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CHAPITRE II : ANALYSE DE LA PLACE ET DU ROLE DES OPA DANS LE PROCESSUS DE DEVELOPPEMENT LOCAL A KANDI.La commune de Kandi est directement responsable de son développement c'est-à-dire de son progrès économique, social et culturel. Elle a dès lors établi son programme de développement qui fixe les objectifs qu'elle veut atteindre, qui précise les actions qu'elle entend mener et les moyens qu'elle doit mobiliser. Ce programme est le fruit d'un dialogue entre tous les acteurs locaux publics et privés de la commune et s'articule à un programme de développement national. Cet progrès est aussi directement lié à la création de richesse dans la commune, à la gestion de cette richesse et à sa répartition entre tous les acteurs de la commune. Il s'agit autant de richesse financière et économique que de richesse sociale et culturelle. C'est là le premier rôle et l'un des principaux enjeux de la commune de Kandi. Dans ce processus très important où interviennent des acteurs de divers horizons, quelle est la place accordée aux OPA ?
Section 1 : Analyse de la place des OPA dans la commune de Kandi.La commune de Kandi a des partenaires pour l'aider à mener à bien sa mission de développement. Son premier partenaire est l'Etat. L'Etat a parmi ses nouvelles missions, la tâche d'appuyer et de conseiller la commune. Il organise cet appui d'une manière directe à travers l'administration territoriale et ses services déconcentrés mais aussi, de manière indirecte en gérant l'environnement et le cadre national de la commune. La commune de Kandi n'est pas seule sur le territoire. Elle s'intègre dans un espace national qui lui donne sens et qui la consolide dans le cadre d'un projet national global. De même, la commune de Kandi a d'autres partenaires qu'elle choisit pour mener à bien son programme : des associations ou des entreprises privées à qui elle délègue certaines missions ; d'autres communes (nationales ou étrangères) avec qui elle s'associe en vue de la réalisation de ses projets ; des partenaires au développement avec qui elle conclut des accords de partenariat etc. Mais, de tous ces partenaires, les associations occupent une place non négligeable quand on se situe dans une perspective endogène. En effet, le milieu naturel occupé par la commune de Kandi prédispose les habitants à certains types d'activités dont les plus pratiquées sont : l'agriculture, la forge, la chasse, l'élevage etc. Ces activités qui revêtent à la fois un caractère économique et culturel entraînent d'autres types d'activités notamment celles artisanales. Les activités artisanales telles que définies dans l'article 1er du Code de l'artisanat « consistent en l'extraction, la production, la transformation de biens et/ou la prestation grâce à des procédés techniques dont la maîtrise requiert une formation par la pratique »11(*). Aussi comprennent-elles les branches suivantes : « le bâtiment- l'alimentation- les métaux et la construction métallique- les pierres- le bois et les fibres végétales- le textile, l'habillement, le cuir et les peaux- l'art et la décoration- la poterie et la céramique- l'installation, la maintenance, l'entretien, la réparation et les images- l'électronique, l'électricité et le froid- l'hygiène et les soins corporels »11(*). Incontestablement, ces activités sont représentées dans presque tous les domaines de la vie sociale. Les artisans qui exercent ces activités apportent une contribution non négligeable au développement économique, culturel et social de la commune de Kandi surtout quand on s'exprime en terme de production de richesses. Ces activités constituent un énorme potentiel à l'auto-emploi et à la création d'emplois. Leur exercice permet la valorisation des matières premières locales. De même, l'existence des micros entreprises artisanales permet à la mairie de collecter diverses taxes qui l'aident à exécuter les activités inscrites dans son budget. Cet aspect est très important compte tenu du nombre limité d'usines dont dispose la commune. Par ailleurs, les activités artisanales constituent des cadres de réinsertion professionnelle des victimes de handicap physique. Dans la même veine, les premières ressources dont dispose la commune sont celles qui ressortent de son cadre territorial. Et l'enrichissement de la commune consiste en la mise en valeur de ses ressources naturelles et humaines. A ce titre, la mairie ne peut intervenir dans un secteur qu'à travers les relations qu'elle entretient avec les acteurs ou les représentants de ce secteur. Dans cette logique, les OPA en tant que cadres de rassemblement des artisans, de dialogue, de conception et de conduite des projets de partenariat sont mieux placées pour représenter, valoriser et défendre les intérêts des artisans car ceux-ci constituent une force économique. Aucun projet de partenariat, de prêt, d'assistance technique, d'amélioration des conditions de travail, de recherche de financement ou de débouchés, de promotion du secteur de l'artisanat ne peut se faire à l'insu et sans la collaboration des OPA. Elles constituent la vitrine des artisans sur les plans local, national et international. Cependant, si les OPA occupent une place importante parmi les acteurs et partenaires qui oeuvrent pour le développement de la commune de Kandi, il n'en demeure pas moins vrai que cette force qu'elles constituent a pris corps à travers un long processus de changement social, politique, économique et culturel des populations occupant l'espace de la commune. Quelle est donc la genèse des OPA à Kandi ?
