2.1.4 Présentation des différentes approches
de mesure
Il existe deux grandes approches de mesure de la
pauvreté : l'approche monétaire et l'approche non
monétaire. L'approche monétaire est basée sur la
perception du revenu (ou de la consommation) de l'individu, alors que
l'approche non monétaire s'appuie sur l'accessibilité et la
disponibilité des biens et services nécessaires à
l'épanouissement de l'individu. Le revenu est un aspect incontournable,
et pour certains il suffit à évaluer le niveau de bien-être
(vulnérabilité) ; selon les défenseurs de l'approche
monétaire avoir une bonne mesure du niveau réel des revenus d'un
ménage, c'est avoir une bonne estimation de son niveau de
bien-être.
Approche monétaire
Cette approche positionne le bien-être dans l'espace de
l'utilité (Ravallion, 1996). La satisfaction atteinte par un individu
par rapport aux biens et services qu'il consomme définit son
bien-être. L'utilité n'étant pas directement observable, le
revenu est utilisé pour approcher le bien-être. L'on justifie
l'usage de cette approche en s'appuyant sur l'hypothèse selon laquelle
la vulnérabilité d'un enfant peut se résumer à une
insuffisance du revenu par tête dans le ménage dans lequel vit cet
enfant. En effet, si la famille dans laquelle l'enfant vit dispose d'un revenu
suffisant, il n'aura probablement pas besoin de travailler pour subvenir
à ses besoins et pourra poursuivre ses études. Pour assurer son
épanouissement sur le plan éducatif et sanitaire, la famille doit
disposer d'un revenu susceptible de lui permettre de faire face à toutes
les dépenses nécessaires. Le revenu du ménage qui peut
être appréhendé à travers sa consommation constitue
la variable qu'il faut estimer afin de mesurer la vulnérabilité
des enfants vivant dans ce ménage. La consommation des ménages
est souvent préconisée dans la mesure de leur niveau de
pauvreté pour les raisons ci après :
La consommation reflète mieux le niveau de vie des
ménages et leur capacité à satisfaire leurs besoins de
base parmi lesquels on peut citer sans risque de nous tromper :
l'éducation des enfants, l'alimentation et les soins de santé de
la famille ;
- La difficulté à appréhender le revenu
et les variations saisonnières auxquelles il peut être assujeti
constitue une des faiblesses des mesures par le revenu. De plus
la consommation permet d'estimer le revenu dans un environnement
où il y a une faible propension à épargner.
Après que l'estimation de la consommation ou du revenu
des ménages (ou des individus) ait été faite, des lignes
de comparaison encore appelées seuils de pauvreté sont
fixées et servent à classifier les ménages ou les
individus. Ces seuils sont des points qui permettront de classer les
ménages ou les individus selon deux catégories ; les pauvres et
les non pauvres. On utilise deux types de lignes ou seuils de pauvreté
:
Lignes de pauvreté relatives : elles se
déterminent par rapport à la distribution des revenus ou des
consommations des ménages ou individus ; on peut dans ce cas la fixer
par exemple à 50 % du revenu moyen des ménages ou individus.
Lignes de pauvreté absolues : elles se
déterminent par rapport à certaines normes sur les
éléments dont doivent disposer les ménages pour subvenir
à l'ensemble de leurs besoins. Ces lignes de pauvreté sont
souvent déterminées en se basant sur les estimations du
coût d'un panier de produits composé de denrées
alimentaires de base.
Détermination d'une ligne de pauvreté
La détermination d'une ligne de pauvreté peut se
faire de diverses façons.
Détermination du seuil de pauvreté alimentaire Elle
se fait d'après les étapes suivantes :
1. Détermination du besoin en calories journalier
normatif par adulte : il s'agit du nombre de calories journalier
nécessaire à un adulte pour sa survie ;
2. Constitution du panier alimentaire dont la consommation doit
couvrir les besoins caloriques ;
3. Détermination de la part contributive des produits
alimentaires dans le panier calorifique ;
4. Conversion du besoin calorique journalier par adulte en
quantités de nutriments. La valeur calorifique de chacun des biens du
panier est connue à l'aide d'une table
de correspondance entre les quantités de nutriments et le
nombre de calories pour chaque produit ;
5. Valorisation des quantités. Les quantités
obtenues sont valorisées sur la base des prix à la consommation
pour obtenir le seuil de pauvreté alimentaire.
Détermination du seuil de pauvreté non
alimentaire
Ce seuil est plus difficile à mesurer, car on ne
dispose pas de panier de consommation qui serve de base à notre
estimation. Un tel seuil doit pouvoir estimer le minimum de revenu qui permette
à un adulte de survivre dans un environnement donné. Pour des
raisons de commodité, on peut l'évaluer comme étant
proportionnel au seuil alimentaire.
Critiques de l'approche monétaire
La principale faiblesse de cette approche est qu'elle limite
la vulnérabilité à un problème d'insuffisance du
revenu des familles, en négligeant les facteurs psychologiques. Sinon,
comment expliquer que des enfants vivant dans des pays dits
développés et supposés bénéficier des
meilleures conditions financières, soient souvent victimes de drogue,
d'abandon scolaire, de suicide ? De plus, le fait pour le ménage de
jouir d'une certaine aisance financière ne signifie pas que tous les
enfants en bénéficient forcément. Cette approche ne permet
pas d'appréhender les problèmes spécifiques auxquels sont
exposés les enfants selon leurs sexes et leurs âges. Enfin, les
enfants qui ne vivent pas sous la responsabilité d'un chef de
ménage ou ne sont pas chefs de ménage sont écartés
de cette analyse. On peut citer le cas des enfants de la rue qui constituent
pourtant un groupe très vulnérable et qui ne sont pas pris en
compte dans cette approche.
Ainsi, la pauvreté étant multidimensionnelle
couvre à la fois des aspects culturel, économique, social et
politique. Aussi, depuis quelques années, on s'accorde de plus en plus
sur le fait que l'approche monétaire ne suffit pas pour comprendre ce
phénomène. On peut citer deux arguments qui confortent cette
position (Ayadi et al., 2005) :
- sur le plan théorique, les privations auxquelles sont
astreints les individus ne résultent pas uniquement de la faiblesse de
leur pouvoir d'achat, mais aussi de l'indisponibilité d'un ensemble de
biens et services susceptibles de combler leurs besoins
élémentaires. C'est cet
ensemble de besoins qui traduit l'aspect multidimensionnel de la
pauvreté.
- Sur le plan technique, nous notons la réelle
difficulté à mesurer le revenu, surtout dans les pays en
développement.
Approche non monétaire
Les nombreuses insuffisances de l'approche monétaire
ont conduit ces dernières années au développement de
l'approche dite non monétaire. A l'opposé de l'approche
monétaire qui traduit le bien-être à travers les
ressources, l'approche non monétaire place le bien-être dans
l'espace de l'accomplissement des besoins de base ou indispensables à
l'épanouissement de l'individu. L'approche non monétaire
préfère évaluer la situation en fonction de certains
besoins élémentaires, comme se nourrir ou se vêtir, et ne
prête presque pas attention aux informations relatives à
l'utilité.
La justification de son usage réside dans le fait
qu'elle permet d'avoir une compréhension multidimensionnelle de la
vulnérabilité à travers les disponibilités des
biens et services qui sont mis à la portée de l'enfant. Afin de
l'adapter à la mesure de la vulnérabilité, l'on prend en
compte les domaines de l'éducation, de la santé, de la
psychologie, et de l'alimentation pour mesurer le niveau de
vulnérabilité.
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