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Droit à la santé et développement

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par Rachid Aboutaieb
Université de Nantes - Diplôme d'université de 3 cycle "Droits fondamentaux" 2007
  

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« Campus Ouvert Droit, Ethique et Société »

UNIVERSITE DE NANTES - UNIVERSITE PARIS II PANTHEON ASSAS - UNIVERSITE PARIS X NANTERRE -

UNIVERSITE PARIS XII VAL DE MARNE - AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE

__________________________

ANNEE UNIVERSITAIRE 2006-2007

Droit à la Santé et Développement

MEMOIRE DE RECHERCHE

POUR L'OBTENTION DU DIPLÔME D'UNIVERSITÉ DE 3e CYCLE

"DROITS FONDAMENTAUX"

Présenté par :

Rachid ABOUTAIEB

Tuteur :

Eric MONDIELLI

Professeur

UFR de Droit et Sciences Politiques-Université de Nantes

Sommaire

Introduction

Chapitre 1- les contours du droit a la santé

A- Les sources du droit à la santé

1- Les instruments universels de droits de l'homme

a- Les instruments contraignants 

b- les instruments non contraignants 

2- Les instruments régionaux de droits de l'homme

3- Les dispositions nationales 

B- Le contenu du droit à la santé 

1-les principes généraux de droits humains

a-La dignité, élément central du droit à la santé 

b-Le principe de non discrimination

2- Le droit aux soins de santé fait partie du droit à la santé 

3- La jouissance des autres droits est essentielle pour l'exercice du droit à la santé 

a- Le droit à la participation 

b- L'exercice des autres droits de l'homme

4- La protection de l'environnement 

C- Les obligations des états

Chapitre 2- les interactions du droit à la santé avec le développement 

I- L'état de santé des populations et le développement économique

A-La corrélation entre l'état de santé de la population et le niveau de développement économique

1- Les comparaisons entre pays développés et pays en développement montrent des différences flagrantes en matière de santé

2- Les grands problèmes de santé dans les pays du Sud sont un frein au développement économique

a- La santé maternelle

b- La santé infantile

c- L'épidémie du VIH/SIDA

d- Le fléau paludéen

B- les politiques de développement s'appuyant uniquement sur la croissance économique n'assurent pas l'amélioration du niveau de santé

C-La méconnaissance du droit à la santé dans les politiques de développement explique les mauvais résultats sanitaires

1-Le droit de l'accès aux soins et les politiques de développement économique

2- La garantie des droits humains dans les politiques de développement économique

3- La protection de l'environnement dans les politiques de développement économique

II- Les obstacles à l'application du droit à la santé lors de la mise en oeuvre des politiques de développement ont des causes multiples

A-Les obstacles financiers à la mise en application du droit à la santé dans les politiques de développement

1- Les réductions budgétaires dans le secteur de la santé

2- Les obstacles à l'accès aux médicaments

B-Les obstacles d'origine politique à l'application du droit à la santé

1- L'inefficacité du système judiciaire

2-Les comportements sociaux

C-Les contraintes commerciales internationales

Chapitre 3- Concilier le droit à la santé et les politiques de développement

I- Elaborer des politiques de santé efficaces dans le cadre des projets de développement

II- Renforcer les budgets alloués aux services publics de santé

a- Les dépenses publiques de santé améliorent l'état de santé des pauvres

b- Modifier les relations avec les institutions financières internationales

c- Utiliser l'aide internationale pour améliorer le secteur de la santé

d- Bénéficier des fonds dans le cadre de programmes de santé

III- Respecter et protéger les droits de l'homme

IV- Impliquer les organisations non gouvernementales dans les stratégies de développement

V-Elaborer et appliquer des programmes de protection de l'environnement

VI- Améliorer la gouvernance locale est un facteur important dans la mise en oeuvre du droit à la santé

VII-Concilier les doits humains et le droit commercial

Conclusion

Tableau

Bibliographie

INTRODUCTION

Une revue de l'état de santé des populations dans le monde dévoile des chiffres inquiétants. Citons à titre d'exemple la mortalité infantile qui s'élève à 12 millions de décès par année, dont la moitié de meurent de causes liées à la malnutrition, et un grand nombre de maladies faciles à prévenir. Le paludisme et la tuberculose continuent de sévir. Nous assistons à l'émergence de maladies nouvelles, la pire menace de santé qui pèse sur l'humanité est représentée par la menace du VIH/SIDA. Cette situation est d'autant plus dramatique qu'elle frappe avec plus d'intensité les pays pauvres, dans lesquelles, l'inaccessibilité de la population aux services de santé s'associe à la pauvreté, à la malnutrition, aux mauvaises conditions de logement, et à l'absence d'application des droits de l'homme. Toutes conditions pour créer la mauvaise santé. En effet, l'OMS a bien défini la santé comme étant « état de bien-être complet physique, mental et social et qui ne consiste pas seulement en l'absence de maladie ». Cette définition montre bien que la santé n'est pas un élément indépendant mais qu'elle est inséparable de son contexte social. Elle met en évidence le fait que la santé dépend de plusieurs déterminants au delà de l'aspect médical et technique. L'OMS a également été la première à considérer la santé comme un droit fondamental de l'homme. C'est une étape essentielle dans la transformation de cet objectif social. La santé est haussée au rang de droit de l'homme. Il s'agit là d'une percée potentielle dans le domaine du droit à la santé. Malgré cela, l'application du droit à la santé à l'échelle nationale n'est pas encore garantie partout dans le monde. Cela s'explique en partie par le fait que le droit à la santé faisant partie des droits économique, sociaux et culturels, partage le même sort que ceux-ci, à savoir qu'ils sont reconnus comme des droits de seconde catégorie. Or, les droits de l'homme représentent un même corps, qui se fonde sur la charte internationale des droits de l'homme constituée par la déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), le pacte international des droits civils et politiques (PIDCP), et le pacte international des droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). La confrontation idéologique Est Ouest qui a suivi la 2ème guerre mondiale a produit une dichotomie dans les dispositions de la DUDH. Les droits énoncés dans le PIDCP ont bénéficié d'une plus grande reconnaissance par rapports aux droits économiques, sociaux et culturels. La jurisprudence relative aux droits civils et politiques est beaucoup plus développée que celle qui touche aux droits économique, sociaux et culturels. Par ailleurs, de nombreux gouvernements occidentaux se sont montrés méfiants vis-à-vis des droits économiques et sociaux, et se sont mêmes opposés à l'idée de les considérer comme des droits, arguant que les droits économiques, sociaux et culturels n'étaient que des principes généraux. Ils prétendaient que ces droits, contrairement aux droits civils et politiques, ne pouvaient être invoqués devant les tribunaux. La conférence de Vienne est venu pour conforter que tous les droits de l'homme sont des droits indivisibles, inter reliés et interdépendants.

Le droit à la santé est actuellement reconnu comme un droit fondamental de l'homme faisant partie des droits économique, sociaux et culturels.

Comme ceux-ci, il est influencé par les politiques économiques de chaque pays. En effet, le droit à la santé est dépendant de la redistribution des richesses. Il faut souligner que le PIDESC reconnaissant le lien entre droits sociaux et niveau de richesse du pays, a énoncé dans l'article 2 que « chacun des états parties au présent pacte s'engage à agir... au maximum de ses ressources disponibles en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent pacte... ». L'imprécision et la permissivité de ce discours n'ont pas pour objectif de soustraire les gouvernements à leurs obligations. Cependant, les gouvernements soucieux d'assurer des chiffres de plus en plus élevés de croissance économique, se détournent des obligations sociales pour favoriser des secteurs plus « rentables » économiquement. Le droit des populations au bien être complet peut sembler être en contradiction avec le développement économique. Les politiques de développement économique mises en oeuvre dans les pays en développement, sont tournées vers l'encouragement de l'exportation, et la réduction des budgets des services sociaux allant jusqu'à des réductions de moitié. Les services publics de santé sont devenus plus coûteux, et inégalement répartis. La carence touche aussi bien les équipements que les ressources humaines. Le secteur privé, largement encouragé, s'est rapidement développé. Les soins de santé sont considérés comme n'importe quel bien de consommation, et non comme un droit fondamental. Cette situation est le fruit des politiques néolibérales qui créent des richesses pour une minorité, favorisent la privatisation, et l'entrée de capitaux étrangers qui vont investir les hôpitaux et les laboratoires. La réforme du secteur de santé imposée par le FMI et la banque mondiale a favorisé les privatisations. Nous avons assisté au fil des années à la détérioration de la santé des populations des pays du tiers monde. L'état de santé de milliers de pauvres s'est aggravé par l'application de ces politiques. Les souffrances et les décès de millions de personnes dans le monde sont une situation rendue possible par l'ordre international actuel. Les interventions du G8 en Afrique ont échoué dans l'amélioration de la santé des africains car elles doivent être mises en relation avec les intérêts qu'elles défendent et les intentions cachées qu'elles sous tendent (2). Ces institutions tentent d'améliorer le niveau de santé par des programmes de lutte contre la pauvreté, pensant que la pauvreté étant le déterminant le plus important de la santé. Même si la primauté des déterminants économiques dans la maladie et la mauvaise santé est reconnue, les autres déterminants constitués par l'endettement, les réductions des budgets sociaux, l'absence de participation des populations, sont autant de facteurs qui entravent l'application du droit à la santé.

Dans le but de dégager les causes et les perspectives pour améliorer l'exercice du droit à la santé, une revue des sources et du contenu du droit à la santé est revue dans le 1er chapitre pour dégager une définition claire de ce droit et déterminer les obligations des états.

En raison de l'influence des politiques de développement sur les paramètres liés à la santé, le deuxième chapitre se propose de dégager les interactions entre politiques de développement économiques et exercice du droit à la santé, pour essayer d'appréhender tous les facteurs liés aux politiques de développement qui peuvent influencer positivement sur ce droit et pour comprendre les actions comprises dans les stratégies de développement qui peuvent porter atteinte à ce droit.

Enfin, dans le 3ème chapitre, il est dégagé un certain nombre d'idées qui tentent de concilier droit à la santé et politiques de développement humain afin de proposer une approche de la santé reposant sur la justice sociale et le respect des droits humains.

CHAPITRE 1- LES CONTOURS DU DROIT A LA SANTE

La reconnaissance du droit à la santé comme un droit de l'homme, attribue une importance exceptionnelle à cet objectif. Le fait de caractériser un objectif spécifique de droit humain l'élève au dessus des autres objectifs sociétaux, l'immunise conte toute éventuelle contestation et le nimbe généralement d'une aura d'intemporalité, d'absolu, et de validité universelle » (1). Il reste à cerner les contours de ce droit en le définissant, en établissant les normes le constituant, et les obligations des parties.

L'expression « droit à la santé » a été critiquée car elle laisserait entendre l'obligation des états de garantir la bonne santé aux citoyens. Certains ont préconisé de la changer par l'expression « droit à la protection de la santé » et dans ce cas, elle va englober le droit aux soins de santé, et le droit à des conditions de vie saine (3). En fait, la signification du droit à la santé s'est clarifiée progressivement avec le temps et travers l'interprétation de situations concrètes.

Il y a deux conceptions du droit à la santé. Une conception restrictive qui assimile le droit à la santé au droit aux soins de santé, et une conception plus extensive associant le droit aux soins aux autres droits humains. Dans la conception restrictive, le droit à la santé est assimilé au droit aux soins de santé. L'expression droit aux soins de santé implique l'obligation de l'Etat d'assurer les soins de santé à tous les citoyens à travers une redistribution des ressources. Cette conception ne tient pas compte des déterminants multiples de la santé. En effet, assurer les soins de santé n'est pas suffisant pour atteindre la santé dans son aspect de complet bien être physique, mental et social. Par conséquent, assurer uniquement les soins de santé à une population, ne peut améliorer son état de santé.

La conception large du droit à la santé découle de la définition même de la santé comme étant « le complet bien-être physique, mental et social». Dans son préambule, la constitution de l'OMS réserve une disposition spécifique à la santé et les droits humains. Ainsi, pour cette organisation, le droit à la santé est l'abréviation de l'expression « Le droit au meilleur niveau de santé qu'il est possible d'atteindre ». Cette conception extensive du droit à la santé c'est-à-dire le « Droit au complet bien-être physique, mental et social » a été également critiquée, car elle est idéaliste. Elle n'est pas adaptée aux besoins immédiats des populations et donc non fonctionnelle. Elle reste cependant applicable sur le long terme et surtout, elle demeure opérationnelle dans la lutte contre la violence et la protection de la santé des femmes.

Le droit à la santé étant le droit pour un individu de jouir du meilleur état de santé qu'il est possible d'atteindre. C'est un ensemble d'arrangements correspondant à des normes, des institutions et des dispositions légales ayant pour objectif d'assurer la jouissance de ce droit.

Il ne fait pas l'objet d'une reconnaissance générale, car il n'est pas présent dans toutes les constitutions nationales, ni dans toutes les chartes des organisations internationales. Il reste néanmoins un droit supérieur car c'est le droit à la vie, c'est un droit capital, un droit carrefour, rassembleur, attractif qui regroupe de nombreux autres droits (4).

A- Les sources du droit à la santé

Le droit international des droits de l'homme a évolué depuis la 2ème guerre mondiale pour inclure les droits économiques, sociaux et culturels. Ceux-ci n'étaient pas considérés comme droits essentiels par rapport aux droits civils et politiques, ils étaient considérés comme des droits de deuxième catégorie. Certains états les considéraient comme des objectifs à atteindre mais non des droits justiciables. La conférence mondiale sur les droits de l'homme (Vienne 1993) a modifié la perception des droits de l'homme. Tous les droits sont interdépendants. Le droit à la santé est un droit social, c'est un droit fondamental de l'homme. Il figure dans un ensemble de textes à portée juridique. Ces textes relatifs aux droits de l'homme ont des valeurs légales différentes. Sont considérés comme textes contraignants les pactes, les traités, les conventions, les protocoles internationaux et régionaux, les constitutions nationales et les textes législatifs nationaux. Les instruments non contraignants, résultent d'un consensus international on d'accords et servent de guide pratique pour les états. Il s'agit des déclarations internationales, les principes, les directives, les recommandations. L'observation générale adoptée par le comité des droits économiques sociaux et culturels pour interpréter le droit à la santé, ainsi que les documents des conférences mondiales des Nations Unies sont tous des textes non contraignants.

A côté de ces textes qui traitent directement du droit à la santé, il faudrait ajouter certains textes se rapportant aux autres déterminants de la santé. Il s'agit des dispositions traitant de l'intégrité physique, du droit à l'information, le droit au logement, l'alimentation, la liberté d'association et le droit de l'environnement.

Le 1er texte dans lequel est apparu le droit à la santé est le préambule de la constitution de l'OMS (adopté par la conférence internationale de la santé à New York du 19 Juin au 22 Juillet 1946). Dans ce texte, il est clairement mentionné que la santé n'est pas l'absence da maladie. Ce texte a véritablement associé la santé à d'autres déterminants qui sont tout aussi essentiels. En effet, selon l'OMS : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. La possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale ». L'innovation de ce texte est qu'il assimile la santé à un droit fondamental de tout être humain, et il garantit l'élimination de toute discrimination dans l'application de ce droit. La DUDH source de tous les droits humains, et dont les dispositions sont considérées comme relevant du droit international coutumier. Bien que celle-ci ne rapporte pas explicitement le droit à la santé, elle mentionne cependant dans l'article 25 une série de droits économiques, sociaux et culturels :

« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires, elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. La maternité et l'enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale ».

Par la suite, de nombreuses dispositions relatives au droit à la santé, de portée différente, ont été établies dans des instruments universels ou nationaux.

1- Les instruments universels de droits de l'homme

a- Les instruments contraignants 

- Le pacte international des droits économiques, sociaux et culturels reconnaît que le droit à la santé est un droit individuel et inaliénable. Dans son article 12, il reconnaît : « Le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre ». Le paragraphe 2 de l'article 12 contient une énumération d'un certain nombre de mesures que les états parties devront adopter :

« Les mesures que les Etats parties au présent pacte prendront en vue d'assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer :

a. la diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l'enfant ;

b. l'amélioration de tous les aspects de l'hygiène du milieu et de l'hygiène industrielle ;

c. la prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies ;

d. la création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie ».

- La convention relative aux droits de l'enfant rapporte dans son article 24 : « Les états parties reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier des services médicaux et de rééducation. Ils s'efforcent de garantir qu'aucun enfant ne soit privé du droit d'avoir accès à ces services ».

