IEP de Toulouse
Celine Prevost
Raphaelle Faure
Aurelie Hoarau-Michel
Les causes de la persistance des
conflits geostrategiques en Afghanistan
L'intervention américaine de 2001
Serninaire Socio!ogle de Fa conflictualite M.
Bernard LABATUT Mai 2008
Introduction
Historiquement situé en Asie, entre l'Europe, la Chine
et l'Inde, l'Afghanistan a toujours occupé une place centrale dans les
rivalités géopolitiques entre grandes puissances. Agissant comme
carrefour où se fixent les tensions internationales comme
régionales, ce pays est un espace stratégique majeur. Si l'on
considère que le conflit na»t de la rencontre entre des
activités, des intérêts et des flux divergents, la crise
afghane, qui dure depuis plus de 25 ans, en est naturellement un exemple
flagrant. De la guerre des moudjahiddins contre l'URSS à celle
engagée par les Etats-Unis et la coalition occidentale à
l'automne 2001, en passant par la guerre civile des années 1990,
l'Afghanistan est avant tout une terre de conflits
géostratégiques qui, variant en intensité et en nature,
résultent pourtant tous d'un enchevêtrement de rivalités,
de luttes d'influence et d'interventions de puissances
étrangères. En conséquence, actions militaires,
terrorisme, trafics de drogue et d'armes continuent de créer une
<<zone afghane de conflits >> qui s'étend de l'Afghanistan
au Cachemire en passant par le Pakistan. Aujourd'hui encore, l'ombre
fondamentaliste des talibans liée au terrorisme d'Al-Qaida
représente une menace internationale que combat toujours l'OTAN.
C'est la prise de Kaboul du 27 décembre 1979 par les
Soviétiques qui projette ce pays d'Asie centrale, très
indépendant et d'ancienne culture musulmane, au devant de la
scène internationale. Assimilée selon certains à une
<<troisième guerre mondiale >>, le soulèvement des
moudjahiddins contre l'occupant qui s'en est suivi, vivement appuyé par
Washington via ses alliés pakistanais et arabes saoudiens, marque la
naissance du concept de <<guerre sainte>> ou jihad. Ces
révoltes radicalistes, organisées des campagnes afghanes contre
l'invasion des << infidèles>> (kefir), poussent
à la retraite de l'Armée Rouge en 1989 laissant un pays
dévasté par dix ans de guerre anti-coloniale aux mains des
<< combattants de la liberté >>, idéologiquement
dispersés et politiquement rivaux. La disparition de l'ennemi commun
communiste provoque une double division au sein des moudjahiddins, qui se
fissure en différents groupes d'intérêt selon les ethnies
et les tendances religieuses. Ces luttes entre factions intégristes
mènent à une guerre civile sanglante1 pour le
contrôle du pouvoir et de la capitale. Les luttes de pouvoir se
réalisent par pays interposés, chacun apportant son aide à
une ethnie. Mais très vite, le soutien pakistanais aux étudiants
en religion (talibans) change la donne, leur permettant de conquérir
rapidement les places fortes du pays et de prendre Kaboul en décembre
1996. Cependant, les talibans ne parviennent pas à unifier le pays,
butant sur la résistance organisée par le commandant Massoud dans
le Nord-est. Pour terrasser militairement l'Alliance du Nord, les Pakistanais
durent s'en remettre à l'organisation des volontaires
zélés de Ben Laden. L'objectif est de faire de l'Afghanistan une
base islamiste inexpugnable et de forcer les Etats-Unis à envahir le
pays. Avec les attentats anti-américains du 7 aoüt 1998 à
Nairobi et de Dar es-Salaam, le régime est ouvertement accusé de
former et d'abriter des terroristes, ce qui lui vaut d'être
condamné par l'ensemble de la communauté internationale.
