La psychologie, un genre médiatique devenu rentable( Télécharger le fichier original )par Ariane Gaffuri Celsa-Université de Paris IV-Sorbonne - Master 2 Pro en Information et Communication spécialisé en Journalisme 2008 |
2.3.2 L'émission fait scandale en 1983« Il n'y a qu'une seule chose que je craigne, c'est qu'on nous oblige à faire de la morale [...] parce que l'éthique de la psychanalyse ce n'est rien d'autre que de faire apparaître cette fameuse question du comment vivre, et comment vivre avec son prochain. »62(*) Serge Leclaire, « A chaud après Psy-Show », 1983. En 2008, nous sommes loin de l'indignation que « Psy-Show » a suscitée naguère. En 1983, l'émission est largement dénoncée dans la presse et sur les bancs de l'Assemblée nationale. Un député RPR fustige un programme télévisé « déplacé et scandaleux. »63(*) Un psychanalyste condamne « l'exhibition de chair fraîche et de pulsions qui offre un spectacle pitoyable. »64(*) Pour lui, ce « déballage » télévisuel a un rôle pernicieux et est symptomatique d'une société en déliquescence, dépourvue de règles de conduite. Un autre sujet d'indignation est l'éventuelle manipulation des témoins par les journalistes et la chaîne pour appâter le spectateur et faire de l'audience. Qu'en disent les « professionnels du surmoi » ? En 1991, Gérard Bayle, directeur adjoint de la Revue française de Psychanalyse65(*), étudie les émissions de Pascale Breugnot. Il reconnaît que les témoins ont fait le choix de participer au programme en toute liberté. Il estime cependant que « tout est une question de déontologie de la part de ceux qui font la télévision. On n'a pas le droit d'entraîner quelqu'un dans la fosse aux lions en lui faisant croire qu'on veut le sauver. Le couple participant vient dévoiler un bout de son âme, authentique et bouleversant. Il paie son passage à la télévision avec une livre de chair, de vraie émotion, et la télévision se jette dessus pour en faire du ragoût. »66(*) En réponse à ces observations, Pascale Breugnot dément avoir utilisé les témoins sans scrupule dans le but de faire de l'audience. Ils pouvaient assister au montage et refuser la diffusion. Il y avait aussi un suivi des participants, après l'émission. « Serge Leclaire les rencontrait au moins trois ou quatre fois par la suite et s'ils souhaitaient continuer à faire un travail sur eux-mêmes, nous les orientions, indique l'intéressée. Certains ont été pris en main par des psychothérapeutes. Pour ma part, je restais en contact pendant des années parfois. J'ai arrêté l'émission parce que j'avais l'impression de devenir psychanalyste à temps complet. »67(*) Malgré les critiques, il était, pour Serge Leclaire, important de faire sortir la psychanalyse de son ghetto et la rendre accessible à tous. La télévision lui en offrait l'opportunité. Il a été « traîné dans la boue » par ses pairs, raconte Pascale Breugnot. « Psy-Show » sera suivi de nombreux talk shows produits mais non présentés par la journaliste, celui-ci étant le seul où elle apparaît. * 62 Leclaire, Serge, « A chaud après Psy-Show », Aujourd'hui la vie, Antenne 2, 4 novembre, 1983. * 63 Landrot, Marine, « Une liaison dangereuse », Télérama, n° 2184, 20 novembre 1991. * 64 Ibid. * 65 Première revue internationale de psychanalyse en langue française, parution trimestrielle. * 66 Ibid. * 67 Breugnot, Pascale, Interview, Paris, 18 décembre 2007. |
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