Elle demande aux états parties de prendre des mesures en vue de : « Luter contre la maladie et la malnutrition, y compris dans le cadre des soins de santé primaires, grâce notamment à l'utilisation des techniques aisément disponibles et à la fourniture d'aliments nutritifs et d'eau potable, compte tenu des dangers et des risques de pollution du milieu naturel » (32-c).

- La convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a inclus le droit à la santé en précisant dans l'article 11 : « Les états parties s'engagent à garantir le droit de chacun... à la jouissance du droit... à la santé, aux soins médicaux, à la sécurité sociale et aux services sociaux ».

- La convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes insiste sur l'égalité entre hommes et femmes vis-à-vis du droit à la santé : « Les états parties s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées afin d'assurer sur la base de l'égalité... le droit à la protection de la santé... » (Article 11. 1.f).

La même convention indique dans l'article 12 : « Les états parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans le domaine des soins de santé ».

b- les instruments non contraignants 

- La déclaration d'Alma Ata adoptée par la conférence internationale sur la santé primaire en 1978 affirme que : « la santé est un droit fondamental de l'homme, et que l'accomplissement du niveau le plus élevé possible de la santé est un but social mondial dont la réalisation exige l'action de beaucoup d'autres secteurs de santé ». Ce texte de portée universelle a insisté sur l'intérêt d'un ordre économique mondial qui cherche à donner à tous, le niveau de santé le plus élevé possible pour combler le fossé entre les pays. Ce texte stipule que le progrès économique et social est lié à la protection de la santé.

- La déclaration de Vienne adoptée par la conférence Mondiale sur les droits de l'homme (1993) se réfère au droit à la santé :

L'article 11 : « La conférence mondiale sur les droits reconnaît que le déversement illicite de substances et de déchets toxiques et nocifs peut constituer une grave menace pour les droits de chacun à la vie et à la santé ».

L'article 18 : consacré à l'élimination des violences qui s'exercent en fonction du sexe, et des mesures juridiques pour y parvenir : « ... grâce à une action nationale et à la coopération internationale dans divers domaines comme le développement économique et social, l'éducation, la protection de la maternité, les soins de santé et l'aide sociale ».

L'article 41 : « La conférence mondiale sur les droits reconnaît qu'il importe que les femmes jouissent tout au long de leur vie du niveau de santé physique et mental le meilleur possible. ... réaffirme, en se fondant sur le principe de l'égalité de l'homme et de la femme, le droit de la femme à des soins de santé accessibles et suffisants et à la gamme la plus large possible de services de planification familiale ainsi qu'à l'égalité d'accès à l'éducation à tous les niveaux ».

- La déclaration et le programme d'action de la 4ème conférence mondiale sur les femmes (Beijing 1995) contiennent des définitions concernant respectivement la santé générale et la santé des femmes.

- L'assemblée générale de l'ONU a adopté 4 textes concernant spécifiquement les droits des personnes handicapées. La déclaration des droits du déficient mental (Résolution de l'AG 2856, XXVI, 1971) ; la déclaration des droits des personnes handicapées (Résolution de l'AG 46/119, 1975) ; les principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l'amélioration des soins de santé mentale (Résolution de l'AG 3447, XXX, 1971) ; les règles pour l'égalisation des chances des personnes handicapées (Résolution de l'AG 48/96, 1993).

- L'observation générale N°14 sur le droit à la santé, élaborée en 2000 par le comité des droits économiques sociaux et culturels, a permis de clarifier l'article 12 du pacte international des droits économiques, sociaux et culturels. Ce document est très important car il a analysé le contenu normatif du droit à la santé en termes de disponibilité, d'accessibilité (divisée en non-discrimination, accessibilité physique, accessibilité économique ou abordabilité, accessibilité de l'information), d'acceptabilité sur le plan culturel, et de qualité de soins. Le Comité y a précisé les tâches qui incombent à l'Etat afin qu'il respecte, protège et assure le droit à la santé. Dans cette observation, le comité a aussi énuméré 14 droits humains considérés comme faisant partie intégrante du droit à la santé, tel que le droit à une alimentation adéquate, à l'éducation, à la non-discrimination, à la vie privée, à l'information et le droit d'association. Ces droits définissent les déterminants sociaux de la santé. En effet, le respect des droits liés à la santé a des implications directes sur le droit à la santé, dans la mesure où ces droits concernent les facteurs sociaux sous-jacents à une vie saine. Différentes études ont mis au point les corrélations entre la discrimination basée sur la race, la classe et le genre, le déni d'éducation et des conditions décentes de travail, avec l'augmentation des taux de morbidité et de mortalité.

2- Les instruments régionaux de droits de l'homme

Plusieurs instruments régionaux relatifs aux droits de l'homme reconnaissent le droit à la santé.

- La charte sociale Européenne prévoit dans l'article 11 le droit à la protection de la santé : « en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection de la santé, les parties contractantes s'engagent à prendre, soit directement, soit en coopération avec les organisations publiques et privées, des mesures appropriées tendant notamment :

- A éliminer dans la mesure du possible les causes d'une santé déficiente,

- A prévoir les services de consultation et d'éducation pour ce qui concerne l'amélioration de la santé et le développement du sens de la responsabilité individuelle en matière de santé,

- A prévenir, dans la mesure du possible, les maladies épidémiques, endémiques et autres ».

- La charte Africaine des droits de l'homme et des peuples stipule dans l'article 16 :

- Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre.

- Les Etats parties à la présente charte s'engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leur population et de leur assurer l'assistance médicale en cas de maladie.

- Au niveau du continent Américain, le protocole de San Salvador précise sur l'article 10 le droit à la santé :

1- Toute personne a droit à la santé qui est considérée comme le droit de jouir du meilleur état de santé physique, mentale et sociale.

2- Afin d'assurer le plein exercice du droit à la santé, les Etats parties s'engagent à reconnaître ce droit comme un bienfait public et notamment à adopter pour garantir l'exercice de ce droit les mesures suivantes :

a- L'action de soins primaires de santé, autrement dits, la mise à la disposition de tous les individus et de toutes les familles de la communauté de l'aide médicale essentielle.

b- L'extension des services de santé à tous les individus relevant de la juridiction de l'Etat.

c- L'immunisation complète contre les principales maladies infectieuses.

d- La prophylaxie et le traitement des maladies endémiques, professionnelles et autres.

e- L'information de la population sur la prévention et le traitement des problèmes de santé.

f- La solution des problèmes de santé des groupes à plus haut risque et qui sont plus vulnérables à cause de leur pauvreté.

- La déclaration Américaine des droits et devoirs de l'homme contient une disposition sur la préservation de la santé et du bien-être à l'article 11 :

« Toute personne a droit à ce que sa santé soit préservée par des mesures sanitaires et sociales, en ce qui concerne l'alimentation, l'habillement, le logement et les soins médicaux, qui seront établies proportionnellement aux ressources publiques et à celles de la communauté ».

3- Les dispositions nationales 

Le droit à la santé n'est pas inclus dans les constitutions de tous les états. Mais selon une étude faite par l'OMS, plus de 60 dispositions constitutionnelles mentionnent le droit à la santé, ou le droit aux soins de santé. Plus de 40 constitutions se réfèrent à des droits liés à la santé tels que le droit à des soins de santé génésique, le droit des handicapés à une aide matérielle, le droit à un environnement sain.

Dans l'étude rapportée par la PAHO (3), en Amérique latine, plus de 20 états incluent dans leur constitution une disposition sur le droit à la santé, ou mentionnent le devoir de l'état en vue de protéger la santé de la nation. Cinq constitutions proclament le droit à la santé. En revanche, les pays qui sont sous forte influence politique par les Etats-Unis ne font pas référence aux droits sociaux dans leur constitution.

B- Le contenu du droit à la santé 

En tant que droit fondamental de l'homme, le droit à la santé englobe l'ensemble des normes visant à satisfaire les besoins de santé, ainsi que l'ensemble des moyens pour les mettre en application.

Si l'on retient son concept extensif, le droit à la santé englobe d'une part les moyens utilisés par l'état en vue d'une redistribution des ressources dans le but d'assurer les soins de santé pour tous, en respectant les principes de non discrimination et d'équité dans la fourniture de ces soins. D'autre part ce concept englobe la prévention sanitaire, l'éducation et la formation en santé, la protection de l'environnement ainsi que la garantie des autres droits humains (droit à la nourriture, au logement, droit d'association et de participation).

Dans le but de clarifier le contenu du droit à la santé, il est nécessaire d'appliquer à la santé une approche basée sur les droits humains. Cette approche donne à la santé une importance sociale exceptionnelle et permet d'analyser chaque situation en tenant compte des principes de droits humains à savoir la dignité humaine, l'égalité, la non discrimination, la participation des individus aux problèmes de santé les affectant. Partant de cette approche, le droit à la santé est entendu comme un droit individuel et interdépendant avec les autres droits. Cette approche permet également de concevoir la santé comme un bien social et non pas seulement comme un problème médical, technique ou économique. Le droit à la santé est donc le droit de recevoir des soins dans la dignité et sans discrimination, le droit à toutes les conditions qui préservent la santé comme l'alimentation saine, le logement salubre, les conditions d'hygiène et de sécurité au travail, et un environnement sain.

1- les principes généraux de droits humains

a- La dignité, élément central du droit à la santé 

La dignité inhérente à l'homme est reconnue dans le préambule de la DUDH. Elle est à la base de la liberté, de la justice et de la paix, c'est le principe de base de tous les droits de l'homme. La dignité humaine est l'élément central du droit à la santé garantissant ainsi non seulement le droit aux soins de santé mais également le respect de la liberté, la non discrimination, le droit à un environnement sain, le droit à la nourriture, au logement et à l'éducation. Chaque individu a une dignité qui doit être respectée quelle que soit sa race, sa langue, son niveau social ou économique.

b- Le principe de non discrimination

C'est un principe fondamental des droits de l'homme. L'article 2 de la DUDH prévoit : « chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».

La DUDH rejette la discrimination pour toute raison, et en particulier pour raison économique. Elle rejette donc toute approche de politique de la santé basée sur une conception purement économique. Si l'état considère les soins de santé en terme de dépenses et de bénéfices lors de la réalisation des choix politiques, il va défavoriser les personnes économiquement faibles. Or, les personnes défavorisées économiquement, sont plus vulnérables à la maladie, et en plus mauvaise santé par rapport à l'ensemble de la population. La discrimination va les rendre encore plus vulnérables à la maladie et à la mauvaise santé. Il en découle donc que le principe de non discrimination est essentiel pour la protection du droit à la santé des pauvres et des personnes vulnérables ayant beaucoup de problèmes de santé.

La DUDH rejette également la discrimination basée sur le sexe ou la race. Dans beaucoup de pays, l'état de santé des femmes est amoindri par rapport à celui des hommes, certaines pratiques culturelles font même appel à des mutilations corporelles sur cette population.

2- Le droit aux soins de santé fait partie du droit à la santé 

Mettre un système de santé à la disposition de la population suppose la fourniture d'un service de soins disponible, accessible, et adapté. Cela suppose également un financement de soins adapté à travers un système d'assurance santé abordable pour tous.

L'observation générale N°14 a clarifié et précisé le droit aux soins, en précisant que « la création de conditions propres à assurer à tous les services médicaux et une aide médicale en cas de maladie tant physique que mentale suppose l'accès rapide dans des conditions d'égalité, aux services essentiels de prévention, de traitement et de réadaptation ainsi qu'à l'éducation en matière de santé... ». Dans cette observation, il est précisé que la disponibilité signifie qu'il doit exister dans l'état partie des installations, biens et services ainsi que des programmes fonctionnels en matière de santé publique et de soins de santé. L'accessibilité signifie que les installations, biens et services doivent être accessibles à tous sans discrimination, et accessibles à tous physiquement sans danger, en particulier les groupes vulnérables on marginalisés. L'accessibilité est aussi économique, les services doivent être d'un coût abordable, et obéissant au principe de l'équité de sorte qu'ils soient abordables pour tous y compris les groupes socialement défavorisés. Ces services biens et installations doivent obéir aux principes de respect de la dignité et de l'équité.

La déclaration d'Alma Ata vise la santé pour tous à travers une approche basée sur les soins de santé primaire. Cette déclaration insiste sur l'importance des mesures préventives (vaccination, planification familiale), sur la participation des individus à la planification et l'exécution des soins de santé, sur les soins maternels et infantiles, sur l'éducation à la santé.

Parmi les priorités de santé, le droit à la santé maternelle, infantile et génésique vise la diminution de la mortalité infantile, de la mortalité maternelle, et l'accès à la planification familiale. La mortalité maternelle reste en effet très élevée dans les pays du tiers monde, parce que les accouchements se font en dehors des milieux médicalisés, à distance des centres d'accouchement sans possibilité de transfert d'urgence et sans prendre les précautions d'hygiène nécessaires. La mortalité maternelle est dramatique pour les foyers qui perdent un élément important de la famille habitué à effectuer des tâches essentielles pour les enfants. La mortalité maternelle est un indicateur du niveau de développement de l'état de santé d'une population. C'est aussi l'un des objectifs du millénaire pour le développement, qui vise à réduire les taux de mortalité maternelle. La mortalité infantile est un fléau des pays pauvres. La réduction de la mortalité infantile est un objectif de développement du millénaire. Le droit à la prophylaxie et au traitement du VIH/SIDA sera fait selon une approche qui fait participer toutes les parties prenantes et tous les secteurs, en tenant compte des spécificités hommes-femme, et en mettant à la disposition de tous les citoyens les moyens et les connaissances pour prévenir l'infection.

3- La jouissance des autres droits est essentielle pour l'exercice du droit à la santé 

a- Le droit à la participation 

La participation des individus à tous les sujets qui les affectent est essentielle pour la protection de tous les droits de l'homme. Le droit de participation aux décisions est un principe de droit humain, et c'est aussi un principe de démocratie. Le pacte relatif aux droits civils et politiques stipule dans son article 25.a : « Tout citoyen a le droit et la possibilité sans aucune des discriminations visées à l'article 2 et sans restrictions déraisonnables : a- de prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis... ».

La déclaration d'Alma Ata précise bien que « Tout être humain a le droit et le devoir de participer individuellement et collectivement à la planification et à la mise en oeuvre des soins de santé qui lui sont destinés ».

Pour pouvoir participer aux affaires de santé les concernant, les individus doivent d'abord recevoir l'information adéquate nécessaire. La participation de la population va se matérialiser dans la conception des politiques, des programmes et des stratégies, dans le choix de l'arrangement des priorités, dans l'évaluation des programmes gouvernementaux et des politiques, dans l'allocation des budgets et l'application des législations relatives au droit à la santé. L'objectif final étant de subvenir réellement aux besoins de la population. C'est en effet grâce à la participation, que mêmes les plus faibles individus peuvent faire entendre leur voix pour soumettre leurs demandes légitimes. Ils ne seront plus de simples spectateurs dans l'attente du recevoir la charité de la part du gouvernement.

b- L'exercice des autres droits de l'homme

Les droits de l'homme sont interdépendants et indivisibles. Chaque droit dépend pour sa réalisation des autres droits. Ainsi, la réalisation du droit à la santé est étroitement liée aux autres droits comme l'a bien clarifiée l'observation N°14 du comité des droits économiques, sociaux et culturels : « le droit à la santé est étroitement lié à d'autres droits de l'homme et dépend de leur réalisation : il s'agit des droits énoncés dans la charte internationale des droits de l'homme, à savoir les droits à l'alimentation , au logement, au travail, à l'éducation, à la dignité humaine, à la vie, à la non discrimination et à l'égalité, le droit de ne pas être soumis à la torture, le droit au respect de la vie privée, le droit d'accès à l'information et les droits à la liberté d'association, de réunion et de mouvement. Ces droits et libertés, notamment, sont des composantes intrinsèques du droit à la santé ». ().

La réalisation du droit à la santé dépend ainsi de facteurs ne relevant pas directement des services de santé mais de la réalisation d'autres droits civils et politiques aussi bien que les droits économiques sociaux et culturels.

- La liberté d'association et la liberté d'expression, leur atteinte compromet la participation de la population aux prises de décisions en matière de santé, les voix des personnes marginalisées et faibles sont automatiquement bridées.

