UNIVERSITÉ 7 NOVEMBRE A CARTHAGE
FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES POLITIQUES ET SOCIALES DE
TUNIS
MÉMOIRE
En vue de l'obtention du
mastère de recherche en droit des affaires
LA PROTECTION DU
CONTRIBUABLE DE
BONNE FOI
Elaboré et soutenu par
Rania TRIME CHE
Jury
-- Président : M. Néjib BELAID
-- Directeur : Mme Leïla
CHIKHAOUI
-- Suffragant : Mme Raya CHOUBANI
La faculté n'entend donner aucune approbation,
ni
improbation aux opinions émises dans ce
mémoire. Ces
opinions doivent être considérées
propres à leur auteur.
Remerciements
A Madame le Professeur Leïla CHIKHAOUI
A tous mes autres éminents Professeurs
En souhaitant vivement que les quelques éléments
de recherche présentés
dans ce mémoire soient id~les à leur
enseignement.
Liste des principales abréviations
A.J.D.A. Actualité juridique, droit
administratif.
C.E. Conseil d'État.
C.E.R.P. Centre d'études, de recherches
et de
publications.
C.D.P.F. Code des droits et procédures
fiscaux.
C.G.I. Code général des
impôts.
C.O.C. Code des obligations et des contrats.
C.P.U. Centre de publications universitaires.
C.R.E.A. Centre de recherches et d'études
administratives.
E.D.C.E. Études et documents du Conseil
d'État.
Ibid. Dans le même passage.
J.O.R.F Journal officiel de la République
française.
J.O.R.T. Journal officiel de la
République tunisienne.
L.G.D.J. Librairie générale de
droit et de jurisprudence.
L.P.F. Livre des procédures fiscales.
Op.Cit. Dans l'ouvrage cité.
P. Page.
P.U.F. Presses universitaires de France.
N° Numéro.
N.B.P. Note de bas de page.
R.F.D.A. Revue française de droit
administratif.
R.F.F.P. Revue française de finances
publiques.
T.A. Tribunal administratif.
T.V.A. Taxe sur la valeur ajoutée.
V° Verbio.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : LA NÉCESSITÉ DE LA
PROTECTION DU CONTRIBUABLE DE BONNE FOI
CHAPITRE I - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI EN TANT
QUE CROYANCE ERRONEE DU CONTRIBUABLE
SECTION I- UNE PROTECTION A ETABLIR
SECTION II - UNE PROTECTION A ENCADRER
CHAPITRE II - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI EN TANT
QUE COMPORTEMENT LOYAL SECTION I - PROTECTION
POSITIVE
SECTION II - PROTECTION NEGATIVE
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
DEUXIEME PARTIE II : LES LIMITES INHERENTES A LA PROTECTION DU
CONTRIBUABLE DE BONNE FOI
CHAPITRE I - LA NEUTRALITE DE LA BONNE FOI FACE A
L'ADMINISTRATION FISCALE SECTION I- AU NIVEAU DU POUVOIR DE
CONTROLE
SECTION II - AU NIVEAU DU POUVOIR DE SANCTION
CHAPITRE II : LA DIFFICULTE DE LA PREUVE DE LA BONNE
FOI DEVANT LE JUGE SECTION I- AU NIVEAU DE LA CHARGE DE LA
PREUVE
SECTION II - AU NIVEAU DE L'ADMINISTRATION DE LA
PREUVE
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE CONCLUSION GENERALE
INTRODUCTION
« La République tunisienne a pour fondements
les
principes de l'Etat de droit et du pluralisme et oeuvre pour
la
dignité de l'Homme et le développement de sa
personnalité »1.
Tout en garantissant le droit de l'Etat de prélever
l'impôt en vue de financer ses diverses dépenses
d'intérêt général, un « Etat de droit
» 2 doit, en principe, également « garantir les droits du
contribuable»3. Il s'agit d'ailleurs d'une garantie
d'autant plus nécessaire que ce dernier peut se trouver démuni
face aux menaces de l'administration, dès lors que celle-ci a les moyens
de le priver du bonheur de disposer pleinement de ses biens.
En effet, le prélèvement de l'impôt en
tant que « prestation pécuniaire requise des particuliers par
voie d'autorité, à titre définitif et sans contrepartie,
en vue de la couverture des charges publiques » 4 est parfois
perçu comme une « confiscation » ou une «
atteinte au droit de propriété »5.
1 Alinéa 2 de l'article 5 de la Constitution du
1er juin 1959, ajouté par l'article 2 de la loi
constitutionnelle n°2002-5 1 du 1er juin 2002, J.O.R.T. n°45,
145e année, 3 juin 2002, p. 1298.
2 L'expression « Etat de droit »,
traduction de l'allemand Rechtsstaat, suppose selon le doyen M. BACCOUCHE
(Néji), «La soumission de l'Etat, pourtant souverain, à
un droit supra étatique devant garantir le respect des droits
fondamentaux», extraits de l'article «Droit constitutionnel,
souveraineté et supranationalité», Etudes Juridiques,
n°11, 2004, p. 10.
3 CHAABANE (Neila) : « Equité fiscale : les
droits de l 'Etat et l 'Etat de droit », in Mélanges offerts
au doyen Abdelfattah AMOR, Tunis, C.P.U. 2005, p.322.
4 Cette définition est, selon Olivier NEGRIN : «
prétendument empruntée à Gaston Jèze et
présentée comme la définition classique de
l'impôt », alors qu'on la devrait - toujours selon lui -
à la plume de Georges VEDEL qui a procédé «
à la réécriture de la définition authentique de
Gaston Jèze » ; puisque la définition que l'on
découvre sous la plume de Jèze est la suivante :« On
peut donc aujourd'hui définir l'impôt comme : une prestation de
valeur pécuniaire exigée des individus d'après des
règles fixes, en vue de couvrir des dépenses
d'intérêt général, et uniquement à raison du
fait que les individus qui doivent les payer sont membres d'une
communauté politique organisée », JEZE (Gaston): «
Cours de finances publiques », 1936-1937, Paris, L.G.D.J., 1937,
p. 38) ; voir NEGRIN (Olivier) : « Une légende fiscale : la
définition de l'impôt de Gaston Jèze », Revue de
droit public, 2008, n° 1, pp. 139-151 et spécialement p. 140.
5 Selon BELTRAME (Pierre) : « En intériorisant
la contrainte fiscale, le contribuable s'isole face au pouvoir fiscal qui cesse
d'être l'émanation d'une volonté solidaire des citoyens
afin d'organiser au mieux la vie sociale, mais devient, un obscur
Léviathan, une sorte de puissance occulte et maléfique, à
laquelle il faut faire le sacrifice rituel d'une part de ses revenus sous peine
de s'attirer des malédictions sans nombre », extraits de
l'article « Le consentement à l'impôt : devenir d'un
grand principe », R.F.F.P., n°5 1, 1995, p. 88.
Or, le souci de consolider la réconciliation du «
citoyen-contribuable » 6 avec la fiscalité
n'est pas étranger au discours politique tunisien. Les débats
parlementaires qui ont précédé la promulgation du Code des
droits et procédures fiscaux (C.D.P.F.) en attestent7.
Toutefois, s'agissant de la protection du contribuable contre
les prérogatives dont est investie l'administration fiscale afin de
garantir l'accomplissement du devoir fiscal, le C.D.P.F. n'a pas
été à la hauteur des espoirs qu'il a suscités et on
a pu constater que « l'évolution législative
consacrée en Tunisie va dans le sens d'une consolidation des
prérogatives de l'administration fiscale»8.
Ceci n'est pas sans influer sur le rendement du système
fiscal dans un Etat où le payement spontané de l'impôt
représente la part du lion dans les recettes fiscales9.
Ainsi, « promouvoir le plus haut degré de civisme
fiscal, c'est à dire l'accomplissement volontaire des obligations
fiscales par les contribuables »10 semble urgent.
6
Le contribuable, étant « toute personne
astreinte au payement des contributions, impôts, droits ou taxes, dont le
recouvrement est autorisé par la loi (...) », BARILARI
(André) et DRAPE (Robert) : « Lexique fiscal »,
Paris, Dalloz, 2e édition, 1992, p. 47.
7 Le C.D.P.F. a été promulgué par la loi
n° 2000-82 du 9 août 2000 (J.O.R.T. n°64, 143e
année, 11 août 2000, p.1874). A la lecture des débats, on
peut remarquer la redondance de l'objectif «plus de garanties au profit du
contribuable» :
4
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8
BESBES (Slim) : « Le Principe de la
légalité de l'impôt en droit tunisien »,
thèse de doctorat d'Etat en droit public, F.D.S.P.T., 2005, p. 460.
9 YAICH (Abderraouf) : « Théorie et principes
fiscaux », Tunis, édition R.Y, 2004, p. 245.
Il importe à ce niveau de signaler que « la
fiscalité joue un rôle important en tant qu'instrument de
financement du budget de l'Etat ». En effet, « Les recettes
budgétaires sont largement dominées par les recettes fiscales qui
ont représenté, sur la période 1986-2005, environ 55% en
moyenne par an contre 29.2 et 15% respectivement pour les ressources d'emprunt
et les recettes non fiscales »,
http://library.fes.de/pdf
files/bueros/tunesien/04796.pdf, visité le 25/4/2008. Il est à
remarquer que la proportion des recettes fiscales n'a cessé d'augmenter
malgré la réforme fiscale qui a introduit des baisses, notamment
dans le niveau d'imposition. Cette augmentation tient à
l'aménagement de l'assiette imposable et aux améliorations
successives des modalités de recouvrement de l'impôt, notamment
par la généralisation de la retenue à la source en
matière d'impôt sur le revenu, impôt sur les
sociétés ou en matière de T.V.A.).
10 Ibid.
Afin de promouvoir ce civisme fiscal, une meilleure protection
des contribuables s'impose. Une protection qui tiendrait compte de leur
acquiescement à leur devoir fiscal. Ainsi, les contribuables qui
auraient accompli volontairement et spontanément leurs obligations
fiscales devraient pouvoir bénéficier d'un traitement
préférentiel par rapport aux autres contribuables
défaillants11.
Ce traitement préférentiel devrait, en effet,
récompenser leur bonne foi.
Ainsi, l'étude de la notion de bonne foi constitue un
préalable nécessaire à l'identification du contribuable de
bonne foi.
« La bonne foi se présume toujours, tant que le
contraire n'est pas prouvé »12.
Il s'agit là d'un principe général de
droit qui peut toucher l'ensemble des branches du droit. Appliquer ce principe
en droit fiscal suffirait à reconnaître, au profit du contribuable
une présomption de bonne foi13.
Le législateur tunisien, à l'instar de son
homologue français, n'a pas défini la bonne foi. Cette
absence de définition semble pourtant justifiée.
Tout d'abord, il importe de signaler que le législateur
n'est pas investi du rôle de « définir
»14.
Ensuite, est- il possible, réellement, de trouver une
définition de la bonne foi?
«Celle-ci scintille sur l'océan du droit et, si
bien d'esprits ont eu envie de capturer son étincelle, toujours elle
s'éloignait, laissant son ombre derrière elle
»15.
11 Là une question semble s'imposer, les contribuables de
mauvaise foi, ne mériteraient-ils pas eux aussi une protection ?
12 Article 538 du C.O.C.
13 Selon l'article 479 du C.O.C. : « Les
présomptions sont des indices au moyen desquels la loi ou le juge
établit l'existence de certains faits inconnus ». Dans le
C.O.C. le législateur distingue entre deux types de présomptions
Les articles 480 à 485 du C.O.C concernent « des
présomptions établies par la loi ». Les articles 486 et
suivants concernent « des présomptions qui ne sont pas
établies par la loi ». Selon l'article 485 du C.O.C. : «
La présomption légale dispense de toute preuve celui au
profit duquel elle existe. Nulle preuve n'est admise contre la
présomption de loi ». Cet article laisse croire que toutes les
présomptions légales sont irréfragables. Or, la doctrine
considère qu'il existe deux sortes de présomptions
légales. Ces dernières sont soit irréfragables, soit
simples. La présomption légale irréfragable dispense de la
charge de la preuve, celui au profit duquel elle est établie. Bien plus,
elle n'admet pas la preuve contraire. Tandis que la présomption
légale simple peut être combattue par la preuve contraire et
entraîne ainsi un renversement de la charge de la preuve.
14 « Il nous a paru sage de faire la part de la
science et la part de la législation. Les lois sont des volontés.
Tout ce qui est définition, enseignement, doctrine est du ressort de la
science. Tout ce qui est commandement, disposition proprement dite est du
ressort des lois. S'il est des définitions dont le législateur
doive se rendre l'arbitre, ce sont celles qui appartiennent à cette
partie variable et purement positive du droit qui est toute entière sous
la dépendance du législateur même : mais, il en est
autrement des définitions qui tiennent à la morale, et à
des choses qui ont une existence indépendante des volontés
arbitraires de l'homme. », GENY (François) : «
Méthode d'interprétation et sources en droit privé
positif », édition 1932, p. 107.
15 LE TOURNEAU (Philippe) : « La bonne foi »,
Répertoire civil, Dalloz, Octobre 1995.
Il va sans dire que la définition de la bonne foi pose
des difficultés. Mais, d'une manière générale, la
bonne foi serait l' « attitude traduisant la conviction ou la
volonté de se conformer au droit qui permet à
l'intéressé d'échapper aux rigueurs de la loi
»16.
Plus précisément, la bonne foi comporte deux
aspects. D'une part, « la croyance erronée en
l'existence d'une situation juridique
régulière»17 ; d'autre part, le «
comportement loyal que requiert notamment l'exécution d'une
obligation, attitude d'intégrité et d'honnêteté
»18 .
Cette dualité de sens est encore plus manifeste dans la
version arabe de l'article 558 du C.O.C qui emploie des termes synonymes :
· tout d'abord de loyauté : ~~1.i~"~fl
(littéralement ; droiture) ; lequel renvoie à un rapport, voire
une certaine relation entre d'une part l'administration et d'autre part le
contribuable ;
· et ensuite, synonyme d'intention bienveillante :~~~i~
~~D" .
La bonne foi renferme donc deux sens divergents.
Cette « polysémie de
juxtaposition»19 ne doit pas être perçue
comme source d'insécurité ou même d'arbitraire. En effet,
le droit n'est pas une science exacte et doit nécessairement admettre en
son sein cette incertitude qui lui confère son essence humaine. Surtout
s'agissant d'un standard20; qui est par définition une «
norme souple fondée sur un critère intentionnellement
indéterminé (...) »21.
Ainsi, il paraît compréhensible que la bonne foi
n'ait pas de définition précise. Elle devrait alors être
découverte par le juge selon la nature du litige qui lui est soumis.
16 CORNU (Gérard): « Vocabulaire juridique
», Association Henri Capitant, Paris, P.U.F, 5e édition,
1996, V° Bonne foi, p.105.
17 Ibid.
18 Ibid.
19 CORNU (Gérard): « Linguistique juridique
», Montchrestien- Delta, 2e édition 2000, p.104.
20 A ce niveau, il est intéressant de citer
ALSANHOURY(Ali-Abderrazek) : «Le standard juridique», in
Recueil d'études sur les sources du droit en l'honneur de
François GENY, Tome II, édition Librairie Edouard Duchemin, Paris
1977, p. 145 et 146 où l'auteur distingue l'application par le juge
d'une règle de celle d'un standard : «La règle donne une
solution fixe à une hypothèse déterminée(... )le
standard, n'a pas cette fixité ( ...)l 'application du standard exige un
pouvoir discrétionnaire, l'intuition d'un expert, il lui faut non pas le
travail d'une machine aveugle mais le doigté d'un artisan habile(... )
elle aboutit (...) à des solutions variées et concrètes,
chacune d'elles adaptée aux particularités des faits en
présence...».
21 CORNU (Gérard): « Vocabulaire juridique
», Op.Cit., V° Standard, p.780.
D'ailleurs, afin de mieux cerner la notion de contribuable de
bonne foi, il y a lieu de procéder à l'exclusion du contribuable
de mauvaise foi. Car, seule la mauvaise foi peut jouer un rôle. La bonne
foi étant présumée, celui qui l'invoque n'a, en principe,
aucune preuve à apporter22.
La définition de la mauvaise foi permet de distinguer
deux acceptions. Dans sa première acception, la mauvaise foi prive
l'intéressé du bénéfice de l'ignorance ou de
l'apparence : attitude de celui qui se prévaut d'une situation juridique
dont il connaît (ou devrait connaître) les vices ou le
caractère illusoire. Dans sa deuxième acception, elle frappe
l'intéressé de sanctions particulières : attitude de celui
qui manque de loyauté envers autrui, surtout lorsque ses agissements
révèlent l'intention de nuire (...). C'est également de la
mauvaise foi que procèdent ces autres formes de déloyauté
que sont : la fraude (où il est fait usage de moyens
détournés) et l'abus de droit (qui consiste, comme son nom
l'indique, à abuser de certaines voies légales)23.
Ces deux dernières formes trouvent application notamment
en droit fiscal.
S'agissant tout d'abord de la fraude, l'encyclopédie
Larousse la définit comme étant « l'acte
malhonnête fait dans l'intention de tromper en contrevenant à la
loi ou aux règlements»24.
En matière fiscale, elle signifie « le recours
à des procédés illégaux en vue de réduire la
dette fiscale d'un contribuable»25 ou encore le «
fait d'échapper à l'impôt par des moyens
répréhensibles, c'est-à-dire par des
procédés ou manipulations que la loi permet de
réprimer »26.
En droit fiscal tunisien, les faits constitutifs de fraude
semblent facilement reconnaissables ; la fraude étant constitutive
d'infraction pénale. En effet, le délit de fraude fiscale est
défini par l'article 101 du C.D.P.F. qui punit d'un emprisonnement de
seize jours à trois ans et d'une amende de 1000 dinars à 50000
dinars toute personne qui a :
« - simulé des situations juridiques, produit
des documents falsifiés ou dissimulé la véritable nature
juridique d'un acte ou d'une convention dans le but de bénéficier
d'avantages fiscaux, de la minoration de l'impôt exigible ou de sa
restitution ;
22 KORNPROBST (Emmanuel): « La notion de bonne foi :
application au droit fiscal français », Paris, L.G.D.J., 1980,
p. 6.
23 CORNU (Gérard): « Vocabulaire juridique
», Op. Cit., V° Mauvaise foi, p.508.
24
http://www.larousse.fr/encyclopedie/
25
http://www.larousse.fr/encyclopedie/
26 CORNU (Gérard): « Vocabulaire juridique
», Op.Cit., V° Fraude, p. 373.
- accompli des opérations emportant transmission de
biens à autrui dans le but de ne pas acquitter les dettes fiscales
;
- majoré un crédit de taxe sur la valeur
ajoutée ou de droit de consommation ou minoré le chiffre
d'affaires dans le but de se soustraire au paiement de ladite taxe ou dudit
droit ou de bénéficier de la restitution de la taxe ou du droit.
La sanction s'applique dans les cas où la minoration ou la majoration
excède 30% du chiffre d'affaires ou du crédit d'impôt
déclaré »27 .
Il en résulte tout d'abord que l'auteur de la fraude
peut être aussi bien le contribuable lui-même que le redevable de
l'impôt (débiteur de l'impôt vis-à-vis du fisc) ; et
on peut même se demander si le collecteur d'impôt, qui ne supporte
pas la charge de l'impôt qu'il collecte et qui n'est pas redevable de
l'impôt vis-à-vis du fisc, peut être lui aussi auteur de la
fraude ?
Une réponse affirmative semble s'imposer en raison de
la généralité des termes employés par l'article 101
du C.D.P.F. (Toute personne) corroborée par un principe
général de droit selon lequel il n'y a pas lieu de distinguer
là où la loi ne distingue pas28.
Ensuite, d'après ladite définition, la fraude se
présente sous différents aspects. Il y aurait ainsi fraude par
simulation et fraude à la loi. Le législateur donne ainsi une
liste limitative des faits incriminés en application du principe
constitutionnel de la légalité des crimes et des
peines29. Ce principe implique entre autres que les faits
répréhensibles soient bien définis par le
législateur, ce qui limite le pouvoir d'interprétation
dévolu au juge.
S'agissant ensuite de l'abus de droit ; il s'agit d'une
création jurisprudentielle30 permettant de remédier au
dommage causé par l'exercice abusif d'un droit par son titulaire
«sans intérêt pour lui-même et dans le seul dessein
de nuire à autrui»31.
27 Voir l'article français 1741 du C.G.I. qui punit :
« quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se
soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement
partiel ».
28 Ce principe est prévu par l'article 553 du C.O.C. qui
dispose : « Lorsque la loi s'exprime en termes généraux
il faut l'entendre dans le même sens ».
29 Voir l'article 13 de la Constitution.
30 Voir en ce sens COZIAN (Maurice) : « La notion d'abus
de droit en matière fiscale », Gazette du Palais, 17 et 19
janvier 1993, p. 2.
31 CORNU (Gérard): « Vocabulaire
juridique », Op.Cit., V° Abus, p. 5, ou encore le
« fait, pour une personne titulaire d'un droit, de porter
préjudice à autrui en détournant ce droit de sa
finalité, intentionnellement ou non »,
http://www.larousse.fr/encyclopedie/.
En matière fiscale, la notion d'abus de droit traduit
le « fait d'éluder l'application de la loi fiscale sous couvert
d'actes juridiques réguliers, lesquels peuvent être
considérés comme inopposables à l'administration
fiscale après avis du comité consultatif pour la
répression des abus de droit »32.
Il y a lieu de préciser, à cet égard, que
le concept fiscal d'abus de droit connaît deux variantes : l'abus de
droit par simulation et l'abus de droit par fraude à la loi.
S'agissant de la simulation33, elle consiste en
« la création d'une situation juridique purement artificielle
qui camoufle une situation au titre de laquelle des impositions sont
légalement dues et qui continue d'exister en réalité
derrière les apparences juridiques
créées»34.
Quant à la fraude à la loi35, elle
suppose l'emploi d'actes non fictifs motivés uniquement par l'intention
d'éviter le paiement de l'impôt36.
32 CORNU (Gérard): « Vocabulaire
juridique », Op. Cit., V° Abus, p.5. La
définition de CORNU s'adapte parfaitement au contenu de l'article L. 64
du L.P.F. (tel que modifié par l'article 27 de l'ordonnance n°
2004- 281, du 25 mars 2004, en vigueur le 1er juin 2004, J.O.R.F du
27 mars 2004, p. 5898) qui dispose que : « Ne peuvent être
opposés à l'administration des impôts les actes qui
dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention
à l'aide de clauses:
a) Qui donnent ouverture à des droits
d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins
élevés ;
b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit
un transfert de bénéfices ou de revenus ;
c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité
ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux
opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une
convention. L'administration est en droit de restituer son véritable
caractère à l'opération litigieuse. En cas de
désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du
présent article, le litige est soumis, à la demande du
contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la
répression des abus de droit. L'administration peut également
soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus
feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas
conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve
du bien-fondé de la rectification ».
33 Selon COZIAN (Maurice) « La simulation n'est autre
chose qu'un mensonge juridique » ; in « Les grands principes
de la fiscalité des entreprises », 3e
édition, Litec, 1996, p. 23.
34 Il s'agit de la définition du commissaire du
gouvernement LOBRY, Conclusions LOBRY sous C.E, 10 juin 1981, requête
n° 19079, Revue de droit fiscal 1981, n° 48-49, commentaires 2187, p.
1435.
35 A la différence de la simulation,
expressément prévue par le législateur français
à l'article L.64 du L.P.F., la fraude à la loi est une
construction prétorienne. Par un arrêt du 10 juin 1981, le CE
français a jugé que la procédure de répression des
abus de droit devrait permettre de réprimer non seulement les
simulations mais également les fraudes à la loi fiscale
réalisées au moyen d'actes non fictifs : «
Considérant que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle
tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de preuve lui
incombe, elle doit, pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas
opposables certains actes passés par le contribuable, établir que
ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut qu'ils
n'ont pas pu être inspiré par aucun motif autre que celui
d'éluder ou atténuer les charges fiscales que
l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes aurait
normalement supportées eu égard à sa situation et à
ses activités réelles. » C.E., Plénière,
10 juin 1981, requête n° 19079, Revue de droit fiscal 1981,
commentaires 2187, conclusions LOBRY, R.J.F. 1981, n° 787.
36 L'TIFI (Mohamed-Habib) : « Le contrôle fiscal
et les garanties administratives du contribuable vérifié
», Tunisie, L'Expert, 2006, p. 120.
En droit fiscal tunisien, l'absence d'une mention expresse de
la notion d'abus de droit n'empêche pas son
applicabilité37. Tout d'abord, concernant l'abus de droit par
simulation, l'article 26 du C.O.C. peut trouver, en matière fiscale, un
terrain d'application38. Néanmoins, l'article 101 du C.D.P.F.
pourrait constituer un meilleur fondement, et ce, aussi bien pour l'abus de
droit par simulation (« - simulé des situations juridiques,
produit des documents falsifiés ou dissimulé la véritable
nature juridique d'un acte ou d'une convention dans le but de
bénéficier d'avantages fiscaux, de la minoration de l'impôt
exigible ou de sa restitution ») que pour l'abus de droit par fraude
à la loi ( « - accompli des opérations emportant
transmission de biens à autrui dans le but de ne pas acquitter les
dettes fiscales;
- majoré un crédit de taxe sur la valeur
ajoutée ou de droit de consommation ou minoré le chiffre
d'affaires dans le but de se soustraire au paiement de ladite taxe ou dudit
droit ou de bénéficier de la restitution de la taxe ou du
droit)39.
Au vu de ce qui précède, la notion de
contribuable de mauvaise foi paraît relativement facile à
circonscrire
Cependant, s'agissant du « contribuable de bonne
foi » et contrairement à l'évolution de cette notion en
droit fiscal comparé, il semble y avoir eu une marginalisation du
concept en droit fiscal tunisien.
En fait, le recours au droit comparé paraît utile
dans la mesure où il « permet de constater que, à chaque
problème plusieurs solutions sont concevables et possibles et que la
solution que donne notre droit n'est pas toujours la meilleure.
L'essentiel est donc de `relativiser ' la règle de
droit, de constater qu'elle n'est qu'une oeuvre humaine, toujours perfectible
et donc toujours sujette à discussion»40.
37 Voir sur cette question : CHOYAKH (Faez) : «
Réflexions sur l'abus de droit en matière fiscale
», R.C.F. n°65, troisième trimestre 2004, pp. 65-75.
38 L'article 26 du C.O.C. dispose : « Les
contre-lettres ou autres déclarations écrites n'ont d'effet
qu'entre les parties et leurs héritiers. Elles ne peuvent être
opposées aux tiers, s'ils n'en ont eu connaissance ; les ayants cause et
successeurs à titre particulier sont considérés comme
tiers, aux effets du présent article ».
39 A ces propos on pourrait objecter qu'on ne peut pas
appliquer une matière pénale (La fraude) à des faits non
répréhensibles pénalement. Or la fraude fiscale est
sanctionnée par la loi fiscale pénale, et ce, selon une
procédure particulière tandis que l'abus de droit est
sanctionné par la loi fiscale en matière d'assiette. Il
apparaît alors légitime, conformément au principe de
l'indépendance des procédures, d'admettre l'applicabilité
de l'article 101 du C.D.P.F. en matière d'abus de droit. Le principe de
l'indépendance des procédures a été défini
comme étant « le principe en vertu duquel la procédure
fiscale suivie par l'administration à l'encontre d'un contribuable n'est
pas affectée par le sort des autres procédures administratives ou
judiciaires », voir : GOULARD (Guillaume) : «
L'indépendance des procédures, retour à un principe
traditionnel », notes sous C.E., Section, 6 décembre 1995 ,
n° 90914, Navon et C.E., Section, 6 décembre 1995, n° 126826,
S.A. Samep, Revue de jurisprudence fiscale, n°1, 1996, p. 2.
40 CHARFI (Mohamed) : « Introduction à
l'étude du droit », Cérès, 3e
édition, 2001, p.90, n°139.
Toutefois, l'étude de la notion de bonne foi en droit
fiscal comparé va se limiter au droit français. Cette limitation
paraît justifiée puisque le droit fiscal tunisien apparaît
« comme le fruit de la transposition du modèle français
au niveau des techniques, de son langage et de sa
procédure»41.
En droit fiscal français, la notion de bonne foi
embrasse une signification précise. En effet, la bonne foi serait la
« qualification des résultats d'un contrôle fiscal qui
permet d'éviter de se voir appliquer des sanctions. Dans le
cadre d'un contrôle fiscal, des insuffisances, inexactitudes ou omissions
peuvent être relevées. Outre le rappel d'impôt émis,
le contribuable est alors passible de sanctions fiscales qui sont
proportionnées à la gravité de la fraude. Lorsque celle-ci
ne met pas en cause la bonne foi du contribuable, les droits
supplémentaires sont seulement majorés d'un intérêt
de retard»42.
On constate ainsi que le législateur fiscal
français reconnaît expressément le statut de contribuable
de bonne foi, notamment à travers l'article L.80 A du L.PF., qui dispose
que : «Il ne sera procédé à aucun rehaussement
d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par
l'administration est un différend sur l'interprétation par le
redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est
démontré que l'interprétation sur laquelle est
fondée la première décision a été, à
l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable
a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que
l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires
publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des
opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en
soutenant une interprétation diffé
rente»43.
Cette prise de conscience de la nécessité de
faire une distinction entre les contribuables qui respectent la loi fiscale, et
ceux qui ne la respectent pas, gagne de plus en plus de terrain ces
dernières décennies en droit comparé, avec notamment
l'émergence de nouvelles notions telles que la notion de «
respect volontaire et spontané» de la loi fiscale
(«voluntary compliance »44 en anglais).
41 AYADI (Habib): « Droit fiscal », C.E.R.P.,
1e édition, 1989, p.11.
42 BARILARI (André) et DRAPE (Robert) : « Lexique
fiscal », Paris, Dalloz, 2e édition, 1992, p.
24.
43 Cet article a été introduit par la loi
n° 70-601 du 9 juillet 1970 au Code Général des Impôts
(C.G.I) qui a reconnu, pour la première fois, la garantie du
contribuable de bonne foi contre les changements de doctrine de
l'administration, garantie intégrée par la suite dans l'article
L.80 A du Livre des Procédures Fiscales (L.P.F) promulgué par les
décrets n°81-859 et 81-860 du 15 septembre 1981 (J.O.R.F du 16
sept. 1981, p 2494 et suivants).
44 Littéralement « compliance »
signifie conformité ; la notion centrale de « voluntary
compliance » correspond donc à l'acceptation volontaire par le
contribuable de la loi fiscale.
Ainsi, il apparaît, à travers une analyse
comparative des administrations fiscales, effectuée en 1999 par
l'Inspection générale des finances française que «
toutes les réflexions des administrations fiscales aboutissent
à faire de la séparation entre les contribuables qui se
conforment à leurs obligations fiscales (compliant) et ceux qui ne s'y
conforment pas (non compliant) la summa divisio de la population des
contribuables. Les contribuables « conformes » (compliant) sont les
contribuables qui payent de bonne volonté et sans poser de
difficultés l'essentiel de leurs impôts. Il peut donc sembler
utile de faciliter au maximum la vie de ces contribuables, c'est à dire
sur le plan économique, de réduire leurs coûts de mise en
conformité (compliance costs) pour que leur comportement vertueux soit
récompensé»45.
Une telle prise de conscience ne semble pas à l'ordre
du jour en droit fiscal tunisien. En effet, la bonne foi du contribuable ne
semble pas avoir suscité l'intérêt qu'elle devrait
mériter. Aucun texte législatif en vigueur ne fait une
référence expresse à la bonne foi. La loi fiscale ne pose
pas la moralité comme critère de distinction entre les
contribuables. Or, il existe un principe général
d'interprétation du droit en vertu duquel il n'y a pas lieu de
distinguer là où la loi ne distingue pas. Ainsi, il semblerait
que la loi fiscale s'applique abstraction faite de l'idée de la bonne ou
de la mauvaise foi du contribuable.
Peut-on alors se fonder sur cette « absence » pour
écarter toute application de la notion de bonne foi en matière
fiscale ? Une réponse par la négative semble s'imposer.
En effet, la bonne foi est présente en matière
fiscale, notamment en droit fiscal pénal et plus
précisément sous l'angle de la fraude à la loi ; mais on
l'examinera surtout du point de vue du droit fiscal stricto
sensu46.
Cet examen peut se faire à travers l'évolution
législative en la matière.
45 Inspection Générale des Finances N°
98-M-041-11 : Mission d'analyse comparative des administrations fiscales,
https://www.igf.minefi.gouv.fr/IGF/sections/rapports/enquete__admifinan1/downloadFile/file/Rapport_98M041.
pdf, visité le 25/4/2008.
46 Le droit fiscal a été défini par Louis
TROTABAS comme étant « la branche du droit public qui
règle les droits du fisc et leurs prérogatives d'exercice
», TROTABAS (Louis) : « Essai sur le droit fiscal »,
Revue de science et de législation financière, 1928, p.201. Il
importe de préciser que « Le droit fiscal est très
rarement défini par la doctrine. Dans l'introduction des ouvrages et
manuels, on se préoccupe plus de la définition de l'impôt
que de celle du droit fiscal. Parmi les rares définitions doctrinales,
celle du doyen TROTABAS, grand défenseur de l'autonomie du droit
fiscal », BACCOUCHE (Néji) :«Constitution et droit
fiscal», Etudes Juridiques, n°8, 2001, pp. 29- 88.
En effet, sous l'égide de la Charte du contribuable,
qui régissait les relations entre l'administration fiscale et les
contribuables avant la promulgation du C.D.P.F., les taux des
pénalités d'assiette étaient fonction de la nature de
l'infraction. Ainsi, à l'insuffisance de bonne foi ou à
défaut de dépôt de déclarations dans les
délais impartis portant sur un retard inférieur à deux
ans, le taux de pénalité applicable était de 10 % dans le
cas de l'acquiescement et de 15% dans le cas de la taxation
d'office47. Il s'agit en effet de la seule mention expresse d'une
certaine bonne foi.
En outre, la bonne foi pouvait facilement constituer le
fondement logique de la présomption d'exactitude attachée
à la déclaration, une présomption expressément
prévue par la Charte du contribuable48.
Ainsi, l'attention que devrait susciter la bonne foi semble se
justifier par la spécificité de la matière fiscale. «
Plus que tout autre domaine relevant de la compétence de l 'Etat, la
fiscalité est par nature conflictuelle»49. Elle
oppose le contribuable assigné à faire don d'une partie de ses
gains pour alimenter le Trésor public, à l'administration
fiscale, dotée de prérogatives de puissance publique.
Ainsi, le contribuable aurait besoin de toutes ses armes,
notamment sa bonne foi pour constituer sa défense. Toutefois,
s'agit-il d'une arme réelle ou factice ?
La question mérite d'être posée.
Cependant, ce qui semble certain est que le rapport de forces
en faveur de l'administration est assez marqué, rendant de la sorte la
protection du contribuable d'autant plus nécessaire.
