Amoralité et immoralité chez Aristote et Guyau. Une herméneutique du sujet anéthique( Télécharger le fichier original )par Hans EMANE Université Omar Bongo - Maitrise 2009 |
III.3.4. L'IMMORALITE COMME NEGATION DU PROGRES ET DE LA VIEGuyau pense que « l'immoralité marque un arrêt dans le développement de l'être339(*) ». Cela revient à dire que « l'immoral enveloppe la négation du progrès340(*) » de l'être. Lier l'idée de moralité et de progrès, n'est pas neuve en philosophie puisque Epicure et Hegel341(*) l'ont fait bien avant Guyau. La moralité est le mouvement qui porte l'être et la vie, en avant. La moralité, indépendamment du fait qu'elle soit unité de l'être, est progrès, c'est-à-dire changement graduel et continu par degrés successifs, qui consiste en une amélioration, un perfectionnement de la vie. Elle est un accroissement, un progrès de la vie vers elle-même.
L'immoralité, au contraire, est la négation inconditionnelle de cette impulsion. L'immoralité marque la négation du développement, du déploiement générale de la vie. « La plus grande ennemie du progrès humain » n'est autre que la foi dogmatique342(*). « On assez longtemps accusé le doute d'immoralité, mais on pourrait soutenir aussi l'immoralité de la foi dogmatique. Croire, c'est `affirmer' comme réel pour moi ce que je conçois comme possible en soi, parfois même impossible. C'est donc vouloir fonder une vérité artificielle, une vérité d'apparence, c'est en même temps se fermer à la vérité objective qu'on repousse d'avance sans connaître. La foi de ce point de vue, devient une paresse d'esprit343(*) » alors que « le doute, c'est la dignité de la pensée343(*) ». III.3.5. L'IMMORALITE COMME HYPOCRISIE Guyau identifie l'immoralité à l'hypocrisie. Guyau emprunte aussi cet argument, sans le citer explicitement, à Hegel344(*). Il y a beaucoup de similitude entre les deux conceptions en ce qu'il accuse la philosophie d'avoir introduit en morale la notion d'hypocrisie. Selon Guyau« le tort de certains moralistes est beaucoup moins d'avoir élargi la morale que d'y introduire ce détestable élément, l'hypocrisie. L'hypocrisie consiste à arrêter l'expression naturelle de la volonté et à y substituer une expression contraire ; en ce sens, on pourrait dire que l'immoralité est essentiellement hypocrisie345(*) ». Pour Guyau, assimilé l'immoralité à l'hypocrisie, c'est affirmer à la base, qu'un objet, un événement est venu contredire le déploiement, la direction morale de la volonté. Nous sommes là encore au niveau de la négation du progrès. Il faut donc aller plus loin et dire que l'immoralité est ici exprimée en termes de subversion morale ou de renversement moral. L'immoralité est l'attitude de celui qui cherche à subvertir la direction morale (normale) de la volonté. C'est l'attitude qui consiste à feindre des sentiments moraux, des idées et des qualités morales. L'immoralité est en ce sens, un « jeu d'acteur » et consiste à chercher à paraître vertueux aux yeux d'autrui ou de soi-même, en simulant des pensées et des intentions morales qui ne sont pas les siennes et qu'on approuve pas346(*). L'individu immoral fait preuve donc preuve de mauvaise foi. * 339 Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction, p. 93. * 340 Ibid., p. 12. * 341 Guyau fait mention de ses lectures de Phanomenologie Des Gesites d'Hegel dans La morale d'Epicure où il affirme clairement que « l'idée d'un réel progrès de la nature ou d'une `évolution' est une idée sur laquelle insisteront les métaphysiciens allemand, surtout Hegel, et les moralistes anglais, surtout Spencer. A la métaphysique de l'évolution universelle se joindra la morale de l'évolution universelle ; mais au fonds les principes seront toujours les mêmes » (p.328). C'est en observant l'esprit « se frayer laborieusement un long chemin » vers l'absolu, ou plus précisément en critiquant les thèses de Kant et Fichte, qu'Hegel est confronté au problème de l'immoralité. En effet, pour Hegel, la moralité est un développement conceptuel de l'esprit. La moralité est alors comprise comme l'expression de l'esprit, de la liberté, plus élevé que les moments de « l'esprit subjectif », mais moins élevé que le moment de « l'esprit absolu ». La moralité est l'expression de « l'esprit objectif » plus élevé que « le droit abstrait », mais moins élevé que « la vie éthique ». On peut faire une lecture similaire chez Bergson : on peut considérer que la « morale close », ou « morale de l'obligation », est la version inachevée de « la morale ouverte » ou morale de l'aspiration ». Dire que la moralité est un moment du développement de « l'esprit objectif », c'est dire qu'elle est une étape destinée à être dépassée, donc destinée à s'effacer, dès lors que les hommes se situent au sein d'une