5-3-2- Les flux économiques du bois
énergie
Il est important, pour comprendre l'importance
économique et sociale des systèmes d'approvisionnement commercial
en combustibles ligneux et la distribution de la valeur ajoutée dans ces
systèmes, d'analyser le flux économique de ce produit. Ce flux
est influencé
par les différentes stratégies qu'adoptent
individuellement ou collectivement les différentes catégories
d'acteurs pour s'adapter aux vicissitudes des marchés et pour atteindre
leur objectif qu'est l'obtention de profits. La nature et le sens de ces flux
est important pour envisager des mesures fiscales, des politiques sociales,
etc.
Comme stratégies utilisées, on peut citer : la
politique des prix, la stratégie institutionnelle et la planification
des approvisionnements.
En effet, au niveau des marchés « bord-routes
» et du marché de Tanongou, les producteurs de BE écoulent
généralement en bloc leurs produits aux
collecteurs-grossistesdétaillants ou à certains consommateurs.
Sur ces marchés, l'ensemble des producteurs de BE s'entend à ne
pas vendre le bois énergie à un prix inférieur au prix
consensuel. Il est en moyenne de 250F pour le fagot de bois de feu
(1/10ème de stère en saison des pluies et
1/12ème de stère en saison sèche) et de 1500F
pour le sac de charbon. Les prix unitaires du bois énergie ne varient
pas sur ces marchés. Seul un petit complément, de taille
variable, est accordé à l'acheteur en fonction des
quantités achetées et des liens sociaux existant entre les deux
partenaires : acheteur et vendeur. Tout ceci laisse penser que nous sommes en
présence des marchés où règne un oligopsone
(relatif) et même en période de pénurie d'autant plus que
tout ce qui est apporté au marché ou exposé aux bords des
voies n'est pas vendu. Mais il faut préciser que sur le marché de
Tanguiéta, il s'agit d'une situation oligopolistique. Bien qu'il
s'agisse de plusieurs acheteurs face à quelques vendeurs, ces derniers
n'arrivent pas à influer sur le prix du bois énergie, qui varie
entre 200FCFA et 250FCFA (le 1/12ème de stère). Le
besoin urgent d'argent pousse parfois les vendeurs à brader leur
produit.
Encadré 1 : Témoignage dune femme
de Bouniessou sur sa stratégie de vente
Quand le soir nous ne sommes pas arrivées à
trouver un preneur pour notre bois, nous préférons le
céder à vils prix plutôt que de le ramener à la
maison pour retourner le vendre le lendemain à un prix dérisoire.
Nous aurions au moins économisé l'effort physique et gagner
quelques sous pour acheter les condiments.
Source : Enquêtes terrain juillet-octobre
2007
Ces producteurs de BE assurent l'arbitrage des produits dans
l'espace. Les collecteursgrossistes-détaillants quant à eux le
livrent au même prix, mais le fagot est le 1/14ème du
stère en saison sèche et le 1/16ème du
stère en saison pluvieuse. Ils profitent de la vente au détail
pour augmenter leurs profits. Il n'y a pas de système de crédit
entre elles et les producteurs de BE, pas plus qu'il n'existe de relations
intimes entre le détenteur du produit et l'acheteur dans
le système de commercialisation du BE. Tous les acteurs
ont la liberté d'acheter ou de vendre le produit à n'importe qui
sur le marché.
Les frais de commercialisation supportés par les
intermédiaires du système commercial sont essentiellement
relatifs aux coûts de manutention, de transport, et des taxes. Dans le
circuit court, concernant le bois de feu, ces frais sont
particulièrement élevés pour les
collecteurs-grossistes-détaillants (en moyenne 642,4FCFA/stère).
Cette situation est due aux frais de transport qui représentent 69% des
frais totaux de commercialisation et aux frais de manutention qui eux
représentent 18% des frais totaux. Les frais de commercialisation chez
les producteurs de BE, dans le circuit direct, sont relatifs uniquement aux
taxes sur les marchés. Ces frais sont en moyenne de
141,8FCFA/stère. Leurs déplacements se faisant à pied et
chargeant eux-mêmes leur marchandise, ils ne supportent aucun frais de
transport ni de manutention. La situation est identique lorsqu'on
s'intéresse au charbon de bois. Mais les femmes se plaignent de ces
longues distances parcourues. Aussi certaines proposent-elles des solutions
alternatives. Au nombre de ces solutions, nous pouvons retenir l'organisation
de la collecte à des périodicités fixes par les
collecteurs-grossistes-détaillants, ou la création par la mairie
de places de vente à l'image du marché de Tanguiéta
où aucune taxe ne serait prélevée. Sur ces places, elles
pourront entreposer leurs marchandises et ne pas subir l'abus des acheteurs. Le
Tableau XII qui suit présente les différents
indicateurs du circuit de commercialisation.
Il ressort de ce tableau que la marge de commercialisation est
en moyenne positive aussi bien pour le bois de feu que pour le charbon de bois
pour les deux acteurs. Les valeurs les plus élevées sont obtenues
dans le circuit direct chez les producteurs de BE. Pour cette catégorie
d'acteurs, elle s'élève à 1978,2FCFA/stères chez
les producteurs de BE contre 1639,4 FCFA/stère chez les
collecteurs-grossistes-détaillants pour le bois de feu. En ce qui
concerne le charbon de bois, elle est de 1181,2 FCFA/sac pour les producteurs
de BE et de 492,5 FCFA/sac pour les collecteurs-grossistes-détaillants.