47 Deux remarques semblent à ce niveau s'imposer. Tout
d'abord, le C.D.P.F. n'a pas gardé les pénalités
d'assiette. Ensuite, l'article 7 de la loi de promulgation du C.D.P.F. a
abrogé l'article 63 du C.I.R.P.P. et de l'I.S. qui constituait le
fondement juridique de l'application de la Charte du contribuable.
48 « Le système fiscal tunisien se
caractérise par le dépôt spontané des
déclarations par les contribuables. Ces déclarations sont
présumées être exactes mais demeurent soumises au
contrôle de l'administration fiscale conformément à la
législation fiscale en vigueur ». Cette présomption n'a
pas été reprise par le C.D.P.F. Voir
http://www.jurisitetunisie.com/tunisie/codes/cirppis/cirppis1400.htm,
visité le 28/6/ 2008.
49 DELORME (Guy) : « La protection du contribuable
», R.F.F.P., n°17, Le contentieux fiscal, 1987, p. 125.
A cet effet, le législateur devrait prendre le soin de
protéger le contribuable, a fortiori lorsque celui-ci est de
bonne foi. Toutefois, assurer une égalité parfaite entre
l'administration d'une part et le contribuable d'autre part relèverait
du domaine de l'impossible. En effet, ériger la bonne foi en une
présomption irréfragable reviendrait à vider de tout sens
le pouvoir de contrôle fiscal. Bien plus, en se remettant à la
bonne volonté du contribuable, l'administration n'est pas à
l'abri d'une dissimulation ou d'une minoration de la matière
imposable50.
En conséquence, la reconnaissance d'une valeur à
la bonne foi du contribuable, ne peut être que relative, compte tenu des
limites du système déclaratif qui peut être source de
fraude fiscale. Il en résulte que la protection est par essence,
limitée.
Ainsi, il y a lieu d'étudier dans une première
partie la nécessaire protection du contribuable de bonne foi (Partie I)
; avant d'aborder dans une seconde partie les limites inhérentes
à cette protection nécessaire (Partie II).
50 CASIMIR (Jean-Pierre) : « Signes extérieurs
de revenus et garanties accordées aux contribuables dans le cadre des
taxations d'office », in « La taxation d'office à
l'impôt sur le revenu », Actes des journées
d'étude organisées par la société française
de droit fiscal à Strasbourg les 3 et 4 mai 1979, Paris, L.G.D.J., 1980,
p.54.
PREMIÈRE PARTIE : LA NÉCESSITÉ
DE
LA PROTECTION DU CONTRIBUABLE
DE BONNE FOI
Il est nécessaire de garantir une protection au
contribuable de bonne foi. La notion de bonne foi évoque, en premier
lieu, la « croyance erronée »51. Une
croyance erronée mais sincère (ou légitime) en l'existence
d'une situation juridique régulière. Elle privilégie donc
une attitude passive du sujet de droit en l'occurrence le contribuable qui
ignore l'obstacle légal empêchant de donner plein effet à
une situation juridique52.
La bonne foi évoque en deuxième lieu, un «
comportement loyal », une attitude d'intégrité et
d'honnêteté et la conscience d'agir sans léser les droits
d'autrui53. Elle privilégie ainsi une attitude active pouvant
s'apprécier eu égard au comportement effectif du
contribuable54.
Cette dualité de sens qu'embrasse la bonne foi
nécessite une dualité corrélative de protection au profit
du contribuable ; une protection de la bonne foi en tant que croyance
erronée (Chapitre I) et une protection de la bonne foi en tant que
comportement loyal (Chapitre II).
51 Selon le professeur KORNPROBST on pourrait admettre
à titre d'axiome, l'existence de deux sortes de bonne foi : une bonne
foi de connaissance et une bonne foi d'action ; la première
résulte d'une croyance et la seconde d'un certain comportement. Or,
« Lorsqu'il s'agit de la bonne foi connaissance, encore faut-il
qu'elle soit fondée sur une croyance erronée, car comme le
remarque à juste titre Breton « si la croyance est conforme
à la réalité, c'est la réalité et non pas
elle qui produit effet (...) la croyance n 'a d'action particulière que
quand elle est erronée », KORNPROBST (Emmanuel) : «
La notion de bonne foi : application au droit fiscal français
», thèse précitée, p. 4 cite BRETON (A) : «
Des effets civils de la bonne foi », Revue critique, 1926, p.
86.
52 LE TOURNEAU (Philippe) : « La bonne
foi », Répertoire civil, Dalloz, Octobre 1995.
53 CORNU (Gérard) : « Vocabulaire
juridique », Op. Cit., V° Bonne foi, p.1 05.
54 LE TOURNEAU (Philippe) : « La bonne
foi », Répertoire civil, Dalloz, Octobre 1995.
CHAPITRE I - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI EN TANT QUE
CROYANCE ERRONEE DU CONTRIBUABLE
« Dans la formule « croyance ou opinion
erronée » ce qui compte c'est l'idée d'erreur. La bonne foi
c'est l'erreur sur la régularité ou l'irrégularité
d'une situation ou d'un acte juridique »55. Cependant, il
arrive souvent que l'erreur reprochée au contribuable ne soit pas de son
propre fait56. Elle peut être due notamment aux changements de
doctrine administrative57.
55
LYON -CAEN (Gérard) : « De l'évolution
de la notion de bonne foi », Revue trimestrielle de droit civil,
1946, p.99.
56 L'erreur reprochée peut être due
également à la rétroactivité du texte fiscal. La
situation est la suivante : un contribuable ayant appliqué la
réglementation fiscale en vigueur à la date du fait
générateur de l'impôt, se trouve, en vertu d'un nouveau
texte, menacé d'un rehaussement d'impositions. La menace est d'autant
plus sérieuse que « l'administration fiscale a la
fâcheuse habitude, lorsqu'elle pressent que sa position va être
condamnée par le juge, de demander au législateur par une
validation rétroactive ou par une disposition interprétative, de
ratifier sa position ou sa propre doctrine. Or, l'une des premières
exigences du contribuable est de pouvoir connaître les règles
fiscales à l'avance et de ne pas être victime devant le juge de
nouvelles mesures rétroactives qui l'imposent dans des conditions
différentes de celles qu'il avait prévu », (PHILIP
(Loïc) : « Le procès équitable dans la
jurisprudence du conseil constitutionnel », R.F.F.P, n° 83,
Septembre 2003, p. 5). Le contribuable peut-il alors invoquer sa croyance
d'être dans son bon droit pour contrecarrer l'exercice, par
l'administration, de son droit de reprise ? En l'état actuel du droit,
la non rétroactivité des normes fiscales moins favorables au
contribuable, n'est pas consacrée. En effet, l'article 13 de la
Constitution, tel que modifié par la loi constitutionnelle
n°2002-51 du 1er juin 2002, n'interdit les dispositions
législatives rétroactives qu'en matière répressive,
et ce, sauf en cas de texte plus doux. Cela signifie donc que le
législateur fiscal demeure libre d'adopter des lois rétroactives.
Dès lors, sera écartée l'étude de la protection du
contribuable contre la rétroactivité de la norme. Une telle
protection ne devrait pas dépendre du comportement du contribuable ;
tout contribuable, même de mauvaise foi, mériterait protection.
C'est le minimum de protection requis dans un Etat qui se veut de droit. En
revanche, s'agissant de la protection du contribuable contre la
rétroactivité de la doctrine administrative, cette protection
devrait être l'apanage du contribuable de bonne foi puisqu'il s'agit dans
ce cadre de faire prévaloir la croyance du contribuable d'être
dans son bon droit.
57
Il n'existe pas, en droit positif tunisien, une
définition de la notion de doctrine administrative. En effet, cette
notion n'est reconnue que de manière accidentelle par simple
décret, et ce, uniquement à travers sa version française.
Il s'agit de l'article 18 du décret n° 91-556 du 23 avril 1991
(J.O.R.T. n° 30, 134e année, 3 mai 1991, p. 952) portant
organisation du ministère des finances qui attribue à la
direction générale des études et de la législation
fiscale le rôle « d'interpréter les textes
législatifs et réglementaires fiscaux en vigueur et
d'élaborer ainsi la doctrine administrative». Le même
article ajoute que la direction est chargée notamment
«d'élaborer la documentation fiscale et d'assurer la
publication du bulletin officiel des impôts ». Il est à
noter cependant, que la version arabe (étant celle qui fait foi) du
même article 18 du décret susmentionné, n'a pas
employé l'équivalent de l'expression « doctrine
administrative ». Le texte arabe parle de « la fixation de la
méthode à suivre par l'administration à cet effet
»".3.1.-.1113A <4i 1;.)1.3,>1
14.L.1 <4:1 ~J~#S~1 " , pour exprimer ce que la
version française du décret appelle « doctrine
administrative ». Pour plus de détails sur le fondement
juridique accidentel de la doctrine administrative en Tunisie voir : GADHOUM
(Oualid) : « La doctrine administrative fiscale en Tunisie
», Paris, L'Harmattan, 2007, p.36 et suivants.
Toutefois, il importe, de prime abord de signaler que dans le
domaine fiscal, plus que dans les autres domaines, la doctrine de
l'administration, en tant que « l'ensemble des commentaires que fait
l'administration des textes fiscaux», participe au fonctionnement du
système fiscal58. En effet, face à la
complexité et à l'hermétisme des textes fiscaux, la
doctrine administrative assure un rôle incontournable dans
l'interprétation du texte fiscal ainsi que dans sa vulgarisation.
Cependant, il arrive souvent qu'elle glisse vers l'exercice d'un
véritable pouvoir réglementaire. En effet, sous couvert
d'interprétation, l'administration peut être tentée de
donner à la mesure législative ou règlementaire le contenu
qu'elle voudrait qu'elle ait. Elle peut, soit ajouter des conditions non
prévues par le texte et dont l'effet sera de restreindre le champ
d'application de la loi, soit au contraire, renoncer à certaines
conditions du texte, modifiant de la sorte ses conditions d'application. Cette
doctrine administrative semble être illégale dans la mesure
où elle présente un caractère réglementaire et
s'approprie, de la sorte, d'un rôle dont elle n'est pas investie. Ainsi,
elle est en principe, inopposable au contribuable. Ce dernier a la
possibilité, s'il justifie (entre autres) d'un intérêt
à agir, d'exercer un recours pour excès de pouvoir en vue de
l'attaquer.
Cependant, il arrive souvent que le contribuable n'attaque pas
la doctrine administrative mais plutôt s'en prévaut, et ce,
à l'occasion d'un revirement de position de la part de l'administration
en sa défaveur puisque, rien n'empêche l'administration fiscale de
revenir sur sa doctrine et de substituer une doctrine favorable au contribuable
par une doctrine plus sévère59.
Cette substitution est susceptible d'engendrer au moins deux
conséquences pour le contribuable : « Tout d'abord, le
régime fiscal auquel il est soumis pour l'avenir se trouve durci. En
outre, l'administration fiscale peut user de son droit de reprise pour
opérer un redressement portant sur des exercices non prescrits, en se
fondant sur l'interprétation nouvellement donnée au texte
pertinent »60.
58 AYADI (Habib) : « Droit fiscal »,
Op. Cit., p.21 9. Selon BARILARI (André) et DRAPPE (Robert), la
doctrine administrative est définie comme : « L'ensemble des
documents, circulaires, instructions, documentation fiscale, réponses
ministérielles par lesquels l'administration fiscale fait
connaître son interprétation des textes, en particuliers
fiscaux », «Lexique fiscal », Op. Cit.,
p. 69. A côté de ces documents énumérés, il
faudrait ajouter, dans le contexte tunisien, les notes communes ainsi que les
réponses de l'administration fiscale aux demandes de renseignements qui
lui sont adressées par les contribuables. Outre ce qui
précède, le contribuable a parfois été
confronté à la pratique administrative, ce que le juge fiscal
désigne sous l'appellation « doctrine administrative de
fait ». Voir en ce sens : Tribunal de première instance de
Tunis, 18 novembre 2004, requête n° 819, voir annexe 3 p.200 et
spécialement p.204.
59 S'agissant des mesures favorables, les contribuables qui en
sont bénéficiaires ne vont pas les contester du moment qu'elles
introduisent des assouplissements à leurs obligations fiscales.
60 MARCHESSOU (Philippe) : « L'interprétation des
textes fiscaux », Paris, Economica, 1980, p. 105.
Cette faculté ouverte à l'administration est
depuis toujours objet d'indignation61. D'autant plus que ce
phénomène de changement de doctrine administrative est, dans la
pratique, assez courant, et que contrairement au droit comparé, le
législateur tunisien n'a pas prévu de dispositions juridiques
régissant sa mise en oeuvre, son application ou encore son
changement.
Cette situation contraste avec le développement, depuis
quelques années, d'une doctrine administrative foisonnante. On a
même pu constater que « la doctrine administrative en Tunisie
évolue en dehors de tout cadre législatif
»62.
La protection contre le changement de la doctrine
administrative se justifie par la nécessité d'assurer aux
contribuables un climat de sécurité juridique et d'instaurer, de
la sorte, la règle de la certitude. Ainsi, il y a lieu d'étudier
dans un premier temps la nécessité d'établir un certain
degré de protection de la croyance erronée du contribuable
(Section I). Cette protection doit en outre être encadrée afin de
garantir son effectivité (Section II).
SECTION I- UNE PROTECTION A ETABLIR
La protection de la croyance erronée du contribuable
est fonction de certains impératifs que le système fiscal en
place se doit d'observer. Ces impératifs sont dictés par la
nouvelle conception du pouvoir politique et plus précisément de
l'Etat de droit auquel la Constitution tunisienne proclame son attachement
depuis 200263. Au coeur même de ces impératifs figure
la sécurité juridique (Paragraphe 1). En outre, un Etat de droit
suppose un devoir de loyauté imposé à l'administration
(Paragraphe 2).
61 AYADI (Habib) : « Droit fiscal »,
Op.Cit., p. 222.
62 GADHOUM (Oualid) : « La doctrine administrative
fiscale en Tunisie », Op. Cit., p. 189.
63 BACCOUCHE (Néji) : «De la
nécessité du contrôle fiscal», Revue tunisienne
de fiscalité, n°1, 2004, p. 13.
Paragraphe 1- Au nom du principe de la
sécuritéjuridique
Le principe de la sécurité juridique64
vise tout à la fois la stabilité des situations
juridiques65 et la clarté des règles
juridiques66.
Il a pour corollaire le principe de la confiance
légitime dont l'émergence a été guidée par
la nécessité de garantir une protection accrue du citoyen contre
les dérives d'une application rigide du principe de
légalité67 ; qui implique « le respect de la
confiance que les citoyens peuvent légitimement placer dans la
stabilité de leur environnement juridique tel que délimité
et caractérisé par la puissance publique» 68.
64 Historiquement, ce principe est né en Allemagne et a
trouvé sa reconnaissance internationale dans la jurisprudence de la Cour
de justice des Communautés européennes dès 1962, dans son
arrêt Bosch du 6 avril 1962 puis dans les années 1970 : Cour de
Justice des Communautés Européennes, 14 juillet 1972, affaire
n° 57/69. En 1981, cette même Cour rendait l'arrêt «
Dürbeck » (5 mai 1981) dans lequel elle évoquait le
principe de confiance légitime, proche de celui de
sécurité juridique. La Cour Européenne des Droits de
l'Homme l'a, quant à elle, appliqué en exigeant précision
et prévisibilité de la loi. Dans ses arrêts «
Sunday Times » (26 avril 1979) et « Hentrich c/
France » (22 septembre 1994). Pour un commentaire de l'affaire voir
KORNPROBST (Emmanuel) : « La douane et le fisc devant la Cour de
Strasbourg »,
http://www.credho.org/cedh/session03/cahier03.pdf,
p.72, visité le 25/4/2008.
65 C'est-à-dire la permanence, au moins relative, de
celles-ci dans le temps. En effet, une règle de droit n'est pas
appelée à être immuable, c'est de l'essence même du
Droit de changer, de suivre le changement de l'environnement qu'il doit
régir. Cependant, c'est la cadence des changements qui doit être
régulée.
66 Voir : FROMONT (Michel) : « Le principe de
sécurité juridique », A.J.D.A., n°spécial,
20/6/1996, p. 178.
En d'autres termes, la sécurité juridique est
exigée soit pour limiter les possibilités de
rétroactivité de la norme, soit pour sauvegarder sa
qualité. Voir : DUTHEILLET DE LAMOTHE (Olivier) : « La
sécurité juridique : Le point de vue du juge constitutionnel
»,
http://www.conseilconstitutionnel.fr/divers/documents/securitejuridique.pdf,
p.1, visité le 2 5/04/2008.
67 BOUCHARD (Jean -Claude) : « La note 442 du 28 mars
1928, un retour vers le futur? », Revue de droit fiscal, n° 20,
18 mai 2007, p.12.
68 BOUCHARD (Jean -Claude) : « La note 442 du 28 mars
1928, un retour vers le futur? », article précité,
p.11.
Même si ces principes ne figurent pas explicitement dans
la Constitution tunisienne69, il est possible de les rattacher
à l'alinéa premier de l'article 5 de celle-ci, qui dispose que
: « La République Tunisienne garantit les libertés
fondamentales et les droits de l'homme dans leur acception universelle,
globale, complémentaire et indépendante
»70.
Or, les principes de la sécurité juridique et de
la confiance légitime se placent aujourd'hui parmi les droits de l'Homme
au même titre que la liberté, la propriété et la
résistance à l'oppression. De même, on pourrait les
rattacher au principe de légalité qui est
généralement présenté comme « une garantie
fondamentale contre, non seulement l'arbitraire des pouvoirs politiques mais
également, contre l'abus des autorités administratives
»71. De ce fait, le principe de la sécurité
juridique apparaît étroitement lié au principe de la
légalité, lequel implique la prévisibilité de
l'étendue de l'obligation fiscale.
Toutefois, le possible rattachement de la
sécurité juridique aux principes reconnus par la Constitution ne
doit pas occulter la réalité de sa méconnaissance dans le
système de contrôle fiscal, et ce, aussi bien concernant sa
conception par le législateur que (surtout) sa mise en oeuvre par
l'administration72.
69 En droit constitutionnel français, le principe de
sécurité juridique ne figure pas explicitement dans la
Constitution du 4 octobre 1958. Seul figure, par l'intermédiaire de la
déclaration de 1789, le droit de sûreté qui s'inscrit dans
le préambule de la Constitution. En 2006, le principe de la
sécurité juridique a été solennellement reconnu par
le Conseil d'État statuant au contentieux dans l'arrêt du 24 mars
2006 KPMG et autres, indiquant notamment qu'une nouvelle réglementation
ne doit pas porter une atteinte excessive aux contrats en cours : «
Considérant qu'indépendamment du respect de cette exigence,
il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire
d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les
mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, une réglementation
nouvelle ; qu'il en va ainsi en particulier lorsque les règles nouvelles
sont susceptibles de porter une atteinte excessive à des situations
contractuelles en cours qui ont été légalement
nouées ;Considérant que les dispositions de la loi du 1er
août 2003 de sécurité financière relatives à
la déontologie et à l'indépendance des commissaires aux
comptes, dont la mise en oeuvre est assurée par le code de
déontologie, ont, en raison des impératifs d'ordre public sur
lesquels elles reposent, vocation à s'appliquer aux membres de la
profession ainsi réglementée et organisée sans que leur
effet se trouve reporté à l'expiration du mandat dont les
intéressés ont été con tractuellement investis ;
que toutefois, à défaut de toute disposition transitoire dans le
décret attaqué, les exigences et interdictions qui
résultent du code apporteraient, dans les relations contractuelles
légalement instituées avant son intervention, des perturbations
qui, du fait de leur caractère excessif au regard de l'objectif
poursuivi, sont contraires au principe de sécurité juridique ;
qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le décret attaqué en tant
qu'il ne comporte pas de mesures transitoires relatives aux mandats de
commissaires aux comptes en cours à la date de son entrée en
vigueur intervenue, conformément aux règles de droit commun, le
lendemain de sa publication au Journal officiel de la République
française du 17 novembre 2005;(...)»,
http://www.legifrance.com/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT00000824114
3&fastReqId=1 1 50449877&fastPos=1, visité le 25/4/2008.
70 L'alinéa 1 de l'article 5 a été
ajouté par l'article 2 de la loi constitutionnelle n° 2002-51du
1er juin 2002, J.O.R.T. n°45, 145e année, 3
juin 2002, p.1298.
71 BESBES (Slim) : « Le principe de la
légalité de l'impôt en droit tunisien »,
thèse précitée, p.15.
72 En droit français, NEEL (Brigitte) a écrit
que : « L'insécurité fiscale a pour coauteurs : le
législateur et l'administration ! », préface de la
thèse de DOUET (Frédéric) : « Contribution
à l'étude de la sécurité juridique en droit fiscal
interne français », Paris, L.G.D.J, 1997.
Fort heureusement cette attitude n'est pas partagée par le
juge tunisien qui s'y réfère, explicitement, dans certaines de
ses décisions. De façon plus précise :
· le juge fiscal du fond consacre de plus en plus
l'exigence de la sécurité juridique (A);
· le T.A. consacre également cette exigence ;
quoique de manière assez timide (B).
A- Consécration marquée par le juge fiscal du
fond
Le juge fiscal tunisien se réfère de plus en plus
dans ses décisions au principe de la sécurité juridique.
Concrètement, ce principe se manifeste de différentes
manières.
Dans certains cas, le principe de la sécurité
juridique a été mis en oeuvre pour fonder le principe de
l'interdiction des vérifications approfondies successives afin d'assurer
au contribuable un climat de stabilité juridique73.
73 Tribunal de première instance de Sfax,
requête n° 177 du 22 octobre 2003. Affaire citée par DRIRA
(Tarek) et JAMMOUSSI (Saoussen) : « Chronique de la jurisprudence
fiscale tunisienne », Revue tunisienne de fiscalité, n°
4, p. 238.
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Voir également : Tribunal de 1ère
instance de Sfax, requête n° 126 du 15 juillet 2002. Affaire
citée par JAMMOUSSI (Saoussen) : « Chronique de la
jurisprudence fiscale tunisienne », Revue tunisienne de
fiscalité, n° 2, p. 174.
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Ou encore : Tribunal de première instance de Tunis,
affaire n° 1222 du 1er juin 2006 (inédit).
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i~ W~t~4 ~~~tJi~ e: t it@ d=
."ÇJt9*E~ L~N~~i~ ~~#X çtli4
Dans d'autres, il utilise l'exigence de
sécurité juridique pour limiter les possibilités de
rétroactivité de la loi, car la rétroactivité de la
norme constitue incontestablement la principale menace à la
sécurité juridique.
C'est notamment à travers la question des
délais de reprise que le juge a invoqué le principe de la
sécurité juridique. La situation est la suivante : le C.D.P.F. a
modifié les délais de prescription pour presque tous les
impôts, sauf pour le droit de timbre (10 ans) et le droit de circulation
(1année). Pour les autres impôts, il y a eu soit un rallongement,
soit une réduction des délais.
Or, lorsque la loi nouvelle modifie les délais de
reprise, on applique la loi la plus favorable au contribuable, mais, des
problèmes peuvent surgir quand la loi nouvelle rallonge les
délais. Pour pouvoir résoudre ce conflit de lois dans le temps,
il faut au préalable déterminer la nature des délais de
reprise puisque, la nature de ces délais conditionne le droit
applicable. S'agit t-il alors d'un élément de fond, auquel cas il
y a lieu d'appliquer les règles en vigueur à la date du fait
générateur de l'impôt ? Ou bien s'agit-il d'un
élément de forme, auquel cas ce sont les règles nouvelles
qui s'appliquent immédiatement ?
La loi étant muette sur la question, c'est au juge de la
trancher sous contrainte de commettre un déni de justice.
Le tribunal de première instance de Tunis a pu y statuer
à l'occasion de l'affaire opposant la société SIMA
à la Direction générale du contrôle
fiscal74.
Dans cette affaire, le juge a retenu la première
éventualité au motif de son respect du principe de la
sécurité juridique du contribuable en ces termes : «
Considérant que l'application, aux délais de reprise, du
régime applicable à la date du fait générateur de
l'impôt est compatible avec le principe de la sécurité
juridique du contribuable »75.
74 Tribunal de première instance de Tunis, affaire
n° 578, du 12 janvier 2004, la société SIMA contre la
Direction générale du contrôle fiscal. (Inédit).
Voir annexe 3, p.194 et spécialement p.199.
75 D'autres jugements sont venus confirmer le jugement
prononcé par le tribunal de première instance de Tunis
cité là - haut:
- le Tribunal de première instance de la Manouba,
chambre civile, 9 novembre 2005, affaire n°96, citée par MTIR
(Mahmoud), « Commentaires de la jurisprudence : droit fiscal
», Infos Juridiques, n° 8/9, septembre 2006, p. 21.
- le Tribunal de première instance de l'Ariana, 2
novembre 2006, affaire n°352. (Inédit). Voir annexe 3 p.223 et
spécialement p.226.
- le Tribunal de première instance de l'Ariana, 4 janvier
2007, affaire n°444. (Inédit). Voir annexe 3 p.229 et
spécialement p.235.
- le Tribunal de première instance de l'Ariana, 4 janvier
2007, affaire n°445. (Inédit). Voir annexe 3 p.236 et
spécialement p.243.
Ainsi, il semble qu'un courant, inspiré par le principe
de la sécurité juridique, émerge, lentement, mais
sûrement.
Cependant, la répartition du contentieux fiscal telle
que prévue par la loi, constitue un frein à ce courant. En effet,
en vertu de l'article 69 du C.D.P.F., les recours en cassation contre les
arrêts des cours d'appel relèvent de la compétence du
Tribunal administratif76. Or, le maintien de deux
ordres77 ; un ordre judiciaire et un ordre administratif,
compétents en la matière paraît inopportun. Loin de
favoriser la clarté et la simplicité des recours du
côté du contribuable, cette répartition du contentieux
empêche le juge d'une meilleure assimilation de la matière
fiscale, réputée pour sa complexité et son
hermétisme.
Ainsi, la sensibilité du juge du fond au principe de la
sécurité juridique n'est pas forcément partagée par
le Tribunal administratif.
B- Consécration timide par le T.A. en dehors de la
matière fiscale
Le T.A. statuant sur les recours en cassation contre les
arrêts des Cours d'appel, rendus dans les recours prévus par
l'article 54 du C.D.P.F., n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur la
place exacte occupée par le principe de la sécurité
juridique dans la hiérarchie des normes.
Cependant, il importe de signaler qu'en matière de
fonction publique (il s'agit d'un jugement de premier degré), le
tribunal administratif a jugé opérant le moyen tiré de
l'atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance
légitime, lorsqu'il est invoqué au soutien d'un recours
dirigé contre un décret ne contenant pas des dispositions
transitoires, l'écartant en l'espèce comme non fondé.
76 « Les recours en cassation contre les
arrêts des cours d'appel, rendus dans les recours prévus par
l'article 54 du présent code, s'effectuent conformément aux
procédures prévues par la loi organique relative au Tribunal
Administratif et par les lois qui l'ont modifiée ou
complétées ».
77 En admettant qu'il existerait un ordre administratif à
côté de l'ordre judiciaire.
« Considérant qu'il est établi en
doctrine ainsi qu'en jurisprudence que nul n'a de droit acquis au maintien d'un
règlement ; que l'administration dispose du pouvoir
discrétionnaire de le modifier voire l'abroger, et ce, tant qu'elle ne
remet pas en cause les droits acquis des individus78, qu'en vertu du
principe de confiance légitime l'administration n'est pas en mesure
d'effectuer des modifications inutilement soudaines eu égard à
l'objet de la mesure ou aux finalités poursuivies
»79.
Il ressort de ce considérant que le juge administratif a
assujetti l'administration aux principes de l'Etat de droit auquel la
Constitution proclame son attachement depuis 200280.
Ce considérant rappelle en outre, la première fois
qu'une juridiction française a accepté de faire prévaloir
le principe de la confiance légitime sur le droit interne.
78 Autrement dit, le juge admet que le respect des droits acquis
fait obstacle à leur retrait.
79 Voir annexe 3 p.152 et spécialement p.157.
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Voir également T.A., 10 mai 2000, requête n°
17257, où le tribunal reprend, exactement, le même
considérant. Voir annexe 3 p. 159 et spécialement p. 165.
80 AYADI (Habib) : « La discontinuité du
contentieux de la cassation fiscale », in « Mélanges
en l'honneur du Doyen Yadh BEN ACHOUR », Tunis, C.P.U., 2008, p.632,
N.B.P. n°12.
Il s'agissait du tribunal administratif de Strasbourg qui a
jugé que « l'administration doit veiller à ne pas porter
aux tiers un préjudice anormal en raison d'une modification inattendue
des règles qu'elle édicte ou du comportement qu'elle adopte si le
caractère soudain de ce changement n'est pas rendu nécessaire par
l'objet de la mesure ou par les finalités poursuivies ; qu'en
particulier, si les autorités administratives peuvent modifier la
réglementation qu'elles ont édicté en fonction de
l'évolution de leurs objectifs ou des situations de fait ou de droit qui
conditionnent leur intervention, elles doivent prendre les dispositions
appropriées pour que les personnes concernées disposent d'une
information préalable ou que des mesures transitoires soient
aménagées dès lors que la modification envisagée ne
doit pas, par nature ou en raison de l'urgence, prendre effet de manière
immédiate et qu'elle est susceptible d'avoir, de manière
substantielle, des effets négatifs sur l'exercice d'une activité
professionnelle ou d'une liberté publique, qu 'à défaut de
respecter ce principe de la confiance légitime dans la clarté et
la prévisibilité des règles juridiques et de l'action
administrative, l'administration engage sa responsabilité à
raison du préjudice anormal résultant d'une modification
inutilement soudaine de ces règles ou comportements
»81.
A ce niveau, il importe de préciser que, si le juge
administratif tunisien reconnaît aujourd'hui, en des termes d'une
parfaite sobriété, l'existence du principe de la
sécurité juridique et son corollaire le principe de confiance
légitime, cette consécration n'est pas le fruit du hasard.
Il s'agit en réalité de l'aboutissement d'une
marche axée sur la reconnaissance progressive des différentes
facettes du principe de la sécurité juridique.
81 T.A., Strasbourg, 8 décembre 1994, Entreprise
Freymeuth contre ministre de l'environnement, requête n° 93- 1085,
A.J.D.A. 1995, n°7-8, p. 555 et suivants.
En effet, le juge administratif, tient compte de
l'impératif de sécurité juridique dans l'exercice de son
contrôle à travers un certain nombre de principes plus
ciblés comme la prohibition du retrait ou de l'abrogation des
décisions créatrices de droits devenues définitives ou la
non rétroactivité des actes administratifs, tout en le conciliant
avec le principe de légalité et en s'efforçant d'assurer
à l'action administrative une certaine souplesse82.
Il est donc permis d'espérer voir le Tribunal
administratif, statuant en matière fiscale, faire prévaloir la
confiance que les contribuables de bonne foi ont pu légitimement placer
dans la stabilité de leur situation fiscale telle que
délimitée par le fisc.
Il découle de ce qui précède, que «
Principe flou, d'application incertaine, la sécurité
juridique colore certaines évolutions jurisprudentielles alors
même que son nom n'est pas prononcé. Il est ainsi certain que le
juge se préoccupe de sécurité juridique
»83.
A côté du principe de la sécurité
juridique, existerait-il d'autres pistes pour combattre la remise en cause par
l'administration de sa propre doctrine ?
82 Voir T.A., recours pour excès de pouvoir, 14 mai 1980,
requête n°374, Recueil des arrêts du tribunal administratif
1980, pp. 178- 182.
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|
Voir également :
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|
|
- T.A., Recours pour excès de pouvoir, 29 décembre
1989, requête n°1421. Voir annexe 3 p.110 et spécialement
p.112 et 113.
- T.A., Recours pour excès de pouvoir, 25 mai 2000,
requête n°17236. Voir annexe 3 p.167 et spécialement
p.170.
83 MATHIEU (Bertrand) : « Présentation,
Etudes et doctrines : Le principe de sécurité juridique
», Cahiers du Conseil constitutionnel n° 11,
http://www.conseilconstitutionnel.fr/cahiers/ccc11/ccc11somm.htm,
visité le 9/4/2008.
Paragraphe 2- Au nom d'un devoir de loyauté
imposé à l'administration ?
« Rien ne paraît plus arbitraire que le
rehaussement d'imposition qui est mis à la charge d'un contribuable
suite au changement de l'interprétation du texte fiscal sur laquelle
était fondée l'imposition primitive, soit en violation de
l'accord qui était intervenu entre ce contribuable et son inspecteur. La
loyauté que l'on exige des contribuables dans le système de la
déclaration (même contrôlée) s'accorde mal avec le
fait du prince ou le reniement de la parole donnée ; la moralité
fiscale ne devrait pas emporter moins d'obligations pour l'administration que
pour le contribuable»84.
La loyauté se définit comme étant, la
fidélité à tenir ses engagements, à obéir
aux lois de l'honneur, de la probité, de la droiture85. En
outre, sur un plan éthique, il serait injuste que
l'administration, ayant remis en cause sa propre interprétation d'une
disposition fiscale, puisse faire subir aux contribuables les
conséquences de ce changement d'interprétation. Par
conséquent, la sécurité du contribuable serait gravement
affectée si ceux-ci n'étaient pas assurés d'être
traités conformément à la doctrine en vigueur à la
date des opérations qu'ils concluent86.
Il paraît ainsi légitime de se demander dans quelle
mesure le droit fiscal protège le contribuable contre la
déloyauté de l'administration fiscale ?
Sans nul doute, la confiance que doit avoir le contribuable
dans l'administration fiscale fonde l'exigence d'un devoir de loyauté
imposé à l'administration. Cette dernière, dans l'exercice
de sa fonction d'interprétation de la loi fiscale, ne doit donc pas
compromettre volontairement cette confiance. Car, d'une part, «
l'interprétation administrative constitue un acte volontaire de la
part de l'administration fiscale qui choisit une seule signification pour la
considérer comme l'interprétation officielle de la norme
fiscale »87.
D'autre part, « l'interprétation
administrative ne lie pas à titre définitif l'administration qui
est toujours libre de modifier sa doctrine. Ainsi, il est fréquent que,
pour un même texte législatif, l'administration change
l'interprétation qu'elle en donne »88.
Le devoir de loyauté peut dès lors être
fondé sur le principe de la légalité.
84 MARTINEZ (Jean-Claude) : « Le statut du
contribuable », L.G.D.J., 1980, p.137
85
www.larousse.fr, V°
loyauté et V° loyal.
86 BOUVIER (Michel) : « Introduction au droit fiscal
général et à la théorie de l'impôt
», Paris, L.G.D.J, 5e édition, 2003 p. 182.
87 BESBES (Slim) : « Le principe de la
légalité de l'impôt en droit tunisien »,
thèse précitée, p.329.
88 BESBES (Slim) : « Le principe de la
légalité de l'impôt en droit tunisien »,
thèse précitée, p.330.
Ce dernier constitue dans son acception la plus
générale, « une règle de conduite qui gouverne le
processus de création des normes juridiques. Il est
généralement annoncé comme une garantie fondamentale
contre l'arbitraire des pouvoirs politiques et l'abus des autorités
administratives »89.
