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La diversité culturelle dans le procès international relatif aux droits de l'homme

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par Titine Pétronie KOUENDZE INGOBA
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Droits de l'homme et Action Humanitaire 2004
  

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INTRODUCTION GENERALE

La pluralité culturelle est un fait inéluctable et irréfutable. Le monde est le condensé du tout et de tout. Cette pluralité s'explique par l'incroyable multiplicité culturelle qu'on y retrouve. Les hommes sont différents de couleur, de caractère et d'identité : « il saute aux yeux qu'ils sont empiriquement inégaux, en tout »1(*) Cependant, les droits qui leurs sont garantis sont uniques et indissociables. Les droits de l'homme sont des droits reconnus à tout être humain, « sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de religion, d'opinion politique ou de tout autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation »2(*). Des droits uniques et indissociables, pour des hommes différents en tout, il y a là une réelle ambiguïté, d'autant plus que « Tout droit serait une version particulière de culture »3(*). De plus, « nous ne pouvons saisir l'homme que dans une collectivité politique, c'est à dire dans une culture donnée »4(*). Ce paradoxe est au centre de la problématique sur l'universalité des droits de l'homme. En effet, cette question a fait l'objet de nombreuses controverses depuis l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme au sortir du second conflit mondial en 1948. Cette universalité a longtemps été remise en cause. Certains juristes ont estimé qu'il n'y avait rien d'universel dans les droits élaborés essentiellement par des Occidentaux, et calqués sur un modèle culturel particulier.

En effet, il faut relever que jusqu'ici certaines réalités n'avaient pas été prises en compte, c'est le cas de la situation de dépendance, commune à la plus part des Etats africains. Ce, malgré la proclamation par les Nations Unies du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ; et même après l'élaboration de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux du 14 décembre 1960.5(*) Certains Etats, n'ayant pas trouvé leur compte dans les droits proclamés par la Déclaration universelle des droits de l'homme, ont estimé qu'il fallait élaborer des instruments conjoints. C'est ainsi que dans le but de prendre en compte certains particularismes, des instruments de protection des droits de l'homme ont été rédigés sur les plans régionaux, c'est le cas en Afrique, de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 et des lignes directrices de Robben Island de 2002.6(*) « Il ne s'agissait pas, en effet, de nier l'universalité des attentes de l'homme et de ses droits et donc de concevoir la Charte comme une remise en cause du droit international des droits de l'homme, mais plutôt comme un instrument plus adapté au contexte social, économique, politique et culturel africain. »7(*)

C'est ainsi que le principe d'universalité est de nos jours remis en chantier et l'on s'oriente vers un questionnement sur des approches interculturelles possibles.8(*)

Si la diversité culturelle pose un problème quant à l'élaboration des normes internationales et donc à sa prise en compte par le législateur ; qu'en est-il du juge international qui suit le législateur dans sa mission de protection des droits de l'homme ? Car la mission du juge est bien celle de faire application du droit.

Dès lors on pourrait s'interroger sur l'impact de la diversité culturelle dans le procès international relatif aux droits de l'homme ou mieux sur le comportement du juge international face au dilemme sur la protection des droits de l'homme dans un contexte de diversité culturelle. C'est ainsi que nous allons faire une brève présentation de la justice pénale internationale.

L'expérience de la justice pénale internationale peut remonter aux procès de Nuremberg et de Tokyo, et pourquoi pas plus loin au Traité de Versailles de 1919, c'est particulièrement à cette occasion que les premières normes du droit international pénal ont été élaborées. Chérif Bassiouni le présente en relevant : « Depuis le Traité de Versailles de 1919, diverses expériences ont été menées au sein de la société internationale pour établir des organes internationaux d'enquête et de jugement en matière pénale. »9(*) Il poursuit en disant, « En effet, en l'absence d'une telle cour (pénale internationale permanente), non seulement de nombreuses atrocités sont restées impunies, mais chacune des institutions créées s'est retrouvée au centre d'intérêts politiques contradictoires. »

« L'émergence d'une justice pénale internationale, matérialisée par la création du Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), suivi de celle du Tribunal pénal pour le Rwanda ( TPIR), et par l'entrée en vigueur prochaine de la convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale, constitue incontestablement l'évènement juridique le plus marquant de l'après guerre froide. »10(*) C'est donc vraisemblablement avec la mise en place des Tribunaux pénaux internationaux de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda que va naître la justice pénale internationale. Cependant ? la question qui se pose est celle des conditions dans lesquelles peut se faire une telle justice compte tenu du cadre de la diversité culturelle dans lequel elle s'exerce.

I- DEFINITION DES CONCEPTS

Cette présentation nous conduit à qualifier certains concepts centraux à savoir, diversité culturelle, droits de l'homme et procès international.

A- La diversité culturelle 

Pour mieux appréhender ce concept, nous définirons séparément les mots qui le composent. La culture, comme le définit le dictionnaire Larousse : « est l'ensemble des usages, des coutumes, des manifestations artistiques religieuses, intellectuelles qui définissent et distinguent un groupe, une société »11(*)

La diversité y est définie comme le « caractère de ce qui est divers, varié »12(*) On peut dire simplement qu'il s'agit de la multiplicité d'un élément dans un ensemble. Elément entendu ici comme chose, caractère, sens, style.

La diversité culturelle peut alors être entendue comme la variété de cultures que l'on retrouve dans le monde ou encore dans un cadre bien précis.

Les questions de diversité culturelle ont une implication incontestable sur le plan juridique, car comme il a été relevé, l'on ne saurait élaborer des normes en dehors d'un contexte culturel précis. Les règles, les normes et les lois existantes ne sont que la codification des coutumes et traditions des hommes et des peuples, qui, elles, constituent la quintessence même de leur culture.13(*)

Par ailleurs, la diversité culturelle est suppose la reconnaissance des particularité.

B- Les droits de l'homme 

Ce concept doit être perçu dans un cadre strictement instrumental, il faut comprendre les droits de l'homme comme l'ensemble des droits et prérogatives reconnus à l'homme en tant qu'être humain, c'est à dire comme le dispositif international garantissant ces droits partant de la Déclaration universelle des droits de l'homme aux Conventions de Genève de 1949, en passant par ses nombreux textes internationaux et régionaux pertinents. Toutefois, il y a lieu de présenter quelques définitions propres et plus élargies du concept droits de l'homme.

D'après le Dictionnaire constitutionnel, les droits de l'homme sont les « droits de l'individu saisi dans son essence universelle abstraite, ils sont conçus comme antérieur et supérieur au droit positif afin d'être l'étalon de sa validité et la limite fixée au pouvoir légitime »14(*).

Par ailleurs, Jean Jacques Vincensini définit les droits de l'homme comme : des « libertés reconnues à tous les hommes considérés comme des êtres égaux. Ils sont garantis par leur statut juridique (...), ils sont formés d'un ensemble de prérogatives gouvernées par des règles dont disposent toutes les personnes et les groupes formant la société civile dans leur relation avec les autres personnes et avec l'Etat. Celui-ci est chargé de faire respecter les droits des personnes, en assurant notamment les possibilités de réalisation de ces droits. »15(*)

C- Le procès international 

Le procès est simplement défini comme « une instance en justice »16(*) devant un Tribunal ou une Cour, mettant en présence deux parties en face d'un juge. Cependant, lorsque l'on ajoute à ce terme le qualificatif international, il présente désormais un sens plus précis pouvant toutefois être largement interprété. C'est ainsi que pour des besoins matériels, nous donnerons tout au long de notre travail un sens tridimensionnel à ce concept.

Ø Le procès international 

Il s'agit ici du sens propre du concept, c'est à dire une instance internationale de par la juridiction et de par la diversité culturelle qu'on y retrouve. Cette diversité s'explique par la différence de nationalité des juges entre eux et des juges avec les parties en présence. L'international de ce procès s'explique aussi par le caractère des violations en cause, les droits protégés sont les droits de l'homme garantis par les instruments internationaux et reconnus par la communauté des Etats. C'est le procès devant les Tribunaux pénaux internationaux crées par le Conseil de sécurité de l'ONU, par les résolutions n°827 du 25 mai 1993 et n°955 du 8 novembre 199417(*). Ce procès peut encore être défini au sens de Luigi Condorelli en partant de la définition du crime international. En effet, il indique que : « ...les choses se compliquent sensiblement si chacun de ces termes est accompagnés de l'adjectif « international ». Celui-ci bien entendu, identifie avant tout l'ordre juridique dont relèvent les interdictions que les crimes ou les infractions sont censés violer, ainsi que la réprobation et la réaction sociale qui s'y rattachent. »18(*)

Ø Le procès « international » 

Ici le mot international est mis entre guillemets parce qu'il constitue la particularité même du procès. En fait, c'est une définition plus élargie qui est ici apportée au terme procès international. Il s'agit du procès qui a lieu devant une juridiction de droit national, par exemple, un tribunal camerounais, mais dont la particularité s'explique en ce sens qu'elle se trouve dotée d'une compétence dite « universelle », qui lui donne le droit de juger des violations commises dans un territoire autre que celui du ressort du tribunal, par des individus et contre des victimes d'une autre nationalité.

A la différence du premier, ce procès n'est pas international sur le plan organique, mais essentiellement sur celui des faits.

Nous nous intéresserons largement dans notre travail au procès international devant les juridictions belges de compétence universelle.

Ø Le « procès » international 

« Procès » se trouve entre guillemets parce qu'il s'agit ici d'une assimilation. Au sens strict, les sessions des comités de protection des droits de l'homme dont nous voulons parler, ne peuvent être défini comme des procès. Cependant, compte tenu de l'incidence que peuvent avoir les questions de diversité culturelle sur les sessions des comités de droits de l'homme, nous avons estimé qu'il y avait lieu d'en parler. Nous examinerons, le procès devant le Comité des droits de l'homme et devant le Comité contre la torture et la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.

Au regard des clarifications qui viennent d'être apportées, notre étude s'étendra sur trois cas : le procès devant les tribunaux pénaux internationaux (TPIR, TPIY et CPI), le procès devant les juridictions belges de compétence universelle, et les sessions des comités de protection des droits de l'homme, que nous avons assimilées à un « procès ». Elle s'intéressera, par conséquent, essentiellement aux problèmes d'ordre culturel qui peuvent se poser au cours des audiences.

Pour mieux appréhender cette étude il y a lieu d'en définir le cadre (II) et la conduite (III).

II- LE CADRE DE L'ETUDE

Il s'agira ici de présenter l'intérêt de cette étude (A), la revue de littérature (B) et la problématique en cause (C).

A- INTERET DE L'ETUDE

Cette étude présente un double intérêt, tant scientifique que social.

L'intérêt scientifique réside dans le fait qu'elle apportera à la science une perception nouvelle de la problématique des diversités culturelles, dans le cadre précis du procès international. Elle donnerait ainsi plus de matière à la science en vue de nouvelles perspectives sur les questions de diversité culturelle et de reconnaissance des particularismes.

Cette étude répond à la question de la reconnaissance de l'identité des individus. Elle permet donc sur le plan social à ce que les particularismes soient plus largement pris en compte, tant dans le cadre d'un procès international qu'ailleurs.

B- REVUE DE LITTERATURE

La question de départ, celle de savoir quel impact la diversité culturelle peut avoir dans le procès international, nous a amenée à explorer un certain nombre d'ouvrages traitant des questions de diversité culturelle et d'universalité des droits de l'homme.

Le principe de l'universalité des droits de l'homme, comme nous l'avons dit, est au centre de nombreuses divergences. C'est ainsi que deux courants de pensée sont nés autour de cette question.

Le premier courant est celui regroupant des auteurs qui estiment que les droits de l'homme sont bel et bien universels. C'est le cas de Jeanne Hersh qui, pour soutenir sa thèse, part d'une analyse du principe de l'égalité des hommes. Elle estime que, bien qu'il saute aux yeux que les hommes sont empiriquement inégaux en tout, il faut reconnaître qu'ils ont en commun le simple fait d'être homme. A son avis, l'égalité dont il s'agit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, n'est pas une égalité empirique mais plutôt une égalité « virtuelle », que c'est « cette virtualité qui ne peut être déniée à aucun être humain sous peine de le déshumaniser et de le réduire à un objet. C'est elle qui donne à la Déclaration sa portée universelle »19(*) Aucune distinction ne saurait être admise dans la jouissance de ces droits. Certaines limites ressortent de ces réflexions : il est bien difficile d'admettre une universalité indiscutable dans un monde pluridimensionnelle, dans un monde multiculturelle. Ces auteurs ont une approche assez simpliste de question, il est donc intéressant de s'interroger sur la place qu'occupent finalement les particularismes existants.

On se pose d'abord la question de savoir si cette universalité exclut totalement les particularismes culturels, qui font l'identité et la différence d'un homme par rapport à un autre ? C'est la question à laquelle se veut de répondre le deuxième courant, que l'on pourrait ici appeler courant alternatif. En effet, il ne remet pas en cause le point de vue du premier courant, mais estime qu'il faut reconnaître certains faits irréfutables.

Les instruments internationaux accordent une reconnaissance et un statut à ce qui n'est pas universellement partagé. Cela s'exprime par l'expression « chacun a droit à ». L'exemple le plus probant serait simplement le droit à la culture, c'est le droit à quelque chose de spécifique, de tout à fait particulier. C'est ainsi que Charles Taylor estime que : « L'exigence universelle promeut la reconnaissance de la spécificité »20(*)

Il ressort de ces réflexions que l'universalisme n'exclut pas le particularisme et que les diversités culturelles sont l'essentiel de cet universalisme. Cependant, au-delà de ces affirmations, qui paraissent présenter les questions de diversités culturelles et droits de l'homme de façon globalisante, il est à relever que les cultures dans leur diversité n'ont pas été prise en compte. De plus, il serait impossible dans le sens d'un particularisme strict et certain, d'incorporer dans les normes internationales toutes ces cultures. Là l'intérêt de la théorie de la reconnaissance, largement développée par Taylor. Il indique sur cette question que : « l'exigence de reconnaissance animée par l'idéal de dignité humaine, indique au moins deux directions : vers la protection des droits fondamentaux des individus en tant qu'êtres humains et vers la reconnaissance des besoins spécifiques. »21(*) Ce point de vue de Taylor nous permet d'ouvrir des réflexions sur la problématique de la reconnaissance des particularismes culturels dans le strict cadre du procès internationale.

