C. Les branches économiques
Face à la difficulté de représenter de
manière générique les acteurs, nous avons
décidé de définir des branches d'activité
économiques. Chaque indicateur est donc classé en fonction de sa
pertinence pour chaque branche économique, mais c'est évidemment
la classe « agriculture » qui revient le plus souvent.
Ces branches d'activité économiques sont :
L'agriculture
Les agriculteurs.
La manufacture
Industriels et salariés d'industrie.
Les services
Fournisseurs de services : commerces, conseils, services
à la personne, banques, informations, etc.
Le transport Entreprise de transport et leurs
salariés.
L'énergie Entreprise fournissant de
l'énergie et leurs salariés.
La consommation finale Les consommateurs
finaux.
Le reste du monde Le reste du monde, qui
interagit avec les autres secteurs économiques.
D. Les fonctions environnementales
Afin d'appréhender les interactions entre
l'activité agricole et l'environnement, nous nous sommes d'abord
posé la question de savoir quelles sont les fonctions que jouent
l'environnement, et comment sont-elles modifiées par l'activité
agricole ?
Nous avons travaillé sur les typologies existantes dans
la littérature scientifique. Le terme « fonction environnementale
» a été introduit pour la première fois par R.
Hueting en 1980. Depuis, le terme est entré dans le langage courant du
monde scientifique et de nombreux chercheurs se sont penchés sur le
sujet. Pourtant l'utilisation de ce terme et la signification que l'on y
attribue ne font pas l'unanimité.
1. Définitions de fonctions environnementales,
fonction of/for
Wallace définit clairement les fonctions de
l'écosystème comme des processus, il nous en donne une
définition plus précise : les processus des
écosystèmes sont les interactions complexes
(événements, réactions, opérations) entre
éléments de l'écosystème biotiques et abiotiques,
qui mène à un résultat défini (Wallace 2007). En
1992, de Groot définit les fonctions environnementales comme la
capacité des processus et composants naturels à fournir des biens
et services qui satisfont, directement ou indirectement, les besoins humains.
Cette définition est reprise plus tard avec peu de variantes par
d'autres auteurs (Ekins 2003). Toutes les définitions ont en commun de
prendre comme référence les besoins humains et font appel
à la notion de fourniture de biens et services par les processus
naturels.
Ces mêmes auteurs parlent de deux types de fonctions.
Douguet et O'Connor différencient le fonctionnement interne du
système naturel et le rôle spécifique des services fournis
par le système naturel comme support aux activités humaines. Pour
de Groot, le concept de fonctions environnementales est parfois utilisé
pour décrire les fonctions internes à l'écosystème,
et parfois est relié aux bénéfices tirés par les
humains des propriétés et processus des écosystèmes
(Groot, Wilson et al. 2002). De même, Ekins distingue les fonctions
for qui fournissent des bénéfices directs aux humains,
facilement perçues et appréciées, et les fonctions
of (de l'environnement) qui maintiennent l'intégrité
basique du système naturel en général et des
écosystèmes en particulier (Ekins 2003). Tous distinguent donc
les fonctions internes et les fonctions fournies par l'environnement, en
soulignant que ces fonctions fournies dépendent directement des
fonctions internes, toutes sont donc utiles à l'activité
humaine.
2. Classification de Pearce & Turner
(1990)
Ces auteurs font référence à
l'interaction entre l'économie et l'environnement et aux concepts de
l'économie circulaire. Ils en concluent que les fonctions
économiques de l'environnement sont au nombre de trois :
Resource supply
Rôle de fourniture de matières premières.
Waste assimilation
Capacité d'absorption et de recyclage des
déchets.
Aesthetic commodity
Cette fonction, que Pearce & Turner ont appelé aussi
« direct source of utility », concerne tous les autres
bénéfices que l'homme peut tirer de l'environnement.
Les auteurs estiment que ces trois fonctions de l'environnement
sont les composantes d'une fonction environnementale plus globale qui est celle
de « life support ».
3. Classification de De Groot (1992 - 2006)
De Groot identifie quatre fonctions environnementales majeures
(Groot 2006) :
Production
Capacité de production de l'écosystème
(photosynthèse, alimentation et matière premières,
etc.).
