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I.6.2 Cadre d'évaluation du Risque16(*)La plupart des IMF sont petites, pas rentables et ne disposent pas d'un système adéquat pour minimiser leurs risques. Afin d'aider les programmes de microfinance qui s'efforcent de remplir leur double mission de pérennisation et d'aide aux plus pauvres, CARE recommande l'exécution d'un cadre d'évaluation des risques qui comporte deux composantes majeures : 1. la viabilité financière 2. le développement institutionnel Une norme d'évaluation des risques d'une institution financière traite seulement du premier point. Pour évaluer le diagnostic financier d'une banque ou d'une institution financière, il est nécessaire de prendre en compte la gestion des actifs et passifs, en intégrant le risque sur crédit ainsi que les risques opérationnels comme la fraude et l'inefficacité. L'évaluation des risques en microfinance nécessite également la prise en compte des perspectives de développement institutionnel17(*). Comme les IMF se soustraient de plus en plus de la dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds au profit d'une autonomie financière durable ; une vision claire, des systèmes de gouvernance fiables et efficaces, et un personnel compétent deviennent des déterminants cruciaux pour une meilleure gestion des risques. Ce cadre cohérent d'évaluation de risques des IMF présente une analyse objective des problématiques de développement institutionnel et de viabilité financière, en distinguant quatre types de risques à savoir : - risques institutionnels, - risques opérationnels, - risques de gestion financière et, - risques externes. Cet outil constitue, finalement, un outil évolutif flexible d'évaluation de la vulnérabilité globale de l'organisation à l'usage des Directeurs et Administrateurs. II.6.2.1 Risques Institutionnels Le succès d'une institution de microfinance est défini comme la capacité de cette dernière à fournir, de façon indépendante, des services financiers à un nombre important de personnes à faibles revenus, et ce de façon durable. L'évaluation des risques par rapport à cette définition expose l'organisation à trois niveaux de risques institutionnels : risques liés à la mission sociale, risques liés à la mission commerciale et risque de dépendance. S'il est admis que toutes les IMF n'ont pas les mêmes déclarations de mission, on reconnaît cependant qu'elles ont en commun une double mission : la mission sociale et la mission commerciale. Leur mission sociale est de fournir des services financiers abordables à un nombre important de personnes à faibles revenus afin de les aider à améliorer leurs conditions de vie. La mission sociale des institutions de microfinance les expose à des risques importants si les groupes cibles ou les parts respectives de clientèle ne sont pas bien définis, et si des mécanismes de suivi ne sont pas mis en place pour assurer une meilleure adéquation des services financiers fournis aux besoins réels de leur clientèle actuelle et potentielle. La mission commerciale des IMF est de fournir des services financiers de manière à permettre à l'organisation de se pérenniser et de devenir autosuffisante. Les IMF seront exposées au risque commercial si leurs taux d'intérêt ne sont pas assez élevés pour couvrir leurs charges et si elles ne sont pas gérées efficacement comme une entreprise commerciale. Il existe des fois un conflit entre la mission sociale et la mission commerciale. Par exemple, si on offrait des crédits assez importants, la durabilité peut être facilement affectée. Or, il se pourrait que la raison d'être de la mission sociale, qui est de fournir des services financiers à la couche de population à faible revenu et difficile à atteindre, qui demande le plus souvent de petits crédits, soit affaiblie. Le défi pour la microfinance est de réaliser, en permanence, l'équilibre entre les missions sociale et commerciale pour atteindre son but final. Le risque de dépendance est semblable à celui du risque de la mission commerciale. Les nouvelles IMF qui sont soutenues par des organisations internationales, sont les plus affectées, surtout en ce qui concerne les activités de microfinance qui sont gérées comme un projet et qui ne sont pas des institutions indépendantes. Ces IMF sont vulnérables à la dépendance par le soutien des organisations internationales. Bien que ce soutien paraisse avantageux au début, il pourrait affaiblir davantage les efforts vers une institution indépendante à long terme. II.6.2.2 Risques Opérationnels Le risque opérationnel est la vulnérabilité à laquelle est confrontée l'IMF dans sa gestion quotidienne ainsi que la qualité de son portefeuille (risque de crédit), le risque de fraude et le vol (risque de sécurité). Comme pour toutes les institutions financières, le plus grand risque en matière de microfinance est d'octroyer un crédit et ne pas se le faire rembourser. Le risque de crédit est une préoccupation particulière dans les IMF dans la mesure où la plupart des microcrédits ne sont pas garantis. (C'est à dire qu'ils ne sont soumis à aucune