En outre, l'assertion « universalité des droits de l'homme dans la diversité culturelle », signifie que chaque Etat peut en faire une interprétation propre en tenant compte d'exigences précises. Car comme le pense Mohamed Bedjaoui : « ...Les droits de l'homme ne sont jamais concrétisés en dehors de contextes historiques et politico-économique, d'une grande variété. Ils se réalisent au rythme lent des moeurs et des modes de vie. Le contexte historique et les spécificités sociales nationales influent donc beaucoup sur l'interprétation à donner au contexte des droits de l'homme. »22(*)

Ce point de vue est partagé par un nombre considérable d'auteurs, qui estiment que l'universalité des droits de l'homme ne s'étend pas à leur application, c'est-à-dire qu'aucune interprétation unique et commune n'y est donnée, d'autant plus que la situation des Etats, ainsi leurs préoccupations premières ne sont pas les mêmes. Cette déduction nous permet de revenir sur l'idée de Meyer Bisch, selon laquelle les droits de l'homme sont essentiellement culturels.23(*) La culture peut certes être considérée comme un droit, le droit à l'identité, mais ce droit comme tout autre droit s'applique dans un environnement culturel particulier et bien précis. L'interaction entre culture et droit est donc à mettre en évidence, parce qu'on ne saurait admettre un droit sans culture. Ces réflexions présentent un intérêt certain pour cette étude, elles permettent de mettre en chantier le juge international face à l'obligation de prise en compte des diversité culturelles, cette situation n'ayant aucunement été abordé par ces différents auteurs.

Continuer à penser que les droits de l'homme, élaborés dans un contexte culturel précis -auquel ils n'auraient pu se soustraire- sont universels est inadmissible. Tel est le point de vue du troisième courant dirigé par le Laboratoire d'anthropologie juridique de Paris (LAJP).

Le LAJP procède à la remise en cause de l'universalité des droits de l'homme. Il part de l'hypothèse selon laquelle l'universalité des droits de l'homme pourrait être remise en cause. Pour vérifier cette hypothèse, il procède à une analyse comparative des sociétés africaines et de celles occidentales. Il ressort de cette analyse que le modèle sociétal occidental qui est marqué par une tendance à l'uniformisation et une vue de société comme un ensemble d'individus égaux, est loin du modèle sociétal africain qui répond le plus souvent à un modèle clair de distinction.24(*)En fait, le modèle sociétal africain est totalement différent, Abdelhamid Hassan nous le démontre clairement dans son article « Raison islamique, raison d'Etat »25(*).

La différence entre ces deux modèles sociétaux est telle qu'il serait difficile de reconnaître l'universalité des droits de l'homme, donc d'affirmer que l'Afrique, en particulier, devrait y trouver sa place. Pour Michel Alliot : « La question de la protection du droit de la personne, correspond à un problème fondamental de la vie en société auquel aucun n'échappe : celui de la confiance en l'avenir. Mais en la formulant ainsi en se référant à ``des droits de la personne'', on la lie à un modèle sociétal que l'occident prône depuis deux ou trois siècles. Ce modèle repose sur une image de la société où des individus tous semblables et isolés dans une uniformité générale ont besoin à la fois d'un pouvoir fort et donc unique pour les protéger les uns des autres et d'un droit pour les protéger de ce pouvoir.»26(*)

Comment est-il possible que des droits élaborés dans un cadre culturel essentiellement individualiste puissent aisément s'appliquer à une société plutôt communautaire (caractéristique des sociétés africaines) ?27(*)

Finalement, cette comparaison devrait mener à une réflexion sur l'élaboration d'une science non ethnocentrique du Droit. Tel est la visée finale du Laboratoire d'anthropologie juridique de Paris (LAJP).

Dans cette lancée, Etienne Le ROY s'est interrogé de la manière qui suit ; « L'universalité des droits de l'homme peut-elle être fondée sur le principe de complémentarité des différences ? »28(*)

Cette interrogation n'a nullement pour but de vérifier si les droits de l'homme existants sont ou non fondés sur le principe de complémentarité, mais plutôt, en faisant clairement ressortir les différents particularismes culturels possibles, de réfléchir sur une possible conciliation des traditions selon une exigence interculturelle.

Cette réflexion soulève un certain nombre de questions, cependant le moteur central est de réintroduire le principe de complémentarité des différences. C'est ainsi qu'il estime au final, non sans optimisme que : « Sans mésestimer les difficultés qui apparaissent devant nous, nous devons être convaincus que face aux turbulences qui s'annoncent, seule une exigence éthique et épistémique est susceptible de fonder un futur commun et une société pacifique. »29(*)

Ces efforts d'interculturalisation fournis par LAJP nous permettent déjà de comprendre l'insuffisance ou mieux l'inadéquation des droits de l'homme face à certaines cultures, bien qu'on les dise universels. Ces réflexions remettent finalement en cause tout le système des droits de l'homme, car immanquablement ces problématiques ressurgissent à tous les niveaux d'application de ces droits, tant sur le terrain de leur mise en oeuvre que sur celui de leur protection. C'est à ce stade que surgit la problématique de l'universalisme dans un cadre de confrontation culturelle, sur le terrain du procès international relatif aux droits de l'homme. Ces réflexions du LAJP, bien que ne touchant pas la question sensible des diversités culturelles dans le cadre d'un procès international, nous permettent d'ouvrir à une possible interculturalisation des droits de l'homme, sur le terrain du Droit International Pénal.

C'est ainsi que nous avons été amenée à consulter certains ouvrages et articles traitant de la récente question de la justice pénale internationale.

Ce qui est intéressant est bien de comprendre toutes les problématiques qui tournent autour de ce thème, toutes les critiques qui y sont portées et toutes les remises en cause dues aux difficultés de fonctionnement depuis la mise en marche des Tribunaux pénaux de l'ex Yougoslavie et du Rwanda. C'est ainsi qu'à la question de savoir si une justice pénale internationale pourrait présenter de réels avantages, les réponses sont très mitigées, certains auteurs estiment qu'elle est la meilleure solution à la lutte contre l'impunité. D'autres en revanche pensent qu'il ne faudrait pas qu'elle existe car elle est un obstacle à la souveraineté des Etats. C'est ainsi que nous pouvons lire, Carlo Santulli dans son article intitulé « Pourquoi combattre l'impunité dans un cadre international ? », où il écrit :

« Il faut mettre un terme à l'impunité d'une catégorie de criminels ; un tribunal d'exception est nécessaire en raison de la gravité des crimes visés ; la répression doit être le fait de la justice, et non de la volonté du plus fort. »30(*) Cette catégorie de criminels est clairement identifiée par Mohamed Bennouna qui indique : « Dès lors, la souveraineté ne peut plus constituer cette enveloppe opaque, protégée par le principe de non-ingérence, derrière laquelle les dictateurs et les grands criminels peuvent s'abriter, en toute impunité sous prétexte qu'ils défendent l'intérêt général de leur Etat »31(*)

La lutte contre l'impunité se présente donc comme l'un des objectifs primordiaux de la justice pénale internationale. Bernard Kouchner note sur ce point : « Plusieurs raisons militent en faveur d'une telle Cour (...). Une première raison (...) réside dans l'impérieuse nécessité de lutter contre l'impunité » En effet, il estime que « L'impunité prive la société des piliers fondamentaux sur lesquelles elle peut se reconstruire, au lendemain des conflits sanglants qui l'ont désorganisée (il va plus loin encore). Elle est un obstacle à la mémoire, elle est un obstacle à la réconciliation, elle est un obstacle à la justice. »32(*)

Cette analyse est intéressante car elle présente clairement les objectifs poursuivis par la justice pénale internationale, à travers les deux Tribunaux pénaux internationaux. Toutefois l'on peut constater certaines limites. L'insuffisance de ces réflexions pourrait s'expliquer par l'absence de perspectives, il aurait été intéressant de s'interroger sur les avantages d'une telle justice tenant compte des questions de diversité culturelle.

Par ailleurs, la mise en branle de la justice pénale internationale a suscité de nombreuses oppositions. Bernard Kouchner relève que : « Les Etats sont toujours méfiants à l'égard du juge international dont ils perçoivent les pouvoirs comme autant de menaces d'ingérence dans leurs affaires intérieures. Il n'est donc pas surprenant de déceler dans les attitudes de certains un double discours, un double langage, une duplicité qui les conduit à se déclarer à la fois favorable à l'instauration d'une telle Cour et soucieux d'en limiter au maximum les prérogatives. »33(*) Toutefois, il est à remarquer que malgré toutes ces réticences, les Etats ont fini par ratifier le statut de la Cour, et elle est entrée en fonction depuis 2002. Doit-on se contenter d'applaudir face aux avantages alléchants d'une justice pénale internationale ? S'interroger sur d'éventuelles difficultés compte tenu simplement du cadre dans lequel elle s'exerce, ne présente-t-il pas quelques intérêts ? Ainsi, ce que l'on peut reprocher à ces différents articles, est de présenter avec trop d'optimisme la justice pénale internationale. Il est intéressant d'observer et d'examiner la pratique des Tribunaux pénaux internationaux pour comprendre avec Paul Tavernier, les difficultés pratiques rencontrées par ces deux juridictions. Cela ne suffit toutefois pas, car une question reste posée, celle des difficultés d'ordre culturel, là l'intérêt pratique de notre étude.

C- LA PROBLEMATIQUE 

Au regard de l'exploration qui vient d'être faite, il est clair que la problématique de l'universalité face à la diversité culturelle doit être mise en examen, dans le cadre précis du procès international. Car il est bien évident que la norme internationale n'a pas pris en compte la diversité culturelle, cela s'explique par le fait qu'elle a été élaborée dans un cadre culturel particulier, mais aussi parce qu'il n'était pas possible de tenir compte de tous les particularismes culturels. Cependant, le fait d'avoir exclu dans sa constitution certaines cultures est la cause essentielle des difficultés que peut rencontrer un juge international. Il est vrai que le juge n'est pas tenu de prendre en compte la diversité culturelle, car sa mission essentielle est bien celle de donner une qualification juridique aux faits et de dire le droit. Toutefois, il faut reconnaître que sa décision risque de ne pas suffisamment être juste s'il ne cherche pas à comprendre le contexte culturel dans lequel se sont déroulés les faits.

Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir comment le juge international s'approprie t-il la diversité culturelle afin de dire le droit en matière des droits de l'homme ?

L'appropriation du fait culturel par le juge peut soulever un certain nombre de questions, notamment celle des difficultés qu'il peut rencontrer en recherchant à appréhender le fait culturel. L'examen de cette première étape suscite certaines réflexions sur la prochaine étape du procès qui est la prise de décision. A savoir comment est-ce que le juge désireux de prendre en compte la diversité culturelle parvient-il à articuler cette diversité avec la norme internationale ?

Cette tentative n'est-elle pas vouée à l'échec ? Compte tenu du fait qu'il est face à une culture dont il n'a pas toujours une bonne connaissance. Il est à redouter que cela lui causer de réelles difficultés qui, par conséquent, pourraient le conduire à se confiner dans l'application stricte du droit. Ce qui remettrait en cause l'intérêt de prendre en compte la diversité culturelle.

La question au centre de notre réflexion est celle de savoir si la non prise en compte par la norme internationale et ensuite par le juge - qui rencontre des difficultés - de la diversité culturelle ne pourrait pas compromettre la validité de la justice internationale ?

III- LA CONDUITE DE L'ETUDE

Pour mener à bien cette étude, nous partirons de la présentation des hypothèses de travail qui découlent de la formation de notre problématique (A) au processus méthodologique (B) pour aboutir à l'élaboration du plan (C).

A- LES HYPOTHESES DE TRAVAIL

Il faut partir du principe selon lequel la culture est le fondement irréfutable du droit. C'est d'elle que se forment des normes, que sont élaborés des principes. Le droit et la culture sont donc étroitement liés. Cependant, il faut rappeler que la norme internationale, n'a pas pris en compte les cultures dans leur diversité, elle est calquée sur un modèle culturel occidental.

Le juge qui se doit d'appliquer cette norme est face à une situation culturellement particulière. Et il ne saurait comprendre cette situation en dehors du cadre culturel précis dans lequel elle s'est déroulée. Ce n'est pas un impératif, c'est un souci de bonne justice. L'hypothèse centrale de cette étude est la suivante: la non-prise en compte de la diversité culturelle tant par la norme que par le juge pourrait compromettre la validité de la justice internationale.

Cette hypothèse dépasse le strict cadre du procès et nous renvoie à la norme internationale. Ce qui suscite des réflexions sur la validité de cette dernière et sur de possibles aménagements, qui ressurgiraient indéniablement sur le procès.

Il ressort de cette hypothèse centrale que le juge pourrait rencontrer des difficultés réelles dans ce processus d'appropriation. Ainsi est formulée la première hypothèse secondaire.

C'est en mettant en évidence ce lien entre le droit et la culture que nous allons examiner l'intérêt, le comportement et les moyens à la disposition du juge, pour lui permettre de s'approprier les faits culturels qui constituent les circonstances d'une affaire. Dans cette première étape les indicateurs sont : la communication, les traditions, l'histoire, le dialogue et l'intériorisation.

L'autre hypothèse serait celle de dire que ces difficultés pourraient le pousser à se confiner dans l'application stricte du droit. L'examen de cette seconde hypothèse tournera autour des indicateurs suivants : la norme internationale, la norme interne, l'interprétation et l'application du droit.

B- LE PROCESSUS METHODOLOGIQUE

Il s'agit ici de présenter les différents procédés scientifiques que nous avons utilisés pour mettre au point ce travail de recherche.

