L'émergence d'une culture des droits de l'homme au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Cyrille APALA MOIFFO Université de Nantes - Diplôme d'Université de 3è cycle en Droits Fondamentaux 2005 |
CHAPITRE II :LES PERSPECTIVESL'enracinement de la culture des droits de l'homme est une dynamique qui intègre trois phases : d'abord la préservation des acquis, ensuite leur remise en cause permanente afin de ressortir les difficultés de mise en oeuvre à tous les niveaux de la structure étatique, enfin la recherche des solutions concrètes en vue de l'amélioration des pratiques respectueuses des droits de l'homme. Le présent chapitre se situe justement en droite ligne des propositions allant dans le sens de faire du respect des droits de l'homme au Cameroun la chose la mieux partagée par tous, une réalité qui ne sera plus considérée comme l' « affaire » des élites, des citadins ou des intellectuels. Le renforcement de l'Etat de droit et de la démocratie (Section 1) et une meilleure organisation de la société civile (Section 2) en constituent les axes majeurs. SECTION 1 : LE RENFORCEMENT DE L'ETAT DE DROIT ET DE LA DEMOCRATIELes transitions démocratiques qui se sont opérées en Afrique dans les années 1990, ont amené les Etats à expérimenter l'exercice par les citoyens, de nombreux droits et libertés qui ne leur étaient pas consentis depuis presque les indépendances. Les dirigeants devaient aussi faire le dur apprentissage de leur soumission aux textes législatifs et réglementaires régissant certains droits, qu'ils n'avaient pratiquement jamais respectés. Désormais, la règle « tu patere lege quam fecisti »150(*) devient incontournable, et les populations sont appelées à participer activement à la gestion des affaires publiques151(*). Mais, les imperfections relevées à ce niveau appellent à un renforcement de l'Etat de droit qui passe par la consolidation de la bonne gouvernance (Paragraphe 1) et le renforcement de l'éducation aux droits de l'homme (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : La consolidation de la bonne gouvernanceLa consolidation de la bonne gouvernance apparaît comme un ensemble de mesures qu'il convient de prendre afin de permettre la pleine jouissance par les populations de leurs droits et libertés, mais aussi l'accomplissement des devoirs qui leur incombent vis-à-vis de l'Etat et des autres membres de la société. Etant donné qu'elle suppose le souci de l'intérêt général, nous pensons qu'il est nécessaire pour la consolider : - D'engager et d'achever le processus de mise en place des nouvelles institutions créées par la Constitution de 1996. en effet, dix ans après son entrée en vigueur, force est de constater que la plupart des institutions nouvellement créées restent toujours lettre morte. C'est le cas des régions dans le cadre de la décentralisation territoriale, du Sénat dans le cadre de l'instauration d'un parlement bicaméral, de la Cour constitutionnelle, des tribunaux administratifs152(*), etc. De toutes les nouvelles institutions, seule la Chambre des comptes de la Cour suprême est à ce jour opérationnelle. - De poursuivre la lutte acharnée contre la corruption en vue d'assainir et de moraliser les comportements153(*). - De mettre fin à l'impunité à travers des sanctions exemplaires contre les responsables des atteintes à la fortune publique et aux droits et libertés fondamentaux. - Restaurer le culte du mérite, de l'effort et de la compétence, comme critères exclusifs des promotions et nominations dans l'administration publique et les consolider dans le secteur privé, afin d'inverser la tendance qui consiste à les percevoir « comme une gratification du pouvoir à telle ethnie ou à tel clan »154(*). - Restaurer la neutralité de l'appareil administratif dont les hauts responsables ont tendance à se mettre plus au service d'un corporatisme politique155(*). A ce sujet, NGUELE ABADA pense que « l'administration d'Etat devient par conséquent otage du pouvoir politique pris au sens des partis politiques (...) et ne répond plus aux nécessités de l'intérêt général mais à l'impératif de fidélisation au parti »156(*). Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à voir le déploiement sur l'étendue du territoire en période électorale, de certains fonctionnaires et hauts cadres, qui abandonnent leurs postes de travail pour aller battre campagne. En tout état de cause, l'efficacité des mesures ci-dessus préconisées ne peut prendre cops que si l'éducation aux droits de l'homme est renforcée. * 150 Locution latine qui renvoie au principe de la soumission de l'Etat au droit et qu'on pourrait traduire par : « La loi édictée doit être respectée ». * 151 A travers l'expression libre du suffrage universel direct qui leur permet de désigner leurs représentants aussi bien au niveau local (communes) qu'au niveau national (Président de la République, députés), mais aussi à travers leur participation au processus de prise de décisions, c'est-à-dire la représentation de la société civile au sein de nombreuses instances de concertation et de décision. Voir Supra, Première partie, Chapitre 2, Section 2, paragraphe 1, A. * 152 Le cadre juridique de certaines d'entre elles a déjà été fixé. La raison invoquée par les pouvoirs publics pour justifier leur inopérationnalité est d'ordre économique car, leur mise en place nécessite des ressources financières importantes dont le pays ne dispose pas pour le moment. Il est à craindre qu'une telle raison soit indéfiniment invoquée créant ainsi un vide institutionnel. Sur le cadre juridique de ces institutions, voir : - La loi n°2003/005 du 21 avril 2003 fixant les attributions, le fonctionnement et l'organisation de la Chambre des comptes de la Cour suprême ; - La loi n°2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel ; - La loi n°2004/017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation ; - La loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes ; - La loi n°2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions. * 153 Le Cameroun a ratifié en 2004, la Convention des Nations unies contre la corruption du 31 octobre 2003. * 154 BOUKONGOU (J.D), op. cit, p. 208. * 155 La notion d'Etat-parti (au pouvoir) est encore très présente dans l'esprit de beaucoup de fonctionnaires et responsables administratifs qui tiennent souvent leurs postes de leur appartenance à celui-ci. * 156 NGUELE ABADA (M), op. cit, p. 140. |
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