garantie formelle, classique ou bancaire). Pour déterminer la vulnérabilité d'une institution au risque de crédit, on doit revoir les politiques et les procédures à chaque niveau dans les processus d'octroi de crédit pour déterminer si les risques de défaillance et de pertes sur créances sont réduits à un niveau suffisamment raisonnable. Ces politiques et procédures comprennent les critères d'éligibilité,le processus d'étude des dossiers de prêts et les niveaux d'approbation, le dispositif de garantie ou exigences de sécurité ainsi que les systèmes ou mécanismes de « la carotte et du bâton » utilisés pour la motivation du personnel et des emprunteurs défaillants. En plus il va falloir analyser si les procédures et les politiques sont bien fondées et savoir si elles sont appliquées. Les meilleures politiques dans le monde n'ont pas de sens si le personnel n'est pas bien formé pour les exécuter ou s'il choisit de ne pas les suivre. N'importe quelle organisation qui gère une importante somme d'argent est extrêmement vulnérable à la fraude. Cette vulnérabilité est souvent prédominante dans les milieux économiquement démunis. La vulnérabilité à la fraude est particulièrement plus grande dans des contextes où l'argent change de mains. Cette vulnérabilité est encore plus critique dans des institutions de micro-finance qui disposent d'un Système d'Information de Gestion (SIG) peu fiable ou peu cohérent, des politiques et procédures non clairement définies, un taux élevé de renouvellement du personnel technique, ou encore si l'IMF atteint précocement un fort taux de croissance. La gestion des dépôts d'épargne, particulièrement des épargnes libres augmente la vulnérabilité dans la mesure où toute défaillance dans la détection de fraude interne pourrait conduire à la perte d'actifs liquide circulant de la clientèle, et à la rapide détérioration de la notoriété de l'institution. En cas de détection de fraude interne, il est crucial de circonscrire et de résoudre le plus tôt possible le problème à la source, en prenant les mesures et sanctions subséquentes en direction du personnel concerné avant qu'il ne soit trop tard. Comme dans le cas des fraudes, les IMF qui manipulent l'argent sont grandement exposées aux vols. Ce constat se justifie par le fait que les IMF opèrent souvent dans des contextes ou zones où, du fait de la pauvreté dominante, sont des sites à hauts risques de criminalité, où la tentation est tout au moins très forte. Par exemple dans des Agences à fort volume de transactions, le montant total de remboursements quotidiens collectés pourrait aisément excéder le revenu moyen annuel des ménages dans une communauté donnée. II.6.2.3 Risques de Gestion Financière18(*) La vulnérabilité financière d'une IMF se résume aux risques réels subis par ses emplois (actifs ou patrimoine) ou ses ressources (passifs ou dettes). Elle est composée de risques liés aux taux d'intérêts, des risques de liquidité et risques de change avec les devises étrangères. Le risque de taux d'intérêt s'élève quand les termes et les taux d'intérêts de l'actif et passif de l'IMF sont mal négociés. Par exemple, si le taux d'intérêt sur le passif à court terme augmente avant que l'IMF ne puisse ajuster son taux de crédit, le différentiel entre le revenu d'intérêt et les charges financières va nettement diminuer, affectant ainsi la marge financière de l'IMF. Les IMF implantées dans des environnements inflationnistes sont particulièrement vulnérables à ce type de risque. Le risque de liquidité est la possibilité d'emprunter des ressources financières exigibles à court terme pour faire face à des besoins de financement immédiats tels les décaissements des prêts, les paiements de factures ou remboursement de dettes19(*). Les IMF sont plus vulnérables au risque de change si elles doivent rembourser de l'argent emprunté en devises étrangères pendant que le refinancement du prêt a été fait en monnaie locale ; les revenus d'intérêts générés localement étant généralement maigres pour couvrir les charges financières y compris la perte de change. L'efficience reste l'un des plus importants défis pour les institutions de micro-finance. Elle traduit la capacité de l'organisation à minimiser les coûts marginaux d'exploitation/production, et dépend subséquemment de la maîtrise des coûts et du seuil de rentabilité. Les IMF très peu efficientes gaspillent des ressources et fournissent irrésistiblement des services et produits peu performants aux clients avec des taux d'intérêt et coûts d'opérations exorbitants. Un autre aspect de risque de gestion financière, c'est l'intégrité de son système d'information y compris le système de gestion comptable et le dispositif de gestion du portefeuille de crédit. L'évaluation de ce risque suppose la vérification permanente de la qualité de l'information fournie au système, un mécanisme de contrôle garantissant un traitement correct de l'information entrant dans le système, et un dispositif assurant la production périodique de rapports utiles, ou base de données pertinentes pour les rapports d'activités de l'IMF.