Ø Les méthodes d'analyses

Deux méthodes d'analyse nous permettrons de répondre aux exigences de notre problématique 

a. La méthode stratégique

Cette méthode d'analyse consiste à examiner les moyens que se donne un individu au sein d'une organisation afin d'atteindre certains objectifs précis. Il s'agit d'analyser la conduite, le processus et les stratégies qu'utilise un individu pour parvenir à un résultat, de même que pour prendre une décision.34(*)

Cette méthode paraît mieux s'adapter au thème et précisément à la problématique qui en découle. En effet, il s'agit d'examiner le comportement du juge, les méthodes et les stratégies qu'il emploie pour s'approprier des situations qui lui sont parfois étrangères (n'ont rien à avoir avec lui). Aussi, les stratégies qu'il utilise pour en faire une interprétation juridique, ainsi que les dispositions qu'il prend pour appliquer le droit à ces situations spécifiques.

b. La méthode systémique

Cette méthode consiste à définir des systèmes et à étudier les interactions qui existent au sein d'un organisme, c'est-à-dire les comportements et les changements. La recherche systémique a pour objectif de construire un modèle ou un cadre théorique adapté à l'analyse du système socioculturel. Il s'agit d'étudier non plus les organisations mais plus généralement des situations caractérisées par des relations de pouvoir au sein des contraintes systémiques.

Cette méthode nous a servi à l'étude des systèmes juridiques, des systèmes à l'intérieur des juridictions internationales (et internes dotées de compétence universelle). Mais aussi d'analyser les éventuels changements qui peuvent s'y opérer, compte tenu de l'évolution et des difficultés pratiques que nous allons rechercher.

Ø Les techniques de recherche

Deux techniques nous permettent dans le cadre de cette étude, de rassembler les éléments nécessaires à la compréhension et à la construction de notre travail. Il s'agit de la recherche documentaire et de l'entretien.

a. La recherche documentaire

La recherche documentaire est la technique de recherche la plus utilisée, mais aussi la plus efficace, car elle permet de manière très pratique de consulter certains ouvrages (généraux et spécifiques) et documents divers (des revues jusqu'aux journaux), pour y obtenir un aperçu sur les questions que l'on se pose dans cette étude. La recherche documentaire a été d'un grand apport dans ce travail, elle a avant tout permis la construction de notre revue de littérature.

Elle consiste au-delà de la recherche que l'on peut dire «  en bibliothèque », à rechercher sur Internet des informations plus récentes. Cette autre technique nous a beaucoup servi compte tenu de l'actualité des différentes questions de notre thème.

b. L'entretien

Ce sont des travaux de recherche que l'on effectue auprès d'un professeur ou même d'une population cible quelconque. Nos entretiens ont cependant essentiellement eu pour cible des enseignants de l'Université Catholique d'Afrique Centrale, de l'APDHAC. Il s'est agi de discuter et d'interroger les enseignants sur un certain nombre de questions se rapportant à notre étude, afin d'obtenir certaines orientations pertinentes permettant l'élaboration d'une réflexion scientifique appropriée.

C- JUSTIFICATION DU PLAN

L'intérêt de cette étude réside dans la démonstration des difficultés que rencontre le juge international dans la traduction et l'interprétation de réalités culturelles particulières. La démonstration de nos hypothèses se fera en deux parties.

C'est ainsi que nos analyses commencent par une étude du procès pénale international en se focalisant sur des cas jurisprudentiels précis. Toute cette présentation tourne autour du déroulement du procès international, dans lequel nous essayons d'examiner le comportement du juge international face à la diversité culturelle (Première partie). Cette première partie est elle-même articulée, en deux grands chapitres.

La seconde partie de notre travail consiste, suite à l'examen minutieux des difficultés que rencontre le juge international, à tenter de répondre à la question de la remise en cause du procès international tout, en recherchant des alternatives permettant d'alléger les difficultés du juge international. (Deuxième partie).

Première Partie : LE JUGE INTERNATIONAL FACE A LA DIVERSITE CULTURELLE

Le juge international face à la diversité culturelle se trouve dans une situation quelque peu incertaine. Il est parfois totalement ignorant des réalités culturelles en cause, c'est pourquoi il accorde de l'intérêt à les faire siennes. C'est ainsi que, nous allons examiner dans un premier chapitre, l'appropriation du fait culturel par le juge, avant d'analyser l'implication de cette appropriation dans la prise de décision, dans un second chapitre.

Nous allons étudier la question de la diversité culturelle dans le cadre de trois types de procès. Il faut donc noter que les différents cas ont été choisis en fonction de leur pertinence. La présentation des différentes étapes du procès ne se fera pas en ne s'appuyant que sur un seul cas, car le but n'est pas de présenter les étapes d'un procès, chose connue de tous, mais bien de présenter l'incidence de la diversité culturelle dans chacune des étapes.

CHAPITRE I : L'APPROPRIATION DU FAIT CULTUREL PAR LE JUGE

Il s'agit ici d'analyser comment s'opère cette appropriation et par quels moyens le juge parvient à entrer en contact avec les réalités culturelles en cause.

Section 1 : Le juge et l'appropriation de la situation culturelle

Ce qu'il faut préciser avant tout est qu'il ne s'agit pas ici de l'appropriation d'un fait de culture quelconque, mais plutôt d'un fait-violation des droits de l'homme- qui s'est déroulé dans un cadre culturel bien précis. Le premier contact avec ce fait, se fait par le biais de la communication et du dialogue (Sous-section 1) et en découvrant les réalités historiques et traditionnelles qui en constituent le cadre (Sous-section 2).

Sous-section 1 : Communication et dialogue

Cet examen se fera dans le cadre des trois différents procès qui constituent le terrain de notre étude. Nous nous intéresserons pour une meilleure illustration aux affaires portées devant les Tribunaux pénaux internationaux.

A- La communication

Devant les Tribunaux pénaux internationaux, c'est le procureur qui engage la procédure, c'est lui qui rassemble tous les éléments de preuve qu'il soumet à l'appréciation du juge.35(*) Dès cet instant s'opère le premier contact avec la réalité culturelle des faits. C'est l'étape de la communication, qui se fait par les dépositions des témoins et l'audition de l'accusé.36(*)Ces dépositions sont d'une grande importance parce qu'elles permettent de se faire une idée sur le cadre des faits.37(*)Les rapports, les mémoires des parties sont également des moyens qui permettent au juge de percevoir la situation, de comprendre de qui il s'agit avant même de répondre à la question de quoi il s'agit. Parce qu'en fait le but du jeu est de savoir « qui » pour mieux qualifier juridiquement « quoi »? C'est là aussi une exigence de reconnaissance. La reconnaissance de l'identité des personnes en présence. L'identité qui est bien la perception qu'elles se font d'elles-mêmes et des caractéristiques fondamentales qui les définissent comme êtres humains.38(*) Cette exigence de reconnaissance dont on a reproché l'insuffisance (ou mieux l'absence) au « législateur international »39(*) et dont on attend réparation du juge international.

A l'audience, le juge joue le rôle d'arbitre, « ce sont les parties qui présentent leurs éléments de preuve (...) le procureur interroge ses témoins qui sont ensuite « contre interrogés» par le conseil de l'accusé (article 85 RPP). Puis il en est de même pour les témoins de la défense » Ces différentes communications lui permettent de s'approprier le fait culturel. Il procède ainsi à la reconnaissance des particularismes culturels se présentant à lui. Toutefois, son rôle ne se limite pas à l'arbitrage, car comme il doit juger, donc prendre une décision, il se doit de tout mettre en oeuvre pour faire ressurgir la vérité. A ce stade le juge peut déjà être confronté à des difficultés. En effet, le constat est qu'il y a souvent contradiction entre les dépositions et les témoignages à l'audience. Les exemples les plus probants sont les premières affaires des Tribunaux pénaux internationaux, notamment l'affaire Tadic, devant le TPIY et l'affaire Akayesu devant le TPIR.40(*) Pire encore, il n'est pas toujours facile de comprendre le sens des dépositions et des témoignages lorsque les parties qui parlent une autre langue utilisent des expressions différentes, à la première et à la seconde étape.

Dans l'affaire Bagilishema, devant la chambre de première instance du TPIR, le juge a fait preuve d'un discernement important. Suite à l'examen des témoignages et dépositions assez floues d'un témoin, que la chambre nomme le témoin AC, le Tribunal conclut que ce témoignage ne pouvait constituer un élément de preuve permettant que soient retenues les charges de génocide et de crime contre l'humanité dont doit répondre l'accusé. En effet, son témoignage est contradictoire, elle ( il s'agit d'une femme) dit tantôt que le « bourgmestre a(vait) dépêché des policiers » sans préciser comment elle a obtenu l'information. Elle pense que ces policiers avaient été envoyés pour les tuer mais dit quelque part qu'ils avaient tiré en l'air.41(*) Ce genre de situations peut, soit découler de l'incertitude du témoin, du fait qu'il fait un témoignage subjectif, soit des difficultés de traduction comme nous l'avons évoqué plus haut. Mais toujours est-il  qu'il n'est pas facile de faire ressurgir la vérité dans cet amas de confusions.

B- Dialogue et traduction

Le dialogue en cours de procès est l'étape suivante au cours de laquelle le contact paraît encore plus complexe, tout le problème réside dans le langage. Le juge ne parle pas la langue des parties, les parties ne parlent pas la langue du juge. Le seul moyen à ce stade qui permette la communication est la traduction. Mais encore la traduction, elle-même pose de sérieux problèmes malgré les efforts qu'essaye de fournir le juge. Dans l'affaire Akayesu, l'interrogatoire de l'accusé Jean Paul Akayesu, illustre clairement cette difficulté.

Le procès verbal d'audience de l'affaire Bagosora démontre également ces difficultés. Il est à remarquer dans cette affaire que les transcriptions en français ne répondaient pas à celles déjà effectuées du kinyarwanda à l'anglais. La chambre de première instance a informé qu'il fallait corriger ces erreurs. Ce genre de difficultés peut conduire à dénaturer une affaire et à lui faire perdre de toute sa substance.42(*)

La traduction et l'interprétation constituent deux difficultés réelles auxquelles se trouve confronté le juge. En plus du fait qu'il se doit de rétablir la vérité, donc de comprendre ce qui s'est réellement passé, l'obstacle que constitue le langage, oblige qu'il rétablisse la vérité dans cette contradiction croissante entre les différents témoignages et entre les dépositions et les déclarations à l'audience. Nous examinerons clairement cette situation dans le prochain chapitre. Un auteur contemporain disait, « toute traduction est une trahison », ce qui exprime qu'il y a toujours une part de vérité qui s'envole lorsqu'il faut traduire, les paroles de quelqu'un. Cette assertion s'applique clairement au procès international où on n'est jamais certain que la traduction faite par le traducteur, rapporte véritablement le sens de l'expression de la personne qui parle.

L'autre constat qui ressort de ce fait est qu'il n'est pas facile pour le juge de définir, et de comprendre le sens des expressions particulières, propres à une langue et par conséquent précises, qui pourtant se trouvent au centre même de l'affaire. Dans l'affaire Bagilishema, on constate clairement les difficultés qu'a rencontrées le juge pour donner un sens avec des mots anglais et français à l'expression « Interahmwe ». La décision indique en effet : « Le terme Interahmwe désigne habituellement l'aile jeunesse du MRND. En l'espèce toutefois certains témoins ont confondu Interahmwe, Abakiga et citoyen de Mabanza. »43(*)Pour en comprendre le sens véritable, il lui a fallu examiner différents témoignages, écouter différents témoins et experts. La difficulté se trouve encore renforcée par le fait que les explications des témoins s'avèrent partagées. Ce qu'il faut comprendre c'est que tout le problème réside dans le fait que la langue des déposants, le kinyarwanda, est bien difficile à traduire. Il faut dire qu'il existe des expressions dans les langues africaines qui trouvent difficilement d'équivalents en français ou en anglais. C'est une difficulté qui peut conduire le juge à faire une mauvaise interprétation des faits.

Force est de relever que la traduction et l'interprétation sont l'une des causes fondamentales de la lenteur et de la longueur des procédures devant les tribunaux pénaux internationaux. Cette question sera examinée dans la seconde partie de notre étude, lorsqu'il s'agira d'évoquer l'avenir de la justice pénale internationale.

Sous-section 2 : Références historiques et pratiques sociales

Les cas qui se présentent au juge international sont d'une pertinence telle qu'il lui est nécessaire de repartir jusqu'aux origines et aux causes lointaines du conflit. Et aussi d'examiner les pratiques sociales propres à la société, et à l'Etat dont sont ressortissantes les parties en présence.

« Pour situer dans leur contexte les éléments de preuve liés aux chefs d'accusation cités dans l'acte d'accusation, et notamment au premier d'entre eux (persécution), il importe d'évoquer au préalable, le cadre historique, géographique, administratif et militaire dans lequel se situent les faits visés par les éléments de preuve »44(*) Tel est l'explication que donne le TPIY dans l'affaire Tadic, pour justifier l'intérêt de tenir compte de l'histoire de l'ex-Yougoslavie. En fait, le but est de comprendre d'où remonte les tensions, de comprendre le cadre culturel dans lequel elles se sont produites afin de faire une bonne analyse des faits.

Cependant, on pourrait se poser la question de savoir : le juge ne part-il pas d'hypothèses subjectives, qu'il tient à confirmer en retraçant l'histoire de la Bosnie- Herzegovine ? La présentation de cet historique a été longtemps critiquée. A lire ces quelques pages, on a le sentiment que le juge veut démontrer que seuls les Serbes sont à l'origine des massacres, pourtant l'histoire nous révèle bien qu'à un moment ils se sont entretués (Serbes et Bosniaques)45(*)

Au-delà de toutes ces divergences d'opinion sur les questions de présentation de l'historique dans l'affaire Tadic, il est important de se rappeler « que les juges internationaux (à Arusha comme à La Haye) jugent une période de l'histoire qui n'est pas la leur »46(*) C'est vrai qu'on a l'impression qu'ils se contentent parfois d'une simplification extrême de l'histoire, mais peuvent-ils seulement faire autrement ? Retracer l'histoire est un impératif pour rappeler et ramener le contexte des événements. Et malgré les efforts que le juge ne cesse de fournir, il n'est pas évident qu'il parvienne à retracer parfaitement le cadre historique. Il vaudrait peut-être mieux, pour obtenir un résultat, leur accorder cette extrême simplicité, et d'être influencé par ce qu'ils savent en tant qu'individu, en tant qu'être de culture.