Les attentats du 11 septembre 2001 changent une nouvelle fois
la donne en Afghanistan, imposant une relecture géopolitique de toute la
zone. Frappés cruellement sur leur territoire dans les symboles
mêmes de leur puissance, les Etats-Unis, qui avaient favorisé
l'occupation des 4/5émes de l'Afghanistan par les talibans, s'efforcent
ensuite de détruire leur pouvoir par une action militaire,
destinée autant à punir l'agresseur qu'à restaurer leur
prestige mondial. Accusés de protéger le responsable des
attentats et chef de file d'Al-Qaida, les talibans sont devenus une
cible matérielle et concrète sur un territoire
délimité, pour une opération de guerre classique.
L'intervention armée en Afghanistan est placée sous le sceau de
"la guerre contre le terrorisme", dont les att entats du 11 septembre sont
devenus le nouveau Pearl Harbor, et mobilise de nombreux pays occidentaux
autour des États-Unis, incluant la France. Toutefois si l'on adopte la
pensée orientale, la lutte contre le terrorisme qu'ont lancé les
Etats-Unis en bombardant l'Afghanistan, n'est qu'une façade pour
atteindre des objectifs hégémoniques et intervenir militairement
là où leur intérêt l'exige. Mais, comme il serait
simpliste de s'arrêter à ces explications, il est
nécessaire de s'interroger sur les multiples causes qui conduisent
à l'intervention américaine en territoire afghan.
Comment différentes confrontations, propres à ce
carrefour géostratégique, ont-elles conduit à l'explosion
en 2001 des tensions anciennes et nouvelles?
En premier lieu, c'est l'articulation entre les
rivalités ethniques et les pressions croissantes exercées par les
puissances étrangères qui rend impossible l'émergence d'un
Etat uni et conduit à l'avènement du régime taliban (I).
Par la suite, ce régime fondamentaliste se radicalise jusqu'à
soutenir le terrorisme international d'Al-Qaida, considéré par
l'ensemble de la communauté internationale comme une menace mondiale
(II). Les attentats du 11 septembre agissent alors comme un catalyseur et
propulsent l'Afghanistan au centre de la Çglobal war on terrorÈ
déclarée par le Président Bush (III).
La guerre en Afghanistan découle en partie d'un conflit
local, fondé sur des oppositions tribales et ethniques, et sur le jeu
des puissances régionales (avec le Pakistan au premier plan, mais aussi
l'Iran linde et l'Arabie Saoudite) dont le jeu complexe a sous-tendu la
politique intérieure du pays. Plusieurs ethnies composent le tissu
social du pays, ce qui complique la vie politique depuis plusieurs
années2. Au début des années 1990,
privés d'un ennemi commun, la résistance organisée contre
l'URSS se fissure entre les partisans d'un Islam traditionnel, les
fondamentalistes, les chiites pro-iraniens et les sunnites pro-pakistanais. Le
pouvoir des Pachtounes, ethnie traditionnellement majoritaire dans le pays, est
désormais concurrencé par d'autres ethnies minoritaires mais dont
les chefs victorieux des Soviétiques, ont établi des fiefs
territoriaux indépendants (Tadjiks persophones sunnites, les Ouzbeks ou
les Hazaras chiites). Chaque ethnie essaye alors de se mettre en avant pour
obtenir un morceau de pouvoir et recherche une certaine autonomie dans la
province où elle réside. Les espaces ethniques sont en
compétition les uns avec les autres et empéchent ainsi la
construction d'un État afghan. Chacu n cherche à légitimer
ses propres demandes politiques en se fondant sur un sentiment d'appartenance
ethnico-spatial. La translation d'une segmentation ethnique en une segmentation
politique contribue au caractère interminable de la guerre, car il n'y a
pas de victoire décisive d'un groupe sur l'autre, puisque le groupe ne
correspond jamais à une entité politique apte à prendre et
à exercer le pouvoir.
