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Contribution du Bois Energie aux moyens d'existence durables des ménages riverains de la Réserve de Biosphère de la Pendjari


par Abdelaziz LAWANI
Faculté des Sciences Agronomiques de l'Université d'Abomey-Calavi
Traductions: Original: fr Source:

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2-1-3- Cadre analytique

En Afrique de l'Ouest, la pauvreté est connue pour son impact dans la dégradation de l'environnement dans la mesure où, une portion importante des populations, surtout en milieu rural dépend presque exclusivement des ressources naturelles pour leur survie et essentiellement du bois énergie pour leur besoin en combustible ligneux. Il avait été reproché aux populations locales de miner leurs propres conditions d'existence en utilisant abusivement leurs terres et en coupant les arbres. On se rend à l'évidence aujourd'hui, qu'il y a habituellement des causes sous-jacentes à cette situation telles que la pauvreté qui n'offre que peu ou pas du tout d'alternatives à ces populations. Permettre aux populations de tirer profit des forêts, tout en garantissant la durabilité de celles-ci dans l'avenir, est une question qui demeure encore entière. La présente étude, portant sur « la contribution du bois énergie aux moyens d'existence durables des ménages riverains de la Réserve de Biosphère de la Pendjari », examine les possibilités que peuvent offrir le bois énergie pour relever ce défi.

L'impact du bois énergie sur les moyens d'existence peut être analysé à travers les stratégies développées par les ménages pour avoir un impact positif de l'exploitation de cette ressource sur leurs capitaux (naturel, physique, financier, humain et social). Cet impact positif se traduira par une amélioration de leur bien-être, de leur revenu et la durabilité des ressources naturelles.

Les dimensions du bien-être, telles qu'identifiées par la Banque Mondiale (Narayan, 2000), qui feront objet de notre analyse sont le bien-être matériel, le bien-être physique, et le bien-être social, la sécurité et la liberté de choix étant des indicateurs difficiles à mesurer. Ces dimensions du bien-être correspondent aux capitaux dans l'AMED Le bien-être matériel est relatif au capital physique, le bien-être physique au capital humain, et le bien-être social au capital social. Le revenu correspondant au capital financier.

Le bien-être matériel sera évalué en tenant compte des considérations de Chambers (1995). Ce dernier y regroupe l'infrastructure de base et les biens de production nécessaires pour soutenir les moyens d'existence. L'infrastructure est constituée des changements apportés à l'environnement physique pour aider les gens à satisfaire leurs besoins élémentaires et à être plus productifs. Les éléments suivants de l'infrastructure sont en général essentiels aux moyens d'existence durables : transports abordables ; habitations et bâtiments sûrs ; alimentation en eau et services d'assainissement convenables ; énergie

propre abordable ; accès aux informations (communications). Les biens de production sont les outils et le matériel utilisés par les gens. Ils regroupent les équipements de production et de transformation qui permettent aux ménages d'être plus productifs. L'infrastructure étant généralement un bien public utilisé sans paiement direct et bénéficiant à toute la communauté, l'évaluation de l'utilité que chacun en tire est peu aisée et souvent sujet à polémique. C'est pour cette raison que le bien-être matériel concernera seulement les biens et matériels de production. L'infrastructure sera décrite dans les caractéristiques générales du milieu d'étude.

Le bien-être physique désigné dans le cadre de cette étude par la terminologie « bien- être humain »comprend la santé, les compétences, les connaissances et la capacité à travailler qui permettent, ensemble, de suivre différentes stratégies de moyens d'existence et d'atteindre leurs objectifs. Au niveau des ménages, le bien-être humain sera évalué par la contribution du bois énergie aux dépenses de scolarisation, de santé, d'habillements, de nutrition et en combustibles.

Quant au bien-être social, sa mesure, aussi, fait l'objet de plusieurs discussions. Il désigne les ressources sociales (ou relations) sur lesquelles les personnes s'appuient dans leur quête de moyens d'existence et qui englobent les réseaux et les inter-relations, l'adhésion à des groupes plus officiels, les rapports de confiance, la réciprocité, les échanges et les réseaux informels de sécurité. Toute la polémique réside en la mesure des « relations ». Partant du fait que le bien-être, dans cette dimension, fait référence à la qualité des relations sociales, familiales, communautaires et qu'il implique la participation aux rites et coutumes, nous mesurerons cette dimension par la contribution du bois énergie à réduire l'humiliation ressentie par les individus à ne pas pouvoir participer aux cérémonies et fêtes de leur culture et à ne pas pouvoir échanger des présents. Ainsi donc la contribution du bois énergie aux dépenses de cérémonies et dots, aux dons faits à des parents amis et proches sera utilisée à ce niveau.

Toutefois, du fait de l'existence de plusieurs acteurs dans le circuit de commercialisation du bois énergie, certains acteurs peuvent exploiter d'autres. Josserand et Sullivan (1980) postulent par exemple qu'au Bénin, les éleveurs sont exploités par les intermédiaires. Les ménages riverains de la RBP étant pour la plupart pauvres, ils peuvent être défavorisés dans la fixation des prix et dans la répartition du revenu payé par le consommateur final. Les intermédiaires profitant de leur position de faiblesse pour les exploiter, les ménages exploitants le bois énergie peuvent voir leur marge considérablement réduite et peuvent même essuyer des pertes. Aussi, l'existence de barrières à l'entrée ou à la sortie des marchés de bois énergie pourrait empêcher certains ménages pauvres d'y avoir

accès. De telles situations ne sont pas de nature à renforcer la contribution du bois énergie aux moyens d'existence durables des ménages. L'analyse du système de commercialisation permettra de se rendre compte des relations entre les différents acteurs. Une telle analyse se rapporte au quatrième volet du bien-être qui concerne la liberté de choix et d'action.