Le niveau élevé des marges des producteurs de BE est lié
au fait que cette catégorie d'acteurs supporte, comme mentionné
plus haut, peu de frais de commercialisation contrairement aux
collecteurs-grossistesdétaillants. Aussi le bois est-il
prélevé gratuitement sur le capital naturel sans paiement
d'aucune redevance.
La proportion du prix de vente de chacun des acteurs dans le prix
final payé par le consommateur sur les différents circuits est
présentée dans le Tableau XIII.
Tableau XII - Marges et Charges de
commercialisation des producteurs de BE et des
collecteurs-grossistes-détaillantes
|
Type de bois énergie
|
Bois de feu
|
Charbon de bois
|
Producteurs de BE (CD)
|
Collecteurs-grossistes-détaillants (CC)
|
Producteurs de BE (CD)
|
Collecteurs-grossistes-détaillants (CC)
|
PA
|
PV
|
MB
|
Charges
|
MC
|
PA
|
PV
|
MB
|
Charges
|
MC
|
PA
|
PV
|
MB
|
Charges
|
MC
|
PA
|
PV
|
MB
|
Charges
|
MC
|
Moyenne
|
-
|
2252,9
|
2252,9
|
141,8
|
1978,2
|
2750
|
5931,9
|
3181,9
|
642,4
|
1639,4
|
-
|
1200
|
1200
|
18,4
|
1181,8
|
1312,5
|
1961,2
|
648,75
|
156,25
|
492,50
|
Ecart-type
|
-
|
832,1
|
832,1
|
145,1
|
710,6
|
267,3
|
947,9
|
767,0
|
15,4
|
677,5
|
-
|
37,1
|
37,1
|
18,1
|
40,6
|
135,6
|
287,8
|
192,38
|
94,25
|
240,72
|
Minimum
|
-
|
0
|
0
|
0
|
-300
|
2500
|
4500
|
2000
|
619
|
1133,3
|
-
|
1100
|
1100
|
0
|
1050
|
1200
|
1600
|
4000
|
50
|
75
|
Maximum
|
-
|
4400
|
4400
|
300
|
4100
|
3000
|
7200
|
4200
|
666,6
|
2855,5
|
-
|
1400
|
1400
|
50
|
1375
|
1500
|
2500
|
1000
|
325
|
900
|
Source : Enquêtes terrain juillet-octobre
2007
PA = Prix d'achat PV = Prix de vente MB = Marge Brute MC = Marge
Commerciale CD = Circuit Direct CC = Circuit Court NB : les
valeurs sont exprimées en FCFA/stère pour le bois de feu et en
FCFA/sac pour le charbon
Tableau XIII- Part (en %) du prix au
consommateur perçu par chaque acteur selon le circuit
considéré
Circuits
|
|
Bois de feu
|
Charbon de bois
|
|
Producteur de BE
|
Collecteurs-grossistes-détaillants
|
Producteur de BE Collecteurs-grossistes-détaillants
|
Circuit direct
|
100%
|
|
100%
|
Circuit court
|
47%
|
53%
|
67% 33%
|
Source : Enquêtes terrain juillet-octobre
2007
L'observation de ce tableau montre que le circuit direct est
plus rentable aux producteurs- détaillants de BE où ils
perçoivent la totalité du prix payé par le consommateur.
Il ne saurait en être autrement puisqu'il n'y a pas
d'intermédiaires sur ce circuit. De plus, ce tableau montre que, sur le
circuit court, la plus grosse part du prix payé par le consommateur
revient aux collecteursgrossistes-détaillants en ce qui concerne le bois
de feu alors que ce sont les producteurs de BE qui détiennent la plus
grosse part pour le charbon de bois.
On peut conclure sur la base de ces résultats que de
façon globale, les producteurs de BE perçoivent la majeure partie
des prix payés par les consommateurs fmaux. En effet, excepté le
circuit court pour le bois de feu, plus de la moitié du prix de vente
final revient aux producteurs de BE. Et même dans ce circuit court la
différence entre la part perçue part chaque acteur n'est pas trop
grand (47% pour les producteurs de BE contre 53% pour les
collecteurs-grossistesdétaillants). Ceci est confirmé par le test
de comparaison de moyenne Tableau XIV
Tableau XIV- Résultats du test t de
Student pour la comparaison de moyenne entre la part
du prix payé par le consommateur reçu par chaque
acteur du circuit court.
Type de bois
|
|
|
|
|
Niveau de
|
énergie
|
Moyenne
|
Ecart-type
|
t
|
ddl
|
signification
|
Bois de feu
|
-0,06
|
0,10
|
-1,66
|
7
|
0,141 (ns)
|
Charbon de bois
|
-0,35
|
0,11
|
-8,86
|
7
|
0,000 ****
|
Source : Enquêtes terrain juillet-octobre
2007
NB : ddl : degré de liberté ;
(ns) = non significatif, **** = significatif au seuil de
0,1%
De l'analyse de ce tableau, il ressort que l'hypothèse
Ho : Les parts du prix payé par le consommateur
reçues par chaque acteur sont égales est rejetée pour le
bois de feu et acceptée pour le charbon de bois. Car le test fait
ressortir l'existence de différence significative entre les parts du
prix du consommateur perçu par les producteurs de BE et les
collecteurs-grossistesdétaillants en ce qui concerne le charbon de bois
au seuil de 0,1%. Mais cette différence n'est pas significative pour le
bois de feu.
Ainsi donc, il apparaît qu'à travers le
système de commercialisation du bois énergie les producteurs de
BE améliorent le niveau de leur revenu. On peut également retenir
que l'existence d'intermédiaires dans le circuit diminue le revenu des
producteurs du BE.
|