant
moment et par différentes techniques et d'autre part de vérifier
l'hypothèse de l'existence d'une transmission anophélienne de
Plasmodiums humains par des espèces d'Anopheles autres
que les classiques vecteurs par exemple An. pharoensis ou An.
rhodesiensis. La prédominance d'An. pharoensis dans
les récoltes de femelles endophiles dans le delta (63,6% des captures de
Rosso) et la moyenne vallée (50% des captures de Boghé),
confirment les observations faites sur la rive sénégalaise
(FAYE et al., 1995 ; CARNEVALE et al.,
1999). La probable implication d'An. pharoensis dans la
transmission de P. falciparum dans le delta (CARRARA et
al., 1990) explique la détermination de sa
sensibilité par rapport aux insecticides testés.
Sensibilité d'An. gambiae s.l. et
d'An. pharoensis à la perméthrine et à la
deltaméthrine Avant cette étude, le seul cas de
résistance à un insecticide documenté en Mauritanie est
celui d'An. gambiae sl à la dieldrine à Kaedi
(HAMON et al 1964). Les échantillons
testées ont présenté une bonne sensibilité tant
à la perméthrine qu'à la deltaméthrine. Dans tous
les sites, le taux de mortalité obtenu avec les deux insecticides a
été quasi-totale, sauf à Boghé où 24 h
après exposition à la perméthrine, un spécimen
d'An. gambiae sl (An. gambiae ss) a survécu. En raison
de l'absence de la mutation kdr chez les tous les spécimens, ce dernier
n'a probablement pas été suffisamment en contact avec
l'insecticide pour être resté au repos sur l'une des deux parois
horizontales du tube. En effet, en position verticale, le papier
imprégné d'insecticide est accolé à la paroi
verticale du tube.
En zone endémique d'Afrique, l'efficacité
expérimentale de la perméthrine et de la deltaméthrine sur
papiers imprégnés, en prélude à
l'imprégnation des moustiquaires pour la réduction du contact
homme vecteur, a été fréquemment démontrée
(COOSEMANS et al 2001, KONATE et
al., 2002 et BERZOSA et al., 2002).
Les populations d'An. gambaie s.l et d'An.
pharoensis de Boghé, testées ont présenté une
plus grande sensibilité que ceux de Sélibaby, Aïoun et Rosso
par rapport à la perméthrine 0,75%. Dans l'ensemble, les
populations d'An. gambiae s.l. de Boghé ont
présenté les KDT50 et KDT95 les plus faibles.
Cependant, à mortalité égal, le KDT95 des
populations d'An. pharoensis est plus faible que celui d'An.
gambiae s.l. Il apparaît ainsi que les populations
anophèliennes de Boghé sont plus sensibles aux insecticides
utilisés d'une part et d'autre part, que les populations d'An.
pharoensis sont relativement plus sensibles que celles d'An. gambiae
sl à la perméthrine 0,75%.CHANDRE et al.,
(1999) ont trouvé que le temps de Knock down est un bon
indicateur pour la détection précoce de la résistance. Il
augmente significativement avant l'observation de changement dans le taux de
mortalité. Cette observation nécessite la mise en place d'une
surveillance de routine dans les sites sentinelles. Néanmoins, les taux
de mortalités élevés ainsi que l'absence de la mutation
kdr chez An. gambiae s.l. observés au cours de cette
étude sont en faveur de la continuation de la stratégie de lutte
antivectorielle du Programme National de Lutte contre le Paludisme basée
sur l'utilisation de moustiquaires imprégnées de
perméthrine et deltaméthrine. Cependant les coûts
d'acquisition et de réimprégnation des moustiquaires
imprégnées ainsi que le refus de certaines populations à
dormir sous moustiquaire constituent des obstacles à la bonne mise en
oeuvre de cette stratégie de contrôle du vecteur. Le suivi de la
sensibilité des vecteurs ainsi que de leur comportement de piqûre
et de repos sont également nécessaires à
l'élaboration d'une bonne politique d'insecticides.
|