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La protection du contribuable de bonne foi

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par Rania TRIMECHE
FSJPST - Mastere de recherches en droit des affaires 2008
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITÉ 7 NOVEMBRE A CARTHAGE

    FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES POLITIQUES ET SOCIALES DE TUNIS

    MÉMOIRE
    En vue de l'obtention du mastère de recherche en droit des affaires

    LA PROTECTION DU

    CONTRIBUABLE DE

    BONNE FOI

    Elaboré et soutenu par

    Rania TRIME CHE

    Jury

    -- Président : M. Néjib BELAID

    -- Directeur : Mme Leïla CHIKHAOUI
    -- Suffragant : Mme Raya CHOUBANI

    La faculté n'entend donner aucune approbation, ni

    improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces
    opinions doivent être considérées propres à leur auteur
    .

    Remerciements

    A Madame le Professeur Leïla CHIKHAOUI

    A tous mes autres éminents Professeurs

    En souhaitant vivement que les quelques éléments de recherche présentés

    dans ce mémoire soient id~les à leur enseignement.

    Liste des principales abréviations

    A.J.D.A. Actualité juridique, droit administratif.

    C.E. Conseil d'État.

    C.E.R.P. Centre d'études, de recherches et de

    publications.

    C.D.P.F. Code des droits et procédures fiscaux.

    C.G.I. Code général des impôts.

    C.O.C. Code des obligations et des contrats.

    C.P.U. Centre de publications universitaires.

    C.R.E.A. Centre de recherches et d'études administratives.

    E.D.C.E. Études et documents du Conseil d'État.

    Ibid. Dans le même passage.

    J.O.R.F Journal officiel de la République française.

    J.O.R.T. Journal officiel de la République tunisienne.

    L.G.D.J. Librairie générale de droit et de jurisprudence.

    L.P.F. Livre des procédures fiscales.

    Op.Cit. Dans l'ouvrage cité.

    P. Page.

    P.U.F. Presses universitaires de France.

    Numéro.

    N.B.P. Note de bas de page.

    R.F.D.A. Revue française de droit administratif.

    R.F.F.P. Revue française de finances publiques.

    T.A. Tribunal administratif.

    T.V.A. Taxe sur la valeur ajoutée.

    Verbio.

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION

    PREMIÈRE PARTIE : LA NÉCESSITÉ DE LA PROTECTION DU CONTRIBUABLE DE BONNE FOI

    CHAPITRE I - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI EN TANT QUE CROYANCE ERRONEE DU CONTRIBUABLE

    SECTION I- UNE PROTECTION A ETABLIR

    SECTION II - UNE PROTECTION A ENCADRER

    CHAPITRE II - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI EN TANT QUE COMPORTEMENT LOYAL SECTION I - PROTECTION POSITIVE

    SECTION II - PROTECTION NEGATIVE

    CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

    DEUXIEME PARTIE II : LES LIMITES INHERENTES A LA PROTECTION DU CONTRIBUABLE DE BONNE FOI

    CHAPITRE I - LA NEUTRALITE DE LA BONNE FOI FACE A L'ADMINISTRATION FISCALE SECTION I- AU NIVEAU DU POUVOIR DE CONTROLE

    SECTION II - AU NIVEAU DU POUVOIR DE SANCTION

    CHAPITRE II : LA DIFFICULTE DE LA PREUVE DE LA BONNE FOI DEVANT LE JUGE SECTION I- AU NIVEAU DE LA CHARGE DE LA PREUVE

    SECTION II - AU NIVEAU DE L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE

    CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE CONCLUSION GENERALE

    INTRODUCTION

    « La République tunisienne a pour fondements les

    principes de l'Etat de droit et du pluralisme et oeuvre pour la

    dignité de l'Homme et le développement de sa personnalité »1.

    Tout en garantissant le droit de l'Etat de prélever l'impôt en vue de financer ses diverses dépenses d'intérêt général, un « Etat de droit » 2 doit, en principe, également « garantir les droits du contribuable»3. Il s'agit d'ailleurs d'une garantie d'autant plus nécessaire que ce dernier peut se trouver démuni face aux menaces de l'administration, dès lors que celle-ci a les moyens de le priver du bonheur de disposer pleinement de ses biens.

    En effet, le prélèvement de l'impôt en tant que « prestation pécuniaire requise des particuliers par voie d'autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques » 4 est parfois perçu comme une « confiscation » ou une « atteinte au droit de propriété »5.

    1 Alinéa 2 de l'article 5 de la Constitution du 1er juin 1959, ajouté par l'article 2 de la loi constitutionnelle n°2002-5 1 du 1er juin 2002, J.O.R.T. n°45, 145e année, 3 juin 2002, p. 1298.

    2 L'expression « Etat de droit », traduction de l'allemand Rechtsstaat, suppose selon le doyen M. BACCOUCHE (Néji), «La soumission de l'Etat, pourtant souverain, à un droit supra étatique devant garantir le respect des droits fondamentaux», extraits de l'article «Droit constitutionnel, souveraineté et supranationalité», Etudes Juridiques, n°11, 2004, p. 10.

    3 CHAABANE (Neila) : « Equité fiscale : les droits de l 'Etat et l 'Etat de droit », in Mélanges offerts au doyen Abdelfattah AMOR, Tunis, C.P.U. 2005, p.322.

    4 Cette définition est, selon Olivier NEGRIN : « prétendument empruntée à Gaston Jèze et présentée comme la définition classique de l'impôt », alors qu'on la devrait - toujours selon lui - à la plume de Georges VEDEL qui a procédé « à la réécriture de la définition authentique de Gaston Jèze » ; puisque la définition que l'on découvre sous la plume de Jèze est la suivante :« On peut donc aujourd'hui définir l'impôt comme : une prestation de valeur pécuniaire exigée des individus d'après des règles fixes, en vue de couvrir des dépenses d'intérêt général, et uniquement à raison du fait que les individus qui doivent les payer sont membres d'une communauté politique organisée », JEZE (Gaston): « Cours de finances publiques », 1936-1937, Paris, L.G.D.J., 1937, p. 38) ; voir NEGRIN (Olivier) : « Une légende fiscale : la définition de l'impôt de Gaston Jèze », Revue de droit public, 2008, n° 1, pp. 139-151 et spécialement p. 140.

    5 Selon BELTRAME (Pierre) : « En intériorisant la contrainte fiscale, le contribuable s'isole face au pouvoir fiscal qui cesse d'être l'émanation d'une volonté solidaire des citoyens afin d'organiser au mieux la vie sociale, mais devient, un obscur Léviathan, une sorte de puissance occulte et maléfique, à laquelle il faut faire le sacrifice rituel d'une part de ses revenus sous peine de s'attirer des malédictions sans nombre », extraits de l'article « Le consentement à l'impôt : devenir d'un grand principe », R.F.F.P., n°5 1, 1995, p. 88.

    Or, le souci de consolider la réconciliation du « citoyen-contribuable » 6 avec la fiscalité n'est pas étranger au discours politique tunisien. Les débats parlementaires qui ont précédé la promulgation du Code des droits et procédures fiscaux (C.D.P.F.) en attestent7.

    Toutefois, s'agissant de la protection du contribuable contre les prérogatives dont est investie l'administration fiscale afin de garantir l'accomplissement du devoir fiscal, le C.D.P.F. n'a pas été à la hauteur des espoirs qu'il a suscités et on a pu constater que « l'évolution législative consacrée en Tunisie va dans le sens d'une consolidation des prérogatives de l'administration fiscale»8.

    Ceci n'est pas sans influer sur le rendement du système fiscal dans un Etat où le payement spontané de l'impôt représente la part du lion dans les recettes fiscales9.

    Ainsi, « promouvoir le plus haut degré de civisme fiscal, c'est à dire l'accomplissement volontaire des obligations fiscales par les contribuables »10 semble urgent.

    6

    Le contribuable, étant « toute personne astreinte au payement des contributions, impôts, droits ou taxes, dont le recouvrement est autorisé par la loi (...) », BARILARI (André) et DRAPE (Robert) : « Lexique fiscal », Paris, Dalloz, 2e édition, 1992, p. 47.

    7 Le C.D.P.F. a été promulgué par la loi n° 2000-82 du 9 août 2000 (J.O.R.T. n°64, 143e année, 11 août 2000, p.1874). A la lecture des débats, on peut remarquer la redondance de l'objectif «plus de garanties au profit du contribuable» :

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    8

    BESBES (Slim) : « Le Principe de la légalité de l'impôt en droit tunisien », thèse de doctorat d'Etat en droit public, F.D.S.P.T., 2005, p. 460.

    9 YAICH (Abderraouf) : « Théorie et principes fiscaux », Tunis, édition R.Y, 2004, p. 245.

    Il importe à ce niveau de signaler que « la fiscalité joue un rôle important en tant qu'instrument de financement du budget de l'Etat ». En effet, « Les recettes budgétaires sont largement dominées par les recettes fiscales qui ont représenté, sur la période 1986-2005, environ 55% en moyenne par an contre 29.2 et 15% respectivement pour les ressources d'emprunt et les recettes non fiscales », http://library.fes.de/pdf files/bueros/tunesien/04796.pdf, visité le 25/4/2008. Il est à remarquer que la proportion des recettes fiscales n'a cessé d'augmenter malgré la réforme fiscale qui a introduit des baisses, notamment dans le niveau d'imposition. Cette augmentation tient à l'aménagement de l'assiette imposable et aux améliorations successives des modalités de recouvrement de l'impôt, notamment par la généralisation de la retenue à la source en matière d'impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés ou en matière de T.V.A.).

    10 Ibid.

    Afin de promouvoir ce civisme fiscal, une meilleure protection des contribuables s'impose. Une protection qui tiendrait compte de leur acquiescement à leur devoir fiscal. Ainsi, les contribuables qui auraient accompli volontairement et spontanément leurs obligations fiscales devraient pouvoir bénéficier d'un traitement préférentiel par rapport aux autres contribuables défaillants11.

    Ce traitement préférentiel devrait, en effet, récompenser leur bonne foi.

    Ainsi, l'étude de la notion de bonne foi constitue un préalable nécessaire à l'identification du contribuable de bonne foi.

    « La bonne foi se présume toujours, tant que le contraire n'est pas prouvé »12.

    Il s'agit là d'un principe général de droit qui peut toucher l'ensemble des branches du droit. Appliquer ce principe en droit fiscal suffirait à reconnaître, au profit du contribuable une présomption de bonne foi13.

    Le législateur tunisien, à l'instar de son homologue français, n'a pas défini la bonne foi. Cette absence de définition semble pourtant justifiée.

    Tout d'abord, il importe de signaler que le législateur n'est pas investi du rôle de « définir »14.

    Ensuite, est- il possible, réellement, de trouver une définition de la bonne foi?

    «Celle-ci scintille sur l'océan du droit et, si bien d'esprits ont eu envie de capturer son étincelle, toujours elle s'éloignait, laissant son ombre derrière elle »15.

    11 Là une question semble s'imposer, les contribuables de mauvaise foi, ne mériteraient-ils pas eux aussi une protection ?

    12 Article 538 du C.O.C.

    13 Selon l'article 479 du C.O.C. : « Les présomptions sont des indices au moyen desquels la loi ou le juge établit l'existence de certains faits inconnus ». Dans le C.O.C. le législateur distingue entre deux types de présomptions Les articles 480 à 485 du C.O.C concernent « des présomptions établies par la loi ». Les articles 486 et suivants concernent « des présomptions qui ne sont pas établies par la loi ». Selon l'article 485 du C.O.C. : « La présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe. Nulle preuve n'est admise contre la présomption de loi ». Cet article laisse croire que toutes les présomptions légales sont irréfragables. Or, la doctrine considère qu'il existe deux sortes de présomptions légales. Ces dernières sont soit irréfragables, soit simples. La présomption légale irréfragable dispense de la charge de la preuve, celui au profit duquel elle est établie. Bien plus, elle n'admet pas la preuve contraire. Tandis que la présomption légale simple peut être combattue par la preuve contraire et entraîne ainsi un renversement de la charge de la preuve.

    14 « Il nous a paru sage de faire la part de la science et la part de la législation. Les lois sont des volontés. Tout ce qui est définition, enseignement, doctrine est du ressort de la science. Tout ce qui est commandement, disposition proprement dite est du ressort des lois. S'il est des définitions dont le législateur doive se rendre l'arbitre, ce sont celles qui appartiennent à cette partie variable et purement positive du droit qui est toute entière sous la dépendance du législateur même : mais, il en est autrement des définitions qui tiennent à la morale, et à des choses qui ont une existence indépendante des volontés arbitraires de l'homme. », GENY (François) : « Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif », édition 1932, p. 107.

    15 LE TOURNEAU (Philippe) : « La bonne foi », Répertoire civil, Dalloz, Octobre 1995.

    Il va sans dire que la définition de la bonne foi pose des difficultés. Mais, d'une manière générale, la bonne foi serait l' « attitude traduisant la conviction ou la volonté de se conformer au droit qui permet à l'intéressé d'échapper aux rigueurs de la loi »16.

    Plus précisément, la bonne foi comporte deux aspects. D'une part, « la croyance erronée en l'existence d'une situation juridique régulière»17 ; d'autre part, le « comportement loyal que requiert notamment l'exécution d'une obligation, attitude d'intégrité et d'honnêteté »18 .

    Cette dualité de sens est encore plus manifeste dans la version arabe de l'article 558 du C.O.C qui emploie des termes synonymes :

    · tout d'abord de loyauté : ~~1.i~"~fl (littéralement ; droiture) ; lequel renvoie à un rapport, voire une certaine relation entre d'une part l'administration et d'autre part le contribuable ;

    · et ensuite, synonyme d'intention bienveillante :~~~i~ ~~D" .

    La bonne foi renferme donc deux sens divergents.

    Cette « polysémie de juxtaposition»19 ne doit pas être perçue comme source d'insécurité ou même d'arbitraire. En effet, le droit n'est pas une science exacte et doit nécessairement admettre en son sein cette incertitude qui lui confère son essence humaine. Surtout s'agissant d'un standard20; qui est par définition une « norme souple fondée sur un critère intentionnellement indéterminé (...) »21.

    Ainsi, il paraît compréhensible que la bonne foi n'ait pas de définition précise. Elle devrait alors être découverte par le juge selon la nature du litige qui lui est soumis.

    16 CORNU (Gérard): « Vocabulaire juridique », Association Henri Capitant, Paris, P.U.F, 5e édition, 1996, V° Bonne foi, p.105.

    17 Ibid.

    18 Ibid.

    19 CORNU (Gérard): « Linguistique juridique », Montchrestien- Delta, 2e édition 2000, p.104.

    20 A ce niveau, il est intéressant de citer ALSANHOURY(Ali-Abderrazek) : «Le standard juridique», in Recueil d'études sur les sources du droit en l'honneur de François GENY, Tome II, édition Librairie Edouard Duchemin, Paris 1977, p. 145 et 146 où l'auteur distingue l'application par le juge d'une règle de celle d'un standard : «La règle donne une solution fixe à une hypothèse déterminée(... )le standard, n'a pas cette fixité ( ...)l 'application du standard exige un pouvoir discrétionnaire, l'intuition d'un expert, il lui faut non pas le travail d'une machine aveugle mais le doigté d'un artisan habile(... ) elle aboutit (...) à des solutions variées et concrètes, chacune d'elles adaptée aux particularités des faits en présence...».

    21 CORNU (Gérard): « Vocabulaire juridique », Op.Cit., V° Standard, p.780.

    D'ailleurs, afin de mieux cerner la notion de contribuable de bonne foi, il y a lieu de procéder à l'exclusion du contribuable de mauvaise foi. Car, seule la mauvaise foi peut jouer un rôle. La bonne foi étant présumée, celui qui l'invoque n'a, en principe, aucune preuve à apporter22.

    La définition de la mauvaise foi permet de distinguer deux acceptions. Dans sa première acception, la mauvaise foi prive l'intéressé du bénéfice de l'ignorance ou de l'apparence : attitude de celui qui se prévaut d'une situation juridique dont il connaît (ou devrait connaître) les vices ou le caractère illusoire. Dans sa deuxième acception, elle frappe l'intéressé de sanctions particulières : attitude de celui qui manque de loyauté envers autrui, surtout lorsque ses agissements révèlent l'intention de nuire (...). C'est également de la mauvaise foi que procèdent ces autres formes de déloyauté que sont : la fraude (où il est fait usage de moyens détournés) et l'abus de droit (qui consiste, comme son nom l'indique, à abuser de certaines voies légales)23.

    Ces deux dernières formes trouvent application notamment en droit fiscal.

    S'agissant tout d'abord de la fraude, l'encyclopédie Larousse la définit comme étant « l'acte malhonnête fait dans l'intention de tromper en contrevenant à la loi ou aux règlements»24.

    En matière fiscale, elle signifie « le recours à des procédés illégaux en vue de réduire la dette fiscale d'un contribuable»25 ou encore le « fait d'échapper à l'impôt par des moyens répréhensibles, c'est-à-dire par des procédés ou manipulations que la loi permet de réprimer »26.

    En droit fiscal tunisien, les faits constitutifs de fraude semblent facilement reconnaissables ; la fraude étant constitutive d'infraction pénale. En effet, le délit de fraude fiscale est défini par l'article 101 du C.D.P.F. qui punit d'un emprisonnement de seize jours à trois ans et d'une amende de 1000 dinars à 50000 dinars toute personne qui a :

    « - simulé des situations juridiques, produit des documents falsifiés ou dissimulé la véritable nature juridique d'un acte ou d'une convention dans le but de bénéficier d'avantages fiscaux, de la minoration de l'impôt exigible ou de sa restitution ;

    22 KORNPROBST (Emmanuel): « La notion de bonne foi : application au droit fiscal français », Paris, L.G.D.J., 1980, p. 6.

    23 CORNU (Gérard): « Vocabulaire juridique », Op. Cit., V° Mauvaise foi, p.508.

    24 http://www.larousse.fr/encyclopedie/

    25 http://www.larousse.fr/encyclopedie/

    26 CORNU (Gérard): « Vocabulaire juridique », Op.Cit., V° Fraude, p. 373.

    - accompli des opérations emportant transmission de biens à autrui dans le but de ne pas acquitter les dettes fiscales ;

    - majoré un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ou de droit de consommation ou minoré le chiffre d'affaires dans le but de se soustraire au paiement de ladite taxe ou dudit droit ou de bénéficier de la restitution de la taxe ou du droit. La sanction s'applique dans les cas où la minoration ou la majoration excède 30% du chiffre d'affaires ou du crédit d'impôt déclaré »27 .

    Il en résulte tout d'abord que l'auteur de la fraude peut être aussi bien le contribuable lui-même que le redevable de l'impôt (débiteur de l'impôt vis-à-vis du fisc) ; et on peut même se demander si le collecteur d'impôt, qui ne supporte pas la charge de l'impôt qu'il collecte et qui n'est pas redevable de l'impôt vis-à-vis du fisc, peut être lui aussi auteur de la fraude ?

    Une réponse affirmative semble s'imposer en raison de la généralité des termes employés par l'article 101 du C.D.P.F. (Toute personne) corroborée par un principe général de droit selon lequel il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas28.

    Ensuite, d'après ladite définition, la fraude se présente sous différents aspects. Il y aurait ainsi fraude par simulation et fraude à la loi. Le législateur donne ainsi une liste limitative des faits incriminés en application du principe constitutionnel de la légalité des crimes et des peines29. Ce principe implique entre autres que les faits répréhensibles soient bien définis par le législateur, ce qui limite le pouvoir d'interprétation dévolu au juge.

    S'agissant ensuite de l'abus de droit ; il s'agit d'une création jurisprudentielle30 permettant de remédier au dommage causé par l'exercice abusif d'un droit par son titulaire «sans intérêt pour lui-même et dans le seul dessein de nuire à autrui»31.

    27 Voir l'article français 1741 du C.G.I. qui punit : « quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement partiel ».

    28 Ce principe est prévu par l'article 553 du C.O.C. qui dispose : « Lorsque la loi s'exprime en termes généraux il faut l'entendre dans le même sens ».

    29 Voir l'article 13 de la Constitution.

    30 Voir en ce sens COZIAN (Maurice) : « La notion d'abus de droit en matière fiscale », Gazette du Palais, 17 et 19 janvier 1993, p. 2.

    31 CORNU (Gérard): « Vocabulaire juridique », Op.Cit., V° Abus, p. 5, ou encore le « fait, pour une personne titulaire d'un droit, de porter préjudice à autrui en détournant ce droit de sa finalité, intentionnellement ou non », http://www.larousse.fr/encyclopedie/.

    En matière fiscale, la notion d'abus de droit traduit le « fait d'éluder l'application de la loi fiscale sous couvert d'actes juridiques réguliers, lesquels peuvent être considérés comme inopposables à l'administration fiscale après avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit »32.

    Il y a lieu de préciser, à cet égard, que le concept fiscal d'abus de droit connaît deux variantes : l'abus de droit par simulation et l'abus de droit par fraude à la loi.

    S'agissant de la simulation33, elle consiste en « la création d'une situation juridique purement artificielle qui camoufle une situation au titre de laquelle des impositions sont légalement dues et qui continue d'exister en réalité derrière les apparences juridiques créées»34.

    Quant à la fraude à la loi35, elle suppose l'emploi d'actes non fictifs motivés uniquement par l'intention d'éviter le paiement de l'impôt36.

    32 CORNU (Gérard): « Vocabulaire juridique », Op. Cit., V° Abus, p.5. La définition de CORNU s'adapte parfaitement au contenu de l'article L. 64 du L.P.F. (tel que modifié par l'article 27 de l'ordonnance n° 2004- 281, du 25 mars 2004, en vigueur le 1er juin 2004, J.O.R.F du 27 mars 2004, p. 5898) qui dispose que : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses:

    a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ;

    b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ;

    c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification ».

    33 Selon COZIAN (Maurice) « La simulation n'est autre chose qu'un mensonge juridique » ; in « Les grands principes de la fiscalité des entreprises », 3e édition, Litec, 1996, p. 23.

    34 Il s'agit de la définition du commissaire du gouvernement LOBRY, Conclusions LOBRY sous C.E, 10 juin 1981, requête n° 19079, Revue de droit fiscal 1981, n° 48-49, commentaires 2187, p. 1435.

    35 A la différence de la simulation, expressément prévue par le législateur français à l'article L.64 du L.P.F., la fraude à la loi est une construction prétorienne. Par un arrêt du 10 juin 1981, le CE français a jugé que la procédure de répression des abus de droit devrait permettre de réprimer non seulement les simulations mais également les fraudes à la loi fiscale réalisées au moyen d'actes non fictifs : « Considérant que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de preuve lui incombe, elle doit, pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut qu'ils n'ont pas pu être inspiré par aucun motif autre que celui d'éluder ou atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles. » C.E., Plénière, 10 juin 1981, requête n° 19079, Revue de droit fiscal 1981, commentaires 2187, conclusions LOBRY, R.J.F. 1981, n° 787.

    36 L'TIFI (Mohamed-Habib) : « Le contrôle fiscal et les garanties administratives du contribuable vérifié », Tunisie, L'Expert, 2006, p. 120.

    En droit fiscal tunisien, l'absence d'une mention expresse de la notion d'abus de droit n'empêche pas son applicabilité37. Tout d'abord, concernant l'abus de droit par simulation, l'article 26 du C.O.C. peut trouver, en matière fiscale, un terrain d'application38. Néanmoins, l'article 101 du C.D.P.F. pourrait constituer un meilleur fondement, et ce, aussi bien pour l'abus de droit par simulation (« - simulé des situations juridiques, produit des documents falsifiés ou dissimulé la véritable nature juridique d'un acte ou d'une convention dans le but de bénéficier d'avantages fiscaux, de la minoration de l'impôt exigible ou de sa restitution ») que pour l'abus de droit par fraude à la loi ( « - accompli des opérations emportant transmission de biens à autrui dans le but de ne pas acquitter les dettes fiscales;

    - majoré un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ou de droit de consommation ou minoré le chiffre d'affaires dans le but de se soustraire au paiement de ladite taxe ou dudit droit ou de bénéficier de la restitution de la taxe ou du droit)39.

    Au vu de ce qui précède, la notion de contribuable de mauvaise foi paraît relativement facile à circonscrire

    Cependant, s'agissant du « contribuable de bonne foi » et contrairement à l'évolution de cette notion en droit fiscal comparé, il semble y avoir eu une marginalisation du concept en droit fiscal tunisien.

    En fait, le recours au droit comparé paraît utile dans la mesure où il « permet de constater que, à chaque problème plusieurs solutions sont concevables et possibles et que la solution que donne notre droit n'est pas toujours la meilleure.

    L'essentiel est donc de `relativiser ' la règle de droit, de constater qu'elle n'est qu'une oeuvre humaine, toujours perfectible et donc toujours sujette à discussion»40.

    37 Voir sur cette question : CHOYAKH (Faez) : « Réflexions sur l'abus de droit en matière fiscale », R.C.F. n°65, troisième trimestre 2004, pp. 65-75.

    38 L'article 26 du C.O.C. dispose : « Les contre-lettres ou autres déclarations écrites n'ont d'effet qu'entre les parties et leurs héritiers. Elles ne peuvent être opposées aux tiers, s'ils n'en ont eu connaissance ; les ayants cause et successeurs à titre particulier sont considérés comme tiers, aux effets du présent article ».

    39 A ces propos on pourrait objecter qu'on ne peut pas appliquer une matière pénale (La fraude) à des faits non répréhensibles pénalement. Or la fraude fiscale est sanctionnée par la loi fiscale pénale, et ce, selon une procédure particulière tandis que l'abus de droit est sanctionné par la loi fiscale en matière d'assiette. Il apparaît alors légitime, conformément au principe de l'indépendance des procédures, d'admettre l'applicabilité de l'article 101 du C.D.P.F. en matière d'abus de droit. Le principe de l'indépendance des procédures a été défini comme étant « le principe en vertu duquel la procédure fiscale suivie par l'administration à l'encontre d'un contribuable n'est pas affectée par le sort des autres procédures administratives ou judiciaires », voir : GOULARD (Guillaume) : « L'indépendance des procédures, retour à un principe traditionnel », notes sous C.E., Section, 6 décembre 1995 , n° 90914, Navon et C.E., Section, 6 décembre 1995, n° 126826, S.A. Samep, Revue de jurisprudence fiscale, n°1, 1996, p. 2.

    40 CHARFI (Mohamed) : « Introduction à l'étude du droit », Cérès, 3e édition, 2001, p.90, n°139.

    Toutefois, l'étude de la notion de bonne foi en droit fiscal comparé va se limiter au droit français. Cette limitation paraît justifiée puisque le droit fiscal tunisien apparaît « comme le fruit de la transposition du modèle français au niveau des techniques, de son langage et de sa procédure»41.

    En droit fiscal français, la notion de bonne foi embrasse une signification précise. En effet, la bonne foi serait la « qualification des résultats d'un contrôle fiscal qui permet d'éviter de se voir appliquer des sanctions. Dans le cadre d'un contrôle fiscal, des insuffisances, inexactitudes ou omissions peuvent être relevées. Outre le rappel d'impôt émis, le contribuable est alors passible de sanctions fiscales qui sont proportionnées à la gravité de la fraude. Lorsque celle-ci ne met pas en cause la bonne foi du contribuable, les droits supplémentaires sont seulement majorés d'un intérêt de retard»42.

    On constate ainsi que le législateur fiscal français reconnaît expressément le statut de contribuable de bonne foi, notamment à travers l'article L.80 A du L.PF., qui dispose que : «Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation diffé rente»43.

    Cette prise de conscience de la nécessité de faire une distinction entre les contribuables qui respectent la loi fiscale, et ceux qui ne la respectent pas, gagne de plus en plus de terrain ces dernières décennies en droit comparé, avec notamment l'émergence de nouvelles notions telles que la notion de « respect volontaire et spontané» de la loi fiscale («voluntary compliance »44 en anglais).

    41 AYADI (Habib): « Droit fiscal », C.E.R.P., 1e édition, 1989, p.11.

    42 BARILARI (André) et DRAPE (Robert) : « Lexique fiscal », Paris, Dalloz, 2e édition, 1992, p. 24.

    43 Cet article a été introduit par la loi n° 70-601 du 9 juillet 1970 au Code Général des Impôts (C.G.I) qui a reconnu, pour la première fois, la garantie du contribuable de bonne foi contre les changements de doctrine de l'administration, garantie intégrée par la suite dans l'article L.80 A du Livre des Procédures Fiscales (L.P.F) promulgué par les décrets n°81-859 et 81-860 du 15 septembre 1981 (J.O.R.F du 16 sept. 1981, p 2494 et suivants).

    44 Littéralement « compliance » signifie conformité ; la notion centrale de « voluntary compliance » correspond donc à l'acceptation volontaire par le contribuable de la loi fiscale.

    Ainsi, il apparaît, à travers une analyse comparative des administrations fiscales, effectuée en 1999 par l'Inspection générale des finances française que « toutes les réflexions des administrations fiscales aboutissent à faire de la séparation entre les contribuables qui se conforment à leurs obligations fiscales (compliant) et ceux qui ne s'y conforment pas (non compliant) la summa divisio de la population des contribuables. Les contribuables « conformes » (compliant) sont les contribuables qui payent de bonne volonté et sans poser de difficultés l'essentiel de leurs impôts. Il peut donc sembler utile de faciliter au maximum la vie de ces contribuables, c'est à dire sur le plan économique, de réduire leurs coûts de mise en conformité (compliance costs) pour que leur comportement vertueux soit récompensé»45.

    Une telle prise de conscience ne semble pas à l'ordre du jour en droit fiscal tunisien. En effet, la bonne foi du contribuable ne semble pas avoir suscité l'intérêt qu'elle devrait mériter. Aucun texte législatif en vigueur ne fait une référence expresse à la bonne foi. La loi fiscale ne pose pas la moralité comme critère de distinction entre les contribuables. Or, il existe un principe général d'interprétation du droit en vertu duquel il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Ainsi, il semblerait que la loi fiscale s'applique abstraction faite de l'idée de la bonne ou de la mauvaise foi du contribuable.

    Peut-on alors se fonder sur cette « absence » pour écarter toute application de la notion de bonne foi en matière fiscale ? Une réponse par la négative semble s'imposer.

    En effet, la bonne foi est présente en matière fiscale, notamment en droit fiscal pénal et plus précisément sous l'angle de la fraude à la loi ; mais on l'examinera surtout du point de vue du droit fiscal stricto sensu46.

    Cet examen peut se faire à travers l'évolution législative en la matière.

    45 Inspection Générale des Finances N° 98-M-041-11 : Mission d'analyse comparative des administrations fiscales,

    https://www.igf.minefi.gouv.fr/IGF/sections/rapports/enquete__admifinan1/downloadFile/file/Rapport_98M041. pdf, visité le 25/4/2008.

    46 Le droit fiscal a été défini par Louis TROTABAS comme étant « la branche du droit public qui règle les droits du fisc et leurs prérogatives d'exercice », TROTABAS (Louis) : « Essai sur le droit fiscal », Revue de science et de législation financière, 1928, p.201. Il importe de préciser que « Le droit fiscal est très rarement défini par la doctrine. Dans l'introduction des ouvrages et manuels, on se préoccupe plus de la définition de l'impôt que de celle du droit fiscal. Parmi les rares définitions doctrinales, celle du doyen TROTABAS, grand défenseur de l'autonomie du droit fiscal », BACCOUCHE (Néji) :«Constitution et droit fiscal», Etudes Juridiques, n°8, 2001, pp. 29- 88.

    En effet, sous l'égide de la Charte du contribuable, qui régissait les relations entre l'administration fiscale et les contribuables avant la promulgation du C.D.P.F., les taux des pénalités d'assiette étaient fonction de la nature de l'infraction. Ainsi, à l'insuffisance de bonne foi ou à défaut de dépôt de déclarations dans les délais impartis portant sur un retard inférieur à deux ans, le taux de pénalité applicable était de 10 % dans le cas de l'acquiescement et de 15% dans le cas de la taxation d'office47. Il s'agit en effet de la seule mention expresse d'une certaine bonne foi.

    En outre, la bonne foi pouvait facilement constituer le fondement logique de la présomption d'exactitude attachée à la déclaration, une présomption expressément prévue par la Charte du contribuable48.

    Ainsi, l'attention que devrait susciter la bonne foi semble se justifier par la spécificité de la matière fiscale. « Plus que tout autre domaine relevant de la compétence de l 'Etat, la fiscalité est par nature conflictuelle»49. Elle oppose le contribuable assigné à faire don d'une partie de ses gains pour alimenter le Trésor public, à l'administration fiscale, dotée de prérogatives de puissance publique.

    Ainsi, le contribuable aurait besoin de toutes ses armes, notamment sa bonne foi pour constituer sa défense. Toutefois, s'agit-il d'une arme réelle ou factice ?

    La question mérite d'être posée.

    Cependant, ce qui semble certain est que le rapport de forces en faveur de l'administration est assez marqué, rendant de la sorte la protection du contribuable d'autant plus nécessaire.

    47 Deux remarques semblent à ce niveau s'imposer. Tout d'abord, le C.D.P.F. n'a pas gardé les pénalités d'assiette. Ensuite, l'article 7 de la loi de promulgation du C.D.P.F. a abrogé l'article 63 du C.I.R.P.P. et de l'I.S. qui constituait le fondement juridique de l'application de la Charte du contribuable.

    48 « Le système fiscal tunisien se caractérise par le dépôt spontané des déclarations par les contribuables. Ces déclarations sont présumées être exactes mais demeurent soumises au contrôle de l'administration fiscale conformément à la législation fiscale en vigueur ». Cette présomption n'a pas été reprise par le C.D.P.F. Voir http://www.jurisitetunisie.com/tunisie/codes/cirppis/cirppis1400.htm, visité le 28/6/ 2008.

    49 DELORME (Guy) : « La protection du contribuable », R.F.F.P., n°17, Le contentieux fiscal, 1987, p. 125.

    A cet effet, le législateur devrait prendre le soin de protéger le contribuable, a fortiori lorsque celui-ci est de bonne foi. Toutefois, assurer une égalité parfaite entre l'administration d'une part et le contribuable d'autre part relèverait du domaine de l'impossible. En effet, ériger la bonne foi en une présomption irréfragable reviendrait à vider de tout sens le pouvoir de contrôle fiscal. Bien plus, en se remettant à la bonne volonté du contribuable, l'administration n'est pas à l'abri d'une dissimulation ou d'une minoration de la matière imposable50.