- Le droit à l'alimentation est destiné à permettre à tout être humain d'avoir un accès régulier, permanent et libre, directement ou par achat, à une nourriture quantitativement adéquate et suffisante et qui corresponde aux traditions culturelles locales. L'accès à la nourriture est essentiel pour l'accomplissement du droit à la santé. On ne peut jouir du meilleur état de santé en vivant dans le manque de nourriture et d'eau potable. La malnutrition cause beaucoup de maladies en particulier dans les pays pauvres où elle est aussi une cause de mortalité infantile. Le manque de certains éléments présents dans les denrées alimentaires, tels que les minéraux et les vitamines, peut limiter le droit d'un individu à avoir une santé optimale, un droit humain fondamental. A titre d'exemple, une déficience alimentaire en fer qui est très fréquente puisqu'elle touche près d'un milliard d'individu dans le monde, peut conduire à une diminution très importante de la capacité mentale et physique. Cela a des conséquences sur le travail, la santé, et par là la survie.

- Le droit au logement s'entend en terme de logement salubre doté d'eau courante et de moyens d'assainissement adéquats. Privées de ces équipements, les personnes sont exposées à la mauvaise santé et à différentes maladies. Le logement est un facteur déterminant du droit à la santé.

- Le droit à l'éducation permet à l'individu d'acquérir les possibilités de participation aux affaires publiques, d'adhérer aux programmes de prévention des maladies. Une enquête effectuée par l'OCDE au Pérou a montré que le développement statural de l'enfant est étroitement corrélé au niveau d'éducation des parents. En effet, les parents éduqués ont accès à l'information, aux conseils médicaux, adhérent à la prévention des risques et à la politique de régulation des naissances. Les mères scolarisées surveillent mieux leur grossesse, et leurs nouveau-nés, ce qui permet de réduire les risques de handicap à la naissance et de mortalité infantile.

- Le droit à l'information est essentiel pour rester en bonne santé. L'objectif de l'information est de transmettre à la population les connaissances nécessaires pour éviter la propagation des épidémies, pour prévenir différentes maladies en agissant sur les facteurs de risque, pour changer de comportements exposants à différents dangers. Le droit à l'information c'est aussi le droit à l'information juste, qui prémunit les individus de toutes les informations mensongères et de la désinformation. L'atteinte au droit à l'information est observée dans certaines pratiques commerciales qui font appel à la publicité mensongère pour augmenter les profits commerciaux, en étant conscient de vendre des produits dangereux pour la santé. Parfois, l'atteinte à ce droit est le fait de gouvernements soucieux de préserver l'ordre et craignant des mouvements de panique de la population. Ces gouvernements s'abstiennent d'informer les populations sur les éléments exacts d'un événement ayant des conséquences graves sur la santé des citoyens. Rappelons la catastrophe de Tchernobyl, lorsque les autorités soviétiques ont manqué d'informer les citoyens exposés sur l'ampleur de cet événement et des mesures de sécurité à prendre. Le discours officiel avait tendance à minimiser cet événement dramatique. Les conséquences sur la santé des citoyens se sont ressenties sur des milliers de personnes et ont duré plusieurs années.

- Le droit au travail permet à tout individu adulte d'avoir un revenu convenable pour subvenir à ses propres besoins et à ceux de sa famille, et d'accomplir ses devoirs envers la société. Le droit au travail fait référence au travail décent respectueux des droits humains et des mesures de sécurité et d'hygiène. Certaines entreprises, dans le seul but d'augmenter leur profit évitent d'informer le travailleur sur les dangers des produits aux quels il s'expose, s'abstiennent de lui fournir la protection nécessaire, le laissant manipuler des produits dangereux ou des machines sans aucune protection, mettant ainsi sa santé et sa vie en danger.

4- La protection de l'environnement 

Bien que l'article 12 n'ait pas spécifié la protection de l'environnement dans ses dispositions, il a cependant exprimé dans son deuxième paragraphe la nécessité de « l'amélioration de tous les aspects de l'hygiène du milieu et de l'hygiène industrielle ». L'observation N°14 a été plus explicite en développant cet aspect, elle considère qu'il ressort du processus de l'élaboration et du libellé spécifique du paragraphe 2 de l'article 12 que « le droit à la santé englobe une grande diversité de facteurs socioéconomiques de nature à promouvoir des conditions dans lesquelles les êtres humains peuvent mener une vie saine et s'étend aux facteurs fondamentaux déterminants de la santé tels que l'alimentation et la nutrition, le logement, l'accès à l'eau salubre et potable et à un système adéquat d'assainissement, des conditions de travail sûres et hygiéniques et un environnement sain ».

Les dégradations de l'environnement sont en effet à l'origine d'un ensemble de maladies. La pollution de l'environnement affecte directement la santé des populations. Les déchets chimiques issus des activités industrielles sont toxiques pour les humains. Des accidents de fuites de déchets industriels enregistrés au cours de l'histoire ont laissé des souvenirs indélébiles dans les annales. Le cas de l'explosion de l'usine de pesticides d'Union Carbile à Bhopal en Inde en 1984 est particulièrement choquant. Cet accident a fait des milliers de morts et a été à l'origine d'affections morbides chez des centaines de milliers des personnes. En 2005, l'explosion de l'usine Jilin Petrochemical en Chine a pollué avec des produits cancérigènes le fleuve Soghua. La catastrophe de Tchernobyl en 1986 dans une centrale nucléaire en Ukraine a fait plus de 25 000 morts, 200 000 invalides et a été à l'origine d'une augmentation des cas de cancer dans les populations exposées. Les estimations parlent de 40 000 à 560 000 morts par cancer, plus autant de cancers non mortels, sans parler de malformations d'enfants et du bétail (5).

L'observation Générale N°14 du CODESC explique le contenu du paragraphe 2 de l'article 12 comme le droit à un environnement naturel et professionnel sain. Les mesures citées dans cet article concernant l'hygiène du milieu et l'hygiène industrielle correspondent aux mesures de prévention contre les accidents de travail et les maladies professionnelles, les mesures visant à empêcher et réduire l'exposition de la population à certains dangers tels que les radiations ou produits chimiques ou toxiques et autres facteurs nocifs ayant une incidence directe sur la santé des individus. Le comité prend note à cet égard du principe 1 de la déclaration de Stockholm de 1972, selon lequel « L'homme a un droit fondamental à la liberté, à l'égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien être », ainsi que des faits nouveaux survenus récemment dans le domaine du droit international, en particulier de la résolution 45/94 de l'Assemblée générale des Nations unies sur la nécessité d'assurer un environnement salubre pour le bien-être de chacun ; il note également le principe 1 de la déclaration de Rio et les dispositions des instruments régionaux relatifs aux droits de l'homme, notamment l'article 10 du protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme.

La protection de l'environnement, directement liée à l'exercice des droits de l'homme, est mentionnée dans de nombreuses conventions relatives au droit à l'environnement. Le 1er sommet mondial sur l'environnement a eu lieu en 1972, suivi par la création du programme des Nations Unis pour l'environnement (PNUE). Par la suite, de nombreuses recommandations et conventions ont été émises. Le protocole de Kyoto a fixé un calendrier pour la réduction de l'émission de gaz à effet de serre. Les directives du comité des droits économiques, sociaux et culturels énoncent que les états devraient : « s'abstenir de polluer de façon illicite l'air, l'eau et le sol, du fait par exemple d'émissions de déchets industriels par des installations appartenant à des entreprises publiques, d'employer des armes nucléaires, biologiques ou chimiques ou d'effectuer des essais à l'aide de telles armes si ces essais aboutissent au rejet de substances présentant un danger pour la santé humaine, et de restreindre à titre punitif l'accès aux services de santé, par exemple en temps de conflit armé, ce en violation du droit international humanitaire » (Observation Générale N°14 du CODESC).

C- Les obligations des états

Le droit à la santé crée des obligations pour les gouvernements. Celles-ci ont été bien précisées par l'observation générale N°14. Ces obligations découlent des principes de dignité, d'équité, de non discrimination et de participation à la prise de décision. Elles englobent les composantes de base à savoir les soins de santé (installation, biens et services) et les déterminants de santé tels que le droit à l'alimentation, à un logement salubre, à l'éducation, à l'information et à un environnement sain.

Les obligations sont crées par la ratification des états parties aux pactes, traités et conventions, qui imposent aux états l'obligation de faire on de ne pas faire, d'accepter la supervision des organes de surveillance, et d'adresser des rapports réguliers. Le mécanisme de surveillance du pacte repose sur le travail du comité de surveillance qui observe jusqu'à quel point l'état se conforme aux dispositions du pacte, il examine les violations, les rapports de l'état et des ONG et enfin émet des suggestions ou des recommandations. L'état en ratifiant le pacte devient responsable devant la communauté internationale et devant la population. Chaque état est tenu d'adopter des mesures législatives qui incluent les dispositions internationales du droit à la santé, afin de permettre à la population d'accéder au droit à la santé et d'avoir des recours en cas de violation de ce droit. Ces mesures législatives seront concrétisées par la mise en oeuvre de politique, de programmes et de stratégies, qui tracent les priorités, allouent les ressources, évaluent les résultats.

En raison de la différence importante entre les pays du point de vue social et économique, l'application du droit à la santé ne peut se faire partout de manière identique. C'est la raison pour laquelle les obligations ne sont pas appliquées uniformément à tous les états. Pour certaines obligations, l'état devra démontrer une adhésion immédiate, pour d'autres obligations la réalisation se fera progressivement selon le niveau économique du pays. Les textes montrent bien que la disparité économique entre les pays a été prise en considération. D'abord, en définissant le droit à la santé par l'expression : « le niveau de santé le plus élevé qu'il est possible d'atteindre », il est sous entendu une certaine flexibilité pour la réalisation du droit à la santé en fonction du niveau de développement économique de chaque pays, de ses ressources financières et des conditions sociales. Ensuite, comme pour tous les droits sociaux et économiques, le pacte des droits économiques, sociaux et culturels a mis en place le principe réalisation progressive. Ce principe autorise les pays à réaliser le droit à la santé de manière progressive. Il est admis que la réalisation du droit à la santé de manière intégrale est difficile et nécessite des processus compliqués, requérant la mobilisation de ressources importantes. C'est la raison pour laquelle le principe de réalisation progressive est appliqué pour mettre en oeuvre ce droit. Il s'agit d'une certaine flexibilité vis-à-vis des pays en voie de développement qui disposent de ressources rares. Cette flexibilité n'autorise pas les états à se détourner de leurs obligations internationales. La réalisation progressive du droit à la santé doit s'entendre comme la réalisation aussi rapide que possible. Il est utile dans ce sens de dégager les obligations immédiates qui sont appliquées sans tenir compte du manque de ressources car elles sont peu consommatrices en termes financiers. Un noyau des obligations minimum est dégagé comprenant l'obligation d'éliminer toute discrimination dans l'accès au système de soins particulièrement vis-à-vis des personnes vulnérables et désavantagées, d'assurer la participation de la population aux prises de décisions affectant leur santé. Figure également parmi les obligations immédiates, l'abstention de la part de l'état d'accomplir des actions empêchant les populations de jouir du droit à la santé. C'est l'obligation de respecter le droit à la santé lors de l'élaboration des lois et des politiques nationales. Il s'agit par exemple d'empêcher la publicité de produits dangereux pour la santé, d'empêcher la diffusion d'informations médicales erronées. Il s'agit également de prendre les mesures législatives, financières, et administratives pour faciliter la réalisation du droit à la santé, et assurer l'accès au recours en cas de violation des droits de l'homme. L'état pourra ainsi mettre en place une stratégie nationale et un plan d'action afin de réaliser progressivement ces obligations (7). On peut ainsi dégager les obligations des gouvernements qui peuvent être soit des obligations négatives, soit des obligations positives. Il s'agit de l'abstention de discrimination, de l'application du principe de participation du droit à la santé et de la mobilisation des ressources pour réaliser le droit à la santé. Même les pays à faible budget, et ne pouvant mobiliser beaucoup de ressources, devront assurer une distribution des ressources de manière plus équitable afin d'améliorer l'accès des services aux populations vulnérables, pauvres et désavantagées. Ces mesures légales et politiques ne demandent pas des coûts élevés, mais une volonté politique.

L'observation générale N°14 stipule la mise en oeuvre à l'échelon national d'une législation cadre, définie à partir des principes relatifs aux droits de l'homme, la définition d'une politique et d'indicateurs permettant de mesurer l'exercice du droit à la santé. La stratégie nationale définit les ressources dont l'état dispose ainsi que le mode d'utilisation de ces ressources ayant le meilleur rapport coût efficacité. Cette stratégie nationale devait reposer sur les principes de la responsabilité, de la transparence et de l'indépendance de la magistrature. La mise en train de la stratégie nationale sera assurée grâce à une loi cadre qui va instituer les mécanismes de contrôle de la mise en oeuvre de la stratégie et du plan d'action national en matière de santé. Pour surveiller comment l'état s'acquitte des obligations lui incombant, il est nécessaire de définir des indicateurs et des critères relatifs à l'exercice du droit à la santé.

CHAPITRE 2- LES INTERACTIONS DU DROIT A LA SANTE AVEC LE DEVELOPPEMENT 

On a pensé au cours des années soixante dix que le développement était une affaire de croissance économique, celle-ci jouera le rôle de moteur pour assurer une meilleure santé aux populations. Mais les événements historiques ont montré que la croissance seule ne suffit pas à assurer le bien être des individus.

I- L'état de santé des populations et le développement économique

A- La corrélation entre l'état de santé de la population et le niveau de développement économique

1- Les comparaisons entre pays développés et pays en développement montrent des différences flagrantes en matière de santé

En occident, tout on long du siècle dernier, l'état de santé des populations a affiché des améliorations notables. En un siècle, une maladie comme la variole a été complètement éradiquée ; la rougeole qui a décimé au 19ème siècle des communautés entières a pratiquement disparue. L'espérance de vie qui avoisinait la quarantaine au 17ème siècle a doublé aujourd'hui. Ces améliorations spectaculaires dans l'état de santé se sont produites de façon concomitante avec le développement économique. Le développement économique en occident s'est accompagné d'une amélioration des mesures d'hygiènes, des conditions de logement, d'assainissement, de l'alimentation, et des conditions de travail, ce qui a été à l'origine de l'amélioration de l'état de santé des populations.

Cela n'a pas été le cas dans les pays en développement. La comparaison entre pays développés et pays en voie de développement montre des différences flagrantes en matière de niveau de santé. Les indicateurs de santé, relatifs à l'espérance de vie, la prévalence du HIV/SIDA, les taux des maladies infectieuses et parasitaires montrent de grandes différences. Ainsi dans les pays les moins avancés, l'espérance de vie est inférieure à 45 ans. Le taux de mortalité maternelle avoisine 300 pour 100000 naissances vivantes alors que ce taux est au dessous de 10 dans les pays développés. La mortalité infantile s'élève à 84.3%o dans les pays en développement alors qu'elle est inférieure à 10%o dans les pays riches. La mortalité et la morbidité dans les pays du sud est due essentiellement aux maladies transmissibles : tuberculose, paludisme, diarrhées. La mortalité annuelle due à la tuberculose et au paludisme est de 3 millions de décès par an. La majorité a lieu dans les pays pauvres avec une particulière gravité en Afrique subsaharienne. L'infection au VIH prend elle aussi une ampleur mondiale. Au cours de l'année 2001, 3 millions de personnes sont mortes du SIDA et 5 millions ont contracté le virus dont la moitié dans la tranche d'âge 15 à 24 ans.

Un ensemble de paramètres expliquent les inégalités dans le niveau de santé entre les populations des pays en développement et les populations occidentales. D'abord, le développement économique produit de la richesse qui est utilisée pour améliorer les conditions d'hygiène, de logement, d'alimentation, de travail. Les fruits de la croissance économique sont investis pour l'amélioration de l'état de santé. L'amélioration des niveaux de vie renforce la demande de bien être, la planification familiale réduit la démographie. Autant de facteurs qui améliorent l'état de santé des populations grâce à l'accroissement de la productivité, à l'urbanisation, à l'augmentation des ressources vivrières, aux avancés scientifiques médicales, et à l'assainissement de l'environnement. Les investissements dans le domaine de santé sont plus importants. Dans les pays riches, les dépenses de santé par habitant s'élèvent à 3100 Dollars (11% du PIB), ceux ci ne représentent que 81 dollars pour les pays en voie de développement et 37 dollars en Afrique (6% du PIB). Ces dépenses faibles autorisent des installations de soins de santé en quantité et en qualité insuffisantes. Aussi, le nombre de lits d'hôpitaux qui est de 7.15 par mille habitants dans les pays développés, n'est que de 2.7 par mille dans les pays en voie de développement, et de 1.2 pour l'Afrique subsaharienne. Le nombre de médecins par 25 000 habitants est de 50 dans les pays développés et de 1 dans les pays les plus pauvres. Le système de soins en occident efficace en terme de disponibilité, accessibilité et acceptabilité se traduit par des indicateurs de santé satisfaisants, et un niveau de santé de la population décent.