La doctrine attribue à ce principe plusieurs
fonctions. Il résume et garantit à la fois la subordination de
l'administration aux organes élus, la conformité de l'action
administrative à la volonté de la nation souveraine et la
protection des individus contre l'arbitraire90.
Il importe de préciser que l'arbitraire ne
résulte pas de l'exercice, par l'administration fiscale de sa fonction
interprétative. Cette fonction, en tant que telle, n'est pas
incompatible avec le principe de la légalité de l'impôt
entendu dans le sens de la compétence du législateur en
matière fiscale91. Elle en constitue un complément
indispensable en raison des incidences financières immédiates de
l'interprétation adoptée et de la complexité de la
matière fiscale92. Toutefois, cette mission offre
matière à critique et laisse ouvertes les portes de l'arbitraire,
dès lors qu'elle prend, comme c'est le cas en Tunisie, une ampleur
démesurée. D'autant plus que l'administration ne répugne
pas à remettre en cause sa doctrine favorable au contribuable. Or,
« il est choquant de voir un contribuable qui a organisé sa
situation financière et fiscale en fonction d'une interprétation
donnée d'un texte par l'administration, imposé plus
sévèrement selon une nouvelle interprétation
émanant de la même administration » 93. Cette
attitude de la part de l'administration fiscale dénote visiblement
l'absence d'intention bienveillante ; la nouvelle interprétation
émanant de la même administration constitue indéniablement
un élément perturbateur de la sécurité juridique du
contribuable de bonne foi.
89 BESBES (Slim) : « Le principe de la
légalité de l'impôt en droit tunisien »,
thèse précitée, p.15.
90 LOSCHAK (Danièle) : « Le principe de
légalité : Mythe et mystifications », A.J.D.A., 1981,
n° 9, 20 septembre 1981, p. 387.
91 Le principe de légalité de l'impôt
« trouve son fondement dans l'article 34 de la Constitution, mais
même s 'il dénote l'importance du rôle du
législateur, il ne lui reconnaît pas le monopole dans ce
domaine », CHAABANE (Neila) : « Le contrôle des lois
fiscales par le Conseil constitutionnel tunisien », in
Mélanges en l'honneur du Doyen Yadh BEN ACHOUR, Tunis, C.P.U., 2008,
p.744.
92 BACCOUCHE (Néji) : « Droit fiscal
», Tunis, E.N.A.- C.R.E.A., 1993, tome I, p.72.
93 AYADI (Habib) : « Droit fiscal »,
Op.Cit., p. 222.
Or, le principe de légalité exige la protection
du contribuable contre toute insécurité, notamment celle qui
résulte du changement de la doctrine administrative, et ce,
essentiellement quand elle remplace une doctrine bienveillante par une doctrine
beaucoup plus sévère. Surtout que ce phénomène est,
dans la pratique, assez courant94.
Ainsi il paraît légitime de fonder sur le
principe de la légalité, une obligation générale de
loyauté, pesant sur l'administration. Une telle obligation permet, du
moins théoriquement, de protéger le contribuable de bonne foi
contre l'abus des autorités administratives. Car, si la bonne foi du
contribuable fait défaut il encourt des sanctions. L'administration
devrait subir le même sort ou presque !
D'autant plus que, les changements de doctrine administrative
constituent un problème préoccupant non seulement pour le
contribuable de bonne foi mais également pour le Trésor public,
puisqu'ils peuvent nuire au rendement du système fiscal. En effet,
« comment une entreprise pourrait-elle engager un programme
d'investissement, comment un particulier admettrait-il de s'endetter pour
réaliser une opération si la fiscalité, qui
l'intéresse directement lui semble fluctuante, susceptible de
changements brusques ? »95.
Ainsi, la prise en compte du principe de légalité
peut contribuer à renforcer la protection du contribuable de bonne
foi.
Face à la difficulté de sanctionner
efficacement la fraude96, l'absence d'une telle protection
décourage les contribuables de bonne foi d'adopter un comportement
honnête. Plus grave encore ; il résulte de cette absence de
protection une indéniable insécurité, car le contribuable,
fût -il de bonne foi, ne pourra jamais tracer la ligne où
s'arrêtent les pouvoirs du fisc.
Dans cette perspective, il semble nécessaire
d'établir un cadre juridique pour la protection du contribuable de bonne
foi contre les abus de l'administration fiscale.
94 Voir des exemples tirés de l'expérience
tunisienne tenant au sort fiscal des amortissements non comptabilisés et
à la soumission de la promotion immobilière à la T.V.A,
développés par BESBES (Slim) : « Le principe de la
légalité de l'impôt en droit tunisien »,
thèse précitée, pp. 423 à 428.
95 SCHMIDT (Jean) : « L'impôt ; politique et
technique », Dalloz, 1995, p. 82.
96 Faute de publication des résultats des chiffres
officiels pouvant servir à l'appréciation de la réticence
des contribuables à l'égard du devoir de paiement de
l'impôt, on peut se contenter des chiffres publiés en 1997. Voir
annexe 1, p.105.
SECTION II - UNE PROTECTION A ENCADRER
Face au risque de changement de la doctrine administrative,
la législation fiscale tunisienne a fait fi de la protection du
contribuable en faisant prévaloir l'intérêt du
Trésor public. La fin semble justifier les moyens aux yeux du
législateur ! Cette négligence serait lourde de
conséquences au niveau du comportement du contribuable. Il serait donc
souhaitable que le législateur fiscal définisse les
éléments de la déloyauté de l'administration
(Paragraphe 1).
Dans l'attente d'une reconnaissance explicite de la
protection du contribuable de bonne foi contre les changements de doctrine
administrative, il semblerait que d'autres pistes de solutions, existent, dans
le cadre contentieux, entre les mains du juge, pour faire face à la
déloyauté de l'administration. En effet, c'est au nom de
l'équité que le juge fiscal pourrait apporter une certaine
protection au contribuable de bonne foi contre les changements de doctrine
administrative (Paragraphe 2).
Paragraphe 1- Une intervention législative
souhaitable
Il est indéniable que des efforts ont
été entrepris depuis plus d'une douzaine d'années pour
vulgariser la matière fiscale et la rendre plus attrayante et plus
accessible aux contribuables. Cependant, s'agissant de la protection du
contribuable contre les changements de doctrine administrative, les
réformes engagées ont laissé un goût
d'inachevé.
Contrairement au législateur tunisien, son homologue
français a considéré que si l'administration
procédait à un changement de sa doctrine, elle ne devait pas
nuire par ce changement au contribuable97.
Quelles sont alors les solutions adoptées par le droit
français qui pourraient éventuellement inspirer le
législateur ; voire le juge tunisiens ?
Actuellement, le système fiscal français
reconnaît essentiellement deux mécanismes, d'origine
législative, permettant aux contribuables de se protéger contre
les changements de la doctrine administrative98.
Le premier dispositif assure une protection préalable.
Il est désigné par l'expression «rescrit fiscal » (A).
Tandis que le deuxième assure une certaine protection en instituant
l'opposabilité à l'administration de sa propre doctrine (B).
A - Le rescrit fiscal
Très ancien, le rescrit a été repris en
droit fiscal français par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 dite
AICARDI, modifiant les procédures fiscales et douanières, qui l'a
introduit à l'article L. 64 B du L.P.F99.
Cet article prévoit que la procédure de
répression des abus de droit n'est pas applicable « lorsqu'un
contribuable, préalablement à la conclusion d'un contrat ou d'une
convention, a consulté par écrit l'administration centrale en lui
fournissant tous les éléments utiles pour apprécier la
portée véritable de cette opération et que
l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois
à compter de la demande ». Il s'agit donc d'une garantie pour
le contribuable qui, préalablement à la conclusion d'un contrat
ou d'une convention, a la possibilité, de consulter par écrit
l'administration fiscale, en lui fournissant tous les éléments
utiles. L'administration doit indiquer en réponse si l'opération
relève, à son sens, de l'abus de droit. Toutefois elle conserve
son droit de contrôle classique100.
97 Conseil des impôts de France, Dixième rapport
au président de la république 2001, Les relations entre les
contribuables et l'administration fiscale,
http://www.ccomptes.fr/CPO/documents/divers/Rapport-relatcontrib.pdf,
visité le 28/04/2008.
98 A côté de ces mécanismes d'origine
législative, il existe un dispositif d'origine
décrétale. il a
été prévu par l'article premier du décret du 28
novembre 1983 qui dispose que « tout intéressé est
fondé à se prévaloir, à l'encontre de
l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées
dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi du 17-7-1978
lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements »,
Décret n°83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre
l'administration et les usagers, J.O.R.F. du 3 décembre 1983 p. 3492. Il
s'agit d'un dispositif de portée générale puisqu'il
concerne l'opposabilité de toute doctrine administrative, quelle que
soit la nature de l'autorité administrative, y compris donc la doctrine
administrative fiscale. Toutefois, cette protection comporte des limites
prévues par ce même alinéa premier et qui tiennent à
la publicité et à la non contrariété aux lois et
règlements. En somme, l'article 1er du décret du 28 novembre 1983
a institué, d'une manière générale en droit public
français, au profit de l'ensemble des administrés, un principe
d'opposabilité à l'administration de ses instructions,
circulaires et directives publiées et non contraires aux lois et
règlements. Sur la portée de ce principe, voir AMSELEK (Paul) :
« L'opposition à l'administration de sa propre doctrine : les
innovations apportée par le décret du 28 novembre 1983
», Revue de droit fiscal, 1984, n° 4, pp. 149- 154.
99 Loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 dite AICARDI modifiant
les procédures fiscales et douanières, J.O.R.F. du 9 juillet
1987, p.7470.
100 AGRON (Laure) : « Histoire du vocabulaire fiscal
», Paris, L.G.D.J, 2000, p.347.
Cette garantie instituée par l'article L. 64 B ne peut
bénéficier qu'aux contribuables de bonne foi qui ont
exposé tous les éléments qui caractérisent
l'opération envisagée. Un contribuable ne pourra donc, en aucun
cas, se prévaloir de la garantie lorsqu'il a fourni des
éléments incomplets ou inexacts. Si l'ensemble de ces conditions
est rempli et que l'administration n'a pas répondu dans un délai
de six mois à compter de la demande, la procédure de
répression des abus de droit ne pourra pas être appliquée
à cette opération.
L'expression « rescrit » est
généralement étendue à l'ensemble des
procédures par lesquelles l'administration prend position par avance sur
une situation fiscale. Cette démarche va au-delà de la simple
demande de renseignements, puisqu'elle permet d'interroger l'administration de
façon préventive sur les conséquences fiscales de
certaines opérations en étant certain que les règles
indiquées seront appliquées par la suite puisque,
l'administration ne pourra pas contester la situation si ses propres
indications ont été suivies101 . Il s'agit en somme
d'une procédure qui offre au contribuable une sécurité
indéniable102.
Cette démarche du rescrit marque une évolution
d'une culture « régalienne » vers une démarche de
qualité de service rendu à l'usager dans un souci de
sécurité juridique. Elle suppose nécessairement que
l'administration soit liée par sa position et que son
interprétation soit exprimée de façon suffisamment claire
pour être opposable, sans les ambiguïtés et les excès
de précautions qui risqueraient de la priver de son effet utile devant
le juge, en cas de contentieux. Cela implique également que les
entreprises surmontent une certaine réserve à exposer un projet
confidentiel à l'administration103.
En définitive, il apparaît que « Le
recours au rescrit sert un triple objectif : la promotion du« civisme
fiscal », le renforcement de l 'attractivité du territoire et la
sécurité juridique par une meilleure
prévisibilité » 104.
101 Conseil d' Etat, Rapport public annuel 2006,
Sécurité juridique et complexité du droit, E.D.C.E. 2006,
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000245/0000.pdf,
p.333 et suivants, visité le 28 /4/2008.
102 Le rescrit est connu aussi dans le monde anglo-saxon sous
l'appellation « ruling ».Au Royaume-Uni la procédure
du « ruling », plus systématiquement mise en oeuvre
à partir de 2001, se fonde sur un dialogue direct avec les entreprises
et la volonté d'apporter, en temps réel, les réponses aux
questions relatives au régime fiscal de leurs activités. Aux
États-Unis, le rescrit répond à une logique de
prévention des conflits avec les contribuables. Il constitue l'une des
priorités de l'effort de modernisation des services des impôts.
Conseil d'Etat, Rapport public annuel 2006, Sécurité juridique et
complexité du droit, E.D.C.E. 2006,
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000245/0000.pdf,
p.334, visité le 28 /4/2008.
103 La crainte de provoquer une procédure de
contrôle fiscal explique pour l'instant une certaine réticence des
entreprises françaises à recourir au rescrit. Voir : AGRON
(Laure) : « Histoire du vocabulaire fiscal », Paris,
L.G.D.J, 2000, p.347.
104 Conseil d' Etat, Rapport public annuel 2006,
Sécurité juridique et complexité du droit, E.D.C.E. 2006,
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000245/0000.pdf,
p.333, visité le 28 /4/2008.
En réalité, il est possible de trouver
écho à cet objectif, et plus généralement à
la technique du rescrit fiscal dans l'avis du Conseil économique et
social tunisien adressé aux rédacteurs du C.D.P.F. où on
peut lire en substance que le projet de loi relatif à la promulgation du
C.D.P.F. n'a pas obligé l'administration à répondre aux
demandes de renseignements adressées par le contribuable105.
Il paraît regrettable que le législateur fiscal prive
délibérément le contribuable de bonne foi d'une garantie
dont l'introduction aurait pu étre très utile pour instaurer un
climat de sécurité et aurait pu permettre d'éveiller
l'attention de l'administration sur la portée des opérations
envisagées par le contribuable106.
Certes, dans la pratique, le contribuable peut consulter par
écrit l'administration fiscale, mais aucune disposition légale ne
prévoit que cette dernière est dans l'obligation de
répondre, ni, en cas de réponse, elle est liée par le
contenu de sa réponse, ni même, en l'absence d'une réponse,
que ceci équivaut à un acquiescement107.
En plus de la technique du rescrit fiscal, le législateur
français a institué l'opposabilité à
l'administration de sa propre doctrine.
105 L'avis du conseil économique et social concernant le
projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F. 1998
(Inédit).
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6Y ~=~#S ~~ J$t~ 1 ,~ t~.X~~ ~~~-Oj W~~E~
106 GADHOUM (Oualid) : « La doctrine administrative
fiscale en Tunisie », Op.Cit., p.325.
107 BESBES (Slim) : « Le principe de la
légalité de l'impôt en droit tunisien »,
thèse précitée, p.433.
B- L'opposabilité à l'administration de sa
propre doctrine
Afin d'atténuer les conséquences pratiques
susceptibles de porter atteinte aux intérêts du contribuable en
cas de changement de sa doctrine, l'administration fiscale française -
plus précisément l'administration des contributions indirectes et
de l'enregistrement - avait émis, dans un premier temps, une instruction
en date du 31 janvier 1928, dans laquelle elle avait prévu que : «
dans le cas de changement de la jurisprudence, ou de modification de la
doctrine administrative, les suppléments d'imposition que pourraient
justifier les nouvelles règles ne doivent pas être
réclamés et ces règles ne doivent être
appliquées que pour l'avenir»108. Cette instruction
a été suivie, en matière d'impôt sur le chiffre
d'affaires, par une note interne de l'administration diffusée
auprès de ses agents sous le n° 442, le 28 mars 1928 qui a
prévu à son tour qu'« Il est des cas où la bonne
foi du contribuable est tellement évidente qu'il apparaît injuste
de réclamer l'impôt rétroactivement. Il en sera ainsi
lorsqu'il y a eu de la part des tribunaux un changement de doctrine, ou lorsque
le redevable a fait l'objet d'une vérification antérieure du
service sans observation de la part de ce dernier, de telle sorte que ce
redevable a pu croire procéder régulièrement et n'est plus
à même de récupérer l'impôt sur ses clients.
Dans ces trois cas, le redevable, instruit de ses nouvelles obligations, sera
invité à s'y conformer à l'avenir et à acquitter
dorénavant les droits mais aucun rappel d'impôt ne sera
effectué pour la période antérieure à cette
invitation »109.
Toutefois, eu égard aux liens étroits qui
existaient sous le protectorat, entre les administrations fiscales
française et tunisienne, il est probable que les circulaires de
l'administration française du 31 janvier et du 28 mars 1928 avaient
reçu application en Tunisie. Il est vrai qu'aucune prise de position
officielle de l'administration tunisienne n'est venue confirmer ou infirmer
cette doctrine après l'indépendance ; mais tout porte à
croire qu'elle est encore en vigueur110.
Néanmoins, « l'hypothèse même du
maintien de cette doctrine après l'indépendance ne donne pas de
garanties suffisantes au contribuable parce que l'on sait d'une part, que
l'administration peut toujours revenir sur sa doctrine et que d'autre part, le
juge saisi ne censurera pas ce revirement si ce dernier s'avère conforme
à la loi fiscale»111.
108 Citée par AYADI (Habib) : « Droit
fiscal », Op.Cit., p. 223.
109 Citée par BOUCHARD (Jean -Claude) : « La
note 442 du 28 mars 1928, un retour vers le futur? », article
précité, p.10.
110 BESBES (Slim) : « Le principe de la
légalité de l'impôt en droit tunisien »,
thèse précitée, p.436.
111 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op.
Cit., p.224.
C'est d'ailleurs pour tenir compte de l'insuffisance de cette
protection administrative - dans le pays où elle a d'abord
été consacrée - que le législateur français
est intervenu à travers les articles L.80 A et L.80 B du L.P.F.
L'article L.80 A prévoit qu' «Il ne sera
procédé à aucun rehaussement d'impositions
antérieures si la cause du rehaussement poursuivie par l'administration
est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne
foi du texte fiscal et s'il est démontré que
l'interprétation sur laquelle est fondée la première
décision a été, à l'époque, formellement
admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte
fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait
connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle
n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause,
elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une
interprétation différente.» Cet article institue une
garantie contre les changements de la doctrine administrative, laquelle
n'interdit pas à l'administration de changer son interprétation
pour l'avenir. Elle lui interdit, seulement, de procéder à des
rehaussements d'impositions en soutenant une interprétation
différente de celle existante à l'époque du fait
générateur de l'impôt et appliquée par le
contribuable. Cette garantie constitue, de la sorte, une limite au droit de
reprise.
Le législateur français a étendu
l'application de l'opposabilité de la doctrine de l'administration aux
prises de position sur une situation de fait, et non plus sur la seule
interprétation du droit112. Cette disposition est
codifiée à l'article L. 80 B 1er du L.P.F. qui
prévoit : « La garantie prévue au premier alinéa
de l'article L. 80 A est applicable :
1- Lorsque l'administration a formellement pris position sur
l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal
(...). »
Dans quelques arrêts, le tribunal administratif
tunisien a accepté de faire prévaloir la doctrine administrative
sur la loi. Un des arrêts les plus explicites dans ce sens est
l'arrêt du 30 octobre 2000 opposant la direction générale
du contrôle fiscal à la société
Agriculteur113.
112 Par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 dite AICARDI
modifiant les procédures fiscales et douanières, J.O.R.F. du 9
juillet 1987, p.7470, qui a introduit le rescrit à l'article L. 64B du
L.P.F.
113 T.A., 30 octobre 2000, requête n° 32394, Recueil
des arrêts du tribunal administratif 2000.
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Y #~l~~ `K~O ~ ~~~< ,~= !\ ~[~~~- ~ `K~O ~ q~A~ ,~ I~~~O
Dans cette affaire, il y avait deux notes de
l'administration, et le contribuable s'était référé
à un seul de ces documents. Le juge a considéré que la
doctrine était seulement opposable à l'administration et non aux
tiers, parmi lesquels le contribuable. Cette solution, qui tend à
protéger le contribuable et à assurer la sécurité
juridique, devrait être confirmée pour valoir comme
jurisprudence.
Dans une autre affaire plus récente, et malgré
le fait que le contribuable ait appliqué la doctrine publiée par
l'administration, le juge a refusé d'en tenir compte114.
Selon ce dernier la doctrine administrative a pour rôle
d'interpréter les lois fiscales en clarifiant les termes obscurs et en
tirant les conséquences de son interprétation. Les circulaires,
instructions et notes qui dépassent le cadre de l'interprétation
pour poser des règles contraires sont inapplicables. Le juge sanctionne
la doctrine réglementaire en la déclarant illégale et
inapplicable.
Dans une troisième affaire encore plus récente,
portée devant le tribunal de première instance de Tunis, le
contribuable a soulevé le revirement de la doctrine administrative que
le juge a qualifié en français de « doctrine
administrative de fait », « &iI.~I J..a~ ~~~~~
»115.
Dans cette affaire, le contribuable a considéré
que le revirement de la doctrine constituait une violation aux principes de
sécurité juridique et de l'égalité de fait
dans l'application de la loi par l'administration et il a même fait
référence à l'article L.80 A du L.P.F.
114 T.A., cassation, 11 février 2002, n° 32786,
Tunis air contre la Direction du contrôle fiscal, Recueil des
arrêts du tribunal administratif, 2002, pp. 215- 222 et
spécialement p. 219.
115 Tribunal de première instance de Tunis, 18
novembre 2004, requête n° 819. (Inédit) Voir annexe 3 p.200
et spécialement p.204. En l'espèce, le requérant a fait
prévaloir une doctrine administrative de fait qui consistait en
l'exonération des cafetiers de la T.V.A.
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ç~wi ù~~ VtQi~ JAt~i ~< t~~~~
Le juge a considéré que la doctrine
administrative, qu'elle soit écrite ou de fait, est inopposable au
contribuable ainsi qu'au juge, en l'absence, en droit tunisien, d'un
équivalent de l'article L.80 A du L.P.F. français. Le juge a
ajouté qu'en cas de revirement de cette doctrine, il faut distinguer
selon qu'elle porte atteinte ou non aux droits du contribuable. Le cas
échéant, la nouvelle doctrine ne peut s'appliquer que pour le
futur. Autrement dit, le juge a posé le respect du principe de
l'égalité et le respect de la règle de non
rétroactivité en matière fiscale, comme conditions de
validité du changement de la doctrine défavorable au
contribuable.
La constante donc pour le juge de l'impôt, «
censeur de la légalité administrative
»116, est qu'il applique toujours la loi.
Il paraît ainsi légitime de se demander si le
principe de la légalité chasse, ipso facto, la
protection, ou bien s'il pourrait exister un rapport de forces entre le
contribuable et l'administration, qui nécessiterait l'intervention du
droit pour protéger la partie la plus faible - objectif que vise
ouvertement le droit ?
« Nul doute que le principe de
légalité se veut protecteur. Pourtant, il est des situations
où, appliqué dans toute sa rigueur, notamment en matière
fiscale, il peut conduire à mettre en danger l'activité
économique sous-jacente, alors que le contribuable de bonne foi a pu
croire, compte tenu du comportement de l'administration à son
égard, avoir agi dans le bon droit »117.
D'autant plus que « la sécurité
juridique n'est toutefois pas le seul ni même le principal
impératif que le juge administratif prend en considération dans
l'exercice de son office. Sa première mission est en effet de veiller au
respect du principe de légalité par les autorités
administratives. Par ailleurs, il doit tenir compte de la
nécessité, pour l'État et les différentes
collectivités publiques, d'adapter leur action en fonction des
contraintes économiques et sociales et donc de faire évoluer la
réglementation applicable. La conciliation de ces différents
objectifs, parfois contradictoires, peut conduire à des solutions peu
respectueuses de la sécurité juridique des
particuliers»118.
116 KAMMOUN (Slim) :« Le procès fiscal
», thèse de doctorat en droit public, F.S.J.P.S.T., 2006, p.4.
117 BOUCHARD (Jean -Claude) : « La note 442 du 28 mars
1928, un retour vers le futur? », article précité,
p.10.
118 BOIS SARD (Sophie) : « Comment garantir la
stabilité des situations juridiques individuelles sans priver
l'autorité administrative de tous moyens d'action et sans transiger sur
le respect du principe de légalité? Le difficile dilemme du juge
administratif », Etudes et doctrine : « Le principe de
sécurité juridique », Cahiers du Conseil
constitutionnel n° 11,
http://www.conseil
constitutionnel.fr/cahiers/ccc11/ccc11somm.htm,
visité le 9/4/2008.
Dans l'attente d'une intervention législative,
l'existence même d'un contrôle juridictionnel encadrant
l'activité de l'autorité administrative permet d'espérer
une meilleure protection du contribuable de bonne foi.
Paragraphe 2- Une protection possible par le juge au nom
de l'équité ?
Avant de s'interroger sur la possibilité pour le juge, de
donner du crédit, au nom de l'équité, aux croyances
erronées (B), il faudrait au préalable tenter de définir
ce principe (A).
A- Définition de l'équité
A l'instar de la bonne foi, l'équité est
également une notion rebelle à la définition. Il s'agit
d'«un emprunt savant au latin aequitas « égalité
», « équilibre moral », « esprit de justice »,
dérivé d'aequus « égal », d'où impartial
»119. Elle est souvent présentée comme une
notion chargée de valeurs morales120.
Aussi ses défenseurs lui prêtent la vertu de
corriger les insuffisances du droit positif121. En revanche, rares
sont les textes qui la consacrent. L'article 16 de la Constitution fait partie
des exceptions ; « Le paiement de l'impôt et la contribution aux
charges publiques, sur la base de l'équité,
constituent un devoir pour chaque personne».
Le concept d'équité fiscale a toujours
suscité des opinions divergentes.
119 AGRON (Laure) : « Histoire du vocabulaire
fiscal », Op.Cit, p.416.
120 « L'équité, quant à elle,
est un impératif moral parfois pris en considération par les
tribunaux ou par les auteurs et se confond donc avec la jurisprudence ou la
doctrine», CHARFI (Mohamed), « Introduction à
l'étude du droit », Cérès, 3e
édition, 2001, p.124, n°222.
121 CHAABANE (Neïla) : « Equité fiscale :
les droits de l 'Etat et l 'Etat de droit », in Mélanges
offerts au doyen Abdelfattah AMOR, Tunis, C.P.U. 2005, p.321.
« L'équité fiscale est la situation
caractérisée par la « juste » répartition des
contributions fiscales entre les contribuables. Par extension, c'est l'objectif
de la politique fiscale visant à modifier la répartition des
revenus dans le sens de la justice»122.
Néanmoins, « Les seuls à avoir donné une
définition précise de l'équité fiscale sont les
économistes qui distinguent l'équité horizontale de
l'équité verticale. Cependant, une conception arithmétique
de l'équité ne peut suffire pour juger du caractère
équitable du système fiscal. L'équité fiscale ne
peut se mesurer uniquement à l'aune des taux de l'impôt ou des
règles d'assiette. Ils peuvent représenter un
élément d'appréciation, mais ils ne sont certes pas les
seuls. Bien plus ils peuvent même devenir inopérants si un Etat ne
garantit pas d'autres conditions qui vont assurer un fonctionnement efficace du
système fiscal. Ces conditions sont celles requises dans tout Etat se
réclamant de droit »123. Or, dans un Etat de droit,
c'est le recours au juge qui permet de redonner son sens à un principe
ou à une règle juridique. Le juge pourrait alors s'abriter
derrière l'équité, lorsqu'il estime, dans tel ou tel
litige, qu'il importe de faire valoir la bonne foi du contribuable-
justiciable, afin de faire régner une plus grande justice124.
Car, aujourd'hui, « la bonne foi s'apparente fort à
l'équité »125.
Il paraît ainsi légitime de considérer
l'équité comme l'instrument privilégié de
l'application de la bonne foi en matière fiscale.
Au vu de ce qui précède, on essayera de
répondre à l'interrogation de départ : en l'absence de
mesures législatives particulières, comment empêcher
l'administration fiscale de ne pas réclamer des rehaussements
d'impositions qui pourraient résulter de sa nouvelle
interprétation ?
B- Le juge et l'équité
Une application stricte des règles d'imposition
heurterait manifestement l'équité. Le juge se doit d'assurer
l'idée de justice quand il découvre que c'est le changement de la
doctrine administrative qui était à l'origine de la
prétendue erreur reprochée au contribuable.
122 AGRON (Laure) : « Histoire du vocabulaire
fiscal », Op. Cit., p.41 6.
123 CHAABANE (Neïla) : « Equité fiscale :
les droits de l 'Etat et l 'Etat de droit », in Mélanges
offerts au doyen Abdelfattah AMOR, Tunis, C.P.U. 2005, p.322.
124 « Dès on origine latine, le terme «
justice » recouvre la conformité au droit, le sentiment moral
d'équité. La justice est une vertu », AGRON (Laure) :
« Histoire du vocabulaire fiscal », Op. Cit.,
p.412.
125 LE TOURNEAU (Philippe) : « La bonne foi
», Répertoire civil, Dalloz, Octobre 1995, p.2.
Ainsi, face aux cas particuliers, c'est au juge de rattraper
les rigueurs de la loi en instillant des doses
d'équité126. En effet, l'équité requiert
un équilibrage des rapports et donc des droits de l'administration et du
contribuable. Car, elle n'est pas seulement un principe appelé à
régir l'élaboration de la norme mais également sa mise en
oeuvre.
Cette perspective de protection fondée sur la prise en
compte de l'équité, peut être confortée par le
programme d'appui à la mise en oeuvre de l'accord d'association Tunisie-
Union Européenne127. Ce programme comporte notamment comme
projet l'« Appui à la modernisation de l'administration fiscale
», dont l'objectif général vise à «
Améliorer le quotidien du contribuable dans ses rapports avec
l'administration fiscale et consolider l'équité fiscale
en vue de favoriser le consentement volontaire à l'impôt
et de contribuer à l'amélioration de l'environnement des
affaires ». De ce fait, il semble que la priorité est à
présent accordée à la modernisation de l'administration
fiscale et à l'amélioration de la qualité des services
rendus au contribuable en vue de faciliter l'accomplissement de ses obligations
fiscales et de favoriser son consentement volontaire à l'impôt,
d'une part et de renforcer l'équité fiscale, d'autre part. Cette
dernière étant « un instrument de réalisation de
la justice sociale »128. Car, si « la
finalité du contrôle fiscal n'est autre que de veiller à
une application équitable du système et de s'assurer du respect
des règles de la concurrence loyale »129, ce
contrôle doit s'exercer sous l'oeil du juge au risque de mettre en
péril sa propre finalité.
Le temps n'est -il pas venu pour le juge de s'émanciper
de ce cadre législatif lacunaire, pour faire de l'équité
l'un des instruments de son contrôle ?
En définitive, il apparaît que le comportement
de l'administration, se manifestant par le changement de doctrine favorable au
contribuable, est de nature à l'éloigner des finalités
d'efficacité recherchée. Plutôt que de mettre en oeuvre une
collaboration loyale dans l'intérêt mutuel, et du contribuable et
du Trésor public, la démarche de l'administration fiscale sourde
à la démarche du contribuable de bonne foi, maintient la
situation précaire de ce dernier.
En revanche, pas moins qu'à la croyance erronée,
la protection du contribuable de bonne foi nécessite, en outre que
protection soit due au comportement loyal.
126 CHAABANE (Neïla) : « Equité
fiscale : les droits de l 'Etat et l 'Etat de droit »,
article précité, p.330.
127
http://www. svez.gov. si/fileadmin/
svez.gov.
si/pageuploads/docs/meda/Fiche_Proj et_de_Jumelage_Fisc_versio
n_definitive.pdf, visité le 28/06/2008.
128 MANSOURI (Lamia) : « L'inégalité par
l'impôt », mémoire pour l'obtention du D.E.A. en droit
public, Faculté de droit et des sciences politiques et
économiques de Sousse, 1993-1994, p.48-49.
129 YAICH (Abderraouf) : « Théorie fiscale
», édition RY, 2002, p.23.
CHAPITRE II - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI
EN TANT QUE COMPORTEMENT LOYAL
La bonne foi, par son inspiration morale, doit être
entendue à ce niveau comme une règle de comportement pour le
contribuable. Elle dicte, en effet, une conduite conforme à la
conscience ; la conscience d'agir sans léser les droits d'autrui ; en
l'occurrence le Trésor public.
Ainsi, dans ses relations avec l'administration, la bonne foi
peut être comprise comme une norme de comportement dotée d'un
devoir fondamental : le devoir de loyauté130. Ce dernier
impose au contribuable d'accomplir, de façon fidèle, son devoir
fiscal. Cette fidélité est d'autant plus nécessaire que le
système fiscal tunisien pose la méthode déclarative, comme
méthode de principe pour l'évaluation de l'assiette imposable.
Ceci découle notamment de l'article 2 du C.D.P.F. qui dispose que :
« L'accomplissement du devoir fiscal suppose la déclaration
spontanée de l'impôt dans les délais impartis et le respect
des autres obligations prescrites par la législation
fiscale».
De ce fait, l'impôt est liquidé à partir
des déclarations que le contribuable souscrit, à charge pour
l'administration fiscale d'en vérifier a posteriori la
sincérité131. Ainsi, la prise en considération
de la bonne foi du contribuable dans ses rapports avec l'administration
paraît indispensable afin d'« encourager les contribuables
transparents et qui déposent leurs déclarations dans les
délais »132. Cette prise en considération
semble avoir suscité l'intérêt du législateur, du
juge mais aussi de l'administration. De leurs efforts concertés
pourraient résulter deux sortes de protection.
130 Une question mérite d'être posée
à ce niveau. La bonne foi ne comprend- elle pas aussi un devoir, qu'on
appellerait de « coopération ». Lequel
nécessiterait du contribuable de veiller aux intérêts du
Trésor en lui fournissant les renseignements auxquels il est en droit de
s'attendre. Notamment suite à l'exercice par l'administration fiscale de
son droit de communication organisé à travers l'article 16 du
C.D.P.F. (et ce, sous réserve du secret professionnel opposable au
fisc)?
131 La déclaration fiscale peut être
définie comme l' « acte par lequel le contribuable, ou parfois
un tiers, fait connaître à l'administration fiscale les
éléments nécessaires au calcul de l'impôt
». CORNU (Gérard) : « Vocabulaire juridique »,
Op. Cit., V° Déclaration, p.236.
132 L'avis du conseil économique et social concernant le
projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F., 1998.
(Inédit), p.3.
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Tout d'abord, le comportement loyal du contribuable aspire
à jouir d'une protection positive, contre l'erreur. Ainsi, seuls les
contribuables plutôt honnêtes peuvent faire des erreurs de bonne
foi et pourront prétendre ainsi à une certaine protection
(Section I). En outre, il jouit d'une protection négative (Section II).
Car, si la bonne foi s'oppose à toute forme de déloyauté ;
ce n'est qu'à travers l'un de ses avatars, la notion de mauvaise foi,
qu'elle paraît qualifiée pour jouer le rôle de
sanction133. Se trouve donc exclu du champ de protection le
contribuable de mauvaise foi, qui ne pourrait ainsi, se prévaloir d'une
quelconque mesure favorable.
