6-4- Impact de l'exploitation du bois énergie sur le
capital naturel
Aussi importante qu'elle soit pour ses utilisateurs, la
ressource ligneuse utilisée comme bois énergie est de plus en
plus menacée par des populations dont le nombre croît et qui ont
de plus en plus besoin du bois pour subvenir à leurs divers besoins. Ces
menaces sur le capital
1 L'Annexe 7
présente l'allocation du temps au sein du ménage entre
deux périodes : il y a de cela 10 ans et aujourd'hui
2 L'Annexe 8 présente les
résultats du test t de Student de comparaison du temps alloué aux
différentes tâches du ménage entre les deux
périodes
naturel sont de divers ordres. Elles concernent tant la
diversité biologique que la disponibilité du bois.
6-4-1- Menace sur la conservation de la
biodiversité de la RBP
La quasi-totalité du bois énergie
exploitée par les ménages riverains de la RBP provient des
peuplements naturels (jachères et forêts) de la RBP. Les
préférences des chefs cuisine quant à l'espèce
à exploiter s'orientent la plupart du temps vers les espèces
disponibles. Donc les espèces qui sont les plus abondantes sont plus
utilisées que les espèces qui sont rares. Mais cette situation
n'est pas généralisée dans la zone d'étude car le
marché a d'autres exigences : du bois ou du charbon qui brûle
bien.
Les populations riveraines de la RBP ne connaissent souvent
pas les limites de leur terroir lorsqu'il s'agit de la collecte du bois
énergie. Les lieux de collecte varient des friches dans la Zone
d'Occupation Contrôlée (ZOC) aux formations boisées
situées au-delà de la Zone d'Exploitation des Ressources (ZER).
Quarante cinq pour cent (45%) des chefs cuisine enquêtées avouent
collecter le bois dans la ZOC, 19% dans la ZER, tandis que 27% affirment
collecter le bois dans la ZOC et la ZER et 5% au-delà de la ZER. La
collecte du bois dans les jachères au niveau de la ZOC est libre,
gratuite mais limitée seulement au propriétaire terrien et
à ses proches. Par contre dans la ZER, bien que la collecte soit
gratuite et illimitée elle est soumise à l'obtention d'une
autorisation préalable : 24% des enquêtés sont
passés outre cette interdiction. Mais leur pourcentage est
sûrement plus élevé car au cours des enquêtes la
majorité était réticentes à nous répondre et
craignait des poursuites si elle acceptait aller au-delà de la ZOC :
elle nous confondait avec des agents forestiers en mission habillés en
civil. Des 24% qui vont collecter le bois au-delà de la ZOC, 48%
appartiennent à des ménages pauvres et 35% à des
ménages très pauvres Ainsi donc, ce sont les ménages
pauvres et très pauvres qui enfreignent beaucoup plus la loi. Les
résultats du géo-référencement des lieux de
collecte du bois énergie sont présentés par la
Figure 13.
Echelle
0 3 6 Km
1:450000
ZONE D'EXPLOITATION DU 1501S ENERGIE DANS LA RESERVE DE
BIOSPHERE DE LA PENDJARI
Source. Données terrain. juillet - octobre 1007
Zone de collecte de bols de leu et ou de fabrication de
charbon
VIllag es
Route Principale Pistes
Zone d'Exploitation des Ressources (ZER)
Zone d'Occupation Contrôlée (ZOC)
aire tour tique et de chasse sportive
êrnbog olé
anébou
Sépounga
Porga
·
atia
Kolégou
Nagasséga
Dassari anougou
Wantehoun ssagou
hanvvassaga
Sangou
TANG TA
Figure 13 : Zone d'exploitation du bois
énergie dans la RBP.
Source : Enquêtes terrains juillet-octobre
2007
ourniéssou
Il ressort de l'analyse de cette figure que les lieux de
collecte de bois vont bien au-delà de la ZOC et de la ZER dans plusieurs
cas. Cette tendance est généralisée au niveau de tous les
villages situés sur l'axe Tanguiéta-Batia. On note
également que la chaîne de montagne située à l'est
de la voie principale est aussi prise d'assaut par les populations pour la
recherche du bois énergie. Une menace pèse donc sur la
diversité biologique car les régions montagneuses étant
des zones de refuge pour une végétation souvent proche de
l'état naturel (White 1983), les espèces n'y sont plus en
sécurité. Et la réserve elle-même qui est
supposée préserver les espèces des effets anthropiques
semble ne plus jouer son rôle. Ce qui fait que certaines espèces
presque en extinction dans les terroirs riverains sont difficiles à
trouver même dans la réserve. Ces espèces
mentionnées par les populations locales ont pour nom Pterocarpus
erinaceus, hexalobus monopetalus pour ne citer que celles-là.
Les risques sur la RBP sont renforcés lorsqu'on
s'intéresse aux techniques d'exploitation. En effet l'utilisation du
feu, la coupe du bois vert, la hauteur de coupe et les organes coupés
sont
autant de facteurs qui affectent la viabilité de ces
peuplements naturels et par conséquent avoir un impact négatif
sur la biodiversité. Les raisons qui expliquent le non respect des
limites pour la collecte du bois énergie résident dans la
conception de la notion de terroir par les populations locales.
Le terroir peut être défini comme l'espace rural
géré par une communauté qui affirme y exercer des droits
d'exploitation et d'occupation dans un cadre socio-économique et
culturel défmi. Il n'est donc pas un concept de géographie
physique. Il est avant tout économique, sociologique, écologique
et « juridique ». Pour les populations riveraines de la RBP, le
CENAGREF et d'autres structures avant lui, dont le PGRN, les ont
dépossédé de leurs terres. Ils affirment avoir droit
à bien plus qu'il ne leur est laissé dans le parc. Ils continuent
d'exploiter leurs ressources comme si de rien n'était tout en faisant
attention à ne pas se faire prendre par les actions de surveillance. La
complicité affichée des membres des AVIGREF dont les femmes
mêmes vont au-delà de la ZER est le signe du droit implicite
qu'ils réclament : la nécessité d'exploiter bien plus les
ressources naturelles que ce qu'on leur donne aujourd'hui. Le terroir des
populations riveraines de la RBP est donc en relation avec les ressources
naturelles disponibles (sol, eau, végétation, bois
énergie...).
Si à Bouniessou, Nanébou, Tchanwassanga,
Pessagou et Tanongou, c'est le principe de commercialisation qui sous-tend la
violation des limites, à Batia par contre, c'est le principe de
précaution. La recherche d'espèces plus résistantes pousse
les femmes à délaisser le bois de peu d'importance situé
près du village pour d'autres plus résistants situés
à plus de 7 km dans le parc.
Si cette population n'adapte pas ses attentes et ses
préférences à la structure de la végétation
naturelle existante, la question de la biodiversité va se poser en
d'autres termes. En effet les préférences des populations les
poussent à exploiter des espèces qui pourtant se font rares
(Pterocarpus erinaceus par exemple). Aussi la plupart des sujets
collectés sont-ils des sujets mâtures. Or l'entrée en
maturité des sujets correspond à leur entrée en
reproduction. Si nous nous référons à Cunningham (2001)
pour qui l'une des actions anthropiques ayant le plus grand effet est la
destruction et la suppression des individus reproducteurs au sein des
populations, nous pouvons considérer l'exploitation du bois
énergie telle qu'elle est pratiquée, comme une sérieuse
menace pour la conservation de la biodiversité. Le bois mort est aussi
vital pour l'activité des microorganismes, de la pédofaune (les
termites par exemple) et pour fertiliser le sol.
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