L'étude de la genèse des OPA à Kandi fait ressortir deux principales périodes. Premièrement, la création et le développement des OPA étaient tributaires de la liberté dont jouissaient les habitants de ladite commune. En effet, avant l'année 1990, il n'y avait pas d'OPA à proprement parler à Kandi compte tenu des restrictions de liberté d'expression en vigueur à cette période. Cependant, il serait faux d'affirmer qu'on n'observait pas ça et là des initiatives de regroupement des artisans. Si le régime marxiste socialiste qui caractérisait le Bénin à cette époque portait une attention soutenue à la restriction de la liberté d'expression, il n'en demeure pas moins vrai qu'il fut un puissant appareil de regroupement social. A la faveur de son idéologie, s'observait une réelle volonté d'association des citoyens autour des valeurs d'exploitation et de gestion communes des ressources du pays. Ce régime politique avait rigoureusement organisé la société béninoise en général et celle de Kandi en particulier. On peut mettre à son actif certaines initiatives communautaires qui avaient fait école à cette époque. Il s'agit en l'occurrence des coopératives au sein des écoles et des services administratifs qui s'affichaient comme des symboles forts de la ferme croyance de ce régime en une prospérité économique et sociale par l'exploitation agricole. D'un autre côté, il y avait les journées de salubrité au cours desquelles les habitants de chaque quartier se regroupaient pour balayer et débarrasser les ordures. Cependant, il est à noter que ces initiatives étaient des initiatives globales et n'avaient donc rien de spécifique avec le secteur de l'artisanat. Plus tard, cette tendance sera infléchie à la faveur de l'avènement du régime du renouveau démocratique. Deuxièmement, les valeurs et les idées forces en vogue au sein des OPA émanaient des conditions de vie et de travail des artisans. En effet, après l'inédite conférence des Forces Vives de la Nation en février 1990, des efforts de regroupement au sein de la classe artisanale kandienne se feront de plus en plus ressentis. Tous les corps de métiers seront mouvementés par des idées de liberté, de dialogue, de défense des droits et des intérêts afférents aux artisans. Toutes choses qui contribueraient à améliorer leurs conditions de travail et de vie. Sur le plan national, un nouvel essor dans le secteur de l'artisanat s'observera avec à la clé, la création de divers regroupements que sont :
Au niveau de la commune de Kandi, on assistera au même phénomène. En 1992, l'Association des Artisans de Kandi (AAK) a été créée. Deux ans après, les électriciens s'en sépareront pour créer l'Association des Electriciens et Rebobineurs de Kandi (ASERK). Ils seront suivis par les mécaniciens moto qui créèrent l'Union des Mécaniciens Moto de Kandi (UMMK). Cette dynamique sera poursuivie et entretenue jusqu'à nos jours avec la création d'une vingtaine d'associations déclarées et non déclarées sur toute l'étendue de la commune. 2. Les OPA : institutions non lucratives. La loi exige des associations une gestion désintéressée. Au-delà de la non distribution de bénéfices, l'activité des associations doit pouvoir revêtir un caractère non lucratif. Aussi la loi dispose que : « l'association doit être gérée et administrée à titre bénévole par des personnes n'ayant, elles-mêmes ou par des personnes interposées, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation »12(*). Ce facteur est très déterminant dans la conception qu'on a des OPA et le rôle qu'elles jouent dans la commune. Les OPA sont des acteurs bénévoles qui n'organisent pas leurs efforts en vue d'en tirer un profit pécuniaire. En d'autres termes, elles ne sont pas des entreprises commerciales. Et c'est précisément à ce niveau que la place qu'elles occupent au sein de la commune est primordiale car, le développement à la base suppose un minimum de bénévolat ou de volontariat de la part même des populations. Les Organisations Non Gouvernementales (ONG) jouent aussi un rôle non négligeable dans le processus de développement local. Elles interviennent dans divers domaines pour accompagner les efforts des communes. Au-delà du caractère humanitaire et " développementaliste" qui les caractérisent, elles sont très souvent perçues comme un moyen pour drainer des subventions extérieures. Pour certains citoyens, avoir une ONG c'est un moyen sûr pour s'enrichir. Or, pour ce qui est des Associations, l'idée de regroupement pour un but donné n'est pas sous-tendue par le souci de s'enrichir. La loi va même plus loin en précisant que : « Les membres et leurs ayants droit ne doivent pas être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, lorsqu'ils quittent l'association ou en cas de dissolution »13(*). Cela veut dire que les biens de l'association, devront être, à sa dissolution, distribués de façon à toujours rester dans le milieu associatif. A cette occasion, personne ne pourra s'attribuer, ou se faire attribuer par une quelconque instance de l'association, les meubles et divers biens acquis par l'association, non plus, tout ou partie des sommes figurant sur son compte bancaire. Dès lors, presque toutes les conditions sont réunies pour inciter les membres des Associations à avoir une vision basée sur la solidarité et le sacrifice de soi. Un réel développement à la base suppose une telle vision. Et les Associations d'artisans répondent bien aux critères sus cités. Elles peuvent donc être utilisées pour d'une part, insuffler un dynamisme au secteur de l'artisanat et, d'autre part, inciter les autres secteurs à faire pareil. La non distribution des bénéfices réalisés, le bénévolat des dirigeants, la dévolution des biens acquis par l'association en cas de dissolution, l'égalité entre tous les membres sont des critères essentiels qui confèrent aux OPA un statut particulier dans la commune de Kandi. * 10 - Ministère de la Culture, de l'Artisanat et du Tourisme, Code de l'Artisanat, 2001, p2 * 11 - Ministère de la Culture, op. cit. p.3 * 12 - Claude VALLON, Associations : Mode d'emploi, DUNOD, Paris, 2001, p. 5. * 13 - Claude VALLON, op. cit., p.6. |