Section 2 : Les différentes étapes
de gestion des conflits au sein des OPA.
Le règlement des conflits associatifs ne peut se
faire sans la prise en compte des étapes d'évolution des
conflits. Dans l'évolution d'un conflit, trois étapes sont
souvent distinguées par les artisans à savoir : sa
genèse- son déroulement- sa fin. Les processus de
règlement des conflits tiennent compte de ces trois étapes tout
en insistant sur des aspects tels que les émotions des protagonistes,
leurs stratégies et motivations etc.
Quelles sont alors les étapes suivies par les organes
de gestion des conflits associatifs dans le secteur de l'artisanat
à Kandi?
1. Les étapes suivies par le
Chargé du contentieux.
Dans sa mission, le Chargé du contentieux suit les
étapes suivantes :
· Au niveau de la prévention :
ü Attirer l'attention des membres sur les situations qui
peuvent être sources de conflits,
ü Apprécier la qualité des rapports entre
les membres de l'Association,
ü Tirer rapidement au clair les malentendus.
· Au niveau du déroulement des conflits :
ü Définir sa mission et préciser ses
objectifs,
ü Ecouter les parties en cause,
ü Rechercher les tenants et les aboutissants du
conflit,
ü Evaluer les dommages.
· Au niveau du règlement des conflits :
ü Préconiser des solutions en tenant compte des
intérêts ou enjeux des protagonistes,
ü Informer les protagonistes de ces solutions et chercher
à avoir leur adhésion,
ü Mettre fin au conflit par la réconciliation des
protagonistes
2. Les étapes suivies par
l'Assemblée Générale
L'Assemblée Générale constitue l'instance
de récupération des cas de conflits non solutionnés par le
Chargé du contentieux. Elle suit les étapes suivantes dans le
processus de règlement des conflits dont elle traite :
· Au niveau du déroulement des conflits :
ü Définir sa mission et préciser ses
objectifs,
ü Ecouter les parties en cause,
ü Rechercher les tenants et les aboutissants du
conflit,
ü Evaluer les dommages et ceci, sous la direction d'un
comité ad hoc.
· Au niveau du règlement des conflits :
ü Préconiser des solutions en tenant compte des
intérêts ou enjeux des protagonistes,
ü Informer les protagonistes de ces solutions et chercher
à avoir leur adhésion,
ü Mettre fin au conflit par la réconciliation des
protagonistes.
En cas d'échec de toutes les tentatives de
règlement des conflits, le comité ad hoc mis sur pied pour la
circonstance informe lors d'une plénière l'Assemblée
Générale qui prend acte et avise souverainement. Ce compte rendu
du comité ad hoc se met en marge des démarches individuelles
menées par divers membres pour calmer les protagonistes. Cependant, il
est à noter que les personnes enquêtées ont fait
très peu cas de conflits réglés par l'AG.
3. Conclusion partielle
L'étude des conflits associatifs pose des questions
d'ordre théorique auxquels nous ne saurions nous soustraire.
Le conflit en tant que phénomène social a
été abordé par plusieurs auteurs à travers une
riche et ancienne littérature. Pour les fins de la présente
analyse, nous emprunterons la démarche suivante : nous discuterons
les résultats présentés dans la présente partie en
nous référant au problème posé dans la
problématique et à l'hypothèse connexe à la
présente partie. Aussi, la discussion sera-t-elle guidée par les
questions suivantes :
- Au regard de la définition de la notion de conflit
que nous avons donnée dans la clarification conceptuelle, comment le
conflit peut-il être appréhendé du point de vue des
résultats recueillis et des courants sociologiques ?
- Quels changements les conflits identifiés ont-ils
significativement apportés dans le secteur de l'artisanat à
Kandi ?
En réponse à la première question, nous
pouvons dégager trois façons dont le conflit peut être
appréhendé sur la base des résultats de la présente
recherche.
