La psychologie, un genre médiatique devenu rentable( Télécharger le fichier original )par Ariane Gaffuri Celsa-Université de Paris IV-Sorbonne - Master 2 Pro en Information et Communication spécialisé en Journalisme 2008 |
1.2.2 Un genre rentable ?Selon certains observateurs, la psychologie s'est répandue dans les médias parce qu'elle est en phase avec la tendance actuelle qui donne une large place à la prise de parole, à l'introspection de l'individu et de la collectivité, au désir de mieux vivre avec soi-même et avec les autres. Cette disposition est particulièrement perceptible dans le mensuel Psychologies Magazine. Elle intéresse aussi parce qu'elle permet à l'intimité et à son expression de s'exhiber et d'être vues. L'observation du contenu des programmes de télévision à succès montre l'importance croissante de l'émotion, laquelle oscille entre la joie et la détresse, avec une présence plus fréquente de cette dernière. Les studios et les plateaux sont occupés par les artistes, les personnalités politiques et d'autres acteurs de la société qui parlent avec leurs « tripes ». « Ce sont ceux que les animateurs appellent les "bons clients" ; des invités qui vont dire à coup sûr des choses fortes, propres à déclencher le rire, la compassion, en tout cas l'adhésion des auditeurs et spectateurs [...] et faire monter l'audience... »18(*) Ce constat est manifeste dans les émissions de flux comme « Ca se discute » de Jean-Luc Delarue qui ont gagné de l'argent en utilisant la psychologie.19(*) Pour rester compétitifs, les responsables de ce type de programmes sont à l'affût de recettes à la mode qui ont déjà fait leurs preuves en France ou à l'étranger. Comme l'explique Arnaud Gachy, directeur de la communication de Réservoir Prod, qui produit « Ca se discute » : « Les thématiques des émissions se décident `au feeling' et au gré de l'actualité. Les sujets qui marchent sont surtout les sujets « people » depuis 5, 6 ans. Les émissions sur la santé, par exemple le cancer, marchent bien aussi, à condition qu'elles ne soient pas anxiogènes. »20(*) Pour l'audience, cette expression de la discipline peut présenter plusieurs promesses : se divertir tout en s'identifiant aux souffrances d'autrui et se réconforter sur sa propre condition. Selon Evelyne Dubreu, psychologue clinicienne : « Les thèmes présentés dans "Ca se discute" permettent à une multitude de gens de s'y retrouver, de s'identifier21(*), soit à leur propre histoire soit à celle de quelqu'un de leur entourage. Ils ne se sentent pas seuls, cela les rassure. C'est ce qui rapporte. » La psychologie dans les médias est devenue un produit de consommation rentable parce qu'elle attire un large public et de nombreux annonceurs. La prise de parole introduite par Sigmund Freud, le père de la psychanalyse, s'est émancipée. Aujourd'hui on dit ce qu'hier on taisait. Il y a quarante ans encore, le non-dit régnait et bien des drames étaient vécus dans le silence. Comment et grâce à quels intermédiaires la parole s'est-elle libérée dans les médias ? Pour mieux comprendre la situation actuelle, il est important de se tourner vers le passé. La deuxième partie de ce mémoire se consacrera à l'histoire. * 18 Rieffel, Rémy, « Que sont les médias ? », Gallimard, 2005, p. 282. * 19 Nous verrons comment dans les pages qui vont suivre et dans l'Annexe 1 (Les chiffres de « Ca se discute »). * 20 Interview, novembre 2007. * 21 L'identification est connue par la psychanalyse « comme expression première d'un lien affectif à une autre personne [...] Elle aspire à rendre le moi propre semblable à l'autre pris comme modèle », Freud, Sigmund « Essais de psychanalyse », Payot, 1981, pp. 167-169. |
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