Dans l'affaire Tadic, le juge découvre que les tensions entre les trois grands groupes ethniques en Bosnie-Herzégovine ( les Bosniaques, les Serbes et les Croates) partent des divisions religieuses, et qu'en fait le désir de domination d'une ethnie sur l'autre est né de ces divisions. Le juge pour le démontrer utilise des tournures parfois trop simplistes, « toutefois, ce pays, issu d'un mariage difficile de deux conceptions mal appariées, devait subir de fortes tensions ethno nationales entre les deux guerres »47(*) Il s'agit là d'une analyse et celle-ci démontre combien le juge est loin de la situation, quand bien même il fournit l'effort nécessaire pour s'en approprier.

En outre, il y a de nombreuses autres questions qui dépassent l'entendement du juge. Des questions face auxquelles il se trouve sérieusement en difficulté. Il est des comportements, des agissements dans les faits, qu'il n'arrive pas à expliquer justement parce qu'ils sont très loin de ses moeurs et de sa culture. Lorsque le juge utilise des expressions comme, « il semble que », cela démontre clairement son incertitude sur les faits, incertitude qu'il comble apparemment par ses points de vue.

Il se demande pourquoi les Serbes s'en prennent aux monuments croates. Pourquoi les Croates détruisent-ils les Eglises orthodoxes? Ce sont des questions qu'il est difficile de résoudre, des questions qui relèvent purement de l'histoire et de la culture des parties au conflit. Comment est-il possible que le juge international réponde à ces questions sans subjectivisme ? On se demande finalement, jusqu'où peut aller le juge? A ce stade, ne pourrait-on pas penser qu'il devient tout. Ou encore que ce genre de comportement pourrait conduire à l'arbitraire. C'est ce que nous allons essayer d'examiner dans la suite de notre travail.

Section 2 : L'interprétation des faits et l'application du droit

Nous examinerons dans une première sous-section comment le juge procède pour faire une interprétation des faits qui se sont déroulés dans un contexte culturel précis (§1) avant d'examiner l'analyse qu'il en fait (§2).

Sous-section 1 : L'interprétation des faits 

L'étape de rassemblement des éléments et d'observation des faits passée, le juge devra procéder à une interprétation des faits, il s'agit en fait de qualifier juridiquement les griefs soumis à son appréciation. L'analyse de cette interprétation se fera selon que nous nous trouvons devant les juridictions belges de compétence universelle et devant les comités de protection des droits de l'homme.

A- Devant les juridictions belges

« La compétence pénale d'une juridiction nationale est dite `universelle' quand elle s'étend en principe, à des faits commis n'importe où dans le monde et par n'importe qui ; lorsque par conséquent, un tribunal que ne désigne aucun critère ordinairement retenu- ni la nationalité d'une victime ou d'un auteur présumé, ni la localisation d'un élément constitutif d'infraction, ni l'atteinte portée aux intérêts fondamentaux de l'Etat- peut cependant, connaître d'actes accomplis par des étrangers, à l'étranger ou dans un espace échappant à toute souveraineté. Pour que s'exerce cette compétence, il suffit théoriquement, des hasards d'une arrestation, d'une plainte ou d'une dénonciation. »48(*)Mais aussi que l'Etat qui engage la procédure se soit préalablement doté d'une Loi de compétence universelle. C'est le cas de la Belgique avec la Loi du 10 février 199949(*), relative à la répression des violations graves du droit international humanitaire, dite «  compétence universelle ». Cette loi a donc attribué compétence aux juridictions belges à se prononcer sur le Génocide Rwandais en 2001. Si l' « on s'accorde à reconnaître que le procès, dont on avait souvent dit qu'il serait celui de tous les dangers, a été un modèle de justice sereine ... »50(*), cela n'exclut pas les difficultés rencontrées par les juges tout au long du procès.

En effet, il faut reconnaître que le procès du Génocide, comme le désignent les journalistes, a été le terrain de toutes les confrontations et difficultés dues aux diversités culturelles. Le juge Damien Vandermeerch51(*)se trouve dans une situation particulièrement difficile, il juge une période de l'histoire qui n'est pas la sienne. Malgré les efforts qu'il engage, il se trouve très limité. Comment parvenir à interpréter des faits si lointains. Comment optimaliser le pari de la vérité dans ce tourbillon d'incertitude ? On retrouve, parmi les avocats, les spécialistes, les experts, les sociologues convoqués à l'audience, des personnes elles-mêmes impliquées dans le génocide52(*). Tel fut le cas de Mathias Ruzindana, expert en sociolinguistique, contre qui la défense s'était farouchement opposée devant le TPIR dans le procès des anciens responsables « des médias de la haine » en mars 200053(*). Les rapports d'audience, mais aussi les médias, ont présenté l'atmosphère assez lourde dans laquelle se déroulait le procès. «...Le juge s'adresse aux jurés dans un langage simple et direct ...le juge d'instruction explique qu'il est lui aussi tenaillé par la crainte de condamner un innocent. Il est lui aussi soumis aux aléas de l'interprétation et de la traduction »54(*) La peur de se tromper est croissante dans ce tumulte et il est bien à craindre que le juge incapable de trouver une issue dans ce climat d'incertitude ne trouve refuge dans la seule technicité du droit.

L'une des difficultés qui se présentait au juge dans cette affaire était bien celle de condamner. Pourtant, les témoignages et les autres preuves rapportées ne faisaient aucun doute aux griefs portés contre les accusés. Mais, il est des faits difficiles à admettre pour un juge national, en l'occurrence le juge belge. L'on constate à ce stade la confrontation entre deux cultures, la culture du juge et celle des parties en présence. C'est justement l'influence de sa propre culture qui le freine dans l'interprétation de la situation. Il recherche une signification à ces comportements.

Enfin, il est bien difficile de scinder le procès du génocide et le procès des accusés, il n'est pas aisé de se faire une opinion sur les faits. Toutes ces péripéties ont rendu bien difficile l'interprétation des faits. En effet, l'on remarque dans la décision de la Cour d'assises qu'il y est fait simplement un report des actes d'accusation, sans pour autant qu'une interprétation claire y soit portée. On se demande finalement si le juge a tenu compte du cadre de terreur dans lequel se trouvaient les accusés ? Où est l'intérêt que le juge accorde à la diversité culturelle dans ce procès ? Des difficultés trop grandes l'ont conduit à se réfugier dans la technicité du droit, las de rechercher une compréhension tenant compte du cadre culturel du génocide.

Finalement, n'est-il pas logique de penser comme le professeur Verhoeven que :  « la compétence universelle est une farce »55(*). Le juge belge est compétent de par la norme - la loi de compétence universelle- mais est-il véritablement compétent, lorsqu'il est lui-même sidéré et ébahi par l'ampleur et la cruauté des massacres ; lorsqu'il n'arrive pas à imaginer les récits que lui rapportent les témoins qui passent devant lui à tour de rôle. Ce, simplement parce que d'après sa culture un homme ne saurait être capable d'autant de cruauté. Comment est-il possible dans de telles situations, qu'un juge soit impartial ? Son interprétation se limite finalement à copier / coller le droit dont il sait si bien se servir, sans plus rechercher à répondre aux mille et une questions qui lui taraudent l'esprit. La décision à prendre dans ces conditions pourrait-elle être considérée comme un vrai dire le droit ?

B- Devant les Comités des droits de l'homme

La diversité culturelle est autant présente devant les Tribunaux que devant les différents Comités et Commissions de protection des droits de l'homme. En effet, ceux-ci sont chargés de contrôler la mise en oeuvre des conventions internationales par les Etats les ayant ratifiées56(*). Toutefois, il reste encore qu'on ne peut refuser ou exclure un certain particularisme reconnu aux Etats, encore que, les droits de l'homme ne sauraient avoir une interprétation unique dans le monde entier. Comme nous l'avons vu avec Bedjaoui: « Chaque homme, chaque communauté, récite le répertoire des droits de l'homme avec son propre accent, en fonction de ses acquis et de ses besoins, à la lumière de ce qu'il attend, et avec sa propre perception changeante du prix qu'il attache, suivant le lieu et le moment, au droit à préserver ou au droit à revendiquer. »57(*) La situation distincte des Etats ne saurait permettre une application identique des droits de l'homme.

Il est intéressant d'aborder cette question en examinant la dignité humaine en tant qu'elle constitue le socle même de l'universalité des droits de l'homme.58(*)S'il est vrai que tout être humain, dans n'importe quelle partie du monde est reconnu avoir une dignité, la perception que chacun a (au fond) de cette dignité pourrait poser problème. Car il est irréfutable que la perception de l'expression « dignité humaine » est diverse d'une partie à l'autre des cinq continents, compte tenu de la diversité culturelle.

En outre, si « dignité humaine » implique égalité de sexe, peut-on dire que l'humanité entière ait convenu sur le sens de ce nouveau concept « égalité » ? Il faut admettre que ces concepts, au-delà du fait d'avoir été proclamé et reconnu universellement, demeurent un terrain de désaccord dans le domaine des droits de l'homme. En se fondant sur ces réflexions, nous comprenons combien la diversité culturelle, au-delà de toute proclamation d'universalité, reste la question centrale des droits de l'homme. C'est ainsi qu'il est immanquable que le juge international devant les Comités de protection des droits de l'homme ne soit confronté à des difficultés pratiques dans ce sens.

Sur les questions d'égalité de sexe et de discrimination, les peuples africains sont loin de partager le point de vue européen. Certaines discriminations à l'égard des femmes sont estimées normales dans certaines sociétés africaines. Comment alors le juge peut-il protéger un individu contre ce sur quoi celui-ci ne s'estime pas lésé? Comment le juge peut-il parvenir à articuler cette perception dérivant d'une culture, avec les normes internationales en cause ?

Le comportement africain pourrait simplement être qualifié de distinction, c'est-à-dire que, c'est pour montrer la différence qui existe entre les deux sexes, que certains principes discriminatoires existent dans les traditions africaines. En effet, comme l'écrit un juriste contemporain : « toute distinction n'est pas forcément discriminatoire et l'égalité de traitement n'est pas synonyme d'identité de traitement »

On pourrait s'interroger sur l'attitude du juge face au traitement infligé à certaines femmes dans certaines coutumes africaines. En s'appuyant sur la norme le juge pourrait estimer qu'une femme battue par son mari est victime de violation au regard de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes59(*). Cependant, dans ces sociétés, ce mal se trouve être un mal nécessaire. En effet, des sondages effectués auprès des femmes au Congo ont révélé que huit femmes sur dix estiment qu'il est tout à fait normal qu'un homme batte sa femme, et que ce la fait partie des rapports normaux dans un foyer conjugal.60(*) Comment, un juge international peut-il apprécier ce genre de particularisme ? Devrait-il considérer ce phénomène comme normal, et comme constituant l'identité propre à cette société ? Lorsque l'on sait que toute atteinte à l'intégrité physique, peut entraîner des conséquences néfastes sur la santé de la victime, donc porter atteinte au droit à la vie qui est l'un des droits le plus important.

Etre digne, est-ce être libre d'user à son aise de son corps ? Si les Européens libertariens estiment que l'homme est libre de faire ce qu'il veut de son propre corps, les Africains, eux sont encore très réservés sur cette question. En effet, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples avait été saisie par William Courson sur les discriminations qu'opérait la législation du Zimbabwe à propos des homosexuels.61(*) Bien que cette plainte ait été retirée par son auteur, l'un des commissaires rapporteurs déclara qu'« en raison de la nature délétère de l'homosexualité, la Commission saisit cette occasion pour faire une déclaration sur la question. Bien que l'homosexualité et le lesbianisme aient obtenu droit de cité dans certaines parties du monde, il n'en est pas de même en Afrique. L'homosexualité est une offense à la dignité et à la moralité en Afrique, elle est incompatible avec les valeurs africaines positives. »62(*) Face à ce genre de cas, le juge est partagé entre l'application des articles 2 et 3 de la Déclaration des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales du 20 novembre 196363(*), remettant ainsi en cause l'éthique et la morale africaine et, protéger les valeurs africaines en rappelant comme l'a fait ce rapporteur, les valeurs culturelles africaines. On peut estimer que si l'Europe appelle «  dignité humaine », le droit de faire librement, le droit d'agir librement, l'Afrique elle considère la dignité humaine comme le droit de ne pas faire ce qui pourrait de « son point de vue » ( du point de vue africain), avilir.

Cela nous reporte à toutes les critiques portées à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, pour avoir attribué à l'homme en plus des droits, des devoirs. Pourtant, cet élément, il faut le reconnaître fait la particularité et l'originalité même de la Charte africaine. Il exprime simplement qu'au-delà du fait d'avoir des droits, l'Africain a des devoirs envers les valeurs coutumières et traditionnelles, qui font son identité.

En Europe, la question du statut et de la nouvelle identité sexuelle des transsexuels, s'est posée avec beaucoup d'acuité, devant la Cour européenne des droits de l'homme. La Cour après des difficultés certaines « a fini par imposer aux pouvoirs publics la reconnaissance de la nouvelle identité sexuelle des personnes concernées »64(*)O n pourrait se demander si la Cour a effectivement le droit de remettre en cause des agissements qui relèvent proprement de la morale et de l'éthique donc de la culture d'une société. Jusqu'où devrait aller le pouvoir du juge international ? Cette décision de la Cour européenne des droits de l'homme ne porte t-elle pas atteinte au droit à la culture ? Dans cette décision du 25 mars 199265(*), le juge utilise le droit à la vie privé66(*) pour garantir le droit aux transsexuels d'être reconnus officiellement.