2- Les grands problèmes de santé dans les pays du Sud sont un frein au développement économique

a- La santé maternelle

Des milliers de femmes meurent chaque année dans les pays pauvres à la suite d'accouchements ou d'avortements. Cette mortalité prive de nombreux foyers d'un élément indispensable pour l'éducation des enfants, pour toutes les charges de travail à domicile et pour la stabilité du foyer. Le décès précoce de la mère est source d'abandon des enfants avec toutes les conséquences qui en découlent.

A l'heure actuelle, l'OMS estime la mortalité maternelle à 1000 décès pour 100 000 naissances vivantes. La mortalité maternelle traduit le manque d'accès à un personnel qualifié pendant la grossesse, l'accouchement et le post-partum. À l'heure actuelle, seuls 43 % des accouchements sont assistés par un personnel de santé qualifié contre 40 % en 1990. Les taux élevés de fécondité, les maternités précoces et la faiblesse des systèmes nationaux de santé augmentent le risque de décès maternel en Afrique, où ce taux est estimé à 1/16, contre 1/2000 en Europe et 1/3500 en Amérique du Nord. Les facteurs à l'origine de cette situation sont représentées par une situation socio-économique déplorable, le rôle de mineure que joue la femme dans la prise des décisions et le contrôle des ressources, et les retards enregistrés dans l'accès aux soins de santé appropriés.

L'OMS estime que près de 19 millions d'avortements se font dans des conditions à risque. L'avortement volontaire représente pour une femme la seule solution à une grossesse non désirée ou forcée. Même si l'avortement est socialement réprimé, condamné moralement, il reste la solution pour la grossesse non désirée. Les raison d'une telle grossesse sont multiples, irresponsabilité, violence sexuelle, manque d'accès aux services de santé reproductive, carence des programmes d'éducation sexuelle, méconnaissance des méthodes contraceptives, échec des moyens contraceptifs. Les femmes porteuses de grossesse non désirée sont vulnérables du fait du contexte social désavantageux : manque d'accès à la sécurité sociale, violation des droits du travail, discrimination, pauvreté, violence dans le couple, dépendance économique. Pour éviter la mortalité prématurée de ces femmes, il est essentiel de cerner le problème dans sa globalité, c'est-à-dire assurer la justice sociale, lutter contre la pauvreté, assurer les méthodes contraceptives, assurer les droits humains dont la liberté de la femme à l'autonomie. Assurer un système économique où la femme joue pleinement son rôle ; où elle peut être indépendante économiquement (17).

b- La santé infantile : Entre 1990 et 2001, la mortalité infantile a augmenté dans neuf pays. Globalement, dans 14 pays africains, la mortalité infantile est plus élevée aujourd'hui qu'en 1990, et plus de 35 % des enfants sont exposés à un plus grand risque de décès qu'il y a 10 ans. En 2002, l'Afrique subsaharienne représentait 42 % du total des décès d'enfants de moins de 5 ans dans le monde. Actuellement, trois des six pays qui représentent 50 % du total des décès d'enfants de moins de 5 ans dans le monde se trouvent dans la Région africaine. Le taux de mortalité néonatale estimé à 45 décès pour 1000 naissances vivantes reste également élevé, et la proportion de ceux qui sont vaccinés contre la rougeole était de 57 % en 1990 et de 61 % en 2003.

c- L'épidémie du VIH/SIDA

L'épidémie du VIH/SIDA a fait des ravages dans les populations d'Afrique. La morbidité et la mortalité liées à cette maladie affecte directement le monde du travail et par la l'économie du pays. Cette maladie touche préférentiellement les populations jeunes et actives. Les entreprises sont ainsi privées d'une main d'oeuvre qualifiée et jeune. Par ailleurs, les foyers qui perdent un père ou une mère qui sont parfois la seule source de revenu, sont voués à la misère et vont faire grossir les rangs des pauvres et des sans abris. Les pays en voie de développement comptent 90% des infections et l'Afrique subsaharienne près des 2/3 et on y dénombre 75% des décès. Les foyers africains sont en général pris dans un cycle de pauvreté caractérisé par une faible production de nourriture, des revenus bas, une mauvaise santé, la malnutrition, le mauvais environnement sanitaire et les maladies infectieuses.

En 2003, on a estimé que 3,2 millions de personnes avaient été infectées par le VIH, et que 2,3 millions de personnes étaient mortes du SIDA. En Afrique australe, on a signalé un taux de prévalence de 20 % chez des femmes enceintes âgées de 15 à 24 ans. La prévalence du VIH/SIDA dans les pays de l'Afrique atteint 6.9% pour les femmes âgées entre 15 et 24 ans. Les femmes enceintes ont des taux élevés : 25% en Afrique du Sud, 39% au Swaziland et 32.9% au Botswana (Programme des Nations Unies pour le SIDA). Mais le VIH/SIDA est plus répandu dans les régions les plus pauvres. Les pauvres sont plus vulnérables à une infection au VIH que les riches. La prévalence du VIH manifeste peu ou pas de signes de recul. Des systèmes de santé peu satisfaisants et le manque de ressources financières et humaines nécessaires pour intensifier les programmes de lutte contre le VIH/SIDA sont les principaux problèmes qui entravent l'accès aux services de prévention, au traitement et aux soins.

d- Le fléau paludéen : Il s'agit d'un grave problème de santé en Afrique subsaharienne. Il touche tout particulièrement les jeunes enfants et les femmes enceintes, surtout dans les zones rurales, où l'accès aux services de soins est limité. L'Afrique représente plus de 90 % de la charge mondiale de morbidité paludéenne. L'emploi de moustiquaires imprégnées d'insecticide varie actuellement entre 0,1 % et 63 % dans les pays qui l'ont adopté pour les enfants de moins de cinq ans. Seuls 13 % des pays pratiquent pleinement le traitement préventif intermittent pour les femmes enceintes.

B- les politiques de développement s'appuyant uniquement sur la croissance économique n'assurent pas l'amélioration du niveau de santé

Le modèle de croissance associé à la conception libérale de l'économie, privilégiant l'accroissement du PIB et la maximisation des profits, néglige l'investissement social. Ce modèle est à l'origine de discrimination envers les personnes vulnérables et marginalisées, en matière d'accès aux soins, à l'eau et à l'alimentation saine, aux conditions de vie décentes, et aboutit par conséquent à des indicateurs de santé peu satisfaisants. La croissance économique qui ne tient pas compte des droits fondamentaux, prive la population de nourriture et d'eau, oriente les ressources vers les secteurs rentables au détriment des secteurs sociaux et détruit l'environnement.

Un exemple frappant est celui de l'Irlande qui a connu des avancées économiques remarquables, avec des hauts niveaux d'exportations et l'attraction sur son sol de nombreuses sociétés transnationales. Le revenu moyen de la population Irlandaise a doublé entre 1989 et 2002, le taux de chômage a sensiblement diminué. Ces résultats économiques satisfaisants contrastent avec la détérioration de la qualité de vie. Les gens sont plus stressés, boivent plus d'alcool, travaillent plus, voient moins souvent leurs familles et leurs amis. Le salaire moyen a doublé ce qui a réduit le nombre de personnes vivant dans les conditions de privation. En revanche, la pauvreté relative a augmenté. On considère que des personnes vivent dans la pauvreté relative quand leurs revenus les empêchent d'avoir un niveau de vie considéré comme la norme de la société. La pauvreté relative est passée de 6% (en 1994) à 12.9% (en 2001). Elle indique que tout le monde n'a pas tiré profit de la croissance économique. Les indicateurs de santé en Irlande ne sont pas au niveau de ceux des autres pays occidentaux. En 2001, l'espérance de vie est la plus basse de toute l'union Européenne. Les taux de mortalité par maladie sont plus élevés que la moyenne Européenne. L'Irlande a opté pour la réduction des impôts afin de maintenir le taux de croissance économique. Cette politique réduit les dépenses de l'état en particulier pour les services sociaux, augmentant par conséquent le nombre de personnes condamnés à l'exclusion sociale, et ceux vivant avec une mauvaise qualité de vie (8).

Le Chili affiche des taux de croissance jugés dignes de ceux des "tigres" asiatiques, et a même cessé ses demandes de nouveaux crédits à la Banque interaméricaine de développement. Mais les performances économiques de ce pays qualifiés de "miracle" chilien ne parviennent pas à améliorer l'accès aux soins à toute la population. Au contraire, même si le budget de la santé publique a doublé, et si les indicateurs de santé en particulier la mortalité infantile sont nettement meilleurs que ceux des autres pays de la région, le fossé des inégalités en matière d'accès aux services de santé demeure discriminatoire pour les pauvres. L'Etat se désengage du secteur de la santé notamment avec le projet d'hôpitaux publics autonomes mettant en avant l'autofinancement. Une nouvelle culture dans le milieu de santé voit le jour et s'accompagne d'un mercantilisme effréné qu'illustrent les choix de la profession médicale. Sur 16 400 médecins que compte le pays, près de 45 % exercent exclusivement dans le secteur privé. (GUILLOU BENOÎT, Une croissance sans dividendes sociaux. Le Chili malade de la santé Le monde diplomatique Mars 1997, page 18)

Les Etats Unis pays développé et riche, bien qu'il affiche des indicateurs de santé globaux convenables, est un pays où les disparités en matière de santé sont les plus flagrantes. Certaines couches de la population, ne disposant d'aucune couverture sociale, sont délaissés par un système de soins qui s'occupe uniquement des personnes riches ou disposant d'assurance santé. La frange de population défavorisée présente un état de santé voisin de celui des populations des pays en développement. A titre d'exemple, le taux de mortalité infantile aux états unis est de 9%o naissances vivantes, alors que ce taux est à 5 pour le Japon et la Suisse.

Le cas de la Russie est également éloquent, malgré une croissance économique, les indicateurs de santé ont connu une régression notable, sur toutes les franges de la population. La politique de cet état qui favorise le retrait des services publics du secteur de la santé en est une des causes évidentes.

C-La méconnaissance du droit à la santé dans les politiques de développement explique les mauvais résultats sanitaires

En analysant les raisons à l'origine des mauvaises performances de santé, on retrouve des politiques de développement tournées essentiellement vers la croissance économique et méconnaissant le droit à la santé, le droit à l'environnement sain, à l'alimentation, au logement, au travail et à l'éducation. Une croissance économique effrénée qui n'est pas soucieuse de la protection de l'environnement entraîne des conséquences néfastes sur la santé. On assiste ainsi dans les pays en voie de développement à l'émergence de maladies engendrées par les modifications de l'environnement (cancers, asthme...). Les politiques basées sur la croissance économique seule créent des inégalités entre les groupes sociaux et une destruction de la cohésion sociale. Les inégalités sociales se répercutent directement sur l'état de santé. L'espérance de vie diffère de 10 ans entre la classe dominante et celle des ouvriers en Union Européenne (9). Les pays ayant des syndicats puissants (Suède par exemple) et ayant mis en oeuvre des politiques de redistribution visant à réduire les inégalités, ont de meilleurs indicateurs de santé. La raison en est que la cohésion sociale est plus forte, le sens du pouvoir et de la participation est plus élevé et le sentiment de distance sociale est plus réduit. (9).

Le développement économique et la croissance du revenu sont certainement des facteurs qui contribuent à expliquer les remarquables améliorations de la santé au 20ème siècle, mais pris comme unique paramètre, la croissance du revenu ne peut pas expliquer les améliorations spectaculaires enregistrées dans le domaine de la santé au cours du siècle dernier. En effet, les expériences réalisées à Cuba et au Sri Lanka démontrent que des améliorations spectaculaires peuvent survenir dans le domaine de la santé sans que le revenu ne soit élevé en croissance rapide. En 1991, les citoyens du Sri Lanka ont une espérance de vie de 71 ans, soit la même que celle de pays à revenu plus élevé. Les citoyens de la Chine ont une espérance de vie à la naissance à 71 ans, plus élevée que celle des pays à faible revenu. Ceci traduit que les ressources d'un état ne représentent pas l'unique facteur qui agit sur l'amélioration du niveau de santé.

Les choix et les stratégies politiques de développement d'un pays ont une influence directe sur le niveau de santé de sa population. Un état qui impose des politiques d'austérité économique à sa population, en réduisant les dépenses publiques, en renchérissant les produits alimentaires, en baissant les salaires, crée toutes les conditions qui entravent l'exercice du droit à la santé. les états qui optent pour des politiques de développement qui réduisent les budgets des services de santé, qui privatisent les services de santé, qui entravent les droits des citoyens à l'élaboration des stratégies de santé, affectent négativement les services de santé et par là le droit des citoyens à l'accès aux soins. Les pays en voie de développement qui ont fait le choix des politiques néolibérales, ne respectent plus les droits sociaux des travailleurs, ne portent pas de considération pour leur santé et leur sécurité au travail. Ces politiques sont soucieuses uniquement de faire le maximum de chiffres, et ne s'inquiètent guère de la dégradation de la santé de la population, la dégradation de l'environnement et ses conséquences. La croissance du revenu ne doit pas servir de stratégie unique pour accomplir des progrès en matière de santé.

1- Le droit de l'accès aux soins et les politiques de développement économique

Comme précisé sur l'observation générale N°14, le droit à la santé s'entend comme le droit d'accès à un système de protection de la santé qui garantit à chacun sur un pied d'égalité la possibilité de jouir du meilleur état de santé possible. Le système de protection de la santé comprend les installations, les biens et les services, ainsi que les programmes en matières de santé publique et de soins de santé. Ce système de soins doit être disponible, accessible sans discrimination, acceptable culturellement et de qualité.

Or, les réductions des dépenses publiques de santé dans les pays en développement, aggravent la situation du secteur de santé. Le secteur de la santé dans ces pays est devenu déficient en matière d'équipements et de ressources humaines. Les installations sont par ailleurs inégalement réparties. Certaines populations vivent à plus de 30 kilomètres du premier dispensaire de soins. Les hôpitaux sont vétustes, leurs équipements anciens et souvent hors d'usage. Le personnel de santé, sous payé est démotivé. Beaucoup d'entre eux émigrent vers les pays occidentaux où les conditions de travail et de salaire sont plus alléchantes. Cette situation se répercute sur l'état de santé de la population et en particulier les personnes vulnérables. Les femmes n'ont pas accès aux soins de santé génésiques, elles ne contrôlent pas leurs grossesses, et la mortalité dans les suites d'un accouchement est souvent élevée. Les enfants souffrent de malnutrition, la mortalité infantile est élevée du fait de maladies infectieuses. Alors que cette mortalité est évitable par des mesures simples. Mais faute d'informations, faute de personnel formé disponibles, les enfants paient un lourd tribut.

Le retrait de l'état des services publics de soins favorise une privatisation rapide de ce secteur. Mais, les services de soins privés se concentrent dans les grandes métropoles et délaissent les zones rurales, éloignées et enclavées. Ce service privé est rarement à la portée de tous les citoyens. Les populations nanties y ont accès avec une durée d'attente réduite, un accueil correct, des équipements en bon état et parfois relevant des dernières innovations techniques. Malheureusement, la plus grande partie de la population n'a pas accès à ces soins, et doit se contenter des modestes prestations du secteur public. Cette médecine à deux vitesse traduit une véritable discrimination envers les couches pauvres et défavorisées.