Les puissances régionales jouent elles aussi un
rôle prépondérant dans la prolongation des conflits. Le
Pakistan tient à contrôler tout ou partie du futur Afghanistan
islamique pour s'assurer une profondeur stratégique face à linde.
Depuis des siècles, le commerce pakistanais dépend de la route
vers l'Asie centrale. Pour s'imposer et maintenir l'ouverture de cette voie
stratégique vers les richesses de cette région, le Pakistan a
tissé, gr%oce à des accords de coopération
économique, sa toile avec les Républiques d'Asie
centrale. En juin 1995, le Pakistan, le Turkménistan, la compagnie
américaine Unocal et la Delta Oil négocient la construction d'un
gazoduc. L'exploitation des matières premières nécessitant
un état de non-guerre en Afghanistan, il semble donc essentiel de
s'assurer le contrôle des territoires traversés par le futur
gazoduc. Pour cela, il fallait donc créer un mouvement national
cohérent fort au nom d'un islam rassembleur qui permettrait de
"pacifier" suffisamment l'Afghanistan. Le Pakistan, l'Arabie Saoudite et les
Emirats Arabes Unis, apportent donc leurs soutiens au mouvement des talibans,
qui appara»t seul capable à leurs yeux de stabiliser le pays.
L'Iran, affaibli par la guerre du Golfe, cherche alors, pour
s'affirmer comme puissance régionale, à garder le contrôle
des minorités chi'ites dans la région, voire à conserver
une influence chez les persophones (Tadjiks afghans et soviétiques).
L'Iran chiite accuse en ce sens les talibans sunnites de salir le nom de
l'islam par leur extrémisme et refuse de reconna»tre le
gouvernement en poste dans la capitale afghane. Téhéran
reconna»t l'ancie n président afghan, Burhanuddin
Rabbani3, destitué par les talibans, comme chef de l'Etat
légitime et accueille à cette période environ 1 million de
réfugiés.
Les Russes et les ex-républiques soviétiques ne
veulent pas quant à eux, d'un affrontement entre communistes et
islamistes, ni de l'arrivée au pouvoir des intégristes qui
menaceraient la stabilité de la région. Outre la Russie, l'Inde,
engagée dans un profond conflit avec le Pakistan, collabore avec les
Russes
pour renforcer la coalition anti-taliban.
Quant aux Etats-Unis, ils poursuivent eux aussi des objectifs
stratégiques, militaires et économiques en Afghanistan. Il s'agit
à la fois d'empêcher le régime iranien d'étendre son
influence au-delà de ses frontières, d'arrêter
l'expansionnisme soviétique en armant les maquis afghans et
d'éviter l'émergence (ou la reconstitution) d'une puissance
majeure à l'Est. En outre, les intérêts américains
nécessitent d'ouvrir la voie aux républiques d'Asie centrale pour
fournir des bases arrières stratégiques dans la région.
En 1994, l'émergence des talibans4 ou
<< étudiants en religion >> va bouleverser
à nouveau le pays
et changer la donne du <<jeu afghan>> pour nombre
d'acteurs internationaux. Né dans les écoles coraniques
(madrasas) et camps de réfugiés pakistanais, le
mouvement politico-militaire des talibans est d'abord caractérisé
par son extrême intégrisme, hérité de son fondateur
le mollah Omar5. En se transformant en régime islamiste
radical prônant le retour aux sources de l'islam le plus traditionnel, le
pouvoir taliban se construit en rupture avec la communauté
internationale. En effet, l'islamisation liberticide de l'Afghanistan ainsi que
son soutien avéré au réseau terroriste d'Al-Qaida
vaudra au pays d'être la cible de condamnations et
d'opérations militaires diverses des puissances étrangères
qui, en réponse aux attentats du 11 septembre et sous la coupe des
Etats-Unis, y mèneront une << guerre totale >> contre le
terrorisme.