    En conséquence, la reconnaissance d'une valeur à la bonne foi du contribuable, ne peut être que relative, compte tenu des limites du système déclaratif qui peut être source de fraude fiscale. Il en résulte que la protection est par essence, limitée.

    Ainsi, il y a lieu d'étudier dans une première partie la nécessaire protection du contribuable de bonne foi (Partie I) ; avant d'aborder dans une seconde partie les limites inhérentes à cette protection nécessaire (Partie II).

    50 CASIMIR (Jean-Pierre) : « Signes extérieurs de revenus et garanties accordées aux contribuables dans le cadre des taxations d'office », in « La taxation d'office à l'impôt sur le revenu », Actes des journées d'étude organisées par la société française de droit fiscal à Strasbourg les 3 et 4 mai 1979, Paris, L.G.D.J., 1980, p.54.

    PREMIÈRE PARTIE : LA NÉCESSITÉ DE

    LA PROTECTION DU CONTRIBUABLE

    DE BONNE FOI

    Il est nécessaire de garantir une protection au contribuable de bonne foi. La notion de bonne foi évoque, en premier lieu, la « croyance erronée »51. Une croyance erronée mais sincère (ou légitime) en l'existence d'une situation juridique régulière. Elle privilégie donc une attitude passive du sujet de droit en l'occurrence le contribuable qui ignore l'obstacle légal empêchant de donner plein effet à une situation juridique52.

    La bonne foi évoque en deuxième lieu, un « comportement loyal », une attitude d'intégrité et d'honnêteté et la conscience d'agir sans léser les droits d'autrui53. Elle privilégie ainsi une attitude active pouvant s'apprécier eu égard au comportement effectif du contribuable54.

    Cette dualité de sens qu'embrasse la bonne foi nécessite une dualité corrélative de protection au profit du contribuable ; une protection de la bonne foi en tant que croyance erronée (Chapitre I) et une protection de la bonne foi en tant que comportement loyal (Chapitre II).

    51 Selon le professeur KORNPROBST on pourrait admettre à titre d'axiome, l'existence de deux sortes de bonne foi : une bonne foi de connaissance et une bonne foi d'action ; la première résulte d'une croyance et la seconde d'un certain comportement. Or, « Lorsqu'il s'agit de la bonne foi connaissance, encore faut-il qu'elle soit fondée sur une croyance erronée, car comme le remarque à juste titre Breton « si la croyance est conforme à la réalité, c'est la réalité et non pas elle qui produit effet (...) la croyance n 'a d'action particulière que quand elle est erronée », KORNPROBST (Emmanuel) : « La notion de bonne foi : application au droit fiscal français », thèse précitée, p. 4 cite BRETON (A) : « Des effets civils de la bonne foi », Revue critique, 1926, p. 86.

    52 LE TOURNEAU (Philippe) : « La bonne foi », Répertoire civil, Dalloz, Octobre 1995.

    53 CORNU (Gérard) : « Vocabulaire juridique », Op. Cit., V° Bonne foi, p.1 05.

    54 LE TOURNEAU (Philippe) : « La bonne foi », Répertoire civil, Dalloz, Octobre 1995.

    CHAPITRE I - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI EN TANT QUE CROYANCE ERRONEE DU CONTRIBUABLE

    « Dans la formule « croyance ou opinion erronée » ce qui compte c'est l'idée d'erreur. La bonne foi c'est l'erreur sur la régularité ou l'irrégularité d'une situation ou d'un acte juridique »55. Cependant, il arrive souvent que l'erreur reprochée au contribuable ne soit pas de son propre fait56. Elle peut être due notamment aux changements de doctrine administrative57.

    55

    LYON -CAEN (Gérard) : « De l'évolution de la notion de bonne foi », Revue trimestrielle de droit civil, 1946, p.99.

    56 L'erreur reprochée peut être due également à la rétroactivité du texte fiscal. La situation est la suivante : un contribuable ayant appliqué la réglementation fiscale en vigueur à la date du fait générateur de l'impôt, se trouve, en vertu d'un nouveau texte, menacé d'un rehaussement d'impositions. La menace est d'autant plus sérieuse que « l'administration fiscale a la fâcheuse habitude, lorsqu'elle pressent que sa position va être condamnée par le juge, de demander au législateur par une validation rétroactive ou par une disposition interprétative, de ratifier sa position ou sa propre doctrine. Or, l'une des premières exigences du contribuable est de pouvoir connaître les règles fiscales à l'avance et de ne pas être victime devant le juge de nouvelles mesures rétroactives qui l'imposent dans des conditions différentes de celles qu'il avait prévu », (PHILIP (Loïc) : « Le procès équitable dans la jurisprudence du conseil constitutionnel », R.F.F.P, n° 83, Septembre 2003, p. 5). Le contribuable peut-il alors invoquer sa croyance d'être dans son bon droit pour contrecarrer l'exercice, par l'administration, de son droit de reprise ? En l'état actuel du droit, la non rétroactivité des normes fiscales moins favorables au contribuable, n'est pas consacrée. En effet, l'article 13 de la Constitution, tel que modifié par la loi constitutionnelle n°2002-51 du 1er juin 2002, n'interdit les dispositions législatives rétroactives qu'en matière répressive, et ce, sauf en cas de texte plus doux. Cela signifie donc que le législateur fiscal demeure libre d'adopter des lois rétroactives. Dès lors, sera écartée l'étude de la protection du contribuable contre la rétroactivité de la norme. Une telle protection ne devrait pas dépendre du comportement du contribuable ; tout contribuable, même de mauvaise foi, mériterait protection. C'est le minimum de protection requis dans un Etat qui se veut de droit. En revanche, s'agissant de la protection du contribuable contre la rétroactivité de la doctrine administrative, cette protection devrait être l'apanage du contribuable de bonne foi puisqu'il s'agit dans ce cadre de faire prévaloir la croyance du contribuable d'être dans son bon droit.

    57

    Il n'existe pas, en droit positif tunisien, une définition de la notion de doctrine administrative. En effet, cette notion n'est reconnue que de manière accidentelle par simple décret, et ce, uniquement à travers sa version française. Il s'agit de l'article 18 du décret n° 91-556 du 23 avril 1991 (J.O.R.T. n° 30, 134e année, 3 mai 1991, p. 952) portant organisation du ministère des finances qui attribue à la direction générale des études et de la législation fiscale le rôle « d'interpréter les textes législatifs et réglementaires fiscaux en vigueur et d'élaborer ainsi la doctrine administrative». Le même article ajoute que la direction est chargée notamment «d'élaborer la documentation fiscale et d'assurer la publication du bulletin officiel des impôts ». Il est à noter cependant, que la version arabe (étant celle qui fait foi) du même article 18 du décret susmentionné, n'a pas employé l'équivalent de l'expression « doctrine administrative ». Le texte arabe parle de « la fixation de la méthode à suivre par l'administration à cet effet »".3.1.-.1113A <4i 1;.)1.3,>1 14.L.1 <4:1 ~J~#S~1 " , pour exprimer ce que la version française du décret appelle « doctrine administrative ». Pour plus de détails sur le fondement juridique accidentel de la doctrine administrative en Tunisie voir : GADHOUM (Oualid) : « La doctrine administrative fiscale en Tunisie », Paris, L'Harmattan, 2007, p.36 et suivants.

    Toutefois, il importe, de prime abord de signaler que dans le domaine fiscal, plus que dans les autres domaines, la doctrine de l'administration, en tant que « l'ensemble des commentaires que fait l'administration des textes fiscaux», participe au fonctionnement du système fiscal58. En effet, face à la complexité et à l'hermétisme des textes fiscaux, la doctrine administrative assure un rôle incontournable dans l'interprétation du texte fiscal ainsi que dans sa vulgarisation. Cependant, il arrive souvent qu'elle glisse vers l'exercice d'un véritable pouvoir réglementaire. En effet, sous couvert d'interprétation, l'administration peut être tentée de donner à la mesure législative ou règlementaire le contenu qu'elle voudrait qu'elle ait. Elle peut, soit ajouter des conditions non prévues par le texte et dont l'effet sera de restreindre le champ d'application de la loi, soit au contraire, renoncer à certaines conditions du texte, modifiant de la sorte ses conditions d'application. Cette doctrine administrative semble être illégale dans la mesure où elle présente un caractère réglementaire et s'approprie, de la sorte, d'un rôle dont elle n'est pas investie. Ainsi, elle est en principe, inopposable au contribuable. Ce dernier a la possibilité, s'il justifie (entre autres) d'un intérêt à agir, d'exercer un recours pour excès de pouvoir en vue de l'attaquer.

    Cependant, il arrive souvent que le contribuable n'attaque pas la doctrine administrative mais plutôt s'en prévaut, et ce, à l'occasion d'un revirement de position de la part de l'administration en sa défaveur puisque, rien n'empêche l'administration fiscale de revenir sur sa doctrine et de substituer une doctrine favorable au contribuable par une doctrine plus sévère59.

    Cette substitution est susceptible d'engendrer au moins deux conséquences pour le contribuable : « Tout d'abord, le régime fiscal auquel il est soumis pour l'avenir se trouve durci. En outre, l'administration fiscale peut user de son droit de reprise pour opérer un redressement portant sur des exercices non prescrits, en se fondant sur l'interprétation nouvellement donnée au texte pertinent »60.

    58 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op. Cit., p.21 9. Selon BARILARI (André) et DRAPPE (Robert), la doctrine administrative est définie comme : « L'ensemble des documents, circulaires, instructions, documentation fiscale, réponses ministérielles par lesquels l'administration fiscale fait connaître son interprétation des textes, en particuliers fiscaux », «Lexique fiscal », Op. Cit., p. 69. A côté de ces documents énumérés, il faudrait ajouter, dans le contexte tunisien, les notes communes ainsi que les réponses de l'administration fiscale aux demandes de renseignements qui lui sont adressées par les contribuables. Outre ce qui précède, le contribuable a parfois été confronté à la pratique administrative, ce que le juge fiscal désigne sous l'appellation « doctrine administrative de fait ». Voir en ce sens : Tribunal de première instance de Tunis, 18 novembre 2004, requête n° 819, voir annexe 3 p.200 et spécialement p.204.

    59 S'agissant des mesures favorables, les contribuables qui en sont bénéficiaires ne vont pas les contester du moment qu'elles introduisent des assouplissements à leurs obligations fiscales.

    60 MARCHESSOU (Philippe) : « L'interprétation des textes fiscaux », Paris, Economica, 1980, p. 105.

    Cette faculté ouverte à l'administration est depuis toujours objet d'indignation61. D'autant plus que ce phénomène de changement de doctrine administrative est, dans la pratique, assez courant, et que contrairement au droit comparé, le législateur tunisien n'a pas prévu de dispositions juridiques régissant sa mise en oeuvre, son application ou encore son changement.

    Cette situation contraste avec le développement, depuis quelques années, d'une doctrine administrative foisonnante. On a même pu constater que « la doctrine administrative en Tunisie évolue en dehors de tout cadre législatif »62.

    La protection contre le changement de la doctrine administrative se justifie par la nécessité d'assurer aux contribuables un climat de sécurité juridique et d'instaurer, de la sorte, la règle de la certitude. Ainsi, il y a lieu d'étudier dans un premier temps la nécessité d'établir un certain degré de protection de la croyance erronée du contribuable (Section I). Cette protection doit en outre être encadrée afin de garantir son effectivité (Section II).

    SECTION I- UNE PROTECTION A ETABLIR

    La protection de la croyance erronée du contribuable est fonction de certains impératifs que le système fiscal en place se doit d'observer. Ces impératifs sont dictés par la nouvelle conception du pouvoir politique et plus précisément de l'Etat de droit auquel la Constitution tunisienne proclame son attachement depuis 200263. Au coeur même de ces impératifs figure la sécurité juridique (Paragraphe 1). En outre, un Etat de droit suppose un devoir de loyauté imposé à l'administration (Paragraphe 2).

    61 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op.Cit., p. 222.

    62 GADHOUM (Oualid) : « La doctrine administrative fiscale en Tunisie », Op. Cit., p. 189.

    63 BACCOUCHE (Néji) : «De la nécessité du contrôle fiscal», Revue tunisienne de fiscalité, n°1, 2004, p. 13.

    Paragraphe 1- Au nom du principe de la sécuritéjuridique

    Le principe de la sécurité juridique64 vise tout à la fois la stabilité des situations juridiques65 et la clarté des règles juridiques66.

    Il a pour corollaire le principe de la confiance légitime dont l'émergence a été guidée par la nécessité de garantir une protection accrue du citoyen contre les dérives d'une application rigide du principe de légalité67 ; qui implique « le respect de la confiance que les citoyens peuvent légitimement placer dans la stabilité de leur environnement juridique tel que délimité et caractérisé par la puissance publique» 68.

    64 Historiquement, ce principe est né en Allemagne et a trouvé sa reconnaissance internationale dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes dès 1962, dans son arrêt Bosch du 6 avril 1962 puis dans les années 1970 : Cour de Justice des Communautés Européennes, 14 juillet 1972, affaire n° 57/69. En 1981, cette même Cour rendait l'arrêt « Dürbeck » (5 mai 1981) dans lequel elle évoquait le principe de confiance légitime, proche de celui de sécurité juridique. La Cour Européenne des Droits de l'Homme l'a, quant à elle, appliqué en exigeant précision et prévisibilité de la loi. Dans ses arrêts « Sunday Times » (26 avril 1979) et « Hentrich c/ France » (22 septembre 1994). Pour un commentaire de l'affaire voir KORNPROBST (Emmanuel) : « La douane et le fisc devant la Cour de Strasbourg », http://www.credho.org/cedh/session03/cahier03.pdf, p.72, visité le 25/4/2008.

    65 C'est-à-dire la permanence, au moins relative, de celles-ci dans le temps. En effet, une règle de droit n'est pas appelée à être immuable, c'est de l'essence même du Droit de changer, de suivre le changement de l'environnement qu'il doit régir. Cependant, c'est la cadence des changements qui doit être régulée.

    66 Voir : FROMONT (Michel) : « Le principe de sécurité juridique », A.J.D.A., n°spécial, 20/6/1996, p. 178.

    En d'autres termes, la sécurité juridique est exigée soit pour limiter les possibilités de rétroactivité de la norme, soit pour sauvegarder sa qualité. Voir : DUTHEILLET DE LAMOTHE (Olivier) : « La sécurité juridique : Le point de vue du juge constitutionnel », http://www.conseilconstitutionnel.fr/divers/documents/securitejuridique.pdf, p.1, visité le 2 5/04/2008.

    67 BOUCHARD (Jean -Claude) : « La note 442 du 28 mars 1928, un retour vers le futur? », Revue de droit fiscal, n° 20, 18 mai 2007, p.12.

    68 BOUCHARD (Jean -Claude) : « La note 442 du 28 mars 1928, un retour vers le futur? », article précité, p.11.

    Même si ces principes ne figurent pas explicitement dans la Constitution tunisienne69, il est possible de les rattacher à l'alinéa premier de l'article 5 de celle-ci, qui dispose que : « La République Tunisienne garantit les libertés fondamentales et les droits de l'homme dans leur acception universelle, globale, complémentaire et indépendante »70.

    Or, les principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime se placent aujourd'hui parmi les droits de l'Homme au même titre que la liberté, la propriété et la résistance à l'oppression. De même, on pourrait les rattacher au principe de légalité qui est généralement présenté comme « une garantie fondamentale contre, non seulement l'arbitraire des pouvoirs politiques mais également, contre l'abus des autorités administratives »71. De ce fait, le principe de la sécurité juridique apparaît étroitement lié au principe de la légalité, lequel implique la prévisibilité de l'étendue de l'obligation fiscale.

    Toutefois, le possible rattachement de la sécurité juridique aux principes reconnus par la Constitution ne doit pas occulter la réalité de sa méconnaissance dans le système de contrôle fiscal, et ce, aussi bien concernant sa conception par le législateur que (surtout) sa mise en oeuvre par l'administration72.

    69 En droit constitutionnel français, le principe de sécurité juridique ne figure pas explicitement dans la Constitution du 4 octobre 1958. Seul figure, par l'intermédiaire de la déclaration de 1789, le droit de sûreté qui s'inscrit dans le préambule de la Constitution. En 2006, le principe de la sécurité juridique a été solennellement reconnu par le Conseil d'État statuant au contentieux dans l'arrêt du 24 mars 2006 KPMG et autres, indiquant notamment qu'une nouvelle réglementation ne doit pas porter une atteinte excessive aux contrats en cours : « Considérant qu'indépendamment du respect de cette exigence, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, une réglementation nouvelle ; qu'il en va ainsi en particulier lorsque les règles nouvelles sont susceptibles de porter une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours qui ont été légalement nouées ;Considérant que les dispositions de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière relatives à la déontologie et à l'indépendance des commissaires aux comptes, dont la mise en oeuvre est assurée par le code de déontologie, ont, en raison des impératifs d'ordre public sur lesquels elles reposent, vocation à s'appliquer aux membres de la profession ainsi réglementée et organisée sans que leur effet se trouve reporté à l'expiration du mandat dont les intéressés ont été con tractuellement investis ; que toutefois, à défaut de toute disposition transitoire dans le décret attaqué, les exigences et interdictions qui résultent du code apporteraient, dans les relations contractuelles légalement instituées avant son intervention, des perturbations qui, du fait de leur caractère excessif au regard de l'objectif poursuivi, sont contraires au principe de sécurité juridique ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le décret attaqué en tant qu'il ne comporte pas de mesures transitoires relatives aux mandats de commissaires aux comptes en cours à la date de son entrée en vigueur intervenue, conformément aux règles de droit commun, le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française du 17 novembre 2005;(...)», http://www.legifrance.com/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT00000824114 3&fastReqId=1 1 50449877&fastPos=1, visité le 25/4/2008.

    70 L'alinéa 1 de l'article 5 a été ajouté par l'article 2 de la loi constitutionnelle n° 2002-51du 1er juin 2002, J.O.R.T. n°45, 145e année, 3 juin 2002, p.1298.

    71 BESBES (Slim) : « Le principe de la légalité de l'impôt en droit tunisien », thèse précitée, p.15.

    72 En droit français, NEEL (Brigitte) a écrit que : « L'insécurité fiscale a pour coauteurs : le législateur et l'administration ! », préface de la thèse de DOUET (Frédéric) : « Contribution à l'étude de la sécurité juridique en droit fiscal interne français », Paris, L.G.D.J, 1997.

    Fort heureusement cette attitude n'est pas partagée par le juge tunisien qui s'y réfère, explicitement, dans certaines de ses décisions. De façon plus précise :

    · le juge fiscal du fond consacre de plus en plus l'exigence de la sécurité juridique (A);

    · le T.A. consacre également cette exigence ; quoique de manière assez timide (B).

    A- Consécration marquée par le juge fiscal du fond

    Le juge fiscal tunisien se réfère de plus en plus dans ses décisions au principe de la sécurité juridique. Concrètement, ce principe se manifeste de différentes manières.

    Dans certains cas, le principe de la sécurité juridique a été mis en oeuvre pour fonder le principe de l'interdiction des vérifications approfondies successives afin d'assurer au contribuable un climat de stabilité juridique73.

    73 Tribunal de première instance de Sfax, requête n° 177 du 22 octobre 2003. Affaire citée par DRIRA (Tarek) et JAMMOUSSI (Saoussen) : « Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne », Revue tunisienne de fiscalité, n° 4, p. 238.

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    Voir également : Tribunal de 1ère instance de Sfax, requête n° 126 du 15 juillet 2002. Affaire citée par JAMMOUSSI (Saoussen) : « Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne », Revue tunisienne de fiscalité, n° 2, p. 174.

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    Ou encore : Tribunal de première instance de Tunis, affaire n° 1222 du 1er juin 2006 (inédit).

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    Dans d'autres, il utilise l'exigence de sécurité juridique pour limiter les possibilités de rétroactivité de la loi, car la rétroactivité de la norme constitue incontestablement la principale menace à la sécurité juridique.

    C'est notamment à travers la question des délais de reprise que le juge a invoqué le principe de la sécurité juridique. La situation est la suivante : le C.D.P.F. a modifié les délais de prescription pour presque tous les impôts, sauf pour le droit de timbre (10 ans) et le droit de circulation (1année). Pour les autres impôts, il y a eu soit un rallongement, soit une réduction des délais.

    Or, lorsque la loi nouvelle modifie les délais de reprise, on applique la loi la plus favorable au contribuable, mais, des problèmes peuvent surgir quand la loi nouvelle rallonge les délais. Pour pouvoir résoudre ce conflit de lois dans le temps, il faut au préalable déterminer la nature des délais de reprise puisque, la nature de ces délais conditionne le droit applicable. S'agit t-il alors d'un élément de fond, auquel cas il y a lieu d'appliquer les règles en vigueur à la date du fait générateur de l'impôt ? Ou bien s'agit-il d'un élément de forme, auquel cas ce sont les règles nouvelles qui s'appliquent immédiatement ?

    La loi étant muette sur la question, c'est au juge de la trancher sous contrainte de commettre un déni de justice.

    Le tribunal de première instance de Tunis a pu y statuer à l'occasion de l'affaire opposant la société SIMA à la Direction générale du contrôle fiscal74.

    Dans cette affaire, le juge a retenu la première éventualité au motif de son respect du principe de la sécurité juridique du contribuable en ces termes : « Considérant que l'application, aux délais de reprise, du régime applicable à la date du fait générateur de l'impôt est compatible avec le principe de la sécurité juridique du contribuable »75.

    74 Tribunal de première instance de Tunis, affaire n° 578, du 12 janvier 2004, la société SIMA contre la Direction générale du contrôle fiscal. (Inédit). Voir annexe 3, p.194 et spécialement p.199.

    75 D'autres jugements sont venus confirmer le jugement prononcé par le tribunal de première instance de Tunis cité là - haut:

    - le Tribunal de première instance de la Manouba, chambre civile, 9 novembre 2005, affaire n°96, citée par MTIR (Mahmoud), « Commentaires de la jurisprudence : droit fiscal », Infos Juridiques, n° 8/9, septembre 2006, p. 21.

    - le Tribunal de première instance de l'Ariana, 2 novembre 2006, affaire n°352. (Inédit). Voir annexe 3 p.223 et spécialement p.226.

    - le Tribunal de première instance de l'Ariana, 4 janvier 2007, affaire n°444. (Inédit). Voir annexe 3 p.229 et spécialement p.235.

    - le Tribunal de première instance de l'Ariana, 4 janvier 2007, affaire n°445. (Inédit). Voir annexe 3 p.236 et spécialement p.243.

    Ainsi, il semble qu'un courant, inspiré par le principe de la sécurité juridique, émerge, lentement, mais sûrement.

    Cependant, la répartition du contentieux fiscal telle que prévue par la loi, constitue un frein à ce courant. En effet, en vertu de l'article 69 du C.D.P.F., les recours en cassation contre les arrêts des cours d'appel relèvent de la compétence du Tribunal administratif76. Or, le maintien de deux ordres77 ; un ordre judiciaire et un ordre administratif, compétents en la matière paraît inopportun. Loin de favoriser la clarté et la simplicité des recours du côté du contribuable, cette répartition du contentieux empêche le juge d'une meilleure assimilation de la matière fiscale, réputée pour sa complexité et son hermétisme.

    Ainsi, la sensibilité du juge du fond au principe de la sécurité juridique n'est pas forcément partagée par le Tribunal administratif.

    B- Consécration timide par le T.A. en dehors de la matière fiscale

    Le T.A. statuant sur les recours en cassation contre les arrêts des Cours d'appel, rendus dans les recours prévus par l'article 54 du C.D.P.F., n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur la place exacte occupée par le principe de la sécurité juridique dans la hiérarchie des normes.

    Cependant, il importe de signaler qu'en matière de fonction publique (il s'agit d'un jugement de premier degré), le tribunal administratif a jugé opérant le moyen tiré de l'atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime, lorsqu'il est invoqué au soutien d'un recours dirigé contre un décret ne contenant pas des dispositions transitoires, l'écartant en l'espèce comme non fondé.

    76 « Les recours en cassation contre les arrêts des cours d'appel, rendus dans les recours prévus par l'article 54 du présent code, s'effectuent conformément aux procédures prévues par la loi organique relative au Tribunal Administratif et par les lois qui l'ont modifiée ou complétées ».

    77 En admettant qu'il existerait un ordre administratif à côté de l'ordre judiciaire.

    « Considérant qu'il est établi en doctrine ainsi qu'en jurisprudence que nul n'a de droit acquis au maintien d'un règlement ; que l'administration dispose du pouvoir discrétionnaire de le modifier voire l'abroger, et ce, tant qu'elle ne remet pas en cause les droits acquis des individus78, qu'en vertu du principe de confiance légitime l'administration n'est pas en mesure d'effectuer des modifications inutilement soudaines eu égard à l'objet de la mesure ou aux finalités poursuivies »79.

    Il ressort de ce considérant que le juge administratif a assujetti l'administration aux principes de l'Etat de droit auquel la Constitution proclame son attachement depuis 200280.

    Ce considérant rappelle en outre, la première fois qu'une juridiction française a accepté de faire prévaloir le principe de la confiance légitime sur le droit interne.

    78 Autrement dit, le juge admet que le respect des droits acquis fait obstacle à leur retrait.

    79 Voir annexe 3 p.152 et spécialement p.157.

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    Voir également T.A., 10 mai 2000, requête n° 17257, où le tribunal reprend, exactement, le même considérant. Voir annexe 3 p. 159 et spécialement p. 165.

    80 AYADI (Habib) : « La discontinuité du contentieux de la cassation fiscale », in « Mélanges en l'honneur du Doyen Yadh BEN ACHOUR », Tunis, C.P.U., 2008, p.632, N.B.P. n°12.

    Il s'agissait du tribunal administratif de Strasbourg qui a jugé que « l'administration doit veiller à ne pas porter aux tiers un préjudice anormal en raison d'une modification inattendue des règles qu'elle édicte ou du comportement qu'elle adopte si le caractère soudain de ce changement n'est pas rendu nécessaire par l'objet de la mesure ou par les finalités poursuivies ; qu'en particulier, si les autorités administratives peuvent modifier la réglementation qu'elles ont édicté en fonction de l'évolution de leurs objectifs ou des situations de fait ou de droit qui conditionnent leur intervention, elles doivent prendre les dispositions appropriées pour que les personnes concernées disposent d'une information préalable ou que des mesures transitoires soient aménagées dès lors que la modification envisagée ne doit pas, par nature ou en raison de l'urgence, prendre effet de manière immédiate et qu'elle est susceptible d'avoir, de manière substantielle, des effets négatifs sur l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une liberté publique, qu 'à défaut de respecter ce principe de la confiance légitime dans la clarté et la prévisibilité des règles juridiques et de l'action administrative, l'administration engage sa responsabilité à raison du préjudice anormal résultant d'une modification inutilement soudaine de ces règles ou comportements »81.

    A ce niveau, il importe de préciser que, si le juge administratif tunisien reconnaît aujourd'hui, en des termes d'une parfaite sobriété, l'existence du principe de la sécurité juridique et son corollaire le principe de confiance légitime, cette consécration n'est pas le fruit du hasard.

    Il s'agit en réalité de l'aboutissement d'une marche axée sur la reconnaissance progressive des différentes facettes du principe de la sécurité juridique.

    81 T.A., Strasbourg, 8 décembre 1994, Entreprise Freymeuth contre ministre de l'environnement, requête n° 93- 1085, A.J.D.A. 1995, n°7-8, p. 555 et suivants.

    En effet, le juge administratif, tient compte de l'impératif de sécurité juridique dans l'exercice de son contrôle à travers un certain nombre de principes plus ciblés comme la prohibition du retrait ou de l'abrogation des décisions créatrices de droits devenues définitives ou la non rétroactivité des actes administratifs, tout en le conciliant avec le principe de légalité et en s'efforçant d'assurer à l'action administrative une certaine souplesse82.

    Il est donc permis d'espérer voir le Tribunal administratif, statuant en matière fiscale, faire prévaloir la confiance que les contribuables de bonne foi ont pu légitimement placer dans la stabilité de leur situation fiscale telle que délimitée par le fisc.

    Il découle de ce qui précède, que « Principe flou, d'application incertaine, la sécurité juridique colore certaines évolutions jurisprudentielles alors même que son nom n'est pas prononcé. Il est ainsi certain que le juge se préoccupe de sécurité juridique »83.

    A côté du principe de la sécurité juridique, existerait-il d'autres pistes pour combattre la remise en cause par l'administration de sa propre doctrine ?

    82 Voir T.A., recours pour excès de pouvoir, 14 mai 1980, requête n°374, Recueil des arrêts du tribunal administratif 1980, pp. 178- 182.

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    Voir également :

     
     
     
     

    - T.A., Recours pour excès de pouvoir, 29 décembre 1989, requête n°1421. Voir annexe 3 p.110 et spécialement p.112 et 113.

    - T.A., Recours pour excès de pouvoir, 25 mai 2000, requête n°17236. Voir annexe 3 p.167 et spécialement p.170.

    83 MATHIEU (Bertrand) : « Présentation, Etudes et doctrines : Le principe de sécurité juridique », Cahiers du Conseil constitutionnel n° 11, http://www.conseilconstitutionnel.fr/cahiers/ccc11/ccc11somm.htm, visité le 9/4/2008.

    Paragraphe 2- Au nom d'un devoir de loyauté imposé à l'administration ?

    « Rien ne paraît plus arbitraire que le rehaussement d'imposition qui est mis à la charge d'un contribuable suite au changement de l'interprétation du texte fiscal sur laquelle était fondée l'imposition primitive, soit en violation de l'accord qui était intervenu entre ce contribuable et son inspecteur. La loyauté que l'on exige des contribuables dans le système de la déclaration (même contrôlée) s'accorde mal avec le fait du prince ou le reniement de la parole donnée ; la moralité fiscale ne devrait pas emporter moins d'obligations pour l'administration que pour le contribuable»84.

    La loyauté se définit comme étant, la fidélité à tenir ses engagements, à obéir aux lois de l'honneur, de la probité, de la droiture85. En outre, sur un plan éthique, il serait injuste que l'administration, ayant remis en cause sa propre interprétation d'une disposition fiscale, puisse faire subir aux contribuables les conséquences de ce changement d'interprétation. Par conséquent, la sécurité du contribuable serait gravement affectée si ceux-ci n'étaient pas assurés d'être traités conformément à la doctrine en vigueur à la date des opérations qu'ils concluent86.

    Il paraît ainsi légitime de se demander dans quelle mesure le droit fiscal protège le contribuable contre la déloyauté de l'administration fiscale ?

    Sans nul doute, la confiance que doit avoir le contribuable dans l'administration fiscale fonde l'exigence d'un devoir de loyauté imposé à l'administration. Cette dernière, dans l'exercice de sa fonction d'interprétation de la loi fiscale, ne doit donc pas compromettre volontairement cette confiance. Car, d'une part, « l'interprétation administrative constitue un acte volontaire de la part de l'administration fiscale qui choisit une seule signification pour la considérer comme l'interprétation officielle de la norme fiscale »87.

    D'autre part, « l'interprétation administrative ne lie pas à titre définitif l'administration qui est toujours libre de modifier sa doctrine. Ainsi, il est fréquent que, pour un même texte législatif, l'administration change l'interprétation qu'elle en donne »88.

    Le devoir de loyauté peut dès lors être fondé sur le principe de la légalité.

    84 MARTINEZ (Jean-Claude) : « Le statut du contribuable », L.G.D.J., 1980, p.137

    85 www.larousse.fr, V° loyauté et V° loyal.

    86 BOUVIER (Michel) : « Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l'impôt », Paris, L.G.D.J, 5e édition, 2003 p. 182.

    87 BESBES (Slim) : « Le principe de la légalité de l'impôt en droit tunisien », thèse précitée, p.329.

    88 BESBES (Slim) : « Le principe de la légalité de l'impôt en droit tunisien », thèse précitée, p.330.

    Ce dernier constitue dans son acception la plus générale, « une règle de conduite qui gouverne le processus de création des normes juridiques. Il est généralement annoncé comme une garantie fondamentale contre l'arbitraire des pouvoirs politiques et l'abus des autorités administratives »89.

    La doctrine attribue à ce principe plusieurs fonctions. Il résume et garantit à la fois la subordination de l'administration aux organes élus, la conformité de l'action administrative à la volonté de la nation souveraine et la protection des individus contre l'arbitraire90.

    Il importe de préciser que l'arbitraire ne résulte pas de l'exercice, par l'administration fiscale de sa fonction interprétative. Cette fonction, en tant que telle, n'est pas incompatible avec le principe de la légalité de l'impôt entendu dans le sens de la compétence du législateur en matière fiscale91. Elle en constitue un complément indispensable en raison des incidences financières immédiates de l'interprétation adoptée et de la complexité de la matière fiscale92. Toutefois, cette mission offre matière à critique et laisse ouvertes les portes de l'arbitraire, dès lors qu'elle prend, comme c'est le cas en Tunisie, une ampleur démesurée. D'autant plus que l'administration ne répugne pas à remettre en cause sa doctrine favorable au contribuable. Or, « il est choquant de voir un contribuable qui a organisé sa situation financière et fiscale en fonction d'une interprétation donnée d'un texte par l'administration, imposé plus sévèrement selon une nouvelle interprétation émanant de la même administration » 93. Cette attitude de la part de l'administration fiscale dénote visiblement l'absence d'intention bienveillante ; la nouvelle interprétation émanant de la même administration constitue indéniablement un élément perturbateur de la sécurité juridique du contribuable de bonne foi.

    89 BESBES (Slim) : « Le principe de la légalité de l'impôt en droit tunisien », thèse précitée, p.15.

    90 LOSCHAK (Danièle) : « Le principe de légalité : Mythe et mystifications », A.J.D.A., 1981, n° 9, 20 septembre 1981, p. 387.