SECTION I - PROTECTION POSITIVE
« En principe, le droit commun doit l'emporter sur
toute autre considération car il est seul à même d'assurer
le respect du principe d'égalité de tous devant la loi fiscale,
et il serait très certainement très utopique de prétendre
construire le droit à partir des seules notions de loyauté et de
confiance »134. Cependant, devant la
multiplicité et la complexité des textes fiscaux, l'adage
Nemo censetur ignorare legem (Nul n'est censé ignorer la loi)
devient chimérique. L'accroissement du rythme de production de la loi
confirme ce constat. « La cadence des modifications des textes de lois
est variable d'un domaine à un autre. Toutefois, le domaine fiscal et le
domaine de l'incitation à l'investissement arrivent en tête.
»135
Il paraît ainsi légitime de déduire que
le principe semble en matière fiscale, plus que dans les autres
matières : l'impossibilité de connaître toutes les lois.
Ainsi, les contribuables loyaux peuvent faire des erreurs, liées par
exemple à la méconnaissance ou à la complexité du
droit fiscal. D'où la nécessaire différenciation des
erreurs conscientes, qui découlent d'une volonté
délibérée d'atténuer le revenu ou le
bénéfice imposables au prix d'une irrégularité, des
erreurs involontaires.
133 KORNPROBST (Emmanuel) : « La notion de bonne foi :
application au droit fiscal français », Op.Cit., p.
6.
134 KORNPROBST (Emmanuel) : « La notion de bonne foi :
application au droit fiscal français », Op.Cit.,
p.48.
135 MIDOUN (Mohamed) : « Les maux de la loi. Brefs
propos au sujet de la production législative », in
Mélanges offerts au doyen Sadok BELAID, C.P.U 2004, p.579. Or,
«Il n'est pas normal qu'en l'espace de trois mois et demi (de
novembre 1997 à février 1998) le code (des incitations
à l'investissement) soit modifié trois fois ou que durant la
seule année 1999, le même code soit modifié trois fois
», BACCOUCHE (Néji) : «Regards sur le code d'incitations
aux investissements de 1993 et ses prolongements», Etudes Juridiques,
n°9, 2002, p. 78.
Or, le problème réside dans le fait de savoir
si, dans certaines circonstances, la jurisprudence ou l'administration
fiscales, la loi étant muette sur la question, ne réservent pas
(du moins, ne doivent pas réserver) un sort plus doux à celui qui
n'a désobéi à la loi que parce qu'il commettait une erreur
involontaire? Quelle serait alors l'erreur involontaire (Paragraphe 1) et quel
sort pourrait lui être réservé (Paragraphe 2)?
Paragraphe 1 - L'erreur involontaire
Outre la fraude (par définition) intentionnelle, le
contrôle fiscal a pour objectif de relever des
irrégularités, qui s'expliquent souvent par la complexité
de la législation, ses changements successifs et la difficulté de
l'appliquer sans erreur.
Le droit fiscal tunisien fait une allusion timide à
l'erreur dans l'article 19 du C.D.P.F. qui dispose que : « Sous
réserve des dispositions des articles 21, 23, 24 et 26 du présent
code, les omissions, erreurs et dissimulations constatées dans
l'assiette, les taux ou la liquidation des impôts déclarés
peuvent être réparées (...) ». Lors des
débats parlementaires qui ont précédé la
promulgation du C.D.P.F., le ministre des finances a tenté de donner
quelques précisions sur la notion d'erreur. Ainsi, l'erreur peut
être constituée par « les agissements du contribuable ou
de l'administration et qui entraînent une diminution ou une augmentation
de l'impôt dû. L'erreur peut porter sur les règles
établissant la base de l'impôt ou son taux ou son calcul.
»136
Le législateur ne distingue donc pas les erreurs
volontaires des erreurs involontaires. Or, en droit fiscal, il convient
d'apprécier le comportement du contribuable et par là même
le caractère volontaire ou non de l'erreur. Car, seule l'erreur
involontaire est réparable. Cette erreur peut être
constatée lors d'une vérification préliminaire ou encore
lors d'une vérification approfondie. Dans le premier cas on parle
d'erreur apparente (A) et d'erreur comptable dans le second (B).
A - L'erreur apparente
L'erreur apparente est l'erreur facilement détectable
qui figure sur la déclaration fiscale. Elle peut être
constatée lors de la vérification préliminaire
prévue par l'article 37 du C.D.P.F. qui dispose que « la
vérification préliminaire des déclarations, actes et
écrits détenus par l'administration fiscale s'effectue sur la
base des documents y figurant, et de tous documents et renseignements dont
dispose l'administration ».
136 Débats parlementaires, J.O.R.T. n° 39,
séance du mercredi 26 juillet 2000, p.1909.
En outre, la vérification préliminaire (dite
également sommaire) « recouvre l'ensemble des interventions des
services de l'administration fiscale ayant trait à la rectification des
erreurs ou omissions évidentes. Elle est constituée par
l'ensemble des travaux que l'administration effectue dans ses locaux et au
cours desquels le service procède à l'examen critique des
déclarations à l'aide des renseignements et documents dont il
dispose »137.
L'administration n'est donc pas autorisée à
chercher des informations auprès des tiers ou à faire des
recoupements pour les confronter avec les déclarations du contribuable
vérifié138. Il résulte de ce qui
précède que la vérification préliminaire vise
essentiellement à corriger les erreurs apparentes et à
établir la cohérence interne entre les différents chiffres
déclarés139. Ainsi, les vérificateurs peuvent
constater l'erreur apparente quant à la computation des montants
imposables ou encore l'erreur qui consiste à appliquer un taux
inférieur à celui qui doit être appliqué
légalement, et ce, particulièrement en matière de
T.V.A140.
En principe, l'erreur apparente constatée dans une
déclaration fiscale est une erreur non délibérée.
De ce fait elle peut être corrigée à la demande du
contribuable lui-même ou de l'administration fiscale141.
137 ABOUDA (Abdelmajid) : « Code des droits et
procédures fiscaux: contrôle, contentieux et sanctions
», Tunis, Publications de l'imprimerie officielle de la
République Tunisienne, 2001, p. 99.
138 Tribunal de première instance de Sfax,
requête n° 274 du 27 octobre 2007. Affaire citée par DRIRA
(Tarek), « Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne
(première instance) », Revue tunisienne de fiscalité,
n° 6, 2007, p.247 :
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139 L'TIFI (Mohamed-Habib) : « Le Contrôle fiscal
et les garanties administratives du contribuable vérifié
», Op.Cit., p.47.
140 Ibid.
141 L'TIFI (Mohamed-Habib) : « Le Contrôle fiscal
et les garanties administratives du contribuable vérifié
», Op.Cit., p.48.
Toutefois, elle ne doit pas être confondue avec
l'erreur comptable (involontaire) qui ne peut être découverte
qu'en procédant à des opérations de vérification
approfondie et qui elle aussi donne lieu à correction puisque,
l'administration ne peut découvrir les irrégularités, les
omissions ou les insuffisances qu'en procédant à des
opérations de vérification approfondie. Cette opération
consiste à s'assurer de la sincérité d'une
déclaration fiscale en la confrontant à des
éléments extérieurs (On parle aussi de vérification
ou de contrôle externe). Elle porte, aux termes de l'article 38 du
C.D.P.F. « sur tout ou partie de la situation fiscale du contribuable
; elle s'effectue sur la base de la comptabilité pour le contribuable
soumis à l'obligation de tenue de comptabilité et, dans tous les
cas, sur la base de renseignements, de documents ou de présomptions de
fait et de droit ». La vérification approfondie qui porte sur
tout ou partie de la situation fiscale du contribuable est appelée
« vérification de comptabilité » lorsque le
contribuable est obligé de tenir une comptabilité et «
vérification de la situation fiscale personnelle » dans les autres
cas. La vérification de comptabilité est définie comme
étant « un rapprochement entre les déclarations
déposées d'une part et le résultat des contrôles
matériels et les documents comptables, d'autre part
»142.
L'erreur comptable, objet des développements qui vont
suivre, ne doit être découverte, par l'administration fiscale,
qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité. Cette
hypothèse concerne donc les entreprises assujetties à la tenue
d'une comptabilité sur la base de laquelle elles sont tenues de
présenter leurs déclarations fiscales.
B- L'erreur comptable
Le droit tunisien adopte une définition large de
l'erreur comptable. En effet, en vertu de la norme comptable 11 relative aux
modifications comptables, les erreurs fondamentales dans les états
financiers antérieurs sont « les erreurs découvertes
durant l'exercice en cours et qui sont d'une importance telle que les
états financiers d'un ou de plusieurs exercices antérieurs ne
peuvent plus être considérés comme ayant été
fiables à la date de leur publication
»143.
142 FERNOUX (Pierre) : « Vérifications de
comptabilités », Jurisclasseur Procédures fiscales,
Fascicule 323, p.4.
143 Norme comptable 11, n°6.
Plus précisément, il s'agit « des
erreurs commises dans la préparation des états financiers d'un ou
de plusieurs exercices antérieurs et qui peuvent être
découvertes lors de l'exercice en cours. Ces erreurs peuvent avoir pour
cause des erreurs de calcul, des erreurs dans l'application des méthodes
comptables, une mauvaise interprétation des faits, des fraudes ou des
négligences. La correction de ces erreurs est normalement incluse dans
la détermination du résultat net de l'exercice en cours
»144 . Ces erreurs doivent incontestablement être
rectifiées, qu'elles aient pour causes « des erreurs de calcul,
des erreurs dans l'application des méthodes comptables, une mauvaise
interprétation des faits, des fraudes ou des négligences
». Le législateur ne distingue donc pas entre les erreurs
comptables commises de bonne foi de celles commises de mauvaise foi.
Or, en droit fiscal, il convient d'apprécier le
comportement du contribuable afin de distinguer l'erreur volontaire de l'erreur
involontaire145. Seule la dernière est
réparable146. En effet, l'erreur comptable se définit
comme étant une atténuation au principe de l'intangibilité
des écritures comptables147. Cette atténuation trouve,
sa justification dans le caractère réaliste du droit fiscal.
Lequel implique que ne soit imposé que le bénéfice
réel148.
La remise en cause des erreurs comptables involontaires est
dès lors admise. La jurisprudence française a eu, à
maintes reprises, l'occasion de préciser le sens qu'elle entendait
donner à la notion d'erreur comptable involontaire149.
144 Norme comptable 11, n°29. A titre d'exemple,
constitue une erreur comptable fondamentale « l'inclusion dans les
états financiers d'un exercice antérieur d'un montant
significatif de travaux en cours et de créances clients concernant des
contrats frauduleux qui ne peuvent être mis en oeuvre », Norme
comptable 11, n°30.
145 ABOUDA (Abdelmajid) : « Code des droits et
procédures fiscaux : contrôle, contentieux et sanctions
», Tunis, publication de l'imprimerie officielle de la République
Tunisienne, 2001, p.147.
146 L'erreur comptable consiste dans « le non
respect d'une prescription fiscale obligatoire dans l'enregistrement comptable
des opérations. Si c'est l'administration qui constate l'erreur au cours
de d'une vérification, elle est en droit de redresser l'imposition
primitive. Si c'est le contribuable qui sollicite la rectification,
l'administration doit apprécier si l'erreur est involontaire ou s'il
s'agit d'un choix délibéré. L'erreur n'est
réparable que si elle est involontaire », BARILARI
(André) et DROPE (Robert) : « Lexique fiscal »,
Op.Cit., p.77.
147 Le principe de l'intangibilité implique que, une fois
arrêtée, la comptabilité ne peut plus être
modifiée.
148 Ce caractère réaliste du droit fiscal a
été dégagé depuis longtemps par la doctrine
française et est apparu comme le fondement commun de plusieurs
arrêts de principe, dont notamment l'arrêt du 20 février
1974, Voir dans ce sens : DAVID (Cyrille), FOUQUET (Olivier), LATOURNERIE
(Marie-Aimée) et PLAGNET (Bernard) : «Le réalisme du
droit fiscal : apparence, illicéité et abus de droit»,
Conclusions sous C.E., Section 20 février 1974, requête 83270,
Lemarchand, « Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale
», Paris, Dalloz, 3e édition, 2000, pp. 164-1 83.
149 L'arrêt de principe qui confirme la théorie des
erreurs comptables volontaires : C.E., 12 mai 1997, requête
n°160777, R.J.F., juin 1997, n°535, ppÀ42-444.
Il s'agissait de « toute irrégularité,
inexactitude, ou omission commise de bonne foi par le contribuable et
résultant d'une appréciation purement objective de faits
matériels (erreurs de fait), ou de l'interprétation
erronée de textes fiscaux (erreurs de droit), en l'absence d'option
légale et ne traduisant pas une volonté d'influer sur la gestion
de l'entreprise »150.
Ainsi l'application brute du réalisme et de
l'amoralisme, principes distinctifs du droit fiscal, aurait pour
résultat d'encourager les comportements peu scrupuleux. La prise en
considération de la moralité des activités imposées
est susceptible d'apporter un équilibre entre le souci d'assurer une
application objective de la loi fiscale et la volonté de ne pas accorder
une prime fiscale à des manoeuvres que réprouve la morale
commune151.
C'est ainsi que la jurisprudence française, dans un
souci de ne pas accorder une prime fiscale à ceux qui falsifient leurs
comptabilités, a fait prévaloir un certain moralisme sur le
principe du réalisme du droit fiscal152.
Pour apprécier le caractère volontaire ou non
de l'erreur commise, il y a lieu de vérifier certains critères.
Notamment le caractère répétitif de l'erreur. Ceci
découle notamment de la prise de position de la direction
générale des études et de la législation fiscale
(DGELF) en date du 10 janvier 2001, où l'administration fiscale
tunisienne considère que les erreurs et les omissions involontaires sont
celles qui ne revêtent pas un caractère
répétitif153.
150 ROBBEZ- MAS SON (Charles) : « La notion
d'évasion fiscale en droit interne français »,
bibliothèque de science financière, Paris, L.G.D.J., 1990, p. 123
et 124.
151 COZIAN (Maurice), « On ne badine pas avec les
écritures comptables. La théorie des erreurs comptables
délibérées », Revue de droit fiscal, 1999,
n°20, p.734.
152 Ibid. Ceci a été l'oeuvre d'une
jurisprudence libérale dans l'application de la présomption de
bonne foi. Les exemples qui suivent en sont l'illustration.
Concernant les irrégularités relatives aux
éléments permettant de déterminer le revenu imposable, une
minoration des recettes, accompagnée d'insuffisances comptables rendant
la comptabilité non probante, ne prouve pas à elle seule la
mauvaise foi de l'intéressé (C.E, 18 novembre 1985, requête
n° 36281, Revue de droit fiscal, 1986, n°11, commentaires 530,
conclusions FOUQUET, pp. 370-375). En outre, le fait de comptabiliser au titre
d'un exercice des créances acquises durant un exercice antérieur
constitue, dans les circonstances de l'espèce, une négligence qui
ne suffit pas à établir la mauvaise foi du contribuable (C.E., 23
décembre 1981, requête n° 16361, Revue de droit fiscal, 1982,
n°15, commentaires 832, p.575).
De même, concernant les charges déductibles,
n'est pas exclusif de la bonne foi un calcul erroné des
indemnités kilométriques d'utilisation d'un véhicule
(C.E., 27 juillet 1988, requête n° 82541, Revue de droit fiscal,
1989, n°5, commentaires 136, pp. 177- 179).
Concernant les irrégularités entachant la
comptabilité du contribuable, ce dernier peut bénéficier
de la présomption de bonne foi bien que sa déclaration ait fait
l'objet d'une rectification d'office en raison des erreurs et omissions
relevées dans sa comptabilité (C.E., 4 mai 1977, requête
n° 1518, Revue de droit fiscal, 1977, n°38, commentaires 1321, p.
840). Ainsi, a été reconnu comme étant de bonne foi le PDG
d'une société d'économie mixte qui, en raison
d'indications erronées données par le commissaire aux comptes et
le commissaire au gouvernement auprès de la société, n'a
pas compris parmi ses revenus imposables des indemnités émanant
de la société (C.E., 13 juin 1979, requête n° 1315,
Revue de droit fiscal, 1980, n°1, commentaires 57, p. 33).
153 « Revue de la doctrine de l'administration fiscale
; Correction symétrique des bilans », Revue comptable et
financière, n°48 deuxième trimestre 2000, p.39,
n°11.
La question qui se pose à ce niveau est de
connaître le sort réservé à l'erreur une fois que
celle-ci a été découverte ?
Paragraphe 2- Le sort réservé à
l'erreur involontaire
Les erreurs apparentes et comptables sont par définition
des défaillances involontaires et c'est à ce titre qu'elles sont
rectifiables sur initiative de l'administration fiscale (A).
Ainsi, le contribuable de bonne foi ne devrait supporter
aucune pénalité, il est seulement astreint à verser
l'intérêt de retard dans les conditions prévues notamment
par l'article 81 du C.D.P.F. qui dispose que : « Tout retard dans le
paiement de tout ou partie de l'impôt entraîne l'application d'une
pénalité de retard liquidée au taux de 0,5% du montant de
l'impôt par mois ou fraction de mois de retard, lorsque l'impôt
exigible est acquitté spontanément et sans l'intervention
préalable des services du contrôle fiscal.
»154 Il en va différemment de celui qui est de mauvaise
foi ou s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit.
Une fois l'erreur réparée, on doit se demander si
le contribuable est en droit de demander la restitution des sommes
indûment acquittées ?(B)
A- La réparation de l'erreur
L'erreur apparente comme l'erreur comptable, peuvent donner
lieu à réparation. S'agissant de l'erreur apparente,
découverte par l'administration, le contribuable est alors appelé
à déposer une déclaration rectificative.
154 Tel que modifié par l'article 46 de la loi de
finances pour l'année 2007, n° 2006-85 du 25 décembre 2006
(J.O.R.T., n°103, 149e année, 26 décembre 2006,
p.4380), qui a réduit le taux de la pénalité de retard
à 0,5 % autrefois fixé à 0,75%.
Ceci est aussi valable quant c'est le contribuable qui
relève l'erreur. En effet, il semble que tant que le délai
légal du dépôt des déclarations n'a pas
expiré, le contribuable peut substituer une nouvelle déclaration
à celle qui renferme des erreurs. Après l'expiration du
délai légal, la déclaration est présumée
exacte. Toutefois, il faut signaler que la présomption d'exactitude de
la dite déclaration est relative. Le contribuable pourrait alors
contester sa déclaration en justifiant sa position. Si la faute est une
conséquence d'une erreur comptable, elle ne peut être
corrigée que si cette dernière constitue une erreur involontaire
qui donne lieu à réparation155. La rectification des
dites erreurs est soumise à certaines règles : les corrections
symétriques des bilans.
À l'origine, la théorie des corrections
symétriques a été élaborée par la
jurisprudence française pour apporter aux contribuables une garantie
contre une imposition ayant pour base un bénéfice
fictif156. Le Conseil d'Etat français a décidé
que la théorie des corrections symétriques ne s'appliquait pas en
cas de « fraude délibérée ». En effet,
dès les premières applications de cette théorie des
corrections symétriques, la jurisprudence a réservé
l'hypothèse de la mauvaise foi du contribuable, en estimant que la
correction nécessitait la bonne foi du contribuable157. Cette
condition est apparu dans un arrêt du 22 décembre 1967, deux jours
après l'arrêt de principe du 20 décembre 1967 : «
(Que si la rectification de ce procédé opérée
par l'administration) doit être regardée comme le redressement
d'une erreur matérielle, il résulte de l'instruction que la dite
erreur n'a pas été commise de bonne foi, mais dans l'intention de
faire échapper à l'impôt les sommes correspondantes
»158. Ainsi, il semble que le droit à la
rectification symétrique doit être réservé aux
contribuables de bonne foi n'ayant pas eu pour but initial une minoration
illicite de leurs bénéfices.
Toutefois, ces rectifications doivent, se faire dans les
limites fixées par la loi, à savoir les délais de
prescription. L'administration fiscale tunisienne estime qu'elle est en droit
de rectifier et corriger le résultat de l'exercice déficitaire
atteint par la prescription lorsque le déficit a influencé les
résultats des exercices non prescrits.
155 L'TIFI (Mohamed-Habib) : « Le Contrôle fiscal
et les garanties administratives du contribuable vérifié
», Op.Cit., p.22.
156 Cependant, les corrections symétriques ne jouent
pas toujours en faveur d'un contribuable. Voir en ce sens COZIAN (Maurice) :
« La théorie des corrections symétriques des
écritures comptables », Les grands principes de la
fiscalité des entreprises, document 12, 3e édition,
Litec, 1996, pp. 162- 178 et spécialement p. 167.
157 KORNPROBST (Emmanuel) : « La notion de bonne foi :
application au droit fiscal français », Op. Cit., p.
222.
158 C.E., 20 décembre 1967, requête 63437 et 64187,
Revue de droit fiscal, 1968, n° 5, commentaires 145 et 175.
Dans une prise de position du 30 janvier 2000 la Direction
générale des études et de la législation fiscales a
précisé que « la règle des corrections
symétriques des bilans s'applique non seulement aux écritures des
exercices prescrits dans la mesure où les résultats de ces
derniers ont été déficitaires et ou ces déficits
ont été imputés sur les bénéfices imposables
d'un exercice non prescrit. Dans ce cas, la remontée des corrections
s'opère jusqu'au premier exercice non prescrit. Dans ce cas, la
remontée des corrections s'opère jusqu'au premier exercice dont
les déficits sont reportés sur les résultats des exercices
non prescrits mais ne donnent lieu à aucune imposition au titre des
exercices prescrits »159.
Cependant, l'originalité de l'erreur comptable est
qu'elle est rectifiable également à l'initiative du contribuable,
et cela, même si elle lui est imputable. C'est sans doute cette
originalité qui offre au contribuable une garantie contre le risque de
se voir doublement imposé sur la base d'un bénéfice
fictivement dégagé par des erreurs involontaires. Dès
lors, il apparaît opportun de récompenser les contribuables qui
font une divulgation volontaire de leurs manquements, dus principalement
à la complexité des obligations fiscales. Le contribuable trouve
ainsi dans la qualification de l'erreur comptable une garantie contre la double
imposition. Si le contribuable se montre de bonne foi et accepte la correction
des erreurs relevées dans sa comptabilité ou si ces erreurs lui
sont préjudiciables, l'administration procède alors à une
rectification des erreurs selon le principe des corrections symétriques.
Ainsi, l'article 45 du C.D.P.F. dispose que : « L'acquiescement du
contribuable à tout ou partie des résultats de la
vérification fiscale s'effectue par la souscription d'une
déclaration rectificative et d'une reconnaissance de dette
».
Une fois l'erreur réparée, il paraît
légitime de se demander si le contribuable de bonne foi est en mesure de
se faire restituer les sommes indûment payées au Trésor?
159 « Revue de la doctrine de l'administration fiscale;
Correction symétrique des bilans », Revue comptable et
financière, n°48 deuxième trimestre 2000, p.39,
n°11.
Voir également :
- prise de position DGCF n°7433 du 18 mai 2000 (Voir annexe
2 p.106) - prise de position DGCF n°664 du 10 juin 2000 (Voir annexe 2
p.107).
C'est dans le même sens que le Tribunal de
première instance de Tunis s'est prononcé à l'occasion de
l'affaire n° 626 du 18 mars 2004, « attendu que ce principe
(correction symétrique) n'est pas absolu car la correction de l'erreur
comptable non intentionnelle et l'adoption de la méthode de la
correction symétrique ne comprend que les années couvertes par la
prescription en matière fiscale ». Affaire citée par
AKROUT MEZGHANI (Salma) : « La reconstitution des bases d'imposition
par l'administration fiscale », Revue tunisienne de fiscalité,
n°7, 2007, p.289, N.B.P. n°20.
B- La restitution des sommes indûment
payées
En principe, le contribuable qui a été
imposé sur la base d'une assiette excessive est fondée à
demander la restitution dès lors qu'une erreur a été
commise, de son propre fait ou de celui de l'administration fiscale.
Conformément à l'article 31 du C.D.P.F., la restitution des
sommes perçues en trop ne peut être accordée qu'au
contribuable ayant déposé toutes ses déclarations fiscales
échues et non prescrites à la date du dépôt de la
demande en restitution. « Ainsi, non seulement le
bénéfice du prétendu droit de restitution est
conditionné par le dépôt d'une demande préalable,
mais encore, la restitution n'est accordée qu'au contribuable ayant
déposé ses déclarations fiscales. Une charge
supplémentaire pèsera sans doute sur le contribuable celle
d'apporter la preuve qu'il a effectivement déposé toutes ses
déclarations fiscales »160. Or, en exigeant le
dépôt de toutes les déclarations fiscales comme une
condition de restitution, le législateur considère que la demande
en restitution est une occasion d'exiger du contribuable de régulariser
sa situation fiscale161. Il semblerait que cette situation conduise
à établir une sorte de présomption de fraude chez le
contribuable pouvant le dissuader de demander la restitution162. En
effet, « la précarité du droit à la restitution
porte un grave préjudice au contribuable honnête. Ce dernier est
pénalisé. Il adopte la transparence et au même temps, il
s'expose aux aléas du fisc »163. Or, «
Comment peut -on revendiquer le civisme fiscal sans accorder au contribuable
l'un des droits les plus élémentaires à savoir le droit
à restitution ? »164.
160 KTATA (Aïda) et DRIRA (Tarek) : « La
restitution de l'impôt », Revue tunisienne de fiscalité,
n°7, 2007, p.417.
161 MTIR (Mahmoud) : « Le droit de restitution des
sommes perçues en trop : Une législation diverse, une
procédure unifiée», Revue comptable et
financière, n° 61, 3e trimestre 2003, p.51.
162 En effet, « le conditionnement de la restitution
par un contrôle conduit à établir une sorte de
présomption de fraude », FAKHFAKH (Emna) : « La
restitution de l'impôt », mémoire de D.E.A. en droit
public et financier, Faculté de droit de Sfax, 2000-2001, p.71.
163 FAKHFAKH (Emna) : « La restitution de
l'impôt », mémoire précité, p.108.
164 KTATA (Aïda) et DRIRA (Tarek) : « La
restitution de l'impôt », article précité,
p.423.
Ne serait-il pas judicieux que l'administration puisse, soit
spontanément, soit à la demande des contribuables, prononcer
d'office le dégrèvement ou la restitution des impositions ou
fractions d'impositions formant surtaxe. Cette procédure permettrait
d'éviter une réclamation contentieuse lorsque l'erreur
reprochée est évidente ? Autrement, le contribuable doit
introduire l'action en restitution des sommes perçues en trop au moyen
d'une demande écrite motivée à déposer contre
récépissé, auprès des services compétents de
l'administration fiscale et ce «(...) dans un délai maximum de
trois ans à compter de la date à laquelle l'impôt est
devenu restituable conformément à la législation fiscale
et au plus tard, dans un délai de cinq ans à compter de la date
du recouvrement. Toutefois, le délai de cinq ans n'est pas applicable
lorsque l'impôt est devenu restituable en vertu d'un jugement ou d'un
arrêt de justice »165.
Malgré ces imperfections, le législateur semble
conscient que l'amélioration du rendement de l'impôt passe
nécessairement par la fidélisation des contribuables qui
se plient de bonne foi à leurs obligations fiscales, ce qui a
justifié l'exclusion des contribuables de mauvaise foi du
bénéfice de certaines mesures favorables.
SECTION II - PROTECTION NEGATIVE
Le C.D.P.F. consacre tout le chapitre III du titre II aux
« Mesures pour améliorer le recouvrement de l'impôt
». La bonne foi apparaît ainsi comme la condition sine qua non
pour se prévaloir d'une quelconque protection. Cette protection se
manifeste à ce niveau par le traitement préférentiel qui
leur est consacré. En effet, contrairement au contribuable de mauvaise
foi, le contribuable de bonne foi, lui, peut bénéficier de
mesures favorables.
L'étude de ces dernières peut se faire sur deux
axes, et ce, en fonction de leurs destinataires. Il y aurait ainsi une
protection générale de tous les contribuables prévue par
les articles 109, 110 et 111 du C.D.P.F. (A) et une protection
spécifique à certains contribuables dont la liste a
été déterminée par l'article 112 du C.D.P.F.
(B).
Paragraphe 1 - Protection générale de tous
les contribuables
A travers les articles 109, 110 et 111, le C.D.P.F. a
prévu différentes mesures pour améliorer le recouvrement
de l'impôt.
Ces mesures se résument comme suit :
165 L'article 28 du C.D.P.F.
· La délivrance des permis de construire et
des certificats d'immatriculation des véhicules automobiles de toutes
catégories ainsi que l'abonnement au réseau
téléphonique (téléphone fixe et
téléphone mobile), sont subordonnés à la production
par le demandeur de la prestation d'une copie de la quittance de
dépôt de la dernière déclaration échue au
titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les
sociétés En effet, l'article 109 du C.D.P.F. prévoit que
: « L'abonnement au réseau téléphonique ainsi que
la délivrance des permis de construire et des certificats
d'immatriculation des véhicules automobiles de toutes catégories
sont subordonnés à la production d'une copie de la quittance de
dépôt de la dernière déclaration échue au
titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les
sociétés ».
Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de suivre
selon le cas l'une des deux règles suivantes :
« 1- Lorsque la demande de la prestation est
présentée avant l'expiration du délai limite fixé
pour le dépôt de la déclaration de l'impôt sur le
revenu et de l'impôt sur les sociétés, tel que
indiqué en annexe à la présente note, dans ce cas, le
demandeur de la prestation doit présenter une copie de la quittance du
dépôt de la déclaration au titre des revenus et
bénéfices réalisés au cours de la deuxième
année qui précède celle au cours de laquelle la demande
est présentée.
2- Lorsque la demande de la prestation est
présentée après l'expiration du délai limite
fixé pour le dépôt de la déclaration de
l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés
tel que indiqué en annexe à la présente note, dans ce cas,
le demandeur de la prestation doit présenter une copie de la quittance
du dépôt de la déclaration au titre des revenus et
bénéfices réalisés au cours de l'année qui
précède celle au cours de laquelle, la demande est
présentée » 166.
· La participation aux marchés publics de
toutes catégories (les marchés de l'Etat, des
collectivités locales ainsi que les marchés des entreprises et
établissements publics et organismes soumis au contrôle de l'Etat)
est subordonnée à la production d'une attestation
délivrée par les services de l'administration fiscale indiquant
que l'intéressé a déposé, auprès de la
recette des finances compétente, toutes ses déclarations fiscales
échues et non prescrites à la date de la présentation de
la demande et a payé les sommes exigibles au titre de ces
déclarations.
166 Note Commune n° 46/2002,
http://www.impots.finances.gov.tn/documentation/notes_communes_fr/nc46_2002_fr.pdf.
L'attestation délivrée à ce titre est
valable pour une durée de quatre vingt dix jours à compter de sa
date167.
· L'octroi des avantages fiscaux est subordonné
au respect des conditions suivantes 168:
1- le dépôt de toutes les déclarations
fiscales échues et non prescrites à la date de la demande de
l'avantage à l'occasion de la souscription et du dépôt des
déclarations fiscales ou de la demande d'une attestation auprès
des services du contrôle fiscal pour bénéficier d'un
avantage fiscal169. Ce dispositif concerne toutes les
déclarations fiscales prescrites par la législation
fiscale170. Ainsi le bénéfice des avantages fiscaux
est l'apanage du contribuable de bonne foi.
2- l'établissement par le receveur des finances d'un
échéancier de recouvrement conformément à la
réglementation en vigueur à cet effet, pour les personnes qui
sont redevables de dettes fiscales constatées au profit de l'Etat et
dont le paiement est exigible à la date de la demande de l'avantage Par
ailleurs, le non respect de l'échéancier de recouvrement
entraîne ce qui suit :
- le retrait de l'avantage octroyé, par décision
du ministre des finances ou de la personne déléguée par le
ministre des finances à cet effet ;
- la réclamation de la somme de l'impôt et des
pénalités administratives devenus exigibles suite au retrait de
l'avantage par la mise en oeuvre des procédures relatives à la
vérification fiscale préliminaire ou approfondie, selon le cas,
prévues par le C.D.P.F. ce qui implique la notification, par
écrit, au contribuable, des redressements découlant du retrait de
l'avantage et l'octroi à celui-ci d'un délai de trente jours
à compter de la date de la notification pour en répondre par
écrit.
167 L'article 110 du C.D.P.F. prévoit que: «
La participation aux marchés de l'Etat, des collectivités
locales ainsi que des établissements et entreprises publics et
organismes soumis au contrôle de l'Etat, est subordonnée à
la production d'une attestation délivrée par les services de
l'administration fiscale indiquant que l'intéressé a
déposé toutes ses déclarations fiscales échues et
non prescrites. L'attestation délivrée à ce titre est
valable pour une durée de quatre vingt dix jours à compter de sa
date ».
168 Selon l'article 111 du C.D.P.F. : « Les
avantages fiscaux ne peuvent être octroyés qu'aux personnes qui
ont déposé toutes leurs déclarations fiscales
échues et non prescrites ou à celles qui sont redevables de
dettes fiscales au profit de l 'Etat ayant fait l'objet
d'échéancier de recouvrement par le receveur des finances. Le
retrait de l'avantage aux personnes qui n'ont pas respecté
l'échéancier susvisé s'effectue par décision du
Ministre des Finances ou de la personne déléguée par le
Ministre des Finances à cet effet. »
169 Tel que l'attestation de suspension de la taxe sur la
valeur ajoutée et du droit de consommation ou la demande de restitution
des droits d'enregistrement payés au titre de l'achat d'un terrain
destiné à la réalisation d'un projet agricole.
170 Dont notamment ; la déclaration de l'employeur, la
déclaration de l'impôt sur le revenu, la déclaration de
l'impôt sur les sociétés, la déclaration de la
retenue à la source, la déclaration des acomptes provisionnels,
la déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée, la
déclaration du droit de consommation, etc.
En cas d'acceptation des redressements susvisés, cette
acceptation est matérialisée par la souscription d'une
déclaration rectificative et d'une reconnaissance de dette.
Toutefois, en cas de défaut de réponse du
contribuable par écrit auxdits redressements dans le délai
imparti ou en cas de désaccord portant sur ces redressements, les
services de l'administration fiscale compétents établissent un
arrêté de taxation d'office conformément aux dispositions
du C.D.P.F. y afférentes171.
Le législateur tunisien semble considérer que
le bénéfice de mesures favorables ne doit pas se limiter aux
contribuables résidents et établis. C'est dans cette optique
qu'il a cru bon d'édicter des mesures favorables spécifiques aux
contribuables de bonne foi non résidents et non établis.
Paragraphe 2 - Protection spécifique des
contribuables
non résidents et non
établis
Afin d'améliorer le rendement de l'impôt et
assurer la régularisation de la situation fiscale des personnes non
établies et non résidentes en Tunisie, la loi de finances pour la
gestion 2008 a ajouté au C.D.P.F. l'article 112172, selon
lequel « Les personnes physiques non résidentes, les personnes
morales non résidentes et non établies, les personnes
exerçant dans le cadre d'un établissement stable situé en
Tunisie ainsi que les étrangers résidents qui changent leur lieu
de résidence hors de la Tunisie doivent présenter une attestation
prouvant la régularisation de leur situation fiscale au titre de tous
les droits et taxes exigibles délivrée par les services des
impôts compétents, et ce, sur la base d'une demande selon un
modèle établi par l'administration comportant notamment la
catégorie des revenus objet de l'attestation, et ce, lors :
* de la demande de certificat de changement de
résidence, du rapatriement d'effets personnels ou
d'équipements,
* du transfert des revenus ou bénéfices soumis
à l'impôt conformément à la législation en
vigueur.