Fulgurants vainqueurs (d'origine pachtoune) de la plupart des
autres factions afghanes et gr%oce à des aides extérieures
massives - soutien militaire du Pakistan, aide économique de l'Arabie et
connivence des Etats-Unis - les troupes des talibans conquièrent sans
difficulté les deux tiers du
3 Fondateur et chef du parti politique Jamiat Islami, un des
partis de la résistance afghane contre les Soviétiques,
d'inspiration islamiste et rassemblant surtout (mais pas exclusivement) des
Tadjiks du Nord. Le commandant Ahmed Chah Massoud était responsable de
la branche militaire de ce parti.
4 tâlebân
5 mollah Mohammad Omar Akhunzadah
pays (le sud et l'ouest), avant d'entrer dans Kaboul le 26
décembre 1996. Mettant à profit leurs appuis politico-religieux
islamistes et l'épuisement de la population après une
décennie de guerre et de retournements d'alliances fréquents, les
talibans écrasent la résistance de l' <<Alliance du Nord
>>, organisée par le commandant Tadjik Massoud dans le nord-est du
pays avec l'appui de la Russie, l'Iran et parfois aussi l'Occident. Ils
instaurent leur nouveau régime islamique qui
6
ramène la société afghane à la
misère et l'archa ·sme absolu. La char»'ah (la loi
islamique) originelle est appliquée au sens le plus strict et
érigée en norme ultime de tous les comportements humains et
sociaux. Intolérant et ultra fondamentaliste, le régime islamique
des talibans établit tout ce qui est licite (ou pas) en fonction de la
<<vraie religion >> et a contrario de l'impiété. Le
régime impose diverses restrictions discriminatoires, notamment envers
les femmes et les <<Infidèles >>. Premières victimes
de l'islamisation à outrance du régime, les femmes doivent se
couvrir entièrement d'une <<burka >>7 sous peine
d'être battues, et ont interdiction formelle de travailler,
d'étudier, ou même de circuler non accompagnées. Toute
forme de culture qui ne serait pas strictement religieuse (musique, danse,
photographie, littérature) ou rassemblement populaire est proscrit. La
peine de mort est de rigueur, notamment par lapidation. Mais l'instrument
essentiel du pouvoir tâleb reste la police religieuse qui, sous
l'autorité du << ministère de l'ordre du bien et de
l'interdiction du mal >>, traque tout adepte d'une religion autre que
l'Islam avec une hostilité particulière au christianisme et au
juda ·sme. Sur le plan international, le régime engage une lutte
à mort contre l'Occident, accusé d'entraver le plein
épanouissement du règne d'Allah sur terre, et entra»ne plus
ou moins ouvertement sur le sol afghan les << soldats de la foi>>
d'Al-Qaida pour lutter contre les Etats-Unis et leurs alliés,
Isra`l et les pays d'Europe de l'Ouest. Enfin pour financer leur régime,
les talibans utilisent à leur profit la production et la
commercialisation de drogue, faisant du pays un des principaux exportateurs de
pavot et produits dérivés (opium,
héro ·ne)8.
Non reconnu par la communauté internationale, leur
régime va peu à peu s'enfoncer dans la marginalité:
à partir de mai 1996, ils donnent asile à Oussama Ben Laden,
accusé d'avoir organisé les attentats contre les ambassades
américaines au Kenya et en Tanzanie en aoüt 1998. En refusant
l'extradition, formulée par les Etats-Unis, du numéro un
d'Al-Qaida alors que pèse sur lui un mandant d'arrêt
international, le régime taliban se voit infliger des sanctions par les
Nations Unies à partir de juillet 1999. En mars 2001, les statues
géantes des bouddhas de Bâmyân, classées patrimoine
commun de l'humanité, sont intégralement détruites sous
l'ordre du mollah Omar. Suscitant l'indignation générale, et
condamné à plusieurs reprises à la fois par les Nations
Unies et la communauté internationale dans son ensemble, le
régime des talibans appara»t néanmoins
déterminé dans sa volonté d'anéantir toute trace de
religion autre que l'IslamÉ et d'attirer sur lui l'attention mondiale.