2- La garantie des droits humains dans les politiques de développement économique

Lors de l'élaboration des politiques de développement économique, la limitation des droits de l'homme dans le but de favoriser e développement économique est une source de privation du droit à la santé. L'absence de participation de la population, le non respect des normes de sécurité et d'hygiène au travail, la limitation des services sociaux de base sont autant de facteurs déterminants qui entravant le droit à la santé.

a- La déclaration d'Alma Ata stipule dans son article IV que « tout être humain a le droit et le devoir de participer individuellement et collectivement à la planification et à la mise en oeuvre des soins de santé qui lui sont destinés ». L'observation générale N°14 a aussi précisé que l'encouragement de la participation de la population à la mise en place des services de prévention et de soins de santé est un aspect important dans le droit d'accès aux installations, biens et services en matière de santé. Faire participer les populations dans les choix de santé traduit un engagement de l'état dans les processus démocratiques. Mais, les états, dans un souci de restrictions budgétaires, marginalisent les populations dans l'élaboration des politiques et des stratégies de santé, et ne laissent aucune possibilité de participation des citoyens ou de leurs représentants aux politiques de santé.

b- Les gouvernements intéressés uniquement par la satisfaction des profits des entreprises privées, ne veillent pas au respect des normes de travail universellement reconnues, telles que l'élimination de l'exploitation de la main d'oeuvre enfantine, l'interdiction du travail forcé, la liberté d'association, le droit d'organisation et le droit de négociation collective et la non discrimination en matière d'emploi. Il est notoire de constater dans certains pays, la tolérance qu'affichent les gouvernements vis-à-vis de l'exploitation de la main d'oeuvre enfantine, de l'exploitation des travailleurs sous payés et ne disposant d'aucune couverture. Ces pays, dont l'objectif est d'attirer l'investissement étranger direct, illustrent une laxité dans l'application des normes du travail, réduisent les coûts salariaux alléchants, annulent ou modifient leur législation du travail et leur législation sociale afin de créer des zones franches industrielles. Ces zones de libre échange sont des paradis pour les investisseurs occidentaux, où l'infrastructure est subventionnée par l'état, et où le recours à la main d'oeuvre enfantine et féminine est une pratique largement répandue. Aux philippines, les entreprises étrangères sont installées dans des zones franches sont cernées de murs et de fils barbelés qui ressemblent à des camps de travail où les libertés syndicales, les libertés de circulation sont très réduites. Les multinationales recherchent une main d'oeuvre peu chère ne réclamant aucun droit social (syndicat, logement, sécurité social) (10).

Les politiques de développement dans les pays du tiers monde visent à attirer l'investissement étranger direct, et pour cela affichent une volonté délibérée de maintenir les salaires à un bas niveau. Les bas salaires entraînent une baisse considérable du pouvoir d'achat des pauvres, et se répercutent sur leur état alimentaire et leur état de santé. Selon l'OIT, dans la plupart des pays d'Afrique, les salaires réels ont baissé de 50 à 60% depuis le début des années 80.

La doctrine néolibérale explique la haute prévalence du VIH/SIDA en Afrique subsaharienne. La pauvreté aggravée par ces politiques entraîne la malnutrition et l'affaiblissement des systèmes immunitaires. L'immigration imposée par les facteurs économiques et sociaux, la prostitution comme seul moyen de survie, les inégalités de genre et les mouvements de populations ont été identifiés comme des vecteurs contribuant à la vulnérabilité à cette maladie. Les travailleurs immigrants, les professionnelles du sexe qui vendent leur corps pour pouvoir nourrir leurs enfants sont autant de phénomènes sociaux à l'origine de l'extension du VIH/SIDA.

c- La suppression des subventions alimentaires appuyée par les politiques de développement économique, touche au droit à l'alimentation. Elle entraîne une baisse du niveau nutritionnel dans les couches défavorisées de la population, accroissant les taux de malnutrition. Les politiques de développement économique mettent au point des réformes des politiques agricoles qui touchent même à la nature des productions. Ces réformes remplacent les productions vivrières destinées à la consommation intérieure, par des cultures de café, de tabac ou de coton destinées à l'exportation afin de générer des ressources en devises. Ces politiques réduisent les disponibilités alimentaires, et créent une baisse des niveaux nutritionnels et la malnutrition. En Afrique subsaharienne, les taux moyens de croissance annuelle de la production vivrière par habitant ont été négatifs entre 1979 et 1997. Les agriculteurs ont renoncé aux cultures traditionnelles. L'état n'offre le crédit et l'assistance technique qu'aux cultures destinées à l'exportation, alors que les cultures de subsistances ne sont pas concernées. C'est une source d'insécurité alimentaire et de malnutrition.

d- Au même titre que les autres services sociaux, les dépenses consacrées à l'éducation sont gelées. Ces restrictions touchent principalement l'enseignement primaire. En Afrique subsaharienne, le pourcentage des enfants de 6 à 11 ans scolarisés est tombé de 55% en 1979 à 45% en 1995 (UNESCO). Face à l'augmentation des frais se scolarité, les familles choisissent de ne plus envoyer leurs filles à l'école.

e- Le droit au logement est également sérieusement atteint lorsque les salaires sont bas, ou le chômage élevé, les citoyens n'ont pas assez de ressources pour satisfaire leurs besoins fondamentaux. L'état cesse de fournir directement des logements ou des allocations de logement aux pauvres. L'acquisition du logement est difficile du fait du renchérissement des matériaux de construction. La location de logement absorbe une grande partie des ressources, les pauvres n'ont ainsi pas droit à un logement décent. Dans les pays en développement, les trois cinquième n'ont pas accès aux équipements sanitaires de base, prés d'un tiers sont privés d'eau potable, un quart ne disposent pas d'un logement décent, un cinquième n'ont aucun contact avec un service de santé moderne, un cinquième des enfants ne vont pas au-delà de l'avant dernière année d'enseignement primaire et un cinquième sont sous alimentés (PNUD).

3- La protection de l'environnement dans les politiques de développement économique

Les politiques de développement économique les pays du tiers monde, encouragent l'exportation des matières premières. Or, des situations vécues à travers le monde, montrent qu'une telle attitude peut entraîner des répercussions importantes de l'environnement avec toutes ses conséquences sur la santé. L'exemple de l'extraction du pétrole dans certains pays corrobore ce fait. Dans les lieux où il est extrait, le pétrole est responsable de la pollution et de la destruction des écosystèmes. Sur les lieux de l'extraction ou de transformation pétrolière, des maladies comme le cancer et la leucémie sont plus fréquentes. On enregistre des indices élevés de mortalité infantile et de différentes maladies. Cette activité provoque la pollution des fleuves, la destruction des forêts, des dommages permanents et cumulatifs. Les pays du sud, soucieux d'exporter plus pour avoir les ressources nécessaires ne prennent pas en considération les désastres locaux. L'extraction du pétrole et son exportation n'a pas amélioré les conditions de vie des populations mais a provoqué la dégradation de la situation sanitaire des personnes vivants en contact avec les installations pétrolières. Une étude effectuée en Equateur auprès des familles vivant près des installations pétrolières a montré que 82,4% des gens interrogés ont été malades au moins une fois à cause de la pollution ; 96% connaissent des problèmes de peau et 75% des problèmes respiratoires. La principale cause de mortalité est le cancer qui a une moyenne trois fois supérieure à la moyenne nationale (12).

Les extractions effrénées de différentes matières premières dans le but de diversifier les exportations et se procurer les devises, ont des conséquences catastrophiques sur les ressources naturelles. Les pays s'engagent dans les exportations de ressources naturelles de biens tropicaux notamment, sans tenir compte des conséquences écologiques (13). Les 14 pays les plus endettés (plus de 10 millions de dollars) sont aussi ceux où la déforestation atteint des rythmes sans précédent (14). L'exemple du Ghana est éloquent. Ce pays a relancé l'industrie du bois, faisant passer la production de 147 000 à 413 000 mètres cubes entre 1984 et 1987 (15). Cette politique a accéléré la destruction des forêts ghanéennes dont la surface a été considérablement réduite par plusieurs de décennies de conversion des superficies boisées en espaces agricoles. Cette déforestation a plongé le Ghana dans une situation désastreuse caractérisée par la chute de la production vivrière, une baisse de fertilité des sols et des problèmes d'approvisionnement en eau (16). Les politiques de développement se font au détriment des ressources naturelles créant des ravages écologiques.

L'implantation des entreprises industrielles, bien que source d'embauche pour les pays en difficultés économiques, n'est pas sans danger. Les activités industrielles sont sources de déchets chimiques toxiques ayant un effet néfaste direct sur la santé des hommes et un effet dévastateur sur l'environnement. Les déchets rejetés par l'activité industrielle, sont sources de pollution de l'environnement, de dégradation de la nature, de déboisement, de l'émission de gaz à effet de serre, de pollution des sources d'eau, de pertes de terres arables et de dommages aux zones de pêche sources de malnutrition et de maladies. Les conséquences sont représentées par la survenue d'inondations et de sécheresses, d'un changement climatique et de catastrophe naturelles menaçantes pour la vie et la santé des populations. Les entreprises pollueuses contournent les obligations contenues dans le protocole de Kyoto en achetant les droits d'émission de CO2 à celles qui polluent le moins (6). En Europe, 100 000 substances chimiques sont enregistrées. Selon l'OMS, l'exposition à ces produits même à faible dose peut suivre gravement à la santé (Rapport du rapporteur spécial de la commission des droits de l'homme sur les conséquences néfastes des mouvements et déversements illicites de produits et déchets toxiques et nocifs pour la jouissance des droits de l'homme, E/CN.4/2006/42).

Un autre aspect de la mise en danger de la santé des populations des pays pauvres par des motifs économiques a été enregistré lorsque des navires contaminés par l'amiante ont été envoyés en direction de pays du tiers monde pour démontage.

Il ressort que l'amélioration de l'état de santé des populations est intimement liée au respect des droits de l'homme. La protection de la santé de la population exige que tout développement économique doive se faire de façon synchrone avec le développement social. La déclaration d'Alma Ata a insisté sur la nécessité d'un développement économique et social, fondé sur un nouvel ordre économique international, afin de donner à tous le niveau de santé le plus élevé possible et combler le fossé qui sépare sur le plan sanitaire les pays en développement des pays développés. Cette déclaration a également relié protection de la santé et développement économique en exhortant que la promotion et la protection de la santé des peuples est la condition sine qua non d'un progrès économique et social soutenu.

II- Les obstacles à l'application du droit à la santé lors de la mise en oeuvre des politiques de développement ont des causes multiples

Pourquoi les pays n'obéissent pas à leurs obligations de mise en oeuvre du droit à la santé lors de l'élaboration des politiques de développement. De nombreux obstacles se dressent devant eux. Certains sont d'ordre financiers auxquels ils ne peuvent se soustraire en raison des exigences internationales. D'autres enfin le fait de contraintes commerciales. Enfin certains obstacles sont structurels ayant des origines sociales et aboutissant à la corruption et l'inefficacité du système judiciaire.

A-Les obstacles financiers à la mise en application du droit à la santé dans les politiques de développement

Les obstacles financiers au développement des secteurs de santé sont réels. Les choix des gouvernements dans les allocations budgétaires aux secteurs sociaux sont souvent dictés par les institutions financières internationales dans le cadre de programmes d'ajustement structurel. Ces programmes ont tendance à réduire au maximum les dépenses publiques de santé.

1- Les réductions budgétaires dans le secteur de la santé

a- Les réductions des budgets sociaux dans le cadre des programmes d'ajustement structurels

Les politiques de développement imposent de faire des choix lors des allocations budgétaires. Ces choix ne sont pas délibérés. Les gouvernements sont obligés de se soumettre à des recommandations issues d'organismes extérieurs. En effet, les institutions financières internationales sont impliquées dans toutes les décisions d'ordre économique des pays débiteurs. Le FMI et la banque mondiale imposent des réformes néolibérales qui tournent le dos à la vision intégrale et progressiste de la santé annoncée à Alma Ata. Les budgets de santé publique sont fortement réduits, le secteur privé est encouragé, de même que le recouvrement des coûts de santé. (36).

Ces institutions imposent des réductions budgétaires dans les services sociaux des pays en développement dans le but d'aider ces pays à pouvoir honorer leur dette extérieure. Le FMI et la banque mondiale affirment que les dettes extérieures des pays doivent être remboursées. Or les valeurs de la dette atteignent des chiffres très importants. Le transfert de capitaux du tiers monde vers les pays développés est estimé à 189 milliards de dollars en 1995. Pour s'acquitter de leur dette, les pays adoptent des stratégies de développement axées sur une croissance induite par l'exportation des produits agricoles et des produits miniers, ils fournissent les matières premières aux pays industriels et se cantonnent au rôle d'importateur de produits finis beaucoup plus chers. Ces politiques de développement créent la récession économique qui s'accompagne de revenus insuffisants et de malnutrition, et par conséquent de vulnérabilité face à la maladie.

Des programmes économiques rigoureux sont imposés par les institutions financières aux pays débiteurs. Ils ont pour objectif d'entraîner une croissance dynamique et permettre aux pays du tiers monde de sortir de l'endettement. L'adhésion des pays du tiers monde aux programmes d'ajustement structurel est une condition exigée par ces institutions pour que ces pays puissent bénéficier du rééchelonnement de la dette. Le PAS est ainsi considéré comme le seul modèle de développement capable de transformer les économies des pays dans les plus brefs délais possibles et les aider à tirer partie des possibilités offertes par la mondialisation rapide de l'économie planétaire. Les gouvernements sont encouragés à changer leur politique de développement en passant de la planification du développement, à une politique de dévaluation, de déréglementation, de libéralisation et de privatisation. L'ajustement structurel vise à restructurer les capacités productives pour accroître l'efficience et contribuer à rétablir la croissance, et s'inscrit par conséquent dans le moyen terme et le long terme. Il implique une réforme du marché, la privatisation et la libéralisation. L'objectif des programmes d'ajustement structurel est de réduire la consommation de biens et de services.

Le FMI et la Banque mondiale imposent la réduction du rôle de l'état non seulement dans l'économie, mais aussi pour la fourniture de services sociaux comme la santé, l'éducation et la sécurité sociale. L'objectif est de réduire l'enveloppe budgétaire en éliminant les services gratuits, en instituant les redevances d'utilisation pour les services d'éducation et les soins de santé. Les coupes budgétaires sont opérées sans discrimination avec des effets négatifs sur les services de base d'une importance cruciale pour le développement humain. Le FMI exige des réductions des subventions et des financements alloués à des secteurs comme l'éducation de base, la santé de base et l'infrastructure rurale atteignant 60% (20).

Mais, ces institutions financières ne prennent pas en considération le développement humain. En effet, une croissance forte du PNB ne débouche sur le développement que si elle s'accompagne de changements dans la répartition du revenu, de manière à permettre à une plus large proportion de la population de jouir effectivement de ses droits économiques, sociaux et culturels. Or le remboursement de la dette absorbe entre le quart et le tiers des recettes publiques des pays en développement, ce qui entraîne un effet d'éviction sur les investissements publics nécessaires au développement humain. L'endettement élargit le fossé entre riches et pauvres, augmente le nombre des affamés, des sans abri, dégrade la situation des femmes, aggrave la situation sanitaire en particulier des groupes sociaux vulnérables (19). Si les PAS ont permis d'enregistrer des taux de croissance dynamiques du PIB, d'accroître les exportations et d'améliorer la balance des paiements, ils n'ont pas atteint les objectifs essentiels tels que l'auto approvisionnement alimentaire, la réduction de la pauvreté, et l'amélioration des indicateurs de santé. Les performances économiques positives et une croissance positive du PIB ne sont pas synonymes de développement.

Par ailleurs, l'ajustement structurel et la libéralisation ont été imposés aux africains dans une conjoncture caractérisée par la baisse des prix de produits de base, le recul de l'aide publique au développement, le tarissement des prêts de source privée, l'aggravation des mesures protectionnistes prises par le nord contre les produits africains, et des niveaux d'endettement insoutenables. Ainsi, s'explique que les pays africains soient peu nombreux à avoir réalisé des progrès appréciables sur la base des indicateurs qui donnent la mesure du développement réel et à dimension humaine. La plupart ont au contraire replongé dans des inégalités croissantes, la dégradation écologique, la désindustrialisation et la misère. Un groupe consultatif de l'ONU a signalé que dans toute l'Afrique subsaharienne, les systèmes de santé s'effondrent faute de médicaments, que les écoles manquent de livres et que les universités souffrent d'une pénurie paralysante de bibliothèques et de laboratoires. Une malnutrition sévère frappe les campagnes, ouvrant la voie à une répétition de l'épidémie de choléra qui a dévasté Lima à la fin des années 80 (19).

Le rapport international établi par M. Danito Turk, rapporteur spécial de la sous commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels (E.CN. 4/sub.2/1991/17) porte sur la relation entre les mesures d'ajustement structurel et la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Les données recueillies montraient que les PAS compromettent le droit au travail, à l'alimentation, au logement, à la santé, à l'éducation et au développement.