Une autre question intéressante se pose, à savoir, comment les comités de protection des droits de l'homme devraient-ils juger des affaires se rapportant aux droits de certains groupes religieux. La Cour européenne des droits de l'homme a été amenée à se prononcer sur le refus d'accorder le visa de distribution d'un film vidéo jugé blasphématoire, dans l'affaire Wingrove contre Royaume Uni67(*). Il n'a pas été facile pour le juge de se prononcer sur cette question, d'autant plus qu' « en matière de morale, les pays européens n'ont pas une conception uniforme des exigences de protection contre des attaques à des convictions religieuses »68(*). C'est pourquoi dans le cas espèce le juge va observer la législation anglaise sur les restrictions à la liberté d'expression. Il va finalement se prononcer en faveur des autorités ayant pris la décision faisant grief, en reconnaissant toutefois que compte tenu des divergences en la matière, les autorités nationales étaient mieux placées pour apprécier «  l'impact probable d'un tel film »69(*). Les obstacles que le juge international rencontre dans sa mission, ressortent clairement dans cette décision. Mais est-il seulement possible qu'une haute instance renvoi une affaire vers une juridiction nationale pour incompétence, dans la mesure où le principe d'épuisement des voies de recours internes, indique bien que la victime n'a pu obtenir gain de cause devant la justice de son Etat. Et encore que les juridictions internationales sont supérieures aux juridictions internes. Le problème est à prendre avec beaucoup d'intérêt.

Sous-section 2 : Confrontation de cultures dans l'application de la loi

L'analyse des faits par le juge est l'étape du procès qui met très fortement en confrontation les cultures en présence. Le juge est à ce stade très influencé par sa propre culture et donc tenté de se réfugier dans ses propres convictions, lorsqu'il ne parvient pas à comprendre les cultures en face de lui. Doit-on reprocher à un juge de décider selon son point de vue, lorsque l'on sait qu'il dispose d'un pouvoir discrétionnaire et d'une ferme conviction dont on ne saurait lui reprocher, même en tant qu'être humain.70(*)Toutefois, il faut reconnaître que ce simple fait crée un remous dans le contexte du procès international, car cela pourrait dénoter d'un refus de prendre en compte la diversité culturelle.

Il n'est pas facile à un juge d'analyser les faits d'une affaire en tenant compte des particularités qu'il ne connaît, pas toujours suffisamment. Mais cela n'exclut pas qu'il cherche à prendre en compte l'identité des personnes en cause. Dans l'affaire Bagilishema, ce qu'il y a de particulièrement intéressant c'est que le juge, s'engage à examiner la bonne conduite et le bon caractère de l'accusé, Ignace Bagilishema, il y consacre tout un chapitre dans sa décision71(*). S'il est vrai que le juge ne fait qu'application de l'article 26 § 2, qui lui recommande de tenir compte «...de la situation personnelle de l'accusé », cet élément apporte tout de même la preuve incontestable de la reconnaissance de l'autre et de son acceptation en tant qu'être humain. Et au-delà des griefs portés contre lui, tant qu'il n'y a pas de preuves, le juge persiste à croire qu'il est toujours possible qu'il soit de bonne foi. Il applique l'incontournable principe de la présomption d'innocence. Ce principe est consacré par l'article 21§3 du Statut du TPIY, et 22 § 3 de celui du TPIR. En effet, même si le gouvernement rwandais a longtemps critiqué cette décision, parce qu'elle prononce le premier acquittement du Tribunal depuis sa création, il faut reconnaître que le juge a couru de nombreux risques, notamment celui de la crainte de condamner un innocent. Au Rwanda personne ne s'attendait à ce que le TPIR prononce un jour un acquittement, c'est dans ce sens que François Xavier Nsanzuwera écrit :  « ...il est bien difficile de scinder procès du génocide et procès des accusés. »72(*) Parce qu'en fait tant que les éléments de preuve présentés ne suffisent pas à convaincre le juge, la culpabilité peut toujours être remise en cause. C'est donc que malgré les difficultés croissantes le juge donne le meilleur de lui-même pour parvenir à un résultat satisfaisant. Lorsque l'on examine l'affaire Bagilishema, on s'aperçoit combien le juge accorde de l'intérêt à déterminer et à analyser la bonne moralité de l'accusé, nous observons également avec quel intérêt il reçoit les différents témoignages. Dans cette affaire, des témoignages assez négatifs ont été soumis à son analyse : « c'est un homme qui est resté bourgmestre pendant quatorze ans. Vu l'histoire du Rwanda, il faut beaucoup de brio pour arriver à rester bourgmestre pendant aussi longtemps », ce témoignage visait à démontrer que l'accusé était  « un élément majeur de la chaîne au pouvoir pour l'exécution des politiques... » du génocide.73(*) Il s'agit là bel et bien d'éléments qui caractérisent la culture rwandaise, on dirait même africaine. Les gens sont loin de penser qu'un individu puisse garder un poste plus de dix ans, sans avoir un rôle majeur, sans être partisan actif du pouvoir en place. Ce sont des questions sociales intégrant pleinement nos cultures africaines.

Cependant, dans le cas espèce le juge n'en a pas tenu compte. Et cela pose un réel problème. En effet, doit-on se contenter de tenir compte des particularismes culturels, et écarter la règle de droit sur les éléments de preuve ? S'il faut mettre en application cette proposition, il y a lieu de s'interroger sur l'effectivité de la reconnaissance dont nous a parlé Charles Taylor et évaluer la problématique qui pourrait résulter d'une reconnaissance excessive. On se pose alors la question de savoir si la reconnaissance des particularismes ne conduit pas à un certain favoritisme, voire même à une discrimination. Dans le cas espèce, il faut relever que si la juge s'était contenté de ces témoignages qui, bien que traduisant clairement les conceptions rwandaises donc la culture de ce pays, ne constituent en fait pas toujours la vérité ; il aurait fait fausse route et aurait fini par condamner un accusé. En l'espèce, suite à l'analyse de ces éléments de preuve, le juge a décidé comme suit :  « La Chambre considère que si l'accusé avait des liens avec le Gouvernement intérimaire de par sa qualité, le procureur n'a pas rapporté la preuve de l'allégation que l'accusé avait été de ce fait partie à une entente criminelle à laquelle il avait délibérément apporté son soutien ou dont il n'avait pas voulu se dissocier »74(*)

On constate clairement qu'au-delà de l'intérêt qu'il peut accorder à l'identité de l'accusé, aux témoignages qualificatifs de la culture en présence, faisant ainsi application du principe de reconnaissance sus évoqué, le juge ne saurait se soustraire des règles du jeu qui sont constitués par la norme internationale, pour analyser un fait quelconque. Le juge international se doit avant toute chose de veiller à la bonne application de la loi. Il protège les droits de l'homme et cette protection est coordonnée par des lois qu'il se doit de respecter. Dans cette affaire si le juge s'en était tenu aux aspects culturels, il aurait fait une victime de plus au génocide.

L'autre élément à examiner est l'impartialité du juge, Pierre Alain Gourion rappelle dans son article « Le travail de l'arbitre international » que : l'arbitre est en principe, un tiers désintéressé puisqu'il veille à traiter les parties sur un pied d'égalité : c'est d'ailleurs une exigence expresse de la loi-type. »75(*) On peut admettre en effet que le juge international est un tiers désintéressé, mais cela suffit-il à affirmer qu'il peut en toutes circonstances rester impartial ? Et paradoxalement, le fait d'être tiers désintéressé ne constitue t-il pas enfin de compte un véritable obstacle, dans ce sens où, il ne verrait plus aucun intérêt à rechercher la vérité qui lui est si éloignée et dont les différentes brèches ne sont parfois que machination.

CHAPITRE II : LE JUGE INTERNATIONAL, LA DIVERSITE CULTURELLE ET LE SORT DES ACCUSES

Dans ce chapitre nous allons examiner l'implication de la diversité culturelle dans la décision du juge, avant d'analyser les incidences que peut avoir une stricte application de la norme internationale.

Section1 : L'implication de la diversité culturelle dans la décision du juge.

La diversité culturelle a une influence certaine sur la décision du juge. Nous allons examiner cette influence tantôt dans l'application des circonstances atténuantes (§1), tantôt dans l'application des circonstances aggravantes (§2).

Sous-section1 : L'application des circonstances atténuantes 

Ce qui nous intéresse ici se sont les circonstances atténuantes car ces conditions touchent essentiellement à la situation personnelle de l'accusé (article 24 § 2) qui dispose : « En imposant toute peine, la chambre de première instance tient compte de facteur tels que la gravité de l'infraction et la situation personnelle du condamné »76(*)

On constate que dans certaines décisions le juge a pris en compte la qualité personnelle du condamné pour prononcer sa peine. Le cas intéressant que nous allons examiner ici est l'affaire Jean Kambanda, particulièrement la décision de la chambre d'appel du TPIR. L'article 101 du Règlement de procédure et de preuve dispose :

« Toute personne reconnue coupable par le Tribunal est passible de l'emprisonnement pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement à vie.

Lorsqu'elle prononce une peine la chambre de première instante tient compte des dispositions prévues au paragraphe 2) de l'article 24 du Statut, ainsi que :

i) de l'existence de circonstances aggravantes,

ii) de l'existence de circonstances atténuantes, y compris le sérieux et l'étendu de la coopération que l'accusé a fourni au procureur avant ou après sa déclaration »

Dans cette affaire l'accusé arguait le fait pour la Chambre de première instance de n'avoir pas respecté les dispositions de l'article 101 al ii), car il estimait devoir bénéficier de circonstances atténuantes pour avoir coopéré avec le procureur.

Il faut rappeler que le modèle procédural utilisé par les Tribunaux pénaux ad hoc est celui de la Common law. « Le Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, repris par celui du Tribunal pénal pour le Rwanda, a été préparé par le service juridique des Nations unies et par des juristes formés en droit anglo-saxon »77(*)Nous examinerons de manière plus approfondie l'incidence des règles procédurales dans la prochaine partie. Cependant, ce qui nous intéresse est le fait que le juge ait strictement refusé dans cette affaire de tenir compte de la bonne volonté de l'accusé. D'abord, il faut rappeler que l'accusé avait plaidé coupable et qu'il attendait de ce fait bénéficier de circonstances atténuantes ou mieux de faveurs, qui faisaient partie des clauses du contrat qu'il avait passé avec le procureur.

Même s'il ne s'agissait pas pour le juge de tenir compte du particularisme culturel de l'accusé, le juge n'a pas non plus tenu compte de la diversité culturelle qui s'explique par la méthode utilisée par le procureur. Il faut relever qu'à ce stade la ferme conviction du juge a beaucoup joué, ainsi que l'influence de sa propre culture. Cela pose ainsi le grand problème des diversités culturelles, on se demande ce que le juge applique en fin de compte car cette stratégie utilisée par le procureur nous l'avons vu est reconnu par le Statut. Le juge a décidé d'appliquer les circonstances aggravantes à la place des circonstances atténuantes. Toutefois, il ne faut pas négliger que le juge malgré toutes les exigences de reconnaissances auxquelles il est soumis dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation et qu'il a de ce fait le droit de se fonder sur son intime conviction pour prendre une décision, il est souverain.78(*)

Sous-section 2 : Les circonstances aggravantes

Toujours dans l'examen du cas Jean Kambanda, on constate que le juge refusant de tenir compte de la coopération apportée au procureur par l'accusé, a fait une application bien particulière de l'article 24 du Statut. Pour l'application des circonstances aggravantes le juge a effectivement tenu compte de la situation personnelle du condamné. En effet, l'arrêt stipule :  « Les circonstances aggravantes qui entourent la commission des crimes par Jean Kambanda l'emportent largement sur les circonstances atténuantes qui plaident en sa faveur et que, surtout, le fait que Jean Kambanda ait occupé à l'époque où il commettait lesdits crimes les plus hautes fonctions ministérielles est de nature à définitivement exclure toute possibilité d'atténuation de la peine »79(*)

Le juge international est très attaché à la règle de droit, qu'il tient à appliquer avec beaucoup de scrupule. Les stratégies du Procureur ne lient aucunement le juge, et sa soumission à al loi est telle que les cultures en présence ont parfois très peu d'incidence sur sa décision. Toutefois, il faut relever que le juge agit toujours par intime conviction. En effet, « le jugement de culpabilité doit reposer soit, sur la base de l'intime conviction des juges, soit au-delà d'un doute raisonnable, selon le système qui assure la plus haute protection au principe de la présomption d'innocence en droit national (article 59a, rapport d'une sous commission de la commission des droits de l'homme au Conseil économique et social en 1994)80(*). Ce principe fait essentiellement référence à la liberté fondamentale mais aussi plénière du juge. Encore que dans le cas espèce le juge s'est essentiellement fondé sur le degré de gravité des crimes. Cela est tout à fait logique, car les juges sont très sensibles à la gravité des crimes lorsqu'il fixe les peines.81(*)

Section2 : La diversité culturelle et l'application de la règle de droit.

Il s'agit ici d'examiner les dispositions et la pratique du juge international sur l'application des peines. C'est en fait répondre à la question de savoir sur quels textes juridiques se fonde le juge pour prononcer les peines. La diversité culturelle a t-elle parfois de l'influence à ce stade du procès ?

Sous-section 1 : L'incidence de l'application stricte de la norme internationale

Les articles 24 et 23 respectifs des statuts du TPIY et du TPIR disposent : « La chambre de première instance n'impose pas des peines d'emprisonnement. Pour fixer les conditions de l'emprisonnement, la Chambre de première instance a recours à la grille générale des peines d'emprisonnement appliquées par les tribunaux du Rwanda (ou de l'ex Yougoslavie) »

Il faut dire que cette disposition appliquée par le juge international, présente déjà toutes les limites possibles, qui dénotent le caractère non universel de ces dispositions. En effet ces tribunaux ont été créés par le Conseil de sécurité des Nations unies, et la peine de mort a été abolie par le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Pourtant, le principe de la libre ratification est reconnu par les Nations unies, encore que ce protocole est dit facultatif. Ceci étant, il ne saurait être logique d'imposer aux Etats des principes qu'ils n'ont pas ratifiés en usant simplement des principes dits de droit international. Les restrictions apportées par les articles 24 et 23 suscités, concernent bien l'exclusion de la peine de mort que nombre d'Etats africains n'ont pas ratifié, parce qu'ils la pratiquent et que cette pratique intègre leur culture. Le Rwanda comme la plupart des pays d'Afrique subsaharienne, n'a jamais ratifié ce protocole.82(*) Le tribunal qui est institué, est le fait du Conseil de sécurité de l'ONU, les personnes devant y comparaître sont des individus dotés d'une culture, vivants avec certaines normes qui pour la plupart n'ont même rien à avoir avec les normes dites internationales. N'était-il pas logique sur ce point de vue d'en tenir compte et de ne faire aucune restriction à la disposition sur les peines.