expression plus élevée de la spiritualité. La moralité en ce sens présente un goût d'inachevé et Hegel écrit à ce sujet : « La moralité est donc inachevée dans la conscience morale, mais c'est l'essence de cette moralité que d'être seulement le pur achevé ; la moralité inachevée est par conséquent impure, ou elle est immoralité » (Phénoménologie de l'Esprit, Traduction Jarczyk et Labarrère, Tome I, Paris, Gallimard, « Folio-Essais », pp.594-594). La moralité est un moment essentiel non pas parce qu'elle traduirait la manière plus élevée d'actualiser l'essence humaine comme l'ont cru Kant et Fichte, qui ont érigé le principe de subjectivité en principe suprême, mais parce qu'elle est une étape de transition, intermédiaire et donc nécessaire du développement de l'esprit. « Le grand côté des philosophies de Kant et de Fichte, résiderait en ceci qu'elles ont pris comme point de départ le principe selon lequel l'essence du droit et du devoir, et l'essence du sujet pensant et voulant, sont absolument identiques. Mais en se limitant à la considération de l'individu séparé, ces philosophes sont restés au moment de l'immoralité » (Principes de la philosophie du droit, op.cit, p.18). Par conséquent « ce qui vaut pour la moralité, c'est donc seulement cet état-intermédiaire de non-achèvement ; un état qui doit être au moins un acte de progresser vers l'achèvement. Seulement il peut aussi ne pas l'être, car l'acte de progresser dans la moralité serait plutôt un acte d'aller vers son déclin » (Phénoménologie de l'Esprit, op.cit., pp.592-593). Ce qui fait passer la moralité pour « l'inachevée, l'immoral » c'est qu'elle se situe encore au niveau « du combat avec la nature et la sensibilité » (Ibid., p. 599). L'immoralité est donc chez Hegel, le moment où la moralité est non accomplie et dès lors, il en tire une conclusion très pertinente : à savoir que dans l'état inachèvement (moral )dans lequel se trouve la moralité, « caractériser un individu comme immoral, en soi, tombe, puisque, la moralité en général est inachevée, [cette façon de parler ] n'a donc qu'un fondement arbitraire» (Ibid., p. 594). Comme nous l'avons montrer, Hegel admet l'hypothèse d'une volonté immorale. Chose plus surprenante, il admet la possibilité d'une conscience immorale « qui trouve peut-être par hasard son effectuation là où la conscience morale ne trouve qu'une instigation à l'opérer, mais par ce même opérer ne voit pas lui échoir en partage le bonheur de l'exécution et de la jouissance de l'accomplissement » (Ibid., p.574). La notion conscience immorale ne renvoie pas automatiquement à des expérience comme celle de la lâcheté. Cependant, « la lâcheté ne doit pas être maladroite au point de ne pas savoir que la conservation de la vie et de la possibilité d'être utile à d'autres sont des devoirs, de n'être pas convaincue de la conformité au devoir de son opérer, et de ne pas savoir que c'est dans le savoir que consiste ce qui est conforme au devoir ; autrement elle commettrait la maladresse d'être immorale » (Ibid., p.512 et p.613). L'insistance unique sur la dimension du savoir a pour conséquence que la moralité et l'immoralité de l'agir ne dépendent pas de l'objectivité de ce qui est `agi', mais de la force intime de la conviction. Processus inexorable qui conduit la certitude morale vers la figure de la belle âme. En outre, Hegel prend bien soin de distinguer l'immoralité de la non-moralité ou béatitude. La béatitude c'est ce qui est « moralement-nul ». La béatitude, état-moyen qui doit conduire à l'achèvement moral, est une forme de neutralité morale, d'indifférence morale, de complétude, d'extase, de félicité, où en définitive ni le moral et l'immoral, ne comptent vraiment. Hegel s'explique longuement à ce sujet : « La non-moralité énonce justement en cela ce qu'elle est, le fait qu'il ne s'agit pas de la moralité mais de la béatitude en et pour soi sans rapport à elle » (Ibid., p.593-594). Or, dès que survient ce qu'Hegel appelle « la disharmonie de la moralité et de la béatitude », on est bien obligé de constater qu'« il est acquis dans le cas présent, souvent, les choses, vont mal pour ce qui est moral, pour ce qui et immoral, par contre souvent de façon heureuse. Seulement, l'état-intermédiaire de la moralité inachevée, état qui s'est engagé comme ce qui est essentiel, montre de façon manifeste que cette perception et expérience qui doit être n'est qu'un déplacement de la Chose. Car, puisque la moralité est inachevée, ce qui veut dire qu'elle n'est pas, que peut-il y avoir dans l'expérience qui fasse qu'elle aille mal ? En même temps, en tant qu'il est sorti de que l'on a affaire à la béatitude en et pour soi, il se montre qu'avec le jugement selon lequel les choses vont bien pour ce qui est