171Voir en ce sens ; Note Commune n° 46/2002,
http://www.impots.finances.gov.tn/documentation/notes_communes_fr/nc46_2002_fr.pdf.
172 L'article 112 du C.D.P.F., a été ajouté
par l'article 59 de la loi n°2007-70 du 27 décembre 2007, portant
loi de finances pour l'année 2008, J.O.R.T., n°104, 150e
année, 28-3 1 décembre 2007, p. 4357.
Les personnes visées au premier paragraphe
susvisé réalisant des bénéfices ou revenus
exonérés d'impôt doivent mentionner la catégorie des
revenus ou bénéfices objet du transfert, le support légal
de leur exonération sur la demande du transfert, et ce, à
l'occasion du transfert desdits bénéfices ou revenus, à
défaut, elles doivent présenter auprès des services de la
banque centrale de Tunisie ou auprès des intermédiaires
agréés une attestation délivrée par les services
des impôts compétents justifiant ladite exonération. Les
personnes établies en Tunisie débitrices des revenus soumis
à une retenue à la source libératoire de l'impôt
doivent présenter l'attestation de situation fiscale visée au
premier paragraphe du présent article à l'occasion du transfert
desdits revenus au profit de personnes non résidentes et non
établies. Les modalités d'application du présent article
sont fixées par décret. »
L'article 112 du C.D.P.F. subordonne ainsi le transfert des
revenus imposables à l'étranger à la présentation
d'une attestation de régularisation de la situation fiscale au titre de
tous les droits et taxes exigibles ou une attestation d'exonération des
revenus ou bénéfices.
Les dispositions dudit article s'appliquent aux personnes non
résidentes en Tunisie au sens de la législation fiscale. Il
s'agit des :
· Personnes physiques non résidentes (il s'agit
des personnes qui ne disposent pas en Tunisie d'une habitation principale ou
qui y séjournent pendant une durée maximale de 182 jours d'une
façon continue ou discontinue durant l'année civile),
· Personnes morales non résidentes et non
établies (il s'agit des personnes morales non résidentes au sens
de la réglementation des changes et ne disposant pas d'installations
fixes d'affaires en Tunisie)
· Personnes exerçant dans le cadre d'un
établissement stable en Tunisie (il s'agit des personnes morales
exerçant leurs activités, à titre habituel, en Tunisie
à travers une installation fixe d'affaires).
· Etrangers résidents en Tunisie qui
transfèrent leur lieu de résidence en dehors du territoire
tunisien.
· Personnes établies en Tunisie et
débitrices des revenus soumis à une retenue à la source
libératoire d'impôt et ce, lors du transfert de ces revenus au
profit des personnes non résidentes et non établies en
Tunisie.
· Personnes établies en Tunisie et
débitrices des revenus ou bénéfices exonérés
d'impôt et ce, lors du transfert de ces revenus au profit des personnes
non résidentes et non établies en Tunisie.
S'agissant des personnes soumises à l'obligation de
présenter une attestation prouvant la régularisation de la
situation fiscale, cette attestation doit être délivrée par
les services des impôts compétents sur la base d'une demande
préparée selon le modèle établi par
l'administration et comporter essentiellement la catégorie des revenus
objet de l'attestation et ce, lors :
· De la demande de certificat de changement de
résidence,
· Du rapatriement des équipements et des effets
personnels,
· Du transfert à l'étranger des revenus ou
bénéfices soumis à l'impôt en Tunisie
conformément à la législation fiscale en vigueur.
S'agissant des personnes soumises à l'obligation de
présenter une attestation prouvant l'exonération d'impôt,
ces derniers doivent mentionner la catégorie des revenus ou
bénéfices exonérés, objet du transfert à
l'étranger, ainsi que la référence légale
d'exonération sur la demande de transfert ou à défaut, la
présentation auprès des services de la Banque Centrale de Tunisie
ou des intermédiaires agréés d'une attestation prouvant
cette exonération, délivrée par les services des
impôts compétents. En outre, dans son dernier alinéa,
l'article 112 du C.D.P.F. prévoit que les modalités de son
application seront fixées par décret. Il s'agit du décret
n°2008-1858 du 13 mai 2008, relatif à la subordination du transfert
des revenus imposables pour les étrangers à la
régularisation de leur situation fiscale173.
Ce décret précise que les personnes
concernées doivent présenter une attestation de
régularisation de la situation fiscale au titre de tous les droits et
taxes exigibles ou une attestation d'exonération des revenus ou
bénéfices prévue à l'article 112 du C.D.P.F.
auprès :
· des services du ministère de l'intérieur et
du développement local lors de la demande du certificat de changement de
résidence ;
· des services des douanes lors du rapatriement d'effets
personnels ou de matériels ;
· des services de la banque centrale de Tunisie ou des
intermédiaires agréés lors du transfert des revenus ou
bénéfices vers l'étranger.
Ce même décret prévoit en outre les
conditions de la demande, les obligations des services de l'impôt et les
compétences de la commission des recours en cas de rejet de la
demande.
173 J.O.R.T., n°41 du mardi 20 mai 2008, pp. 1535 - 1538.
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
Il découle de tout ce qui précède que la
protection du contribuable de bonne foi passe nécessairement par la
protection de la croyance erronée du contribuable ainsi que de son
comportement loyal.
Ainsi, il serait tout d'abord souhaitable d'instituer une
protection législative de la croyance erronée du contribuable
contre les changements de doctrine administrative. Car, malgré la
promulgation du C.D.P.F., ce dernier ne contient aucun texte relatif à
la protection du contribuable contre le changement de la doctrine
administrative. Un texte pareil aurait le mérite d'encadrer les pouvoirs
de l'administration et réduire particulièrement l'arbitraire
fiscal tout en consacrant la sécurité juridique des
contribuables.
Ensuite, il convient de renforcer la protection de
comportement loyal à l'égard de l'administration. En effet, la
lutte actuelle que mènent les pouvoirs publics contre la fraude fiscale
serait mieux appréhendée si une protection était reconnue
aux contribuables de bonne foi. Cela contribuerait certainement à la
promotion d'un certain civisme fiscal, rendu nécessaire sous contrainte
d'une conjoncture peu clémente.
Toutefois, la protection du contribuable de bonne foi souffre de
limites qui lui sont inhérentes qu'il importe d'examiner.
DEUXIEME PARTIE II : LES LIMITES
INHERENTES A LA PROTECTION DU
CONTRIBUABLE DE BONNE FOI
Dans le système fiscal tunisien la collaboration
volontaire du contribuable fait quasiment défaut et le civisme fiscal
reste peu développé. C'est la raison pour laquelle le
législateur fiscal doit prendre conscience de la nécessité
de redorer le blason de la bonne foi pour qu'elle puisse jouer pleinement sa
fonction de protection.
Cependant, il n'est point prétentieux d'affirmer
dès à présent que cette protection serait largement
imparfaite. Reste à en préciser les limites; qui se manifestent
tant devant l'administration, et ce, en raison de la neutralité de la
bonne foi (CHAPITRE I), que devant le juge en raison de la difficulté de
la preuve de la bonne foi (CHAPITRE II).
CHAPITRE I - LA NEUTRALITE DE LA BONNE FOI
FACE A L'ADMINISTRATION FISCALE
« L'efficacité d'un système
déclaratif qui repose sur la confiance en la personne du contribuable et
qui présume sa sincérité, exige la reconnaissance au
profit de l'administration fiscale d'un pouvoir de contrôle et de
sanction des contribuables récalcitrants »174. Ceci
relève plutôt du domaine du devoir être. En effet, le
pouvoir de contrôle et de sanction dont dispose l'administration ne
s'exerce pas seulement à l'encontre des contribuables
récalcitrants mais contre tout contribuable, fût-il de bonne foi.
Ce pouvoir constitue certes une garantie en faveur des contribuables
honnêtes, dans la mesure où il conditionne l'égalité
des contribuables devant l'impôt. Il n'en demeure pas moins que ceux-ci
éprouvent le besoin de se protéger face aux pouvoirs exorbitants
dont dispose l'administration fiscale. Une telle protection semble
quasi-inexistante ; la bonne foi du contribuable apparaît assez souvent
comme un élément neutre, et ce, aussi bien au niveau du pouvoir
de contrôle de l'administration (Section I) qu'au niveau de son pouvoir
de sanction (Section II).
174 KRAIEM (Sami) : « La taxation d'office en droit
tunisien », Revue tunisienne de fiscalité, n°7, 2007, p.
347.
SECTION I- AU NIVEAU DU POUVOIR DE CONTR OLE
Le contrôle fiscal est le pouvoir donné à
l'administration fiscale « de s'assurer par des procédures et
techniques prévues par le législateur, que les contribuables se
sont acquittés de leurs obligations et, éventuellement de
réparer le préjudice causé au trésor par les
infractions à la loi fiscale »175. Sous cet angle,
le contrôle fiscal englobe aussi bien le droit de contrôle que le
droit de reprise. Il s'agit donc là des manifestations du pouvoir de
contrôle (Paragraphe 1). En outre, ce pouvoir doit être
exercé dans les délais prévus par la loi à cet
effet, sous peine de prescription (Paragraphe 2).
Paragraphe 1- Les manifestations du pouvoir de
contrôle
Afin d'assurer l'application correcte de la loi fiscale et de
lutter contre la fraude, l'administration dispose d'un large pouvoir de
contrôle qui se concrétise par l'exercice de son droit de
contrôle (A), qui pourra être suivi par l'exercice du droit de
reprise (B).
A- Le droit de contrôle
Dans un système déclaratif, la
détermination des bases d'imposition incombe, en principe, au
contribuable, présumé de bonne foi. Ce dernier est tenu de
divulguer spontanément les éléments imposables et
d'évaluer unilatéralement, selon les méthodes
légales, ses bases d'imposition. L'évaluation faite par le
contribuable bénéficie d'une présomption simple de
sincérité. En contrepartie, le législateur accorde des
prérogatives à l'administration fiscale, lors du contrôle
fiscal, pour vérifier la sincérité et la
régularité des déclarations souscrites par le
contribuable. Le contrôle fiscal se ramène ainsi à
« l'ensemble des procédés ou des techniques que
l'administration peut utiliser pour assurer le contrôle de
l'impôt »176.
La vérification fiscale est l'un des «
instruments juridiques »177 dont dispose l'Etat pour
réaliser son pouvoir de contrôle fiscal.
175 LAMBERT (Thierry) : « Contrôle fiscal, droit
et pratique », Paris, P.U.F., 1 ère édition,
1991, p.43.
176 LAMARQUE (Jean) : « Droit fiscal
général », Paris, Litec, 1995-1996, p. 505.
177 AYADI (Habib) : « Droit fiscal, T. V.A., droits de
consommation et contentieux fiscal », Publication du C.E.R.P., Tunis
1996, p. 177, n° 360.
L'objectif primordial assigné à ce moyen de
contrôle est celui de s'assurer de l'application exacte de la loi fiscale
par les contribuables « en procédant à des
confrontations de documents multiples et à des recoupements des
informations obtenues par l'administration en les comparant à celles
fournies par le contribuable »178.
Toutefois, « aussi vital qu'il soit pour le
fonctionnement du système socio-économique et de l 'Etat tout
entier, le contrôle fiscal ne doit pas, au risque de mettre en
péril son propre rendement, méconnaître un certain nombre
d'exigences dictées par l'Etat de droit auquel la constitution
tunisienne proclame, depuis 2002, son attachement »179.
Ces exigences visent essentiellement à assurer la sécurité
du contribuable, soumis à une vérification fiscale contre les
aléas inhérents aux pouvoirs exorbitants dont dispose le fisc
pour juguler la fraude fiscale.
Or, l'administration décide librement du choix de la
procédure de contrôle. Ainsi, le contrôle juridictionnel du
choix de la procédure permettrait d'encadrer les pouvoirs de
l'administration fiscale afin d'assurer une protection effective de tout
contribuable devant les risques de détournement de procédure.
L'article 36 du C.D.P.F. distingue entre deux formes de
vérification : la vérification préliminaire des
déclarations, actes et écrits détenus par
l'administration, d'une part, et la vérification approfondie de la
situation fiscale du contribuable d'autre part180.
178 BACCOUCHE (Néji) : «De la
nécessité du contrôle fiscal», article
précité, p. 22.
179 BACCOUCHE (Néji) : «De la
nécessité du contrôle fiscal», article
précité, p. 13.
180 La distinction, au sein du droit de vérification,
entre vérification préliminaire et vérification
approfondie, semble être spécifique au droit tunisien. En droit
français, les termes de la distinction se posent différemment. On
distingue, en effet, le « droit de contrôle » et le
« droit de vérification » ou encore, du point de vue
des modalités administratives de la mise en oeuvre du contrôle,
« le contrôle fiscal interne » (contrôle formel
ou bien contrôle sur pièces) du « contrôle
externe ». Mais, dans tous les cas, la vérification fiscale
est par définition approfondie (Voir BOUVIER (Michel) : «
Introduction au droit fiscal et à la théorie de
l'impôt », 2e édition, L.G.D.J., 1998, p.
100).
S'agissant tout d'abord de la vérification
préliminaire (dite également sommaire), elle a été
réglementée à travers l'article 37 du
C.D.P.F.181.
L'exercice de la vérification préliminaire n'est
pas soumis à un formalisme spécifique, étant donné
que l'objectif de cette vérification est de rectifier certaines erreurs
apparentes et le cas échéant, de permettre au service fiscal de
sélectionner des dossiers en vue d'un éventuel contrôle
externe plus approfondi.
Cependant, le législateur tunisien a
complètement modifié, dans le C.D.P.F., la logique de la
vérification préliminaire. Celle-ci n'est plus une phase
préparatoire dont « l'apport fondamental réside dans sa
contribution à une meilleure appréciation des dossiers qui
doivent être programmés en approfondi
»182.
La vérification préliminaire, de la même
manière que la vérification approfondie, peut déboucher
sur une taxation d'office avec toutes les conséquences qui en
découlent. Mais, paradoxalement, elle s'exerce à l'insu du
contribuable183.
181 L'article 37 du C.D.P.F. dispose que « la
vérification préliminaire des déclarations, actes et
écrits détenus par l'administration fiscale s'effectue sur la
base des documents y figurant, et de tous documents et renseignements dont
dispose l'administration ». Il ressort de cette définition
législative que la vérification préliminaire coïncide
avec ce que la doctrine a coutume d'appeler « le contrôle sur
pièces », DRIRA (Tarek) : « La vérification
fiscale », mémoire pour l'obtention du D.E.A. en droit des
affaires, Faculté de droit de Sfax, 2002-2003, p. 4. La
vérification préliminaire recouvre l'ensemble des interventions
des services de l'administration fiscale ayant trait à la rectification
des erreurs ou omissions évidentes. Elle est constituée par
l'ensemble des travaux que l'administration effectue dans ses locaux et au
cours desquels le service procède à l'examen critique des
déclarations à l'aide des renseignements et documents dont il
dispose. ABOUDA (Abdelmajid) : « Code des droits et procédures
fiscaux: contrôle, contentieux et sanctions », Tunis,
Publications de l'imprimerie officielle de la République Tunisienne,
2001, p. 99.
182 Note de service n° 6063 du 24 juillet 1991 citée
par DRIRA (Tarek) : « La vérification fiscale »,
mémoire pour l'obtention du D.E.A. en droit des affaires, Faculté
de droit de Sfax, 2002-2003, p.7.
183 L'article 47 du C.D.P.F. dans son premier alinéa
dispose que : « La taxation est établie d'office en cas de
désaccord entre l'administration fiscale et le contribuable sur les
résultats de la vérification fiscale préliminaire ou
approfondie prévues par l'article 36 du présent code, `ou lorsque
le contribuable ne répond pas par écrit à la notification
des résultats de la vérification fiscale ou à la
réponse de l'administration fiscale à son opposition à ces
résultats conformément aux dispositions des articles 44 et 44 bis
du présent code ». Le qualificatif «
préliminaire » laisse penser que le contrôle des
déclarations, actes et écrits ne constituerait qu'une phase
préalable à la vérification approfondie. Toutefois, cet
article remet en cause le caractère purement «
préliminaire » d'une telle vérification dans la
mesure où il ouvre le droit à l'administration fiscale de taxer
d'office un contribuable suite à une simple vérification
préliminaire.
Elle a été, par conséquent,
qualifiée par la doctrine de « choquante »184 dans
la mesure où le contribuable peut se trouver, dans cette
hypothèse, taxé d'office tout en étant privé des
garanties les plus élémentaires, à savoir le droit
à l'information185 et le droit à la
contradiction186.
La protection du contribuable de bonne foi nécessite
ainsi l'intervention du juge. Ce dernier devrait surveiller avec beaucoup de
sévérité et de rigueur le choix de cette forme de
vérification qui n'est entourée d'aucun formalisme légal
et qui peut se transformer en un « faux-fuyant » pour esquiver les
procédures pesantes de la vérification approfondie par le biais
des vérifications approfondies déguisées.
S'agissant ensuite de la vérification approfondie,
c'est l'opération qui consiste à s'assurer de la
sincérité d'une déclaration fiscale en la confrontant
à des éléments extérieurs187. Elle
porte, aux termes de l'article 38 du C.D.P.F. « sur tout ou partie de
la situation fiscale du contribuable ; elle s'effectue sur la base de la
comptabilité pour le contribuable soumis à l'obligation de tenue
de comptabilité et, dans tous les cas, sur la base de renseignements, de
documents ou de présomptions de fait et de droit ». La
vérification approfondie qui porte sur tout ou partie de la situation
fiscale du contribuable est appelée « vérification de
comptabilité » lorsque le contribuable est obligé de
tenir une comptabilité et « vérification de la situation
fiscale personnelle » dans les autres cas.
184 BACCOUCHE (Néji) : « De la
nécessité du contrôle fiscal », Revue tunisienne
de fiscalité, n°1, 2004, p. 25.
185 L'article 37 §2 du C.D.P.F. prévoit
expressément que la « vérification préliminaire
n'est pas subordonnée à la notification d'un avis
préalable et ne fait pas obstacle à la vérification
approfondie de la situation fiscale ».Or, à partir du moment
où cette vérification peut déboucher, elle aussi, sur une
taxation d'office, « il semble qu'en droit tunisien, la
vérification préliminaire nécessite, autant que la
vérification approfondie, la notification d'un avis de
vérification », KOSSENTINI (Mohamed) : « Les
garanties du contribuable lors de la vérification fiscale »,
Revue tunisienne de fiscalité, n°7, 2007, p.309.
186 L'absence d'une obligation d'information préalable
prive le contribuable, dans le cadre de la vérification
préliminaire, de mener un débat oral et contradictoire avec le
vérificateur. Ce dernier n'est même pas informé d'un tel
contrôle. Seule une éventuelle notification lui permettra de
connaître son existence.
187 On parle aussi de vérification ou de contrôle
externe.
La vérification de comptabilité est
définie comme étant « un rapprochement entre les
déclarations déposées d'une part et le résultat des
contrôles matériels et les documents comptables, d'autre part
»188. Dans sa jurisprudence « Football-Club de Strasbourg
», le Conseil d'Etat français considère que la
vérification de comptabilité se caractérise par le «
contrôle de la sincérité des déclarations
déposées en les comparant avec les écritures comptables
dont l'administration avait pris connaissance »189.
S'agissant de la vérification de la situation fiscale
personnelle du contribuable, elle concerne les contribuables non astreints
à l'obligation de tenue de comptabilité comme les
salariés, détenteurs de revenus de capitaux mobiliers,
propriétaires fonciers et contribuables exerçant une profession
non commerciale ayant opté pour une méthode forfaitaire de
détermination de revenu. Elle consiste à «
vérifier l'exactitude du revenu global déclaré afin de
confronter les revenus déclarés ou les revenus constitués
avec le montant apparent des revenus que laissent supposer les recoupements
effectués par l'administration, la situation du patrimoine et les
éléments du train de vie du contribuable
»190. La vérification approfondie représente
ainsi pour l'administration fiscale une forme de contrôle contraignante.
D'autant plus que dans plusieurs hypothèses, il n'y a pas
véritablement de rupture entre la vérification approfondie et
l'exercice des pouvoirs de recherche et d'investigation de l'administration.
Cette situation est d'autant plus envisageable en l'absence de critères
législatifs fixant les frontières entre les pouvoirs de recherche
et d'investigation et la vérification approfondie.
Ainsi, en matière de contrôle, le
législateur ne distingue pas entre les erreurs non intentionnelles et
les erreurs intentionnelles. Cette absence de distinction semble se justifier
par l'objectif immédiat du contrôle fiscal, à savoir
l'enlèvement de tous les obstacles à l'application normale de la
loi fiscale. C'est ainsi que « Les vérificateurs ne distinguent
pas entre les irrégularités commises par le contribuable selon le
critère de gravité »191.
188 FERNOUX (Pierre) : « Vérifications de
comptabilités », Jurisclasseur Procédures fiscales,
Fascicule 323, p. 4.
189 C.E., 7°, 8° et 9° sous-section, 10 mars 1967
requête n° 62338, Revue de droit fiscal 1967, n° 45,
conclusions F. LAVONDES.
190 AYADI (Habib) : « Droit fiscal, T.V.A., droits de
consommation et contentieux fiscal », Publications du C.E.R.P., Tunis
1996, p. 181, n° 371.
191 L'TIFI (Mohamed-Habib) : « Le contrôle fiscal
et les garanties administratives du contribuable vérifié
», Op.Cit., p. 115.
L'objectif primordial assigné à ce moyen de
contrôle est d'assurer une application exacte de la loi fiscale par les
contribuables, et ce, « en procédant à des
confrontations de documents multiples et à des recoupements des
informations obtenues par l'administration en les comparant à celles
fournies par le contribuable »192.
La mise en oeuvre des procédures de contrôle par
le fisc peut révéler des omissions, des insuffisances ou des
dissimulations commises par les contribuables. A cet effet, le
législateur accorde à l'administration fiscale un droit de
reprise.
B - Le droit de reprise
Le législateur accorde à l'administration
fiscale la possibilité de reconstituer, à la lumière des
déclarations et des résultats d'investigations, les bases
d'imposition. Il s'agit en effet du droit de reprise qui a été
défini comme étant le droit: « exercé par
l'administration dans le cadre des procédures de contrôle fiscal
de redresser les erreurs ou les fraudes commises par les contribuables
»193. Autrement dit, le droit de reprise est la
prérogative exercée dans le cadre des résultats de la
vérification afin de réparer les irrégularités
(omissions, erreurs et dissimulations) constatées lors d'une
procédure de vérification (préliminaire ou
approfondie).
A priori, il semble que le déroulement du
droit de reprise varie selon le comportement initial du contribuable. Les
procédures mises en oeuvre affecteraient différemment les droits
du contribuable, selon l'intensité de la faute commise par ce dernier.
Ainsi, en cas de défaut de déclaration, le contribuable serait
passible d'une procédure unilatérale, alors qu'en cas de
dépôt de déclaration, la procédure serait «
quasi-contradictoire » et les droits du contribuable seraient
mieux protégés 194.
192 BACCOUCHE (Néji) : «De la
nécessité du contrôle fiscal», article
précité, p. 22.
193 BARILARI (André) et DRAPE (Robert) : «
Lexique fiscal », Op.Cit., p.132.
194 Dans cette optique, la loi de finances pour la gestion
2007 a renforcé la procédure de débat écrit en
établissant une obligation de réponse motivée à
l'encontre de l'administration fiscale, aux oppositions du contribuable ayant
reçu un avis de redressement (voir l'article 44 bis du C.D.P.F.
tel que ajouté par l'article 57 de la loi n° 2006-85 du 25
décembre 2006 portant loi de finances pour l'année 2007, J.O.R.T.
n° 103, 149e année, 26 décembre 2006, p.
4380).
En effet, le C.D.P.F. prévoit deux procédures de
redressement applicables selon la situation du contribuable au regard de son
obligation déclarative : une procédure de redressement
contradictoire et une procédure de redressement unilatérale qui
est soldée par la taxation d'office195.
Or, le législateur a gardé le silence concernant
les méthodes à suivre dans l'exercice, par les agents du fisc, de
ce droit de reprise même dans le cadre d'une procédure de
redressement contradictoire. Il devient alors légitime de se demander,
si l'agent du fisc devrait redresser, librement les bases d'imposition ou bien
s'il devrait, respecter dans la mesure du possible, les procédés
adoptés par le contribuable ainsi que les méthodes légales
?
Un traitement différentiel du redressement des bases
d'imposition selon qu'il s'agisse de contribuables astreints à la tenue
de comptabilité ou de contribuables non astreints à cette
obligation, semble opportun. Cependant, un tel traitement ne coïncide pas
avec la logique législative telle qu'elle ressort de l'article 38 du
C.D.P.F.
En effet, le législateur n'a pas établi des
règles spécifiques de redressement des bases d'imposition selon
que le contribuable a déposé ses déclarations ou non, ni
selon que la comptabilité est exigée ou non.
Ainsi, qu'il commette des infractions, par fraude ou de bonne
foi, le contribuable subit le même sort ! De cette manière, le
droit de reprise peut constituer un élément perturbateur de la
confiance du contribuable dans le système. Ce qui n'est pas à
même d'encourager le civisme fiscal.
Néanmoins, l'action des autorités de contrôle
en vue de redresser la situation fiscale des contribuables est normalement
enfermée à l'intérieur d'un délai strictement
fixé par la loi.
D'une manière générale, les
périodes d'exercice du droit de reprise et du droit de contrôle
fiscal se confondent. En effet, ils doivent être exercés dans les
délais prévus par la loi à cet effet, au-delà
desquels le contribuable peut opposer aux agents du fisc la prescription du
droit de reprise.
195 En application de l'article 47 in fine du
C.D.P.F. ; « La taxation est également établie d'office,
en cas de défaut de dépôt par le contribuable, des
déclarations fiscales et des actes prescrits par la loi pour
l'établissement de l`impôt, et ce, dans un délai maximum de
trente jours à compter de la date de sa mise en demeure,
conformément aux procédures prévues par l'article 10 du
présent code. »
Paragraphe 2- Le cadre temporel du pouvoir de
contrôle
Dans un système déclaratif, le contrôle
fiscal est indispensable pour l'accomplissement du devoir fiscal. A cet effet,
la loi accorde à l'administration fiscale un délai de reprise lui
ouvrant la possibilité d'exercer son contrôle sur une
période allant de 4 ans, en cas de dépôt de
déclaration, jusqu'à 10 ans en cas de
défaut196. A priori, il semble que le
législateur fait bénéficier les contribuables qui se
plient de bonne foi à leurs obligations fiscales d'un délai plus
court. Or, il ne faut pas perdre de vue la multiplicité des
évènements à même d'allonger ces délais. Il
s'agit essentiellement des actes interruptifs de prescription.
L'interruption a pour effet de faire courir un nouveau
délai, d'une même durée, que celui interrompu. La
prescription est interrompue par la survenance d'un des
évènements limitativement énumérés par la
loi.
Avant la promulgation du C.D.P.F., en vertu de l'article 72 II
du C.I. R .P.P. et de l'I.S., la prescription était interrompue, soit
par la notification d'un arrêté de taxation d'office, soit par
l'établissement d'un procès-verbal de non présentation ou
de non tenue des documents comptables, dressé soixante jours au moins
avant l'expiration de l'année limite du délai de reprise. A
partir du premier janvier 2002, le législateur est intervenu par un
texte unique, qui régit l'ensemble des impôts et taxes rentrant
dans le champ d'application du C.D.P.F., et ce, afin de préciser les
actes qui constituent des évènements interruptifs de la
prescription. En effet, l'article 27 du C.D.P.F. prévoit à cet
effet que la prescription est interrompue par la notification des
résultats de la vérification fiscale par la reconnaissance de
dette et à défaut, par notification de l'arrêt de taxation
d'office197.
196 Voir l'article 19 du C.D.P.F. relatif aux impôts
déclarés, l'article 20 relatif aux impôts non
déclarés et l'article 21 relatif aux omissions et erreurs
relatives aux droits de timbre qui, eux aussi, peuvent être
réparés dans le délai de 10 ans.
197 «La prescription est interrompue par la
notification des résultats de la vérification fiscale, par la
reconnaissance de dette, et à défaut, par la notification de
l'arrêté de taxation d'office (La première phrase de
l'article a ainsi été modifiée par l'article 79 de la loi
n°2001-123 du 28 décembre 2001 portant loi de finances pour
l'année 2002, J.O.R.T. n°104, 144e année, 28
décembre 2001, p. 4251). Toutefois, et en ce qui concerne les taxes
dues sur les moyens de transport, la prescription est interrompue par la
notification du procès-verbal constatant l'infraction. Ladite
notification tient lieu de notification des résultats de la
vérification fiscale.(Paragraphe ajouté par l'article 51 de
la loi n° 2005-106 du 19 décembre 2005 portant loi de finances pour
l'année 2006, J.O.R.T n° 101, 148e année, 20
décembre 2005, p.3596) La prescription est également
interrompue, pour les impôts non déclarés, par la
notification de la mise en demeure prévue par le deuxième
paragraphe de l'article 47 du présent code ou par la notification de
l'avis de vérification approfondie de la situation fiscale prévu
par l'article 39 du présent code ».
Cet article a introduit des nouveautés par rapport
à la législation antérieure. L'article 72 du C.I. R .P.P.
et de l'I.S. envisageait uniquement la notification de l'arrêté de
taxation d'office comme acte interruptif de prescription et pour les
contribuables qui tiennent une comptabilité, il envisageait
l'établissement d'un procès-verbal de non présentation ou
de non tenue de documents comptables. Ce procès-verbal devait être
dressé 60 jours au moins avant l'expiration de l'année limite du
délai de reprise. La nouvelle législation consacre donc la
notification des résultats de la vérification fiscale comme acte
interruptif de la prescription, au lieu de la notification de
l'arrêté de taxation d'office. « Cette solution est
beaucoup plus favorable à l'administration puisque le premier acte
intervient de manière plus précoce que le second, ce qui aura
pour effet, en cas d'intervention des services de contrôle,
d'éviter qu'un exercice tombe dans la prescription en raison de la
lenteur de la procédure de vérification et de redressement
»198. Elle a été justifiée par «
le rapprochement à la règle générale
prévue par l'article 296 du code des obligations et des contrats qui
considère que la prescription relative aux dettes s'interrompt par toute
action ayant date certaine en vertu de laquelle le créancier demande sa
créance auprès du débiteur, telle que l'action en justice
ou la notification d'une lettre recommandée ou l'avertissement par
l'intermédiaire d'un huissier de justice »199.
En plus, le ministre des finances a avancé que «
la prise en compte de la notification des résultats de la
vérification au lieu de l'arrêté de taxation d'office
permet, tant à l'administration qu'au contribuable, de profiter d'un
délai de dialogue et de discussion des résultats et de trancher
la question à l'amiable avant la phase contentieuse, ce qui aura pour
effet de diminuer les cas litigieux et permet d'établir l'impôt
sur des bases exactes »200.
Selon la jurisprudence française, pour que la
prescription soit interrompue, il suffit que la notification au redevable
intervienne au plus tard, le jour de l'expiration du délai de
reprise201, et qu'elle satisfasse aux conditions légales de
validité202.
198 BESBES (Slim) : « Le Principe de la
légalité de l'impôt en droit tunisien »,
thèse précitée, p.503 et 504.
199 Débats parlementaires, J.O.R.T. n° 39,
séance du mercredi 26 juillet 2000, p. 1871.
200 Débats parlementaires, J.O.R.T. n° 39,
séance du mercredi 26 juillet 2000, p. 1878.
201 C.E., 5 octobre et 21 novembre 1973, cité par AYADI
(Habib) : « Droit fiscal », Op. Cit., p. 211.
202 A noter que c'est à l'administration qu'il appartient
d'apporter la preuve de cette notification. Voir C.E., 17 octobre 1984, Revue
de jurisprudence fiscale, 12/1984, 1477.
En définitive, le législateur tunisien
paraît davantage soucieux du rendement fiscal que de
l'intérêt du contribuable de bonne foi au niveau du pouvoir de
contrôle exercé par l'administration fiscale. Reste à
vérifier si ce constat se vérifie également au niveau de
son pouvoir de sanction.
SECTION II - AU NIVEAU DU POUVOIR DE SANCTION
Le pouvoir de sanction dont dispose l'administration fiscale
constitue une condition nécessaire pour garantir la pleine
efficacité du système de contrôle203. Mais, ce
pouvoir indispensable pour assurer l'égalité de tous devant
l'impôt et pour juguler la fraude fiscale, ne risque t-il pas de mettre
en péril la nécessaire protection du contribuable de bonne foi
?
Ce risque se justifie aisément eu égard aux
sanctions administratives qu'il peut se voir infliger204. Certaines
sanctions sont expressément qualifiées comme telles par le
législateur. Il s'agit des sanctions administratives qui font l'objet du
chapitre premier du titre trois du C.D.P.F. relatif aux sanctions fiscales
(§ 1)205. En revanche, la taxation d'office n'a pas
été qualifiée comme telle par le législateur, alors
qu'il s'agit bel et bien d'une sanction (§ 2).
203 PAULTRE DE LAMOTTE (Jacques) : « Les sanctions
fiscales dans le système fiscal français : présentation
d'ensemble », R.F.F.P., n° 65, 1999, p.9.
204 Il convient au préalable préciser que la
notion de sanction peut revêtir deux acceptions. Selon une
première acception restrictive, la sanction serait
réservée aux seules mesures répressives destinées
à punir et à réprimer. Selon une deuxième acception
plus extensive, le terme « sanction » désignerait toute
mesure, même réparatrice, justifiée par la violation d'une
obligation, tout moyen destiné à assurer le respect et
l'exécution effective d'un droit ou d'une obligation. Voir en ce sens :
CORNU (Gérard) : « Vocabulaire juridique », Op.
Cit., V° Sanction, p.744. En droit fiscal tunisien, il est possible
de distinguer deux groupes de sanctions, et ce, rien qu'en s'en tenant à
l'organe habilité à prononcer la sanction. Ainsi, il existerait
des sanctions fiscales pénales prononcées par le juge
pénal et dont la finalité est exclusivement répressive. A
côté, il existerait des sanctions fiscales administratives
prononcées quant à elles par l'autorité administrative
205 L'étude des sanctions fiscales administratives,
s'inspirant de l'examen du chapitre premier du titre trois du C.D.P.F., portera
exclusivement sur les « pénalités fiscales »,
c'est-à-dire les sanctions pécuniaires prononcées par
l'administration, à l'exclusion toutefois des sanctions pénales
(amendes) pouvant éventuellement les accompagner. La principale raison
ayant motivée cette restriction : la notion de bonne foi est
présente en matière fiscale pénale et plus
précisément sous l'angle de la fraude à la loi or le but
essentiel de ce travail est d'opérer une étude sur la prise en
compte de la bonne foi en dehors de la matière pénale.
Paragraphe 1 - Sanctions administratives
expressément prévues comme telles
D'après l'examen du chapitre premier du titre trois du
C.D.P.F. relatif aux sanctions fiscales administratives, il est possible de
distinguer les « pénalités de retard »206
des « pénalités »207 .