La coordination de l'assassinat du commandant Massoud le 9 septembre 2001 par
des terroristes d'Al-Qaida et des terribles attentats
commandités par Ben Laden deux jours plus tard aux Etats-Unis, mettront
en lumière l'extrême dangerosité du régime taliban
pour le monde entier, faisant de l'Afghanistan une cible
privilégiée pour une action américaine de guerre
classique.
Le caractère hautement symbolique des cibles des
attentats 11 septembre et l'hypothèse d'un terrorisme spectaculaire par
effets de destructions massives a conduit les États-Unis à
engager la << Global War on Terror >>, une nouvelle forme de guerre
prolongée conduite en mode intégral sur les théâtres
intérieurs comme extérieurs.
La justification de la guerre représente un devoir
d'ordre moral pour les États-Unis. Cependant, les origines de
l'intervention en Afghanistan en 2001 ne sauraient se réduire à
cela, il convient pour une compréhension globale des causes de
l'intervention américaine, d'examiner les facteurs économiques,
politiques et idéologiques propres aux États-Unis.
Ces attentats nous le du terme9
comme rappelle l'étymologie ont
<<attenté>> sur les Américains une double violence.
Mais au-delà du dommage physique, cette violence, brève, et
préméditée, a attenté au principe politique
d'autorité et à la légitimité des États-Unis
: ils ont bouleversé pour un temps le rapport de force entre <<
forts>> et << faibles >>. La première puissance
mondiale s'est vue humiliée, jugée, et violée sur son sol
tandis que l'autre camp, celui des terroristes s'est senti encouragé,
éclairé, vengé et solidaire. Cette <<pratique
sporadique de la violence >>10offre au terroriste l'effet
escompt é : la panique, le discrédit voire la paralysie de
l'ennemi. Selon R. Aron l'acte terroriste recherche << un effet
psychologique supérieur à ses effets physiques >>. Puis,
elle est caractérisée par le secret qui l'entoure : les auteurs
se cachent avant et tentent de dispara»tre après. Enfin, un
attentat peut n'être que le premier d'une série, il provoque ainsi
un effet d'attente et l'affolement de l'adversaire.
Les attentats du 11 Septembre ont marqué le
début d'une forme de guerre nouvelle qui se distingue par son
caractère asymétrique en opposant des réseaux terroristes
à la première puissance militaire mondiale: des logiques
différentes et une profonde disparité des moyens humains,
logistiques et économiques. Les <<faibles>> se sont servis
de la menace terroriste et ont exploité les vulnérabilités
physiques et psychologiques des États-Unis. Face à cette menace
et du fait des différences transcendantes entre les deux bords, la seule
solution pour résoudre la confrontation avec cet ennemi est sa
destruction physique puisque sa nature et son existence même constituent
une menace. Et quand bien même elle n'est pas imminente, elle reste
potentielle et implique donc la nécessité d'agir de
manière préemptive, ce qui va provoquer une redéfinition
profonde de la doctrine de sécurité américaine. Celle-ci
se double d'une simplification des termes qui débouche sur une
conception manichéenne du monde : G.W. Bush qualifie l'ennemi comme
<< ceux qui ha ·ssent la liberté>> ou encore les
<<evildoers >>1 1 . Le déclenchement de
l'opération Liberté Immuable permet aux Etats-Unis d'ouvrir un
nouveau front dans leur guerre contre le terrorisme12 .
Aux prémisses du mandat de G.W. Bush, la dissuasion
occupa une place importante dans la définition des tenants de la
politique étrangère des Etats-Unis. En Janvier 2000, Condoleeza
Rice était claire : la dissuasion constituera un des piliers de la
politique étrangère de Bush (Voir Annexe 2 §1). Pourtant
l'année d'après, les États-Unis déclarent la guerre
à l'Afghanistan. Ce revirement illustre la perte d'influence des
<<réalistes pragmatiques>> et de leurs recommandations dans
l'administration Bush après les attentats du 11 Septembre 2001. De
plus,
9 Étymologiquement attentat est l'action qui tente quelque
chose contre, qui agit de manière à détruire.