    91 Le principe de légalité de l'impôt « trouve son fondement dans l'article 34 de la Constitution, mais même s 'il dénote l'importance du rôle du législateur, il ne lui reconnaît pas le monopole dans ce domaine », CHAABANE (Neila) : « Le contrôle des lois fiscales par le Conseil constitutionnel tunisien », in Mélanges en l'honneur du Doyen Yadh BEN ACHOUR, Tunis, C.P.U., 2008, p.744.

    92 BACCOUCHE (Néji) : « Droit fiscal », Tunis, E.N.A.- C.R.E.A., 1993, tome I, p.72.

    93 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op.Cit., p. 222.

    Or, le principe de légalité exige la protection du contribuable contre toute insécurité, notamment celle qui résulte du changement de la doctrine administrative, et ce, essentiellement quand elle remplace une doctrine bienveillante par une doctrine beaucoup plus sévère. Surtout que ce phénomène est, dans la pratique, assez courant94.

    Ainsi il paraît légitime de fonder sur le principe de la légalité, une obligation générale de loyauté, pesant sur l'administration. Une telle obligation permet, du moins théoriquement, de protéger le contribuable de bonne foi contre l'abus des autorités administratives. Car, si la bonne foi du contribuable fait défaut il encourt des sanctions. L'administration devrait subir le même sort ou presque !

    D'autant plus que, les changements de doctrine administrative constituent un problème préoccupant non seulement pour le contribuable de bonne foi mais également pour le Trésor public, puisqu'ils peuvent nuire au rendement du système fiscal. En effet, « comment une entreprise pourrait-elle engager un programme d'investissement, comment un particulier admettrait-il de s'endetter pour réaliser une opération si la fiscalité, qui l'intéresse directement lui semble fluctuante, susceptible de changements brusques ? »95.

    Ainsi, la prise en compte du principe de légalité peut contribuer à renforcer la protection du contribuable de bonne foi.

    Face à la difficulté de sanctionner efficacement la fraude96, l'absence d'une telle protection décourage les contribuables de bonne foi d'adopter un comportement honnête. Plus grave encore ; il résulte de cette absence de protection une indéniable insécurité, car le contribuable, fût -il de bonne foi, ne pourra jamais tracer la ligne où s'arrêtent les pouvoirs du fisc.

    Dans cette perspective, il semble nécessaire d'établir un cadre juridique pour la protection du contribuable de bonne foi contre les abus de l'administration fiscale.

    94 Voir des exemples tirés de l'expérience tunisienne tenant au sort fiscal des amortissements non comptabilisés et à la soumission de la promotion immobilière à la T.V.A, développés par BESBES (Slim) : « Le principe de la légalité de l'impôt en droit tunisien », thèse précitée, pp. 423 à 428.

    95 SCHMIDT (Jean) : « L'impôt ; politique et technique », Dalloz, 1995, p. 82.

    96 Faute de publication des résultats des chiffres officiels pouvant servir à l'appréciation de la réticence des contribuables à l'égard du devoir de paiement de l'impôt, on peut se contenter des chiffres publiés en 1997. Voir annexe 1, p.105.

    SECTION II - UNE PROTECTION A ENCADRER

    Face au risque de changement de la doctrine administrative, la législation fiscale tunisienne a fait fi de la protection du contribuable en faisant prévaloir l'intérêt du Trésor public. La fin semble justifier les moyens aux yeux du législateur ! Cette négligence serait lourde de conséquences au niveau du comportement du contribuable. Il serait donc souhaitable que le législateur fiscal définisse les éléments de la déloyauté de l'administration (Paragraphe 1).

    Dans l'attente d'une reconnaissance explicite de la protection du contribuable de bonne foi contre les changements de doctrine administrative, il semblerait que d'autres pistes de solutions, existent, dans le cadre contentieux, entre les mains du juge, pour faire face à la déloyauté de l'administration. En effet, c'est au nom de l'équité que le juge fiscal pourrait apporter une certaine protection au contribuable de bonne foi contre les changements de doctrine administrative (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1- Une intervention législative souhaitable

    Il est indéniable que des efforts ont été entrepris depuis plus d'une douzaine d'années pour vulgariser la matière fiscale et la rendre plus attrayante et plus accessible aux contribuables. Cependant, s'agissant de la protection du contribuable contre les changements de doctrine administrative, les réformes engagées ont laissé un goût d'inachevé.

    Contrairement au législateur tunisien, son homologue français a considéré que si l'administration procédait à un changement de sa doctrine, elle ne devait pas nuire par ce changement au contribuable97.

    Quelles sont alors les solutions adoptées par le droit français qui pourraient éventuellement inspirer le législateur ; voire le juge tunisiens ?

    Actuellement, le système fiscal français reconnaît essentiellement deux mécanismes, d'origine législative, permettant aux contribuables de se protéger contre les changements de la doctrine administrative98.

    Le premier dispositif assure une protection préalable. Il est désigné par l'expression «rescrit fiscal » (A). Tandis que le deuxième assure une certaine protection en instituant l'opposabilité à l'administration de sa propre doctrine (B).

    A - Le rescrit fiscal

    Très ancien, le rescrit a été repris en droit fiscal français par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 dite AICARDI, modifiant les procédures fiscales et douanières, qui l'a introduit à l'article L. 64 B du L.P.F99.

    Cet article prévoit que la procédure de répression des abus de droit n'est pas applicable « lorsqu'un contribuable, préalablement à la conclusion d'un contrat ou d'une convention, a consulté par écrit l'administration centrale en lui fournissant tous les éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération et que l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à compter de la demande ». Il s'agit donc d'une garantie pour le contribuable qui, préalablement à la conclusion d'un contrat ou d'une convention, a la possibilité, de consulter par écrit l'administration fiscale, en lui fournissant tous les éléments utiles. L'administration doit indiquer en réponse si l'opération relève, à son sens, de l'abus de droit. Toutefois elle conserve son droit de contrôle classique100.

    97 Conseil des impôts de France, Dixième rapport au président de la république 2001, Les relations entre les contribuables et l'administration fiscale, http://www.ccomptes.fr/CPO/documents/divers/Rapport-relatcontrib.pdf, visité le 28/04/2008.

    98 A côté de ces mécanismes d'origine législative, il existe un dispositif d'origine décrétale. il a été prévu par l'article premier du décret du 28 novembre 1983 qui dispose que « tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi du 17-7-1978 lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements », Décret n°83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers, J.O.R.F. du 3 décembre 1983 p. 3492. Il s'agit d'un dispositif de portée générale puisqu'il concerne l'opposabilité de toute doctrine administrative, quelle que soit la nature de l'autorité administrative, y compris donc la doctrine administrative fiscale. Toutefois, cette protection comporte des limites prévues par ce même alinéa premier et qui tiennent à la publicité et à la non contrariété aux lois et règlements. En somme, l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 a institué, d'une manière générale en droit public français, au profit de l'ensemble des administrés, un principe d'opposabilité à l'administration de ses instructions, circulaires et directives publiées et non contraires aux lois et règlements. Sur la portée de ce principe, voir AMSELEK (Paul) : « L'opposition à l'administration de sa propre doctrine : les innovations apportée par le décret du 28 novembre 1983 », Revue de droit fiscal, 1984, n° 4, pp. 149- 154.

    99 Loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 dite AICARDI modifiant les procédures fiscales et douanières, J.O.R.F. du 9 juillet 1987, p.7470.

    100 AGRON (Laure) : « Histoire du vocabulaire fiscal », Paris, L.G.D.J, 2000, p.347.

    Cette garantie instituée par l'article L. 64 B ne peut bénéficier qu'aux contribuables de bonne foi qui ont exposé tous les éléments qui caractérisent l'opération envisagée. Un contribuable ne pourra donc, en aucun cas, se prévaloir de la garantie lorsqu'il a fourni des éléments incomplets ou inexacts. Si l'ensemble de ces conditions est rempli et que l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à compter de la demande, la procédure de répression des abus de droit ne pourra pas être appliquée à cette opération.

    L'expression « rescrit » est généralement étendue à l'ensemble des procédures par lesquelles l'administration prend position par avance sur une situation fiscale. Cette démarche va au-delà de la simple demande de renseignements, puisqu'elle permet d'interroger l'administration de façon préventive sur les conséquences fiscales de certaines opérations en étant certain que les règles indiquées seront appliquées par la suite puisque, l'administration ne pourra pas contester la situation si ses propres indications ont été suivies101 . Il s'agit en somme d'une procédure qui offre au contribuable une sécurité indéniable102.

    Cette démarche du rescrit marque une évolution d'une culture « régalienne » vers une démarche de qualité de service rendu à l'usager dans un souci de sécurité juridique. Elle suppose nécessairement que l'administration soit liée par sa position et que son interprétation soit exprimée de façon suffisamment claire pour être opposable, sans les ambiguïtés et les excès de précautions qui risqueraient de la priver de son effet utile devant le juge, en cas de contentieux. Cela implique également que les entreprises surmontent une certaine réserve à exposer un projet confidentiel à l'administration103.

    En définitive, il apparaît que « Le recours au rescrit sert un triple objectif : la promotion du« civisme fiscal », le renforcement de l 'attractivité du territoire et la sécurité juridique par une meilleure prévisibilité » 104.

    101 Conseil d' Etat, Rapport public annuel 2006, Sécurité juridique et complexité du droit, E.D.C.E. 2006, http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000245/0000.pdf, p.333 et suivants, visité le 28 /4/2008.

    102 Le rescrit est connu aussi dans le monde anglo-saxon sous l'appellation « ruling ».Au Royaume-Uni la procédure du « ruling », plus systématiquement mise en oeuvre à partir de 2001, se fonde sur un dialogue direct avec les entreprises et la volonté d'apporter, en temps réel, les réponses aux questions relatives au régime fiscal de leurs activités. Aux États-Unis, le rescrit répond à une logique de prévention des conflits avec les contribuables. Il constitue l'une des priorités de l'effort de modernisation des services des impôts. Conseil d'Etat, Rapport public annuel 2006, Sécurité juridique et complexité du droit, E.D.C.E. 2006, http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000245/0000.pdf, p.334, visité le 28 /4/2008.

    103 La crainte de provoquer une procédure de contrôle fiscal explique pour l'instant une certaine réticence des entreprises françaises à recourir au rescrit. Voir : AGRON (Laure) : « Histoire du vocabulaire fiscal », Paris, L.G.D.J, 2000, p.347.

    104 Conseil d' Etat, Rapport public annuel 2006, Sécurité juridique et complexité du droit, E.D.C.E. 2006, http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000245/0000.pdf, p.333, visité le 28 /4/2008.

    En réalité, il est possible de trouver écho à cet objectif, et plus généralement à la technique du rescrit fiscal dans l'avis du Conseil économique et social tunisien adressé aux rédacteurs du C.D.P.F. où on peut lire en substance que le projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F. n'a pas obligé l'administration à répondre aux demandes de renseignements adressées par le contribuable105. Il paraît regrettable que le législateur fiscal prive délibérément le contribuable de bonne foi d'une garantie dont l'introduction aurait pu étre très utile pour instaurer un climat de sécurité et aurait pu permettre d'éveiller l'attention de l'administration sur la portée des opérations envisagées par le contribuable106.

    Certes, dans la pratique, le contribuable peut consulter par écrit l'administration fiscale, mais aucune disposition légale ne prévoit que cette dernière est dans l'obligation de répondre, ni, en cas de réponse, elle est liée par le contenu de sa réponse, ni même, en l'absence d'une réponse, que ceci équivaut à un acquiescement107.

    En plus de la technique du rescrit fiscal, le législateur français a institué l'opposabilité à l'administration de sa propre doctrine.

    105 L'avis du conseil économique et social concernant le projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F. 1998 (Inédit).

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    106 GADHOUM (Oualid) : « La doctrine administrative fiscale en Tunisie », Op.Cit., p.325.

    107 BESBES (Slim) : « Le principe de la légalité de l'impôt en droit tunisien », thèse précitée, p.433.

    B- L'opposabilité à l'administration de sa propre doctrine

    Afin d'atténuer les conséquences pratiques susceptibles de porter atteinte aux intérêts du contribuable en cas de changement de sa doctrine, l'administration fiscale française - plus précisément l'administration des contributions indirectes et de l'enregistrement - avait émis, dans un premier temps, une instruction en date du 31 janvier 1928, dans laquelle elle avait prévu que : « dans le cas de changement de la jurisprudence, ou de modification de la doctrine administrative, les suppléments d'imposition que pourraient justifier les nouvelles règles ne doivent pas être réclamés et ces règles ne doivent être appliquées que pour l'avenir»108. Cette instruction a été suivie, en matière d'impôt sur le chiffre d'affaires, par une note interne de l'administration diffusée auprès de ses agents sous le n° 442, le 28 mars 1928 qui a prévu à son tour qu'« Il est des cas où la bonne foi du contribuable est tellement évidente qu'il apparaît injuste de réclamer l'impôt rétroactivement. Il en sera ainsi lorsqu'il y a eu de la part des tribunaux un changement de doctrine, ou lorsque le redevable a fait l'objet d'une vérification antérieure du service sans observation de la part de ce dernier, de telle sorte que ce redevable a pu croire procéder régulièrement et n'est plus à même de récupérer l'impôt sur ses clients. Dans ces trois cas, le redevable, instruit de ses nouvelles obligations, sera invité à s'y conformer à l'avenir et à acquitter dorénavant les droits mais aucun rappel d'impôt ne sera effectué pour la période antérieure à cette invitation »109.

    Toutefois, eu égard aux liens étroits qui existaient sous le protectorat, entre les administrations fiscales française et tunisienne, il est probable que les circulaires de l'administration française du 31 janvier et du 28 mars 1928 avaient reçu application en Tunisie. Il est vrai qu'aucune prise de position officielle de l'administration tunisienne n'est venue confirmer ou infirmer cette doctrine après l'indépendance ; mais tout porte à croire qu'elle est encore en vigueur110.

    Néanmoins, « l'hypothèse même du maintien de cette doctrine après l'indépendance ne donne pas de garanties suffisantes au contribuable parce que l'on sait d'une part, que l'administration peut toujours revenir sur sa doctrine et que d'autre part, le juge saisi ne censurera pas ce revirement si ce dernier s'avère conforme à la loi fiscale»111.

    108 Citée par AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op.Cit., p. 223.

    109 Citée par BOUCHARD (Jean -Claude) : « La note 442 du 28 mars 1928, un retour vers le futur? », article précité, p.10.

    110 BESBES (Slim) : « Le principe de la légalité de l'impôt en droit tunisien », thèse précitée, p.436.

    111 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op. Cit., p.224.

    C'est d'ailleurs pour tenir compte de l'insuffisance de cette protection administrative - dans le pays où elle a d'abord été consacrée - que le législateur français est intervenu à travers les articles L.80 A et L.80 B du L.P.F.

    L'article L.80 A prévoit qu' «Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivie par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente.» Cet article institue une garantie contre les changements de la doctrine administrative, laquelle n'interdit pas à l'administration de changer son interprétation pour l'avenir. Elle lui interdit, seulement, de procéder à des rehaussements d'impositions en soutenant une interprétation différente de celle existante à l'époque du fait générateur de l'impôt et appliquée par le contribuable. Cette garantie constitue, de la sorte, une limite au droit de reprise.

    Le législateur français a étendu l'application de l'opposabilité de la doctrine de l'administration aux prises de position sur une situation de fait, et non plus sur la seule interprétation du droit112. Cette disposition est codifiée à l'article L. 80 B 1er du L.P.F. qui prévoit : « La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable :

    1- Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...). »

    Dans quelques arrêts, le tribunal administratif tunisien a accepté de faire prévaloir la doctrine administrative sur la loi. Un des arrêts les plus explicites dans ce sens est l'arrêt du 30 octobre 2000 opposant la direction générale du contrôle fiscal à la société Agriculteur113.

    112 Par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 dite AICARDI modifiant les procédures fiscales et douanières, J.O.R.F. du 9 juillet 1987, p.7470, qui a introduit le rescrit à l'article L. 64B du L.P.F.

    113 T.A., 30 octobre 2000, requête n° 32394, Recueil des arrêts du tribunal administratif 2000.

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    Dans cette affaire, il y avait deux notes de l'administration, et le contribuable s'était référé à un seul de ces documents. Le juge a considéré que la doctrine était seulement opposable à l'administration et non aux tiers, parmi lesquels le contribuable. Cette solution, qui tend à protéger le contribuable et à assurer la sécurité juridique, devrait être confirmée pour valoir comme jurisprudence.

    Dans une autre affaire plus récente, et malgré le fait que le contribuable ait appliqué la doctrine publiée par l'administration, le juge a refusé d'en tenir compte114. Selon ce dernier la doctrine administrative a pour rôle d'interpréter les lois fiscales en clarifiant les termes obscurs et en tirant les conséquences de son interprétation. Les circulaires, instructions et notes qui dépassent le cadre de l'interprétation pour poser des règles contraires sont inapplicables. Le juge sanctionne la doctrine réglementaire en la déclarant illégale et inapplicable.

    Dans une troisième affaire encore plus récente, portée devant le tribunal de première instance de Tunis, le contribuable a soulevé le revirement de la doctrine administrative que le juge a qualifié en français de « doctrine administrative de fait », « &iI.~I J..a~ ~~~~~ »115.

    Dans cette affaire, le contribuable a considéré que le revirement de la doctrine constituait une violation aux principes de sécurité juridique et de l'égalité de fait dans l'application de la loi par l'administration et il a même fait référence à l'article L.80 A du L.P.F.

    114 T.A., cassation, 11 février 2002, n° 32786, Tunis air contre la Direction du contrôle fiscal, Recueil des arrêts du tribunal administratif, 2002, pp. 215- 222 et spécialement p. 219.

    115 Tribunal de première instance de Tunis, 18 novembre 2004, requête n° 819. (Inédit) Voir annexe 3 p.200 et spécialement p.204. En l'espèce, le requérant a fait prévaloir une doctrine administrative de fait qui consistait en l'exonération des cafetiers de la T.V.A.

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    Le juge a considéré que la doctrine administrative, qu'elle soit écrite ou de fait, est inopposable au contribuable ainsi qu'au juge, en l'absence, en droit tunisien, d'un équivalent de l'article L.80 A du L.P.F. français. Le juge a ajouté qu'en cas de revirement de cette doctrine, il faut distinguer selon qu'elle porte atteinte ou non aux droits du contribuable. Le cas échéant, la nouvelle doctrine ne peut s'appliquer que pour le futur. Autrement dit, le juge a posé le respect du principe de l'égalité et le respect de la règle de non rétroactivité en matière fiscale, comme conditions de validité du changement de la doctrine défavorable au contribuable.

    La constante donc pour le juge de l'impôt, « censeur de la légalité administrative »116, est qu'il applique toujours la loi.

    Il paraît ainsi légitime de se demander si le principe de la légalité chasse, ipso facto, la protection, ou bien s'il pourrait exister un rapport de forces entre le contribuable et l'administration, qui nécessiterait l'intervention du droit pour protéger la partie la plus faible - objectif que vise ouvertement le droit ?

    « Nul doute que le principe de légalité se veut protecteur. Pourtant, il est des situations où, appliqué dans toute sa rigueur, notamment en matière fiscale, il peut conduire à mettre en danger l'activité économique sous-jacente, alors que le contribuable de bonne foi a pu croire, compte tenu du comportement de l'administration à son égard, avoir agi dans le bon droit »117.

    D'autant plus que « la sécurité juridique n'est toutefois pas le seul ni même le principal impératif que le juge administratif prend en considération dans l'exercice de son office. Sa première mission est en effet de veiller au respect du principe de légalité par les autorités administratives. Par ailleurs, il doit tenir compte de la nécessité, pour l'État et les différentes collectivités publiques, d'adapter leur action en fonction des contraintes économiques et sociales et donc de faire évoluer la réglementation applicable. La conciliation de ces différents objectifs, parfois contradictoires, peut conduire à des solutions peu respectueuses de la sécurité juridique des particuliers»118.

    116 KAMMOUN (Slim) :« Le procès fiscal », thèse de doctorat en droit public, F.S.J.P.S.T., 2006, p.4.

    117 BOUCHARD (Jean -Claude) : « La note 442 du 28 mars 1928, un retour vers le futur? », article précité, p.10.

    118 BOIS SARD (Sophie) : « Comment garantir la stabilité des situations juridiques individuelles sans priver l'autorité administrative de tous moyens d'action et sans transiger sur le respect du principe de légalité? Le difficile dilemme du juge administratif », Etudes et doctrine : « Le principe de sécurité juridique », Cahiers du Conseil constitutionnel n° 11, http://www.conseil constitutionnel.fr/cahiers/ccc11/ccc11somm.htm, visité le 9/4/2008.

    Dans l'attente d'une intervention législative, l'existence même d'un contrôle juridictionnel encadrant l'activité de l'autorité administrative permet d'espérer une meilleure protection du contribuable de bonne foi.

    Paragraphe 2- Une protection possible par le juge au nom de l'équité ?

    Avant de s'interroger sur la possibilité pour le juge, de donner du crédit, au nom de l'équité, aux croyances erronées (B), il faudrait au préalable tenter de définir ce principe (A).

    A- Définition de l'équité

    A l'instar de la bonne foi, l'équité est également une notion rebelle à la définition. Il s'agit d'«un emprunt savant au latin aequitas « égalité », « équilibre moral », « esprit de justice », dérivé d'aequus « égal », d'où impartial »119. Elle est souvent présentée comme une notion chargée de valeurs morales120.

    Aussi ses défenseurs lui prêtent la vertu de corriger les insuffisances du droit positif121. En revanche, rares sont les textes qui la consacrent. L'article 16 de la Constitution fait partie des exceptions ; « Le paiement de l'impôt et la contribution aux charges publiques, sur la base de l'équité, constituent un devoir pour chaque personne».

    Le concept d'équité fiscale a toujours suscité des opinions divergentes.

    119 AGRON (Laure) : « Histoire du vocabulaire fiscal », Op.Cit, p.416.

    120 « L'équité, quant à elle, est un impératif moral parfois pris en considération par les tribunaux ou par les auteurs et se confond donc avec la jurisprudence ou la doctrine», CHARFI (Mohamed), « Introduction à l'étude du droit », Cérès, 3e édition, 2001, p.124, n°222.

    121 CHAABANE (Neïla) : « Equité fiscale : les droits de l 'Etat et l 'Etat de droit », in Mélanges offerts au doyen Abdelfattah AMOR, Tunis, C.P.U. 2005, p.321.

    « L'équité fiscale est la situation caractérisée par la « juste » répartition des contributions fiscales entre les contribuables. Par extension, c'est l'objectif de la politique fiscale visant à modifier la répartition des revenus dans le sens de la justice»122. Néanmoins, « Les seuls à avoir donné une définition précise de l'équité fiscale sont les économistes qui distinguent l'équité horizontale de l'équité verticale. Cependant, une conception arithmétique de l'équité ne peut suffire pour juger du caractère équitable du système fiscal. L'équité fiscale ne peut se mesurer uniquement à l'aune des taux de l'impôt ou des règles d'assiette. Ils peuvent représenter un élément d'appréciation, mais ils ne sont certes pas les seuls. Bien plus ils peuvent même devenir inopérants si un Etat ne garantit pas d'autres conditions qui vont assurer un fonctionnement efficace du système fiscal. Ces conditions sont celles requises dans tout Etat se réclamant de droit »123. Or, dans un Etat de droit, c'est le recours au juge qui permet de redonner son sens à un principe ou à une règle juridique. Le juge pourrait alors s'abriter derrière l'équité, lorsqu'il estime, dans tel ou tel litige, qu'il importe de faire valoir la bonne foi du contribuable- justiciable, afin de faire régner une plus grande justice124. Car, aujourd'hui, « la bonne foi s'apparente fort à l'équité »125.

    Il paraît ainsi légitime de considérer l'équité comme l'instrument privilégié de l'application de la bonne foi en matière fiscale.

    Au vu de ce qui précède, on essayera de répondre à l'interrogation de départ : en l'absence de mesures législatives particulières, comment empêcher l'administration fiscale de ne pas réclamer des rehaussements d'impositions qui pourraient résulter de sa nouvelle interprétation ?

    B- Le juge et l'équité

    Une application stricte des règles d'imposition heurterait manifestement l'équité. Le juge se doit d'assurer l'idée de justice quand il découvre que c'est le changement de la doctrine administrative qui était à l'origine de la prétendue erreur reprochée au contribuable.

    122 AGRON (Laure) : « Histoire du vocabulaire fiscal », Op. Cit., p.41 6.

    123 CHAABANE (Neïla) : « Equité fiscale : les droits de l 'Etat et l 'Etat de droit », in Mélanges offerts au doyen Abdelfattah AMOR, Tunis, C.P.U. 2005, p.322.

    124 « Dès on origine latine, le terme « justice » recouvre la conformité au droit, le sentiment moral d'équité. La justice est une vertu », AGRON (Laure) : « Histoire du vocabulaire fiscal », Op. Cit., p.412.

    125 LE TOURNEAU (Philippe) : « La bonne foi », Répertoire civil, Dalloz, Octobre 1995, p.2.

    Ainsi, face aux cas particuliers, c'est au juge de rattraper les rigueurs de la loi en instillant des doses d'équité126. En effet, l'équité requiert un équilibrage des rapports et donc des droits de l'administration et du contribuable. Car, elle n'est pas seulement un principe appelé à régir l'élaboration de la norme mais également sa mise en oeuvre.

    Cette perspective de protection fondée sur la prise en compte de l'équité, peut être confortée par le programme d'appui à la mise en oeuvre de l'accord d'association Tunisie- Union Européenne127. Ce programme comporte notamment comme projet l'« Appui à la modernisation de l'administration fiscale », dont l'objectif général vise à « Améliorer le quotidien du contribuable dans ses rapports avec l'administration fiscale et consolider l'équité fiscale en vue de favoriser le consentement volontaire à l'impôt et de contribuer à l'amélioration de l'environnement des affaires ». De ce fait, il semble que la priorité est à présent accordée à la modernisation de l'administration fiscale et à l'amélioration de la qualité des services rendus au contribuable en vue de faciliter l'accomplissement de ses obligations fiscales et de favoriser son consentement volontaire à l'impôt, d'une part et de renforcer l'équité fiscale, d'autre part. Cette dernière étant « un instrument de réalisation de la justice sociale »128. Car, si « la finalité du contrôle fiscal n'est autre que de veiller à une application équitable du système et de s'assurer du respect des règles de la concurrence loyale »129, ce contrôle doit s'exercer sous l'oeil du juge au risque de mettre en péril sa propre finalité.

    Le temps n'est -il pas venu pour le juge de s'émanciper de ce cadre législatif lacunaire, pour faire de l'équité l'un des instruments de son contrôle ?

    En définitive, il apparaît que le comportement de l'administration, se manifestant par le changement de doctrine favorable au contribuable, est de nature à l'éloigner des finalités d'efficacité recherchée. Plutôt que de mettre en oeuvre une collaboration loyale dans l'intérêt mutuel, et du contribuable et du Trésor public, la démarche de l'administration fiscale sourde à la démarche du contribuable de bonne foi, maintient la situation précaire de ce dernier.

    En revanche, pas moins qu'à la croyance erronée, la protection du contribuable de bonne foi nécessite, en outre que protection soit due au comportement loyal.

    126 CHAABANE (Neïla) : « Equité fiscale : les droits de l 'Etat et l 'Etat de droit », article précité, p.330.

    127 http://www. svez.gov. si/fileadmin/ svez.gov. si/pageuploads/docs/meda/Fiche_Proj et_de_Jumelage_Fisc_versio n_definitive.pdf, visité le 28/06/2008.

    128 MANSOURI (Lamia) : « L'inégalité par l'impôt », mémoire pour l'obtention du D.E.A. en droit public, Faculté de droit et des sciences politiques et économiques de Sousse, 1993-1994, p.48-49.

    129 YAICH (Abderraouf) : « Théorie fiscale », édition RY, 2002, p.23.

    CHAPITRE II - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI

    EN TANT QUE COMPORTEMENT LOYAL

    La bonne foi, par son inspiration morale, doit être entendue à ce niveau comme une règle de comportement pour le contribuable. Elle dicte, en effet, une conduite conforme à la conscience ; la conscience d'agir sans léser les droits d'autrui ; en l'occurrence le Trésor public.

    Ainsi, dans ses relations avec l'administration, la bonne foi peut être comprise comme une norme de comportement dotée d'un devoir fondamental : le devoir de loyauté130. Ce dernier impose au contribuable d'accomplir, de façon fidèle, son devoir fiscal. Cette fidélité est d'autant plus nécessaire que le système fiscal tunisien pose la méthode déclarative, comme méthode de principe pour l'évaluation de l'assiette imposable. Ceci découle notamment de l'article 2 du C.D.P.F. qui dispose que : « L'accomplissement du devoir fiscal suppose la déclaration spontanée de l'impôt dans les délais impartis et le respect des autres obligations prescrites par la législation fiscale».

    De ce fait, l'impôt est liquidé à partir des déclarations que le contribuable souscrit, à charge pour l'administration fiscale d'en vérifier a posteriori la sincérité131. Ainsi, la prise en considération de la bonne foi du contribuable dans ses rapports avec l'administration paraît indispensable afin d'« encourager les contribuables transparents et qui déposent leurs déclarations dans les délais »132. Cette prise en considération semble avoir suscité l'intérêt du législateur, du juge mais aussi de l'administration. De leurs efforts concertés pourraient résulter deux sortes de protection.

    130 Une question mérite d'être posée à ce niveau. La bonne foi ne comprend- elle pas aussi un devoir, qu'on appellerait de « coopération ». Lequel nécessiterait du contribuable de veiller aux intérêts du Trésor en lui fournissant les renseignements auxquels il est en droit de s'attendre. Notamment suite à l'exercice par l'administration fiscale de son droit de communication organisé à travers l'article 16 du C.D.P.F. (et ce, sous réserve du secret professionnel opposable au fisc)?

    131 La déclaration fiscale peut être définie comme l' « acte par lequel le contribuable, ou parfois un tiers, fait connaître à l'administration fiscale les éléments nécessaires au calcul de l'impôt ». CORNU (Gérard) : « Vocabulaire juridique », Op. Cit., V° Déclaration, p.236.

    132 L'avis du conseil économique et social concernant le projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F., 1998. (Inédit), p.3.

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    Tout d'abord, le comportement loyal du contribuable aspire à jouir d'une protection positive, contre l'erreur. Ainsi, seuls les contribuables plutôt honnêtes peuvent faire des erreurs de bonne foi et pourront prétendre ainsi à une certaine protection (Section I). En outre, il jouit d'une protection négative (Section II). Car, si la bonne foi s'oppose à toute forme de déloyauté ; ce n'est qu'à travers l'un de ses avatars, la notion de mauvaise foi, qu'elle paraît qualifiée pour jouer le rôle de sanction133. Se trouve donc exclu du champ de protection le contribuable de mauvaise foi, qui ne pourrait ainsi, se prévaloir d'une quelconque mesure favorable.

    SECTION I - PROTECTION POSITIVE

    « En principe, le droit commun doit l'emporter sur toute autre considération car il est seul à même d'assurer le respect du principe d'égalité de tous devant la loi fiscale, et il serait très certainement très utopique de prétendre construire le droit à partir des seules notions de loyauté et de confiance »134. Cependant, devant la multiplicité et la complexité des textes fiscaux, l'adage Nemo censetur ignorare legem (Nul n'est censé ignorer la loi) devient chimérique. L'accroissement du rythme de production de la loi confirme ce constat. « La cadence des modifications des textes de lois est variable d'un domaine à un autre. Toutefois, le domaine fiscal et le domaine de l'incitation à l'investissement arrivent en tête. »135

    Il paraît ainsi légitime de déduire que le principe semble en matière fiscale, plus que dans les autres matières : l'impossibilité de connaître toutes les lois. Ainsi, les contribuables loyaux peuvent faire des erreurs, liées par exemple à la méconnaissance ou à la complexité du droit fiscal. D'où la nécessaire différenciation des erreurs conscientes, qui découlent d'une volonté délibérée d'atténuer le revenu ou le bénéfice imposables au prix d'une irrégularité, des erreurs involontaires.

    133 KORNPROBST (Emmanuel) : « La notion de bonne foi : application au droit fiscal français », Op.Cit., p. 6.

    134 KORNPROBST (Emmanuel) : « La notion de bonne foi : application au droit fiscal français », Op.Cit., p.48.

    135 MIDOUN (Mohamed) : « Les maux de la loi. Brefs propos au sujet de la production législative », in Mélanges offerts au doyen Sadok BELAID, C.P.U 2004, p.579. Or, «Il n'est pas normal qu'en l'espace de trois mois et demi (de novembre 1997 à février 1998) le code (des incitations à l'investissement) soit modifié trois fois ou que durant la seule année 1999, le même code soit modifié trois fois », BACCOUCHE (Néji) : «Regards sur le code d'incitations aux investissements de 1993 et ses prolongements», Etudes Juridiques, n°9, 2002, p. 78.

    Or, le problème réside dans le fait de savoir si, dans certaines circonstances, la jurisprudence ou l'administration fiscales, la loi étant muette sur la question, ne réservent pas (du moins, ne doivent pas réserver) un sort plus doux à celui qui n'a désobéi à la loi que parce qu'il commettait une erreur involontaire? Quelle serait alors l'erreur involontaire (Paragraphe 1) et quel sort pourrait lui être réservé (Paragraphe 2)?

    Paragraphe 1 - L'erreur involontaire

    Outre la fraude (par définition) intentionnelle, le contrôle fiscal a pour objectif de relever des irrégularités, qui s'expliquent souvent par la complexité de la législation, ses changements successifs et la difficulté de l'appliquer sans erreur.