D'une manière générale, les
pénalités fiscales regroupent « toutes les sanctions
pécuniaires édictées par les lois et prononcées par
toutes les autorités compétentes »208.
Il s'agit dans les deux cas de pénalités
accessoires proportionnelles aux droits en principal. Ainsi, à titre
d'illustration, l'article 81 du C.D.P.F. dispose en substance que, tout retard
dans le paiement de tout ou partie de l'impôt, est sanctionné par
une majoration des droits de 0,5% par mois ou fraction de mois de retard en
l'absence d'intervention préalable des services du contrôle
fiscal. Aux termes de l'article 82 du C.D.P.F., cette majoration est
portée à 1,25% lorsque le retard dans le paiement de
l'impôt est constaté suite à l'intervention des services du
contrôle fiscal.
Ces articles sanctionnent donc le non accomplissement d'une
action positive. Il en résulte que le législateur fiscal ne
conçoit les sanctions administratives que sous l'angle des infractions
matérielles. Ces dernières ne sont pas fondées sur des
considérations relatives à l'appréciation du comportement
du contribuable. En effet, « La simple constatation matérielle
de l'infraction est suffisante pour entraîner l'application des
pénalités sans avoir à rechercher si le contribuable est
de bonne ou de mauvaise foi »209.
Or, sous l'égide de la Charte du contribuable, et ce,
avant la promulgation du C.D.P.F., les taux des pénalités
d'assiette étaient fonction du comportement du contribuable. Ainsi,
à l'insuffisance de bonne foi ou au défaut de dépôt
de déclarations dans les délais impartis portant sur un retard
inférieur à deux ans, le taux de pénalité
applicable était de 10%210.
Ce taux de 10 % était ainsi applicable aux insuffisances
ne résultant pas d'une fraude. « Ne sont pas
considérés comme fraude :
206 Voir les articles 81, 82, 84, 86 et 88 du C.D.P.F.
207 Voir les articles 83, 84 et 85 du C.D.P.F.
208 Le doyen CHRETIEN cité par NEEL (Brigitte) : «
Les pénalités fiscales et douanières »,
Paris, Economica, collection « Finances publiques », 1992, p.7.
209 ABDEDDAIEM (Najla) et KOUBAA (Sameh) : « Les
sanctions fiscales administratives », Revue tunisienne de
fiscalité, n°7, 2007, p.373.
210 Deux remarques semblent à ce niveau s'imposer. Tout
d'abord, le C.D.P.F. n'a pas gardé les pénalités
d'assiette. Ensuite, l'article 7 de la loi de promulgation du C.D.P.F. a
abrogé l'article 63 du C.I.R.P.P. et de l'I.S. qui constituait le
fondement juridique de la validité de la Charte du contribuable.
- les redressements consécutifs à une erreur
d'interprétation des textes ;
- les réintégrations motivées par des
questions de principe ;
- les erreurs dans l'application des taux de l'amortissement
;
- et d'une manière générale, les
redressements résultant d'une bonne foi manifeste du contribuable, dans
la mesure où de telles infractions sont relevées pour la
première fois »21 1.
Dans une affaire portée devant le T.A., en date du 31
décembre 2001, le contribuable avait invoqué une erreur dans la
comptabilisation des pénalités d'assiette. En effet, la
commission de conciliation, défenderesse au pourvoi, avait retenu le
taux 30% applicable en cas de récidive de fraude au motif que le
contribuable avait déjà fait l'objet d'une taxation d'office. Le
juge a décidé que les manquements relevés suite à
une opération de vérification sont présumés de
bonne foi et le fait que le contribuable ait déjà fait l'objet
d'une taxation d'office ne présume en rien une deuxième fraude
tant que ses éléments constitutifs n'ont pas été
prouvés212.
Actuellement, pareilles considérations ne sont pas
prises en considération. En effet, le législateur fiscal semble
considérer que toutes les infractions prévues par le C.D.P.F.
sont des actes de fraude fiscale213.
Ainsi, tout retard dans le paiement de tout ou partie de
l'impôt, est considéré comme une forme de fraude qui donne
lieu à une application automatique des pénalités fiscales
par l'administration.
Le législateur fiscal adopte donc une conception
extensive de la notion de fraude fiscale. Une telle conception se concilie mal
avec la promotion du civisme fiscal ; objectif sur lequel doit se focaliser
l'administration fiscale afin d'améliorer le recouvrement de
l'impôt.
Or, il existe bien entendu des degrés en matière
d'incivisme : le fait d'envoyer ses déclarations et ses paiements avec
retard est beaucoup moins grave que de masquer volontairement ses sources de
revenus. Une juste récompense des comportements vertueux peut
s'avérer alors nécessaire pour la promotion du civisme fiscal.
211 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op.
Cit., p.197,
212 T.A., cassation, 31 décembre 2001, requête
n°32635, voir annexe 3, p.183 et spécialement p. 192.
Voir dans le même sens : T.A., cassation, 3 juin 2002,
requête n°32999, Recueil des arrêts du tribunal administratif,
2002, pp. 285-295 et spécialement p. 293.
213 L'TIFI (Mohamed-Habib) : « Le contrôle fiscal
et les garanties administratives du contribuable vérifié
», Op.Cit., p.1 13.
Ainsi, invoquant la Convention Européenne des Droits de
l'Homme, la Cour de cassation française a jugé dans l'arrêt
Ferreira, que l'article 6-1 de cette Convention - qui consacre le droit
à un procès équitable - s'appliquait en matière
fiscale214.
La Cour a notamment déclaré l'amende fiscale
contraire à la Convention pour défaut d'acquisition de la
vignette automobile en raison de l'automaticité de son application par
l'administration.
« Cet arrêt a été
considéré comme un arrêt de principe. Il marque ainsi une
avancée très importante sur le terrain de la reconnaissance d'un
pouvoir de modération du juge judiciaire en matière de sanctions
fiscales (pour le contentieux des impositions qui relèvent de sa
compétence bien entendu). Il résulte de la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l'homme qu'un système de majoration
d'impôt ne se heurte pas à l'article 6 de la Convention pour
autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise
à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte
»215.
Ainsi, dans le système fiscal tunisien où le
civisme fiscal reste peu développé, il serait
particulièrement inique de ne pas faire bénéficier la
bonne foi du contribuable d'un traitement de faveur. D'autant plus que ce
dernier peut se voir infliger une taxation d'office à côté
des sanctions prévues par le chapitre premier du titre trois du
C.D.P.F.
Paragraphe 2 - Sanction administrative non
expressément prévue comme telle : la taxation
d'office
De prime abord, il apparaît légitime de
considérer la taxation d'office comme une sanction. «
C'est bien effectivement dans cette perspective qu'elle a été
conçue et introduite en Tunisie »216. Certes, elle
« n'est pas de la même nature qu'une sanction pénale ou
administrative. Mais il n 'en demeure pas moins vrai que cette procédure
vise à punir un comportement coupable, sinon délictueux du
contribuable taxé d'office » 217.
214 Cassation commerciale, 29 avril 1997, n° 1068 PB,
Ferreira, Revue de jurisprudence fiscale, juin 1997, n°641, pp.442-
444.
215 AGRON (Laure) : « Histoire du vocabulaire
fiscal », Op.Cit., p.347 et 348.
216 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op.Cit.,
p. 488, N.B.P. n°11.
217 KRAIEM (Sami) : « La taxation d'office en droit
tunisien », Revue tunisienne de fiscalité, n°7, 2007,
p.347, N.B.P. n° 1.
Elle se concrétise par un arrêté
ministériel dont l'objet consiste dans l'évaluation de l'assiette
et la liquidation de l'impôt d'une manière unilatérale, et
ce, à titre de sanction du comportement du contribuable qui ne se
conforme pas à ses obligations vis-à-vis du
fisc218.
Plus précisément, la taxation d'office peut
être définie comme la « procédure qui permet
à l'administration de fixer unilatéralement les bases
d'imposition »219.
Or, la fixation unilatérale des bases d'imposition doit
être conçue comme une sanction du non respect par le contribuable
de ses obligations fiscales car, elle emporte la déchéance du
contribuable taxé d'office du bénéfice du
contradictoire220. Ceci se vérifie aisément en droit
fiscal français qui a le mérite de distinguer entre deux
procédures de redressement en fonction du respect par le contribuable de
ses obligations déclaratives. Il s'agit de la procédure de
redressement contradictoire et de la procédure de redressement d'office,
ayant chacune des caractères propres et des conséquences
différentes au niveau de la charge de la preuve221.
La procédure de redressement contradictoire,
prévue aux articles L.55 et suivants du L.P.F., est la procédure
de droit commun. L'utilisation d'une procédure contradictoire suppose le
dépôt d'une déclaration. Si le contribuable a souscrit sa
déclaration, il bénéficie de la mise en oeuvre d'une
procédure de redressement contradictoire.
En revanche, le contribuable qui ne remplit pas sa
déclaration encourt une procédure de redressement d'office
(l'article L. 65 et suivants du L.P.F.). Il s'agit d'une procédure
dérogatoire qui s'applique dans les cas de défaut ou de retard
soit des déclarations de certains revenus catégoriels, et dans ce
cas on parle de la procédure d'évaluation d'office, soit de la
déclaration d'ensemble et dans ce cas on parle de la procédure de
taxation d'office. La taxation d'office sanctionne ainsi l'absence ou le retard
dans l'établissement d'une déclaration222.
218 BACCOUCHE (Néji) : « Droit fiscal
», Op. Cit., p.1 86.
219 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op.
Cit., p. 488.
220 Les procédures contradictoires sont consacrées
par les articles 42, 43, 44 et 44 bis du C.D.P.F.
221 Ces conséquences feraient l'objet de
développements ultérieurs.
222 L'article L.66 du L.P.F. « Sont taxés
d'office
1-. Les contribuables qui n'ont pas déposé dans
le délai légal la déclaration...».
Toutefois, le législateur tunisien ne distingue pas
entre la procédure de taxation d'office de la procédure du
redressement contradictoire. En effet, « la taxation d'office
constitue en droit tunisien une mesure générale applicable dans
tous les cas où le contribuable ne se conforme pas à la demande
des vérificateurs consignée dans la notification de redressement.
De la sorte, la taxation d'office sanctionne toute résistance de la part
du contribuable»223.
Ceci se manifeste clairement à travers
l'énumération des cas d'ouverture de la procédure de
taxation d'office. Cette apparence de limitation ne doit pas occulter la
généralité des cas d'ouverture de la taxation d'office. En
effet, l'article 47 du C.D.P.F. prévoit que : « La taxation est
établie d'office en cas de désaccord entre l'administration
fiscale et le contribuable sur les résultats de la vérification
fiscale préliminaire ou approfondie prévues par l'article 36 du
présent code, ou lorsque le contribuable ne répond pas par
écrit à la notification des résultats de la
vérification fiscale ou à la réponse de l'administration
fiscale à son opposition à ces résultats
conformément aux dispositions des articles 44 et 44 bis du
présent code 224.
La taxation est également établie d'office,
en cas de défaut de dépôt par le contribuable, des
déclarations fiscales et des actes prescrits par la loi pour
l'établissement de l`impôt, et ce, dans un délai maximum de
trente jours à compter de la date de sa mise en demeure,
conformément aux procédures prévues par l'article 10 du
présent code ».
Partant, l'administration peut recourir à cette
procédure non seulement en cas de défaut de dépôt
des déclarations fiscales et des actes prescrits par la loi ou en cas de
défaut de réponse à la notification des résultats
de la vérification ou à la réponse de l'administration
à l'opposition aux résultats, mais également en cas de
désaccord avec le contribuable sur les résultats de la
vérification fiscale.
Si le recours à la taxation d'office peut
paraître légitime dans les deux premières hypothèses
dans la mesure où c'est le contribuable qui s'oppose au dialogue avec
l'administration, d'autant plus que sa négligence peut être
constatée suite à l'écoulement des délais qui lui
sont accordés pour se manifester225.
223 KRAIEM (Sami) : « La taxation d'office en droit
tunisien », Revue tunisienne de fiscalité, n°7, 2007,
p.347, N.B.P. n° 1.
224 Supprimée et remplacée par l'article 58 de la
loi de finances pour l'année 2007, n° 2006-85 du 25 décembre
2006 (J.O.R.T. n° 103 du 26 décembre 2006, p. 4380).
225 En effet, le défaut de déclaration n'est
constaté qu'après l'expiration du délai de trente jours
à compter de la mise en demeure du contribuable défaillant. Le
défaut de réponse à la notification des résultats
de la vérification fiscale , et ce, après l'expiration du
délai de trente jours après la notification des résultats
(Voir l'article 44 du C.D.P.F.) et après l'expiration du délai de
15 jours à compter de la notification de la réponse de
l'administration fiscale à l'opposition du contribuable aux
résultats de la vérification (Voir l'article 44 bis du
C.D.P.F.).
Il n'en est pas de même concernant la dernière
hypothèse relative à la taxation d'office en cas de
désaccord entre l'administration fiscale et le contribuable sur les
résultats de la vérification. Dans ce cas, l'administration
sanctionne le contribuable, qui, bien qu'ayant
accompli ses obligations fiscales, n'a pas abouti à un
accord avec l'administration. Or, le fonctionnement du système de
contrôle fiscal selon les règles du droit commun,
c'est-à-dire selon les procédures contradictoires, est tributaire
de l'existence de la déclaration fiscale. C'est seulement autour de
cette pièce que le dialogue doit être établi entre le
contribuable et le fisc. Toutefois, en vertu de l'article 47 du C.D.P.F.,
l'existence de la déclaration, dont le contenu est librement
déterminé par le contribuable présumé de bonne foi,
ne l'épargne pas de la menace de se voir déchu des
procédures contradictoires.
A ce niveau, deux remarques semblent s'imposer. Tout d'abord,
il convient de rappeler que les anciennes dispositions du C.I.R.P.P. et I.S.
(l'article 66) ne prévoyaient pas, parmi les cas d'ouverture de la
procédure de taxation d'office, ce cas de taxation d'office basé
sur le désaccord entre le contribuable et l'administration fiscale sur
les résultats de la vérification. Il s'agirait donc d'une
innovation du C.D.P.F. dans le sens du renforcement des pouvoirs du fisc au
détriment du contribuable, fût-il de bonne foi. Ensuite, il
convient de s'arrêter sur l'apport de l'article 57 de la loi de finances
pour l'année 2007 qui est venu ajouter un nouvel article au C.D.P.F. ;
l'article 44 bis226. Dans l'exposé des motifs de cet
amendement, le gouvernement a insisté sur la nécessaire
consolidation du débat entre le fisc et le contribuable
vérifié, et ce, avant l'établissement de
l'arrêté de taxation d'office. La garantie instituée par
l'article 44 bis du C.D.P.F. constitue certes une garantie signifiante au
profit du contribuable de bonne foi dans la mesure où il met à la
charge de l'administration l'obligation de motivation de son refus.
226 L'article 44 bis, ajouté par l'article 57 de la loi
de finances pour l'année 2007, n° 2006-85 du 25 décembre
2006, publiée au J.O.R.T. n°103, 149e année 26
décembre 2006, p.4380. L'article 57 précité dispose que :
« Lorsque le contribuable formule son opposition aux résultats
de la vérification fiscale dans les délais prévus par
l'article 44 du présent code, l'administration fiscale doit
répondre par écrit à l'opposition du contribuable. Le
rejet partiel ou total par l'administration fiscale de l'opposition du
contribuable doit être motivé. Cette réponse est
notifiée conformément aux procédures prévues par
l'article 10 du présent code. Est accordé au contribuable un
délai de quinze jours à compter de la date de la notification de
la réponse de l'administration fiscale, pour formuler par écrit
ses observations, oppositions et réserves relatives à cette
réponse ». Voir également la note commune n°
15-2007 portant commentaires des dispositions précitées. Voir
http://www.impots.finances.gov.tn/documentation/notes_communes_fr/NC2007/nc15_2007_fr.pdf,
visité le 28 / 6/2008.
Cependant, l'administration fiscale demeure souveraine dans
l'appréciation de l'existence du désaccord, motif essentiel
d'ouverture de la taxation d'office. En effet, elle garde le pouvoir
d'apprécier le contenu de la réponse du contribuable. Elle peut
refuser les contestations et les observations du contribuable comme elle peut
les accepter.
Ainsi, en cas de refus total des contestations
soulevées, l'administration fiscale doit, aux termes de l'article 47 du
C.D.P.F., prendre un arrêté de taxation d'office. Le tribunal de
première instance de Sfax dans un jugement n° 186 du 24
décembre 2003 a clairement décidé que lorsque le
contribuable fait parvenir ses contestations dans le délai légal,
l'administration peut, soit les accepter, soit les refuser227. De
surcroît, l'expression « désaccord entre l'administration
fiscale et le contribuable» brille par son imprécision. Il
s'agirait en fait d'un « fourre tout, on peut tout y mettre
»228. Le contribuable aura donc tendance à suspecter une
notion aussi incertaine, empreinte de subjectivité, source potentielle
d'insécurité juridique et peut être même
d'arbitraire, puisque, pour fonder le recours à la taxation d'office, il
suffirait, à l'administration fiscale d'invoquer l'échec de la
procédure de vérification n'ayant pas abouti à un accord
avec le contribuable. « Ainsi, tout se passe comme si le contribuable
est tenu de se conformer à l'attitude de l'administration fiscale, sous
peine d'être taxé d'office. Même s 'il est honnête, le
contribuable sera tenu de consentir aux résultats de la
vérification fiscale afin d'éviter la taxation d'office
»229 .
227 Le tribunal de première instance de Sfax, jugement
n° 186 du 24/12/2003 publié à la Revue tunisienne de
fiscalité, « Chronique de jurisprudence fiscale tunisienne
», n° 4, p. 225.
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228 BACCOUCHE (Néji) : «De la
nécessité du contrôle fiscal», article
précité, p.24.
229 KRAIEM (Sami) : « La taxation d'office en droit
tunisien », article précité, n°7, 2007, p.354.
Cependant, la jurisprudence fiscale tunisienne accorde une
importance particulière à la réponse du contribuable et a
jugé comme irrégulière la taxation d'office qui a
négligé la dite réponse, bien qu'elle ait
été formulée dans le délai
imparti230.
Il résulte de ce qui précède que le cadre
juridique de la procédure de taxation d'office témoigne d'un
souci embryonnaire de la protection du contribuable de bonne foi. Pour cette
raison, « L'administration fiscale en Tunisie doit cesser de concevoir
la taxation d'office comme une sorte d'arme fatale par laquelle elle risque de
détruire les innocents en même temps que les coupables. Aussi
convient-il d'orienter cette procédure vers la conciliation de la
nécessité de réprimer la fraude fiscale avec un besoin non
moins indispensable de protéger les contribuables honnêtes
»231. Or, « l'expérience montre que
l'administration n'a pas toujours respecté le cadre qu'elle s'est
fixée. A cet égard, l 'autolimitation de l'administration n'est
pas un moyen souhaitable de protection des administrés dans un Etat de
droit où tous les pouvoirs sont liés par des règles
précises et où il n'y a pas lieu à l'arbitraire
»232.
Ainsi, mettre une limite au désir, sans limites, de
l'administration suppose alors de borner, légalement son action, seul
moyen de lui ôter tout désir de pressurer les contribuables de
bonne foi.
Dans l'attente d'une intervention législative, le juge
fiscal, par-delà l'imperfection du cadre juridique existant, assure-t-il
une meilleure protection au contribuable de bonne foi dans le cadre contentieux
?
230 Le tribunal de première instance de l'Ariana,
requête n° 500 du 25/01/2007 (inédit), a jugé que :
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H t\]~~~ g- BbAJ W~~E~~ '~~~t~ F~tS ~~ ,~~ ~~*~~ ~~ <~> ~
231 KRAIEM (Sami) : « La taxation d'office en droit
tunisien », Revue tunisienne de fiscalité, n°7, 2007,
p.368.
232 BESBES (Slim) : « Le Principe de la
légalité de l'impôt en droit tunisien »,
thèse précitée, p.436.
CHAPITRE II : LA DIFFICULTÉ DE LA PREUVE DE
LA BONNE FOI DEVANT LE JUGE
Devant le juge, le contribuable doit pouvoir être en
mesure d'apporter la preuve de sa bonne foi233. Or, « Pour
être efficace, le droit de preuve doit concilier les exigences du
rendement fiscal et de justice fiscale, c'est-à-dire permettre à
l'administration de rectifier les impositions des dissimulateurs, mais aussi au
contribuable loyal d'échapper à la surtaxation en pouvant se
défendre utilement»234. Cependant, la preuve de la
bonne foi, qui permet d'être digne de protection, est
particulièrement délicate, voire difficile à apporter.
Cette difficulté de la preuve de la bonne foi peut être
examinée aussi bien au niveau de la charge de la preuve (Section I)
qu'au niveau de son administration (Section II).
SECTION I- AU NIVEAU DE LA CHARGE DE LA PREUVE
Afin de faciliter l'accomplissement par l'administration
fiscale de sa mission de contrôle et de vérification, le C.D.P.F.
la décharge du fardeau de la preuve. C'est le contribuable, fût-il
de bonne foi, qui la supporte235.
Ce renversement semble inévitable eu égard
à l'existence de différents mécanismes juridiques à
même de décharger l'administration fiscale avec la plus grande
aisance de la charge de la preuve lui incombant et auxquels elle fait recours
de manière quasi-systématique. Il s'agit en effet des
mécanismes de la taxation d'office (Paragraphe 1) ainsi que des
présomptions légales (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Le mécanisme de la taxation
d'office
La mise en oeuvre du mécanisme de la taxation d'office
produit des conséquences sur le terrain de la preuve. Il s'agit
principalement du renversement de la charge de la preuve au détriment du
contribuable de bonne foi.
233 La preuve étant « l'effort à
accomplir, une fois l'instance engagée, pour obtenir la confirmation
judiciaire d'une allégation relative à un point de fait.
», PACTET (Pierre) : « Essai d'une théorie de la preuve
devant la juridiction administrative », thèse pour le doctorat
en droit, Paris, éditions A. Pédone 1952, p. 4.
234 RICHIER (Daniel) : « Les droits du contribuable dans
le contentieux fiscal », Paris, L.G.D.J., 1997, p.287.
235 La charge de la preuve étant « le fait de
produire devant le juge des éléments de conviction susceptibles
d'établir la vérité d'une allégation. »,
PACTET (Pierre) : « Essai d'une théorie de la preuve devant la
juridiction administrative », thèse pour le doctorat en droit,
Paris, éditions A. Pédone 1952, p. 4.
Ce renversement est, non seulement imperméable à la
présomption d'exactitude de la déclaration (A), mais, il est
également, imperméable à la notion de demandeur effectif
(B).
A- Un renversement imperméable à la
présomption d'exactitude
L'imperméabilité du renversement de la charge de
la preuve à la présomption d'exactitude se mesure eu égard
aux implications de la présomption (1) confrontées aux
implications de la solution préconisée par le législateur
à travers l'article 65 du C.D.P.F. (2).
1 °- Les implications de la présomption
d'exactitude
Le système d'imposition en Tunisie est principalement
déclaratif236. Il se base en effet sur le dépôt
spontané, par le contribuable, de ses déclarations
fiscales237.
Le principe déclaratif permet, théoriquement, au
contribuable, qui a rempli sa déclaration, de bénéficier
d'une présomption d'exactitude238. Tel est le cas en droit
fiscal français où la déclaration produite par le
contribuable bénéficie d'une présomption d'exactitude et
de sincérité.
Pareille présomption offre indéniablement, au
contribuable, une garantie précieuse en matière de preuve. En
effet, en cas de contentieux ultérieur, il ne lui appartiendrait pas
d'apporter la preuve du montant de la matière imposable. Une telle
tâche incomberait à l'administration qui devrait dès lors
combattre la présomption d'exactitude attachée à la
déclaration239.
236 En effet, le droit fiscal tunisien
généralise l'obligation de produire une déclaration depuis
1997. A partir de cette date, tous les impôts ; qu'ils soient
prélevés au profit de l'Etat ou des collectivités locales,
sont devenus déclaratifs. La déclaration étant la
procédure de principe pour établir l'impôt,
l'administration n'intervient, dans ce cadre, qu'accessoirement. En effet, elle
peut intervenir pour établir l'impôt soit au moyen du recensement
soit pour relayer la défaillance du contribuable. S'agissant de
l'opération de recensement, l'administration fiscale envoie ses agents
sur le terrain pour rechercher les contribuables et la matière imposable
et procéder ainsi à son évaluation.
En Tunisie, ce système a perduré jusqu'à
1997 pour la taxe locative (qui était un impôt local
calculé sur la base de la superficie et du nombre de services rendus
indépendamment de celui qui occupe le local (le propriétaire
lui-même ou le locataire). Tous les trois ou cinq ans, les agents
municipaux procédaient à un recensement sur le terrain du parc
immobilier situé sur le périmètre communal. Après
1997, le recensement a été maintenu en matière de taxe sur
les immeubles bâtis et de taxe sur les immeubles non bâtis
(opération à effectuer tout les 10 ans) mais son objectif est
désormais de vérifier la maîtrise de l'assiette de cet
impôt. En outre, l'administration peut intervenir pour établir
unilatéralement l'impôt en cas de défaillance du
contribuable ou selon les termes du C.D.P.F. en cas de défaut de
déclaration, et ce, selon les articles 47 § 2, 48 et 49 du C.D.P.F.
qui organisent ce cas d'évaluation par l'administration fiscale.
237 Voir l'article 2 du C.D.P.F.
238 L'administration se trouve liée par le contenu des
déclarations Le droit pour le contribuable à être
imposé sur les éléments déclarés a pu
être considéré par la doctrine comme étant un «
droit fondamental », PUPIER (Alain) : « Le
contrôle fiscal : drame ou relation juridique ? », Revue de la
recherche juridique, droit prospectif, Presses universitaires d'Aix-Marseille
1997-1, p. 315.
239 BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal », Gazette du Palais, 1983,
n°1, p.150.
Le législateur français a expressément
consacré le principe d'attribution de la charge de la preuve à
l'administration fiscale240. Deux cas de figure sont alors
envisageables.
S'agissant du contribuable qui a, régulièrement,
produit sa déclaration, ce dernier bénéficie de la mise en
oeuvre d'une procédure de redressement contradictoire241. En
cas de contentieux ultérieur, la charge de la preuve incombe à
l'administration fiscale242. En revanche, le contribuable en
défaut, perd le bénéfice de la présomption
d'exactitude et encourt une procédure de redressement d'office laquelle,
entraîne un renversement de la charge de la preuve en faveur de
l'administration243. Devant le danger de cette procédure de
redressement d'office, le législateur français a insisté
sur son caractère exceptionnel244.
Ainsi, depuis 1987, il a réduit son champ d'application
par la suppression de la procédure de rectification
d'office245 et de la taxation d'office en fonction des
dépenses personnelles, ostensibles ou notoires. Ce qui a permis de
limiter davantage les cas de renversement de la charge de la preuve au
détriment du contribuable. Autrement dit, en droit français, le
principe, de base, reste l'attribution de la charge de la preuve à
l'administration fiscale. Son renversement n'est qu'exceptionnel et il se
justifie par le manquement, du contribuable, à ses obligations
déclaratives ou comptables.
240 Selon l'article L.192 du L.P.F. « lorsque l'une
des commissions visées à l'article L.59 est saisie d'un litige ou
d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de
réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission
».
Il convient de souligner que l'article L.192 du L.P.F. «
ne concerne a priori que le cas où la commission
départementale a été saisie. Mais il est vrai que cet
article peut se lire comme exprimant la règle, plus
générale, suivant laquelle la preuve du bien-fondé d'un
redressement incombe en principe à l'administration dès lors que
ce redressement est contesté. », le commissaire du
gouvernement ARRIGHI DE CASANOVA (Jacques), Conclusions sous C.E. 20 mai 1998,
requête n°159877, 8 et 9 sous section, Sté Veticlam, Revue de
droit fiscal, 1998, n°44, commentaires 979, p.1390.
241 Voir l'article L.55 du L.P.F.qui dispose que : «
Sous réserve des dispositions de l'article L.56, lorsque
l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude,
une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de
base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes
quelconques dues en vertu du code général des impôts, les
redressements correspondants sont effectués suivant la procédure
de redressement contradictoire définie aux articles L.57 à L.
61A».
242 Article L.55 du L.P.F. dispose que : «Lorsque
l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude,
une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de
base au calcul des impôts(...) les redressements correspondants sont
effectués suivant la procédure de redressement contradictoire
définie aux articles L.57 à L.61 A ».
- Article L. 192 du L.P.F. dispose que : «(...)
l'administration supporte la charge de la preuve en cas de
réclamation».
243 Voir l'article L.193 du L.P.F.
244 L'article 65 du L.P.F., créé pour introduire la
section V réservée aux procédures d'office,
présente l'intérêt de rappeler que ces procédures,
dérogatoires au droit commun, sont limitativement
énumérées par la loi.
245 Article L. 75 L.P.F.
Paradoxalement, le droit fiscal tunisien ne semble pas respecter
la logique du système déclaratif. C'est ce qui découle de
la solution préconisée par l'article 65 du C.D.P.F.
Quelles sont alors ses implications ?
2 ° - Les implications de la solution
préconisée par l'article 65 du C.D.P.F.
Alors que le droit français se caractérise par
la généralisation de l'obligation de prouver mise à la
charge de l'administration fiscale et par «la quasi-disparition des
renversements de la charge de la preuve »246, le droit
fiscal tunisien est muet sur la charge de la preuve incombant à
l'administration fiscale. En revanche, la disposition prévue par
l'article 65 du C.D.P.F. attribue, systématiquement, la charge de la
preuve au contribuable. Cette dévolution de la charge de la preuve au
contribuable implique nécessairement la remise en cause de la
présomption d'exactitude. Plus grave encore, «L'absence de
présomption d'exactitude ne débouche aucunement sur une simple
relativisation de la déclaration. Elle débouche
véritablement sur la destruction du procédé. Au
système de la déclaration serait substitué le
système du forfait »247. Le législateur
tunisien semble assimiler, de facto, la déclaration à un
simple document d'information, ce qui revient à ouvrir grandes les
portes d'abus de la part des agents du fisc. Ces derniers n'hésiteraient
pas à l'écarter quand bon leur semble. Or, pour que le
système déclaratif fonctionne correctement, la déclaration
doit pouvoir bénéficier d'une certaine valeur juridique. Puisque,
«la déclaration repose sur une participation active du
contribuable au processus d'imposition. Il est nécessaire, à
défaut de preuve contraire, de considérer que l'administré
se plie de bonne foi à ses obligations »248. Il
s'agit principalement d'une nécessité pratique. L'administration
fiscale étant dans l'impossibilité matérielle de
procéder seule à la détermination de la matière
imposable, le contribuable est certainement mieux placé pour fournir les
données exactes, nécessaires à son imposition.
246 HERTZOG (Robert) : « La réforme du
contentieux fiscal : l'assouplissement et la simplification des
procédures contentieuses », in «
L'amélioration des rapports entre l'administration fiscale et les
contribuables », Actes du colloque de la société
française de droit fiscal, du 15-16 septembre 1988, la
société française de droit fiscal, Université
d'Orléans 1988, PUF, 1989, p. 241.
247 BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal », Gazette du Palais, 1983,
n°1, p.149
248 Ibid.
Avant l'entrée en vigueur du C.D.P.F., la Charte du
contribuable a consacré explicitement la présomption d'exactitude
de la déclaration : « le système fiscal tunisien se
caractérise par le dépôt spontané des
déclarations par les contribuables. Ces déclarations sont
présumées exactes »249. L'absence d'une
telle mention du corpus législatif en vigueur est regrettable, car elle
est de nature à affaiblir la protection due au contribuable qui se plie
de bonne foi à ses obligations.
Il convient alors de s'interroger si ce renversement n'aboutit
pas à faire de « la fraude et la dissimulation (...) des moyens
de légitime défense »250? D'autant plus que
l'établissement de l'arrêté de taxation d'office place
systématiquement le contribuable en position de demandeur à
l'instance.
B- Un renversement imperméable à la notion de
demandeur effectif
En vertu de l'article 65 du C.D.P.F., l'opposition contre
l'arrêté de taxation d'office transforme le contribuable
débiteur de l'impôt, en demandeur à l'instance. Ceci est
compréhensible compte tenu du privilège du préalable, dont
bénéficie l'arrêté de taxation
d'office251. Ainsi, c'est nécessairement le contribuable qui
saisit le juge.
Cependant, que l'opposition contre l'arrêté de
taxation d'office transforme le contribuable, fût il de bonne foi, en
demandeur effectif et donc en demandeur à la preuve, est moins
compréhensible. Le demandeur effectif est celui qui, sur le plan du
fond, réclame de l'autre partie l'accomplissement d'une obligation ici
le paiement de l'impôt252.
249 La Charte du contribuable est disponible sur :
http://www.jurisitetunisie.com/tunisie/codes/cirppis/cirppis1400.htm,
visité le 28 /6/ 2008.
250 BALTUS (Marc) : « Morale fiscale et renversement du
fardeau de la preuve », in Réflexions offertes à Paul
SIBILLE (études de fiscalité), établissement Emile
Bruylant, 1981, p.129.
251 Le privilège du préalable est l'une des
caractéristiques essentielles de l'arrêté de taxation
d'office en tant qu'acte administratif unilatéral. Il a
nécessairement comme corollaire que l'administré doit intenter
une action pour contester l'acte administratif. C'est ce qui explique que
l'administration n'apparaisse que très exceptionnellement comme
demanderesse sur le plan de la procédure et que ce soit
l'administré qui supporte presque toujours l'initiative de celle-ci. Sur
la question voir DUPUIS (Georges) : «Définition de l'acte
unilatéral», in Recueil d'études en hommage à
Charles EISENMANN, p.205.
252 AFSCHRIFT (Thierry) : « Traité de la preuve
en droit fiscal », Larcier, 2e édition 2004, p.18
et 52.
Or, le contribuable, en règle avec son obligation
déclarative, proteste contre une taxation qui n'est pas conforme
à celle qu'il sollicitait dans sa déclaration253.
Autrement dit le contribuable est, simplement, celui qui, au sens
procédural du terme, saisit le juge pour combattre la décision de
l'administration de l'imposer. Il est de ce fait un demandeur qui se
défend254.
Toutefois, la véritable contestation émane de
l'administration. C'est elle qui prend l'initiative de la contestation quand
elle remet en cause des déclarations faites par le contribuable.
D'autant plus que c'est l'administration qui a une créance à
faire valoir, il lui incombe, en principe, de fournir les
éléments propres à justifier l'existence et le montant de
cette créance255.
Ainsi, il paraît logique que c'est à
l'administration de justifier le rehaussement qu'elle a opéré
à l'encontre du contribuable qui a produit ses
déclarations256. Tandis que, le contribuable
défaillant supportera la charge effective de la preuve257.