10 << C'est la pratique sporadique de la violence
armée par des groupes clandestins visant des cibles symboliques à
des fins politiques >>
http://www.huyghe.fr/actu_440.htm
le site de Francois-Bernard Huyghe).
11 Mot qui signifie à peu près << ceux qui
font le mal>> et est parfois employé dans les contes enfantins
anglo-saxons pour désigner les Méchants.
12 <<Nous avons ouvert un nouveau front dans notre guerre
contre le terrorisme >>. Porte-parole de la MaisonBlanche 7 octobre
2001.
G.W. Bush a pratiqué une assimilation des rogues
States (États voyous) aux groupes terroristes qui ne peuvent
être dissuadés, étant décentralisés et
non-territorialités. Dans les discours du Président
américain et du Secrétaire d'Etat Colin Powell, et dans plusieurs
documents officiels (voir Annexe 2 §2) définissant la politique
américaine, le choix unilatéraliste est clairement
énoncé. Inutile de rappeler l'influence de Donald Rumsfeld et du
PNAC13 (voir Annexe 2 §3) dans la définition de la
doctrine américaine en vue d'asseoir la domination mondiale des
ÉtatsUnis au XXIe siècle.
L'OTAN avait déclaré le 11 septembre 2001 que
les attentats contre les États-Unis constituaient <<une attaque
contre tous les États membres >> (voir annexe 2 §4), leur
octroyant ainsi son soutien. Pourtant G. W. Bush n'a même pas
utilisé cet appui pour légitimer l'intervention en Afghanistan.
Le mépris du gouvernement américain est clairement
révélé. La réponse des États-Unis fut
même de déclencher l'état d'exception c'est-à-dire,
la capacité dans certaines circonstances à désigner
l'ennemi public.
L'érosion progressive du rapp ort entre ordre interne
et affaires internationales a conduit à l'importation de la logique de
guerre à l'intérieur. Ainsi les États-Unis se sont
arrogés la capacité de suspendre les règles de droit
international pour lutter contre un ennemi intérieur. Mais
l'intérieur possède ici des limites floues dessinées par
l'hégémonie américaine où le monde entier devient
le contenant de ce qui est intérieur. Tout en considérant leur
souveraineté comme inviolable, les États-Unis s'octroient le
droit, au nom de condition d'exception, d'intervenir dans les affaires d'autres
États, voire d'opérer des changements de régime au nom du
devoir Wilsonien de <<mission américaine>> et de promotion
des valeurs démocratiques. Ils imposent aux autres États de se
soumettre à un Droit International remodelé sans s'y contraindre
eux-mêmes gr%oce à une légitimation forte : la guerre
contre le terrorisme. C'est sous couvert d'une guerre juste que les
États-Unis s'illustrent dans une logique impérialiste
inavouée. Du point de vue idéologique,
14
en dénoncant un empire du mal, Bush Junior se place
très proche de Ronald Reagan.
À travers l'intervention militaire, les
États-Unis cherchent bien plus que la défaite des réseaux
de Ben Laden mais l'enracinement de la << victoire >>
américaine dans la zone marquée par la chute de l'Union
soviétique et les succès de la stratégie américaine
en Irak en 1990, face au possible renouvellement d'anciennes formes de
concurrence entre grandes puissances (Russie, l'Inde et la Chine).