    Le droit fiscal tunisien fait une allusion timide à l'erreur dans l'article 19 du C.D.P.F. qui dispose que : « Sous réserve des dispositions des articles 21, 23, 24 et 26 du présent code, les omissions, erreurs et dissimulations constatées dans l'assiette, les taux ou la liquidation des impôts déclarés peuvent être réparées (...) ». Lors des débats parlementaires qui ont précédé la promulgation du C.D.P.F., le ministre des finances a tenté de donner quelques précisions sur la notion d'erreur. Ainsi, l'erreur peut être constituée par « les agissements du contribuable ou de l'administration et qui entraînent une diminution ou une augmentation de l'impôt dû. L'erreur peut porter sur les règles établissant la base de l'impôt ou son taux ou son calcul. »136

    Le législateur ne distingue donc pas les erreurs volontaires des erreurs involontaires. Or, en droit fiscal, il convient d'apprécier le comportement du contribuable et par là même le caractère volontaire ou non de l'erreur. Car, seule l'erreur involontaire est réparable. Cette erreur peut être constatée lors d'une vérification préliminaire ou encore lors d'une vérification approfondie. Dans le premier cas on parle d'erreur apparente (A) et d'erreur comptable dans le second (B).

    A - L'erreur apparente

    L'erreur apparente est l'erreur facilement détectable qui figure sur la déclaration fiscale. Elle peut être constatée lors de la vérification préliminaire prévue par l'article 37 du C.D.P.F. qui dispose que « la vérification préliminaire des déclarations, actes et écrits détenus par l'administration fiscale s'effectue sur la base des documents y figurant, et de tous documents et renseignements dont dispose l'administration ».

    136 Débats parlementaires, J.O.R.T. n° 39, séance du mercredi 26 juillet 2000, p.1909.

    En outre, la vérification préliminaire (dite également sommaire) « recouvre l'ensemble des interventions des services de l'administration fiscale ayant trait à la rectification des erreurs ou omissions évidentes. Elle est constituée par l'ensemble des travaux que l'administration effectue dans ses locaux et au cours desquels le service procède à l'examen critique des déclarations à l'aide des renseignements et documents dont il dispose »137.

    L'administration n'est donc pas autorisée à chercher des informations auprès des tiers ou à faire des recoupements pour les confronter avec les déclarations du contribuable vérifié138. Il résulte de ce qui précède que la vérification préliminaire vise essentiellement à corriger les erreurs apparentes et à établir la cohérence interne entre les différents chiffres déclarés139. Ainsi, les vérificateurs peuvent constater l'erreur apparente quant à la computation des montants imposables ou encore l'erreur qui consiste à appliquer un taux inférieur à celui qui doit être appliqué légalement, et ce, particulièrement en matière de T.V.A140.

    En principe, l'erreur apparente constatée dans une déclaration fiscale est une erreur non délibérée. De ce fait elle peut être corrigée à la demande du contribuable lui-même ou de l'administration fiscale141.

    137 ABOUDA (Abdelmajid) : « Code des droits et procédures fiscaux: contrôle, contentieux et sanctions », Tunis, Publications de l'imprimerie officielle de la République Tunisienne, 2001, p. 99.

    138 Tribunal de première instance de Sfax, requête n° 274 du 27 octobre 2007. Affaire citée par DRIRA (Tarek), « Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne (première instance) », Revue tunisienne de fiscalité, n° 6, 2007, p.247 :

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    139 L'TIFI (Mohamed-Habib) : « Le Contrôle fiscal et les garanties administratives du contribuable vérifié », Op.Cit., p.47.

    140 Ibid.

    141 L'TIFI (Mohamed-Habib) : « Le Contrôle fiscal et les garanties administratives du contribuable vérifié », Op.Cit., p.48.

    Toutefois, elle ne doit pas être confondue avec l'erreur comptable (involontaire) qui ne peut être découverte qu'en procédant à des opérations de vérification approfondie et qui elle aussi donne lieu à correction puisque, l'administration ne peut découvrir les irrégularités, les omissions ou les insuffisances qu'en procédant à des opérations de vérification approfondie. Cette opération consiste à s'assurer de la sincérité d'une déclaration fiscale en la confrontant à des éléments extérieurs (On parle aussi de vérification ou de contrôle externe). Elle porte, aux termes de l'article 38 du C.D.P.F. « sur tout ou partie de la situation fiscale du contribuable ; elle s'effectue sur la base de la comptabilité pour le contribuable soumis à l'obligation de tenue de comptabilité et, dans tous les cas, sur la base de renseignements, de documents ou de présomptions de fait et de droit ». La vérification approfondie qui porte sur tout ou partie de la situation fiscale du contribuable est appelée « vérification de comptabilité » lorsque le contribuable est obligé de tenir une comptabilité et « vérification de la situation fiscale personnelle » dans les autres cas. La vérification de comptabilité est définie comme étant « un rapprochement entre les déclarations déposées d'une part et le résultat des contrôles matériels et les documents comptables, d'autre part »142.

    L'erreur comptable, objet des développements qui vont suivre, ne doit être découverte, par l'administration fiscale, qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité. Cette hypothèse concerne donc les entreprises assujetties à la tenue d'une comptabilité sur la base de laquelle elles sont tenues de présenter leurs déclarations fiscales.

    B- L'erreur comptable

    Le droit tunisien adopte une définition large de l'erreur comptable. En effet, en vertu de la norme comptable 11 relative aux modifications comptables, les erreurs fondamentales dans les états financiers antérieurs sont « les erreurs découvertes durant l'exercice en cours et qui sont d'une importance telle que les états financiers d'un ou de plusieurs exercices antérieurs ne peuvent plus être considérés comme ayant été fiables à la date de leur publication »143.

    142 FERNOUX (Pierre) : « Vérifications de comptabilités », Jurisclasseur Procédures fiscales, Fascicule 323, p.4.

    143 Norme comptable 11, n°6.

    Plus précisément, il s'agit « des erreurs commises dans la préparation des états financiers d'un ou de plusieurs exercices antérieurs et qui peuvent être découvertes lors de l'exercice en cours. Ces erreurs peuvent avoir pour cause des erreurs de calcul, des erreurs dans l'application des méthodes comptables, une mauvaise interprétation des faits, des fraudes ou des négligences. La correction de ces erreurs est normalement incluse dans la détermination du résultat net de l'exercice en cours »144 . Ces erreurs doivent incontestablement être rectifiées, qu'elles aient pour causes « des erreurs de calcul, des erreurs dans l'application des méthodes comptables, une mauvaise interprétation des faits, des fraudes ou des négligences ». Le législateur ne distingue donc pas entre les erreurs comptables commises de bonne foi de celles commises de mauvaise foi.

    Or, en droit fiscal, il convient d'apprécier le comportement du contribuable afin de distinguer l'erreur volontaire de l'erreur involontaire145. Seule la dernière est réparable146. En effet, l'erreur comptable se définit comme étant une atténuation au principe de l'intangibilité des écritures comptables147. Cette atténuation trouve, sa justification dans le caractère réaliste du droit fiscal. Lequel implique que ne soit imposé que le bénéfice réel148.

    La remise en cause des erreurs comptables involontaires est dès lors admise. La jurisprudence française a eu, à maintes reprises, l'occasion de préciser le sens qu'elle entendait donner à la notion d'erreur comptable involontaire149.

    144 Norme comptable 11, n°29. A titre d'exemple, constitue une erreur comptable fondamentale « l'inclusion dans les états financiers d'un exercice antérieur d'un montant significatif de travaux en cours et de créances clients concernant des contrats frauduleux qui ne peuvent être mis en oeuvre », Norme comptable 11, n°30.

    145 ABOUDA (Abdelmajid) : « Code des droits et procédures fiscaux : contrôle, contentieux et sanctions », Tunis, publication de l'imprimerie officielle de la République Tunisienne, 2001, p.147.

    146 L'erreur comptable consiste dans « le non respect d'une prescription fiscale obligatoire dans l'enregistrement comptable des opérations. Si c'est l'administration qui constate l'erreur au cours de d'une vérification, elle est en droit de redresser l'imposition primitive. Si c'est le contribuable qui sollicite la rectification, l'administration doit apprécier si l'erreur est involontaire ou s'il s'agit d'un choix délibéré. L'erreur n'est réparable que si elle est involontaire », BARILARI (André) et DROPE (Robert) : « Lexique fiscal », Op.Cit., p.77.

    147 Le principe de l'intangibilité implique que, une fois arrêtée, la comptabilité ne peut plus être modifiée.

    148 Ce caractère réaliste du droit fiscal a été dégagé depuis longtemps par la doctrine française et est apparu comme le fondement commun de plusieurs arrêts de principe, dont notamment l'arrêt du 20 février 1974, Voir dans ce sens : DAVID (Cyrille), FOUQUET (Olivier), LATOURNERIE (Marie-Aimée) et PLAGNET (Bernard) : «Le réalisme du droit fiscal : apparence, illicéité et abus de droit», Conclusions sous C.E., Section 20 février 1974, requête 83270, Lemarchand, « Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale », Paris, Dalloz, 3e édition, 2000, pp. 164-1 83.

    149 L'arrêt de principe qui confirme la théorie des erreurs comptables volontaires : C.E., 12 mai 1997, requête n°160777, R.J.F., juin 1997, n°535, ppÀ42-444.

    Il s'agissait de « toute irrégularité, inexactitude, ou omission commise de bonne foi par le contribuable et résultant d'une appréciation purement objective de faits matériels (erreurs de fait), ou de l'interprétation erronée de textes fiscaux (erreurs de droit), en l'absence d'option légale et ne traduisant pas une volonté d'influer sur la gestion de l'entreprise »150.

    Ainsi l'application brute du réalisme et de l'amoralisme, principes distinctifs du droit fiscal, aurait pour résultat d'encourager les comportements peu scrupuleux. La prise en considération de la moralité des activités imposées est susceptible d'apporter un équilibre entre le souci d'assurer une application objective de la loi fiscale et la volonté de ne pas accorder une prime fiscale à des manoeuvres que réprouve la morale commune151.

    C'est ainsi que la jurisprudence française, dans un souci de ne pas accorder une prime fiscale à ceux qui falsifient leurs comptabilités, a fait prévaloir un certain moralisme sur le principe du réalisme du droit fiscal152.

    Pour apprécier le caractère volontaire ou non de l'erreur commise, il y a lieu de vérifier certains critères. Notamment le caractère répétitif de l'erreur. Ceci découle notamment de la prise de position de la direction générale des études et de la législation fiscale (DGELF) en date du 10 janvier 2001, où l'administration fiscale tunisienne considère que les erreurs et les omissions involontaires sont celles qui ne revêtent pas un caractère répétitif153.

    150 ROBBEZ- MAS SON (Charles) : « La notion d'évasion fiscale en droit interne français », bibliothèque de science financière, Paris, L.G.D.J., 1990, p. 123 et 124.

    151 COZIAN (Maurice), « On ne badine pas avec les écritures comptables. La théorie des erreurs comptables délibérées », Revue de droit fiscal, 1999, n°20, p.734.

    152 Ibid. Ceci a été l'oeuvre d'une jurisprudence libérale dans l'application de la présomption de bonne foi. Les exemples qui suivent en sont l'illustration.

    Concernant les irrégularités relatives aux éléments permettant de déterminer le revenu imposable, une minoration des recettes, accompagnée d'insuffisances comptables rendant la comptabilité non probante, ne prouve pas à elle seule la mauvaise foi de l'intéressé (C.E, 18 novembre 1985, requête n° 36281, Revue de droit fiscal, 1986, n°11, commentaires 530, conclusions FOUQUET, pp. 370-375). En outre, le fait de comptabiliser au titre d'un exercice des créances acquises durant un exercice antérieur constitue, dans les circonstances de l'espèce, une négligence qui ne suffit pas à établir la mauvaise foi du contribuable (C.E., 23 décembre 1981, requête n° 16361, Revue de droit fiscal, 1982, n°15, commentaires 832, p.575).

    De même, concernant les charges déductibles, n'est pas exclusif de la bonne foi un calcul erroné des indemnités kilométriques d'utilisation d'un véhicule (C.E., 27 juillet 1988, requête n° 82541, Revue de droit fiscal, 1989, n°5, commentaires 136, pp. 177- 179).

    Concernant les irrégularités entachant la comptabilité du contribuable, ce dernier peut bénéficier de la présomption de bonne foi bien que sa déclaration ait fait l'objet d'une rectification d'office en raison des erreurs et omissions relevées dans sa comptabilité (C.E., 4 mai 1977, requête n° 1518, Revue de droit fiscal, 1977, n°38, commentaires 1321, p. 840). Ainsi, a été reconnu comme étant de bonne foi le PDG d'une société d'économie mixte qui, en raison d'indications erronées données par le commissaire aux comptes et le commissaire au gouvernement auprès de la société, n'a pas compris parmi ses revenus imposables des indemnités émanant de la société (C.E., 13 juin 1979, requête n° 1315, Revue de droit fiscal, 1980, n°1, commentaires 57, p. 33).

    153 « Revue de la doctrine de l'administration fiscale ; Correction symétrique des bilans », Revue comptable et financière, n°48 deuxième trimestre 2000, p.39, n°11.

    La question qui se pose à ce niveau est de connaître le sort réservé à l'erreur une fois que celle-ci a été découverte ?

    Paragraphe 2- Le sort réservé à l'erreur involontaire

    Les erreurs apparentes et comptables sont par définition des défaillances involontaires et c'est à ce titre qu'elles sont rectifiables sur initiative de l'administration fiscale (A).

    Ainsi, le contribuable de bonne foi ne devrait supporter aucune pénalité, il est seulement astreint à verser l'intérêt de retard dans les conditions prévues notamment par l'article 81 du C.D.P.F. qui dispose que : « Tout retard dans le paiement de tout ou partie de l'impôt entraîne l'application d'une pénalité de retard liquidée au taux de 0,5% du montant de l'impôt par mois ou fraction de mois de retard, lorsque l'impôt exigible est acquitté spontanément et sans l'intervention préalable des services du contrôle fiscal. »154 Il en va différemment de celui qui est de mauvaise foi ou s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit.

    Une fois l'erreur réparée, on doit se demander si le contribuable est en droit de demander la restitution des sommes indûment acquittées ?(B)

    A- La réparation de l'erreur

    L'erreur apparente comme l'erreur comptable, peuvent donner lieu à réparation. S'agissant de l'erreur apparente, découverte par l'administration, le contribuable est alors appelé à déposer une déclaration rectificative.

    154 Tel que modifié par l'article 46 de la loi de finances pour l'année 2007, n° 2006-85 du 25 décembre 2006 (J.O.R.T., n°103, 149e année, 26 décembre 2006, p.4380), qui a réduit le taux de la pénalité de retard à 0,5 % autrefois fixé à 0,75%.

    Ceci est aussi valable quant c'est le contribuable qui relève l'erreur. En effet, il semble que tant que le délai légal du dépôt des déclarations n'a pas expiré, le contribuable peut substituer une nouvelle déclaration à celle qui renferme des erreurs. Après l'expiration du délai légal, la déclaration est présumée exacte. Toutefois, il faut signaler que la présomption d'exactitude de la dite déclaration est relative. Le contribuable pourrait alors contester sa déclaration en justifiant sa position. Si la faute est une conséquence d'une erreur comptable, elle ne peut être corrigée que si cette dernière constitue une erreur involontaire qui donne lieu à réparation155. La rectification des dites erreurs est soumise à certaines règles : les corrections symétriques des bilans.

    À l'origine, la théorie des corrections symétriques a été élaborée par la jurisprudence française pour apporter aux contribuables une garantie contre une imposition ayant pour base un bénéfice fictif156. Le Conseil d'Etat français a décidé que la théorie des corrections symétriques ne s'appliquait pas en cas de « fraude délibérée ». En effet, dès les premières applications de cette théorie des corrections symétriques, la jurisprudence a réservé l'hypothèse de la mauvaise foi du contribuable, en estimant que la correction nécessitait la bonne foi du contribuable157. Cette condition est apparu dans un arrêt du 22 décembre 1967, deux jours après l'arrêt de principe du 20 décembre 1967 : « (Que si la rectification de ce procédé opérée par l'administration) doit être regardée comme le redressement d'une erreur matérielle, il résulte de l'instruction que la dite erreur n'a pas été commise de bonne foi, mais dans l'intention de faire échapper à l'impôt les sommes correspondantes »158. Ainsi, il semble que le droit à la rectification symétrique doit être réservé aux contribuables de bonne foi n'ayant pas eu pour but initial une minoration illicite de leurs bénéfices.

    Toutefois, ces rectifications doivent, se faire dans les limites fixées par la loi, à savoir les délais de prescription. L'administration fiscale tunisienne estime qu'elle est en droit de rectifier et corriger le résultat de l'exercice déficitaire atteint par la prescription lorsque le déficit a influencé les résultats des exercices non prescrits.

    155 L'TIFI (Mohamed-Habib) : « Le Contrôle fiscal et les garanties administratives du contribuable vérifié », Op.Cit., p.22.

    156 Cependant, les corrections symétriques ne jouent pas toujours en faveur d'un contribuable. Voir en ce sens COZIAN (Maurice) : « La théorie des corrections symétriques des écritures comptables », Les grands principes de la fiscalité des entreprises, document 12, 3e édition, Litec, 1996, pp. 162- 178 et spécialement p. 167.

    157 KORNPROBST (Emmanuel) : « La notion de bonne foi : application au droit fiscal français », Op. Cit., p. 222.

    158 C.E., 20 décembre 1967, requête 63437 et 64187, Revue de droit fiscal, 1968, n° 5, commentaires 145 et 175.

    Dans une prise de position du 30 janvier 2000 la Direction générale des études et de la législation fiscales a précisé que « la règle des corrections symétriques des bilans s'applique non seulement aux écritures des exercices prescrits dans la mesure où les résultats de ces derniers ont été déficitaires et ou ces déficits ont été imputés sur les bénéfices imposables d'un exercice non prescrit. Dans ce cas, la remontée des corrections s'opère jusqu'au premier exercice non prescrit. Dans ce cas, la remontée des corrections s'opère jusqu'au premier exercice dont les déficits sont reportés sur les résultats des exercices non prescrits mais ne donnent lieu à aucune imposition au titre des exercices prescrits »159.

    Cependant, l'originalité de l'erreur comptable est qu'elle est rectifiable également à l'initiative du contribuable, et cela, même si elle lui est imputable. C'est sans doute cette originalité qui offre au contribuable une garantie contre le risque de se voir doublement imposé sur la base d'un bénéfice fictivement dégagé par des erreurs involontaires. Dès lors, il apparaît opportun de récompenser les contribuables qui font une divulgation volontaire de leurs manquements, dus principalement à la complexité des obligations fiscales. Le contribuable trouve ainsi dans la qualification de l'erreur comptable une garantie contre la double imposition. Si le contribuable se montre de bonne foi et accepte la correction des erreurs relevées dans sa comptabilité ou si ces erreurs lui sont préjudiciables, l'administration procède alors à une rectification des erreurs selon le principe des corrections symétriques. Ainsi, l'article 45 du C.D.P.F. dispose que : « L'acquiescement du contribuable à tout ou partie des résultats de la vérification fiscale s'effectue par la souscription d'une déclaration rectificative et d'une reconnaissance de dette ».

    Une fois l'erreur réparée, il paraît légitime de se demander si le contribuable de bonne foi est en mesure de se faire restituer les sommes indûment payées au Trésor?

    159 « Revue de la doctrine de l'administration fiscale; Correction symétrique des bilans », Revue comptable et financière, n°48 deuxième trimestre 2000, p.39, n°11.

    Voir également :

    - prise de position DGCF n°7433 du 18 mai 2000 (Voir annexe 2 p.106) - prise de position DGCF n°664 du 10 juin 2000 (Voir annexe 2 p.107).

    C'est dans le même sens que le Tribunal de première instance de Tunis s'est prononcé à l'occasion de l'affaire n° 626 du 18 mars 2004, « attendu que ce principe (correction symétrique) n'est pas absolu car la correction de l'erreur comptable non intentionnelle et l'adoption de la méthode de la correction symétrique ne comprend que les années couvertes par la prescription en matière fiscale ». Affaire citée par AKROUT MEZGHANI (Salma) : « La reconstitution des bases d'imposition par l'administration fiscale », Revue tunisienne de fiscalité, n°7, 2007, p.289, N.B.P. n°20.

    B- La restitution des sommes indûment payées

    En principe, le contribuable qui a été imposé sur la base d'une assiette excessive est fondée à demander la restitution dès lors qu'une erreur a été commise, de son propre fait ou de celui de l'administration fiscale. Conformément à l'article 31 du C.D.P.F., la restitution des sommes perçues en trop ne peut être accordée qu'au contribuable ayant déposé toutes ses déclarations fiscales échues et non prescrites à la date du dépôt de la demande en restitution. « Ainsi, non seulement le bénéfice du prétendu droit de restitution est conditionné par le dépôt d'une demande préalable, mais encore, la restitution n'est accordée qu'au contribuable ayant déposé ses déclarations fiscales. Une charge supplémentaire pèsera sans doute sur le contribuable celle d'apporter la preuve qu'il a effectivement déposé toutes ses déclarations fiscales »160. Or, en exigeant le dépôt de toutes les déclarations fiscales comme une condition de restitution, le législateur considère que la demande en restitution est une occasion d'exiger du contribuable de régulariser sa situation fiscale161. Il semblerait que cette situation conduise à établir une sorte de présomption de fraude chez le contribuable pouvant le dissuader de demander la restitution162. En effet, « la précarité du droit à la restitution porte un grave préjudice au contribuable honnête. Ce dernier est pénalisé. Il adopte la transparence et au même temps, il s'expose aux aléas du fisc »163. Or, « Comment peut -on revendiquer le civisme fiscal sans accorder au contribuable l'un des droits les plus élémentaires à savoir le droit à restitution ? »164.

    160 KTATA (Aïda) et DRIRA (Tarek) : « La restitution de l'impôt », Revue tunisienne de fiscalité, n°7, 2007, p.417.

    161 MTIR (Mahmoud) : « Le droit de restitution des sommes perçues en trop : Une législation diverse, une procédure unifiée», Revue comptable et financière, n° 61, 3e trimestre 2003, p.51.

    162 En effet, « le conditionnement de la restitution par un contrôle conduit à établir une sorte de présomption de fraude », FAKHFAKH (Emna) : « La restitution de l'impôt », mémoire de D.E.A. en droit public et financier, Faculté de droit de Sfax, 2000-2001, p.71.

    163 FAKHFAKH (Emna) : « La restitution de l'impôt », mémoire précité, p.108.

    164 KTATA (Aïda) et DRIRA (Tarek) : « La restitution de l'impôt », article précité, p.423.

    Ne serait-il pas judicieux que l'administration puisse, soit spontanément, soit à la demande des contribuables, prononcer d'office le dégrèvement ou la restitution des impositions ou fractions d'impositions formant surtaxe. Cette procédure permettrait d'éviter une réclamation contentieuse lorsque l'erreur reprochée est évidente ? Autrement, le contribuable doit introduire l'action en restitution des sommes perçues en trop au moyen d'une demande écrite motivée à déposer contre récépissé, auprès des services compétents de l'administration fiscale et ce «(...) dans un délai maximum de trois ans à compter de la date à laquelle l'impôt est devenu restituable conformément à la législation fiscale et au plus tard, dans un délai de cinq ans à compter de la date du recouvrement. Toutefois, le délai de cinq ans n'est pas applicable lorsque l'impôt est devenu restituable en vertu d'un jugement ou d'un arrêt de justice »165.

    Malgré ces imperfections, le législateur semble conscient que l'amélioration du rendement de l'impôt passe nécessairement par la fidélisation des contribuables qui se plient de bonne foi à leurs obligations fiscales, ce qui a justifié l'exclusion des contribuables de mauvaise foi du bénéfice de certaines mesures favorables.

    SECTION II - PROTECTION NEGATIVE

    Le C.D.P.F. consacre tout le chapitre III du titre II aux « Mesures pour améliorer le recouvrement de l'impôt ». La bonne foi apparaît ainsi comme la condition sine qua non pour se prévaloir d'une quelconque protection. Cette protection se manifeste à ce niveau par le traitement préférentiel qui leur est consacré. En effet, contrairement au contribuable de mauvaise foi, le contribuable de bonne foi, lui, peut bénéficier de mesures favorables.

    L'étude de ces dernières peut se faire sur deux axes, et ce, en fonction de leurs destinataires. Il y aurait ainsi une protection générale de tous les contribuables prévue par les articles 109, 110 et 111 du C.D.P.F. (A) et une protection spécifique à certains contribuables dont la liste a été déterminée par l'article 112 du C.D.P.F. (B).

    Paragraphe 1 - Protection générale de tous les contribuables

    A travers les articles 109, 110 et 111, le C.D.P.F. a prévu différentes mesures pour améliorer le recouvrement de l'impôt.

    Ces mesures se résument comme suit :

    165 L'article 28 du C.D.P.F.


    · La délivrance des permis de construire et des certificats d'immatriculation des véhicules automobiles de toutes catégories ainsi que l'abonnement au réseau téléphonique (téléphone fixe et téléphone mobile), sont subordonnés à la production par le demandeur de la prestation d'une copie de la quittance de dépôt de la dernière déclaration échue au titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés En effet, l'article 109 du C.D.P.F. prévoit que : « L'abonnement au réseau téléphonique ainsi que la délivrance des permis de construire et des certificats d'immatriculation des véhicules automobiles de toutes catégories sont subordonnés à la production d'une copie de la quittance de dépôt de la dernière déclaration échue au titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés ».

    Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de suivre selon le cas l'une des deux règles suivantes :

    « 1- Lorsque la demande de la prestation est présentée avant l'expiration du délai limite fixé pour le dépôt de la déclaration de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés, tel que indiqué en annexe à la présente note, dans ce cas, le demandeur de la prestation doit présenter une copie de la quittance du dépôt de la déclaration au titre des revenus et bénéfices réalisés au cours de la deuxième année qui précède celle au cours de laquelle la demande est présentée.

    2- Lorsque la demande de la prestation est présentée après l'expiration du délai limite fixé pour le dépôt de la déclaration de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés tel que indiqué en annexe à la présente note, dans ce cas, le demandeur de la prestation doit présenter une copie de la quittance du dépôt de la déclaration au titre des revenus et bénéfices réalisés au cours de l'année qui précède celle au cours de laquelle, la demande est présentée » 166.


    · La participation aux marchés publics de toutes catégories (les marchés de l'Etat, des collectivités locales ainsi que les marchés des entreprises et établissements publics et organismes soumis au contrôle de l'Etat) est subordonnée à la production d'une attestation délivrée par les services de l'administration fiscale indiquant que l'intéressé a déposé, auprès de la recette des finances compétente, toutes ses déclarations fiscales échues et non prescrites à la date de la présentation de la demande et a payé les sommes exigibles au titre de ces déclarations.

    166 Note Commune n° 46/2002,

    http://www.impots.finances.gov.tn/documentation/notes_communes_fr/nc46_2002_fr.pdf.

    L'attestation délivrée à ce titre est valable pour une durée de quatre vingt dix jours à compter de sa date167.


    · L'octroi des avantages fiscaux est subordonné au respect des conditions suivantes 168:

    1- le dépôt de toutes les déclarations fiscales échues et non prescrites à la date de la demande de l'avantage à l'occasion de la souscription et du dépôt des déclarations fiscales ou de la demande d'une attestation auprès des services du contrôle fiscal pour bénéficier d'un avantage fiscal169. Ce dispositif concerne toutes les déclarations fiscales prescrites par la législation fiscale170. Ainsi le bénéfice des avantages fiscaux est l'apanage du contribuable de bonne foi.

    2- l'établissement par le receveur des finances d'un échéancier de recouvrement conformément à la réglementation en vigueur à cet effet, pour les personnes qui sont redevables de dettes fiscales constatées au profit de l'Etat et dont le paiement est exigible à la date de la demande de l'avantage Par ailleurs, le non respect de l'échéancier de recouvrement entraîne ce qui suit :

    - le retrait de l'avantage octroyé, par décision du ministre des finances ou de la personne déléguée par le ministre des finances à cet effet ;

    - la réclamation de la somme de l'impôt et des pénalités administratives devenus exigibles suite au retrait de l'avantage par la mise en oeuvre des procédures relatives à la vérification fiscale préliminaire ou approfondie, selon le cas, prévues par le C.D.P.F. ce qui implique la notification, par écrit, au contribuable, des redressements découlant du retrait de l'avantage et l'octroi à celui-ci d'un délai de trente jours à compter de la date de la notification pour en répondre par écrit.

    167 L'article 110 du C.D.P.F. prévoit que: « La participation aux marchés de l'Etat, des collectivités locales ainsi que des établissements et entreprises publics et organismes soumis au contrôle de l'Etat, est subordonnée à la production d'une attestation délivrée par les services de l'administration fiscale indiquant que l'intéressé a déposé toutes ses déclarations fiscales échues et non prescrites. L'attestation délivrée à ce titre est valable pour une durée de quatre vingt dix jours à compter de sa date ».

    168 Selon l'article 111 du C.D.P.F. : « Les avantages fiscaux ne peuvent être octroyés qu'aux personnes qui ont déposé toutes leurs déclarations fiscales échues et non prescrites ou à celles qui sont redevables de dettes fiscales au profit de l 'Etat ayant fait l'objet d'échéancier de recouvrement par le receveur des finances. Le retrait de l'avantage aux personnes qui n'ont pas respecté l'échéancier susvisé s'effectue par décision du Ministre des Finances ou de la personne déléguée par le Ministre des Finances à cet effet. »

    169 Tel que l'attestation de suspension de la taxe sur la valeur ajoutée et du droit de consommation ou la demande de restitution des droits d'enregistrement payés au titre de l'achat d'un terrain destiné à la réalisation d'un projet agricole.

    170 Dont notamment ; la déclaration de l'employeur, la déclaration de l'impôt sur le revenu, la déclaration de l'impôt sur les sociétés, la déclaration de la retenue à la source, la déclaration des acomptes provisionnels, la déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée, la déclaration du droit de consommation, etc.

    En cas d'acceptation des redressements susvisés, cette acceptation est matérialisée par la souscription d'une déclaration rectificative et d'une reconnaissance de dette.

    Toutefois, en cas de défaut de réponse du contribuable par écrit auxdits redressements dans le délai imparti ou en cas de désaccord portant sur ces redressements, les services de l'administration fiscale compétents établissent un arrêté de taxation d'office conformément aux dispositions du C.D.P.F. y afférentes171.

    Le législateur tunisien semble considérer que le bénéfice de mesures favorables ne doit pas se limiter aux contribuables résidents et établis. C'est dans cette optique qu'il a cru bon d'édicter des mesures favorables spécifiques aux contribuables de bonne foi non résidents et non établis.

    Paragraphe 2 - Protection spécifique des contribuables

    non résidents et non établis

    Afin d'améliorer le rendement de l'impôt et assurer la régularisation de la situation fiscale des personnes non établies et non résidentes en Tunisie, la loi de finances pour la gestion 2008 a ajouté au C.D.P.F. l'article 112172, selon lequel « Les personnes physiques non résidentes, les personnes morales non résidentes et non établies, les personnes exerçant dans le cadre d'un établissement stable situé en Tunisie ainsi que les étrangers résidents qui changent leur lieu de résidence hors de la Tunisie doivent présenter une attestation prouvant la régularisation de leur situation fiscale au titre de tous les droits et taxes exigibles délivrée par les services des impôts compétents, et ce, sur la base d'une demande selon un modèle établi par l'administration comportant notamment la catégorie des revenus objet de l'attestation, et ce, lors :

    * de la demande de certificat de changement de résidence, du rapatriement d'effets personnels ou d'équipements,

    * du transfert des revenus ou bénéfices soumis à l'impôt conformément à la législation en vigueur.

    171Voir en ce sens ; Note Commune n° 46/2002,

    http://www.impots.finances.gov.tn/documentation/notes_communes_fr/nc46_2002_fr.pdf.

    172 L'article 112 du C.D.P.F., a été ajouté par l'article 59 de la loi n°2007-70 du 27 décembre 2007, portant loi de finances pour l'année 2008, J.O.R.T., n°104, 150e année, 28-3 1 décembre 2007, p. 4357.

    Les personnes visées au premier paragraphe susvisé réalisant des bénéfices ou revenus exonérés d'impôt doivent mentionner la catégorie des revenus ou bénéfices objet du transfert, le support légal de leur exonération sur la demande du transfert, et ce, à l'occasion du transfert desdits bénéfices ou revenus, à défaut, elles doivent présenter auprès des services de la banque centrale de Tunisie ou auprès des intermédiaires agréés une attestation délivrée par les services des impôts compétents justifiant ladite exonération. Les personnes établies en Tunisie débitrices des revenus soumis à une retenue à la source libératoire de l'impôt doivent présenter l'attestation de situation fiscale visée au premier paragraphe du présent article à l'occasion du transfert desdits revenus au profit de personnes non résidentes et non établies. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »

    L'article 112 du C.D.P.F. subordonne ainsi le transfert des revenus imposables à l'étranger à la présentation d'une attestation de régularisation de la situation fiscale au titre de tous les droits et taxes exigibles ou une attestation d'exonération des revenus ou bénéfices.

    Les dispositions dudit article s'appliquent aux personnes non résidentes en Tunisie au sens de la législation fiscale. Il s'agit des :

    · Personnes physiques non résidentes (il s'agit des personnes qui ne disposent pas en Tunisie d'une habitation principale ou qui y séjournent pendant une durée maximale de 182 jours d'une façon continue ou discontinue durant l'année civile),

    · Personnes morales non résidentes et non établies (il s'agit des personnes morales non résidentes au sens de la réglementation des changes et ne disposant pas d'installations fixes d'affaires en Tunisie)

    · Personnes exerçant dans le cadre d'un établissement stable en Tunisie (il s'agit des personnes morales exerçant leurs activités, à titre habituel, en Tunisie à travers une installation fixe d'affaires).

    · Etrangers résidents en Tunisie qui transfèrent leur lieu de résidence en dehors du territoire tunisien.

    · Personnes établies en Tunisie et débitrices des revenus soumis à une retenue à la source libératoire d'impôt et ce, lors du transfert de ces revenus au profit des personnes non résidentes et non établies en Tunisie.

    · Personnes établies en Tunisie et débitrices des revenus ou bénéfices exonérés d'impôt et ce, lors du transfert de ces revenus au profit des personnes non résidentes et non établies en Tunisie.