Regulation
Capacité des écosystèmes naturels ou semi
naturels à réguler leurs processus essentiels (cycles
biogéochimiques, etc.).
Habitat
Fourniture de refuge et de lieu de reproduction pour les plantes
et les animaux et contribution à la préservation de la
diversité biologique et génétique.
Information
Capacité à maintenir la bonne santé
humaine en fournissant des opportunités de réflexion,
d'enrichissement spirituel, de développement cognitif, des espaces
récréatifs et des expériences esthétiques.
En 2006 De Groot apporte une adjonction à sa
classification avec une cinquième fonction :
Carrier Capacité de
l'écosystème à fournir des espaces capables d'accueillir
l'activité humaine.
Chacun de ces processus ont un double rôle, celui de
préserver la bonne santé des écosystèmes et de
fournir en même temps des services ayant un impact direct sur le bien
être humain (purification de l'air, de l'eau et du sol...).
4. Classification de Noël et O'Connor (1998)
Noël et O'Connor ont identifiés cinq fonctions
environnementales :
Source
Capacité à fournir des ressources pour
l'activité (économique) humaine: produits forestiers (ex. bois),
aliments (ex.: poissons, champignons, fruits de la forêt), plantes
médicinales, pollinisation, contrôle biologique des organismes
nuisibles et des maladies, amélioration de la fertilité du sol
agricole.
Sink
Capacité à absorber, neutraliser et recycler
les déchets issus des activités humaines: rôle du sol et
des plantes dans l'absorption du CO2, rôle des cycles bio- et
géochimiques pour la qualité de l'air et l'absorption des
déchets gazeux, rôle des zones humides dans la purification des
eaux.
Site
Fourniture d'un espace physique pour les activités
humaines.
Life Support
Maintien de l'équilibre de l'espace de vie pour
l'homme et les autres êtres vivants, contrôle du cycle hydrologique
assuré par les forêts, prévention de l'érosion par
fixation du sol par la couverture végétale.
Scenery
Cette « fonction » est l'expression de la dimension
spirituelle de la nature. Il s'agit de la valeur d'existence de la
biodiversité, du support que l'environnement peut offrir à des
formes sociales et culturelles spécifiques, des convictions
éthiques, de l'appréciation esthétique, de la valeur
récréative.
O'Connor travaille actuellement (2008) sur l'ajout d'une
nouvelle catégorie de fonction :
Stability
Cette catégorie fait référence à la
capacité des écosystèmes à fournir une protection
aux êtres vivants et une certaine forme de stabilité dont
dépend les activités humaines.
La classification de Noël et O'Connor relève
particulièrement les interactions homme- écosystème.
5. Classification de Daily (1999) Daily parle
quant à elle de 5 catégories (Daily 1999) :
Production of goods
Capacité de l'écosystème à fournir
de l'alimentation, des matières premières, des carburants,
etc.
Regeneration Process
Capacité de l'écosystème à se
régénérer (détoxification et dégradation des
déchets, purification de l'eau, de l'air, etc.).
Stabilizing Process
Capacité de l'écosystème à
stabiliser ses processus (régulation du climat, régulation du
cycle hydrologique, etc.).
Life Fulfilling Functions
Fourniture de la part de l'écosystème des aspects
culturels, spirituels, découvertes scientifiques.
Preservation of options
Importance de maintenir les composantes et les
systèmes écologiques nécessaires pour garantir dans
l'avenir les biens et services de l'écosystème. Cette notion ne
représente pas à elle-même une fonction mais plutôt
un jugement normatif.
6. Classification d'Ekins et al. dans CRITINC
(2000)
Ekins et al. ont travaillé sur les fonctions
environnementales dans le cadre du projet CRITINC, qui traite du Capital
Naturel Critique et de la soutenabilité forte ou faible, et ont
identifié quatre fonctions environnementales :
Life-support
Capacité de soutenir, maintenir les fonctions
environnementales et la bonne santé de l'écosystème.
Source
Capacité de fournir des ressources.
Sink
Capacité de neutraliser les déchets, sans
endommagements ou changements dans l'écosystème.