Les compressions budgétaires imposées par les PAS ont été opérées sans discrimination, portant un coup sévère aux services de santé. L'ampleur de la crise sociale et économique des pays en transition d'Europe centrale et orientale s'accompagne d'une baisse significative des indicateurs de la santé et de l'éducation (21). L'application aveugle des PAS a remis en cause le droit à l'alimentation, le droit à l'éducation, le droit au logement, le droit à la santé. FMI et Banque mondiale n'ont pas réussi à épargner les budgets de santé lors de l'application de PAS. Dans le but d'amasser des fonds pour rembourser leurs créanciers, les états du tiers monde imposent des politiques d'austérité économique à leur population. Les mesures ont pour conséquence le renchérissement des produits alimentaires, la baisse des salaires et l'augmentation du chômage, la réduction des programmes de santé, de nutrition et d'alphabétisation. Les personnes les plus affectées par le PAS sont les femmes, les enfants, les familles, les jeunes, les paysans et ouvriers agricoles, les travailleurs urbains.

b- Les obstacles à l'accès aux médicaments

La production des médicaments est réglementée par des législations internationales. L'avènement de la mondialisation promue par l'OMC a durci les mesures de protection des brevets de productions. Le brevetage accroît considérablement les prix des médicaments et institue des obstacles de caractère économique à l'accès aux médicaments. Les accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) défendent les droits sur la propriété intellectuelle sur les médicaments. Ces accords nuisent à la santé publique des pays en développement. D'abord, ils incitent à l'abandon des recherches sur les maladies oubliées (lèpre, leishmaniose) qui sont considérées comme non rentables par les laboratoires de recherche. Ensuite, ces accords établissent des droits de propriété intellectuelle sur les médicaments accordant aux industries pharmaceutiques qui les fabriquent un droit de production exclusive pour 20 ans. Aucune fabrication sous forme de médicament générique, sans accord du propriétaire du brevet n'est autorisée. Cet aspect du commerce des médicaments a engendré beaucoup de difficultés. En effet, les médicaments antirétroviraux nécessaires au traitement du VIH/SIDA sont brevetés et coûtent 12 000 Dollars américains par année, alors que les mêmes médicaments génériques ne coûtent que 420 Dollars américains par année. Les accords de libre échange donnent des avantages supplémentaires au détenteur du brevet, puisqu'ils prévoient même des brevets de second usage lorsqu'une nouvelle propriété du médicament est découverte, et même des brevets illégitimes par modification de la forme de présentation du médicament par exemple (23).

Les droits de propriété intellectuelle sont les premiers droits privés à être protégés par le régime de l'OMC. L'accord sur les ADPIC a été accueilli avec de fortes réticences par les pays en développement. Ceux-ci craignent qu'une protection stricte de la propriété intellectuelle ne nuise aux transferts de technologie ou à d'autres objectif de nature sociale comme l'accessibilité aux médicaments essentiels à prix abordable. On peut voir dans la propriété intellectuelle une forme de droit de monopole, qui renforce l'autonomie individuelle, et encourage le travail de création. Dans cette optique, permettre que l'on s'approprie le travail des autres sans leur verser de rétribution est frauduleux. Mais est il possible de déterminer un montant qui constitue une juste rétribution du créateur. Dans certains cas, les droits de propriété intellectuelle peuvent aboutir à des abus de pouvoir en donnant à leurs détenteurs le droit de fixer le prix à payer pour avoir accès aux fruits de leur travail. Cette attitude relève d'un individualisme extrémiste. Les dispositions des ADPIC reflètent le point de vue et les revendications de pays où de puissants lobbies industriels font pression en faveur d'une protection très stricte des droits de propriété intellectuelle (24).

On peut citer l'exemple du litige récent entre les Etats Unis et l'Afrique du Sud. L'Afrique du Sud a eu recours aux médicaments génériques indispensables pour enrayer l'épidémie du Sida sans se soucier des détenteurs du brevet. Les hommes d'affaires américains relevant du secteur de l'industrie pharmaceutique ont ressenti là une atteinte à leurs intérêts. Plutôt que d'engager une action contre l'Afrique du sud devant l'OMC, les Etats-Unis ont préféré exercer des pressions dans le cadre de leurs relations bilatérales. Soucieux de préserver leur image publique, ils ont finalement autorisé l'Afrique du Sud à recourir aux licences obligatoires dans les limites permises par la législation sur les ADPIC. L'accès aux médicaments est sans nul doute une affaire de droits humains, et il aurait été inadmissible que les Etats-Unis empêchent l'Afrique du Sud de fournir à ses citoyens victimes de la maladie les traitements nécessaires. Malgré ce dénouement heureux, il devient nécessaire de réviser l'instrument juridique pour y inclure une approche plus équilibrée, condition préalable à toutes formulations de droits de propriétés intellectuelles dans le cadre de l'OMC (24).

B-Les obstacles d'origine politique à l'application du droit à la santé

1- L'inefficacité du système judiciaire

L'application du droit à la santé nécessite des garanties judiciaires qui autorisent aux populations des recours en cas de violation. Or dans les pays en développement, le système judiciaire présente de nombreux maux. Il ne bénéficie pas d'une réelle indépendance vis-à-vis du gouvernement, il est gangrené par la corruption, et il souffre de nombreuses insuffisances qui l'empêchent de prendre des décisions convenables en matière de droit à la santé. Les gouvernements sont surtout occupés par des chiffres de croissance élevés, et ne se soucient guère des violations du droit à la santé qui peuvent être causées par les entreprises privées par exemple, du moment que ces dernières soutiennent l'économie nationale. L'ambition d'attirer des sociétés transnationales sur leur sol pousse même les gouvernements à fermer les yeux sur des violations parfois graves. Les entreprises privées peuvent être à l'origine de pollutions environnementales et de violations des droits du travail. Les activités des sociétés transnationales peuvent être considérées comme des obstacles à l'exercice du droit à la santé. Il est en effet difficile d'appliquer les lois et règlements des droits humains au secteur privé.

Au Nigeria, depuis une dizaine d'années, les sociétés pétrolières étrangères ont pollué de vastes superficies de terre dans les zones pétrolifères. Les autorités ont réagi avec une effroyable brutalité quand les populations autochtones ont voulu défendre leurs droits fondamentaux. Les forces de sécurité nationales sont utilisées pour réprimer les protestations des populations locales contre les activités de Shell et d'autres compagnies pétrolières dans le delta du fleuve Niger.

En Birmanie, la compagnie pétrolière et gazière d'état, est accusée de graves violations des droits de l'homme perpétrées par les forces de sécurité birmanes pour déblayer le terrain et recourir au travail forcé afin de construire un gazoduc (25).

Lors du procès porté devant la justice par des communautés indigènes et paysannes contre la société Texaco en 2003, le coût économique des dommages environnementaux a été estimé à 6 600 millions de dollars pour nettoyer les plaques de déchets pétroliers et les fleuves. Chevron Texaco a calculé que les dégâts environnementaux coûteraient 40 millions de dollars américains et les a réparti sur différents secteurs afin de calmer les revendications gouvernementales, organisations indigènes, Eglise, UNICEF. Chevron Texaco n'a pas investi dans le nettoyage et a préféré investir dans les relations publiques (11).

Les dégradations environnementales avec leurs conséquences sur la santé sont rarement prises en considération par les autorités publiques des pays en développement. Au cours de ces dernières années, plusieurs jugements importants ont été prononcés en faveur des demandeurs, mais ils restent très rares par rapport au nombre de cas où les sociétés s'en sont tirées à bon compte et par rapport au nombre encore plus important de violations dénoncées auprès des organisations de défense des droits de l'homme, des syndicats et des organisations de protection de l'environnement. Par ailleurs, bon nombre d'instruments internationaux existants, conçus pour réglementer les activités des entreprises transnationales, sont inapplicables et donc largement inefficaces en pratique. Ces instruments sont très nombreux, mais peu, voire aucun d'entre eux n'est contraignant et les entreprises n'ont aucun scrupule à les ignorer, surtout dans les pays du Sud où les mécanismes nationaux de responsabilisation sont rares, où l'accès à la justice pour les simples citoyens est difficile, et où les gouvernements sont prêts à s'entendre avec les entreprises pour préserver les bénéfices que ces dernières apportent à leur économie. Face à cette situation, les avocats, les syndicats et les organisations de défense des droits de l'homme qui militent en faveur des travailleurs ou de toute autre personne dont les droits sont bafoués, se retrouvent dans une impasse (25).

2-Les comportements sociaux

La corruption a une implication directe sur l'exercice du droit à la santé. En affectant chacune des composantes de la gouvernance, la corruption peut avoir des effets sur l'état de santé et surtout sur l'exercice du droit à la santé des populations. La corruption se définit comme l'abus d'une charge publique à des fins de profits privés personnels ou catégoriels (32). La corruption concerne le comportement de tous ceux qui ont un pouvoir dans les affaires publiques, qu'ils s'agissent de politiciens, d'employés du secteur public ou des militaires. La corruption conduit, à une atteinte du droit à la santé. Dans l'étude intéressante rapportée par Audibert (32), les relations entre corruption et secteur de la santé sont dégagées :

- Les régimes ou les sociétés où la corruption est forte manifestent vraisemblablement un intérêt limité pour la santé des personnes.

- La corruption entraîne un moindre niveau de prélèvement public, donc toutes choses égales par ailleurs, il en résulte un moindre niveau de dépenses publiques de santé.

- Elle engendre des surcoûts pour le secteur public, et favorise le gaspillage de ressources

- Pour les décideurs et les agents en position de responsabilité élevée, il est certainement plus difficile de capter une rente importante dans le domaine de la santé que dans d'autres secteurs, ce qui n'incite pas à un effort en faveur des dépenses publiques de santé.

- Il est important que la corruption puisse rester relativement discrète, il est donc, du point de vue de la recherche d'une rente, plus intéressant d'orienter les dépenses publiques vers des grands contrats ; or la santé offre relativement peu d'opportunité en la matière.

- Le personnel de santé peut assez facilement pratiquer des tarifications occultes pour augmenter son revenu, ce qui émousse les revendications catégorielles pour obtenir des crédits de la part de l'Etat.

C-les contraintes commerciales internationales

L'ordre économique mondial actuel, privilégie la libéralisation commerciale et la mondialisation de l'économie. L'objectif central de la mondialisation consiste à générer à l'échelle mondiale un grand marché qui permet la libre circulation des marchandises avec comme seules règles, celles de l'offre et de la demande. L'état est marginalisé et devient un simple régulateur du marché. L'impact est négatif sur la garantie du droit à la santé, du fait de la multiplication des privatisations, du transfert du patrimoine public vers le secteur privé, de l'annulation de tous les services gratuits, de la privatisation de l'eau, et de l'établissement des brevets sur les médicaments essentiels. La mondialisation encourage des réformes basées sur l'impôt indirect et la diminution des dépenses publiques sociales, l'élimination des barrières pour l'investissement extérieur, la privatisation des entreprises de l'état, la dérégulation du marché, les garanties pour le droit à la propriété. Toutes ces politiques visent à favoriser l'élargissement du marché des multinationales. La déréglementation du marché du travail garantit une main d'oeuvre bon marché.

La mondialisation est renforcée par les accords de libre échange entre les états. Les accords de libre échange renforcent la privatisation du secteur de la santé. La santé est alors considérée comme un bien privé qui s'obtient dans le cadre des services de santé. La santé n'est pas considérée comme un droit humain et un bien public, mais comme tout bien marchand obéissant aux règles commerciales. Les accords de libre échange offrent des possibilités d'affaires dans la vente des services de santé, la commercialisation des biens et des technologies de santé, la production et la distribution de médicaments, le marché de l'assurance, la commercialisation de l `eau et des aliments transgéniques. Les accords ont des conséquences négatives sur la garantie du droit à la santé notamment à cause des privatisations des services de santé et de l'établissement des brevets sur les médicaments essentiels. La mondialisation prive des millions de personnes du droit à l'accès à des soins de base gratuits.

La mondialisation considère de plus en plus les droits des travailleurs et les principes de protection de l'environnement comme des barrières au libre échange, et confère aux entreprises multinationales un pouvoir extraordinaire tout en leur permettant d'ignorer toute responsabilité. Alors que dans les années 60 et 70, on craignait surtout, de la part de ces multinationales, une ingérence excessive dans les affaires des pays en voie de développement, on constate aujourd'hui qu'elles ne parviennent même pas à contrôler les pratiques répréhensibles de leurs filiales à l'étranger. Bien qu'elles soient souvent plus puissantes et plus riches que bon nombre de gouvernements, elles ne reconnaissent pas l'obligation morale d'employer cette puissance et ces richesses à participer à l'amélioration des conditions de vie des populations des pays où elles développent leurs activités, même lorsqu'il s'agit de personnes directement touchées par ces activités, comme leurs employés ou leurs consommateurs. D'autre part, la marge de manoeuvre dont disposent les gouvernements pour réglementer les activités des entreprises multinationales ne cesse de se réduire. La répartition des responsabilités entre les états et les multinationales est souvent confuse, ce qui crée un vide dont chacun tire profit pour éluder ses responsabilités (25).

CHAPITRE 3- CONCILIER LE DROIT A LA SANTE ET LES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT

Même en étant un droit fondamental, le droit à la santé est souvent transgressé, au cours de la mise en oeuvre des politiques et stratégies de développement. Le développement est aussi un droit de l'homme dont on ne saurait se passer. Aussi, est il souhaitable de concilier politiques de développement et respect des normes du droit à la santé, en assurant l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, l'éducation primaire pour tous, des politiques en matière d'environnement.

Les états doivent développer des politiques publiques qui matérialisent la réalisation des droits de l'homme. Le droit à la santé doit guider les politiques et les activités des gouvernements.

Le rapporteur spécial sur le droit de la santé des Nations Unies a énoncé la nécessité d'identifier les bonnes pratiques pour la mise en oeuvre du droit à la santé au niveau des communautés et aux niveaux national et international. Les dispositions juridiques du droit à la santé doivent trouver une expression pratique, et passer de normes nationales et internationales à des politiques, à des programmes et à des projets concrets. Les normes internationales de droits humains devraient s'appliquer de manière cohérente et systématique dans tous les processus de formulation des politiques sur le plan national et international. Les actions des états ne doivent pas enfreindre le droit de toute personne de bénéficier du niveau le plus élevé possible de santé physique et mentale. Ainsi, tout traité ou convention internationale doit impliquer la promulgation de politique de santé publique garantissant l'accès généralisé aux produits pharmaceutiques et à des technologies médicales de prévention, de soins efficaces et accessibles (49). L'approche de la justice sociale de la santé exige donc une refonte du système international. Les états seront tenus d'élaborer des politiques de santé efficaces, d'améliorer la gouvernance locale, de défendre les droits de l'homme et de prendre les mesures pour respecter l'environnement.

I- Elaborer des politiques de santé efficaces dans le cadre des projets de développement

Le respect des droits de l'homme, l'accès universel aux services sociaux, la répartition équitable des revenus, et la bonne gouvernance et la gestion responsable du processus du développement sont essentiels pour la réalisation du droit à la santé. La mise en oeuvre plus efficace des politiques existantes ou nouvelles, en tenant compte des conventions et accords internationaux est essentielle pour la réalisation du droit à la santé. Les soins de santé de base devront être incorporés dans les initiatives nationales de développement.

Les autorités nationales devraient assurer des choix qui oeuvrent vers la mise en oeuvre des stratégies et des interventions dans les services de soins qui mettent l'accent sur les soins de santé primaires. Ils devraient adopter une approche pluridisciplinaire et multisectorielle fondée sur les droits de l'homme afin de dispenser les soins de santé à tous. Dans le but d'assurer les besoins sanitaires de toute la population, les choix se feront vers la mobilisation des ressources pour l'achat des médicaments et des équipements nécessaires; le développement et gestion des ressources humaines; la mise en place d'un système d'assurance sociale, et l'orientation vers les soins de santé de base. Pour renforcer les systèmes de santé, il est indispensable d'évaluer les besoins pour identifier le volume des investissements nécessaires, et dresser des plans stratégiques qui permettront de mobiliser les ressources nécessaires.