    S'agissant des personnes soumises à l'obligation de présenter une attestation prouvant la régularisation de la situation fiscale, cette attestation doit être délivrée par les services des impôts compétents sur la base d'une demande préparée selon le modèle établi par l'administration et comporter essentiellement la catégorie des revenus objet de l'attestation et ce, lors :

    · De la demande de certificat de changement de résidence,

    · Du rapatriement des équipements et des effets personnels,

    · Du transfert à l'étranger des revenus ou bénéfices soumis à l'impôt en Tunisie conformément à la législation fiscale en vigueur.

    S'agissant des personnes soumises à l'obligation de présenter une attestation prouvant l'exonération d'impôt, ces derniers doivent mentionner la catégorie des revenus ou bénéfices exonérés, objet du transfert à l'étranger, ainsi que la référence légale d'exonération sur la demande de transfert ou à défaut, la présentation auprès des services de la Banque Centrale de Tunisie ou des intermédiaires agréés d'une attestation prouvant cette exonération, délivrée par les services des impôts compétents. En outre, dans son dernier alinéa, l'article 112 du C.D.P.F. prévoit que les modalités de son application seront fixées par décret. Il s'agit du décret n°2008-1858 du 13 mai 2008, relatif à la subordination du transfert des revenus imposables pour les étrangers à la régularisation de leur situation fiscale173.

    Ce décret précise que les personnes concernées doivent présenter une attestation de régularisation de la situation fiscale au titre de tous les droits et taxes exigibles ou une attestation d'exonération des revenus ou bénéfices prévue à l'article 112 du C.D.P.F. auprès :

    · des services du ministère de l'intérieur et du développement local lors de la demande du certificat de changement de résidence ;

    · des services des douanes lors du rapatriement d'effets personnels ou de matériels ;

    · des services de la banque centrale de Tunisie ou des intermédiaires agréés lors du transfert des revenus ou bénéfices vers l'étranger.

    Ce même décret prévoit en outre les conditions de la demande, les obligations des services de l'impôt et les compétences de la commission des recours en cas de rejet de la demande.

    173 J.O.R.T., n°41 du mardi 20 mai 2008, pp. 1535 - 1538.

    CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

    Il découle de tout ce qui précède que la protection du contribuable de bonne foi passe nécessairement par la protection de la croyance erronée du contribuable ainsi que de son comportement loyal.

    Ainsi, il serait tout d'abord souhaitable d'instituer une protection législative de la croyance erronée du contribuable contre les changements de doctrine administrative. Car, malgré la promulgation du C.D.P.F., ce dernier ne contient aucun texte relatif à la protection du contribuable contre le changement de la doctrine administrative. Un texte pareil aurait le mérite d'encadrer les pouvoirs de l'administration et réduire particulièrement l'arbitraire fiscal tout en consacrant la sécurité juridique des contribuables.

    Ensuite, il convient de renforcer la protection de comportement loyal à l'égard de l'administration. En effet, la lutte actuelle que mènent les pouvoirs publics contre la fraude fiscale serait mieux appréhendée si une protection était reconnue aux contribuables de bonne foi. Cela contribuerait certainement à la promotion d'un certain civisme fiscal, rendu nécessaire sous contrainte d'une conjoncture peu clémente.

    Toutefois, la protection du contribuable de bonne foi souffre de limites qui lui sont inhérentes qu'il importe d'examiner.

    DEUXIEME PARTIE II : LES LIMITES

    INHERENTES A LA PROTECTION DU

    CONTRIBUABLE DE BONNE FOI

    Dans le système fiscal tunisien la collaboration volontaire du contribuable fait quasiment défaut et le civisme fiscal reste peu développé. C'est la raison pour laquelle le législateur fiscal doit prendre conscience de la nécessité de redorer le blason de la bonne foi pour qu'elle puisse jouer pleinement sa fonction de protection.

    Cependant, il n'est point prétentieux d'affirmer dès à présent que cette protection serait largement imparfaite. Reste à en préciser les limites; qui se manifestent tant devant l'administration, et ce, en raison de la neutralité de la bonne foi (CHAPITRE I), que devant le juge en raison de la difficulté de la preuve de la bonne foi (CHAPITRE II).

    CHAPITRE I - LA NEUTRALITE DE LA BONNE FOI

    FACE A L'ADMINISTRATION FISCALE

    « L'efficacité d'un système déclaratif qui repose sur la confiance en la personne du contribuable et qui présume sa sincérité, exige la reconnaissance au profit de l'administration fiscale d'un pouvoir de contrôle et de sanction des contribuables récalcitrants »174. Ceci relève plutôt du domaine du devoir être. En effet, le pouvoir de contrôle et de sanction dont dispose l'administration ne s'exerce pas seulement à l'encontre des contribuables récalcitrants mais contre tout contribuable, fût-il de bonne foi. Ce pouvoir constitue certes une garantie en faveur des contribuables honnêtes, dans la mesure où il conditionne l'égalité des contribuables devant l'impôt. Il n'en demeure pas moins que ceux-ci éprouvent le besoin de se protéger face aux pouvoirs exorbitants dont dispose l'administration fiscale. Une telle protection semble quasi-inexistante ; la bonne foi du contribuable apparaît assez souvent comme un élément neutre, et ce, aussi bien au niveau du pouvoir de contrôle de l'administration (Section I) qu'au niveau de son pouvoir de sanction (Section II).

    174 KRAIEM (Sami) : « La taxation d'office en droit tunisien », Revue tunisienne de fiscalité, n°7, 2007, p. 347.

    SECTION I- AU NIVEAU DU POUVOIR DE CONTR OLE

    Le contrôle fiscal est le pouvoir donné à l'administration fiscale « de s'assurer par des procédures et techniques prévues par le législateur, que les contribuables se sont acquittés de leurs obligations et, éventuellement de réparer le préjudice causé au trésor par les infractions à la loi fiscale »175. Sous cet angle, le contrôle fiscal englobe aussi bien le droit de contrôle que le droit de reprise. Il s'agit donc là des manifestations du pouvoir de contrôle (Paragraphe 1). En outre, ce pouvoir doit être exercé dans les délais prévus par la loi à cet effet, sous peine de prescription (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1- Les manifestations du pouvoir de contrôle

    Afin d'assurer l'application correcte de la loi fiscale et de lutter contre la fraude, l'administration dispose d'un large pouvoir de contrôle qui se concrétise par l'exercice de son droit de contrôle (A), qui pourra être suivi par l'exercice du droit de reprise (B).

    A- Le droit de contrôle

    Dans un système déclaratif, la détermination des bases d'imposition incombe, en principe, au contribuable, présumé de bonne foi. Ce dernier est tenu de divulguer spontanément les éléments imposables et d'évaluer unilatéralement, selon les méthodes légales, ses bases d'imposition. L'évaluation faite par le contribuable bénéficie d'une présomption simple de sincérité. En contrepartie, le législateur accorde des prérogatives à l'administration fiscale, lors du contrôle fiscal, pour vérifier la sincérité et la régularité des déclarations souscrites par le contribuable. Le contrôle fiscal se ramène ainsi à « l'ensemble des procédés ou des techniques que l'administration peut utiliser pour assurer le contrôle de l'impôt »176.

    La vérification fiscale est l'un des « instruments juridiques »177 dont dispose l'Etat pour réaliser son pouvoir de contrôle fiscal.

    175 LAMBERT (Thierry) : « Contrôle fiscal, droit et pratique », Paris, P.U.F., 1 ère édition, 1991, p.43.

    176 LAMARQUE (Jean) : « Droit fiscal général », Paris, Litec, 1995-1996, p. 505.

    177 AYADI (Habib) : « Droit fiscal, T. V.A., droits de consommation et contentieux fiscal », Publication du C.E.R.P., Tunis 1996, p. 177, n° 360.

    L'objectif primordial assigné à ce moyen de contrôle est celui de s'assurer de l'application exacte de la loi fiscale par les contribuables « en procédant à des confrontations de documents multiples et à des recoupements des informations obtenues par l'administration en les comparant à celles fournies par le contribuable »178.

    Toutefois, « aussi vital qu'il soit pour le fonctionnement du système socio-économique et de l 'Etat tout entier, le contrôle fiscal ne doit pas, au risque de mettre en péril son propre rendement, méconnaître un certain nombre d'exigences dictées par l'Etat de droit auquel la constitution tunisienne proclame, depuis 2002, son attachement »179. Ces exigences visent essentiellement à assurer la sécurité du contribuable, soumis à une vérification fiscale contre les aléas inhérents aux pouvoirs exorbitants dont dispose le fisc pour juguler la fraude fiscale.

    Or, l'administration décide librement du choix de la procédure de contrôle. Ainsi, le contrôle juridictionnel du choix de la procédure permettrait d'encadrer les pouvoirs de l'administration fiscale afin d'assurer une protection effective de tout contribuable devant les risques de détournement de procédure.

    L'article 36 du C.D.P.F. distingue entre deux formes de vérification : la vérification préliminaire des déclarations, actes et écrits détenus par l'administration, d'une part, et la vérification approfondie de la situation fiscale du contribuable d'autre part180.

    178 BACCOUCHE (Néji) : «De la nécessité du contrôle fiscal», article précité, p. 22.

    179 BACCOUCHE (Néji) : «De la nécessité du contrôle fiscal», article précité, p. 13.

    180 La distinction, au sein du droit de vérification, entre vérification préliminaire et vérification approfondie, semble être spécifique au droit tunisien. En droit français, les termes de la distinction se posent différemment. On distingue, en effet, le « droit de contrôle » et le « droit de vérification » ou encore, du point de vue des modalités administratives de la mise en oeuvre du contrôle, « le contrôle fiscal interne » (contrôle formel ou bien contrôle sur pièces) du « contrôle externe ». Mais, dans tous les cas, la vérification fiscale est par définition approfondie (Voir BOUVIER (Michel) : « Introduction au droit fiscal et à la théorie de l'impôt », 2e édition, L.G.D.J., 1998, p. 100).

    S'agissant tout d'abord de la vérification préliminaire (dite également sommaire), elle a été réglementée à travers l'article 37 du C.D.P.F.181.

    L'exercice de la vérification préliminaire n'est pas soumis à un formalisme spécifique, étant donné que l'objectif de cette vérification est de rectifier certaines erreurs apparentes et le cas échéant, de permettre au service fiscal de sélectionner des dossiers en vue d'un éventuel contrôle externe plus approfondi.

    Cependant, le législateur tunisien a complètement modifié, dans le C.D.P.F., la logique de la vérification préliminaire. Celle-ci n'est plus une phase préparatoire dont « l'apport fondamental réside dans sa contribution à une meilleure appréciation des dossiers qui doivent être programmés en approfondi »182.

    La vérification préliminaire, de la même manière que la vérification approfondie, peut déboucher sur une taxation d'office avec toutes les conséquences qui en découlent. Mais, paradoxalement, elle s'exerce à l'insu du contribuable183.

    181 L'article 37 du C.D.P.F. dispose que « la vérification préliminaire des déclarations, actes et écrits détenus par l'administration fiscale s'effectue sur la base des documents y figurant, et de tous documents et renseignements dont dispose l'administration ». Il ressort de cette définition législative que la vérification préliminaire coïncide avec ce que la doctrine a coutume d'appeler « le contrôle sur pièces », DRIRA (Tarek) : « La vérification fiscale », mémoire pour l'obtention du D.E.A. en droit des affaires, Faculté de droit de Sfax, 2002-2003, p. 4. La vérification préliminaire recouvre l'ensemble des interventions des services de l'administration fiscale ayant trait à la rectification des erreurs ou omissions évidentes. Elle est constituée par l'ensemble des travaux que l'administration effectue dans ses locaux et au cours desquels le service procède à l'examen critique des déclarations à l'aide des renseignements et documents dont il dispose. ABOUDA (Abdelmajid) : « Code des droits et procédures fiscaux: contrôle, contentieux et sanctions », Tunis, Publications de l'imprimerie officielle de la République Tunisienne, 2001, p. 99.

    182 Note de service n° 6063 du 24 juillet 1991 citée par DRIRA (Tarek) : « La vérification fiscale », mémoire pour l'obtention du D.E.A. en droit des affaires, Faculté de droit de Sfax, 2002-2003, p.7.

    183 L'article 47 du C.D.P.F. dans son premier alinéa dispose que : « La taxation est établie d'office en cas de désaccord entre l'administration fiscale et le contribuable sur les résultats de la vérification fiscale préliminaire ou approfondie prévues par l'article 36 du présent code, `ou lorsque le contribuable ne répond pas par écrit à la notification des résultats de la vérification fiscale ou à la réponse de l'administration fiscale à son opposition à ces résultats conformément aux dispositions des articles 44 et 44 bis du présent code ». Le qualificatif « préliminaire » laisse penser que le contrôle des déclarations, actes et écrits ne constituerait qu'une phase préalable à la vérification approfondie. Toutefois, cet article remet en cause le caractère purement « préliminaire » d'une telle vérification dans la mesure où il ouvre le droit à l'administration fiscale de taxer d'office un contribuable suite à une simple vérification préliminaire.

    Elle a été, par conséquent, qualifiée par la doctrine de « choquante »184 dans la mesure où le contribuable peut se trouver, dans cette hypothèse, taxé d'office tout en étant privé des garanties les plus élémentaires, à savoir le droit à l'information185 et le droit à la contradiction186.

    La protection du contribuable de bonne foi nécessite ainsi l'intervention du juge. Ce dernier devrait surveiller avec beaucoup de sévérité et de rigueur le choix de cette forme de vérification qui n'est entourée d'aucun formalisme légal et qui peut se transformer en un « faux-fuyant » pour esquiver les procédures pesantes de la vérification approfondie par le biais des vérifications approfondies déguisées.

    S'agissant ensuite de la vérification approfondie, c'est l'opération qui consiste à s'assurer de la sincérité d'une déclaration fiscale en la confrontant à des éléments extérieurs187. Elle porte, aux termes de l'article 38 du C.D.P.F. « sur tout ou partie de la situation fiscale du contribuable ; elle s'effectue sur la base de la comptabilité pour le contribuable soumis à l'obligation de tenue de comptabilité et, dans tous les cas, sur la base de renseignements, de documents ou de présomptions de fait et de droit ». La vérification approfondie qui porte sur tout ou partie de la situation fiscale du contribuable est appelée « vérification de comptabilité » lorsque le contribuable est obligé de tenir une comptabilité et « vérification de la situation fiscale personnelle » dans les autres cas.

    184 BACCOUCHE (Néji) : « De la nécessité du contrôle fiscal », Revue tunisienne de fiscalité, n°1, 2004, p. 25.

    185 L'article 37 §2 du C.D.P.F. prévoit expressément que la « vérification préliminaire n'est pas subordonnée à la notification d'un avis préalable et ne fait pas obstacle à la vérification approfondie de la situation fiscale ».Or, à partir du moment où cette vérification peut déboucher, elle aussi, sur une taxation d'office, « il semble qu'en droit tunisien, la vérification préliminaire nécessite, autant que la vérification approfondie, la notification d'un avis de vérification », KOSSENTINI (Mohamed) : « Les garanties du contribuable lors de la vérification fiscale », Revue tunisienne de fiscalité, n°7, 2007, p.309.

    186 L'absence d'une obligation d'information préalable prive le contribuable, dans le cadre de la vérification préliminaire, de mener un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. Ce dernier n'est même pas informé d'un tel contrôle. Seule une éventuelle notification lui permettra de connaître son existence.

    187 On parle aussi de vérification ou de contrôle externe.

    La vérification de comptabilité est définie comme étant « un rapprochement entre les déclarations déposées d'une part et le résultat des contrôles matériels et les documents comptables, d'autre part »188. Dans sa jurisprudence « Football-Club de Strasbourg », le Conseil d'Etat français considère que la vérification de comptabilité se caractérise par le « contrôle de la sincérité des déclarations déposées en les comparant avec les écritures comptables dont l'administration avait pris connaissance »189.

    S'agissant de la vérification de la situation fiscale personnelle du contribuable, elle concerne les contribuables non astreints à l'obligation de tenue de comptabilité comme les salariés, détenteurs de revenus de capitaux mobiliers, propriétaires fonciers et contribuables exerçant une profession non commerciale ayant opté pour une méthode forfaitaire de détermination de revenu. Elle consiste à « vérifier l'exactitude du revenu global déclaré afin de confronter les revenus déclarés ou les revenus constitués avec le montant apparent des revenus que laissent supposer les recoupements effectués par l'administration, la situation du patrimoine et les éléments du train de vie du contribuable »190. La vérification approfondie représente ainsi pour l'administration fiscale une forme de contrôle contraignante. D'autant plus que dans plusieurs hypothèses, il n'y a pas véritablement de rupture entre la vérification approfondie et l'exercice des pouvoirs de recherche et d'investigation de l'administration. Cette situation est d'autant plus envisageable en l'absence de critères législatifs fixant les frontières entre les pouvoirs de recherche et d'investigation et la vérification approfondie.

    Ainsi, en matière de contrôle, le législateur ne distingue pas entre les erreurs non intentionnelles et les erreurs intentionnelles. Cette absence de distinction semble se justifier par l'objectif immédiat du contrôle fiscal, à savoir l'enlèvement de tous les obstacles à l'application normale de la loi fiscale. C'est ainsi que « Les vérificateurs ne distinguent pas entre les irrégularités commises par le contribuable selon le critère de gravité »191.

    188 FERNOUX (Pierre) : « Vérifications de comptabilités », Jurisclasseur Procédures fiscales, Fascicule 323, p. 4.

    189 C.E., 7°, 8° et 9° sous-section, 10 mars 1967 requête n° 62338, Revue de droit fiscal 1967, n° 45, conclusions F. LAVONDES.

    190 AYADI (Habib) : « Droit fiscal, T.V.A., droits de consommation et contentieux fiscal », Publications du C.E.R.P., Tunis 1996, p. 181, n° 371.

    191 L'TIFI (Mohamed-Habib) : « Le contrôle fiscal et les garanties administratives du contribuable vérifié », Op.Cit., p. 115.

    L'objectif primordial assigné à ce moyen de contrôle est d'assurer une application exacte de la loi fiscale par les contribuables, et ce, « en procédant à des confrontations de documents multiples et à des recoupements des informations obtenues par l'administration en les comparant à celles fournies par le contribuable »192.

    La mise en oeuvre des procédures de contrôle par le fisc peut révéler des omissions, des insuffisances ou des dissimulations commises par les contribuables. A cet effet, le législateur accorde à l'administration fiscale un droit de reprise.

    B - Le droit de reprise

    Le législateur accorde à l'administration fiscale la possibilité de reconstituer, à la lumière des déclarations et des résultats d'investigations, les bases d'imposition. Il s'agit en effet du droit de reprise qui a été défini comme étant le droit: « exercé par l'administration dans le cadre des procédures de contrôle fiscal de redresser les erreurs ou les fraudes commises par les contribuables »193. Autrement dit, le droit de reprise est la prérogative exercée dans le cadre des résultats de la vérification afin de réparer les irrégularités (omissions, erreurs et dissimulations) constatées lors d'une procédure de vérification (préliminaire ou approfondie).

    A priori, il semble que le déroulement du droit de reprise varie selon le comportement initial du contribuable. Les procédures mises en oeuvre affecteraient différemment les droits du contribuable, selon l'intensité de la faute commise par ce dernier. Ainsi, en cas de défaut de déclaration, le contribuable serait passible d'une procédure unilatérale, alors qu'en cas de dépôt de déclaration, la procédure serait « quasi-contradictoire » et les droits du contribuable seraient mieux protégés 194.

    192 BACCOUCHE (Néji) : «De la nécessité du contrôle fiscal», article précité, p. 22.

    193 BARILARI (André) et DRAPE (Robert) : « Lexique fiscal », Op.Cit., p.132.

    194 Dans cette optique, la loi de finances pour la gestion 2007 a renforcé la procédure de débat écrit en établissant une obligation de réponse motivée à l'encontre de l'administration fiscale, aux oppositions du contribuable ayant reçu un avis de redressement (voir l'article 44 bis du C.D.P.F. tel que ajouté par l'article 57 de la loi n° 2006-85 du 25 décembre 2006 portant loi de finances pour l'année 2007, J.O.R.T. n° 103, 149e année, 26 décembre 2006, p. 4380).

    En effet, le C.D.P.F. prévoit deux procédures de redressement applicables selon la situation du contribuable au regard de son obligation déclarative : une procédure de redressement contradictoire et une procédure de redressement unilatérale qui est soldée par la taxation d'office195.

    Or, le législateur a gardé le silence concernant les méthodes à suivre dans l'exercice, par les agents du fisc, de ce droit de reprise même dans le cadre d'une procédure de redressement contradictoire. Il devient alors légitime de se demander, si l'agent du fisc devrait redresser, librement les bases d'imposition ou bien s'il devrait, respecter dans la mesure du possible, les procédés adoptés par le contribuable ainsi que les méthodes légales ?

    Un traitement différentiel du redressement des bases d'imposition selon qu'il s'agisse de contribuables astreints à la tenue de comptabilité ou de contribuables non astreints à cette obligation, semble opportun. Cependant, un tel traitement ne coïncide pas avec la logique législative telle qu'elle ressort de l'article 38 du C.D.P.F.

    En effet, le législateur n'a pas établi des règles spécifiques de redressement des bases d'imposition selon que le contribuable a déposé ses déclarations ou non, ni selon que la comptabilité est exigée ou non.

    Ainsi, qu'il commette des infractions, par fraude ou de bonne foi, le contribuable subit le même sort ! De cette manière, le droit de reprise peut constituer un élément perturbateur de la confiance du contribuable dans le système. Ce qui n'est pas à même d'encourager le civisme fiscal.

    Néanmoins, l'action des autorités de contrôle en vue de redresser la situation fiscale des contribuables est normalement enfermée à l'intérieur d'un délai strictement fixé par la loi.

    D'une manière générale, les périodes d'exercice du droit de reprise et du droit de contrôle fiscal se confondent. En effet, ils doivent être exercés dans les délais prévus par la loi à cet effet, au-delà desquels le contribuable peut opposer aux agents du fisc la prescription du droit de reprise.

    195 En application de l'article 47 in fine du C.D.P.F. ; « La taxation est également établie d'office, en cas de défaut de dépôt par le contribuable, des déclarations fiscales et des actes prescrits par la loi pour l'établissement de l`impôt, et ce, dans un délai maximum de trente jours à compter de la date de sa mise en demeure, conformément aux procédures prévues par l'article 10 du présent code. »

    Paragraphe 2- Le cadre temporel du pouvoir de contrôle

    Dans un système déclaratif, le contrôle fiscal est indispensable pour l'accomplissement du devoir fiscal. A cet effet, la loi accorde à l'administration fiscale un délai de reprise lui ouvrant la possibilité d'exercer son contrôle sur une période allant de 4 ans, en cas de dépôt de déclaration, jusqu'à 10 ans en cas de défaut196. A priori, il semble que le législateur fait bénéficier les contribuables qui se plient de bonne foi à leurs obligations fiscales d'un délai plus court. Or, il ne faut pas perdre de vue la multiplicité des évènements à même d'allonger ces délais. Il s'agit essentiellement des actes interruptifs de prescription.

    L'interruption a pour effet de faire courir un nouveau délai, d'une même durée, que celui interrompu. La prescription est interrompue par la survenance d'un des évènements limitativement énumérés par la loi.

    Avant la promulgation du C.D.P.F., en vertu de l'article 72 II du C.I. R .P.P. et de l'I.S., la prescription était interrompue, soit par la notification d'un arrêté de taxation d'office, soit par l'établissement d'un procès-verbal de non présentation ou de non tenue des documents comptables, dressé soixante jours au moins avant l'expiration de l'année limite du délai de reprise. A partir du premier janvier 2002, le législateur est intervenu par un texte unique, qui régit l'ensemble des impôts et taxes rentrant dans le champ d'application du C.D.P.F., et ce, afin de préciser les actes qui constituent des évènements interruptifs de la prescription. En effet, l'article 27 du C.D.P.F. prévoit à cet effet que la prescription est interrompue par la notification des résultats de la vérification fiscale par la reconnaissance de dette et à défaut, par notification de l'arrêt de taxation d'office197.

    196 Voir l'article 19 du C.D.P.F. relatif aux impôts déclarés, l'article 20 relatif aux impôts non déclarés et l'article 21 relatif aux omissions et erreurs relatives aux droits de timbre qui, eux aussi, peuvent être réparés dans le délai de 10 ans.

    197 «La prescription est interrompue par la notification des résultats de la vérification fiscale, par la reconnaissance de dette, et à défaut, par la notification de l'arrêté de taxation d'office (La première phrase de l'article a ainsi été modifiée par l'article 79 de la loi n°2001-123 du 28 décembre 2001 portant loi de finances pour l'année 2002, J.O.R.T. n°104, 144e année, 28 décembre 2001, p. 4251). Toutefois, et en ce qui concerne les taxes dues sur les moyens de transport, la prescription est interrompue par la notification du procès-verbal constatant l'infraction. Ladite notification tient lieu de notification des résultats de la vérification fiscale.(Paragraphe ajouté par l'article 51 de la loi n° 2005-106 du 19 décembre 2005 portant loi de finances pour l'année 2006, J.O.R.T n° 101, 148e année, 20 décembre 2005, p.3596) La prescription est également interrompue, pour les impôts non déclarés, par la notification de la mise en demeure prévue par le deuxième paragraphe de l'article 47 du présent code ou par la notification de l'avis de vérification approfondie de la situation fiscale prévu par l'article 39 du présent code ».

    Cet article a introduit des nouveautés par rapport à la législation antérieure. L'article 72 du C.I. R .P.P. et de l'I.S. envisageait uniquement la notification de l'arrêté de taxation d'office comme acte interruptif de prescription et pour les contribuables qui tiennent une comptabilité, il envisageait l'établissement d'un procès-verbal de non présentation ou de non tenue de documents comptables. Ce procès-verbal devait être dressé 60 jours au moins avant l'expiration de l'année limite du délai de reprise. La nouvelle législation consacre donc la notification des résultats de la vérification fiscale comme acte interruptif de la prescription, au lieu de la notification de l'arrêté de taxation d'office. « Cette solution est beaucoup plus favorable à l'administration puisque le premier acte intervient de manière plus précoce que le second, ce qui aura pour effet, en cas d'intervention des services de contrôle, d'éviter qu'un exercice tombe dans la prescription en raison de la lenteur de la procédure de vérification et de redressement »198. Elle a été justifiée par « le rapprochement à la règle générale prévue par l'article 296 du code des obligations et des contrats qui considère que la prescription relative aux dettes s'interrompt par toute action ayant date certaine en vertu de laquelle le créancier demande sa créance auprès du débiteur, telle que l'action en justice ou la notification d'une lettre recommandée ou l'avertissement par l'intermédiaire d'un huissier de justice »199.

    En plus, le ministre des finances a avancé que « la prise en compte de la notification des résultats de la vérification au lieu de l'arrêté de taxation d'office permet, tant à l'administration qu'au contribuable, de profiter d'un délai de dialogue et de discussion des résultats et de trancher la question à l'amiable avant la phase contentieuse, ce qui aura pour effet de diminuer les cas litigieux et permet d'établir l'impôt sur des bases exactes »200.

    Selon la jurisprudence française, pour que la prescription soit interrompue, il suffit que la notification au redevable intervienne au plus tard, le jour de l'expiration du délai de reprise201, et qu'elle satisfasse aux conditions légales de validité202.

    198 BESBES (Slim) : « Le Principe de la légalité de l'impôt en droit tunisien », thèse précitée, p.503 et 504.

    199 Débats parlementaires, J.O.R.T. n° 39, séance du mercredi 26 juillet 2000, p. 1871.

    200 Débats parlementaires, J.O.R.T. n° 39, séance du mercredi 26 juillet 2000, p. 1878.

    201 C.E., 5 octobre et 21 novembre 1973, cité par AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op. Cit., p. 211.

    202 A noter que c'est à l'administration qu'il appartient d'apporter la preuve de cette notification. Voir C.E., 17 octobre 1984, Revue de jurisprudence fiscale, 12/1984, 1477.

    En définitive, le législateur tunisien paraît davantage soucieux du rendement fiscal que de l'intérêt du contribuable de bonne foi au niveau du pouvoir de contrôle exercé par l'administration fiscale. Reste à vérifier si ce constat se vérifie également au niveau de son pouvoir de sanction.

    SECTION II - AU NIVEAU DU POUVOIR DE SANCTION

    Le pouvoir de sanction dont dispose l'administration fiscale constitue une condition nécessaire pour garantir la pleine efficacité du système de contrôle203. Mais, ce pouvoir indispensable pour assurer l'égalité de tous devant l'impôt et pour juguler la fraude fiscale, ne risque t-il pas de mettre en péril la nécessaire protection du contribuable de bonne foi ?

    Ce risque se justifie aisément eu égard aux sanctions administratives qu'il peut se voir infliger204. Certaines sanctions sont expressément qualifiées comme telles par le législateur. Il s'agit des sanctions administratives qui font l'objet du chapitre premier du titre trois du C.D.P.F. relatif aux sanctions fiscales (§ 1)205. En revanche, la taxation d'office n'a pas été qualifiée comme telle par le législateur, alors qu'il s'agit bel et bien d'une sanction (§ 2).

    203 PAULTRE DE LAMOTTE (Jacques) : « Les sanctions fiscales dans le système fiscal français : présentation d'ensemble », R.F.F.P., n° 65, 1999, p.9.

    204 Il convient au préalable préciser que la notion de sanction peut revêtir deux acceptions. Selon une première acception restrictive, la sanction serait réservée aux seules mesures répressives destinées à punir et à réprimer. Selon une deuxième acception plus extensive, le terme « sanction » désignerait toute mesure, même réparatrice, justifiée par la violation d'une obligation, tout moyen destiné à assurer le respect et l'exécution effective d'un droit ou d'une obligation. Voir en ce sens : CORNU (Gérard) : « Vocabulaire juridique », Op. Cit., V° Sanction, p.744. En droit fiscal tunisien, il est possible de distinguer deux groupes de sanctions, et ce, rien qu'en s'en tenant à l'organe habilité à prononcer la sanction. Ainsi, il existerait des sanctions fiscales pénales prononcées par le juge pénal et dont la finalité est exclusivement répressive. A côté, il existerait des sanctions fiscales administratives prononcées quant à elles par l'autorité administrative

    205 L'étude des sanctions fiscales administratives, s'inspirant de l'examen du chapitre premier du titre trois du C.D.P.F., portera exclusivement sur les « pénalités fiscales », c'est-à-dire les sanctions pécuniaires prononcées par l'administration, à l'exclusion toutefois des sanctions pénales (amendes) pouvant éventuellement les accompagner. La principale raison ayant motivée cette restriction : la notion de bonne foi est présente en matière fiscale pénale et plus précisément sous l'angle de la fraude à la loi or le but essentiel de ce travail est d'opérer une étude sur la prise en compte de la bonne foi en dehors de la matière pénale.

    Paragraphe 1 - Sanctions administratives expressément prévues comme telles

    D'après l'examen du chapitre premier du titre trois du C.D.P.F. relatif aux sanctions fiscales administratives, il est possible de distinguer les « pénalités de retard »206 des « pénalités »207 .

    D'une manière générale, les pénalités fiscales regroupent « toutes les sanctions pécuniaires édictées par les lois et prononcées par toutes les autorités compétentes »208.

    Il s'agit dans les deux cas de pénalités accessoires proportionnelles aux droits en principal. Ainsi, à titre d'illustration, l'article 81 du C.D.P.F. dispose en substance que, tout retard dans le paiement de tout ou partie de l'impôt, est sanctionné par une majoration des droits de 0,5% par mois ou fraction de mois de retard en l'absence d'intervention préalable des services du contrôle fiscal. Aux termes de l'article 82 du C.D.P.F., cette majoration est portée à 1,25% lorsque le retard dans le paiement de l'impôt est constaté suite à l'intervention des services du contrôle fiscal.

    Ces articles sanctionnent donc le non accomplissement d'une action positive. Il en résulte que le législateur fiscal ne conçoit les sanctions administratives que sous l'angle des infractions matérielles. Ces dernières ne sont pas fondées sur des considérations relatives à l'appréciation du comportement du contribuable. En effet, « La simple constatation matérielle de l'infraction est suffisante pour entraîner l'application des pénalités sans avoir à rechercher si le contribuable est de bonne ou de mauvaise foi »209.

    Or, sous l'égide de la Charte du contribuable, et ce, avant la promulgation du C.D.P.F., les taux des pénalités d'assiette étaient fonction du comportement du contribuable. Ainsi, à l'insuffisance de bonne foi ou au défaut de dépôt de déclarations dans les délais impartis portant sur un retard inférieur à deux ans, le taux de pénalité applicable était de 10%210.

    Ce taux de 10 % était ainsi applicable aux insuffisances ne résultant pas d'une fraude. « Ne sont pas considérés comme fraude :

    206 Voir les articles 81, 82, 84, 86 et 88 du C.D.P.F.

    207 Voir les articles 83, 84 et 85 du C.D.P.F.

    208 Le doyen CHRETIEN cité par NEEL (Brigitte) : « Les pénalités fiscales et douanières », Paris, Economica, collection « Finances publiques », 1992, p.7.

    209 ABDEDDAIEM (Najla) et KOUBAA (Sameh) : « Les sanctions fiscales administratives », Revue tunisienne de fiscalité, n°7, 2007, p.373.

    210 Deux remarques semblent à ce niveau s'imposer. Tout d'abord, le C.D.P.F. n'a pas gardé les pénalités d'assiette. Ensuite, l'article 7 de la loi de promulgation du C.D.P.F. a abrogé l'article 63 du C.I.R.P.P. et de l'I.S. qui constituait le fondement juridique de la validité de la Charte du contribuable.

    - les redressements consécutifs à une erreur d'interprétation des textes ;

    - les réintégrations motivées par des questions de principe ;

    - les erreurs dans l'application des taux de l'amortissement ;

    - et d'une manière générale, les redressements résultant d'une bonne foi manifeste du contribuable, dans la mesure où de telles infractions sont relevées pour la première fois »21 1.