Other Human health and welfare
Capacité de maintenir la bonne santé humaine et
de générer du bien être par les autres moyens. Cette
quatrième catégorie prête à confusion car toutes les
fonctions sont définies comme procurant du bien-être humain. Il
est probable que l'auteur désigne par là les aspects culturels,
esthétiques et spirituels.
7. Classification du Millennium Ecosystem Assessment
(2003)
Le Millennium Ecosystem Assessment (MEA) est né en
2000 à la demande de Kofi Annan. Instaurée en 2001, il a pour
objectif d'évaluer les conséquences des changements
écosystémiques sur le bien-être humain, il doit
également établir la base scientifique pour mettre en oeuvre les
actions nécessaires à l'amélioration de la conservation et
de l'utilisation durable de ces systèmes, ainsi que de leur contribution
au bien-être humain (
http://www.millenniumassessment.org).
Dans ce cadre le MEA a étudié les fonctions environnementales et
en a identifiées quatre (2003) :
Provisioning Capacité à fournir
des produits (alimentation, eau douce, ressources
génétiques,etc.).
Regulation
Correspond aux bénéfices tirés par l'homme
de la régulation des processus des écosystèmes
(régulation du climat, de l'eau, etc.).
Cultural
Bénéfices non matériels obtenus des
écosystèmes (spiritualité et religions, esthétique,
inspiration, éducation....).
Supporting
Services nécessaires pour la production des autres
services des écosystèmes. Cette fonction correspond à ce
qu' nomme le plus souvent la fonction « Life Support ».
8. La classification retenue pour la FKI
Il n'est bien sûr pas possible de réduire
l'écosystème à un ensemble de fonctions. Cependant, ces
classifications ouvrent une porte, car en définissant clairement les
différents rôles que l'écosystème joue pour
l'activité humaine, on parvient à clarifier les interactions
entre les systèmes naturels et économiques, et à
définir les enjeux qui se cachent derrière.
Après avoir étudié attentivement les
différentes classifications des fonctions environnementales, nous en
avons retenu une que nous allons utiliser dans le reste de cette
étude.
a. La fonction Source
C'est la capacité à fournir des ressources pour
l'activité (économique) humaine: produits forestiers (ex. bois),
aliments (ex.: poissons, champignons, fruits de la forêt), plantes
médicinales, pollinisation, contrôle biologique des organismes
nuisibles et des maladies, amélioration de la fertilité du sol
agricole.
b. La fonction Sink
C'est la capacité à absorber, neutraliser et
recycler les déchets issus des activités humaines: rôle du
sol et des plantes dans l'absorption du CO2, rôle des cycles
bio-géochimiques d'assurer la qualité de l'air suite à
l'absorption des déchets gazeux et à la dilution; le rôle
des zones humides dans la purification des eaux. On retrouve ici l'assimilation
des déchets, quel qu'il soit (pollution, OGM etc.)
c. La fonction Site
Cette fonction représente la fourniture d'un espace pour
les activités économiques.
d. La fonction Life Support
C'est le maintien de l'équilibre de l'espace de vie
pour l'homme et les autres êtres vivants: le contrôle du cycle
hydrologique assuré par les forêts, la prévention de
l'érosion par fixation par la couverture végétale, etc.
e. La fonction Scenery
Cette fonction est l'expression de la dimension spirituelle
de la nature. Il s'agit de la valeur d'existence de la biodiversité, du
support que l'environnement peut offrir à des formes sociales et
culturelles spécifiques, des convictions éthiques, de
l'appréciation esthétique, de la valeur
récréative.
f. La fonction Stability
La plupart du temps le terme de stabilité est
utilisé dans un certain contexte, la stabilité des
écosystèmes. Il fait référence (en physique,
chimie, écologie) à un état d'équilibre stable,
mais pour nous, la stabilité fait plutôt référence
à un changement sans rupture, une évolution lente.
Nous associons la notion de stabilité aux
écosystèmes et aux systèmes humains. La fonction de
stabilité correspond donc à la capacité des
écosystèmes à protéger les sociétés
humaines, il s'agit de la préservation d'un environnement stable pour
les activités humaines et pour la santé, de la capacité
des écosystèmes à éviter les catastrophes
naturelles, du maintien des saisons.
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