Il faut attirer l'attention que en matière de ressources humaines, les pays pauvres subissent une pénurie des professionnels de la santé. Les professionnels de santé formés dans les pays pauvres sont activement recrutés par les pays riches. Cette opération aggrave le déficit en ressources humaines dans les pays pauvres qui souffrent déjà d'une basse densité de professionnels de santé provoquant par là davantage de pression sur les services de santé. La fuite des professionnels de santé aggrave la pénurie dans des pays qui ont à supporter de nombreux défis de santé (VIH/SIDA). Les pays exportateurs de ces professionnels sont perdants à plusieurs niveaux : la pénurie en professionnel de santé s'accentue, ils perdent des savoirs, des compétences et une mémoire institutionnelle, endossant le prix de la formation au bénéfice des pays développés. Les facteurs qui poussent les gens à émigrer sont représentés par la rémunération essentiellement, associée à une charge de travail intense et des conditions de travail et de sécurité mauvaises. D'un autre côté, les stratégies agressives de recrutement par les pays riches constituent un facteur important à l'immigration. Les pays doivent appliquer des politiques de santé qui leur permet de favoriser le maintien des professionnels sur le sol national, en promouvant les incitations financières et non financières, en concevant des solutions locales pour les ressources humaines, pour assurer la satisfaction des besoins. Les pays riches ayant des besoins accentués par le vieillissement de la population font appel à ces professionnels insuffisamment payés, ils arrivent à satisfaire les besoins de leur population en effectuant une économie sur des coûts de formations. Les pays riches devraient indemniser les PVD desquels les professionnels sont issus.

Les politiques de santé doivent s'orienter vers les priorités énoncées dans les objectifs du millénaire pour le développement. Ces OMD s'inspirent également de concepts antérieurs, tels que l'approche des soins de santé primaires, les soins de santé de base, et l'Initiative Santé pour tous en l'an 2000. L'analyse des objectifs du millénaire pour le développement montre qu'ils restent modestes par rapport aux besoins en santé qui sont de plus en plus importants et de plus en plus urgents. Ils contiennent même une régression importante par rapport aux buts établis par la santé pour tous lors de la déclaration d'Alma Ata (Tableau 1). Ils ont l'avantage cependant de concevoir l'approche de la santé en tenant compte des droits de l'homme. Ainsi, les solutions au problème du VIH englobent la nourriture, l'eau, les systèmes d'assainissement, l'éducation élémentaire, les soins de santé, la sécurité, le travail décent qui permet de ne pas être exploité et être utile à la communauté. Les objectifs du millénaire pour le développement ont été adoptés lors du Sommet du Millénaire par 189 pays. La Déclaration du Millénaire propose huit objectifs dont trois sont directement en rapport avec la santé (Réduire la mortalité infantile; Améliorer la santé maternelle; Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies) et cinq liés à la santé (Réduire l'extrême pauvreté et la faim; Assurer l'éducation primaire pour tous; Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes; Assurer un environnement durable; Mettre en place un partenariat mondial pour le développement).

II- Renforcer les budgets alloués aux services publics de santé

Il est démontré que l'augmentation des dépenses publiques de santé améliore l'état de santé de la population en particulier des couches défavorisées. La proportion du budget à consacrer à la santé a été fixée à (Abuja en 2001). Mais, cela nécessite de mobiliser des ressources financières qui ne doivent pas amputer les budgets alloués aux autres secteurs dans le cadre du développement. C'est pour cela que les états doivent tirer le meilleur parti des aides internationales, des programmes de développement de la santé, et réformer leurs relations avec les institutions financières internationales de manière à alléger le poids de la dette ou à transformer une partie en aide publique pour le secteur de la santé.

a- Les dépenses publiques de santé améliorent l'état de santé des pauvres

Il semble que les dépenses publiques de santé sont généralement insuffisantes dans les pays en développement, notamment dans les pays à faible revenu. Une question se pose, est ce que l'augmentation des dépenses publiques va améliorer l'état de santé de la population. Certaines études mettent en évidence que les dépenses publiques de santé, prises globalement, n'ont pas dans l'ensemble d'effets statistiquement significatifs sur l'état de santé des populations. L'impact des dépenses publiques sur la santé dépend de la nature et du volume de l'offre de soins que ces ressources financent, de l'efficience et de la qualité des programmes et des systèmes de santé, de la réaction du secteur privé face à l'augmentation de l'offre publique de soins, et enfin du comportement des individus en matière de demande de soins, à savoir dans quelle mesure ils recourent aux différents types de soins publics et privés existants (26). D'autres analyses rapportent les bienfaits d'une augmentation des dépenses publiques de santé. L'impact des dépenses publiques de santé sur l'état de santé est plus important dans les pays à faible revenu que dans les autres (27), et il est plus élevé sur l'état de santé des pauvres que des non pauvres. Des résultats qui suggèrent de plus que « le bénéfice marginal de la dépense publique de santé est plus élevé pour les pauvres, quelle que soit la part de la dépense publique de santé reçue par les différents groupes de revenus » (28). Cela veut dire que même avec une répartition uniforme des dépenses publiques de santé entre les différents groupes de revenus, l'impact de la dépense publique sur l'état de santé sera malgré tout plus important pour les pauvres. (27). Toutes choses égales par ailleurs, l'augmentation des ressources publiques consacrées à la santé améliorera donc la santé des pauvres.

b- Modifier les relations avec les institutions financières internationales

Pour améliorer l'état de santé des populations des pays pauvres, l'appui des institutions financières est nécessaire. Leur implication pour le respect du droit à la santé peut se manifester par la réduction de la dette en faveur des pays pauvres. Les créances publiques peuvent être transformées en dons. Les gouvernements créanciers ont certes pris des certaines mesures, pour réduire le prix de la dette (condition de Toronto). En septembre 1988, la banque mondiale a annoncé un allégement des paiements d'intérêts pour 13 pays africains à faible revenu. L'Allemagne, la France et la Suède ont annulé des crédits à l'exportation. La France a effacé en 1989, la dette publique de tous les pays africains à faible revenu. Les conditions de Naples sont conçues pour réduire 67% de l'encours de la dette des pays à faible revenu. Si les coûts de la dette du tiers monde (1500 milliards de dollar) doivent être assumées, il convient d'en libérer les majorités démunies. La dette doit être répartie équitablement entre les pays et les banques transnationales qui ont consenti des prêts. Pour de nombreux pays pauvres, la réduction de la dette va réamorcer et doper la croissance. Même pour les pays qui ne sont pas surendettés, l'accumulation de la dette hypothèque la croissance.

La conditionnalité est un élément de grande importance bien qu'elle soulève des questions sur la souveraineté nationale. Mais elle est souhaitable si elle repose sur des critères liés au développement humain et aux différents aspects des droits humains. Toute lettre d'intention adressée au FMI doit faire état de l'effet prévu des politiques d'ajustement sur la santé. La conditionnalité permettra de veiller à ce que les ressources libérées par l'allégement de la dette soient efficacement mises à profit notamment dans le secteur de la santé. Chaque pays mettra en place un groupe de surveillance (représentants des pouvoirs publics et de la société civile) afin d'observer la façon dont les gouvernements respectent ces conditions.

Les pays pauvres doivent avoir plus d'influence au niveau des institutions financières internationales. Ces dernières dominées par les pays riches, doivent être démocratisées. Le mode de représentation dans les organismes financiers repose actuellement sur la puissance économique. Les pays riches exercent une influence prédominante sur les décisions de ces institutions, alors que les pays pauvres ne disposant dans leur grande majorité d'aucun pouvoir réel. De ce fait les organisations en question continuent d'appliquer leur propre définition du développement dans le monde. Ces institutions doivent être réorganisées bien qu'il soit très difficile de modifier les processus décisionnels de ces institutions.

c- Utiliser l'aide internationale pour améliorer le secteur de la santé

L'aide internationale est un outil de politique extérieure. Cette aide doit être conditionnelle pour influencer les politiques de développement nationales. L'aide internationale doit favoriser l'amélioration de l'état de santé. Elle doit imposer des clauses concernant l'augmentation des dépenses publiques dans le secteur de la santé, l'investissement dans ce secteur. Tout affranchissement de la dette doit se répercuter sur les besoins en santé.

La banque mondiale répondant aux critiques qui l'accusent d'avoir aggravé la pauvreté, a proposé des programmes de protection sociale et des filets de sécurité qualifiés de « dimensions sociales de l'ajustement » destinées à protéger les pauvres des effets néfastes des PAS. Cependant ces programmes sont trop modestes et trop tardifs pour pouvoir remédier sensiblement aux causes fondamentales de la misère. Les programmes à dimension sociale sont essentiellement des mesures palliatives, considérés par certains comme une tentative de la part de la banque mondiale d'apaiser les populations démunies qui s'organisent de façon à remettre en cause les politiques en question. La banque mondiale a lancé son programme de lutte contre la pauvreté. Les pauvres sont selon la banque mondiale, les laissés pour compte de la croissance, les victimes de la géographie et de la discrimination.

d- Bénéficier des fonds dans le cadre de programmes de santé

Un ensemble de programme sanitaires sont développés dans les pays pauvres : programme de vaccination universelle, programme global antisida, programme de contrôle de la tuberculose, éradication de la lèpre. Des ressources sont proposées par les initiatives mondiales telles que la Commission pour l'Afrique lancée par le Royaume-Uni; le Fonds mondial de lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme; le Compte du Millénaire initié par les États-Unis; l'Initiative PPTE; le Consensus de Monterrey; et les accords de Doha. Les ressources issues de l'Initiative PPTE et de celles issues des nouvelles annulations de dette doivent être consacrées au secteur de la santé. Par ailleurs, les partenaires internationaux devraient honorer leurs engagements en allouant aux pays les moins avancés une part du PIB comme cela a été confirmé à la Troisième conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés qui s'est tenue à Bruxelles en 2001. Ils devraient également simplifier et rationaliser leurs règlements et exigences, de même que les conditions à remplir pour bénéficier des mécanismes internationaux de financement de manière à ce que les pays africains puissent «absorber» ces fonds plus rapidement.

III- Respecter et protéger les droits de l'homme

Les droits de l'homme sont indivisibles. Le respect de tous les doits de l'homme lors de l'élaboration des politiques de développement est une condition essentielle pour l'amélioration de l'exercice du droit à la santé. La garantie des libertés fondamentales, l'éducation et l'autonomisation des femmes et des filles permettront de réaliser d'autres objectifs tels que la sécurité alimentaire et la nutrition et la santé. Pour atteindre la sécurité alimentaire, les politiques nationales de développement doivent aussi entamer des réformes agraires, lutte contre la pauvreté, sauvegarder les ressources naturelles, assurer un travail décent. Ces actions permettront d'améliorer la situation nutritionnelle et sanitaire. On devrait prendre en considération les droits aussi bien individuels que collectifs. Le droit à un niveau de vie adéquat et le droit à l'alimentation proclamés par la conférence mondiale sur les droits de l'homme de Vienne en 1993. Cette approche insiste sur le respect du droit à la santé à travers l'application des principes définis de l'observation générale n° 14.

La protection des droits de l'homme passe par la surveillance des conduites de tous les acteurs susceptibles de violer les dispositions du droit à la santé. Les gouvernements soucieux de maintenir les sociétés multinationales sur leur sol ferment les yeux sur des violations de droits de l'homme.

Les gouvernements doivent réglementer les activités des entreprises officiellement établies ou opérant dans leur juridiction. Il est donc important de ne pas perdre de vue la responsabilité des états lorsque l'on s'attaque directement aux multinationales. Les gouvernements doivent formuler et mettre en oeuvre des lois et des mécanismes de réglementation, de contrôle et de surveillance qui leur garantissent la possibilité de contrôler et de réglementer les activités des multinationales dans leur juridiction chaque fois que le droit à la santé risque d'être atteint. Il faudrait au préalable s'attaquer aux complicités pouvant exister entre les gouvernements et les entreprises multinationales. Des instruments internationaux directement contraignants pour les multinationales devront être développés, ainsi que des mécanismes institutionnels internationaux efficaces permettant de les faire respecter. Dans le contexte actuel d'affaiblissement de l'état et de privatisation des services publics, les états tentent de plus en plus de se défaire de leurs responsabilités. Dans de nombreux pays, le gouvernement modifie ou ignore sa propre législation du travail ou ses lois protégeant l'environnement pour donner carte blanche aux multinationales, soit ferme les yeux sur les violations commises. A titre d'exemple, le Sri Lanka a créé des zones de libre-échange, au sein desquelles il permet l'instauration d'un système juridique distinct ou des dérogations aux lois nationales. Il est impératif d'obliger les états à rendre des comptes de leurs responsabilités et à faire pression sur les entreprises. Il faudrait user de toutes les pressions pour imposer aux pays de garantir un comportement responsable des sociétés transnationales. Ils doivent formuler et mettre en oeuvre une législation adéquate réglementant les activités commerciales dans leur juridiction, et d'éviter toute collusion avec les multinationales. Les multinationales disposent cependant de moyens pour éviter les pressions exercées par le biais des gouvernements : elles peuvent aller établir leur siège dans un état plus accommodant ou utiliser le flou relatif à leur identité nationale pour déclarer ne pas être soumises aux lois des pays dans lesquels elles opèrent. Il faudrait également contraindre directement les entreprises multinationales à rendre des comptes Bien qu'une telle approche éclipse quelque peu la responsabilité des états de fournir un cadre réglementaire approprié pour les activités des multinationales, axer son action sur les entreprises plutôt que sur les états et demander directement à celles-ci d'assumer leurs responsabilités augmente les chances d'obtenir réparation pour les victimes de violations du droit à la santé commis par les entreprises multinationales ( 25 ).

IV- Impliquer les organisations non gouvernementales dans les stratégies de développement

Les organisations non gouvernementales ont joué un grand rôle dans la promotion et la défense des droits de l'homme à travers le monde. Elles ont oeuvré pour l'amélioration des conditions économiques en luttant contre le chômage et les bas salaires. Elles ont été à l'origine d'un ensemble d'actions dans le domaine social, dans le domaine de la défense des libertés publiques. Elles possèdent une expérience riche et une excellente connaissance du terrain local, et peuvent apporter beaucoup de soutien à tous les programmes visant à mettre en oeuvre le droit à la santé. Dans leur élan pour l'amélioration des conditions de vie, les organisations non gouvernementales internationales et locales agissent directement ou indirectement pour améliorer l'état de santé. Le développement et la politique de développement sont deux domaines dans lesquels les organisations non gouvernementales jouent un rôle important. Ce des partenaires permanents de l'aide au développement en tant qu'organisateurs de projets, chargés de mettre en oeuvre des programmes et d'apporter l'aide là où elle est nécessaire. Les organisations de la société civile participent de plus en plus activement au débat sur la politique concernant les échanges, les droits de l'homme, l'aide classique au développement et les secours d'urgence, ainsi que, plus généralement, les relations mutuelles entre les droits économiques, sociaux et culturels. La mondialisation, ses bienfaits potentiels et les risques qu'une expansion économique incontrôlée fait courir aux pays en développement ont attiré une attention croissante de la société civile, y compris des ONG spécialisées dans le développement.

Une ONG internationale, People's Health Movement (PHM) veut se réapproprier le concept de santé pour tous tel qu'il fut promulgué lors de la conférence d'Alma Ata en 1978. Cette volonté de réappropriation de la santé pour tous, est un mouvement de résistance mondiale qui s'élève contre l'imposition de politiques néolibérales à tous les aspects de la vie et essentiellement à la santé des populations : nourriture, eau, réseaux d'assainissement, éducation, emploi, sécurité sociale, logement, sécurité environnement et physique. L'amélioration de la pauvreté, des inégalités, de la privation et de la misère qui résultent des politiques néolibérales, efface les causes premières et directes de nombreuses maladies et de la mortalité parmi les communautés pauvres.

L'exemple de l'ONG Oliwatch qui s'efforce de créer au niveau global une conscience environnementale en exposant les impacts de l'activité pétrolière dans les forêts tropicales et sur les populations locales, en établissant la relation entre ces activités et la destruction de la biodiversité, le changement climatique et la violation des droits de l'homme.

Les ONG sont devenues des acteurs indispensables pour l'accès aux soins dans les pays pauvres, auxquels elles apportent une assistance médicale d'urgence dans les contextes de catastrophes naturelles, de crise ou de conflits, ou un appui aux structures sanitaires déficientes. Leur proximité du terrain et leur connaissance des populations les plus vulnérables leur permettent souvent de proposer des actions plus adaptées. Les ONG devraient être mieux intégrées dans les stratégies de développement, aussi bien au niveau de l'élaboration des politiques qu'au niveau de leur mise en oeuvre, alors qu'elles sont très souvent encore perçues comme des concurrentes de la coopération institutionnelle. Cette intégration nécessite au préalable de s'assurer de la qualité de leurs interventions et de développer l'évaluation de leur activité.