    Dans une affaire portée devant le T.A., en date du 31 décembre 2001, le contribuable avait invoqué une erreur dans la comptabilisation des pénalités d'assiette. En effet, la commission de conciliation, défenderesse au pourvoi, avait retenu le taux 30% applicable en cas de récidive de fraude au motif que le contribuable avait déjà fait l'objet d'une taxation d'office. Le juge a décidé que les manquements relevés suite à une opération de vérification sont présumés de bonne foi et le fait que le contribuable ait déjà fait l'objet d'une taxation d'office ne présume en rien une deuxième fraude tant que ses éléments constitutifs n'ont pas été prouvés212.

    Actuellement, pareilles considérations ne sont pas prises en considération. En effet, le législateur fiscal semble considérer que toutes les infractions prévues par le C.D.P.F. sont des actes de fraude fiscale213.

    Ainsi, tout retard dans le paiement de tout ou partie de l'impôt, est considéré comme une forme de fraude qui donne lieu à une application automatique des pénalités fiscales par l'administration.

    Le législateur fiscal adopte donc une conception extensive de la notion de fraude fiscale. Une telle conception se concilie mal avec la promotion du civisme fiscal ; objectif sur lequel doit se focaliser l'administration fiscale afin d'améliorer le recouvrement de l'impôt.

    Or, il existe bien entendu des degrés en matière d'incivisme : le fait d'envoyer ses déclarations et ses paiements avec retard est beaucoup moins grave que de masquer volontairement ses sources de revenus. Une juste récompense des comportements vertueux peut s'avérer alors nécessaire pour la promotion du civisme fiscal.

    211 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op. Cit., p.197,

    212 T.A., cassation, 31 décembre 2001, requête n°32635, voir annexe 3, p.183 et spécialement p. 192.

    Voir dans le même sens : T.A., cassation, 3 juin 2002, requête n°32999, Recueil des arrêts du tribunal administratif, 2002, pp. 285-295 et spécialement p. 293.

    213 L'TIFI (Mohamed-Habib) : « Le contrôle fiscal et les garanties administratives du contribuable vérifié », Op.Cit., p.1 13.

    Ainsi, invoquant la Convention Européenne des Droits de l'Homme, la Cour de cassation française a jugé dans l'arrêt Ferreira, que l'article 6-1 de cette Convention - qui consacre le droit à un procès équitable - s'appliquait en matière fiscale214.

    La Cour a notamment déclaré l'amende fiscale contraire à la Convention pour défaut d'acquisition de la vignette automobile en raison de l'automaticité de son application par l'administration.

    « Cet arrêt a été considéré comme un arrêt de principe. Il marque ainsi une avancée très importante sur le terrain de la reconnaissance d'un pouvoir de modération du juge judiciaire en matière de sanctions fiscales (pour le contentieux des impositions qui relèvent de sa compétence bien entendu). Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'un système de majoration d'impôt ne se heurte pas à l'article 6 de la Convention pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte »215.

    Ainsi, dans le système fiscal tunisien où le civisme fiscal reste peu développé, il serait particulièrement inique de ne pas faire bénéficier la bonne foi du contribuable d'un traitement de faveur. D'autant plus que ce dernier peut se voir infliger une taxation d'office à côté des sanctions prévues par le chapitre premier du titre trois du C.D.P.F.

    Paragraphe 2 - Sanction administrative non expressément prévue comme telle : la taxation d'office

    De prime abord, il apparaît légitime de considérer la taxation d'office comme une sanction. « C'est bien effectivement dans cette perspective qu'elle a été conçue et introduite en Tunisie »216. Certes, elle « n'est pas de la même nature qu'une sanction pénale ou administrative. Mais il n 'en demeure pas moins vrai que cette procédure vise à punir un comportement coupable, sinon délictueux du contribuable taxé d'office » 217.

    214 Cassation commerciale, 29 avril 1997, n° 1068 PB, Ferreira, Revue de jurisprudence fiscale, juin 1997, n°641, pp.442- 444.

    215 AGRON (Laure) : « Histoire du vocabulaire fiscal », Op.Cit., p.347 et 348.

    216 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op.Cit., p. 488, N.B.P. n°11.

    217 KRAIEM (Sami) : « La taxation d'office en droit tunisien », Revue tunisienne de fiscalité, n°7, 2007, p.347, N.B.P. n° 1.

    Elle se concrétise par un arrêté ministériel dont l'objet consiste dans l'évaluation de l'assiette et la liquidation de l'impôt d'une manière unilatérale, et ce, à titre de sanction du comportement du contribuable qui ne se conforme pas à ses obligations vis-à-vis du fisc218.

    Plus précisément, la taxation d'office peut être définie comme la « procédure qui permet à l'administration de fixer unilatéralement les bases d'imposition »219.

    Or, la fixation unilatérale des bases d'imposition doit être conçue comme une sanction du non respect par le contribuable de ses obligations fiscales car, elle emporte la déchéance du contribuable taxé d'office du bénéfice du contradictoire220. Ceci se vérifie aisément en droit fiscal français qui a le mérite de distinguer entre deux procédures de redressement en fonction du respect par le contribuable de ses obligations déclaratives. Il s'agit de la procédure de redressement contradictoire et de la procédure de redressement d'office, ayant chacune des caractères propres et des conséquences différentes au niveau de la charge de la preuve221.

    La procédure de redressement contradictoire, prévue aux articles L.55 et suivants du L.P.F., est la procédure de droit commun. L'utilisation d'une procédure contradictoire suppose le dépôt d'une déclaration. Si le contribuable a souscrit sa déclaration, il bénéficie de la mise en oeuvre d'une procédure de redressement contradictoire.

    En revanche, le contribuable qui ne remplit pas sa déclaration encourt une procédure de redressement d'office (l'article L. 65 et suivants du L.P.F.). Il s'agit d'une procédure dérogatoire qui s'applique dans les cas de défaut ou de retard soit des déclarations de certains revenus catégoriels, et dans ce cas on parle de la procédure d'évaluation d'office, soit de la déclaration d'ensemble et dans ce cas on parle de la procédure de taxation d'office. La taxation d'office sanctionne ainsi l'absence ou le retard dans l'établissement d'une déclaration222.

    218 BACCOUCHE (Néji) : « Droit fiscal », Op. Cit., p.1 86.

    219 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op. Cit., p. 488.

    220 Les procédures contradictoires sont consacrées par les articles 42, 43, 44 et 44 bis du C.D.P.F.

    221 Ces conséquences feraient l'objet de développements ultérieurs.

    222 L'article L.66 du L.P.F. « Sont taxés d'office

    1-. Les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration...».

    Toutefois, le législateur tunisien ne distingue pas entre la procédure de taxation d'office de la procédure du redressement contradictoire. En effet, « la taxation d'office constitue en droit tunisien une mesure générale applicable dans tous les cas où le contribuable ne se conforme pas à la demande des vérificateurs consignée dans la notification de redressement. De la sorte, la taxation d'office sanctionne toute résistance de la part du contribuable»223.

    Ceci se manifeste clairement à travers l'énumération des cas d'ouverture de la procédure de taxation d'office. Cette apparence de limitation ne doit pas occulter la généralité des cas d'ouverture de la taxation d'office. En effet, l'article 47 du C.D.P.F. prévoit que : « La taxation est établie d'office en cas de désaccord entre l'administration fiscale et le contribuable sur les résultats de la vérification fiscale préliminaire ou approfondie prévues par l'article 36 du présent code, ou lorsque le contribuable ne répond pas par écrit à la notification des résultats de la vérification fiscale ou à la réponse de l'administration fiscale à son opposition à ces résultats conformément aux dispositions des articles 44 et 44 bis du présent code 224.

    La taxation est également établie d'office, en cas de défaut de dépôt par le contribuable, des déclarations fiscales et des actes prescrits par la loi pour l'établissement de l`impôt, et ce, dans un délai maximum de trente jours à compter de la date de sa mise en demeure, conformément aux procédures prévues par l'article 10 du présent code ».

    Partant, l'administration peut recourir à cette procédure non seulement en cas de défaut de dépôt des déclarations fiscales et des actes prescrits par la loi ou en cas de défaut de réponse à la notification des résultats de la vérification ou à la réponse de l'administration à l'opposition aux résultats, mais également en cas de désaccord avec le contribuable sur les résultats de la vérification fiscale.

    Si le recours à la taxation d'office peut paraître légitime dans les deux premières hypothèses dans la mesure où c'est le contribuable qui s'oppose au dialogue avec l'administration, d'autant plus que sa négligence peut être constatée suite à l'écoulement des délais qui lui sont accordés pour se manifester225.

    223 KRAIEM (Sami) : « La taxation d'office en droit tunisien », Revue tunisienne de fiscalité, n°7, 2007, p.347, N.B.P. n° 1.

    224 Supprimée et remplacée par l'article 58 de la loi de finances pour l'année 2007, n° 2006-85 du 25 décembre 2006 (J.O.R.T. n° 103 du 26 décembre 2006, p. 4380).

    225 En effet, le défaut de déclaration n'est constaté qu'après l'expiration du délai de trente jours à compter de la mise en demeure du contribuable défaillant. Le défaut de réponse à la notification des résultats de la vérification fiscale , et ce, après l'expiration du délai de trente jours après la notification des résultats (Voir l'article 44 du C.D.P.F.) et après l'expiration du délai de 15 jours à compter de la notification de la réponse de l'administration fiscale à l'opposition du contribuable aux résultats de la vérification (Voir l'article 44 bis du C.D.P.F.).

    Il n'en est pas de même concernant la dernière hypothèse relative à la taxation d'office en cas de désaccord entre l'administration fiscale et le contribuable sur les résultats de la vérification. Dans ce cas, l'administration sanctionne le contribuable, qui, bien qu'ayant accompli ses obligations fiscales, n'a pas abouti à un accord avec l'administration. Or, le fonctionnement du système de contrôle fiscal selon les règles du droit commun, c'est-à-dire selon les procédures contradictoires, est tributaire de l'existence de la déclaration fiscale. C'est seulement autour de cette pièce que le dialogue doit être établi entre le contribuable et le fisc. Toutefois, en vertu de l'article 47 du C.D.P.F., l'existence de la déclaration, dont le contenu est librement déterminé par le contribuable présumé de bonne foi, ne l'épargne pas de la menace de se voir déchu des procédures contradictoires.

    A ce niveau, deux remarques semblent s'imposer. Tout d'abord, il convient de rappeler que les anciennes dispositions du C.I.R.P.P. et I.S. (l'article 66) ne prévoyaient pas, parmi les cas d'ouverture de la procédure de taxation d'office, ce cas de taxation d'office basé sur le désaccord entre le contribuable et l'administration fiscale sur les résultats de la vérification. Il s'agirait donc d'une innovation du C.D.P.F. dans le sens du renforcement des pouvoirs du fisc au détriment du contribuable, fût-il de bonne foi. Ensuite, il convient de s'arrêter sur l'apport de l'article 57 de la loi de finances pour l'année 2007 qui est venu ajouter un nouvel article au C.D.P.F. ; l'article 44 bis226. Dans l'exposé des motifs de cet amendement, le gouvernement a insisté sur la nécessaire consolidation du débat entre le fisc et le contribuable vérifié, et ce, avant l'établissement de l'arrêté de taxation d'office. La garantie instituée par l'article 44 bis du C.D.P.F. constitue certes une garantie signifiante au profit du contribuable de bonne foi dans la mesure où il met à la charge de l'administration l'obligation de motivation de son refus.

    226 L'article 44 bis, ajouté par l'article 57 de la loi de finances pour l'année 2007, n° 2006-85 du 25 décembre 2006, publiée au J.O.R.T. n°103, 149e année 26 décembre 2006, p.4380. L'article 57 précité dispose que : « Lorsque le contribuable formule son opposition aux résultats de la vérification fiscale dans les délais prévus par l'article 44 du présent code, l'administration fiscale doit répondre par écrit à l'opposition du contribuable. Le rejet partiel ou total par l'administration fiscale de l'opposition du contribuable doit être motivé. Cette réponse est notifiée conformément aux procédures prévues par l'article 10 du présent code. Est accordé au contribuable un délai de quinze jours à compter de la date de la notification de la réponse de l'administration fiscale, pour formuler par écrit ses observations, oppositions et réserves relatives à cette réponse ». Voir également la note commune n° 15-2007 portant commentaires des dispositions précitées. Voir http://www.impots.finances.gov.tn/documentation/notes_communes_fr/NC2007/nc15_2007_fr.pdf, visité le 28 / 6/2008.

    Cependant, l'administration fiscale demeure souveraine dans l'appréciation de l'existence du désaccord, motif essentiel d'ouverture de la taxation d'office. En effet, elle garde le pouvoir d'apprécier le contenu de la réponse du contribuable. Elle peut refuser les contestations et les observations du contribuable comme elle peut les accepter.

    Ainsi, en cas de refus total des contestations soulevées, l'administration fiscale doit, aux termes de l'article 47 du C.D.P.F., prendre un arrêté de taxation d'office. Le tribunal de première instance de Sfax dans un jugement n° 186 du 24 décembre 2003 a clairement décidé que lorsque le contribuable fait parvenir ses contestations dans le délai légal, l'administration peut, soit les accepter, soit les refuser227. De surcroît, l'expression « désaccord entre l'administration fiscale et le contribuable» brille par son imprécision. Il s'agirait en fait d'un « fourre tout, on peut tout y mettre »228. Le contribuable aura donc tendance à suspecter une notion aussi incertaine, empreinte de subjectivité, source potentielle d'insécurité juridique et peut être même d'arbitraire, puisque, pour fonder le recours à la taxation d'office, il suffirait, à l'administration fiscale d'invoquer l'échec de la procédure de vérification n'ayant pas abouti à un accord avec le contribuable. « Ainsi, tout se passe comme si le contribuable est tenu de se conformer à l'attitude de l'administration fiscale, sous peine d'être taxé d'office. Même s 'il est honnête, le contribuable sera tenu de consentir aux résultats de la vérification fiscale afin d'éviter la taxation d'office »229 .

    227 Le tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 186 du 24/12/2003 publié à la Revue tunisienne de fiscalité, « Chronique de jurisprudence fiscale tunisienne », n° 4, p. 225.

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    228 BACCOUCHE (Néji) : «De la nécessité du contrôle fiscal», article précité, p.24.

    229 KRAIEM (Sami) : « La taxation d'office en droit tunisien », article précité, n°7, 2007, p.354.

    Cependant, la jurisprudence fiscale tunisienne accorde une importance particulière à la réponse du contribuable et a jugé comme irrégulière la taxation d'office qui a négligé la dite réponse, bien qu'elle ait été formulée dans le délai imparti230.

    Il résulte de ce qui précède que le cadre juridique de la procédure de taxation d'office témoigne d'un souci embryonnaire de la protection du contribuable de bonne foi. Pour cette raison, « L'administration fiscale en Tunisie doit cesser de concevoir la taxation d'office comme une sorte d'arme fatale par laquelle elle risque de détruire les innocents en même temps que les coupables. Aussi convient-il d'orienter cette procédure vers la conciliation de la nécessité de réprimer la fraude fiscale avec un besoin non moins indispensable de protéger les contribuables honnêtes »231. Or, « l'expérience montre que l'administration n'a pas toujours respecté le cadre qu'elle s'est fixée. A cet égard, l 'autolimitation de l'administration n'est pas un moyen souhaitable de protection des administrés dans un Etat de droit où tous les pouvoirs sont liés par des règles précises et où il n'y a pas lieu à l'arbitraire »232.

    Ainsi, mettre une limite au désir, sans limites, de l'administration suppose alors de borner, légalement son action, seul moyen de lui ôter tout désir de pressurer les contribuables de bonne foi.

    Dans l'attente d'une intervention législative, le juge fiscal, par-delà l'imperfection du cadre juridique existant, assure-t-il une meilleure protection au contribuable de bonne foi dans le cadre contentieux ?

    230 Le tribunal de première instance de l'Ariana, requête n° 500 du 25/01/2007 (inédit), a jugé que :

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    231 KRAIEM (Sami) : « La taxation d'office en droit tunisien », Revue tunisienne de fiscalité, n°7, 2007, p.368.

    232 BESBES (Slim) : « Le Principe de la légalité de l'impôt en droit tunisien », thèse précitée, p.436.

    CHAPITRE II : LA DIFFICULTÉ DE LA PREUVE DE

    LA BONNE FOI DEVANT LE JUGE

    Devant le juge, le contribuable doit pouvoir être en mesure d'apporter la preuve de sa bonne foi233. Or, « Pour être efficace, le droit de preuve doit concilier les exigences du rendement fiscal et de justice fiscale, c'est-à-dire permettre à l'administration de rectifier les impositions des dissimulateurs, mais aussi au contribuable loyal d'échapper à la surtaxation en pouvant se défendre utilement»234. Cependant, la preuve de la bonne foi, qui permet d'être digne de protection, est particulièrement délicate, voire difficile à apporter. Cette difficulté de la preuve de la bonne foi peut être examinée aussi bien au niveau de la charge de la preuve (Section I) qu'au niveau de son administration (Section II).

    SECTION I- AU NIVEAU DE LA CHARGE DE LA PREUVE

    Afin de faciliter l'accomplissement par l'administration fiscale de sa mission de contrôle et de vérification, le C.D.P.F. la décharge du fardeau de la preuve. C'est le contribuable, fût-il de bonne foi, qui la supporte235.

    Ce renversement semble inévitable eu égard à l'existence de différents mécanismes juridiques à même de décharger l'administration fiscale avec la plus grande aisance de la charge de la preuve lui incombant et auxquels elle fait recours de manière quasi-systématique. Il s'agit en effet des mécanismes de la taxation d'office (Paragraphe 1) ainsi que des présomptions légales (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1 - Le mécanisme de la taxation d'office

    La mise en oeuvre du mécanisme de la taxation d'office produit des conséquences sur le terrain de la preuve. Il s'agit principalement du renversement de la charge de la preuve au détriment du contribuable de bonne foi.

    233 La preuve étant « l'effort à accomplir, une fois l'instance engagée, pour obtenir la confirmation judiciaire d'une allégation relative à un point de fait. », PACTET (Pierre) : « Essai d'une théorie de la preuve devant la juridiction administrative », thèse pour le doctorat en droit, Paris, éditions A. Pédone 1952, p. 4.

    234 RICHIER (Daniel) : « Les droits du contribuable dans le contentieux fiscal », Paris, L.G.D.J., 1997, p.287.

    235 La charge de la preuve étant « le fait de produire devant le juge des éléments de conviction susceptibles d'établir la vérité d'une allégation. », PACTET (Pierre) : « Essai d'une théorie de la preuve devant la juridiction administrative », thèse pour le doctorat en droit, Paris, éditions A. Pédone 1952, p. 4.

    Ce renversement est, non seulement imperméable à la présomption d'exactitude de la déclaration (A), mais, il est également, imperméable à la notion de demandeur effectif (B).

    A- Un renversement imperméable à la présomption d'exactitude

    L'imperméabilité du renversement de la charge de la preuve à la présomption d'exactitude se mesure eu égard aux implications de la présomption (1) confrontées aux implications de la solution préconisée par le législateur à travers l'article 65 du C.D.P.F. (2).

    1 °- Les implications de la présomption d'exactitude

    Le système d'imposition en Tunisie est principalement déclaratif236. Il se base en effet sur le dépôt spontané, par le contribuable, de ses déclarations fiscales237.

    Le principe déclaratif permet, théoriquement, au contribuable, qui a rempli sa déclaration, de bénéficier d'une présomption d'exactitude238. Tel est le cas en droit fiscal français où la déclaration produite par le contribuable bénéficie d'une présomption d'exactitude et de sincérité.

    Pareille présomption offre indéniablement, au contribuable, une garantie précieuse en matière de preuve. En effet, en cas de contentieux ultérieur, il ne lui appartiendrait pas d'apporter la preuve du montant de la matière imposable. Une telle tâche incomberait à l'administration qui devrait dès lors combattre la présomption d'exactitude attachée à la déclaration239.

    236 En effet, le droit fiscal tunisien généralise l'obligation de produire une déclaration depuis 1997. A partir de cette date, tous les impôts ; qu'ils soient prélevés au profit de l'Etat ou des collectivités locales, sont devenus déclaratifs. La déclaration étant la procédure de principe pour établir l'impôt, l'administration n'intervient, dans ce cadre, qu'accessoirement. En effet, elle peut intervenir pour établir l'impôt soit au moyen du recensement soit pour relayer la défaillance du contribuable. S'agissant de l'opération de recensement, l'administration fiscale envoie ses agents sur le terrain pour rechercher les contribuables et la matière imposable et procéder ainsi à son évaluation.

    En Tunisie, ce système a perduré jusqu'à 1997 pour la taxe locative (qui était un impôt local calculé sur la base de la superficie et du nombre de services rendus indépendamment de celui qui occupe le local (le propriétaire lui-même ou le locataire). Tous les trois ou cinq ans, les agents municipaux procédaient à un recensement sur le terrain du parc immobilier situé sur le périmètre communal. Après 1997, le recensement a été maintenu en matière de taxe sur les immeubles bâtis et de taxe sur les immeubles non bâtis (opération à effectuer tout les 10 ans) mais son objectif est désormais de vérifier la maîtrise de l'assiette de cet impôt. En outre, l'administration peut intervenir pour établir unilatéralement l'impôt en cas de défaillance du contribuable ou selon les termes du C.D.P.F. en cas de défaut de déclaration, et ce, selon les articles 47 § 2, 48 et 49 du C.D.P.F. qui organisent ce cas d'évaluation par l'administration fiscale.

    237 Voir l'article 2 du C.D.P.F.

    238 L'administration se trouve liée par le contenu des déclarations Le droit pour le contribuable à être imposé sur les éléments déclarés a pu être considéré par la doctrine comme étant un « droit fondamental », PUPIER (Alain) : « Le contrôle fiscal : drame ou relation juridique ? », Revue de la recherche juridique, droit prospectif, Presses universitaires d'Aix-Marseille 1997-1, p. 315.

    239 BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal », Gazette du Palais, 1983, n°1, p.150.

    Le législateur français a expressément consacré le principe d'attribution de la charge de la preuve à l'administration fiscale240. Deux cas de figure sont alors envisageables.

    S'agissant du contribuable qui a, régulièrement, produit sa déclaration, ce dernier bénéficie de la mise en oeuvre d'une procédure de redressement contradictoire241. En cas de contentieux ultérieur, la charge de la preuve incombe à l'administration fiscale242. En revanche, le contribuable en défaut, perd le bénéfice de la présomption d'exactitude et encourt une procédure de redressement d'office laquelle, entraîne un renversement de la charge de la preuve en faveur de l'administration243. Devant le danger de cette procédure de redressement d'office, le législateur français a insisté sur son caractère exceptionnel244.

    Ainsi, depuis 1987, il a réduit son champ d'application par la suppression de la procédure de rectification d'office245 et de la taxation d'office en fonction des dépenses personnelles, ostensibles ou notoires. Ce qui a permis de limiter davantage les cas de renversement de la charge de la preuve au détriment du contribuable. Autrement dit, en droit français, le principe, de base, reste l'attribution de la charge de la preuve à l'administration fiscale. Son renversement n'est qu'exceptionnel et il se justifie par le manquement, du contribuable, à ses obligations déclaratives ou comptables.

    240 Selon l'article L.192 du L.P.F. « lorsque l'une des commissions visées à l'article L.59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ».

    Il convient de souligner que l'article L.192 du L.P.F. « ne concerne a priori que le cas où la commission départementale a été saisie. Mais il est vrai que cet article peut se lire comme exprimant la règle, plus générale, suivant laquelle la preuve du bien-fondé d'un redressement incombe en principe à l'administration dès lors que ce redressement est contesté. », le commissaire du gouvernement ARRIGHI DE CASANOVA (Jacques), Conclusions sous C.E. 20 mai 1998, requête n°159877, 8 et 9 sous section, Sté Veticlam, Revue de droit fiscal, 1998, n°44, commentaires 979, p.1390.

    241 Voir l'article L.55 du L.P.F.qui dispose que : « Sous réserve des dispositions de l'article L.56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts, les redressements correspondants sont effectués suivant la procédure de redressement contradictoire définie aux articles L.57 à L. 61A».

    242 Article L.55 du L.P.F. dispose que : «Lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts(...) les redressements correspondants sont effectués suivant la procédure de redressement contradictoire définie aux articles L.57 à L.61 A ».

    - Article L. 192 du L.P.F. dispose que : «(...) l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation».

    243 Voir l'article L.193 du L.P.F.

    244 L'article 65 du L.P.F., créé pour introduire la section V réservée aux procédures d'office, présente l'intérêt de rappeler que ces procédures, dérogatoires au droit commun, sont limitativement énumérées par la loi.

    245 Article L. 75 L.P.F.

    Paradoxalement, le droit fiscal tunisien ne semble pas respecter la logique du système déclaratif. C'est ce qui découle de la solution préconisée par l'article 65 du C.D.P.F.

    Quelles sont alors ses implications ?

    2 ° - Les implications de la solution préconisée par l'article 65 du C.D.P.F.

    Alors que le droit français se caractérise par la généralisation de l'obligation de prouver mise à la charge de l'administration fiscale et par «la quasi-disparition des renversements de la charge de la preuve »246, le droit fiscal tunisien est muet sur la charge de la preuve incombant à l'administration fiscale. En revanche, la disposition prévue par l'article 65 du C.D.P.F. attribue, systématiquement, la charge de la preuve au contribuable. Cette dévolution de la charge de la preuve au contribuable implique nécessairement la remise en cause de la présomption d'exactitude. Plus grave encore, «L'absence de présomption d'exactitude ne débouche aucunement sur une simple relativisation de la déclaration. Elle débouche véritablement sur la destruction du procédé. Au système de la déclaration serait substitué le système du forfait »247. Le législateur tunisien semble assimiler, de facto, la déclaration à un simple document d'information, ce qui revient à ouvrir grandes les portes d'abus de la part des agents du fisc. Ces derniers n'hésiteraient pas à l'écarter quand bon leur semble. Or, pour que le système déclaratif fonctionne correctement, la déclaration doit pouvoir bénéficier d'une certaine valeur juridique. Puisque, «la déclaration repose sur une participation active du contribuable au processus d'imposition. Il est nécessaire, à défaut de preuve contraire, de considérer que l'administré se plie de bonne foi à ses obligations »248. Il s'agit principalement d'une nécessité pratique. L'administration fiscale étant dans l'impossibilité matérielle de procéder seule à la détermination de la matière imposable, le contribuable est certainement mieux placé pour fournir les données exactes, nécessaires à son imposition.

    246 HERTZOG (Robert) : « La réforme du contentieux fiscal : l'assouplissement et la simplification des procédures contentieuses », in « L'amélioration des rapports entre l'administration fiscale et les contribuables », Actes du colloque de la société française de droit fiscal, du 15-16 septembre 1988, la société française de droit fiscal, Université d'Orléans 1988, PUF, 1989, p. 241.

    247 BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal », Gazette du Palais, 1983, n°1, p.149

    248 Ibid.

    Avant l'entrée en vigueur du C.D.P.F., la Charte du contribuable a consacré explicitement la présomption d'exactitude de la déclaration : « le système fiscal tunisien se caractérise par le dépôt spontané des déclarations par les contribuables. Ces déclarations sont présumées exactes »249. L'absence d'une telle mention du corpus législatif en vigueur est regrettable, car elle est de nature à affaiblir la protection due au contribuable qui se plie de bonne foi à ses obligations.

    Il convient alors de s'interroger si ce renversement n'aboutit pas à faire de « la fraude et la dissimulation (...) des moyens de légitime défense »250? D'autant plus que l'établissement de l'arrêté de taxation d'office place systématiquement le contribuable en position de demandeur à l'instance.

    B- Un renversement imperméable à la notion de demandeur effectif

    En vertu de l'article 65 du C.D.P.F., l'opposition contre l'arrêté de taxation d'office transforme le contribuable débiteur de l'impôt, en demandeur à l'instance. Ceci est compréhensible compte tenu du privilège du préalable, dont bénéficie l'arrêté de taxation d'office251. Ainsi, c'est nécessairement le contribuable qui saisit le juge.

    Cependant, que l'opposition contre l'arrêté de taxation d'office transforme le contribuable, fût il de bonne foi, en demandeur effectif et donc en demandeur à la preuve, est moins compréhensible. Le demandeur effectif est celui qui, sur le plan du fond, réclame de l'autre partie l'accomplissement d'une obligation ici le paiement de l'impôt252.

    249 La Charte du contribuable est disponible sur :

    http://www.jurisitetunisie.com/tunisie/codes/cirppis/cirppis1400.htm, visité le 28 /6/ 2008.

    250 BALTUS (Marc) : « Morale fiscale et renversement du fardeau de la preuve », in Réflexions offertes à Paul SIBILLE (études de fiscalité), établissement Emile Bruylant, 1981, p.129.

    251 Le privilège du préalable est l'une des caractéristiques essentielles de l'arrêté de taxation d'office en tant qu'acte administratif unilatéral. Il a nécessairement comme corollaire que l'administré doit intenter une action pour contester l'acte administratif. C'est ce qui explique que l'administration n'apparaisse que très exceptionnellement comme demanderesse sur le plan de la procédure et que ce soit l'administré qui supporte presque toujours l'initiative de celle-ci. Sur la question voir DUPUIS (Georges) : «Définition de l'acte unilatéral», in Recueil d'études en hommage à Charles EISENMANN, p.205.

    252 AFSCHRIFT (Thierry) : « Traité de la preuve en droit fiscal », Larcier, 2e édition 2004, p.18 et 52.

    Or, le contribuable, en règle avec son obligation déclarative, proteste contre une taxation qui n'est pas conforme à celle qu'il sollicitait dans sa déclaration253. Autrement dit le contribuable est, simplement, celui qui, au sens procédural du terme, saisit le juge pour combattre la décision de l'administration de l'imposer. Il est de ce fait un demandeur qui se défend254.

    Toutefois, la véritable contestation émane de l'administration. C'est elle qui prend l'initiative de la contestation quand elle remet en cause des déclarations faites par le contribuable. D'autant plus que c'est l'administration qui a une créance à faire valoir, il lui incombe, en principe, de fournir les éléments propres à justifier l'existence et le montant de cette créance255.

    Ainsi, il paraît logique que c'est à l'administration de justifier le rehaussement qu'elle a opéré à l'encontre du contribuable qui a produit ses déclarations256. Tandis que, le contribuable défaillant supportera la charge effective de la preuve257.

    Au total, il apparaît que la protection du contribuable de bonne foi nécessiterait qu'une distinction entre le demandeur effectif et le demandeur à l'instance soit établie. Or, « en droit fiscal tunisien, il y a un choix législatif clair, mais décevant, d'attribuer systématiquement la charge de la preuve au contribuable. Ce dernier supporte la charge de la preuve en premier degré, alors même qu'il n'est pas le demandeur effectif, mais simplement un demandeur à l'instance qui se défend. Il supporte la charge de la preuve en appel même s'il est intimé et étant, en tant que tel, véritablement défendeur au sens procédural du terme »258.

    253 MILHAU (A) : « De la déclaration du contribuable en matière d'impôt sur le revenu », Thèse, Paris, 1923, p.37 cité par BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal », Gazette du Palais, 1983, I doctrine, p. 150.

    254 «La situation n'est paradoxale qu'en apparence, dans la mesure où, si l'intéressé fait valoir des droits pour se défendre, c'est bien en raison du privilège du préalable qui fait que « d'agressé » par l'administration fiscale dans le cadre d'une procédure administrative il ne peut contre-attaquer que par une réclamation ou une demande adressée au tribunal », RICHER (Daniel) : « Les droits du contribuable dans le contentieux fiscal », L.G.D.J. 1997, p.14.

    255 ARRIGHI DE CASANOVA (Jacques) : « Champ d'application de l'impôt et charge de la preuve, à propos de la preuve du lieu d'utilisation du service pour les règles de territorialité de la TVA », conclusions sous l'arrêt du C.E. du 29 juillet 1994, n°111884, section, SA Prodes International, Revue de jurisprudence fiscale, octobre 1994, p. 590.

    256 MILHAU (A) : « De la déclaration du contribuable en matière d'impôt sur le revenu », Thèse, Paris, 1923, p.37 cité par BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal », Gazette du Palais, 1983, I doctrine, p. 150.

    257 En droit français, ceci découle des termes de l'article L.193 du L.P.F qui dispose : « dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de son imposition ».

    258 KAMOUN (Fériel) : « La preuve en droit fiscal », mémoire pour l'obtention du D.E.A. en droit des affaires, Faculté de droit de Sfax, 2001-2002, p.56.

    Il convient alors de s'interroger si le juge fiscal ne s'est pas prononcé sur la question. Fort heureusement, dans certains arrêts, le juge a mis une obligation de preuve à la charge de l'administration. Cette attitude témoigne en réalité du souci du juge de tenir compte de la notion de demandeur effectif259. Faut-il rappeler que selon le jugement de la chambre fiscale du tribunal de première instance de Sfax, l'administration qui allègue un fait doit le prouver260. Une telle position a le mérité d'alléger la rigueur de la règle prévue par l'article 65 du C.D.P.F. et par conséquent d'alléger le fardeau qui pèse sur le contribuable de bonne foi. Puisqu'en attribuant la charge de la preuve au contribuable taxé d'office, le législateur tunisien fait une liaison entre les notions de « demandeur à la preuve » et de « demandeur à l'instance » et méconnaît de la sorte la notion de demandeur effectif. Ainsi, il paraît fort souhaitable que le législateur abandonne la liaison entre le demandeur à l'instance et le demandeur à la preuve pour faire du «demandeur effectif» le critère d'attribution de la charge de la preuve261. Pareille solution s'accorderait bien avec la règle "actori incumbit probatio" en vertu de la quelle « c'est normalement au fisc qu'il appartient de démontrer que l'impôt qu'il réclame est dû : la subsistance du moindre doute doit faire échouer ses prétentions »262.

    Il importe de signaler à ce niveau que, l'administration fiscale considère que : « La charge de la preuve qui incombe à l'administration consiste en la motivation des arrêtés de l'administration relatifs à la taxation d'office»263.