Tout d'abord, les conflits associatifs constituent une
réalité consubstantielle aux OPA. En effet, les OPA sont en
permanence confrontées à des situations de conflits. Ainsi, en
tant que réalités sociales animées par des acteurs
sociaux, les OPA n'échappent guère à la loi du
conflit : les conflits sont inhérents à la nature et au
fonctionnement de celles-ci.
Ensuite, les conflits associatifs en tant que conflits
sociaux, mettent en opposition deux catégories d'acteurs : ceux qui
ont une position donnée et les autres qui ont une position contraire.
Nous entendons par acteur, tout membre d'association qui agit, qui est
engagé dans un processus d'actions sociales avec ses paires ou d'autres
acteurs. De fait, les conflits sont appréhendés comme une sorte
de contradiction, d'opposition mettant en jeu des acteurs ayant des sentiments,
des intérêts ou des idées divergentes.
Enfin, les conflits associatifs peuvent être
considérés comme des facteurs engendrant le progrès des
Associations. En dehors des facteurs exogènes qui entraînent un
changement au niveau des OPA, on note également l'action des facteurs
endogènes tels que les conflits, la collaboration entre les membres, le
fonctionnement des OPA etc. En tant que facteurs endogènes, les conflits
peuvent être considérés comme des forces à cause de
la particularité qu'ils possèdent d'entraîner des
changements au sein des OPA. Paraphrasant Karl Marx, cité par Ralf
Darhendorf dans le Changement social de Guy Rocher, nous pouvons
affirmer que c'est une caractéristique des organisations sociales que
leur fonctionnement crée les forces qui les transforment. Ce
troisième aspect nous sert de transition pour aborder la deuxième
question relative à la mise en exergue des changements significatifs
provoqués par les conflits au sein des OPA.
Les changements provoqués par les conflits associatifs
sont de deux ordres. On note les changements qu'on pourrait qualifier de
positifs et ceux qu'on pourrait qualifier de négatifs. Mais avant toutes
choses, qu'entendons-nous par changements ? Pour les fins de notre
analyse, nous désignons par changement, toute modification ou
transformation fut-elle favorable ou défavorable engendrée par un
conflit et pouvant être identifiée comme la conséquence de
ce conflit.
Le premier changement positif qu'on pourrait mettre à
l'actif des conflits associatifs réside dans la dissolution de
l'association commune des artisans de Kandi au profit d'Associations
spécifiques à chaque corps de métier. Il est
évident que cette dissolution a aussi été
occasionnée par d'autres facteurs tels que l'élaboration du Code
de l'artisanat et la création de la Fédération Nationale
des Artisans du Bénin. Cependant, les conflits associatifs en sont une
cause fondamentale en ce sens qu'ils ont favorisé la prise de conscience
des couches artisanales. Mais comment cette dissolution peut-elle être
appréhendée de façon théorique?
Théoriquement, nous baserons l'explication de cette
dissolution sur une partie du modèle théorique de Darhendorf. En
effet, nos recherches empiriques sur le terrain confirment à l'analyse
la thèse de « l'inégale répartition de
l'autorité » chère à Darhendorf.
Qu'entendons-nous par autorité ?
Nous empruntons notre définition de l'autorité
à Max Weber qui la conçoit comme « la
probabilité qu'un ordre ayant un certain contenu spécifique
entraînera l'obéissance d'un groupe donné de
personnes ». En effet, l'Association commune étant un
conglomérat de corps de métiers, les artisans avaient souvent du
mal à s'accorder sur des questions d'intérêt
spécifique. De façon concrète, un menuisier peut-il
valablement représenter le corps des forgerons ou celui des
maçons et défendre convenablement leurs intérêts
alors même que ceux-ci aspirent aussi à un contrôle de
l'Association ? Toute la question réside là, car tous les
leaders de chaque corps de métiers aspiraient à une certaine
représentativité au niveau des instances de gestion de
l'Association. Ainsi, l'impossibilité pour certains leaders
d'accéder à des postes de contrôle a très vite
conduit à l'expression de conflits d'intérêt, conflits
relevant de la « distribution dichotomique de
l'autorité ».