Conclusion
Le caractère central, géopolitiquement instable
et la division au sein même de l'Afghanistan ont contribué
à en faire un point de fixation des tensions entre les acteurs locaux,
régionaux et internationaux. L'intervention américaine,
immédiatement après les attentats contre les Twin Towers, ouvre
le quatrième acte des guerres afghanes. Même si en 2004 la chute
des talibans est entérinée15 par la mise en place du
gouvernement provisoire modéré d'Hamid Karza ·, les
tensions sont loin d'avoir disparu, comme le prouve encore aujourd'hui
l'engagement continu des forces de l'OTAN en territoire afghan.
13 Project for the New American Century.
14 R. Reagan avait surnommé l'Union soviétique
<< l'empire du mal >> et avait autorisé la CIA à
soutenir des mouvements de guérillas de droite contre les régimes
en place au Nicaragua, en Angola ou en Afghanistan pour endiguer la
poussée communiste.
15 Accords inter-afghans de Bonn, Décembre 2001.
Cartographie des groupes ethnolinguistiques en
Afghanistan
(Source :
http://www.lib.utexas.edu/maps/middle_east_and_asia/afghanistan_ethnoling_97.jpg)
Les Etats-Unis : declarations, positions, influences
§1 En Janvier 2000, Condoleeza
Rice écrivait dans l'article Promoting the national interrest
dans Foreign Affairs:
<< The first line of defense should be clear and
classical statement of detterence, if they do acquire Weapons of Mass
Destruction, their weapons will be unusable,because any attempt to use them
will bring national obliteration>>: <<La première ligne de
défense devrait être une posture claire et classique de
dissuasion, s'ils acquièrent des armes de destruction massive, ces armes
serons inutilisables car la moindre tentative de s'en sortir entrainera
l'effacement de la nation >>.
§2 Dans les discours du
Président américain et du Secrétaire d'Etat Colin Powell,
et dans plusieurs documents officiels définissant la politique
américaine (Reconstruire les défenses de l
'Amérique.
Stratégie, forces et ressources pour un nouveau
siècle (2000) ou dans le rapport Quadrennial Defense Review
(2001)), le choix unilatéraliste est clairement
énoncé.
§3 L'influence de Donald
Rumsfeld et du PNAC (Project for the New American Century) est centrale dans la
définition de la doctrine américaine pour engager les moyens de
prolonger au 20ème siècle la domination mondiale des États
Unis. Le PNAC
est un groupe de
réflexion et d'influence néoconservateur (think
tank), Ïuvrant à la promotion de l' <<American Global
Leadership >>, acquis depuis la Seconde guerre mondiale.
§4 Déclaration du Conseil
de l'Atlantique Nord - 11 septembre 2001 : (
http://www.nato.int/docu/pr/2001/p01
-1 24f.htm)
<<Le Conseil a décidé que, s'il est
établi que cette attaque était dirigée depuis
l'étranger contre les États-Unis, elle sera assimilée
à une action relevant de l'Article 5 du Traité de Washington, qui
stipule qu'une attaque armée contre l'un ou plusieurs des pays
alliés, en Europe ou en Amérique du Nord, sera
considérée comme une attaque dirigée contre tous les
Alliés>>
Bibliographie
Dupaigne (Bernard) et Rossignol (Gilles), Le carrefour
afghan, Paris, Gallimard, 2002. Dorronsoro Gilles, La
révolution afghane : Des communistes aux talibans, Paris,
Karthala, 2000.
Roy (Olivier), Afghanistan : les raisons d'un conflit
interminable. Cultures & Conflits n°1, 1990, pp. 13-23.
Roy (Olivier) et Zahab (Abou), Réseaux islamiques : la
connexion afghano-pakistanaise, Paris, Ed. CERI/Autrement, 2002.
Roy (Olivier), Les illusions du 11 septembre : le
débat stratégique face au terrorisme, Paris, Seuil, 2002.
Ali Tariq, Le choc des intégrismes : Croisades,
djihads et modernité. Paris. Textuel, 2002, 352 P.
Rashid (Ahmed), L'ombre des taliban, Paris, Autrement,
2001.
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