    259 Voir les arrêts :

    -T.A., 25 avril 1994, requête n°1173 Dans cette affaire, le tribunal administratif a décidé que : « Considérant que l'argument invoqué par l'administration selon lequel la charge de la preuve en matière fiscale incombe au contribuable ne peut être retenue que dans la mesure où il s'agit des contribuables qui ont fait l'objet d'une preuve préalable rapportée par l'administration établissant qu'ils exercent une activité non déclarée ou bien qu'ils ont procédé à des déclarations insuffisantes ou inexactes. Cependant, pour les personnes qui soutiennent qu'elles n'ont exercé aucune activité, par interprétation des articles 58 et 59 du Code de la patente, la charge de la preuve relative à l'exercice de l'activité soumise à imposition pèse sur l'administration », Voir annexe 3 p.129 et spécialement p.130.

    - T.A., cassation 19 février 1990, requête n°823, voir annexe 3 p.114.et spécialement p.1 17.
    - T.A., cassation, 10 mai 1993, requête n° 1055, voir annexe 3 p.125 et spécialement p. 127.

    260 Tribunal de première instance de Sfax, n°36, 9 octobre 2002. Affaire citée par KAMOUN (Fériel) : « La preuve en droit fiscal », mémoire pour l'obtention du D.E.A. en droit des affaires, Faculté de droit de Sfax, 2001-2002, annexe 2.

    261 Voir sur la question : PACTET (Pierre) : « Essai d'une théorie de la preuve devant la juridiction administrative », thèse pour le doctorat en droit, Paris, éditions A. Pédone 1952.

    262 BALTUS (Marc) : « Morale fiscale et renversement du fardeau de la preuve », in Réflexions offertes à Paul SIBILLE (études de fiscalité), établissement Emile Bruylant, 1981, p. 129.

    263 Note commune n°9, Texte n° D.G.I. 2002 / 22, p. 96, 97, relative au contentieux de l'assiette de l'impôt devant les tribunaux de l'ordre judiciaire objet des articles 53 à 68 du code des droits et procédures fiscaux.

    A signaler que cette position a été retenue par une partie de la doctrine. Voir, YAICH (Abderraouf), « Théorie fiscale », éditions R.Y, 2002, p. 225.

    Cette position n'est que la redondance des débats parlementaires qui ont précédé la promulgation du C.D.P.F. Lors desquelles, un parlementaire a, non sans raison, critiqué l'article 65 du C.D.P.F. qui prévoit un renversement de la charge de la preuve au détriment du contribuable taxé d'office, alors que c'est l'administration qui devrait supporter la charge de la preuve de l'inexactitude des déclarations.

    Le ministre des finances a alors rétorqué que « cet article (l'article 65) est applicable actuellement et il ne pose pas problème et en plus il y a une nouveauté : c'est l'obligation de motivation. L'obligation nouvelle de motivation de l'arrêté de taxation d'office signifie que l'administration, en motivant cet arrêté (basé sur des présomptions claires), a accompli sa mission de preuve. Et la charge de la preuve après l 'édiction d'un arrêté de taxation d'office devient sur les épaules du contribuable»264. Avant d'ajouter que cette solution est applicable en droit comparé265.

    Il existe ainsi une confusion entre la motivation de l'arrêté de la taxation d'office et la charge de la preuve. Il s'agit, en réalité de deux notions distinctes266. Alors que la motivation est liée aux droits de la défense267, la charge de la preuve est liée au risque de la preuve. D'ailleurs, le droit français qui consacre l'obligation de motivation de l'arrêté de taxation d'office, consacre aussi un article attribuant expressément la charge de la preuve à l'administration fiscale268.

    Or, le législateur tunisien n'a pu concevoir le problème de la charge de la preuve que dans un seul sens; celui de l'administration ; le contribuable, fût il de bonne foi, supporte systématiquement la charge de la preuve

    264 Débats parlementaires, J.O.R.T. n° 39, séance du mercredi 26 juillet 2000, p.1880.

    265 Débats parlementaires, J.O.R.T. n° 39, séance du mercredi 26 juillet 2000, p.1880.

    266 Voir dans ce sens SUR (Serge) : « Sur l'obligation de motiver formellement les actes administratifs », A.J.D.A., juillet- août 1974, pp. 349- 367.

    267 Le T.A. considère que la motivation en matière fiscale constitue un élément des droits de la défense, car elle permet au contribuable de contester la taxation.

    -T.A., 19 février 1990, requête n°85 1.

    - T.A., 19 février 1990, requêtes n°978 et 966. Voir annexe 3 p.1 19 et spécialement 120.

    Le tribunal de première instance de l'Ariana, requête n° 438 du 21 juin 2007 (Inédit), a défini l'obligation de motivation de l'arrêté de taxation en décidant ce qui suit :

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    T~J= ~~#GO ~~~l~ c~r ]~_\ 6 o6 ~ 6C6 ` , ~ 50 JA.~~F~/çj~>*E~ L~N~~~~ ~~#X P~~~O ~~~>~~~ W~~4 3~~ H]#8 ~~ F*< ,z d~=~
    ~~#X ~~~/E~ '~~~~~ F~~S ~~ ~]~$~>~~~ ~~~V~~~ P~~~~~ W~~E~ ~~O~ ~~~ ,i ~]~~X~JiJ 4]~~jii~ ~"~~ (jt~>~cLrJ '~~~~~ Fi~S i ~~~~ V
    6Y ~à'~V 3~~ 4~~\~ J$"~~~~j, ~~~8X~~~ I 3]~~~~ 3= j>*E L~N~~~~

    268 Article L. 192 du L.P.F.

    Il apparaît alors légitime de conclure que devant le juge, le contribuable de bonne foi est doublement pénalisé ; au premier degré comme au second269. La protection du contribuable de bonne foi ne sera assurée qu'à la condition de protéger ce dernier contre un renversement général de la charge de la preuve, et imperméable à la présomption d'exactitude de la déclaration, mais également à la notion de demandeur effectif.

    A défaut, les rapports entre le fisc et le contribuable demeurent conflictuels. Cette crainte se confirme notamment dans les cas de recours, par le fisc, au mécanisme des présomptions légales270.

    Paragraphe 2 - Le mécanisme des présomptions légales

    « Pour échapper à l'obligation de prouver, le fisc se fait de plus en plus souvent reconnaître le profit des présomptions légales, qui renversent la charge de la preuve »271. Le législateur a fait bénéficier l'administration de présomptions légales lui conférant à la fois la possibilité de réclamer l'impôt tout en étant dispensée de prouver qu'il est réellement dû.

    269 En effet, l'article 68 du C.D.P.F. dispose que : « Les dispositions des Articles 56, 57, 58 et 63 à 66 du présent code sont applicables à l'appel ». Cet article applicable en appel, fait renvoi à l'article 65, applicable en premier degré, selon lequel la charge de la preuve incombe au contribuable taxé d'office. Ainsi, en appel, le contribuable supporte systématiquement la charge de la preuve, quelle que soit sa position, même dans le cas où c'est l'administration qui interjette appel. Il importe d'ajouter que, lors des débats parlementaires, il a été demandé d'écarter l'application de l'article 65 en appel. Cependant cette demande n'a pas été retenue. Débats parlementaires, p.1937.

    270 « Toute théorie de la preuve comporte l'examen de deux sortes de présomptions : les présomptions légales (simples ou irréfragables) et les présomptions de l'homme ». DERUEL (François -Patrice) : « La preuve en matière fiscale », thèse Paris 1962, p. 131. (Dactylographiée).

    D'ailleurs, dans le C.O.C. le législateur distingue entre ces deux types de présomptions. Selon l'article 479 du C.O.C. « Les présomptions sont des indices au moyen desquels la loi ou le juge établit l'existence de certains faits inconnus ». Les articles 480 à 485 du C.O.C concernent « des présomptions établies par la loi » ; Les articles 486 et suivants concernent « des présomptions qui ne sont pas établies par la loi ».

    Seules les présomptions légales seront examinées ici car ce sont elles qui agissent sur la charge de la preuve. Les présomptions de l'homme concernent plutôt les moyens de preuve

    L'article 427 du C.O.C. dispose que : « Les moyens de preuve reconnus par la loi sont : 1-L'aveu de la partie ;

    2-La preuve littérale ou écrite ;

    3-La preuve testimoniale ;

    4-La présomption ;

    5-Le serment et le refus de le prêter. »

    271 BALTUS (Marc) : « Morale fiscale et renversement de la charge de la preuve », in Réflexions offertes à Paul SIBILLE, Bruxelles, 1981, p.129

    Tout l'intérêt du recours à ces présomptions réside dans leur commodité. En effet, « le fardeau qui pèse sur le bénéficiaire de la présomption est sensiblement allégé : il doit apporter seulement la preuve de l'existence du fait qui a servi de point de départ dans l'induction légale »272.

    Le législateur définit la présomption légale à travers l'article 480 du C.O.C. comme étant « celle qui est attachée par la loi à certains actes ou à certains faits ». Il s'agit ainsi d'indices au moyen desquels la loi établit l'existence de certains faits inconnus. Le passage de faits connus aux faits inconnus se fait par induction.

    Selon qu'elle est relative (A) ou irréfragable (B), la présomption légale entraîne soit un renversement de la charge de la preuve soit plus radicalement une suppression du droit de la preuve contraire.

    A- Les présomptions relatives

    En matière fiscale, l'importance des présomptions légales relatives (simples) dépend de la nature de l'imposition.

    « A l'heure actuelle, ces présomptions sont particulièrement étendues en matière de droit d'enregistrement »273. En effet, « l'enregistrement est, pour la preuve, le domaine rêvé des solutions autoritaires et préfabriquées, c'est-à-dire des présomptions légales instituées au profit exclusif du trésor »274.

    Elles portent sur le fait générateur de l'imposition. L'administration est alors dispensée de fournir toute preuve relative à l'existence de la mutation.

    272 BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal », Gazette du Palais, 14 avril 1983, p.150.

    273 Ibid.

    274 DERUEL (François -Patrice) : « La preuve en matière fiscale », thèse Paris 1962, p. 297. (Dactylographiée).

    Ainsi en est-il par exemple des présomptions de transfert de propriété 275 et des présomptions de possession en matière de droits de succession276.

    Le domaine des successions est particulièrement riche en présomptions légales tant pour l'évaluation de l'actif277 que pour l'appréciation du passif déductible278.

    En matière d'impôts directs, les présomptions légales sont également nombreuses. A titre d'illustration, la présomption de distribution de bénéfices, prévue par l'article 29 du C.I.R.P.P et de l'I.S., qui dispose que : « II. Sont à ce titre considérés comme revenus distribués :

    1-Tous les bénéfices ou produits qui ne sont ni mis en réserve ni incorporés au capital ;

    2-Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices »279. Ce texte a été complété par l'article 30 du C.I.R.P.P et de l'I.S. aux termes duquel :

    275 L'article 81 du Code des droits d'enregistrement et de timbre dispose que : « Sauf preuve contraire, et pour l'exigibilité des droits d'enregistrement et des pénalités, sont suffisamment établies :

    1- La mutation d'un immeuble en propriété, nue-propriété ou usufruit par : -le dépôt d'une demande d'immatriculation au nom du nouveau possesseur.

    -tous actes et écrits révélant l'existence de la mutation ou constatant le droit du nouveau possesseur sur l'immeuble.

    2- La mutation de propriété d'un fonds de commerce ou de clientèle, par tous les actes et écrits en révélant l'existence ou constatant le droit du nouveau possesseur ou par les paiements d'impôts auxquels sont assujettis les commerçants ».

    276 Voir en ce sens GROSCLAUDE (Jacques) et MARCHESSOU (Philippe) : « Droit fiscal général », Dalloz 1997, p.359 et suivants.

    277 L'article 40 du Code des droits d'enregistrement et de timbre, relatif à l'évaluation de la succession, dispose que : « (...) Toutefois, pour les meubles et meublants et sans que l'administration ait à prouver leur existence, la valeur imposable ne peut être inférieure à 5 pour cent de la valeur brute de l'ensemble des autres biens héréditaires, sauf preuve contraire ».

    278 Il y a des dettes dont la déduction de l'actif est interdite par le jeu des présomptions légales. Ainsi, l'article 50 du Code des droits d'enregistrement et de timbre, relatif au passif non déductible, dispose que : « I. ne sont pas déductibles :

    1-Les dettes échues depuis plus de six mois à la date d'ouverture de la succession, à moins qu'il ne soit produit une attestation du créancier en certifiant l'existence à cette époque ; (présomption que ces dettes ont été réglées par le de cujus)

    2-Les dettes contractées par le défunt auprès de ses héritiers ou des personnes interposées. Néanmoins, lorsque la dette résulte d'un acte authentique ou d'un acte sous seing privé ayant date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par le décès d'une des parties contractantes, les héritiers, donataires et légataires et les personnes réputées interposées, ont le droit de prouver la sincérité de cette dette et son existence au jour de l'ouverture de la succession ; ...

    II. sont réputées personnes interposées au sens des dispositions du paragraphe I deuxièmement du présent article:

    1-L es père et mère, les enfants, les descendants et le conjoint de l'héritier, donataire ou légataire ;

    2-En matière de succession entre époux, les enfants du conjoint survivant issus d'un autre mariage et les parents dont ce conjoint est héritier présomptif ».

    279 La suite de l'article 29 II concerne la présomption de transfert de bénéfices à l'étranger.

    « Sont assimilés à des revenus distribués :

    1- Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés, directement ou par personnes interposées, au titre d'avances, de prêts ou d'acomptes à l'exception de celles servies entre la société mère et ses filiales280.

    Lorsque ces sommes sont remboursées à la personne morale, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait donné lieu est imputée sur l'impôt au titre de l'année du remboursement ou des années suivantes.

    2- Les rémunérations, avantages et bénéfices occultes.

    3-Les jetons de présence et les tantièmes attribués aux membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance en leur dite qualité ».

    « Toutes ces présomptions légales sont simples, mais, outre qu'elles peuvent pour certains contribuables dépourvus de moyens de preuve utilisables, s'avérer irréfragables en fait, elles ne sont pas exclusives de présomptions irréfragables »281. En effet, des présomptions simples peuvent devenir irréfragables par l'impossibilité matérielle de les combattre. D'autant qu' « il est possible de concevoir une présomption formellement simple mais qui ne souffrira dans la réalité, que très difficilement de la preuve contraire »282.

    La preuve de la bonne foi se complique davantage s'agissant des présomptions formellement irréfragables.

    280 Selon la note commune n°16 / 1995, relative au commentaire des dispositions des articles 50, 51, 52 et 53 de la loi n°94-127 du 26 décembre 1994, relatifs au régime fiscal des jetons de présence, : « La preuve contraire doit être établie par l'associé ou l'actionnaire qui doit démontrer que l'opération ne revêt pas le caractère de distribution.

    A ce titre la preuve contraire peut être démontrée :

    * si le prêt, objet de la présomption de distribution, a été conclu par un contrat dûment établi, préalablement à l'opération de remise des sommes présumées distribuées moyennant un taux d'intérêt normal et que les conditions de remboursement sont fixées.

    * si les avances consenties par la société à un associé sont réalisées dans le cadre d'opérations commerciales normales...

    * si l'avance ou le prêt a fait l'objet de remboursement avant l'intervention des services de contrôle... ».

    281 MOLINIER (Joël) : « La preuve en droit fiscal français », Revue juridique et politique :Indépendance et coopération, XVIIe Congrès de l'I.D.E.F. :La preuve devant le juge, Bruxelles-Luxembourg, n° 1 et 2, 39e année, Paris, Ediena, 1985, p. 741.

    282 BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal », Gazette du Palais, 1983, n°1, p.151

    B- Les présomptions irréfragables

    La présomption légale irréfragable dispense celui au profit duquel elle joue de la charge de la preuve283. Voire plus, elle ne permet pas à la partie adverse de la combattre par la preuve contraire. Elle entraîne ainsi une suppression de la preuve.

    Le législateur tunisien semble considérer que « la présomption jouit d'un degré de probabilité tellement élevé qu'elle peut être dotée juridiquement d'une valeur de vérité absolue ne pouvant pas être combattue par la preuve contraire et conduisant ainsi à la négation des droits des contribuables »284. Ainsi conçues, les présomptions légales irréfragables sont d'une force probante incontestable. A titre d'illustration, on peut avancer l'exemple de la présomption de fraude instituée par l'article 8 du C.D.P.F. qui dispose que les agents de l'administration « sont habilités, en cas d'existence de présomption d'exercice d'une activité soumise à l'impôt et non déclarée ou de manoeuvres de fraude fiscale, à procéder, conformément aux dispositions du code de procédure pénale, à des visites et perquisitions dans les locaux soupçonnés en vue de constater les infractions commises et de recueillir les éléments de preuve y afférents. Les agents de l'administration fiscale peuvent procéder à la saisie de tous documents ou objets prouvant l'exercice d'une activité soumise à l'impôt et non déclarée ou présumant une infraction fiscale ». Cette présomption légale de fraude est contestée quant à sa conformité avec la Constitution qui consacre dans son article 12 la présomption d'innocence285.

    Au demeurant, si les présomptions légales constituent un moyen efficace de lutte contre la fraude, « l'efficacité est même parfois excessive car la présomption est nécessairement aveugle. Elle enferme dans ses rets tous les contribuables, qu'ils soient de bonne ou de mauvaise foi »286. Elle paralyse le plus souvent les contribuables et plus particulièrement les contribuables de bonne foi287.

    283 Exemple : la présomption de l'autorité de la chose jugée qui exige l'identité de personnes, l'identité de l'objet et l'identité de cause). Voir l'article 156 du Code du statut personnel ou l'article 566 du C.O.C.

    284 ABOUDA (Abdelmajid) : « Code des droits et procédures fiscaux: contrôle, contentieux et sanctions », Tunis, Publications de l'IORT, 2001, p. 153.

    285 Cet article dispose que : «Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à l'établissement de sa culpabilité à la suite d'une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense».

    286 BERGERES (Maurice-Christian) : «Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal», article précité, p.150 et 151.

    287 BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal », article précité, p.153.

    D'ailleurs, l'embarras du contribuable persiste ; aux difficultés au niveau de la charge de la preuve de sa bonne foi s'ajoutent des difficultés au niveau de son administration.

    SECTION II - AU NIVEAU DE L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE

    En théorie, la mauvaise foi ne se présume pas. A l'inverse, la présomption de bonne foi ne tombera que sous l'effet d'une preuve contraire. Cependant, en matière fiscale, le contribuable qui voudra faire reconnaître sa bonne foi en justice, devra, en vertu de l'article 65 du C.D.P.F., établir la réalité de ce dont il se prévaut. Paradoxalement, l'administration fiscale qui, de par la loi, n'est pas tenue de prouver; dispose de moyens énergiques qui lui facilitent l'administration de la preuve288. En revanche, le contribuable, fût il de bonne foi, supporte la charge d'une preuve qu'il n'est pas toujours en mesure d'apporter.

    L'embarras du contribuable dans l'administration de la preuve de sa de bonne foi se manifeste tant au niveau de l'objet de la preuve (Paragraphe I), qu'au niveau des moyens de la preuve (Paragraphe II).

    Paragraphe 1 - L'objet de la preuve

    En vertu de l'article 65 du C.D.P.F., « Le contribuable taxé d'office ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l'impôt porté à sa charge qu'en apportant la preuve de la sincérité de ses déclarations, de ses ressources réelles ou du caractère exagéré de son imposition ». Il en résulte que le contribuable est astreint à l'apport, soit de la preuve de ses ressources réelles soit du caractère exagéré de son imposition. Une preuve généralement difficile voire, parfois, impossible à apporter. Outre la charge de la preuve des ressources réelles ou de l'exagération de l'imposition, le C.D.P.F. ajoute une obligation de preuve de la sincérité des déclarations289.

    288 Il s'agit du droit de communication ; des demandes de renseignements, d'éclaircissements et de justification, du droit de visite, de perquisition et de saisie.

    289 L'article 67 §5 du C.I.R.P.P et de l'I.S. abrogé disposait que « Le contribuable taxé d'office en application de l'article 66 du présent code, ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l'impôt qui lui a été assigné qu'en apportant la preuve, soit de ses ressources réelles, soit de l'exagération de son imposition ».

    Une première lecture de cet article laisse penser qu'il s'agit d'une nouvelle option qui s'offre au contribuable. Cependant, sa version arabe, étant celle qui fait foi, semble infirmer cette lecture290. En effet, il en résulte que la preuve de la sincérité des déclarations et la preuve des ressources réelles doivent être apportées d'une manière cumulative.

    Ainsi, le contribuable taxé d'office ne peut obtenir décharge ou la réduction de son imposition qu'en apportant :

    · la preuve de la sincérité de ses déclarations et de ses ressources réelles (A) ou ;

    · la preuve de l'exagération de l'imposition (B).

    A- La preuve de la sincérité des déclarations et des ressources réelles

    Par l'exigence de la preuve de la sincérité des déclarations du contribuable et de ses ressources réelles, l'article 65 du C.D.P.F. opère une extension, regrettable, de l'objet de la preuve incombant au contribuable. Une telle exigence conduit nécessairement à « lui faire supporter la charge de la preuve du fait négatif ce qui contredit les principes généraux régissant le système de la preuve »291. En outre, cette exigence met en échec la présomption de la sincérité de tout rapport de droit entérinée par l'article 559 du C.O.C. qui dispose que : « Tout rapport de droit est présumé valable et conforme à la loi, jusqu'à preuve du contraire ».

    Ces aberrations ont justifié le recours d'une partie de la doctrine à interpréter restrictivement cette exigence de la sincérité des déclarations du contribuable en la limitant à la preuve du dépôt des déclarations et des actes prescrits par la loi fiscale dans les délais légaux292.

    290 Version arabe de l'article 65 du C.D.P.F.

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    291 AYARI (Kamel) : « La preuve dans le contentieux d'assiette dans le droit fiscal », Info s Juridiques, n°16/17, janvier 2007, p.13. (En arabe)

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    292 BORGI (Sofiane) : « Dilemme de la preuve dans le contentieux de la taxation d'office », p. 9. http://www.profiscal.com/colloques/Soufien_borji.pdf,visité le 28/ 04/ 2008, (en arabe)

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    Or, si l'exigence de la preuve de la sincérité des déclarations astreint le contribuable de bonne foi à apporter une preuve difficile, voire impossible, l'exigence de la preuve des ressources réelles, quant à elle, l'astreint à apporter la preuve de la non disposition de ressources non déclarées. Il s'agit là de l'illustration la plus significative de la preuve négative. En effet, l'exigence de la preuve des ressources réelles témoigne des « nuances toutes byzantines de la notion de preuve négative »293. « L'objet de la preuve n'est plus alors une manifestation concrète, qui se révèle par elle- même mais par l'absence de toute manifestation »294.

    Ainsi, dans son arrêt du 25 avril 1994, le T.A. a déclaré que : « Considérant que l'argument invoqué par l'administration selon lequel la charge de la preuve, en matière fiscale, incombe au contribuable, concerne les contribuables pour lesquels l'administration a prouvé qu'ils exercent une activité déterminée sans déclaration ou qu'ils aient déposé des déclarations insuffisantes ou incomplètes(...)Pour les personnes qui soutiennent n'avoir exercé aucune activité, par interprétation des articles 58 et 59 du code de la patente, la charge de la preuve relative à l'exercice de l'activité soumise à imposition incombe à l'administration »295.

    Le T.A. considérait en outre que l'administration ne pouvait se prévaloir du texte mettant la charge de la preuve sur le contribuable, pour échapper à l'obligation de preuve qui lui incombait. Ainsi, avant de renverser la charge de la preuve sur le contribuable, l'administration fiscale devait apporter la preuve de ses assertions296.

    Cette attitude du juge est louable dans la mesure où elle contribue à adoucir cette « situation inégale que les textes fiscaux créent souvent entre l'administration, généralement en position de force et le contribuable » en nette infériorité297.

    293 BERGERES (Christian) : « Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal», article précité, p.151.

    294 LARGUIER (Jean) : « La preuve d'un fait négatif », Revue trimestrielle de droit civil, 1953, p. 3.

    295 T.A. 25 avril 1994, requête n° 1173. Voir annexe 3, p. 129 et spécialement p.130.

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    296 -T.A. 30 décembre 1996, requête 31345. Voir annexe 3 p.136 et spécialement p.139.

    -T.A. 30 décembre 1996, requête 31423. Voir annexe 3 p .141 et spécialement p.146.

    297 FOUQUET(Olivier) : « Le Conseil d 'Etat est-il trop indulgent à l'égard de l'administration fiscale : l'exemple de l'imposition d'après les éléments du train de vie », Gazette du Palais, 1983, 1er semestre, p.208.

    A côté de la preuve de la sincérité de ses déclarations et de ses ressources réelles, le contribuable peut également obtenir décharge ou la réduction de son imposition en apportant la preuve de l'exagération de son imposition.

    B - La preuve de l'exagération de l'imposition

    La possibilité de la preuve de l'exagération de l'imposition est à l'origine une construction prétorienne du Conseil d'Etat français298. Ce dernier a depuis longtemps admis que le contribuable, à qui incombe la charge de la preuve de l'exagération de l'évaluation administrative, peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact des résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable, en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un certain montant, à une exagération des bases d'imposition. Le contribuable peut adresser des critiques en établissant que cette méthode est erronée soit par ce qu'elle est radicalement viciée, soit parce qu'elle est excessivement sommaire.

    S'agissant de la méthode radicalement viciée, elle a été définie par le Conseil d'Etat français comme étant la méthode qui repose sur une erreur de raisonnement, assimilable à une erreur de droit, ou sur des éléments non susceptibles de fonder l'imposition299.

    S'agissant de la méthode excessivement sommaire, elle peut être critiquée en démontrant une erreur matérielle. « Celle-ci est une erreur commise par l'administration fiscale dans le calcul ou la qualification d'un revenu ou d'une charge et trouve son fondement dans le principe de la légalité de l 'impôt »300.

    298 C.E., 19 décembre 1973, n° 87649, Revue de droit fiscal, 1975, n°5, commentaires 132.

    299 C.E., 12 février 1986, n° 47903, Revue de droit fiscal, 1986, n°22, commentaires 10/85. C'est ainsi le cas du recours à un coefficient dépourvu de tout lien avec le volume ou la nature des affaires traitées.

    300 REZGUI (Salah) : « Code des droits et procédures fiscaux commenté », Publications de l'IORT, 2003, p. 132. C'est ainsi le cas du recours à des coefficients arbitraires et théoriques.

    Le contribuable peut, en outre, et aux mêmes fins, « soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée par l'administration, qu'à l'appui de sa démonstration , il peut, en cours d'instance et à la faveur notamment d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge, non seulement apporter tous les éléments de preuve comptables ou extra- comptables, mais aussi se fonder sur des faits reconnus exacts par l'administration, ou dont le juge serait amené, en cas de contestation, à reconnaître l'exactitude » 301.

    Le T.A. exerce son contrôle sur l'appréciation par le juge de fond des moyens basés sur l'inadéquation de la méthode retenue par l'administration par rapport aux faits matériels. Il exige en effet que les présomptions avancées soient réelles et objectives sous peine de cassation302. Ainsi, il a décidé que le jugement d'appel fondé sur des éléments de comparaisons approximatifs, sans aucune précision, n'était ni motivé ni convaincant, ce qui a justifié sa cassation303.

    Ainsi, les limites à la preuve par la critique de la méthode suivie par l'administration ne cessent de se multiplier, réduisant de la sorte la marge de manoeuvre concédée au contribuable. Il en découle que la possibilité offerte au contribuable pour surmonter l'handicap de la preuve négative se trouve encerclée de barrières quasi infranchissables. « Alors qu'on demande à l'administration pour asseoir sa taxation de simples présomptions, on exige du contribuable une véritable preuve pour renverser ces présomptions »304.

    Toutefois, les difficultés que le contribuable doit surmonter afin de mener à terme ses prétentions ne se limitent pas à l'objet de la preuve. En effet, il doit également surmonter des difficultés tenantes aux moyens de preuve.

    301 C.E., 19 décembre 1973, n° 87649, Revue de droit fiscal, 1975, n°5, commentaires 132.

    302 T.A., cassation, assemblée plénière, 1 décembre 1997, requête n° 31673. Voir annexe 3 p.147 et spécialement p.151.

    303 T.A., cassation, 4 novembre 1991, n° 1078. Voir annexe 3 p.122 et spécialement p.124.

    304 AYADI (Habib) : «Un cas de confusion administration - contentieux : La taxation d'office en Tunisie », in Mélanges offerts René CHAPUS, Paris, Montchrestien 1992, p.167.

    Paragraphe 2 - Les moyens de preuve

    Le contribuable même s'il est de bonne foi, n'est pas toujours en mesure de le prouver. Cette difficulté de prouver sa bonne foi tient tout d'abord à la restriction des moyens de preuve qu'il est en mesure d'apporter (A). Elle tient en outre à l'exigence de la conservation de ces moyens de preuve, pour une période assez longue (B).

    A- Des moyens de preuve à restreindre

    L'administration fiscale est libre dans l'administration de la preuve. En effet, elle peut se baser sur « la comptabilité pour le contribuable soumis à l'obligation de tenue de comptabilité et, dans tous les cas, sur la base de renseignements, de documents ou de présomptions de fait et de droit »305 Ce qui n'est pas le cas du contribuable qui se trouve privé de certains moyens de preuve, et ce, en vertu de l'article 64 du C.D.P.F. qui dispose que, « Les moyens de preuve prévus par les numéros 3 et 5 de l'article 427 du code des obligations et des contrats ne peuvent être admis par le tribunal pour prouver les allégations des parties relatives à l'affaire ». En plus de ces restrictions, le contribuable soumis à l'obligation de tenue de comptabilité peut facilement se voir privé de ce moyen de preuve. Il suffit à l'administration de s'abriter derrière les termes ambigus de l'article 38 du C.D.P.F.

    L'intervention du juge à ce niveau se fait décisive afin de contrôler les motifs du rejet de la comptabilité ainsi que le bien fondé du recours aux présomptions de fait et de droit lorsque la comptabilité est régulière.

    Fort heureusement, le juge fiscal tunisien a mis en valeur l'importance de la comptabilité306 qui constitue « l'épine dorsale »307 des travaux de vérification fiscale.

    305 L'article 38 du C.D.P.F.

    306 .

    Tnbunal de première instance de Sfax, requête n°76 de 12/5/2004. Affaire citée par DRIRA (Tarek) : «

    Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne (première instance) », Revue tunisienne de fiscalité, n° 5, p. 199.

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    307

    L'expression est empruntée à DERBEL (Fayçal) : « Comptabilité et vérification fiscale », R.C.F. n° 49, 2000, p. 35.

    Le rejet de la comptabilité a été jugé comme étant un procédé lourd pour les contribuables redressés en les mettant dans des situations fragiles et précaires et en renversant la charge de la preuve. L'application de ce procédé et le recours aux éléments extra- comptables se justifie, dans certains cas précis, tels que le défaut de tenue d'une comptabilité ou la tenue d'une comptabilité entachée d'irrégularités graves formelles et substantielles de nature à priver celle-ci de toute force probante et qui laissent subsister des manoeuvres frauduleuses.

    Néanmoins, si la régularité de la comptabilité n'a pas été contestée, l'administration fiscale ne doit, du moins, ne devrait, emprunter la voie des présomptions de fait ou de droit pour établir des impositions supplémentaires parallèlement aux redressements fondés sur la comptabilité.

    Le T.A., à travers sa jurisprudence antérieure à la promulgation C.D.P.F., avait confirmé que le recours aux éléments extracomptables, notamment les présomptions, et ce, sous l'empire du C.I.R.P.P. et de l'I.S. et du code de la Patente, ne pouvait être envisagé par les vérificateurs qu'en cas de défaut présentation ou en cas de rejet de cette comptabilité308. Il a également énoncé le principe selon lequel « si le rejet de la comptabilité n'est pas motivé d'une manière claire, le recours aux présomptions devient douteux et inadmissible»309.

    Les juridictions du fond, particulièrement le tribunal de première instance de l'Ariana, se sont alignées sur la position du T.A. En effet, depuis son jugement n°55 du 19 avril 2003, le tribunal de première instance de l'Ariana a posé le principe selon lequel lorsque la comptabilité est jugée régulière par le fisc, elle ne peut être écartée par l'utilisation des moyens extracomptables310.

    308 Voir :

    -.T.A, Cassation, requête n° 1186, 23 octobre 1995. Voir annexe 3 p.132 et spécialement p.135. - T.A., requête n° 32434 du 13 novembre 2000. Voir annexe 3 p.172 et spécialement p.181.

    309 Le T.A., requête n° 32434 du 13 novembre 2000, a décidé que (arrêt précité, voir spécialement p.180)

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    310 .

    Tribunal de première instance de l'Ariana, requête n°55 du 19 avril 2003, affaire citée par ABIDA (Salma) :

    « L'application du Code des Droits et Procédures Fiscaux par le juge fiscal II : L'interprétation systématique de l'article 38 alinéa 1er », Infos Juridiques, n° 52/53, septembre 2008, p. 22.

    Cette jurisprudence a été maintenue notamment dans le jugement n°337 du 3 juin 2006 dans lequel le juge a rappelé le principe selon lequel le recours aux éléments extra- comptables nécessite au préalable la preuve de l'insincérité de la comptabilité qui lui ôte son caractère probant311.

    Le juge ajoute qu'une telle interprétation de l'alinéa 1er de l'article 38 du C.D.P.F. est « juste » parce qu'il doit toujours y avoir une distinction entre le contribuable respectueux de ses obligations fiscales et comptables et le contribuable négligent ou récalcitrant312.

    En outre il est à signaler que le recours parallèle aux éléments comptables et extra- comptables peut être un moyen pour l'administration pour bénéficier de la durée d'un an au lieu de six mois. Face aux pouvoirs d'appréciation étendus de l'administration fiscale, il est facile de prétendre que la vérification approfondie ne s'effectue pas sur la base de la comptabilité uniquement mais aussi sur la base des présomptions, surtout que ces dernières peuvent être des indices théoriques qui résultent des études faites par l'administration elle- même. Dans ces conditions, « la durée de vérification sera tributaire de l'appréciation de l'administration fiscale, ce qui pourrait être source d'incertitude pour le contribuable »313.