Au total, il apparaît que la protection du contribuable
de bonne foi nécessiterait qu'une distinction entre le demandeur
effectif et le demandeur à l'instance soit établie. Or, «
en droit fiscal tunisien, il y a un choix législatif clair, mais
décevant, d'attribuer systématiquement la charge de la preuve au
contribuable. Ce dernier supporte la charge de la preuve en premier
degré, alors même qu'il n'est pas le demandeur effectif, mais
simplement un demandeur à l'instance qui se défend. Il supporte
la charge de la preuve en appel même s'il est intimé et
étant, en tant que tel, véritablement défendeur au sens
procédural du terme »258.
253 MILHAU (A) : « De la déclaration du
contribuable en matière d'impôt sur le revenu »,
Thèse, Paris, 1923, p.37 cité par BERGERES (Maurice-Christian) :
« Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal
», Gazette du Palais, 1983, I doctrine, p. 150.
254 «La situation n'est paradoxale qu'en apparence,
dans la mesure où, si l'intéressé fait valoir des droits
pour se défendre, c'est bien en raison du privilège du
préalable qui fait que « d'agressé » par
l'administration fiscale dans le cadre d'une procédure administrative il
ne peut contre-attaquer que par une réclamation ou une demande
adressée au tribunal », RICHER (Daniel) : « Les
droits du contribuable dans le contentieux fiscal », L.G.D.J. 1997,
p.14.
255 ARRIGHI DE CASANOVA (Jacques) : « Champ
d'application de l'impôt et charge de la preuve, à propos de la
preuve du lieu d'utilisation du service pour les règles de
territorialité de la TVA », conclusions sous l'arrêt du
C.E. du 29 juillet 1994, n°111884, section, SA Prodes International, Revue
de jurisprudence fiscale, octobre 1994, p. 590.
256 MILHAU (A) : « De la déclaration du
contribuable en matière d'impôt sur le revenu »,
Thèse, Paris, 1923, p.37 cité par BERGERES (Maurice-Christian) :
« Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal
», Gazette du Palais, 1983, I doctrine, p. 150.
257 En droit français, ceci découle des termes
de l'article L.193 du L.P.F qui dispose : « dans tous les cas
où une imposition a été établie d'office, la charge
de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la
réduction de son imposition ».
258 KAMOUN (Fériel) : « La preuve en droit
fiscal », mémoire pour l'obtention du D.E.A. en droit des
affaires, Faculté de droit de Sfax, 2001-2002, p.56.
Il convient alors de s'interroger si le juge fiscal ne s'est
pas prononcé sur la question. Fort heureusement, dans certains
arrêts, le juge a mis une obligation de preuve à la charge de
l'administration. Cette attitude témoigne en réalité du
souci du juge de tenir compte de la notion de demandeur effectif259.
Faut-il rappeler que selon le jugement de la chambre fiscale du tribunal de
première instance de Sfax, l'administration qui allègue un fait
doit le prouver260. Une telle position a le mérité
d'alléger la rigueur de la règle prévue par l'article 65
du C.D.P.F. et par conséquent d'alléger le fardeau qui
pèse sur le contribuable de bonne foi. Puisqu'en attribuant la charge de
la preuve au contribuable taxé d'office, le législateur tunisien
fait une liaison entre les notions de « demandeur à la preuve
» et de « demandeur à l'instance » et
méconnaît de la sorte la notion de demandeur effectif. Ainsi, il
paraît fort souhaitable que le législateur abandonne la liaison
entre le demandeur à l'instance et le demandeur à la preuve pour
faire du «demandeur effectif» le critère d'attribution de la
charge de la preuve261. Pareille solution s'accorderait bien avec la
règle "actori incumbit probatio" en vertu de la quelle «
c'est normalement au fisc qu'il appartient de démontrer que
l'impôt qu'il réclame est dû : la subsistance du moindre
doute doit faire échouer ses prétentions
»262.
Il importe de signaler à ce niveau que,
l'administration fiscale considère que : « La charge de la
preuve qui incombe à l'administration consiste en la motivation des
arrêtés de l'administration relatifs à la taxation
d'office»263.
259 Voir les arrêts :
-T.A., 25 avril 1994, requête n°1173 Dans cette
affaire, le tribunal administratif a décidé que : «
Considérant que l'argument invoqué par l'administration selon
lequel la charge de la preuve en matière fiscale incombe au contribuable
ne peut être retenue que dans la mesure où il s'agit des
contribuables qui ont fait l'objet d'une preuve préalable
rapportée par l'administration établissant qu'ils exercent une
activité non déclarée ou bien qu'ils ont
procédé à des déclarations insuffisantes ou
inexactes. Cependant, pour les personnes qui soutiennent qu'elles n'ont
exercé aucune activité, par interprétation des articles 58
et 59 du Code de la patente, la charge de la preuve relative à
l'exercice de l'activité soumise à imposition pèse sur
l'administration », Voir annexe 3 p.129 et spécialement
p.130.
- T.A., cassation 19 février 1990, requête
n°823, voir annexe 3 p.114.et spécialement p.1 17.
- T.A.,
cassation, 10 mai 1993, requête n° 1055, voir annexe 3 p.125 et
spécialement p. 127.
260 Tribunal de première instance de Sfax, n°36, 9
octobre 2002. Affaire citée par KAMOUN (Fériel) : « La
preuve en droit fiscal », mémoire pour l'obtention du D.E.A.
en droit des affaires, Faculté de droit de Sfax, 2001-2002, annexe 2.
261 Voir sur la question : PACTET (Pierre) : « Essai
d'une théorie de la preuve devant la juridiction administrative
», thèse pour le doctorat en droit, Paris, éditions A.
Pédone 1952.
262 BALTUS (Marc) : « Morale fiscale et renversement du
fardeau de la preuve », in Réflexions offertes à Paul
SIBILLE (études de fiscalité), établissement Emile
Bruylant, 1981, p. 129.
263 Note commune n°9, Texte n° D.G.I. 2002 / 22, p. 96,
97, relative au contentieux de l'assiette de l'impôt devant les tribunaux
de l'ordre judiciaire objet des articles 53 à 68 du code des droits et
procédures fiscaux.
A signaler que cette position a été retenue par une
partie de la doctrine. Voir, YAICH (Abderraouf), « Théorie
fiscale », éditions R.Y, 2002, p. 225.
Cette position n'est que la redondance des débats
parlementaires qui ont précédé la promulgation du C.D.P.F.
Lors desquelles, un parlementaire a, non sans raison, critiqué l'article
65 du C.D.P.F. qui prévoit un renversement de la charge de la preuve au
détriment du contribuable taxé d'office, alors que c'est
l'administration qui devrait supporter la charge de la preuve de l'inexactitude
des déclarations.
Le ministre des finances a alors rétorqué que
« cet article (l'article 65) est applicable actuellement et
il ne pose pas problème et en plus il y a une nouveauté : c'est
l'obligation de motivation. L'obligation nouvelle de motivation de
l'arrêté de taxation d'office signifie que l'administration, en
motivant cet arrêté (basé sur des présomptions
claires), a accompli sa mission de preuve. Et la charge de la preuve
après l 'édiction d'un arrêté de taxation d'office
devient sur les épaules du contribuable»264. Avant
d'ajouter que cette solution est applicable en droit
comparé265.
Il existe ainsi une confusion entre la motivation de
l'arrêté de la taxation d'office et la charge de la preuve. Il
s'agit, en réalité de deux notions distinctes266.
Alors que la motivation est liée aux droits de la
défense267, la charge de la preuve est liée au risque
de la preuve. D'ailleurs, le droit français qui consacre l'obligation de
motivation de l'arrêté de taxation d'office, consacre aussi un
article attribuant expressément la charge de la preuve à
l'administration fiscale268.
Or, le législateur tunisien n'a pu concevoir le
problème de la charge de la preuve que dans un seul sens; celui de
l'administration ; le contribuable, fût il de bonne foi, supporte
systématiquement la charge de la preuve
264 Débats parlementaires, J.O.R.T. n° 39,
séance du mercredi 26 juillet 2000, p.1880.
265 Débats parlementaires, J.O.R.T. n° 39,
séance du mercredi 26 juillet 2000, p.1880.
266 Voir dans ce sens SUR (Serge) : « Sur l'obligation
de motiver formellement les actes administratifs », A.J.D.A.,
juillet- août 1974, pp. 349- 367.
267 Le T.A. considère que la motivation en matière
fiscale constitue un élément des droits de la défense, car
elle permet au contribuable de contester la taxation.
-T.A., 19 février 1990, requête n°85 1.
- T.A., 19 février 1990, requêtes n°978 et 966.
Voir annexe 3 p.1 19 et spécialement 120.
Le tribunal de première instance de l'Ariana,
requête n° 438 du 21 juin 2007 (Inédit), a défini
l'obligation de motivation de l'arrêté de taxation en
décidant ce qui suit :
L~~S ~i P.G~~#~#>Ok~ i] b ~~~~~S~
~~#$~"#~#>O~L~iJ~~~ jj3 ~~~~~ ~~~"~ !~~~ ~]~~~~~J~~~
~]~~X~~~~ L.&>"~1 J sr L~~2~~~~ ~AJ~ d~=~ Y
6 ~~#J ~Zà ~8X~~~ ~]~~~G~4
'L~~~~
T~J= ~~#GO ~~~l~ c~r ]~_\ 6 o6 ~ 6C6 ` , ~ 50
JA.~~F~/çj~>*E~ L~N~~~~ ~~#X P~~~O ~~~>~~~ W~~4 3~~
H]#8 ~~ F*< ,z d~=~
~~#X ~~~/E~ '~~~~~ F~~S ~~
~]~$~>~~~ ~~~V~~~ P~~~~~ W~~E~ ~~O~ ~~~ ,i ~]~~X~JiJ
4]~~jii~ ~"~~ (jt~>~cLrJ '~~~~~ Fi~S i ~~~~ V
6Y ~à'~V
3~~ 4~~\~ J$"~~~~j, ~~~8X~~~ I 3]~~~~
3= j>*E L~N~~~~
268 Article L. 192 du L.P.F.
Il apparaît alors légitime de conclure que devant
le juge, le contribuable de bonne foi est doublement pénalisé ;
au premier degré comme au second269. La protection du
contribuable de bonne foi ne sera assurée qu'à la condition de
protéger ce dernier contre un renversement général de la
charge de la preuve, et imperméable à la présomption
d'exactitude de la déclaration, mais également à la notion
de demandeur effectif.
A défaut, les rapports entre le fisc et le contribuable
demeurent conflictuels. Cette crainte se confirme notamment dans les cas de
recours, par le fisc, au mécanisme des présomptions
légales270.
Paragraphe 2 - Le mécanisme des présomptions
légales
« Pour échapper à l'obligation de
prouver, le fisc se fait de plus en plus souvent reconnaître le profit
des présomptions légales, qui renversent la charge de la
preuve »271. Le législateur a fait
bénéficier l'administration de présomptions légales
lui conférant à la fois la possibilité de réclamer
l'impôt tout en étant dispensée de prouver qu'il est
réellement dû.
269 En effet, l'article 68 du C.D.P.F. dispose que : «
Les dispositions des Articles 56, 57, 58 et 63 à 66 du
présent code sont applicables à l'appel ». Cet article
applicable en appel, fait renvoi à l'article 65, applicable en premier
degré, selon lequel la charge de la preuve incombe au contribuable
taxé d'office. Ainsi, en appel, le contribuable supporte
systématiquement la charge de la preuve, quelle que soit sa position,
même dans le cas où c'est l'administration qui interjette appel.
Il importe d'ajouter que, lors des débats parlementaires, il a
été demandé d'écarter l'application de l'article 65
en appel. Cependant cette demande n'a pas été retenue.
Débats parlementaires, p.1937.
270 « Toute théorie de la preuve comporte
l'examen de deux sortes de présomptions : les présomptions
légales (simples ou irréfragables) et les présomptions de
l'homme ». DERUEL (François -Patrice) : « La preuve
en matière fiscale », thèse Paris 1962, p. 131.
(Dactylographiée).
D'ailleurs, dans le C.O.C. le législateur distingue
entre ces deux types de présomptions. Selon l'article 479 du C.O.C.
« Les présomptions sont des indices au moyen desquels la loi ou
le juge établit l'existence de certains faits inconnus ». Les
articles 480 à 485 du C.O.C concernent « des présomptions
établies par la loi » ; Les articles 486 et suivants concernent
« des présomptions qui ne sont pas établies par la loi
».
Seules les présomptions légales seront
examinées ici car ce sont elles qui agissent sur la charge de la preuve.
Les présomptions de l'homme concernent plutôt les moyens de
preuve
L'article 427 du C.O.C. dispose que : « Les moyens de
preuve reconnus par la loi sont : 1-L'aveu de la partie ;
2-La preuve littérale ou écrite ;
3-La preuve testimoniale ;
4-La présomption ;
5-Le serment et le refus de le prêter. »
271 BALTUS (Marc) : « Morale fiscale et renversement de
la charge de la preuve », in Réflexions offertes à Paul
SIBILLE, Bruxelles, 1981, p.129
Tout l'intérêt du recours à ces
présomptions réside dans leur commodité. En effet,
« le fardeau qui pèse sur le bénéficiaire de la
présomption est sensiblement allégé : il doit apporter
seulement la preuve de l'existence du fait qui a servi de point de
départ dans l'induction légale »272.
Le législateur définit la présomption
légale à travers l'article 480 du C.O.C. comme étant
« celle qui est attachée par la loi à certains actes ou
à certains faits ». Il s'agit ainsi d'indices au moyen
desquels la loi établit l'existence de certains faits inconnus. Le
passage de faits connus aux faits inconnus se fait par induction.
Selon qu'elle est relative (A) ou irréfragable (B), la
présomption légale entraîne soit un renversement de la
charge de la preuve soit plus radicalement une suppression du droit de la
preuve contraire.
A- Les présomptions relatives
En matière fiscale, l'importance des présomptions
légales relatives (simples) dépend de la nature de
l'imposition.
« A l'heure actuelle, ces présomptions sont
particulièrement étendues en matière de droit
d'enregistrement »273. En effet, «
l'enregistrement est, pour la preuve, le domaine rêvé des
solutions autoritaires et préfabriquées, c'est-à-dire des
présomptions légales instituées au profit exclusif du
trésor »274.
Elles portent sur le fait générateur de
l'imposition. L'administration est alors dispensée de fournir toute
preuve relative à l'existence de la mutation.
272 BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal », Gazette du Palais, 14 avril
1983, p.150.
273 Ibid.
274 DERUEL (François -Patrice) : « La preuve en
matière fiscale », thèse Paris 1962, p. 297.
(Dactylographiée).
Ainsi en est-il par exemple des présomptions de transfert
de propriété 275 et des présomptions de
possession en matière de droits de succession276.
Le domaine des successions est particulièrement riche en
présomptions légales tant pour l'évaluation de
l'actif277 que pour l'appréciation du passif
déductible278.
En matière d'impôts directs, les
présomptions légales sont également nombreuses. A titre
d'illustration, la présomption de distribution de
bénéfices, prévue par l'article 29 du C.I.R.P.P et de
l'I.S., qui dispose que : « II. Sont à ce titre
considérés comme revenus distribués :
1-Tous les bénéfices ou produits qui ne sont ni
mis en réserve ni incorporés au capital ;
2-Toutes les sommes ou valeurs mises à la
disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non
prélevées sur les bénéfices
»279. Ce texte a été complété par
l'article 30 du C.I.R.P.P et de l'I.S. aux termes duquel :
275 L'article 81 du Code des droits d'enregistrement et de timbre
dispose que : « Sauf preuve contraire, et pour l'exigibilité
des droits d'enregistrement et des pénalités, sont suffisamment
établies :
1- La mutation d'un immeuble en propriété,
nue-propriété ou usufruit par : -le dépôt d'une
demande d'immatriculation au nom du nouveau possesseur.
-tous actes et écrits révélant
l'existence de la mutation ou constatant le droit du nouveau possesseur sur
l'immeuble.
2- La mutation de propriété d'un fonds de
commerce ou de clientèle, par tous les actes et écrits en
révélant l'existence ou constatant le droit du nouveau possesseur
ou par les paiements d'impôts auxquels sont assujettis les
commerçants ».
276 Voir en ce sens GROSCLAUDE (Jacques) et MARCHESSOU (Philippe)
: « Droit fiscal général », Dalloz 1997, p.359
et suivants.
277 L'article 40 du Code des droits d'enregistrement et de
timbre, relatif à l'évaluation de la succession, dispose que :
« (...) Toutefois, pour les meubles et meublants et sans que
l'administration ait à prouver leur existence, la valeur imposable ne
peut être inférieure à 5 pour cent de la valeur brute de
l'ensemble des autres biens héréditaires, sauf preuve
contraire ».
278 Il y a des dettes dont la déduction de l'actif est
interdite par le jeu des présomptions légales. Ainsi, l'article
50 du Code des droits d'enregistrement et de timbre, relatif au passif non
déductible, dispose que : « I. ne sont pas déductibles
:
1-Les dettes échues depuis plus de six mois
à la date d'ouverture de la succession, à moins qu'il ne soit
produit une attestation du créancier en certifiant l'existence à
cette époque ; (présomption que ces dettes ont été
réglées par le de cujus)
2-Les dettes contractées par le défunt
auprès de ses héritiers ou des personnes interposées.
Néanmoins, lorsque la dette résulte d'un acte authentique ou d'un
acte sous seing privé ayant date certaine avant l'ouverture de la
succession autrement que par le décès d'une des parties
contractantes, les héritiers, donataires et légataires et les
personnes réputées interposées, ont le droit de prouver la
sincérité de cette dette et son existence au jour de l'ouverture
de la succession ; ...
II. sont réputées personnes interposées
au sens des dispositions du paragraphe I deuxièmement du présent
article:
1-L es père et mère, les enfants, les
descendants et le conjoint de l'héritier, donataire ou légataire
;
2-En matière de succession entre époux, les
enfants du conjoint survivant issus d'un autre mariage et les parents dont ce
conjoint est héritier présomptif ».
279 La suite de l'article 29 II concerne la présomption de
transfert de bénéfices à l'étranger.
« Sont assimilés à des revenus
distribués :
1- Sauf preuve contraire, les sommes mises à la
disposition des associés, directement ou par personnes
interposées, au titre d'avances, de prêts ou d'acomptes à
l'exception de celles servies entre la société mère et ses
filiales280.
Lorsque ces sommes sont remboursées à la
personne morale, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait
donné lieu est imputée sur l'impôt au titre de
l'année du remboursement ou des années suivantes.
2- Les rémunérations, avantages et
bénéfices occultes.
3-Les jetons de présence et les tantièmes
attribués aux membres du conseil d'administration ou du conseil de
surveillance en leur dite qualité ».
« Toutes ces présomptions légales sont
simples, mais, outre qu'elles peuvent pour certains contribuables
dépourvus de moyens de preuve utilisables, s'avérer
irréfragables en fait, elles ne sont pas exclusives de
présomptions irréfragables »281. En effet,
des présomptions simples peuvent devenir irréfragables par
l'impossibilité matérielle de les combattre. D'autant qu'
« il est possible de concevoir une présomption formellement
simple mais qui ne souffrira dans la réalité, que très
difficilement de la preuve contraire »282.
La preuve de la bonne foi se complique davantage s'agissant des
présomptions formellement irréfragables.
280 Selon la note commune n°16 / 1995, relative au
commentaire des dispositions des articles 50, 51, 52 et 53 de la loi
n°94-127 du 26 décembre 1994, relatifs au régime fiscal des
jetons de présence, : « La preuve contraire doit être
établie par l'associé ou l'actionnaire qui doit démontrer
que l'opération ne revêt pas le caractère de
distribution.
A ce titre la preuve contraire peut être
démontrée :
* si le prêt, objet de la présomption de
distribution, a été conclu par un contrat dûment
établi, préalablement à l'opération de remise des
sommes présumées distribuées moyennant un taux
d'intérêt normal et que les conditions de remboursement sont
fixées.
* si les avances consenties par la société
à un associé sont réalisées dans le cadre
d'opérations commerciales normales...
* si l'avance ou le prêt a fait l'objet de
remboursement avant l'intervention des services de contrôle...
».
281 MOLINIER (Joël) : « La preuve en droit
fiscal français », Revue juridique et politique
:Indépendance et coopération, XVIIe Congrès de l'I.D.E.F.
:La preuve devant le juge, Bruxelles-Luxembourg, n° 1 et 2, 39e
année, Paris, Ediena, 1985, p. 741.
282 BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal », Gazette du Palais, 1983,
n°1, p.151
B- Les présomptions irréfragables
La présomption légale irréfragable
dispense celui au profit duquel elle joue de la charge de la
preuve283. Voire plus, elle ne permet pas à la partie adverse
de la combattre par la preuve contraire. Elle entraîne ainsi une
suppression de la preuve.
Le législateur tunisien semble considérer que
« la présomption jouit d'un degré de probabilité
tellement élevé qu'elle peut être dotée
juridiquement d'une valeur de vérité absolue ne pouvant pas
être combattue par la preuve contraire et conduisant ainsi à la
négation des droits des contribuables »284. Ainsi
conçues, les présomptions légales irréfragables
sont d'une force probante incontestable. A titre d'illustration, on peut
avancer l'exemple de la présomption de fraude instituée par
l'article 8 du C.D.P.F. qui dispose que les agents de l'administration «
sont habilités, en cas d'existence de présomption d'exercice
d'une activité soumise à l'impôt et non
déclarée ou de manoeuvres de fraude fiscale, à
procéder, conformément aux dispositions du code de
procédure pénale, à des visites et perquisitions dans les
locaux soupçonnés en vue de constater les infractions commises et
de recueillir les éléments de preuve y afférents. Les
agents de l'administration fiscale peuvent procéder à la saisie
de tous documents ou objets prouvant l'exercice d'une activité soumise
à l'impôt et non déclarée ou présumant une
infraction fiscale ». Cette présomption légale de
fraude est contestée quant à sa conformité avec la
Constitution qui consacre dans son article 12 la présomption
d'innocence285.
Au demeurant, si les présomptions légales
constituent un moyen efficace de lutte contre la fraude, «
l'efficacité est même parfois excessive car la
présomption est nécessairement aveugle. Elle enferme dans ses
rets tous les contribuables, qu'ils soient de bonne ou de mauvaise foi
»286. Elle paralyse le plus souvent les contribuables et plus
particulièrement les contribuables de bonne foi287.
283 Exemple : la présomption de l'autorité de la
chose jugée qui exige l'identité de personnes, l'identité
de l'objet et l'identité de cause). Voir l'article 156 du Code du statut
personnel ou l'article 566 du C.O.C.
284 ABOUDA (Abdelmajid) : « Code des droits et
procédures fiscaux: contrôle, contentieux et sanctions
», Tunis, Publications de l'IORT, 2001, p. 153.
285 Cet article dispose que : «Tout prévenu est
présumé innocent jusqu'à l'établissement de sa
culpabilité à la suite d'une procédure lui offrant les
garanties indispensables à sa défense».
286 BERGERES (Maurice-Christian) : «Quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal», article précité,
p.150 et 151.
287 BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal », article
précité, p.153.
D'ailleurs, l'embarras du contribuable persiste ; aux
difficultés au niveau de la charge de la preuve de sa bonne foi
s'ajoutent des difficultés au niveau de son administration.
SECTION II - AU NIVEAU DE L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE
En théorie, la mauvaise foi ne se présume pas. A
l'inverse, la présomption de bonne foi ne tombera que sous l'effet d'une
preuve contraire. Cependant, en matière fiscale, le contribuable qui
voudra faire reconnaître sa bonne foi en justice, devra, en vertu de
l'article 65 du C.D.P.F., établir la réalité de ce dont il
se prévaut. Paradoxalement, l'administration fiscale qui, de par la loi,
n'est pas tenue de prouver; dispose de moyens énergiques qui lui
facilitent l'administration de la preuve288. En revanche, le
contribuable, fût il de bonne foi, supporte la charge d'une preuve qu'il
n'est pas toujours en mesure d'apporter.
L'embarras du contribuable dans l'administration de la preuve
de sa de bonne foi se manifeste tant au niveau de l'objet de la preuve
(Paragraphe I), qu'au niveau des moyens de la preuve (Paragraphe II).
Paragraphe 1 - L'objet de la preuve
En vertu de l'article 65 du C.D.P.F., « Le
contribuable taxé d'office ne peut obtenir la décharge ou la
réduction de l'impôt porté à sa charge qu'en
apportant la preuve de la sincérité de ses déclarations,
de ses ressources réelles ou du caractère exagéré
de son imposition ». Il en résulte que le contribuable est
astreint à l'apport, soit de la preuve de ses ressources réelles
soit du caractère exagéré de son imposition. Une preuve
généralement difficile voire, parfois, impossible à
apporter. Outre la charge de la preuve des ressources réelles ou de
l'exagération de l'imposition, le C.D.P.F. ajoute une obligation de
preuve de la sincérité des déclarations289.
288 Il s'agit du droit de communication ; des demandes de
renseignements, d'éclaircissements et de justification, du droit de
visite, de perquisition et de saisie.
289 L'article 67 §5 du C.I.R.P.P et de l'I.S.
abrogé disposait que « Le contribuable taxé d'office en
application de l'article 66 du présent code, ne peut obtenir la
décharge ou la réduction de l'impôt qui lui a
été assigné qu'en apportant la preuve, soit de ses
ressources réelles, soit de l'exagération de son imposition
».
Une première lecture de cet article laisse penser qu'il
s'agit d'une nouvelle option qui s'offre au contribuable. Cependant, sa version
arabe, étant celle qui fait foi, semble infirmer cette
lecture290. En effet, il en résulte que la preuve de la
sincérité des déclarations et la preuve des ressources
réelles doivent être apportées d'une manière
cumulative.
Ainsi, le contribuable taxé d'office ne peut obtenir
décharge ou la réduction de son imposition qu'en apportant :
· la preuve de la sincérité de ses
déclarations et de ses ressources réelles (A) ou ;
· la preuve de l'exagération de l'imposition (B).
A- La preuve de la sincérité des
déclarations et des ressources réelles
Par l'exigence de la preuve de la sincérité des
déclarations du contribuable et de ses ressources réelles,
l'article 65 du C.D.P.F. opère une extension, regrettable, de l'objet de
la preuve incombant au contribuable. Une telle exigence conduit
nécessairement à « lui faire supporter la charge de la
preuve du fait négatif ce qui contredit les principes
généraux régissant le système de la preuve
»291. En outre, cette exigence met en échec la
présomption de la sincérité de tout rapport de droit
entérinée par l'article 559 du C.O.C. qui dispose que : «
Tout rapport de droit est présumé valable et conforme
à la loi, jusqu'à preuve du contraire ».
Ces aberrations ont justifié le recours d'une
partie de la doctrine à interpréter restrictivement cette
exigence de la sincérité des déclarations du contribuable
en la limitant à la preuve du dépôt des déclarations
et des actes prescrits par la loi fiscale dans les délais
légaux292.
290 Version arabe de l'article 65 du C.D.P.F.
I~~~ LN ~~ '~~~~ ,~ ~.Q~~~ ~< '~.~)fl 3~~
JJA-~~'~~w~j~~>*4'-kJ, jjX I~im !\ j~/jZ~~ '~~~~~F~~S ~i (j~ ~J :65 J-.
.4~~~ LN ~~ '~~~~ USm ur~ j< ~~J~J-~~ p~J~4J I-~~~AO ~-/
3~~ J~~~~~ r~X< ~r4 4
291 AYARI (Kamel) : « La preuve dans le contentieux
d'assiette dans le droit fiscal », Info s Juridiques, n°16/17,
janvier 2007, p.13. (En arabe)
6 13 ~-./ 2007 !.~1~ ~ ~~~~~~J~~ ~ !$~>~~~
~~~~J~~ !\ L~"~~ '~~~K~ !\ '~>eE~ ~ j~~~~~ Jt ~
292 BORGI (Sofiane) : « Dilemme de la preuve dans le
contentieux de la taxation d'office », p. 9.
http://www.profiscal.com/colloques/Soufien_borji.pdf,visité
le 28/ 04/ 2008, (en arabe)
!.~~* 4 J 3 !~~~ Y !$~>~~~ !V~J~~ "
sJ~~~ ~jJ~>*E~ L~N~~~~ '~~~i~ !\ '~>eE~ ~~b~~
,!*#>~~ ~~~."
6 &~ -./~ !$~>~~~ ûi~~J~~ ~~~~~~~~ ~~~ ~~~ ~
2002
Or, si l'exigence de la preuve de la sincérité
des déclarations astreint le contribuable de bonne foi à apporter
une preuve difficile, voire impossible, l'exigence de la preuve des ressources
réelles, quant à elle, l'astreint à apporter la preuve de
la non disposition de ressources non déclarées. Il s'agit
là de l'illustration la plus significative de la preuve négative.
En effet, l'exigence de la preuve des ressources réelles témoigne
des « nuances toutes byzantines de la notion de preuve
négative »293. « L'objet de la preuve
n'est plus alors une manifestation concrète, qui se révèle
par elle- même mais par l'absence de toute manifestation
»294.
Ainsi, dans son arrêt du 25 avril 1994, le T.A. a
déclaré que : « Considérant que l'argument
invoqué par l'administration selon lequel la charge de la preuve, en
matière fiscale, incombe au contribuable, concerne les contribuables
pour lesquels l'administration a prouvé qu'ils exercent une
activité déterminée sans déclaration ou qu'ils
aient déposé des déclarations insuffisantes ou
incomplètes(...)Pour les personnes qui soutiennent n'avoir exercé
aucune activité, par interprétation des articles 58 et 59 du code
de la patente, la charge de la preuve relative à l'exercice de
l'activité soumise à imposition incombe à
l'administration »295.
Le T.A. considérait en outre que l'administration ne
pouvait se prévaloir du texte mettant la charge de la preuve sur le
contribuable, pour échapper à l'obligation de preuve qui lui
incombait. Ainsi, avant de renverser la charge de la preuve sur le
contribuable, l'administration fiscale devait apporter la preuve de ses
assertions296.
Cette attitude du juge est louable dans la mesure où
elle contribue à adoucir cette « situation inégale que
les textes fiscaux créent souvent entre l'administration,
généralement en position de force et le contribuable »
en nette infériorité297.
293 BERGERES (Christian) : « Quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal», article précité,
p.151.
294 LARGUIER (Jean) : « La preuve d'un fait
négatif », Revue trimestrielle de droit civil, 1953, p. 3.
295 T.A. 25 avril 1994, requête n° 1173. Voir annexe
3, p. 129 et spécialement p.130.
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296 -T.A. 30 décembre 1996, requête 31345. Voir
annexe 3 p.136 et spécialement p.139.
-T.A. 30 décembre 1996, requête 31423. Voir annexe
3 p .141 et spécialement p.146.
297 FOUQUET(Olivier) : « Le Conseil d 'Etat est-il trop
indulgent à l'égard de l'administration fiscale : l'exemple de
l'imposition d'après les éléments du train de vie
», Gazette du Palais, 1983, 1er semestre, p.208.
A côté de la preuve de la
sincérité de ses déclarations et de ses ressources
réelles, le contribuable peut également obtenir décharge
ou la réduction de son imposition en apportant la preuve de
l'exagération de son imposition.
B - La preuve de l'exagération de
l'imposition
La possibilité de la preuve de l'exagération de
l'imposition est à l'origine une construction prétorienne du
Conseil d'Etat français298. Ce dernier a depuis longtemps
admis que le contribuable, à qui incombe la charge de la preuve de
l'exagération de l'évaluation administrative, peut, s'il n'est
pas en mesure d'établir le montant exact des résultats en
s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante,
soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a
suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable, en vue de
démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points
et pour un certain montant, à une exagération des bases
d'imposition. Le contribuable peut adresser des critiques en établissant
que cette méthode est erronée soit par ce qu'elle est
radicalement viciée, soit parce qu'elle est excessivement sommaire.
S'agissant de la méthode radicalement viciée,
elle a été définie par le Conseil d'Etat français
comme étant la méthode qui repose sur une erreur de raisonnement,
assimilable à une erreur de droit, ou sur des éléments non
susceptibles de fonder l'imposition299.
S'agissant de la méthode excessivement sommaire, elle
peut être critiquée en démontrant une erreur
matérielle. « Celle-ci est une erreur commise par
l'administration fiscale dans le calcul ou la qualification d'un revenu ou
d'une charge et trouve son fondement dans le principe de la
légalité de l 'impôt »300.
298 C.E., 19 décembre 1973, n° 87649, Revue de droit
fiscal, 1975, n°5, commentaires 132.
299 C.E., 12 février 1986, n° 47903, Revue de droit
fiscal, 1986, n°22, commentaires 10/85. C'est ainsi le cas du recours
à un coefficient dépourvu de tout lien avec le volume ou la
nature des affaires traitées.
300 REZGUI (Salah) : « Code des droits et
procédures fiscaux commenté », Publications de l'IORT,
2003, p. 132. C'est ainsi le cas du recours à des coefficients
arbitraires et théoriques.
Le contribuable peut, en outre, et aux mêmes fins,
« soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle
méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases
d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait
être atteinte par la méthode primitivement utilisée par
l'administration, qu'à l'appui de sa démonstration , il peut, en
cours d'instance et à la faveur notamment d'une mesure d'instruction
ordonnée par le juge, non seulement apporter tous les
éléments de preuve comptables ou extra- comptables, mais aussi se
fonder sur des faits reconnus exacts par l'administration, ou dont le
juge serait amené, en cas de contestation, à reconnaître
l'exactitude » 301.
Le T.A. exerce son contrôle sur l'appréciation
par le juge de fond des moyens basés sur l'inadéquation de la
méthode retenue par l'administration par rapport aux faits
matériels. Il exige en effet que les présomptions avancées
soient réelles et objectives sous peine de cassation302.
Ainsi, il a décidé que le jugement d'appel fondé sur des
éléments de comparaisons approximatifs, sans aucune
précision, n'était ni motivé ni convaincant, ce qui a
justifié sa cassation303.
Ainsi, les limites à la preuve par la critique de la
méthode suivie par l'administration ne cessent de se multiplier,
réduisant de la sorte la marge de manoeuvre concédée au
contribuable. Il en découle que la possibilité offerte au
contribuable pour surmonter l'handicap de la preuve négative se trouve
encerclée de barrières quasi infranchissables. « Alors
qu'on demande à l'administration pour asseoir sa taxation de simples
présomptions, on exige du contribuable une véritable preuve pour
renverser ces présomptions »304.
Toutefois, les difficultés que le contribuable doit
surmonter afin de mener à terme ses prétentions ne se limitent
pas à l'objet de la preuve. En effet, il doit également surmonter
des difficultés tenantes aux moyens de preuve.
301 C.E., 19 décembre 1973, n° 87649, Revue de droit
fiscal, 1975, n°5, commentaires 132.
302 T.A., cassation, assemblée plénière, 1
décembre 1997, requête n° 31673. Voir annexe 3 p.147 et
spécialement p.151.
303 T.A., cassation, 4 novembre 1991, n° 1078. Voir annexe
3 p.122 et spécialement p.124.
304 AYADI (Habib) : «Un cas de confusion administration
- contentieux : La taxation d'office en Tunisie », in Mélanges
offerts René CHAPUS, Paris, Montchrestien 1992, p.167.