Une opposition croissante est née entre le gouvernement Rwandais et le TPIR sur cette question. Le Rwanda est un Etat qui applique la peine de mort, et l'atrocité des crimes, le génocide pour cet Etat mérite d'être sanctionné par la peine de mort. Les méthodes utilisées par le Tribunal, le statut lui-même sont beaucoup critiquées. La norme internationale calquée sur un modèle anglo-saxon est loin de certaines réalités culturelles pratiques. Et cela pourrait fortement choquer les victimes qui ne s'estimeraient pas satisfaites des décisions prises. On a comme l'impression qu'il fallait faire quelque chose juste pour rectifier un mal, à savoir le laxisme dont a fait preuve la Communauté internationale durant tout le temps qu'ont durés les massacres au Rwanda.

François Xavier Nsanzuwera écrit sur le génocide que: «  Au printemps 1994, durant trois mois, furent massacrées au Rwanda plus d'un demi-millier de personnes. Le monde assistera sans réagir au génocide de la minorité Tutsi et aux massacres des Hutu qui refusaient de participer aux tueries. Pourtant, les images de cette barbarie appartenant à une époque qu'on croyait révolue étaient diffusées par les grandes chaînes de télévision du monde entier. »83(*) Cette passivité a été constatée par un nombre considérable d'auteurs, et on est allé jusqu'à critiquer l'insuffisance des dispositions de la convention sur le Génocide.  « Les seules mesures prévues ne valent qu'une fois le crime commis, alors qu'il est trop tard pour les victimes et même pour l'humanité en général. Dans le cas du Rwanda on a permis a d'innombrables atrocités inexplicables de se produire avant qu'une seule mesure soit prise en vertu de la Convention » 84(*)

Cette insuffisance de la Norme internationale explique t-elle ou peut-elle justifier la passivité de la Communauté internationale ? François Xavier Nsanzuwera poursuit en disant ; «  le 8 novembre 1994, la communauté internationale, encore sous le choc de sa culpabilité, décida de réagir en créant un tribunal pénal international chargé de juger les auteurs du génocide » Le refus d'intervenir, cette passivité de la Communauté internationale porte à croire qu'elle n'y accordait aucun intérêt. Ou dans un autre sens que les Grandes puissances y étaient impliquées. Qu'à cela ne tienne, ce qui nous intéresse en fait c'est de présenter l'incidence que cela a eue dans l'élaboration de la norme, et dans l'instauration du Tribunal. Finalement, toute cette oeuvre pourrait être qualifié, de simple mise en scène, visant à voiler certaines vérités à la face du monde.

Sous-section 2 : La possible prise en compte des dispositions d'ordre interne

La compétence universelle est régie par une loi interne, mais instaurée pour des violations d'ordre internationales et internationalement reconnues. Ceci étant les procédures et tout le mécanisme du procès se fait tenant compte de la norme interne, seul se rapporte à la Loi internationale, la qualification des crimes. Ceci étant, dans la prise de décision, dans l'application des peines, le juge belge car c'est de lui dont il va s'agir dans ces développements, se réfère soit à la loi des parties, ce qui lui est bien difficile, soit à la loi du for.

A- L'application de la loi interne

Il est « tout naturel que la mise en oeuvre de ces compétences universelles suppose l'utilisation, sur une large échelle, des règles nationales »85(*) Le juge national connaît mieux sa norme, il est donc plus prompte à l'appliquer. Cela s'explique également par l'ignorance qu'il a de la norme en cause. La nécessité de recourir aux règles nationales s'explique aussi par le fait que la norme internationale ne se contente que de définir les crimes, elle n'institut pas une grille de peines à laquelle pourrait se rapporter un juge national. On peut dire que ce comportement s'explique par l'absence de juridiction lors de l'élaboration de la Convention contre le génocide ou peut-être par respect aux particularismes existants. Cela crée un véritable problème au juge national qui se demande finalement quelle loi appliquer.

Lorsqu'une juridiction est internationalement compétente, sa compétence détermine l'application de la loi interne. « Lorsque, la justice d'un Etat est chargée de juger un crime international au titre de la compétence universelle, les tribunaux éprouvent spontanément l'impérieux besoin d'appliquer le droit du for »86(*). Ce sont des faits qui paraissent tout à fait logique. Cependant, ils posent réellement problème car les personnes en cause, les parties en présence sont en principe du ressort de leur loi nationale. Ceci étant même s'il y a lieu d'admettre que cela fait parti de la procédure, il faut reconnaître que ce pourrait porter préjudice aux intéressés. Dans l'affaire du Génocide devant les juridictions belges, la Cour d'assise a fait application stricte des dispositions d'ordre interne pour accorder des circonstances atténuantes aux accusés. L'application des circonstances atténuantes est justifiée dans cet arrêt par «... l'absence de condamnation antérieur à une peine criminelle.» Ce principe est prévu par les articles 1, 7, 9, 19, 31 et suivants du Code pénal belge.87(*) Bien qu'ayant servi à alléger les peines des condamnés, ces décisions n'ont en rien pris en compte les dispositions rwandaises en la matière. Les victimes admettraient-elles q'une soeur religieuse après avoir commis autant de crimes ne soit condamner que de douze ans d'emprisonnement.88(*) Est-ce faire bonne justice que d'appliquer des peines n'entrant aucunement dans l'entendement des victimes ?

Les victimes attendent à ce que le préjudice qu'elles ont subi soit réparé, mais elles l'attendent avec une vision toute particulière et propre à leur culture. Cependant la décision qui est prise fait application d'une norme qui n'a en fait rien à avoir avec l'entendement des victimes. N'est-il pas paradoxal de dire que la justice est faite pour apaiser les victimes et de ne tenir compte de leurs attentes et du degré de leur apaisement.

B- L'application de la loi des parties

Certains auteurs estiment qu'en faisant application de la Compétence universelle, le juge national devrait « pouvoir appliquer la loi pénale étrangère du lieu de la commission »89(*) Ce qui est tout à fait logique, parce que cela tiendrait clairement compte de la culture en cause, et éviterait de s'éloigner des réalités et de condamner à tord. Cependant, cela pose en pratique d'énormes problèmes, car même si le juge national peut entrer en possession de la norme étrangère qu'il veut appliquer, il en ignore la véritable interprétation, et toute interprétation qu'il pourrait être tenté de faire ne saurait que de trop teinté de sa propre culture. Dans l'affaire du génocide rwandais devant les tribunaux belges, le juge s'est abstenu de faire application stricte de la norme étrangère. Il a plutôt cité des articles qu'il estimait aller dans le sens de sa décision sans même les ouvrir et les interpréter90(*). Il démontre par-là clairement son incapacité au-delà de l'intérêt qu'il accorde à faire paraître ces articles dans sa décision. On s'aperçoit que l'application de la loi des parties bien qu'étant une alternative séduisante pour la garantie du droit à la différence et à la reconnaissance, s'avère quasiment impossible.

En outre, il faut relever que le principe de compétence universelle est beaucoup critiqué, particulièrement le type de compétence universelle que prévoyait la loi belge de 1993 repris en 1999. Serge Guinchard relève dans sa synthèse à l'occasion d'un colloque organisé à Limoges en France les 22 et 23 novembre 2001, que : « ... le droit doit s'adapter à la vie et non pas l'inverse : risque d'une justice non pas supranationale, mais extra nationale, risque d'une justice surréaliste, sans aucun lien avec les faits et les actes incriminés, complètement déconnecté du pays sur le territoire duquel les crimes ont eu lieu donc risque d'absence de reconnaissance par les autres Etats de cette justice sans aucune légitimité »91(*) Ceci démontre clairement q'au-delà des principes posés par les tribunaux israéliens dans l'affaire EICHMAN92(*), la compétence universelle présente de nombreux obstacles d'ordre pratique.

Deuxième Partie : L'UNIVERSALITE DU DROIT ET L'INTERCULTUREL AU REGARD DU PROCES INTERNATIONAL

La démonstration des difficultés que rencontre la justice internationale, nous conduit à nous interroger sur de possibles aménagements de cette justice. Si la justice pénale internationale est le terrain certain de la lutte contre l'impunité, les obstacles que nous venons d'évoquer, démontrent que certaines améliorations devraient être faites. Ce, pour permettre néanmoins à la Cour pénale internationale de répondre plus promptement à l'attente de justice de la Communauté internationale.

C'est ainsi que nous examinerons dans un premier chapitre les aménagements que devra opérer la CPI en se fondant sur les expériences des tribunaux ad hoc. Et dans un second chapitre nous nous analyserons les avantages de la justice interne et régionale, alternative encourageante à la lutte contre l'impunité dans le respect des particularismes culturels.

CHAPITRE I: L'AVENIR DE LA CPI AU REGARD DE L'EXPERIENCE DES TRIBUNAUX PENAUX INTERNATIONAUX

Quelles leçons, peut tirer la CPI de l'oeuvre des tribunaux pénaux internationaux ? Au jour d'aujourd'hui, il est encore trop tôt pour déterminer si la justice pénale internationale faite à travers les tribunaux pénaux internationaux est une réussite ou un échec, les avis restent encore très partagés sur la question. Il est par conséquent seulement possible de tirer des leçons des difficultés et des obstacles rencontrés. Enjeux incontournables de la nouvelle CPI.

Section 1 : Les limites de la justice pénale internationale : l'expérience des Tribunaux ad hoc.

C'est ici une réflexion synthétique suite à l'observation qui a été faite du procès pénal international. Ces analyses se feront en deux temps. Dans une première partie nous allons examiner la question importante de la difficile adéquation du droit international à des réalités contextuelles (ou culturelles) précises (Sous-section1), et dans une seconde partie nous essayerons de rassembler tous les divers problèmes que nous avons observé en analysant leur incidence sur l'évolution de la justice pénale internationale (Sous-section 2).

Sous-section 1 : Difficile adéquation du droit international aux réalités culturelles particulières.

Au-delà du fait que l'on estime que la gravité des crimes nécessite une intervention plus haute, « aux grands maux, de grands remèdes », il est parfois difficile d'appliquer le droit international à un cadre culturel précis, et donc assez restreint. Deux situations nous le démontrent : La traduction juridique des faits (B) et les apparents paradoxes que l'on retrouve dans la norme internationale (A).

A- La norme internationale et ses imperfections

Les difficultés rencontrées lors de l'élaboration des statuts des tribunaux pénaux internationaux sont évocatrices de l'imperfection même de certaines de leurs dispositions.

S'il faut remonter à la création du Tribunal pénal international pour le Rwanda, le constat intéressant est que : « La résolution fut adoptée par treize voix pour une abstention (Chine) et une voix contre, celle du Rwanda, principalement en raison de l'exclusion de la peine de mort de la liste des peines (...) »93(*) C'est essentiellement cet élément qui montre la difficile adaptation de la norme internationale à la réalité interne. Il est vrai comme le rappelle Alain Pellet que « la peine capitale répugne à ce que l'on pourrait appeler la `'conscience juridique universelle'' », cependant, il est tout aussi irréfutable qu'il est donné à la liberté des Etats selon leur conviction culturelles, de ratifier ou non les conventions internationales.

Ceci étant, le choix des Etats de ne pas ratifier la Convention sur l'abolition de la peine de mort devrait être respecté. Surtout dans le contexte particulier de la création des tribunaux ad hoc, pour des crimes perpétrés dans des Etats comme l'ex-Yougoslavie et le Rwanda qui n'ont jamais ratifié le protocole se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Le fait que la gravité des crimes implique l'intervention de la Communauté internationale, justifie t-il l'exclusion de ces particularismes si importants ? Il faut rappeler que cette convention n'a été ratifiée à ce jour que par 28 Etats, la majorité des Etats de la Communauté internationale n'appliquent pas cette convention. On pourrait dès lors se demander pour quel motif on voudrait imposer aux victimes rwandaises, une justice qui ne saurait les satisfaire eu égard à leur culture. Ce qu'il y a d'encore plus paradoxal sur cette question, c'est la disposition de l'article 24 du Statut du TPIY et 23 du TPIR. Si les rédacteurs des statuts ont semblé apporté des précisions en indiquant qu'il s'agit bien des peines d'emprisonnement, il faut reconnaître qu'  « il est maladroit d'imposer au tribunal d'avoir recours à la grille générale des peines d'emprisonnement : celle-ci ne se prend pas complète c'est-à-dire y compris la peine de mort »94(*) Cette disposition est d'autant plus paradoxale qu'elle pose de réels problèmes dans la pratique.

Dans son avis sur les réserves à la convention pour la prévention et la répression du génocide, la CIJ95(*) indique : « lorsqu'un comportement porte atteinte à ces fins supérieures de la Communauté internationale, il semble donc naturel que la sanction soit à la mesure de la souffrance ressentie. »96(*) Ce principe de la CIJ met en évidence la discussion sur la prise en compte de la norme interne. Cette non-prise en compte crée des injustices apparentes quant à observer la justice du TPIR et celle des tribunaux internes rwandais.

B- Difficultés du juge à traduire juridiquement les faits

La justice pénale internationale « existe pour deux raisons principales : réprimer les crimes qui sont tellement monstrueux qu'ils exigent une intervention de la communauté internationale, et remplacer les systèmes de droit interne lorsqu'ils font défaut. » 97(*)Cette présentation de la justice pénale internationale par le professeur William A.Shabas démontre clairement l'impérieuse mission qu'a celle-ci de lutter contre l'impunité. Certes, la gravité des crimes nécessite une intervention à grande échelle, encore faut-il parvenir à articuler sans grandes difficultés, les crimes internationaux au contexte précis des violations en cause.