Dans notre étude le ménage a été choisi comme unité d'analyse. Le concept de ménage a été discuté précédemment. La définition du ménage qui sort de cette discussion et qui sera utilisée dans le cadre de cette étude, est qu'il s'agit d'un « groupe de personnes avec ou sans lien de parenté, vivant sous le même toit ou dans la même concession, prenant leur repas ensemble ou en petits groupes, mettant une partie ou la totalité de leurs revenus en commun pour la bonne marche du groupe, et dépendant du point de vue des dépenses d'une même autorité appelée chef ménage ». Un tel choix est discutable puisqu'on ne tient alors pas compte des rapports de pouvoir et des spécificités d'allocation des ressources au sein du ménage. C'est pour répondre à cette problématique que le modèle unitaire du consensus familial de Samuelson a été choisi. Il permet aussi d'analyser le bien-être au sein du ménage. La portée d'un tel modèle est intéressante à double titre. Outre le fait qu'il dépasse le problème de l'identité du consommateur et l'impossibilité de ventilation des consommations entre les différents membres du ménage, il stipule que si les membres de la famille mettent leurs revenus en commun et consacrent le total à maximiser une fonction « objectif » unique, alors, seul le revenu affecte la demande Cet « objectif » est d'avoir des moyens d'existence durables (bien-être accru, amélioration du revenu, meilleure sécurité alimentaire, utilisation durable des ressources naturelles etc.). Le revenu du ménage en général et celui issu du bois énergie, en particulier, pourrait permettre à ce ménage d'améliorer ses moyens d'existence et les rendre durables.

Au nombre de ces moyens d'existences durables, il y a bien sûr les ressources naturelles. L'exploitation du bois énergie se fait aux dépens du capital naturel. Or les ménages évoluent dans un contexte où le capital naturel, pour sa « durabilité », est géré par le Centre National de Gestion des Réserves de Faune (CENAGREF), en collaboration avec les communautés locales via leurs représentations que sont les Associations Villageoises de Gestion des Réserves de Faune (AVIGREF). Mais, pour la gestion durable de la ressource, la participation effective des populations à la base est nécessaire, car ce sont elles qui sont supposées dégrader l'environnement. Leur appropriation des idéaux du CENAGREF est souhaitée pour la durabilité de la ressource forestière en général, et la gestion durable de la ressource ligneuse utilisée comme bois énergie en particulier. Mais qu'est-ce qui pousse ces populations à participer ou non ? Et comment participent-elles ? Fort des discussions

conceptuelles sur la notion de la participation, nous pouvons retenir trois niveaux opérationnels de participation

ü Forte participation : quand l'individu est membre de l'AVIGREF et est prêt à participer aux actions de gestion telles que faites par le CENAGREF ;

ü Participation moyenne : quand l'individu est soit membre de l'AVIGREF, soit prêt à participer aux actions de gestion telles que faites par le CENAGREF ;

ü Faible participation : quand l'individu n'est ni membre de l'AVIGREF ni prêt à participer aux actions de gestion telles que faites par le CENAGREF.

La détermination des facteurs qui influencent le comportement de participation des ménages va permettre dans le cadre de la gestion de la RBP de repérer les variables sur lesquelles les autorités peuvent agir en vue de réduire la dégradation de la ressource forestière et d'assurer la gestion durable du parc.

Or, cette ressource forestière que constitue le bois énergie est en nette régression. Les politiques et institutions pour limiter cette régression ont mis en place plusieurs formes de stratégies de conservation. La conservation dans le milieu d'étude a pris aujourd'hui la forme de réserve de biosphère. Cette réserve se propose d'être bien plus qu'une aire protégée. Elle se veut être un moyen pour permettre aux populations riveraines de s'épanouir en équilibre avec leur milieu naturel. Pour remplir sa fonction complémentaire de conservation et d'utilisation durable des ressources naturelles, la réserve de biosphère est structurée en trois zones interdépendantes :

ü une aire centrale à laquelle les populations n'ont pas accès ;

ü une zone tampon dont certaines sous-zones seulement sont accessibles aux populations riveraines et ;

ü une aire de transition ou de coopération où les populations sont autorisées à s'établir et à exploiter durablement les ressources naturelles.

Or les femmes, les enfants voire les populations rurales concernées sont en général, traditionalistes, et ne reconnaissent pas les limites du terroir quand il s'agit du ramassage du bois de chauffage. Aussi sommes-nous en droit de nous demander si ces limites sont respectées dans l'exploitation du bois énergie (ce qui pourrait affecter la durabilité de la ressource) ? Quelles sont les conditions de la durabilité de cette exploitation ? Les facteurs socio-économiques, culturels et institutionnels n'expliquent-elles pas la dépendance des ménages vis-à-vis du bois énergie ? Est-ce-que la pauvreté empêche les ménages de participer aux actions de gestion de la RBP ? La législation en vigueur n'affecte-t-elle pas la contribution de cette ressource aux moyens d'existence de ces populations riveraines ? Autant de questions auxquelles que se propose de répondre cette étude.

Le cadre théorique de l'AMED nous offre un champ d'analyse idoine, pour arriver à cette fin. Il nous permettra de voir comment le bois énergie permet aux ménages riverains de la Réserve de Biosphère de la Pendjari d'améliorer leurs moyens d'existence. Il permettra aussi de comprendre comment les processus, institutions et politiques influent sur la contribution de cette ressource aux moyens d'existence, en vue d'éclairer les programmes de développement désireux de réduire la pression des populations sur cette ressource, sans pour autant augmenter leur vulnérabilité. Du fait que l'AMED est par nature holistique, dynamique et participative, les résultats qui en découleront seront d'autant plus pertinents, pratiques et conformes aux aspirations de la population cible.

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