immoral on opinait pas une injustice qui ici trouverait sa place » (Ibid.). En ramenant la vie à une manifestation particulière de l'évolution en marche vers l'hétérogène, Spencer fait, d'une part, du développement moral de l'humanité un progrès absolument nécessaire, et définit d'autre part, une morale absolue qui est celle de l'individuation parfaite : « Les modifications que l'humanité a subies, et celle qu'elle subit de nos jours, résultent de la loi fondamentale de la nature organique, et, pourvu que la race humaine ne périsse point et que la constitution des choses reste la même, ces modifications doivent aboutir à la perfection. Il est sût que ce que nous appelons le mal et l'immoralité doit disparaître ; il est sûr que l'homme doit devenir parfait » (Social Statics, p. 80, Traduction de Guyau dans La morale anglais contemporaine, Paris, F. Alcan) 325 Ibid., p.62. * 342 Soit dit en passant, Bergson pense que la question des rapports de la morale avec la religion, se simplifie ainsi beaucoup quand on considère les sociétés rudimentaires. « Les religions primitives ne peuvent être dite immorales, ou indifférentes à la morale, que si l'on prend la religion telle qu'elle est devenue plus tard » (Les deux sources de la morale et de la religion, Paris, Puf, `Quadrige', p. 128). A l'origine, la coutume est toute morale, et comme la religion interdit de s'en écarter, la morale est coextensive à la religion. En revanche, quand Bergson affirme que la fonction de la religion telle qu'elle a été voulue par la nature, est de maintenir la vie sociale, il n'entend pas par là qu'il a y ait une solidarité nécessaire entre la religion et la morale. L'histoire témoigne du contraire. Pécher a toujours été offensé la divinité ; mais il s'en faut que la divinité ait toujours pris offense de l'immoralité ou même du crime : il lui est arrivé de les prescrire » (Ibid., p. 217). Que l'on pense aux Croisades ou à l'Inquisition. * 343 Ibid., p.63. * 344 La Phénoménologie de l'Esprit nous apprend que la « conscience opérante » vaut le mal, parce qu'elle est « l'inégalité de son être-dans-soi avec l'universel » et en tant que « cette conscience énonce comme égalité avec soi-même, comme devoir et comme caractère de la certitude morale, elle vaut comme hypocrisie » (Ibid., p.627). La conscience opérante joue d'une inégalité de principe entre la certitude morale singulière et l'universalité extensive des circonstances auxquelles elle est affronté dans son agir. Aux yeux de la conscience jugeante qui s'en tient au contraire à l'universalité du devoir, elle est donc hypocrite, puisqu'elle opère cette disjonction (inégalité). L'expérience se poursuit du point de vue de la conscience « jugeante » qui s'attache à l'universalité du seul devoir, afin de mettre en lumière ce qu'elle estime être l'hypocrisie de la « conscience opérante ». De fil en aiguille, Hegel est amené à déplacer le grief d'hypocrisie de la « conscience opérante » à « la conscience jugeante ». « Cette conscience jugeante, du coup, est elle-même, vile, parce qu'elle partage l'opération, et produit au jour et tient fermement son inégalité avec elle-même (inégalité avec elle-même de l'opération ). Elle est en outre hypocrisie, parce qu'elle fait passer un tel juger, non pour une manière d'être mauvaise, mais pour une conscience droite de l'opération, se pose, dans cette ineffectivité et cette vanité sienne du bien et mieux savoir, au-dessus des actes dépréciés, et veut que soit pris pour effectivité excellentes, son discours inactif » (Ibid., p.632) . La conscience du devoir se comporte de manière ineffective, inactive, « de façon qui saisit, de façon passive. Mais par là elle est en contradiction avec soi entendue comme volonté absolue du devoir, avec soi ce qui se détermine purement et simplement à partir de soi-même. Elle a eu beau jeu de se conserver dans la pureté, car elle n'opère pas ; elle est hypocrisie qui veut savoir pris pour acte effectif le fait de juger, et, au lieu que ce soit par opération, prouve la probité par le fait d'énoncer des tournures d'esprit excellentes. Elle est donc totalement disposée comme celle à qui le reproche se trouve fait qu'elle ne met pas le devoir que dans son discours » (Ibid., 630). La conscience est hypocrite en ce qu'elle n'opère pas le devoir, le laissant dans sa pureté à l'intérieur du discours : en cela, Guyau a bien retenu la leçon hégélienne, c'est-à-dire l'immoralité de l'hypocrisie entendue comme inégalité de soi avec l'opération. Hegel en analysant « la certitude morale » a parfaitement mise en lumière des cas de divorce entre le conscience jugeante et la conscience opérante, entre l'opération et le discours. D'un autre côté, pour Hegel l'hypocrisie est une des formes les plus