V-Elaborer et appliquer des programmes de protection de l'environnement

La protection de l'environnement dans lequel les gens vivent peut permettre de prévenir de nombreuses maladies. Par conséquent, il est nécessaire de mettre en place des programmes de protection de l'environnement, d'intensifier les interventions et les initiatives existantes, et de collaborer avec d'autres secteurs comme l'agriculture et l'industrie pour réduire les risques pour la santé liés à l'environnement. Les ressources naturelles seront exploitées et gérées raisonnablement.

Tous les prêts seront subordonnés à une évaluation de leur incidence sur l'environnement et sur les ressources dont sont tributaires les populations démunies. Il faudra éviter de financer de ouvrages ayant pour effet de déplacer d'importants groupes de population et de détruire l'écologie locale. Des projets de grande ampleur ne seront envisagés qu'après une concertation avec les communautés touchées.

VI- Améliorer la gouvernance locale est un facteur important dans la mise en oeuvre du droit à la santé

La gouvernance peut se définir comme « l'utilisation de l'autorité politique, l'exercice du contrôle sur la société et la gestion de ses ressources pour le développement économique et social » (29). La banque mondiale la définit comme « la manière dont le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d'un pays pour le développement ». De manière plus large, c'est « l'ensemble des mécanismes, processus, relations et institutions à travers lesquels les citoyens et les groupes articulent leurs intérêts, exercent leurs droits et obligations et règlent leurs différents. La gouvernance comprend toutes les méthodes - bonnes et mauvaises - qu'utilisent les sociétés pour distribuer du pouvoir et gérer les ressources et les problèmes publics » (30). Pour Kaufman, Kraay et Zoido- Lobaton (31), la gouvernance se définit comme « les traditions et les institutions par lesquelles l'autorité est exercée dans un pays. Cela englobe :

- le processus par lequel les gouvernements sont sélectionnés, contrôlés et remplacés,

- la capacité d'un gouvernement à formuler et mettre en oeuvre des politiques appropriées

- et le respect qu'ont les citoyens et l'Etat pour les institutions qui gouvernent les interactions économiques et sociales qui existent entre eux ».

Il y a un large consensus pour admettre qu'une bonne gouvernance repose sur quatre éléments clé :

- la responsabilité de ceux qui exercent un pouvoir, c'est-à-dire ici la mesure dans laquelle ils doivent effectivement rendre des comptes,

- la transparence c'est à dire l'accès à faible coût à une information fiable et pertinente pour juger de l'action publique,

- la prédictibilité, résultant de lois et règles claires, connues, uniformément et effectivement appliquées

- et la participation.

L'amélioration de la gouvernance et de la gestion est une affaire des autorités nationales qui doivent assurer une gestion économique et financière responsable des ressources nationales. L'ensemble des mécanismes de financement de la santé devra être assainis. Les gouvernements devraient mettre en place un environnement favorable pour la réalisation des objectifs fixés dans leur politique de développement. Pour cela, toutes ressource nationale ou provenant de sources étrangères sera gérée de manière responsable, les cibles fixées à Abuja (2001) devront être respectées, aucune dérogation ne sera autorisée concernant le respect des dispositions pour que les fonds libérés par l'allègement de la dette soient entièrement alloués aux services sociaux, et en particulier à la santé. Des mécanismes de coordination et d'évaluation seront mis en place pour le suivi des problèmes liés au financement de la santé.

VII-Concilier les doits humains et le droit commercial

Pour éviter un conflit entre le régime de droit commercial et celui des droits humains, le droit du commerce doit être appliqué en conformité avec les obligations incombant aux états en matière de droits humains, en respectant les normes du droit international des droits de l'homme, et en leur donnant la primauté sur les dispositions de n'importe quel traité. Si l'OMC est l'institution légale qui surveille le comportement dans le domaine commercial, elle se trouve parfois confronté à des contradictions entre un droit fondamental et les dispositions du droit commercial international. On trouve dans le texte d'accord du GATT une reconnaissance des valeurs non commerciales qui relèvent de l'intérêt public et qui sont censées prévaloir en cas de conflit avec les règles de libre commerce. L'article XX du GATT prévoit que : « rien dans le présent accord ne sera interprété comme empêchant l'adoption ou l'application par toute partie contractante des mesures » entre autres « nécessaires à la protection de la moralité publique »,  « nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes ou des animaux ou à la préservation des végétaux ». Malheureusement, l'article a reçu une interprétation restrictive et a fini par être marginalisé. D'autres clauses de l'OMC créent des obligations vis-à-vis des parties. Certaines dispositions permettent aux états de protéger et de promouvoir les droits humains par l'entreprise du commerce, en permettant certaines mesures contre les états qui violent les droits humains. La disposition clé à ce chapitre est l'article XX qui énonce toute une série d'exceptions en vertu desquelles un membre de l'OMC peut promouvoir et protéger les droits humains sans contrevenir aux dispositions du GATT.

La libération des échanges peut être soumise aux règles de la primauté du droit et être encadrée par des instances administratives et judiciaires transparentes, impartiales et rationnelles, devant lesquelles les responsables gouvernementaux doivent répondre de leurs actes. Les politiques commerciales d'un gouvernement corrompu, opaque et arbitraire qui encourage le non respect des lois et la corruption dans le secteur privé ont inévitablement pour effet de créer un marché dénaturé et très précaire (24).

l'OMC doit aussi développer des règles qui favorisent le libre échange tout est encourageant en protégeant les droits humain. Le comité des droits économiques sociaux et culturels a déclaré que la libéralisation du commerce doit être comprise comme un moyen et non pas comme une fin. Le but auquel celle-ci doit tendre devrait être d'assurer le bien être de l'homme, objectif qui trouve son expression juridique dans les instruments internationaux relatif aux droits. (Déclarations du comité des droits économiques sociaux et culturels à la 3ème conférence ministérielle de l'OMC E/C. 12/1999/9). Le défi serait de trouver le moyen d'influencer le processus de mondialisation de manière à éliminer les souffrances humaines, la pauvreté, l'exploitation, l'exclusion et la discrimination. Puisque le commerce est le moteur de la mondialisation, il est impératif que les règles qui le gouvernement ne contreviennent pas aux droits humains fondamentaux et qu'au contraire elles les favorisent et les protégent. Les règles et procédures de l'OMC doivent être interprétées de façon à favoriser le respect des droits, la transparence, la recevabilité et la représentativité. Le droit commercial doit être interprété et développé en conformité avec la hiérarchie des normes établies dans le droit international en général, dans laquelle de nombreux droits fondamentaux jouissent du statut de droit coutumier, de principes généraux ou d'obligations et devraient donc normalement prévaloir sur les dispositions des traités commerciaux en cas d'incompatibilité. S'il est correctement interprété et appliqué le droit du commerce reconnaît que les valeurs humaines associées aux droits essentielles et passent avant le libre commerce. Il est nécessaire de procéder à des changements institutionnels au sein du système multilatéral, de comprendre et de mesurer les effets des règles et des politiques commerciales à tous les niveaux, et de développer de nouvelles règles et politiques commerciales de manière à dépasser le cloisonnement des organismes voués à la promotion des droits et des institutions économiques, y compris ceux qui s'occupent du système commercial multilatéral. L'esprit du DIDH doit encadrer le développement du droit commercial si l'on veut qu'il atteigne ses buts. La communauté internationale doit redoubler d'effort pour créer un climat commercial favorable permettant aux pays débiteurs d'accroît leurs exportations mobiliser les apport financiers requis pour leur développement économique. L'application des prix équitables aux produits de base est primordiale. Il faudrait pour cela transformer les structures du commerce des produits primaires et faciliter l'accès des pays du sud aux marchés du Nord (24).

Lors de l'établissement Des accords commerciaux, les états doivent être confrontés à leurs engagements sur le droit à la santé pris lors de la ratification des normes internationales, et veiller à ce que leurs actions tiennent compte du droit de chaque personne à jouir du niveau le plus élevé possible de santé physique et mentale. Tout accord doit appuyer la politique de santé publique et respecter l'accès aux médicaments et aux technologies médicales, et l'accès aux soins. Les états avant de signer un accord commercial doivent exiger que ces accords commerciaux respectent l'ensemble des traités internationaux de droits de l'homme (exemple du Canada).

CONCLUSION

«Les normes internationales des droits de l'homme, y compris le droit à la santé, devraient être appliquées de manière consistante et cohérente à travers tous les processus adéquats, nationaux et internationaux de création de politiques. Dans le contexte de création de politiques internationales, ce principe fondamental est reflété dans la Déclaration de Vienne et le Programme d'Action » (49).

Toute politique de développement économique doit reposer sur la justice sociale, et répondre aux besoins de l'être humain. La déclaration de Copenhague sur le développement social a invité les gouvernements à veiller à ce que les programmes d'ajustement structurels tiennent compte des objectifs du développement social, à faire en sorte que les crédits affectés aux programmes sociaux de base échappent aux réduction budgétaires et à examiner les incidences des PAS de façon à atténuer les effets préjudiciables de ces programmes et à renforce les effets positifs.

Les stratégies de développement doivent s'orienter vers un processus de développement humain, en s'attachant à donner à chaque citoyen les moyens de prendre en main son existence, et à conférer aux populations de larges responsabilités dans les processus de développement. Les gouvernements doivent être à l'écoute de la population, et mettant en place des organisations populaires autonomes, qui jouiront de moyens d'action afin de permettre aux plus défavorisés de participer pleinement à la prise de décision et de fier les exploiteurs locaux ou étrangers. Les stratégies de développement vont favoriser la lutte contre la pauvreté, la satisfaction des besoins essentiels de la population en particulier dans le domaine de la santé. Les soins de santé sont une pièce maîtresse de la stratégie de développement humain. Des personnes incapables de recevoir des services de santé ne sont pas en mesure d'améliorer leurs propres conditions de vie ou même d'apporter une contribution productive à la nation. L'état de santé de la population devra être pris en charge aussi rapidement que possible. La prise en compte des besoins en santé des individus doit faire partie intégrante des stratégies de développement. Aussi, il faudrait réexaminer d'un oeil critique les modèles existants reposant essentiellement sur une croissance induite par les exportations que prônent actuellement les IFI, et qui font des approches de santé ne protégeant pas les droits de l'homme (Tableau2). Ce modèle de croissance a eu des effets néfastes sur les besoins élémentaires de l'être humain.

Toute stratégie de développement devra encourager la croissance économique et le développement humain. Pour cela, il faudrait mettre en place un climat politique adéquat. Le climat politique englobe la stabilité politique un ordre politique fondé sur des règles et arbitré par un appareil judiciaire impartial et indépendant, ainsi qu'une bonne gestion des affaires publiques privilégiant la transparence et la responsabilité. Le renforcement des principales institutions de l'état est une condition sine qua non pour créer de nouvelles formes de participation de citoyens à la vie politique nationale. La démocratisation conjuguée à une émancipation de la population est la clé de la croissance économique et sociale généralisée et soutenue. En faisant obstacle à la corruption et à l'incompétence, on crée les conditions pour le développement humain.

La participation est un droit de l'homme et un principe de démocratie. La participation à la prise de décisions de manière démocratique, permet à la population d'exprimer son opinion sur la façon dont les stratégies de développement sont élaborées. C'est un excellent moyen pour que les communautés adhèrent aux programmes. En effet, les collectivités acceptent peu les politiques imposées de l'extérieur. La population doit avoir le moyen d'étudier les problèmes qui se posent à elles et d'exprimer des idées pour les résoudre. C'est seulement à cette condition que le développement pourra être considéré comme un processus libérateur permettant aux individus et aux groupes sociaux, notamment ceux qui sont opprimés et marginalisés, de définir leur propres besoins en santé. Les stratégies de développement qui encouragent les processus de prise de décision contrôlées par les communautés plutôt que par l'administration centrale, vont mobiliser l'esprit d'initiative et mettre à profit l'ingéniosité des plus démunis à des fins productives. Une telle démarche exige une participation de façon démocratique à la prise de décision concernant les soins de santé.

Créer le climat favorable à une croissance économique équitable suppose aussi une coopération entre l'état et la société civile. Une véritable stratégie de réduction de la pauvreté doit prévoir des investissements accours dans les infrastructures rurales et un plus large accès des groupes défavorisés à la terre et au crédit. Des mesures d'encouragement par les prix, des initiatives visant à remédier rapidement au problème des dépenses publiques improductives, une sélection des projets d'investissements du secteur public, afin d'allier croissance et équité.

Dans le secteur de la santé, le transfert vers ce secteur d'une part suffisante des ressources nationales. Il faut accorder la priorité aux soins de santé de base, à la santé de la femme et des enfants, veiller à ce que les médicaments de base soient disponibles. Il convient à cet effet de revoir les accords ADPIC. Les expériences provenant de Chine et de divers programmes de santé appliqués dans des petites communautés ont fortement inspiré l'approche des soins de santé primaires. Le concept de soins de santé primaire implique explicitement le besoin d'une stratégie globale de la santé et ne se concentre pas seulement sur les services de la santé mais aussi sur les causes politiques, économiques et sociales sous jacentes de la mauvaise santé. La déclaration d'Alma Ata préconise une stratégie basée sur la distribution équitable des ressources. Une forte participation des peuples est essentielle, de même que l'autonomie et la conscience sociales sont des facteurs clés du développement humain. Les soins de santé primaires peuvent eux-mêmes contribuer au développement et sont une arène permettant la prise de conscience et les actions organisées.

Alma Ata (1978)

Déclaration du millénaire (2000)

La santé est définie comme un droit humain

On doit être pragmatique et tendre à un progrès « réaliste » dans un certain nombre d'indicateurs sélectifs.

La santé est une question de mise sur pied d'un contre pouvoir

La santé doit permettre de trouver des solutions techniques et suffisamment d'argent afin de les appliquer à grande échelle

La santé est une question de justice sociale

La santé, c'est combattre les maladies, c'est une question de lutte contre les symptômes.

Il convient d'aborder la santé dans le contexte d'un nouvel ordre économique mondial

Il n'est nullement besoin de changer de cours mais de corriger un peu la trajectoire de la globalisation grâce à un « partenariat » à grande échelle entre pays riches et pauvres et le secteur privé.

Tableau 1- Alma Ata et objectifs du millénaire pour le développement

Ce tableau est issu de la brochure « Et une bonne santé...en 2015 !? », publiée par le Groupe de travail santé et Objectifs du Millénaire, corrdonée par Bert de Belder et disponible à INTAL, www.Intal.be et au CNCD, www.cncd.be

La santé selon le néolibéralisme

La santé selon la justice sociale et les droits humains

Hypothèses de base

Hypothèses alternatives

- la croissance économique, au sein d'un marché « libre » et mondialisé, est le but poursuivi.

- La santé est ce que l'on obtient à travers un service de santé.

- L'aide internationale, à condition d'appliquer certaines politiques, est le seul moyen de financer la santé.

- La démocratie est bien vivante dans le monde développé et constitue la référence pour les pays en voie de développement

- La distribution juste et l'utilisation durable des ressources est le but poursuivi.

- A santé est ce que l'on obtient lorsque les besoins de base sont satisfaits.

- Les Etats souverains et affranchis de leurs dettes doivent satisfaire les besoins de base de leurs peuples sans aucune autre ingérence. 

- La démocratie est partout en crise. L'auto-détermination des Etats nations et un système basé sur es règles de la gouvernance internationale sont nécessaires.

Principaux traits 

Principaux traits

- S'occupe des symptômes ; court terme.

- Promeut les « médicaments miracles »

- Promeut des interventions délivrées à travers les services de santé

- Identifie la charité et l'aide internationale comme seules sources de financement de la santé

- Maintient le statu quo d'extrême concentration des richesses et de pouvoirs.

- Se base sur le comportement individuel et a tendance à blâmer la victime.

- S'occupe des causes premières ; long terme.

- Promeut la satisfaction des besoins de base.

- Promeut les services publics afin de libérer des peuples des conditions de vie misérables.

- Identifie la redistribution et la justice économique comme des sources de financement de la santé.

- Réclame un ordre économique international juste et rationnel.

- se base sur la pauvreté structurelle et la violence et a tendance à blâmer le « système ».

Tableau 2- Tiré de « A. Katz. The sachs report »

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