Bien que les directeurs et les gérants des IMF aient moins de contrôle sur les risques externes, ils doivent néanmoins évaluer les risques externes auxquels ces dernières sont exposées. Une institution de micro finance peut disposer d'un personnel et d'un système de gestion et de contrôle très performant, mais elle pourrait cependant être confrontée à d'énormes problèmes provenant de son environnement.
Les risques externes échappent le plus souvent au contrôle interne de l'IMF concernée, cependant il est nécessaire que ces risques soient perçus comme des défis auxquels l'IMF doit faire face au risque d'être exposée à de faibles performances. Les décideurs politiques, les directeurs de banques et d'autres structures de réglementation accordent davantage une attention particulière aux activités des institutions de microfinance. Cette attention est d'autant plus grande quand les IMF assurent des missions d'intermédiation financière c'est-à-dire qui assurent la mobilisation de l'épargne de leurs membres ou clientèle et le recyclage de la masse d'épargne mobilisée en crédits auprès d'autres clients ou institutions. Les dispositions réglementaires pouvant créer une vulnérabilité au sein d'une IMF sont le code de travail, la loi sur l'usure, la déréglementation et les interférences Politiques. Dans certains contextes, le secteur de la microfinance devient excessivement compétitif, avec l'intervention de nouveaux acteurs institutionnels tels les banques et autres institutions de crédit à la consommation. Les risques de concurrence proviennent notamment de la méconnaissance des services et des concurrents afin de bien définir son propre plan marketing en terme de produits ou services, de prix, de concurrence et de part de marché. Cibler ses propres services, fixer ses prix et vendre ses prestations. Le risque de la concurrence peut s'aggraver si les IMF en présence n'ont pas un système d'information et de référence sur les dossiers de crédits en instances et les performances antérieures des candidats aux prêts au sein d'autres institutions de crédit. Puisque la plupart des IMF cible des individus à revenus faibles, les directeurs des IMF doivent savoir que la vulnérabilité de l'institution augmente selon les caractéristiques du marché. Certaines localités sont astreintes à des calamités naturelles (inondations, cyclones ou sécheresse) qui affectent les ménages, les entreprises, les flux de revenus et la prestation de services de microfinance. En plus, l'infrastructure physique - telle que le transport, la communication et la disponibilité des infrastructures bancaire dans la localité de l'IMF - peut l'exposer à une vulnérabilité accrue. Les institutions de microfinance sont particulièrement vulnérables aux changements macroéconomiques comme la dévaluation et l'inflation. Ce risque a deux facettes 1) l'influence directe de ces facteurs sur l'IMF et 2) l'influence directe de ces facteurs sur les clients de l'IMF, leurs affaires et leur capacité de remboursement de prêts. * 16 Craig Churchill et Dan Coster, manuel de gestion de risques en micro-finance, 2001, disponible sur http:/www.calmedow.com, pp6-14 * 17 C. FIIGEX-CAMEROUN , Gestion des opérations de crédit et le recouvrement des créances au sein d'une IMF, Août 2008, P16 * 18 Castello, Carlos et alli (1991, Exposing Interest Rates: Their TrueSignificance for Microentrepreneurs and Credit Programs,disponible sur www.accion.org. * 19 M. ROUACH et G.NAULLEAU, le contrôle de gestion bancaire et financier, 3e éd. Paris, 2000, P. 312 |