A la question de savoir si les violations massives des droits de l'homme commises au Rwanda constituaient un crime de génocide, le juge international s'est retrouvé dans une situation bien difficile, compte tenu du contexte culturel et historique dans lequel se sont déroulés les faits. Le paragraphe 2 de l'article 2 du Statut du TPIR (et 4 du TPIY) définit le génocide comme suit :  « Le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci après, commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel (...) ». Il ressort de cette définition que le génocide comprend explicitement un élément de discrimination, qui s'explique par l'intention de détruire (...) un groupe. «  Le TPIR a apparemment rencontré un certain nombre de difficultés afin de rendre compte de l'élément de discrimination dans les massacres perpétrés au Rwanda » 98(*)

En effet, il n'a pas été facile pour le juge de qualifier juridiquement les populations « Hutu » et « Tutsi ». Car comme le définit la Chambre de première instance dans l'affaire Akayesu : « Le groupe ethnique qualifie généralement un groupe dont les membres partagent une culture ou une langue commune » 99(*) Or, elle constate elle-même que : « on peut difficilement parler de groupe ethnique s'agissant des Hutu et des Tutsi qui partagent la même langue et la même culture. »100(*)On remarque clairement les difficultés d'adéquation de la norme internationale à une réalité culturelle précise. Le juge se voit donc obligé parce qu'il faut juger et condamner, de faire certaines adaptation pour parvenir à une qualification convaincante du crime. Cela implique que le juge s'imprègne de l'historique culturel du Rwanda, chose qui n'est pas toujours aisée. Se contenter des distinctions dites officielles entre Tutsi et Hutu, ne saurait constituer une qualification juridique au regard du droit international.

Cependant, même lorsqu'il se plonge dans l'histoire pour constater que la distinction est le fruit de la colonisation, le juge n'en ressort pas avec une conclusion assez convaincante; la Chambre conclut : « L'identification des personnes comme appartenant au groupe Hutu ou Tutsi (ou Twa) était (...) devenu partie intégrante de la culture rwandaise »101(*)Il est incontestable que le fait d'avoir intégré la culture, ne change en rien qu'ils soient de même culture et de même langue.

Ce tâtonnement conduit la chambre de première instance, à des analyses encore moins convaincantes. C'est ainsi qu'elle va tenter d'élargir la liste des groupes protégés par la convention en l'interprétant de la manière qui suit :  «Il apparaît à la lecture des travaux préparatoires de la Convention sur le génocide, que le crime de génocide aurait été conçu comme ne pouvant viser que les groupes « stables », constitués de façon permanente et auxquels on appartient par naissance, à l'exclusion des groupes plus mouvants, qu'on rejoint par engagement volontaire individuel, tels les groupes politiques et économiques. »102(*)

Cette interprétation de l'intention des auteurs de la Convention sur le Génocide du 9 décembre 1948, a été sévèrement critiqué, car comme le note Rafaïlle Maison : « Il est très délicat, dans le cadre du procès pénal, d'étendre la définition du Génocide par delà ses termes explicites »103(*), encore faut-il se demander si le groupe visé dans le génocide rwandais, les Tutsi, constituait véritablement un groupe stable et permanent. La chambre s'est contentée de l'affirmer, elle ne l'a malheureusement pas prouvé. Et cette affirmation peut-être remise en cause lorsque l'on observe ces nombreux mélanges entre Tutsi et Hutu. Qu'est-ce qui apporte la preuve qu'il existait encore lors du Génocide, des Tutsi et des Hutu de souches ? Pire encore s'il faut rappeler que ces distinctions sont l'oeuvre du colonisateur pour instaurer son autorité sur le Rwanda104(*). Ce fut la stratégie des colons belges au Rwanda, diviser pour mieux régner. La chambre de première instance s'est refusée à s'appesantir sur cette question, car cela soulève des aspects d'ordre politique qui pourtant sont importants. C'est ce qui peut expliquer la conclusion hâtive sur la question de la distinction Tutsi Hutu, d'origine coloniale.

Toute cette situation nous conduit à analyser un aspect intéressant, non pas l'incapacité du juge, comme nous l'avons déjà vu, de s'imprégner de l'historique des faits, mais plutôt son refus d'analyser profondément ces questions, de peur de s'y voir finalement impliqué. Le rapport du secrétaire général des Nations unies indique sur la compétence du Tribunal pénal international, ce qui suit : « Bien que la chute, la 6 avril 1994, de l'avion qui transportait les présidents du Rwanda et du Burundi soit considérée comme l'événement qui a déclenché la guerre civile et son cortège d'actes de génocide, le Conseil a décidé que la compétence rationae temporis du Tribunal débuterait le premier janvier 1994 de façon que la planification des crimes n'y échappe pas »(Rapport S/1995/134 ;§14)105(*) Cette limitation est tout à fait plausible, car elle permet de prendre en compte les préparatifs du Génocide. Cependant, il est des faits que l'on ne saurait exclure pour la compréhension d'un crime, il s'agit bien des causes lointaines, qui constituent en fait l'origine incontestable, la formation même du conflit, à laquelle il serait tout à fait logique de s'attaquer.

En effet, une analyse objective du conflit rwandais, aurait conduit le juge à examiner l'atmosphère qui prévalait à l'époque coloniale. Ce qui ne lui était pas possible, car cela reviendrait à faire le procès de la colonisation. Il s'agit certes de questions d'ordre politique, mais elles sont en réalité les seules qui peuvent véritablement expliquer le génocide, car là se trouve l'origine des divisions ethniques. La crainte d'une quelconque ingérence peut aisément expliquer le fait pour la chambre de contourner la question.

Par ailleurs, l'une des raisons pour lesquelles la Belgique s'est engagée à organiser le procès du Génocide est bien le fait qu'elle «  avait un lien avec le Rwanda en raison de son passé colonial »106(*). C'était là peut-être le meilleur moyen de dissiper le remord. Comment parler de justice lorsque l'on refuse d'ouvrir les yeux à des réalités incontestables et que l'on n'est pas suffisamment impartial ?

Dans l'affaire Tadic on a constaté que le juge a pris la peine de remonter le conflit à la période coloniale «  pour situer dans leur contexte des éléments de preuve ... »107(*) Ce qui n'a pas été le cas dans l'affaire Akayesu, encore moins dans l'Affaire du génocide devant les juridictions belges.

Au-delà des difficultés d'articulation de la norme internationale avec le contexte culturel des crimes, on constate que la justice pénale internationale est difficilement à l'abri des questions d'ordre politiques qui, si elles sont examinées avec plus d'intérêts, conduiraient indéniablement à la remettre en cause. La Cour pénale internationale devra tirer des leçons de toutes ces difficultés avant même d'engager un premier procès.

Sous-section2 : L'incidence des difficultés observées sur le fonctionnement de la justice pénale internationale

Il s'agira ici de rappeler les difficultés qu'a rencontrées le juge quant aux diversités culturelles, tout en examinant leur incidence sur l'évolution de la justice pénale internationale.

Les difficultés que rencontre le juge international quant à la traduction et l'interprétation, peuvent être attribuées aux insuffisances voire à l'imperfection des statuts des deux Tribunaux. En effet, il sied de rappeler que ces juridictions ont été créées dans l'urgence et l'improvisation108(*). C'est « le service juridique des Nations unies qui a préparé seule les statuts des deux tribunaux, lequel n'a fait l'objet d'aucune modification de la part du Conseil de sécurité »109(*) De plus l'élaboration de ces statuts n'a fait l'objet d'aucuns travaux préparatoires. Ce qui n'a pas facilité le rôle de l'interprète et des juges eux-mêmes. Finalement, il se retrouve avec une marge de liberté très étendue, « ils sont libres d'adopter l'interprétation qui leur paraît la plus adaptée, la plus efficace et la plus utile »110(*). Le juge international est en effet investi d'un pouvoir législatif, le droit pénal international étant encore en pleine formation111(*). Seulement, le problème qui se pose est celui de l'incidence que peut avoir une fausse interprétation sur sa décision.

L'exemple de l'interprétation des articles 4 et 2 des Statuts des Tribunaux pénaux, met en évidence les risques encourus par le juge du TPIR. Si l'interprétation du droit peut avoir de sérieuses incidences sur les décisions, celle des faits constitue certainement une difficulté plus grande encore, cela fait intervenir une compréhension assez satisfaisante des réalités spécifiques112(*). En plus de ces problèmes d'interprétation du droit, il est difficile pour le juge de se faire entendre de ses interlocuteurs en cours d'audience, pire encore lorsque les traducteurs se trouvent impliqués dans le génocide, ainsi que les avocats de la défense qui profitent largement du fonctionnement du Tribunal, pour se faire des gains.113(*) Il ressort de tous ces éléments, deux incidences essentielles :

La première se rapporte aux questions de célérité. En effet, le besoin de comprendre, l'intérêt de s'imprégner des situations spécifiques, même si cette appropriation n'est jamais parfaite, demande suffisamment de temps au juge. Rien qu'à imaginer par exemple la distance qui existe entre un Australien et un Rwandais, on s'aperçoit bien qu'il n'est pas facile de comprendre tout de suite et même de comprendre simplement des réalités qui n'ont aucun lien avec « ma culture.» Ce, même lorsqu'on se trouve être comme le prévoit le Statut, cette personne « ...de haute moralité, impartialité et intégrité possédant les qualifications requises dans leur pays respectif, pour être nommés aux plus hautes fonctions judiciaires », et que l'on a effectivement l'expérience requise.114(*) L'éloignement du point de vue culturel pose un réel problème. Lorsque le juge ne parvient pas à comprendre, lorsque la traduction se révèle être un obstacle, l'allongement de la procédure est inévitable. Le comble dans tout cela est que le juge ne parvient pas à une compréhension totale de la situation, malgré les efforts qu'il consent à fournir.

L'autre incidence a relevé concerne les finances des Tribunaux. Le cadre international du procès, les dépenses inestimables que cela implique, constitue déjà une cause de la dissolution des Tribunaux par le Conseil de sécurité de l'ONU. Ce sont là les conséquences inévitables d'un procès international.

Section 2 : La CPI : Vers une uniformisation du droit et des cultures.

Au regard des analyses qui viennent d'être faites, il y a lieu de s'interroger sur la CPI. Parviendra-t-elle à surmonter ces innombrables obstacles que nous démontre l'expérience des Tribunaux ad hoc ? Parviendra-t-elle à faire les aménagements qu'il faut de sorte que la diversité culturelle ne constitue plus un obstacle mais plutôt et pourquoi pas un avantage à la construction de la justice pénale internationale ?

Sous-section1 : Pour une procédure pénale internationale unique.

La CPI est la première juridiction internationale permanente, son statut a été adopté à Rome le 18 juillet 1998. Elle est chargée de juger les crimes graves de droit international touchant l'ensemble de la communauté humaine ; à savoir, le crime de génocide, le crime de guerre, le crime contre l'humanité et le crime d'agression, commis à partir de son entrée en vigueur et sur n'importe quel territoire du monde.115(*)

Il faut dire que le droit international pénal est véritablement l'oeuvre des premiers juges internationaux du TPIY. Ces juges ont « en février 1994, usant des prérogatives législatives qui leur avaient été confiées par le Conseil de Sécurité de l'ONU (article 15 du statut) ; (...) adopté le premier code de procédure pénale internationale de l'histoire. »116(*), s'inspirant pour des raisons ou d'autres de la procédure anglo-saxonne. Cette procédure a longuement évoluée. En effet, les juges réunis en assemblée plénière en juillet 1998,  ont alors sensiblement modifié le Règlement de manière à supprimer les allongements injustifiés de procédure. Des évolutions sont largement appréciables, cependant tout le problème repose sur le choix injustifié de la procédure anglo-saxonne. « ...La logique de ce choix n'a pas toujours été poussée jusqu'à son terme, ce qui explique certaines ambiguïtés et les commentaires contradictoires et parfois très critiques portés par les juristes de Common Law sur les décisions des tribunaux ad hoc, notamment sur les questions très délicates du respect du procès équitable et de la contumace. »117(*)

Pourtant en matière de procédure pénale deux systèmes différents s'opposent : celui du type accusatoire ( anglo-saxon) et celui du type inquisitoire (Common Law et Civil Law). Et le fait que les statuts aient été préparés par des juristes anglo-saxons a posé un vrai problème dans l'affaire Tadic, où sur les questions relatives à la preuve, la chambre estimait que la corroboration du témoignage des victimes n'est pas requise (article 96 RPP). La défense soutenait que « les systèmes issus du droit romain par opposition à ceux de Common Law, requièrent un certain degré de corroboration causale, indépendante des éléments de preuve. D'après la défense, cette règle deli unus testis, nullus testis (un seul témoin n'est pas un témoin) devrait s'appliquer dans les affaires traduites devant ce Tribunal international (...) »118(*)

Ce genre d'ambiguïté fait la démontre qu'en fait les systèmes juridiques qui sont appliqués ne reflètent pas l'universalité et pourraient par conséquent constituer un obstacle et même porter préjudice aux personnes en présence. On se pose dès lors la question d e savoir comment la Cour permanente va t-elle parvenir à améliorer toutes ces insuffisances.

L'expérience des Tribunaux ad hoc, démontre combien importante et avantageuse pourrait être une procédure pénale universelle. Mais comment serait-il possible d'élaborer une telle procédure ? La CPI, les juges dans leurs missions législatives parviendront-ils à combiner les modèles anglo-saxons et de Common Law, qui se trouvent être deux systèmes juridiques largement opposés ? Ou encore n'allons nous pas déjà vers une universalité de la procédure pénale anglo-saxonne qui a déjà été reprise par le Statut De Rome de 1998.

Mais, ne serait-ce pas là imposer à la Communauté des Etats un système qui d'une manière ou d'une autre pourrait aller en leur défaveur. Faudrait-il finalement que la CPI parvienne à des aménagements et à des améliorations de cette procédure, pour satisfaire l'exigence d'un véritable universalisme. Ainsi ne pas replonger dans les critiques acerbes adressées aux instruments des droits de l'homme pour leur vraie-fausse universalité.