    311 Tribunal de première instance de l'Ariana, requête n°337 du 3 juin 2006. (Inédit) (voir annexe 3 p. 213 et spécialement p.22 1)

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    Voir dans le même sens :

    - Tribunal de première instance de l'Ariana, requête n°335 du 18 mars 2006, affaire citée par ABIDA (Salma), « L'application du Code des Droits et Procédures Fiscaux par le juge fiscal II : L'interprétation systématique de l'article 38 alinéa 1er », Infos Juridiques, n° 52/53, septembre 2008, p. 23.

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    - Tribunal de première instance de Sfax, requête n°317du 23 février 2005. Affaire citée par BORGI (Sofiane), « En présence d'une comptabilité reconnue pour régulière, point n'est laissé à l 'extracomptable », R.C.F, n° 68, 2005, p. 17.

    312 Tribunal de première instance de l'Ariana, 3 juin 2006, requête n°337, arrêt précité, spécialement p.22 1.)

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    313 JAMMOUSSI (Saoussen), « La clôture de la vérification fiscale », Revue tunisienne de fiscalité, n° 7, 2007, p. 333.

    Cependant, il est regrettable de constater que la tendance générale des tribunaux autorise le recours simultané aux éléments comptables et extracomptables en présence d'une comptabilité régulière314. Ce flottement jurisprudentiel ne fait que fragiliser la situation du contribuable de bonne foi.

    Or, si l'interprétation littérale de l'article 38 du C.D.P.F. place le contribuable dans une situation « délicate et précaire »315, il n'en demeure pas moins que le juge se doit de réserver un traitement préférentiel au contribuable soucieux de respecter ses obligations comptables316. D'autant plus que ce contribuable se trouve dans la plupart du temps astreint à conserver longuement ses moyens de preuve.

    B - Des moyens de preuve à conserver

    Dans l'administration de la preuve, le contribuable, fût il de bonne foi, se trouve dans l'obligation de préserver les documents comptables et autres, pour des périodes assez longues.

    A priori, le problème n'est qu'apparent, puisque le contribuable est soumis à une obligation de conservation des documents comptables et autres, dont le délai coïncide avec le délai de la prescription. Ainsi, et à côté de l'article 25 de la loi n°96-112 du 30 décembre 1996, relative au système comptable des entreprises qui prévoit que : « Les états financiers relatifs à un exercice comptable ainsi que les documents, les livres, les balances et les pièces justificatives y afférentes sont conservés pendant dix ans au moins », l'article 62 § IV du C.I.R.P.P. et de l'I.S. dispose que : « Les livres de commerce et autres documents comptables, et d'une façon générale, tous documents dont la tenue et la production sont prescrites en exécution du présent code doivent être conservés pendant dix ans »317.

    314 ABIDA (Salma) : « L'application du Code des Droits et Procédures Fiscaux par le juge fiscal II : L'interprétation systématique de l'article 38 alinéa 1er », Infos Juridiques, n° 52/53, septembre 2008, p. 25.

    La cour d'appel de Tunis a également affirmé qu'une comptabilité non rejetée n'empêchait pas le vérificateur fiscal de recourir à des éléments extra- comptables.

    - Cour d'appel de Tunis, 1 juin 2006, requête n° 36023, Infos juridiques, janvier 2007, n° 16117, p. 24

    - Cour d'appel de Tunis, 26 janvier 2006, requête n°25628/ 28407. Voir annexe 3, p.206 et spécialement

    p.211.

    315 CHOYAKH (Faez) : « L'article 38 du CDPF et la possibilité de recours simultané aux éléments extra- comptables dans le cas d'une comptabilité régulière », R.C.F., n° 71, hiver 2006, p. 49.

    316 ABIDA (Salma) : « L'application du Code des Droits et Procédures Fiscaux par le juge fiscal I : L'interprétation de l'article 38 alinéa 1er », Infos Juridiques, n° 50/51, juillet- août 2008, p. 38.

    317 Cet article est applicable également en matière de T.V.A., et ce, en vertu de l'article 18 du code de la T.V.A.

    Or, l'écoulement du temps pour une période assez longue peut entraîner le dépérissement des preuves. Par conséquent, « cette lenteur rompt l'égalité des armes entre l'administration et le contribuable au détriment de ce dernier »318. De surcroît, les délais de reprise peuvent être encore plus longs du fait de la combinaison des règles relatives aux délais avec celles relatives aux actes interruptifs de prescription. Ceci résulte de l'article 27 du C.D.P.F.319 qui a retenu comme actes interruptifs de prescription selon le cas : la notification des résultats de la vérification, la reconnaissance de la dette due par le contribuable et la notification de l'arrêté de taxation d'office320.

    En outre, le fisc ne répugne pas à envoyer les redressements au contribuable au dernier moment, à la limite de la prescription, celle-ci étant « le délai à l`expiration duquel l'administration perd le droit de réclamer à un contribuable une dette fiscale, elle est aussi le délai à l'expiration duquel, le contribuable se libère d'une dette fiscale qui ne lui a pas été réclamée par l'administration pendant ce délai »321. Ces relances ont pour effet d'interrompre la prescription. Ainsi, de nouveaux délais commencent à courir. Cette prorogation du délai de prescription donne un délai supplémentaire aux agents du fisc pour qu'ils passent au peigne fin le dossier du contribuable. Ceci est loin de sécuriser le contribuable.

    Cependant, ces propos doivent être nuancés ; la longévité des délais n'est pas à sens unique. Tant que les délais courent, le contribuable bénéficie du droit de réparer ses erreurs, inexactitudes et omissions en matière de déclarations. En effet, en matière fiscale, les délais de reprise permettent non seulement à l'administration fiscale mais également au contribuable, de procéder à des rectifications.

    318 FOUQUET (Olivier) : « Le temps fiscal », la Revue Administrative, 53e année, 2000, P.U.F, numéro spécial 1 : Journées d'études du 23 novembre 1999 : « Le temps administratif», p.49.

    319 L'article 27 fait partie des rares articles à avoir subi deux modifications depuis la promulgation du C.D.P.F.

    320 Toutefois, en cas de défaut de déclaration, l'article 27 du C.D.P.F. a retenu la notification de la mise en demeure ou l'arrêté de taxation d'office ainsi que la notification de l'avis de la vérification approfondie. Ceci s'explique par le fait que l'opération de vérification approfondie est limitée dans le temps et sa réitération est moins envisageable dans le temps. Par contre, la mise en demeure est, elle, beaucoup plus envisageable. De plus, en cas défaut de déclaration, la vérification préliminaire n'est pas interruptive de prescription. Ceci paraît compréhensible dans la mesure où le contribuable n'est pas censé avoir pris connaissance de la date du commencement de l'opération de vérification préliminaire.

    321 ABOUDA (Abdelmajid) : « Code des droits et procédures fiscaux: contrôle, contentieux et sanctions », Tunis, Publications de l'imprimerie officielle de la République Tunisienne, 2001, p.67.

    CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

    Les limites inhérentes à la protection du contribuable sont telles que ce dernier ne pourra espérer faire prévaloir sa bonne foi que difficilement.

    A la neutralité de la bonne foi devant l'administration s'ajoutent des difficultés quant à la preuve de la bonne foi. Ainsi, il est permis de déduire que le contribuable de bonne foi souffre, en toute légalité dans un système qui demeure « teinté de l'idée de puissance publique »322 et on a même pu dire que le système fiscal tunisien est, « un système cohérent, destiné à faciliter la tâche de l'administration »323.

    Il n'en demeure pas moins que le juge se doit de réserver un traitement préférentiel au contribuable soucieux de respecter ses obligations comptables et fiscales, le rôle de la justice étant d'assurer un équilibre de chances entre les plaideurs afin de leur permettre de défendre leurs droits sans égard à l'identité ou à la nature de ces plaideurs324.

    En définitive, toutes ces limites poussent à conclure que si la réforme fiscale entreprise depuis les années 1980 a, non sans peine, franchi le cap, c'est davantage en raison des inconvénients d'un système ancien devenu insupportable et intolérable325, plutôt qu'en raison de ses propres avantages qui, il faut le reconnaître, sont assez timides et en tous cas en deçà des espérances.

    322 AYADI (Habib) : « Droit fiscal », Op.Cit., p.208.

    323 BEN ACHOUR (Yadh) : « Le système de la preuve en droit fiscal tunisien, au regard de la théorie générale de la preuve », Revue tunisienne de fiscalité, n°3, 2005, p.42.

    324 CHAABANE (Neila) : « Les garanties du contribuable devant le juge fiscal », (Inédit), p.1.

    325 En effet, « l'ancien système encourageait la fraude puisque le taux marginal de l'impôt sur le revenu des personnes physiques pouvait dépasser 68 % du revenu », BACCOUCHE (Néji) : «Regards sur le code d'incitations aux investissements de 1993 et ses prolongements», Etudes Juridiques, n°9, 2002, p.37, N.B.P. n° 10.

    CONCLUSION GENERALE

    La loi protège et la loi sanctionne. 326

    Partant, la loi fiscale doit sanctionner les intentions malveillantes et les fraudes mais, elle doit également protéger la bonne foi.

    Le droit fiscal tunisien a fait ses preuves au niveau des sanctions. En revanche, il n'est point excessif d'affirmer que la présomption d'exactitude de la déclaration, corollaire de tout système déclaratif, cède la place à une présomption d'inexactitude.

    Ainsi, c'est sur le terrain de la protection que le législateur, et provisoirement le juge, doivent nécessairement agir.

    Aussi, les intérêts du contribuable et par voie de conséquence les intérêts du Trésor public, ne serait-ce qu'à long terme, exigent que l'on puisse accorder du crédit aux croyances erronées, afin d'assurer la sécurité juridique, objectif que tout Etat de droit se doit de viser. En effet, « L 'Etat de droit doit, tout en garantissant son droit de prélever l'impôt, garantir les droits du contribuable. Les garanties du contribuable permettent alors de concourir à la préservation du droit de l 'Etat»327.

    Cette exigence s'inscrit dans le droit fil de la politique de voisinage de l'Union Européenne qui se fixe des objectifs ambitieux, fondés sur l'attachement, réciproquement reconnu, à des valeurs communes comprenant notamment la démocratie, l'Etat de droit, la bonne gouvernance et le respect des droits de l'homme328.

    Dans l'état actuel des choses, on mesure le chemin qu'il reste à parcourir pour que se dessine autour du contribuable de bonne foi, respectueux de la légalité, un véritable périmètre de protection riche des principes de sécurité juridique, de confiance légitime, de loyauté329.

    326 Voir l'article 6 la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen 1789 qui dispose : « La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents », http://www.conseilconstitutionnel.fr/textes/d1789.htm, visité le 28/06/2008.

    327 CHAABANE (Neila) : « Equité fiscale : les droits de l'Etat et l'Etat de droit », article précité, p.322.

    328 http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/action_plans/tunisia_enp_ap_final_fr.pdf, visité le 26/07/2008.

    329 BOUCHARD (Jean -Claude) :«La note 442 du 28 mars 1928, un retour vers le futur?», article précité, p.15.

    Or, « Plus un pays est développé, plus une administration est efficace, plus son attachement à l'équité est remarquable»330. Paradoxalement, la bonne foi du contribuable passe sous l'ombre d'une présomption de fraude beaucoup plus marquée. Or, « derrière chaque contribuable il n'y a pas nécessairement un fraudeur. Et il vaut mieux laisser échapper un fraudeur que de risquer d'imposer abusivement d'honnêtes citoyens »331.

    En définitive, c'est parce que l'efficacité du système fiscal ne se réalise que par la volonté des contribuables, qu'il importe que le législateur tunisien, soucieux de promouvoir le civisme fiscal, du moins par respect de ses engagements internationaux, prévoie un régime de faveur au profit du contribuable de bonne foi.

    330 YAICH (Abderraouf) : « Théorie fiscale », édition R.Y, 2002, p.205.

    331 GAUDEMET (Paul- Marie) : « Réflexions sur les rapports du juge et du fisc », in Mélanges offerts à Marcel WALINE : « Le juge et le droit public », Paris, L.G.D.J., 1974, tome I, p.136.

    ANNEXES

    · ANNEXE 1 : Tableau : Accroissement du taux des non déclarants .p 105

    · ANNEXE 2 : Prises de position de la DGCF

    - prise de position de la DGCF n°7433 du 18 mai 2000 .. p 106

    - prise de position de la DGCF n°664 du 10 juin 2000 . p 107

    · ANNEXE 3 : Table chronologique des jugements et arrêts . p 108

    ANNEXE 1 : TABLEAU : ACCROISSEMENT DU TAUX DES NON

    DECLARANTS

    Accroissement du taux des non déclarants en matière d'IRPP ou d'IS

     

    1994

    1995

    1996

    1997

    Nombre de contribuables

    280721

    302341

    330280

    302341

    Nombre de

    83369

    99749

    118167

    212857

    déclarations non déposées

    (30 %)

    (33 %)

    (36 %)

    (63 %)

    Source : Débats parlementaires, J. O.R. T. n° 39, séance du mercredi 26 juillet 2000, p. 1909.

    ANNEXE 2 : PRISES DE POSITION DE LA D GCF

    - prise de position de la DGCF n°7433 du 18 mai 2000

    - prise de position de la DGCF n°664 du 10 juin 2000

    ANNEXE 3 : TABLE CHRONOLOGIQUE DES JUGEMENTS ET

    ARRETS

    1. T.A, recours pour excès de pouvoir, 29 décembre 1989, requête n°1421 : Caractère impératif de la règle de non rétroactivité des actes administratifs.

    2. T.A, Cassation 19 février 1990, requête n°823 : Preuve négative

    3. T.A, Cassation, 19 février 1990, requêtes n°966 et 978 : la motivation en matière fiscale constitue un élément des droits de la défense, car elle permet au contribuable de contester la taxation.

    4. T.A, Cassation 4 novembre 1991, requête n° 1078 : Le jugement d'appel fondé sur des éléments de comparaisons approximatives, sans aucune précision, n'était ni motivé ni convaincant, ce qui a justifié sa cassation.

    5. T.A, Cassation, 10 mai 1993, requête n° 1055 : Preuve négative

    6. T.A, Cassation, 25 avril 1994, requête n°1173 : Preuve négative

    7. T.A, Cassation, 23 octobre 1995, requête n° 1186 : Comptabilité régulière, point de recours à l'extracomptable.

    8. T.A, 30 décembre 1996, requête 31345. : Charge de la preuve incombant à l'administration fiscale.

    9. T.A, 30 décembre 1996, requête 31423 et 31424 : Charge de la preuve incombant à l'administration fiscale.

    10. T.A, Cassation, assemblée plénière, 1 décembre 1997, requête n°31673: Les présomptions avancées doivent être réelles et objectives.

    11. T.A, 29 mars 2000, requête n° 16891 : Principe de la confiance légitime

    12. T.A, 10 mai 2000, requête n° 17257 : Principe de la confiance légitime.

    13. T.A, 25 mai 2000, requête n° 17236 : Principe de non rétroactivité des actes administratifs. (Publié)

    14. T.A, Cassation, 13 novembre 2000, requête n° 32434 : Comptabilité régulière, point de recours à l'extracomptable.

    15. T.A., cassation, 31 décembre 2001, requête n°32635 : Les erreurs relevées suite à l'opération de vérification sont présumées de bonne foi jusqu'à preuve du contraire.

    16. Tribunal de première instance de Tunis, 12 février 2004, requête n°578 : Nature des délais de reprise et la prise en compte de la sécurité juridique.

    17. Tribunal de première instance de Tunis, 18 novembre 2004, requête n° 819 : Changement de doctrine défavorable au contribuable.

    18. Cour d'appel de Tunis, 26 janvier 2006, requêtes n°25628/ 28407 : Recours à l'extracomptable sans rejet de la comptabilité

    19. Tribunal de première instance de l'Ariana, 3 juin 2006, requête n°337 : Comptabilité régulière, point de recours à l'extracomptable.

    20. Tribunal de première instance de l'Ariana, 2 novembre 2006, requête n°352 : Nature des délais de reprise et la prise en compte de la sécurité juridique.

    21. Tribunal de première instance de l'Ariana, 4 janvier 2007, requête n°444 : Nature des délais de reprise et la prise en compte de la sécurité juridique.

    22. Tribunal de première instance de l'Ariana, 4 janvier 2007, requête n°445 : Nature des délais de reprise et la prise en compte de la sécurité juridique.

    213

    218

    221

    BIBLIOGRAPHIE

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    · AFSCHRIFT (Thierry): « Traité de la preuve en droit fiscal », Larcier, 2e édition 2004.

    · AGRON (Laure): « Histoire du vocabulaire fiscal », Paris, L.G.D.J, 2000.

    · BOUVIER (Michel): « Introduction au droit fiscal et à la théorie de l'impôt », Paris, L.G.D.J, 2e édition, 2005.


    · BOUVIER (Michel): « Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l'impôt », L.G.D.J, 5e édition, 2003.

    · DOUET (Frédéric): « Contribution à l'étude de la sécurité juridique en droit fiscal interne français », Paris, L.G.D.J, 1997.

    · GADHOUM (Oualid): « La doctrine administrative fiscale en Tunisie », Paris, L'Harmattan, 2007.

    · GROSCLAUDE (Jacques) et MARCHESSOU (Philippe): « Droit fiscal général », Paris, Dalloz, 4e édition, 2003.

    · LAMARQUE (Jean): « Droit fiscal général », Paris, Litec, 1995-1996.

    · LAMBERT (Thierry): « Contrôle fiscal, droit et pratique », Paris, P.U.F., 1ère édition, 1991.

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    · YAICH (Abderraouf): « Théorie fiscale », Tunis, édition R.Y, édition 2002, (J'aime le travail bien fait).

    · YAICH (Abderraouf): « Théorie et principes fiscaux », Tunis, édition R.Y, 2004. (J'aime le travail bien fait).

    III- THESES ET MEMOIRES

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    IV- ARTICLES

    1) Articles en langue arabe

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    6 F$~>~~~ ÛJ~~J~~ ~~~~~~~~ ~~~ ~~~ ~ 2002 http://www.profiscal.com/colloques/Soufien_borji.pdf,visité le 28/ 04/ 2008.

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    · CHAABANE (Neila) :

    - «Le contrôle des lois fiscales par le Conseil constitutionnel tunisien», in Mélanges en l'honneur du Doyen Yadh BEN ACHOUR, Tunis, C.P.U., 2008, pp.741 -768.

    - «Equité fiscale : les droits de l 'Etat et l 'Etat de droit», in Mélanges offerts au doyen Abdelfattah AMOR, Tunis, C.P.U., 2005, pp.321-331.

    - « Les garanties du contribuable devant le juge fiscal », Actes du colloque organisé à la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, le 21 et 22 avril 1995, (Inédit).

    · CHOYAKH (Faez) :

    - «L'article 38 du CDPF et la possibilité de recours simultané aux éléments extra- comptables dans le cas d'une comptabilité régulière», Revue comptable et financière, n° 71, hiver 2006, pp. 37-53.

    - «Réflexions sur l'abus de droit en matière fiscale», Revue comptable et financière, n°65, troisième trimestre 2004, pp. 64- 75.

    · COZIAN (Maurice) :

    - «La notion d'abus de droit en matière fiscale», Gazette du Palais, 17-19 janvier 1993, pp. 2 - 10.

    - «La théorie des corrections symétriques des écritures comptables», Les grands principes de la fiscalité des entreprises, document 12, 3e édition, Litec, 1996, pp. 162- 178. (Version actualisée en 1999).

    - «On ne badine pas avec les écritures comptables. La théorie des erreurs

    comptables délibérées», Revue de droit fiscal, 1999, n°20, pp.734-737.

    · DELORME (Guy): «La protection du contribuable», R.F.F.P., n°17, Le contentieux fiscal, 1987, pp. 125-135.

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    - «Le Conseil d'Etat est-il trop indulgent à l'égard de l'administration fiscale : l'exemple de l'imposition d'après les éléments du train de vie», Gazette du Palais, II doctrine, 1983, 1er semestre, pp.208-210.

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    · LYON -CAEN (Gérard): «De l'évolution de la notion de bonne foi», Revue trimestrielle de droit civil, 1946, p.75- 112.

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    législative
    », in « Mélanges offerts au doyen Sodok BELAID », C.P.U 2004, pp. 577-588.

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    · MTIR (Mahmoud): «Le droit de restitution des sommes perçues en trop : Une législation diverse, une procédure unifiée», Revue comptable et financière, n° 61, 3e trimestre 2003, pp. 43-53.

    · NEGRIN (Olivier): «Une légende fiscale : la définition de l'impôt de Gaston Jèze», Revue de droit public, 2008, n° 1, pp. 139-151.

    · PAULTRE DE LAMOTTE (Jacques): « Les sanctions fiscales dans le système fiscal français : présentation d'ensemble », R.F.F.P., n° 65, 1999, pp.9- 16.

    · PHILIP (Loïc): « Le procès équitable dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », R.F.F.P, n° 83, Septembre 2003, pp.11- 24.

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    · SUR (Serge): « Sur l'obligation de motiver formellement les actes administratifs », A.J.D.A., juillet- août 1974, pp. 349- 367.

    V- SITES WEB

    · www.chambre-dep.tn

    · www.conseil-constitutionnel.fr

    · www.impots.finances.gov.tn

    · www.jurisitetunisie.com

    · www.larousse.fr

    · www.legifrance.gouv.fr

    VI- DOCUMENTS ELECTRONIQUES

    · Conseil d'Etat: Rapport public annuel 2006, Sécurité juridique et complexité du droit, E.D.C.E. 2006,
    http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000245/0000.pdf, p.333 et suivants, visité le 28 /4/2008.

    · Conseil des impôts de France: Dixième rapport au président de la république 2001, Les relations entre les contribuables et l'administration fiscale,
    http://www.ccomptes.fr/CPO/documents/divers/Rapport-relat-contrib.pdf, visité le 28/04/2008.

    · Inspection Générale Des Finances N° 98-M-041-11 : Mission d'analyse comparative des administrations fiscales,
    https://www.igf.minefi.gouv.fr/IGF/sections/rapports/enquete__admifinan1/download File/file/Rapport_98M041. pdf, visité le 10/06/2008.

    · La commission européenne: Plan d'action UE/Tunisie,
    http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/action_plans/tunisia_enp_ap_final_fr.pdf, visité le 26/07/2008.

    · République Tunisienne: Programme d'Appui à la mise en oeuvre de l'Accord d'Association (P3A) Tunisie-UE, Fiche de Projet de Jumelage traditionnel, http://www.svez.gov.si/fileadmin/svez.gov.si/pageuploads/docs/meda/Fiche_Projet_de _Jumelage_Fisc_version_definitive.pdf, visité le 28/06/2008

    · Union générale tunisienne du travail: département des études et de la documentation, La fiscalité en Tunisie et la question de la cohésion sociale , http://library.fes.de/pdffiles/bueros/tunesien/04796.pdf http://library.fes.de/pdf, visité le 25/4/2008.

    VII- TABLE CHRONOLOGIQUE DE LA JURISPRUDENCE CITÉE

    1) Jurisprudence tunisienne

    · T.A., recours pour excès de pouvoir, 14 mai 1980, requête n°374 ; Recueil des arrêts du tribunal administratif 1980, pp. 178- 182.

    · T.A., 29 mars 2000, requête n° 16891 ; Recueil des arrêts du tribunal administratif 2000, pp. 116- 121.


    · T.A., 30 octobre 2000, requête n° 32394 ; Recueil des arrêts du tribunal administratif 2000.

    · T.A., cassation, 11 février 2002, n° 32786, Tunis air contre DGCF ; Recueil des arrêts du tribunal administratif, 2002, pp. 215- 222.

    · Tribunal de 1ère instance de Sfax, requête n° 126 du 15 juillet 2002 ; affaire citée par JAMMOUSSI (Saoussen), « Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne », Revue tunisienne de fiscalité, n° 2, p. 174.

    · Tribunal de première instance de l'Ariana, requête n°55 du 19 avril 2003 ; affaire citée par ABIDA (Salma), « L'application du Code des Droits et Procédures Fiscaux par le juge fiscal II : L'interprétation systématique de l'article 38 alinéa 1er », Infos Juridiques, n° 52/53, septembre 2008, p. 22.

    · Tribunal de première instance de Sfax, requête n° 177 du 22 octobre 2003 ; affaire citée par DRIRA (Tarek) et JAMMOUSSI (Saoussen), « Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne », Revue tunisienne de fiscalité, n° 4, p. 238.

    · Tribunal de première instance de Sfax, requête n°76 du 12/5/2004 ; affaire citée par DRIRA (Tarek), « Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne (première instance) », Revue tunisienne de fiscalité, n° 5, p. 199.

    · Tribunal de première instance de Sfax, requête n°317 du 23 février 2005 ; affaire citée par BORGI (Sofiane), « En présence d'une comptabilité reconnue pour régulière, point n'est laissé à l'extra- comptable », Revue comptable et financière, n° 68, printemps 2005, p. 17.

    · Tribunal de première instance de la Manouba, chambre civile, requête n°96, du 9 novembre 2005 ; affaire citée par MTIR (Mahmoud), « Commentaires de la jurisprudence : droit fiscal », Infos Juridiques, n° 8/9, septembre 2006, p. 21.

    · Cour d'appel de Tunis, 1 juin 2006, requête n° 36023 ; affaire publiée à la revue Infos juridiques, janvier 2007, n° 16117, p. 24

    · Tribunal de première instance de Tunis, affaire n° 1222 du 1er juin 2006 : Interdiction de vérifications approfondies successives. (Inédit)

    · Tribunal de première instance de l'Ariana, 25 janvier 2007, requête n° 500: Définition de l'obligation de motivation de l'arrêté de taxation. (Inédit)

    · Tribunal de première instance de Sfax, requête n° 274 du 27 octobre 2007 ; Affaire citée par DRIRA (Tarek), « Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne (première instance) », Revue tunisienne de fiscalité, n° 6, 2007, p.247.

    2) Jurisprudence française

    · C.E., 7°, 8° et 9° sous-section, 10 mars 1967 requête n° 62338 ; Conclusions LAVONDES, Revue de droit fiscal 1967, n° 45.

    · C.E., 5 octobre et 21 novembre 1973 ; cité par AYADI (Habib), Droit fiscal, Tunis, Publication du C.E.R.P., 1ère édition, 1989, p. 211.

    · C.E., Section 20 février 1974, requête 83270 ; Conclusions sous, DAVID (Cyrille), FOUQUET (Olivier), LATOURNERIE (Marie-Aimée) et PLAGNET(Bernard), « Le réalisme du droit fiscal : apparence, illicéité et abus de droit », Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale, Paris, Dalloz, 3e édition, 2000.

    · C.E., 4 mai 1977, requête n° 1518 ; Revue de droit fiscal, 1977, n°38, commentaires 1321, p. 840.

    · C.E., 13 juin 1979, requête n° 1315 ; Revue de droit fiscal, 1980, n°1, commentaires 57, p. 33.

    · C.E, 10 juin 1981, requête n° 19079 ; Conclusions sous, LOBRY, Revue de droit fiscal 1981, n° 48-49, commentaires 2187, p. 1435.

    · C.E., 23 décembre 1981, requête n° 16361 ; Revue de droit fiscal, 1982, n°15, commentaires 832, p. 575.

    · C.E., 17 octobre 1984 ; Revue de jurisprudence fiscale, 1984, n°12, commentaires 147.

    · C.E, 18 novembre 1985, requête n° 36281 ; Conclusions sous, FOUQUET (Olivier), Revue de droit fiscal, 1986, n°11, commentaires 530, pp.370-375.

    · C.E., 27 juillet 1988, requête n° 82541 ; Revue de droit fiscal, 1989, n°5, commentaires 136, pp. 177-179.

    · C.E. du 29 juillet 1994, n°111884, section, SA Prodes International ; Conclusions sous ARRIGHI DE CASANOVA (Jacques), « Champ d'application de l'impôt et charge de la preuve, à propos de la preuve. A propos de la preuve du lieu d'utilisation du service pour les règles de territorialité de la TVA », Revue de jurisprudence fiscale, octobre 1994, p 587-592.

    · T.A. de Strasbourg, 8 décembre 1994, Entreprise Freymeuth c/ministre de l'environnement, requête n° 93-1085 ; A.J.D.A. 1995, n°7-8, p. 555.


    · C.E., Section, 6 décembre 1995, n° 90914, Navon et C.E., Section, 6 décembre 1995, n° 126826, S.A. Samep. ; Notes sous, GOULARD (Guillaume), « L'indépendance des procédures, retour à un principe traditionnel », Revue de jurisprudence fiscale, n°1, 1996, p. 2-5.

    · Cassation commerciale, 29 avril 1997, n° 1068 PB, Ferreira ; Revue de jurisprudence fiscale, juin 1997, n°641, ppÀ42- 444.

    · C.E., 12 mai 1997, requête n°160777 ; Revue de jurisprudence fiscale, juin 1997, n°535, pp. 442-444.

    · C.E., 20 mai 1998, requête n°159877, 8 et 9 sous section Sté Veticlam ; Conclusions sous, ARRIGHI DE CASANOVA (Jacques), Revue de droit fiscal, 1998, n°44, commentaires 979, pp.1389- 1391.

    · C.E., 24 mars 2006, KPMG et autres.
    http://www.legifrance.com/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte= CETATEXT00000824 11 43&fastReqId=1 1 50449877&fastPos=1, visité le 25/4/2008.

    TABLE DES MATIERES

    INTRODUCTION 1

    PREMIÈRE PARTIE : LA NÉCESSITÉ DE LA PROTECTION DU CONTRIBUABLE DE BONNE FOI 13

    CHAPITRE I - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI EN TANT QUE CROYANCE ERRONEE DU

    CONTRIBUABLE 15

    SECTION I- UNE PROTECTION A ETABLIR 17

    Paragraphe 1- Au nom du principe de la sécurité juridique 18

    A- CONSECRATION MARQUEE PAR LE JUGE FISCAL DU FOND 20

    B- CONSECRATION TIMIDE PAR LE T.A. EN DEHORS DE LA MATIERE FISCALE 22

    Paragraphe 2- Au nom d'un devoir de loyauté imposé à l'administration ? 26

    SECTION II - UNE PROTECTION A ENCADRER 29

    Paragraphe 1- Une intervention législative souhaitable 29

    A - LE RESCRIT FISCAL 30

    B- L 'OPPOSABILITE A L'ADMINISTRATION DE SA PROPRE DOCTRINE 33

    Paragraphe 2- Une protection possible par le juge au nom de l'équité ? 37

    A- DEFINITION DE L'EQUITE 37

    B- LE JUGE ET L 'EQUITE 38

    CHAPITRE II - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI EN TANT QUE COMPORTEMENT LOYAL 40

    SECTION I - PROTECTION POSITIVE 41

    Paragraphe 1 - L'erreur involontaire 42

    A - L'ERREUR APPARENTE 42

    B- L'ERREUR COMPTABLE 44

    Paragraphe 2- Le sort réservé à l'erreur involontaire 47

    A- LA REPARATION DE L'ERREUR 47

    B- LA RESTITUTION DES SOMMES INDUMENT PAYEES 50

    SECTION II - PROTECTION NEGATIVE 51

    Paragraphe 1 - Protection générale de tous les contribuables 51

    Paragraphe 2 - Protection spécifique des contribuables non résidents et non établis

    54

    CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 57

    DEUXIEME PARTIE II : LES LIMITES INHERENTES A LA PROTECTION DU CONTRIBUABLE DE BONNE FOI 58

    CHAPITRE I - LA NEUTRALITE DE LA BONNE FOI FACE A L'ADMINISTRATION FISCALE 59

    SECTION I- AU NIVEAU DU POUVOIR DE CONTROLE 60

    Paragraphe 1- Les manifestations du pouvoir de contrôle 60

    A- LE DROIT DE CONTROLE 60

    B - LE DROIT DE REPRISE 65

    Paragraphe 2- Le cadre temporel du pouvoir de contrôle 67

    SECTION II - AU NIVEAU DU POUVOIR DE SANCTION 69

    Paragraphe 1 - Sanctions administratives expressément prévues comme telles 70

    Paragraphe 2 - Sanction administrative non expressément prévue comme telle : la

    taxation d'office 72

    CHAPITRE II : LA DIFFICULTÉ DE LA PREUVE DE LA BONNE FOI DEVANT LE JUGE 78

    SECTION I- AU NIVEAU DE LA CHARGE DE LA PREUVE 78

    Paragraphe 1 - Le mécanisme de la taxation d'office 78

    A- UN RENVERSEMENT IMPERMEABLE A LA PRESOMPTION D'EXACTITUDE 79

    B- UN RENVERSEMENT IMPERMEABLE A LA NOTION DE DEMANDEUR EFFECTIF 82

    Paragraphe 2 - Le mécanisme des présomptions légales 86

    A- LES PRESOMPTIONS RELATIVES 87

    B- LES PRESOMPTIONS IRREFRAGABLES 90

    SECTION II - AU NIVEAU DE L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE 91

    Paragraphe 1 - L'objet de la preuve 91

    A- LA PREUVE DE LA SINCERITE DES DECLARATIONS ET DES RESSOURCES REELLES 92

    B - LA PREUVE DE L'EXAGERATION DE L'IMPOSITION 94

    Paragraphe 2 - Les moyens de preuve 96

    A- DES MOYENS DE PREUVE A RESTREINDRE 96

    B - DES MOYENS DE PREUVE A CONSERVER 99

    CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 101

    CONCLUSION GENERALE 102

    ANNEXES 104

    ANNEXE 1 : TABLEAU : ACCROISSEMENT DU TAUX DES NON DECLARANTS 105

    ANNEXE 2 : PRISES DE POSITION DE LA DGCF 106

    - prise de position de la DGCF n°7433 du 18 mai 2000 106

    - prise de position de la DGCF n°664 du 10 juin 2000 107

    ANNEXE 3 : TABLE CHRONOLOGIQUE DES JUGEMENTS ET ARRETS 108

    BIBLIOGRAPHIE 244

    I- OUVRAGES GENERAUX 244

    II- OUVRAGES SPECIALISES 244

    III- THESES ET MEMOIRES 246

    IV- ARTICLES 246

    V- SITES WEB 251

    VI- DOCUMENTS ELECTRONIQUES 252

    VII- TABLE CHRONOLOGIQUE DE LA JURISPRUDENCE CITÉE 252

    TABLE DES MA TIERES 256






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