Paragraphe 2 - Les moyens de preuve
Le contribuable même s'il est de bonne foi, n'est pas
toujours en mesure de le prouver. Cette difficulté de prouver sa bonne
foi tient tout d'abord à la restriction des moyens de preuve qu'il est
en mesure d'apporter (A). Elle tient en outre à l'exigence de la
conservation de ces moyens de preuve, pour une période assez longue
(B).
A- Des moyens de preuve à restreindre
L'administration fiscale est libre dans l'administration de
la preuve. En effet, elle peut se baser sur « la comptabilité
pour le contribuable soumis à l'obligation de tenue de
comptabilité et, dans tous les cas, sur la base de renseignements, de
documents ou de présomptions de fait et de droit
»305 Ce qui n'est pas le cas du contribuable qui se trouve
privé de certains moyens de preuve, et ce, en vertu de l'article 64 du
C.D.P.F. qui dispose que, « Les moyens de preuve prévus par les
numéros 3 et 5 de l'article 427 du code des obligations et des contrats
ne peuvent être admis par le tribunal pour prouver les allégations
des parties relatives à l'affaire ». En plus de ces
restrictions, le contribuable soumis à l'obligation de tenue de
comptabilité peut facilement se voir privé de ce moyen de preuve.
Il suffit à l'administration de s'abriter derrière les termes
ambigus de l'article 38 du C.D.P.F.
L'intervention du juge à ce niveau se fait
décisive afin de contrôler les motifs du rejet de la
comptabilité ainsi que le bien fondé du recours aux
présomptions de fait et de droit lorsque la comptabilité est
régulière.
Fort heureusement, le juge fiscal tunisien a mis en valeur
l'importance de la comptabilité306 qui constitue «
l'épine dorsale »307 des travaux de
vérification fiscale.
305 L'article 38 du C.D.P.F.
306 .
Tnbunal de première instance de Sfax, requête
n°76 de 12/5/2004. Affaire citée par DRIRA (Tarek) : «
Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne
(première instance) », Revue tunisienne de fiscalité,
n° 5, p. 199.
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307
L'expression est empruntée à DERBEL
(Fayçal) : « Comptabilité et vérification
fiscale », R.C.F. n° 49, 2000, p. 35.
Le rejet de la comptabilité a été
jugé comme étant un procédé lourd pour les
contribuables redressés en les mettant dans des situations fragiles et
précaires et en renversant la charge de la preuve. L'application de ce
procédé et le recours aux éléments extra-
comptables se justifie, dans certains cas précis, tels que le
défaut de tenue d'une comptabilité ou la tenue d'une
comptabilité entachée d'irrégularités graves
formelles et substantielles de nature à priver celle-ci de toute force
probante et qui laissent subsister des manoeuvres frauduleuses.
Néanmoins, si la régularité de la
comptabilité n'a pas été contestée,
l'administration fiscale ne doit, du moins, ne devrait, emprunter la voie des
présomptions de fait ou de droit pour établir des impositions
supplémentaires parallèlement aux redressements fondés sur
la comptabilité.
Le T.A., à travers sa jurisprudence antérieure
à la promulgation C.D.P.F., avait confirmé que le recours aux
éléments extracomptables, notamment les présomptions, et
ce, sous l'empire du C.I.R.P.P. et de l'I.S. et du code de la Patente, ne
pouvait être envisagé par les vérificateurs qu'en cas de
défaut présentation ou en cas de rejet de cette
comptabilité308. Il a également énoncé
le principe selon lequel « si le rejet de la comptabilité n'est
pas motivé d'une manière claire, le recours aux
présomptions devient douteux et
inadmissible»309.
Les juridictions du fond, particulièrement le tribunal
de première instance de l'Ariana, se sont alignées sur la
position du T.A. En effet, depuis son jugement n°55 du 19 avril 2003, le
tribunal de première instance de l'Ariana a posé le principe
selon lequel lorsque la comptabilité est jugée
régulière par le fisc, elle ne peut être
écartée par l'utilisation des moyens
extracomptables310.
308 Voir :
-.T.A, Cassation, requête n° 1186, 23 octobre 1995.
Voir annexe 3 p.132 et spécialement p.135. - T.A., requête n°
32434 du 13 novembre 2000. Voir annexe 3 p.172 et spécialement p.181.
309 Le T.A., requête n° 32434 du 13 novembre 2000, a
décidé que (arrêt précité, voir
spécialement p.180)
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310 .
Tribunal de première instance de l'Ariana, requête
n°55 du 19 avril 2003, affaire citée par ABIDA (Salma) :
« L'application du Code des Droits et Procédures
Fiscaux par le juge fiscal II : L'interprétation systématique de
l'article 38 alinéa 1er », Infos Juridiques, n° 52/53,
septembre 2008, p. 22.
Cette jurisprudence a été maintenue notamment
dans le jugement n°337 du 3 juin 2006 dans lequel le juge a rappelé
le principe selon lequel le recours aux éléments extra-
comptables nécessite au préalable la preuve de
l'insincérité de la comptabilité qui lui ôte son
caractère probant311.
Le juge ajoute qu'une telle interprétation de
l'alinéa 1er de l'article 38 du C.D.P.F. est « juste
» parce qu'il doit toujours y avoir une distinction entre le
contribuable respectueux de ses obligations fiscales et comptables et le
contribuable négligent ou récalcitrant312.
En outre il est à signaler que le recours
parallèle aux éléments comptables et extra- comptables
peut être un moyen pour l'administration pour bénéficier de
la durée d'un an au lieu de six mois. Face aux pouvoirs
d'appréciation étendus de l'administration fiscale, il est facile
de prétendre que la vérification approfondie ne s'effectue pas
sur la base de la comptabilité uniquement mais aussi sur la base des
présomptions, surtout que ces dernières peuvent être des
indices théoriques qui résultent des études faites par
l'administration elle- même. Dans ces conditions, « la
durée de vérification sera tributaire de l'appréciation de
l'administration fiscale, ce qui pourrait être source d'incertitude pour
le contribuable »313.
311 Tribunal de première instance de l'Ariana,
requête n°337 du 3 juin 2006. (Inédit) (voir annexe 3 p. 213
et spécialement p.22 1)
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Voir dans le même sens :
- Tribunal de première instance de l'Ariana,
requête n°335 du 18 mars 2006, affaire citée par ABIDA
(Salma), « L'application du Code des Droits et Procédures
Fiscaux par le juge fiscal II : L'interprétation systématique de
l'article 38 alinéa 1er », Infos Juridiques, n° 52/53,
septembre 2008, p. 23.
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L]O)~~ ~< F~~ t~G~~ ~J~j]i:~~~~ 3~p~~D;~W~~~E~?\j
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- Tribunal de première instance de Sfax, requête
n°317du 23 février 2005. Affaire citée par BORGI (Sofiane),
« En présence d'une comptabilité reconnue pour
régulière, point n'est laissé à l
'extracomptable », R.C.F, n° 68, 2005, p. 17.
312 Tribunal de première instance de l'Ariana, 3 juin
2006, requête n°337, arrêt précité,
spécialement p.22 1.)
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313 JAMMOUSSI (Saoussen), « La clôture de la
vérification fiscale », Revue tunisienne de fiscalité,
n° 7, 2007, p. 333.
Cependant, il est regrettable de constater que la tendance
générale des tribunaux autorise le recours simultané aux
éléments comptables et extracomptables en présence d'une
comptabilité régulière314. Ce flottement
jurisprudentiel ne fait que fragiliser la situation du contribuable de bonne
foi.
Or, si l'interprétation littérale de l'article
38 du C.D.P.F. place le contribuable dans une situation «
délicate et précaire »315, il n'en
demeure pas moins que le juge se doit de réserver un traitement
préférentiel au contribuable soucieux de respecter ses
obligations comptables316. D'autant plus que ce contribuable se
trouve dans la plupart du temps astreint à conserver longuement ses
moyens de preuve.
B - Des moyens de preuve à conserver
Dans l'administration de la preuve, le contribuable,
fût il de bonne foi, se trouve dans l'obligation de préserver les
documents comptables et autres, pour des périodes assez longues.
A priori, le problème n'est qu'apparent,
puisque le contribuable est soumis à une obligation de conservation des
documents comptables et autres, dont le délai coïncide avec le
délai de la prescription. Ainsi, et à côté de
l'article 25 de la loi n°96-112 du 30 décembre 1996, relative au
système comptable des entreprises qui prévoit que : «
Les états financiers relatifs à un exercice comptable ainsi
que les documents, les livres, les balances et les pièces justificatives
y afférentes sont conservés pendant dix ans au moins »,
l'article 62 § IV du C.I.R.P.P. et de l'I.S. dispose que : « Les
livres de commerce et autres documents comptables, et d'une façon
générale, tous documents dont la tenue et la production sont
prescrites en exécution du présent code doivent être
conservés pendant dix ans »317.
314 ABIDA (Salma) : « L'application du Code des Droits
et Procédures Fiscaux par le juge fiscal II : L'interprétation
systématique de l'article 38 alinéa 1er », Infos
Juridiques, n° 52/53, septembre 2008, p. 25.
La cour d'appel de Tunis a également affirmé
qu'une comptabilité non rejetée n'empêchait pas le
vérificateur fiscal de recourir à des éléments
extra- comptables.
- Cour d'appel de Tunis, 1 juin 2006, requête n°
36023, Infos juridiques, janvier 2007, n° 16117, p. 24
- Cour d'appel de Tunis, 26 janvier 2006, requête
n°25628/ 28407. Voir annexe 3, p.206 et spécialement
p.211.
315 CHOYAKH (Faez) : « L'article 38 du CDPF et la
possibilité de recours simultané aux éléments
extra- comptables dans le cas d'une comptabilité
régulière », R.C.F., n° 71, hiver 2006, p. 49.
316 ABIDA (Salma) : « L'application du Code des Droits
et Procédures Fiscaux par le juge fiscal I : L'interprétation de
l'article 38 alinéa 1er », Infos Juridiques, n° 50/51,
juillet- août 2008, p. 38.
317 Cet article est applicable également en
matière de T.V.A., et ce, en vertu de l'article 18 du code de la
T.V.A.
Or, l'écoulement du temps pour une période
assez longue peut entraîner le dépérissement des preuves.
Par conséquent, « cette lenteur rompt l'égalité
des armes entre l'administration et le contribuable au détriment de ce
dernier »318. De surcroît, les délais de
reprise peuvent être encore plus longs du fait de la combinaison des
règles relatives aux délais avec celles relatives aux actes
interruptifs de prescription. Ceci résulte de l'article 27 du
C.D.P.F.319 qui a retenu comme actes interruptifs de prescription
selon le cas : la notification des résultats de la vérification,
la reconnaissance de la dette due par le contribuable et la notification de
l'arrêté de taxation d'office320.
En outre, le fisc ne répugne pas à envoyer les
redressements au contribuable au dernier moment, à la limite de la
prescription, celle-ci étant « le délai à
l`expiration duquel l'administration perd le droit de réclamer à
un contribuable une dette fiscale, elle est aussi le délai à
l'expiration duquel, le contribuable se libère d'une dette fiscale qui
ne lui a pas été réclamée par l'administration
pendant ce délai »321. Ces relances ont pour effet
d'interrompre la prescription. Ainsi, de nouveaux délais commencent
à courir. Cette prorogation du délai de prescription donne un
délai supplémentaire aux agents du fisc pour qu'ils passent au
peigne fin le dossier du contribuable. Ceci est loin de sécuriser le
contribuable.
Cependant, ces propos doivent être nuancés ; la
longévité des délais n'est pas à sens unique. Tant
que les délais courent, le contribuable bénéficie du droit
de réparer ses erreurs, inexactitudes et omissions en matière de
déclarations. En effet, en matière fiscale, les délais de
reprise permettent non seulement à l'administration fiscale mais
également au contribuable, de procéder à des
rectifications.
318 FOUQUET (Olivier) : « Le temps fiscal »,
la Revue Administrative, 53e année, 2000, P.U.F,
numéro spécial 1 : Journées d'études du 23 novembre
1999 : « Le temps administratif», p.49.
319 L'article 27 fait partie des rares articles à avoir
subi deux modifications depuis la promulgation du C.D.P.F.
320 Toutefois, en cas de défaut de déclaration,
l'article 27 du C.D.P.F. a retenu la notification de la mise en demeure ou
l'arrêté de taxation d'office ainsi que la notification de l'avis
de la vérification approfondie. Ceci s'explique par le fait que
l'opération de vérification approfondie est limitée dans
le temps et sa réitération est moins envisageable dans le temps.
Par contre, la mise en demeure est, elle, beaucoup plus envisageable. De plus,
en cas défaut de déclaration, la vérification
préliminaire n'est pas interruptive de prescription. Ceci paraît
compréhensible dans la mesure où le contribuable n'est pas
censé avoir pris connaissance de la date du commencement de
l'opération de vérification préliminaire.
321 ABOUDA (Abdelmajid) : « Code des droits et
procédures fiscaux: contrôle, contentieux et sanctions
», Tunis, Publications de l'imprimerie officielle de la République
Tunisienne, 2001, p.67.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Les limites inhérentes à la protection du
contribuable sont telles que ce dernier ne pourra espérer faire
prévaloir sa bonne foi que difficilement.
A la neutralité de la bonne foi devant
l'administration s'ajoutent des difficultés quant à la preuve de
la bonne foi. Ainsi, il est permis de déduire que le contribuable de
bonne foi souffre, en toute légalité dans un système qui
demeure « teinté de l'idée de puissance publique
»322 et on a même pu dire que le système fiscal
tunisien est, « un système cohérent, destiné
à faciliter la tâche de l'administration
»323.
Il n'en demeure pas moins que le juge se doit de
réserver un traitement préférentiel au contribuable
soucieux de respecter ses obligations comptables et fiscales, le rôle de
la justice étant d'assurer un équilibre de chances entre les
plaideurs afin de leur permettre de défendre leurs droits sans
égard à l'identité ou à la nature de ces
plaideurs324.
En définitive, toutes ces limites poussent à
conclure que si la réforme fiscale entreprise depuis les années
1980 a, non sans peine, franchi le cap, c'est davantage en raison des
inconvénients d'un système ancien devenu insupportable et
intolérable325, plutôt qu'en raison de ses propres
avantages qui, il faut le reconnaître, sont assez timides et en tous cas
en deçà des espérances.
322 AYADI (Habib) : « Droit fiscal »,
Op.Cit., p.208.
323 BEN ACHOUR (Yadh) : « Le système de la
preuve en droit fiscal tunisien, au regard de la théorie
générale de la preuve », Revue tunisienne de
fiscalité, n°3, 2005, p.42.
324 CHAABANE (Neila) : « Les garanties du contribuable
devant le juge fiscal », (Inédit), p.1.
325 En effet, « l'ancien système encourageait
la fraude puisque le taux marginal de l'impôt sur le revenu des personnes
physiques pouvait dépasser 68 % du revenu », BACCOUCHE
(Néji) : «Regards sur le code d'incitations aux investissements
de 1993 et ses prolongements», Etudes Juridiques, n°9, 2002,
p.37, N.B.P. n° 10.
CONCLUSION GENERALE
La loi protège et la loi sanctionne. 326
Partant, la loi fiscale doit sanctionner les intentions
malveillantes et les fraudes mais, elle doit également protéger
la bonne foi.
Le droit fiscal tunisien a fait ses preuves au niveau des
sanctions. En revanche, il n'est point excessif d'affirmer que la
présomption d'exactitude de la déclaration, corollaire de tout
système déclaratif, cède la place à une
présomption d'inexactitude.
Ainsi, c'est sur le terrain de la protection que le
législateur, et provisoirement le juge, doivent nécessairement
agir.
Aussi, les intérêts du contribuable et par voie
de conséquence les intérêts du Trésor public, ne
serait-ce qu'à long terme, exigent que l'on puisse accorder du
crédit aux croyances erronées, afin d'assurer la
sécurité juridique, objectif que tout Etat de droit se doit de
viser. En effet, « L 'Etat de droit doit, tout en garantissant son
droit de prélever l'impôt, garantir les droits du contribuable.
Les garanties du contribuable permettent alors de concourir à la
préservation du droit de l 'Etat»327.
Cette exigence s'inscrit dans le droit fil de la politique de
voisinage de l'Union Européenne qui se fixe des objectifs ambitieux,
fondés sur l'attachement, réciproquement reconnu, à des
valeurs communes comprenant notamment la démocratie, l'Etat de droit, la
bonne gouvernance et le respect des droits de l'homme328.
Dans l'état actuel des choses, on mesure le chemin
qu'il reste à parcourir pour que se dessine autour du contribuable de
bonne foi, respectueux de la légalité, un véritable
périmètre de protection riche des principes de
sécurité juridique, de confiance légitime, de
loyauté329.
326 Voir l'article 6 la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen 1789 qui dispose : « La Loi est l'expression de
la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de
concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa
formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant
égaux à ses yeux sont également admissibles à
toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité,
et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents
»,
http://www.conseilconstitutionnel.fr/textes/d1789.htm,
visité le 28/06/2008.
327 CHAABANE (Neila) : « Equité fiscale : les
droits de l'Etat et l'Etat de droit », article précité,
p.322.
328
http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/action_plans/tunisia_enp_ap_final_fr.pdf,
visité le 26/07/2008.
329 BOUCHARD (Jean -Claude) :«La note 442 du 28 mars
1928, un retour vers le futur?», article précité,
p.15.
Or, « Plus un pays est développé, plus
une administration est efficace, plus son attachement à
l'équité est remarquable»330.
Paradoxalement, la bonne foi du contribuable passe sous l'ombre d'une
présomption de fraude beaucoup plus marquée. Or, «
derrière chaque contribuable il n'y a pas nécessairement un
fraudeur. Et il vaut mieux laisser échapper un fraudeur que de risquer
d'imposer abusivement d'honnêtes citoyens »331.
En définitive, c'est parce que l'efficacité du
système fiscal ne se réalise que par la volonté des
contribuables, qu'il importe que le législateur tunisien, soucieux de
promouvoir le civisme fiscal, du moins par respect de ses engagements
internationaux, prévoie un régime de faveur au profit du
contribuable de bonne foi.
330 YAICH (Abderraouf) : « Théorie fiscale
», édition R.Y, 2002, p.205.
331 GAUDEMET (Paul- Marie) : « Réflexions sur
les rapports du juge et du fisc », in Mélanges offerts
à Marcel WALINE : « Le juge et le droit public »,
Paris, L.G.D.J., 1974, tome I, p.136.
ANNEXES
· ANNEXE 1 : Tableau : Accroissement du taux des non
déclarants .p 105
· ANNEXE 2 : Prises de position de la DGCF
- prise de position de la DGCF n°7433 du 18 mai 2000 .. p
106
- prise de position de la DGCF n°664 du 10 juin 2000 . p
107
· ANNEXE 3 : Table chronologique des jugements et
arrêts . p 108
ANNEXE 1 : TABLEAU : ACCROISSEMENT DU TAUX DES NON
DECLARANTS
Accroissement du taux des non déclarants en
matière d'IRPP ou d'IS
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
Nombre de contribuables
|
280721
|
302341
|
330280
|
302341
|
Nombre de
|
83369
|
99749
|
118167
|
212857
|
déclarations non
déposées
|
(30 %)
|
(33 %)
|
(36 %)
|
(63 %)
|
Source : Débats parlementaires, J. O.R.
T. n° 39, séance du mercredi 26 juillet 2000, p.
1909.
ANNEXE 2 : PRISES DE POSITION DE LA D GCF
- prise de position de la DGCF n°7433 du 18 mai
2000
- prise de position de la DGCF n°664 du 10 juin
2000
ANNEXE 3 : TABLE CHRONOLOGIQUE DES JUGEMENTS ET
ARRETS
1. T.A, recours pour excès de pouvoir, 29 décembre
1989, requête n°1421 : Caractère impératif de la
règle de non rétroactivité des actes administratifs.
2. T.A, Cassation 19 février 1990, requête
n°823 : Preuve négative
3. T.A, Cassation, 19 février 1990, requêtes
n°966 et 978 : la motivation en matière fiscale constitue un
élément des droits de la défense, car elle permet au
contribuable de contester la taxation.
4. T.A, Cassation 4 novembre 1991, requête n° 1078
: Le jugement d'appel fondé sur des éléments de
comparaisons approximatives, sans aucune précision, n'était ni
motivé ni convaincant, ce qui a justifié sa cassation.
5. T.A, Cassation, 10 mai 1993, requête n° 1055 :
Preuve négative
6. T.A, Cassation, 25 avril 1994, requête n°1173 :
Preuve négative
7. T.A, Cassation, 23 octobre 1995, requête n° 1186 :
Comptabilité régulière, point de recours à
l'extracomptable.
8. T.A, 30 décembre 1996, requête 31345. : Charge
de la preuve incombant à l'administration fiscale.
9. T.A, 30 décembre 1996, requête 31423 et 31424 :
Charge de la preuve incombant à l'administration fiscale.
10. T.A, Cassation, assemblée plénière, 1
décembre 1997, requête n°31673: Les présomptions
avancées doivent être réelles et objectives.
11. T.A, 29 mars 2000, requête n° 16891 : Principe de
la confiance légitime
12. T.A, 10 mai 2000, requête n° 17257 : Principe de
la confiance légitime.
13. T.A, 25 mai 2000, requête n° 17236 : Principe de
non rétroactivité des actes administratifs. (Publié)
14. T.A, Cassation, 13 novembre 2000, requête n°
32434 : Comptabilité régulière, point de recours à
l'extracomptable.
15. T.A., cassation, 31 décembre 2001, requête
n°32635 : Les erreurs relevées suite à l'opération de
vérification sont présumées de bonne foi jusqu'à
preuve du contraire.
16. Tribunal de première instance de Tunis, 12
février 2004, requête n°578 : Nature des délais de
reprise et la prise en compte de la sécurité juridique.
17. Tribunal de première instance de Tunis, 18 novembre
2004, requête n° 819 : Changement de doctrine
défavorable au contribuable.
18. Cour d'appel de Tunis, 26 janvier 2006, requêtes
n°25628/ 28407 : Recours à l'extracomptable sans rejet de la
comptabilité
19. Tribunal de première instance de l'Ariana, 3 juin
2006, requête n°337 : Comptabilité régulière,
point de recours à l'extracomptable.
20. Tribunal de première instance de l'Ariana, 2 novembre
2006, requête n°352 : Nature des délais de reprise et la
prise en compte de la sécurité juridique.
21. Tribunal de première instance de l'Ariana, 4 janvier
2007, requête n°444 : Nature des délais de reprise et la
prise en compte de la sécurité juridique.
22. Tribunal de première instance de l'Ariana, 4 janvier
2007, requête n°445 : Nature des délais de reprise et la
prise en compte de la sécurité juridique.
213
218
221
BIBLIOGRAPHIE
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· YAICH (Abderraouf): « Théorie fiscale
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III- THESES ET MEMOIRES
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(Dactylographiée).
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affaires, Faculté de droit de Sfax, 2001-2002.
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IV- ARTICLES
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6 F$~>~~~ ÛJ~~J~~ ~~~~~~~~ ~~~ ~~~ ~ 2002
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française
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· ABIDA (Salma): « L'application du Code des
Droits et Procédures Fiscaux par le juge fiscal II :
L'interprétation systématique de l'article 38 alinéa
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pp. 22- 25.
· AKROUT MEZGHANI (Salma): « La reconstitution des
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http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/action_plans/tunisia_enp_ap_final_fr.pdf,
visité le 26/07/2008.
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à la mise en oeuvre de l'Accord d'Association (P3A) Tunisie-UE, Fiche de
Projet de Jumelage traditionnel,
http://www.svez.gov.si/fileadmin/svez.gov.si/pageuploads/docs/meda/Fiche_Projet_de
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· Union générale tunisienne du travail:
département des études et de la documentation, La
fiscalité en Tunisie et la question de la cohésion sociale ,
http://library.fes.de/pdffiles/bueros/tunesien/04796.pdf
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visité le 25/4/2008.
VII- TABLE CHRONOLOGIQUE DE LA JURISPRUDENCE
CITÉE
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requête n°374 ; Recueil des arrêts du tribunal administratif
1980, pp. 178- 182.
· T.A., 29 mars 2000, requête n° 16891 ; Recueil
des arrêts du tribunal administratif 2000, pp. 116- 121.
· T.A., 30 octobre 2000, requête n° 32394 ;
Recueil des arrêts du tribunal administratif 2000.
· T.A., cassation, 11 février 2002, n° 32786,
Tunis air contre DGCF ; Recueil des arrêts du tribunal administratif,
2002, pp. 215- 222.
· Tribunal de 1ère instance de Sfax,
requête n° 126 du 15 juillet 2002 ; affaire citée par
JAMMOUSSI (Saoussen), « Chronique de la jurisprudence fiscale
tunisienne », Revue tunisienne de fiscalité, n° 2, p.
174.
· Tribunal de première instance de l'Ariana,
requête n°55 du 19 avril 2003 ; affaire citée par ABIDA
(Salma), « L'application du Code des Droits et Procédures
Fiscaux par le juge fiscal II : L'interprétation systématique de
l'article 38 alinéa 1er », Infos Juridiques, n° 52/53,
septembre 2008, p. 22.
· Tribunal de première instance de Sfax,
requête n° 177 du 22 octobre 2003 ; affaire citée par DRIRA
(Tarek) et JAMMOUSSI (Saoussen), « Chronique de la jurisprudence
fiscale tunisienne », Revue tunisienne de fiscalité, n°
4, p. 238.
· Tribunal de première instance de Sfax,
requête n°76 du 12/5/2004 ; affaire citée par DRIRA (Tarek),
« Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne (première
instance) », Revue tunisienne de fiscalité, n° 5, p.
199.
· Tribunal de première instance de Sfax,
requête n°317 du 23 février 2005 ; affaire citée par
BORGI (Sofiane), « En présence d'une comptabilité
reconnue pour régulière, point n'est laissé à
l'extra- comptable », Revue comptable et financière, n°
68, printemps 2005, p. 17.
· Tribunal de première instance de la Manouba,
chambre civile, requête n°96, du 9 novembre 2005 ; affaire
citée par MTIR (Mahmoud), « Commentaires de la jurisprudence :
droit fiscal », Infos Juridiques, n° 8/9, septembre 2006, p.
21.
· Cour d'appel de Tunis, 1 juin 2006, requête n°
36023 ; affaire publiée à la revue Infos juridiques, janvier
2007, n° 16117, p. 24
· Tribunal de première instance de Tunis, affaire
n° 1222 du 1er juin 2006 : Interdiction de vérifications
approfondies successives. (Inédit)
· Tribunal de première instance de l'Ariana, 25
janvier 2007, requête n° 500: Définition de l'obligation de
motivation de l'arrêté de taxation. (Inédit)
· Tribunal de première instance de Sfax,
requête n° 274 du 27 octobre 2007 ; Affaire citée par DRIRA
(Tarek), « Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne
(première instance) », Revue tunisienne de fiscalité,
n° 6, 2007, p.247.
2) Jurisprudence française
· C.E., 7°, 8° et 9° sous-section, 10 mars
1967 requête n° 62338 ; Conclusions LAVONDES, Revue de droit fiscal
1967, n° 45.
· C.E., 5 octobre et 21 novembre 1973 ; cité par
AYADI (Habib), Droit fiscal, Tunis, Publication du C.E.R.P.,
1ère édition, 1989, p. 211.
· C.E., Section 20 février 1974, requête
83270 ; Conclusions sous, DAVID (Cyrille), FOUQUET (Olivier), LATOURNERIE
(Marie-Aimée) et PLAGNET(Bernard), « Le réalisme du
droit fiscal : apparence, illicéité et abus de droit »,
Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale, Paris, Dalloz,
3e édition, 2000.
· C.E., 4 mai 1977, requête n° 1518 ; Revue de
droit fiscal, 1977, n°38, commentaires 1321, p. 840.
· C.E., 13 juin 1979, requête n° 1315 ; Revue de
droit fiscal, 1980, n°1, commentaires 57, p. 33.
· C.E, 10 juin 1981, requête n° 19079 ;
Conclusions sous, LOBRY, Revue de droit fiscal 1981, n° 48-49,
commentaires 2187, p. 1435.
· C.E., 23 décembre 1981, requête n°
16361 ; Revue de droit fiscal, 1982, n°15, commentaires 832, p. 575.
· C.E., 17 octobre 1984 ; Revue de jurisprudence fiscale,
1984, n°12, commentaires 147.
· C.E, 18 novembre 1985, requête n° 36281 ;
Conclusions sous, FOUQUET (Olivier), Revue de droit fiscal, 1986, n°11,
commentaires 530, pp.370-375.
· C.E., 27 juillet 1988, requête n° 82541 ;
Revue de droit fiscal, 1989, n°5, commentaires 136, pp. 177-179.
· C.E. du 29 juillet 1994, n°111884, section, SA
Prodes International ; Conclusions sous ARRIGHI DE CASANOVA (Jacques), «
Champ d'application de l'impôt et charge de la preuve, à
propos de la preuve. A propos de la preuve du lieu d'utilisation du service
pour les règles de territorialité de la TVA », Revue de
jurisprudence fiscale, octobre 1994, p 587-592.
· T.A. de Strasbourg, 8 décembre 1994, Entreprise
Freymeuth c/ministre de l'environnement, requête n° 93-1085 ;
A.J.D.A. 1995, n°7-8, p. 555.
· C.E., Section, 6 décembre 1995, n°
90914, Navon et C.E., Section, 6 décembre 1995, n° 126826, S.A.
Samep. ; Notes sous, GOULARD (Guillaume), « L'indépendance des
procédures, retour à un principe traditionnel », Revue de
jurisprudence fiscale, n°1, 1996, p. 2-5.
· Cassation commerciale, 29 avril 1997, n° 1068 PB,
Ferreira ; Revue de jurisprudence fiscale, juin 1997, n°641, ppÀ42-
444.
· C.E., 12 mai 1997, requête n°160777 ; Revue de
jurisprudence fiscale, juin 1997, n°535, pp. 442-444.
· C.E., 20 mai 1998, requête n°159877, 8 et 9
sous section Sté Veticlam ; Conclusions sous, ARRIGHI DE CASANOVA
(Jacques), Revue de droit fiscal, 1998, n°44, commentaires 979, pp.1389-
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· C.E., 24 mars 2006, KPMG et autres.
http://www.legifrance.com/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=
CETATEXT00000824 11 43&fastReqId=1 1 50449877&fastPos=1, visité
le 25/4/2008.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 1
PREMIÈRE PARTIE : LA NÉCESSITÉ DE LA
PROTECTION DU CONTRIBUABLE DE BONNE FOI 13
CHAPITRE I - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI EN TANT
QUE CROYANCE ERRONEE DU
CONTRIBUABLE 15
SECTION I- UNE PROTECTION A ETABLIR 17
Paragraphe 1- Au nom du principe de la
sécurité juridique 18
A- CONSECRATION MARQUEE PAR LE JUGE FISCAL DU FOND
20
B- CONSECRATION TIMIDE PAR LE T.A. EN DEHORS DE LA MATIERE
FISCALE 22
Paragraphe 2- Au nom d'un devoir de loyauté
imposé à l'administration ? 26
SECTION II - UNE PROTECTION A ENCADRER 29
Paragraphe 1- Une intervention législative
souhaitable 29
A - LE RESCRIT FISCAL 30
B- L 'OPPOSABILITE A L'ADMINISTRATION DE SA PROPRE DOCTRINE
33
Paragraphe 2- Une protection possible par le juge au nom
de l'équité ? 37
A- DEFINITION DE L'EQUITE 37
B- LE JUGE ET L 'EQUITE 38
CHAPITRE II - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI EN TANT
QUE COMPORTEMENT LOYAL 40
SECTION I - PROTECTION POSITIVE 41
Paragraphe 1 - L'erreur involontaire 42
A - L'ERREUR APPARENTE 42
B- L'ERREUR COMPTABLE 44
Paragraphe 2- Le sort réservé à
l'erreur involontaire 47
A- LA REPARATION DE L'ERREUR 47
B- LA RESTITUTION DES SOMMES INDUMENT PAYEES 50
SECTION II - PROTECTION NEGATIVE 51
Paragraphe 1 - Protection générale de tous
les contribuables 51
Paragraphe 2 - Protection spécifique des
contribuables non résidents et non établis
54
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 57
DEUXIEME PARTIE II : LES LIMITES INHERENTES A LA PROTECTION DU
CONTRIBUABLE DE BONNE FOI 58
CHAPITRE I - LA NEUTRALITE DE LA BONNE FOI FACE A
L'ADMINISTRATION FISCALE 59
SECTION I- AU NIVEAU DU POUVOIR DE CONTROLE 60
Paragraphe 1- Les manifestations du pouvoir de
contrôle 60
A- LE DROIT DE CONTROLE 60
B - LE DROIT DE REPRISE 65
Paragraphe 2- Le cadre temporel du pouvoir de
contrôle 67
SECTION II - AU NIVEAU DU POUVOIR DE SANCTION 69
Paragraphe 1 - Sanctions administratives
expressément prévues comme telles 70
Paragraphe 2 - Sanction administrative non
expressément prévue comme telle : la
taxation d'office 72
CHAPITRE II : LA DIFFICULTÉ DE LA PREUVE DE LA
BONNE FOI DEVANT LE JUGE 78
SECTION I- AU NIVEAU DE LA CHARGE DE LA PREUVE 78
Paragraphe 1 - Le mécanisme de la taxation
d'office 78
A- UN RENVERSEMENT IMPERMEABLE A LA PRESOMPTION D'EXACTITUDE
79
B- UN RENVERSEMENT IMPERMEABLE A LA NOTION DE DEMANDEUR
EFFECTIF 82
Paragraphe 2 - Le mécanisme des
présomptions légales 86
A- LES PRESOMPTIONS RELATIVES 87
B- LES PRESOMPTIONS IRREFRAGABLES 90
SECTION II - AU NIVEAU DE L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE
91
Paragraphe 1 - L'objet de la preuve 91
A- LA PREUVE DE LA SINCERITE DES DECLARATIONS ET DES
RESSOURCES REELLES 92
B - LA PREUVE DE L'EXAGERATION DE L'IMPOSITION 94
Paragraphe 2 - Les moyens de preuve 96
A- DES MOYENS DE PREUVE A RESTREINDRE 96
B - DES MOYENS DE PREUVE A CONSERVER 99
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 101
CONCLUSION GENERALE 102
ANNEXES 104
ANNEXE 1 : TABLEAU : ACCROISSEMENT DU TAUX DES NON DECLARANTS
105
ANNEXE 2 : PRISES DE POSITION DE LA DGCF 106
- prise de position de la DGCF n°7433 du 18 mai 2000
106
- prise de position de la DGCF n°664 du 10 juin 2000
107
ANNEXE 3 : TABLE CHRONOLOGIQUE DES JUGEMENTS ET ARRETS
108
BIBLIOGRAPHIE 244
I- OUVRAGES GENERAUX 244
II- OUVRAGES SPECIALISES 244
III- THESES ET MEMOIRES 246
IV- ARTICLES 246
V- SITES WEB 251
VI- DOCUMENTS ELECTRONIQUES 252
VII- TABLE CHRONOLOGIQUE DE LA JURISPRUDENCE CITÉE
252
TABLE DES MA TIERES 256