recherché de la subjectivité, de la volonté en soi et pour soi, qui ne voit aucun mal à se duper elle-même et à tromper les autres. L'hypocrite recouvre la réalité d'artifice et la présente à soi, ou à autrui. L'hypocrisie est la fine pointe de la subjectivité. En son point le plus absolu, la subjectivité est hypocrisie. L'hypocrisie (comme probabilisme) réside dans la subjectivité de la volonté, c'est-à-dire comme « négativité abstraite ». « Etre mauvais et agir avec mauvaise, écrivait Hegel, ce n'est pas encore l'hypocrisie : dans celle ci, s'ajoute la détermination formelle de la fausseté qui affirme d'abord pour autrui le mal comme bien et qui se pose comme bonne, consciencieuse, pieuse ; ce qui, de cette manière, n'est que l'artifice du mensonge pour autrui. L'hypocrisie est la dernière forme la plus recherchée du mal par laquelle le mal est falsifié en bien et inversement, et la conscience se connaissant comme force se croit alors absolue, est la pointe extrême de la subjectivité dans le point de vue moral, la forme sous laquelle le mal a prospéré dans notre temps, et cela grâce à la philosophie ou plus exactement à la frivolité de la pensée qui a travesti un concept profond en lui donnant cet aspect, et qui s'arroge le nom de philosophie de la même manière qu'elle donne au mal le nom de bon. Dans cette remarque, je vais donner les formes de cette subjectivité qui est devenue monnaie courante. L'hypocrisie contient en elle les moments suivants :a) la connaissance du véritable universel, simplement dans la forme du sentiment, soit sous celle d'une connaissance plus précise du droit et du devoir ; b) la volonté de l'objet particulier à cet universel et cela, c) comme connaissance comparative des deux moments de sorte que pour la volonté consciente, son vouloir particulier est défini comme mauvais. Ces caractères expriment l'action accompagnée de mauvaise conscience, mais non pas encore l'hypocrisie comme telle » (Principes de la philosophie du droit, op.cit., §140, p. 172 et p.178). Nous avons montré qu'une telle conception de l'auto-illusion ou duperie de soi, peut être envisagée chez Aristote, mais pas en terme de négativité abstraite. Or, Hegel constate que, sachant en toute objectivité que certains actes sont immoraux, l'hypocrite arrive quand même à trouver des raisons de travestir le mal en bien, et à justifier voir à excuser ses actions immorales. « Quand se répand cette vue que c'est la conviction qui détermine seule la nature morale d'une action, il arrive que l'hypocrisie dont il a auparavant été tant parlé, n'est plus aujourd'hui en question. En effet, la spécification du mal comme hypocrisie a pour fondement que certaines actions sont en soi et pour soi des fautes, des vices, des crimes, que celui qui les commet les connaît comme nécessairement tels puisqu'il connaît et reconnaît les principes et conduites extérieures de la piété et de la justice, précisément dans l'apparence de quoi il abuse d'elles ; ou encore en considération du mal en général, valait la supposition que c'était un devoir de connaître le bien et savoir le distinguer du bien. Ensuite le méchant peut aussi trouver dans les bonnes actions ou la piété pratiquée par ailleurs par lui, et en général dans de bonnes raisons, une justification du mal pour lui-même, en travestissant celle-ci, pour lui en bien » (Ibid., §140, p.175 et p.180). ). Par ailleurs, la notion pascalienne de « Dieu caché », pour Nietzsche, « ressemble à quelque chose comme de l'immoralité » ((Aurore. Réflexion sur les préjugés moraux, traduction d'H. Albert revue par A. Kremer-Marietti, Paris, Le Livre de Poche, 1995, §92, p.100) car est subvertie le déploiement ou l'apparition de la vérité révélée. Nietzsche réfute en outre la moralité des moeurs qu'il conçoit comme une « une hypocrisie moralisatrice ». Dans la « Deuxième dissertation » de la Généalogie de la morale, il fait une analyse du développement psychologico-historique de la morale, dont la première était l'étude de l'origine. Nietzsche appelle « moralisation » ce développement, et il identifie un premier niveau de la loi profonde de l'histoire : la moralisation arrêtant, déviant la mouvement créateur de la vie. * 345 Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction, pp. 93-132. * 346 L'amoralité et l'immoralité se dissimulent, ou plus exactement les humains dissimulent leur immoralité, et souvent sous le couvert de la moralité. Raymond Boudon écrira en ce sens que « l'imposture absolue si l'on veut, consiste à dissimuler des desseins immoraux sous le couvert du respect des valeurs morales » (Le Juste et le vrai. Etude sur l'objectivité des valeurs et de la connaissance, Paris, Fayard, 1996, p.38) |
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