L'émergence d'une culture des droits de l'homme au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Cyrille APALA MOIFFO Université de Nantes - Diplôme d'Université de 3è cycle en Droits Fondamentaux 2005 |
SECTION 2 : L'ACTION DE LA SOCIETE CIVILEDepuis 1990, à la faveur du vent de libéralisation, l'idée de société civile a pris corps sur la scène socio-politique des pays africains. La dynamique libérale ainsi insufflée a vu intervenir aux côtés de l'Etat, de nouveaux acteurs dans le champ de la défense et de la promotion des droits des individus, désignés sous le terme générique de société civile. En prenant en compte la définition de la société civile selon laquelle c'est « la fraction de la société globale située en dehors des structures de l'Etat et agissant à travers les structures de types associatives, coopératives ou associations de défense des droits et des intérêts, hors du cadre des partis politiques »89(*), on peut en déduire que la société civile est constituée des acteurs privés. Et que ces derniers agissent pour la défense des intérêts communs, en toute indépendance et à l'abri de toute influence des gouvernants. Dans le secteur des droits de l'homme, ces acteurs sont des ONG ainsi que des associations de défense et de promotion des droits de l'homme90(*) dont l'action contribue au renforcement du cadre normatif et institutionnel (Paragraphe 1) et à l'amélioration des pratiques respectueuses de ces droits (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : La contribution des ONG et associations au renforcement du cadre normatif et institutionnelLa contribution des associations de défense des droits de l'homme se manifeste par leur implication dans le processus de prise de décision par les autorités publiques (A) et par leur influence sur le renforcement du cadre normatif des droits de l'homme (B). A- L'implication dans certaines instances de concertation et de décision L'essor des organisations de la société civile a permis à la démocratie de trouver un terreau fertile pour son expression. L'une des manifestations de cette expression est la participation des organisations de la société civile au processus de prise de décisions qui aboutit à des propositions concrètes faites aux pouvoirs publics sur des questions spécifiques. C'est ainsi que l'approche participative privilégiée par les gouvernants a abouti à la désignation des représentants des ONG et associations dans divers organes, comités et commissions. Aussi interviennent-elles dans la mise en oeuvre du PNG à travers son Comité de pilotage91(*). Leurs représentants siègent au sein du Comité ad hoc, de l'Observatoire92(*) et des Cellules ministérielles de lutte contre la corruption, de la Commission nationale anti-corruption93(*), ainsi que d'autres organes consultatifs crées par les pouvoirs publics. A travers cette implication dans les organes de concertation et de décision, les organisations de la société civile ont ainsi l'occasion d'influencer le cadre normatif des droits de l'homme. B- L'influence sur le renforcement du cadre normatif La participation de la société civile à la Conférence tripartite 94(*) de novembre 1991 a été une expérience bénéfique pour la démocratie, et les contributions recueillies ont permis des avancées notables vis-à-vis du dispositif législatif et réglementaire au Cameroun. A diverses occasions, les ONG et associations ont réussi à faire intégrer leurs préoccupations. Ces actions se sont manifestées entre autres, par leurs contributions à la réforme constitutionnelle de 1996, à la mise en place d'un cadre juridique relatif à la protection de l'environnement et de la nature, à la loi sur la gestion et l'exploitation forestière, à l'aménagement d'un système électoral qui donne des garanties des élections libres, transparentes95(*). Les contributions de la société civile au renforcement du cadre normatif et institutionnel ont pour effet d'améliorer les pratiques respectueuses des droits de l'homme. * 89 Cette définition est de ABEGA (S.C), cité par BOUKONGOU (J.D), « Prolégomènes sur la contribution de la société civile à la promotion de la dignité humaine au Cameroun », Cahier africain des droits de l'homme n°8, Dynamiques citoyennes et dignité humaine en Afrique centrale, Presses de l'UCAC, 2002, p. 19. * 90 Une enquête réalisée par l'APDHAC en 1999 avait identifié pour la ville de Yaoundé, 60 ONG et associations déclarées qui opéraient dans le domaine des droits de l'homme. Mais, la réalité sur le terrain était toute différente car, plusieurs d'entre elles avaient cessé d'exister ou n'étaient tout simplement pas repérables à leur adresse d'enregistrement. * 91 Voir décision n°001/CAB/PM du 27 mai 2003, portant constitution du Comité de pilotage du Programme national de gouvernance. * 92 L'arrêté n°001/PM du 4 janvier 2000 fixe l'organisation de l'Observatoire de lutte contre la corruption. * 93 Créée par le décret n°2006/088 du 11 mars 2006. * 94 Elle fût annoncée et organisée en réponse aux exigences des partis politiques de l'opposition et d'une fraction de la société civile qui réclamaient la tenue d'une conférence nationale souveraine au cours de laquelle les bases de la société politique camerounaise devaient être remises en cause. Un refus catégorique leur fût opposé par le Président BIYA qui opta pour l'organisation d'un « large débat national » qui prit finalement l'appellation de Conférence tripartite (pouvoirs publics - partis politiques - société civile). * 95 Une action récente dans ce sens est le rapport des évêques du Cameroun sur l'élection présidentielle du 11 octobre 2004. Infra, section 2, paragraphe 2, A, 2. |
|