Un autre changement positif qui peut être mis à
l'actif des conflits associatifs réside dans la dotation de certaines
Associations d'un Chargé du contentieux. On peut par exemple citer le
cas de l'Association des Coiffeurs et Coiffeuses de Kandi (ACCK), de
l'Association des Mécaniciens Motos de Kandi (AMMK), de l'Association
des Menuisiers de Kandi (AMK) etc. La création d'un tel poste peut
être perçue comme un progrès provoqué par les
conflits associatifs devenus pour la circonstance inquiétants pour les
artisans eux-mêmes. Cet aspect nous semble si important à
souligner du fait même que de nos jours, le concept de
" conflit "est secondé par l'expression "
règlement de conflit ".
Par ailleurs, les conflits associatifs ont aussi
engendré d'autres types de conflit. Ces conflits que nous qualifions de
négatifs consistent en la démission de certains membres pourtant
très dynamiques. En effet, la persistance des conflits constitue pour
certains membres un réel indice d'inconfort. Ces membres
`'fatigués'' de toujours être en mésentente avec leurs
paires finissent par quitter leur Association malgré le fait qu'ils
soient porteurs de bonnes idées. C'est par exemple le cas de
l'Association Montagne des Couturières de Kandi (AMCK) qui est
née par suite de plusieurs mésententes entre les hommes, toujours
portés à occuper les premiers postes et les femmes qui se sentent
du coup lésées. Cette association ne dispose en son sein que des
femmes et n'entend associer pour n'importe quelles raisons les hommes par peur
d'éventuels conflits.
Un autre changement réside dans le manque de synergie
entre les initiatives des membres. En effet, certains conflits ayant connu une
forte intensité créent chez les protagonistes de vifs sentiments
qui peuvent contre toute attente résister à l'usure du temps.
Ainsi, les intéressés mus par des sentiments tout à fait
opposés ne ratent aucune occasion de se torpiller ou évitent de
coopérer.
TROISIEME PARTIE
INCIDENCE DE L'ABANDON DES ATELIERS EN PERIODE DE
CULTURE DU COTON SUR LE SECTEUR DE L'ARTISANAT A KANDI
D'une région à l'autre et selon leurs
conditions et cadre d'existence, les hommes exercent des activités
adaptées à leur milieu de vie et à leurs besoins. La
commune de Kandi est caractérisée par des sources d'eau, un sol
ferrugineux et très fertile, une forêt claire et des montagnes.
Cet environnement a permis le développement d'un certain nombre
d'activités notamment : la chasse, la fonte, la forge mais surtout
l'agriculture. Plus de la moitié de la population s'adonnent à la
culture des champs qui est pratiquement une activité traditionnelle. En
effet, quand vient le moment des travaux champêtres, toute la famille est
mobilisée à cause du besoin pressant de mains d'oeuvre et
d'organisation du travail. Dans les villes et campagnes, toutes les autres
activités tournent au ralenti. L'artisanat aussi n'est pas
épargné car beaucoup sont les artisans qui ferment leurs ateliers
définitivement ou temporairement pour aller cultiver la terre. Certains
apprentis, à défaut de rejoindre leurs parents au village,
suivent leurs patrons pour aller au champ.
Dans la présente partie, nous étudierons
l'incidence qu'une telle pratique engendre sur le développement du
secteur de l'artisanat à Kandi.
Cette partie est structurée autour d'un seul chapitre.
Ce chapitre est intitulé : L'abandon des ateliers en
période de labour. Il est subdivisé en trois sections
que sont :
§ Section N° 1 : Les causes de l'abandon des
ateliers.
§ Section N° 2 : Les conséquences
de l'abandon des ateliers.
§ Section N° 3 : Analyse.
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