Sous-section 2 : La justice pénale internationale à l'épreuve de la lutte contre le terrorisme

Le monde est en pleine mutation, et plus qu'hier la question du terrorisme devient une préoccupation dans nos sociétés. La menace terroriste a atteint un stade tel qu'aucun Etat ne saurait s'estimer épargner. Compte tenu de l'importance de la question, il y a lieu de s'interroger sur sa prise en compte par le droit pénal international, donc sur l'élargissement du champ d'application de la justice pénale internationale.

La problématique que nous voulons développer est celle de la diversité du phénomène. Diversité qui explique les difficultés que la Communauté internationale rencontre pour en donner une définition unique. Car c'est partant de cette définition que le terrorisme pourrait intégrer les crimes relevant de la compétence de la Cour. En effet, comme l'a exprimé Serge Guinchard à l'occasion d'un colloque international organisé à Limoges en 2001, « Il me semble, mais je le dis avec prudence, que les actes de terrorisme pourraient, sans forcer le trait, être inclus dans la définition des actes criminels que donne l'article 7 du traité de la CPI... »119(*) Il est donc important de réfléchir sur les incidences que cela pourrait avoir sur le procès international.

Les premières tentatives de codification du terrorisme remontent des années 1930 au sortir de la première guerre mondiale, « la société des Nations à la suite de l'assassinat en 1934 du roi Alexandre de Yougoslavie à Marseille a rédigé deux conventions le 16 novembre 1937. L'une concernait la prévention et la répression du terrorisme et l'autre la création d'une Cour pénale internationale » Ces instruments n'entreront jamais en vigueur.120(*)

Malgré la conscience qu'ont les Etats des exigences qu'appelle aujourd'hui le terrorisme, il leur est bien difficile de s'entendre sur la définition même de ce concept. Le terrorisme peut être considéré comme un phénomène pluriel. Car, peut-on comparer la terreur qu'ont vécu les USA avec les attentats du 11 septembre 2001, aux actions de la Fraction rouge en Allemagne Fédérale ? Comme s'interrogent Hermant Daniel et Bigo Didier « existe t-il un phénomène terroriste en France ou ne s'agit t-il que d'une assimilation sémantique abusive entre des expériences radicalement différentes ? Peut-on parler de terrorisme ou faut-il employer les termes de guérilla urbaine, de lutte de libération nationale, de guerre secrète... ? » 121(*) Est-il possible de faire une comparaison entre L'action directe en France et le Djihad islamique ? Tout le problème réside dans le sens que l'on donne à ces actions et pourquoi pas au degré de violence subit par les victimes.

Si la Convention pour la prévention et la répression du terrorisme du 16 novembre 1937 sous l'égide de la SDN avait défini les actes de terrorisme comme : « des faits criminels dirigés contre un Etat et dont le but ou la nature est de provoquer la terreur chez des personnalités déterminées, des groupes de personnes ou dans le public » (article1)122(*); les Etats dans leur ensemble ne les perçoivent pas sous ce même oeil. « Ainsi pour l'Occident, le terrorisme est un acte de violence individuel ou en groupe alors que pour les pays du tiers monde, le terrorisme est essentiellement un moyen de gouvernement afin d'asseoir une politique raciste ou colonialiste et/ou de combattre cette politique. »123(*)

Compte tenu de l'intérêt de la question, le phénomène pourrait entrer dans le champ de la compétence du juge international. Le juge international en effet nous l'avons vu est investi du pouvoir législatif, il est créateur de la règle de droit. Comment alors pourrait-il réagir face à des violations qui répondent non pas au crime de génocide ou d'agression encore moins au crime contre l'humanité, même s'il peut paraître qu'elles s'y rapprochent, mais bien à des actes tout autre que l'on pourrait dire de terrorisme. Il y a lieu de se demander s'il est possible d'attribuer le terrorisme à une culture ou à une tradition quelconque.

L'intérêt de l'uniformisation et de la mondialisation font qu'au-delà du fait que l'humanité entière partage de plus en plus les même problèmes, il est bien difficile que l'on parvienne à attribuer des sens à des phénomènes sans tenir compte de leur racine de leur origine, ce qu'on ne saurait retrouver que dans des fondements culturels. Ceci étant, il pourrait s'avérer bien difficile pour le juge international de qualifier les actes d'un terroriste islamique qui reposent sur la Théorie de la guerre sainte (par exemple) et qui est convaincu que les actes qu'il pose visent une bonne cause. C'est pourquoi jeter des perspectives sur d'éventuelles difficultés (que pourrait rencontrer le juge sur la question du terrorisme), permettrait d'agir de manière préventive, afin d'éviter au juge international devant la CPI de se retrouver dans une situation difficile face à ces questions de diversité d'appréhension.

Il appert dès lors de penser une codification qui prendrait largement en compte tous les particularismes possibles, toutes les conceptions et tous les différents points de vue sur la définition du terrorisme, mais aussi d'apporter, pourquoi pas, une délimitation qui permettrait d'exclure certaines violations de portée moins grave ou encore de les renvoyer simplement dans le cadre des crimes existants.

CHAPITRE II : REPENSER LA JUSTICE INTERNE ET LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME.

Les difficultés que rencontre la justice pénale internationale, nous conduisent à remettre en chantier des alternatives pouvant peut-être répondre plus promptement, tant à la lutte contre l'impunité -mission que s'est assignée la justice pénale internationale- qu'à la question complexe de la diversité culturelle. Il s'agit d'observer l'avantage de terrains sur lesquels la question de la diversité culturelle ne se poserait aucunement ou se poserait avec moins d'acuité, tout en ayant l'avantage de répondre aux besoins de justice. C'est ainsi que nous allons examiner la compétence des tribunaux internes sur le terrain de la compétence universelle et de la compétence de droit commun (Section 1), avant d'envisager de possibles renforcement de la justice régionale sur le terrain de la protection des droits de l'homme (Section2).

Section1 : Réflexion sur la compétence des tribunaux internes.

Deux cas essentiels nous intéresse, celui de la compétence universelle que ce sont dotées les juridictions de plusieurs Etats (§1), et celui de la compétence de droit commun d'une juridiction dans le ressort de laquelle se sont déroulées les violations massives des droits de l'homme (§2).

Sous-section 1 : La compétence universelle

L'institution de compétence universelle est une création de la doctrine, « son origine remonte à un ensemble de doctrines forts anciennes qui défendaient, sous des modalités diverses, une « répression universelle » de déviances de toutes sortes relevant, pour l'essentiel du droit pénal commun »124(*) Elle intègre la norme internationale de manière un peu plus explicite en 1949, avec l'élaboration des conventions de Genève. Déjà, l'article 5 de la Convention pour la prévention et la répression du Génocide du 9 décembre 1948recommandait aux « parties contractantes (...) (de) prendre, conformément à leurs constitutions respectives, les mesures législatives nécessaires pour assurer l'application des dispositions de la présente Convention, et notamment à prévoir des sanctions pénales efficaces frappant les personnes coupables de Génocide ou de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article3 »125(*)

Cette disposition ne donne aucune précision sur les questions de rattachement, ce qui présuppose en fait qu'aucun critère de rattachement n'est requis. Toutefois, l'article 5 paragraphe 2 de la Convention de New York du 10 décembre 1984, contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, apporte plus d'éclaircissement : « Tout Etat partie prend également les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître desdites infractions dans le cas où l'auteur présumé de celles-ci se trouve sur tout territoire sous sa juridiction et ou ledit Etat ne l'extrade pas conformément à l'article 8 vers l'un des Etats visés au paragraphe 1 du présent article. »126(*)

Il faut dire que les Etats, soucieux de préserver leur souveraineté n'ont pas intégré avec engouement la compétence universelle dans leur législation. Néanmoins, les expériences les plus probantes à savoir belge et française n'ont pas pour autant apporter des résultats positifs. L'expérience belge que nous avons examinée dans ce travail, a démontré les difficultés croissantes qu'a rencontrées le juge d'instruction Damien Vandermeerch au cours du procès des quatre Rwandais, à la Cour d'assise de Bruxelles. Est-ce à dire pour autant que la compétence universelle soit une alternative à écarter dans la recherche de solutions aux difficultés d'ordre culturel ? Alors même que le statut de Rome recommande avec empressement aux Etats d'intégrer ce principe de la compétence universelle dans leurs législations internes, à travers l'incorporation des crimes internationaux relevant de la compétence de la Cour.

Faut-il partager l'avis de Human Right Watch, qui estime que cette institution repose sur une obligation coutumière à savoir que « Chaque Etat a intérêt à soumettre à la justice, les auteurs des crimes particuliers de nature internationale » et que l'Etat a le devoir d'exercer sa compétence universelle « au motif que le crime est commis contre toute l'humanité »127(*) Ces suggestions sont forts plausibles certes, cependant, tout le problème réside dans la pratique de cette compétence. L'Etat s'y prévalant devra se donner tous les moyens nécessaires pour faire bonne justice. Non pas condamner pour condamner, poursuivre pour poursuivre, mais véritablement s'engager à faire sienne la souffrance et la douleur des victimes, parvenir à intérioriser tous les aspects culturels se rapportant aux violations et prendre la décision qui permettrait que la victime soit libérée de sa culpabilité128(*).

Cette mission s'avère bien difficile, mais comment, quel autre moyen pourrait permettre de mener une lutte franche contre l'impunité, lorsque qu'il est difficile de compter sur les Etats, parce que leurs dirigeants sont les instigateurs de ces violations. « En effet, il s'agit d'imposer des limites à la raison d'Etat et à ceux qui l'expriment en permettant qu'ils soient poursuivis, à tous les échelons et jugés lorsqu'ils portent atteinte à certaines valeurs reconnues par la Communauté internationale toute entière et aux normes fondamentales qui en découlent »129(*) Faudrait-il par conséquent privilégier la justice internationale à la justice interne ? En effet, il est vraisemblable qu'au-delà de la compétence, de la capacité et du réel pouvoir que l'Etat peut avoir pour juger les personnes coupables des violations massives du droit international, qu'il s'affiche par un refus délibéré d'agir. Encore nous pouvons observer que lorsqu'il agit, c'est plus esprit de vengeance que par esprit de justice.130(*)Doit-on continuer à soutenir la compétence universelle, la justice pénale internationale au-delà de toutes ces lacunes ou faudrait-il pour un souci de bonne justice encourager la justice interne ?

Sous-section 2 : La compétence des juridictions internes

La compétence universelle peut certes être une panacée, il n'en demeure pas moins vrai qu'elle posera un certain nombre de problèmes pratiques. Ces problèmes seraient bien difficile à résoudre et reviendraient trop souvent à ce que les décisions soient autant critiquées que remise en cause. A ce propos, ne serait-il pas intéressant d'encourager la compétence des tribunaux internes ? Encore qu'il n'est pas à négliger que les tribunaux internes sont au regard du principe de souveraineté des Etats, les véritables juridictions compétentes. L'expérience des tribunaux rwandais nous en dira quelque chose.

Les tribunaux Gacaca sont entrés dans leur phase opérationnelle depuis le mois de janvier 2002.131(*)Il est intéressant d'observer l'oeuvre de justice de ces juridictions. Le Rwanda a ratifié la Convention contre la torture, ainsi que la Convention pour la prévention et la répression du crime de Génocide. Ce qui lui donne une compétence sur les crimes commis sur son propre territoire. Aussi, le principe de territorialité est indéniablement la base de la compétence des juridictions internes. Sur le plan de la capacité, il n'y a aucun doute, les tribunaux nationaux sont certainement les mieux placés. Les juges connaissent parfaitement les réalités de leur pays, de même que les faits qui se sont déroulés sur le territoire rwandais en 1994. Mais il faut tout de même rappeler que les juridictions rwandaises ont une compétence secondaire vis à vis du TPIR qui lui dispose de la compétence primordiale.

L'avantage qu'il faut relever avec les tribunaux Gacaca est qu'ils se trouvent être les seules instances capables de désengorger les prisons surpeuplées du Rwanda. Il faut reconnaître que même le TPIR dans toute sa compétence ne parviendrait jamais à juger ces nombreux coupables et complices. D'ailleurs le Conseil de sécurité a déjà décidé de l'arrêt des activités du TPIR, une date butoir a été fixée : 2008. Cette décision fixant une « durée de vie » limitée au Tribunal vise l'accélération des travaux.132(*)Elle se trouve être également la conséquence du constat qui a été fait par le Conseil de sécurité de l'ONU, à savoir, les nombreux dysfonctionnements133(*). Madame Maryse Berger Lavigne, rapporteur à la commission des affaires étrangère a estimé que : « Ces deux institutions (TPIR TPIY) avaient souffert des mêmes difficultés : corps judiciaire issu de continents différents, de traditions juridiques diverses, longueur de l'élaboration préalable du règlement interne du Tribunal... »134(*)

Finalement les affaires en cours dès que la date limite sera arrivée, seront transférées devant les juridictions internes. A ce stade, la question qui se pose aujourd'hui avec les tribunaux Gacaca est celle de savoir s'ils sont véritablement garants de l'impartialité ? Il ne fait nul doute qu'ils paraissent, comme le Tribunal criminel de Nuremberg, être la justice des vainqueurs. Dans ces conditions, il est bien difficile que justice soit faite, c'est plutôt un esprit de vengeance qui anime les juges partisans du nouveau régime en place.135(*) Tout ceci montre à suffisance, au-delà des avantages que peut procurer la justice interne, qu'il est difficile qu'elle soit le terrain de l'impartialité.

Enfin de compte, quelle alternative pour la lutte contre l'impunité, quand on observe que le TPIR a bien de peines pour atteindre les buts que le Conseil de sécurité lui avait assignés ? Il s'agissait de permettre la réconciliation nationale en mettant préalablement fin à l'impunité136(*). Cette incapacité pour le TPIR d'atteindre ces objectifs explique l'intérêt que les victimes accordent de plus en plus à la justice interne.

Section 2 : Les avantages de la justice régionale

Il s'agit ici de discuter sur les avantages que peut constituer la justice régionale. Car si la justice internationale rencontre de nombreuses difficultés sur le terrain des diversités culturelles, la Communauté des Etats africains ou encore celle des Etats européens peut palier ces difficultés, compte tenu des fondements sociaux culturels communs aux Etats. .

Sous-section1 : L'Union Africaine et les organes de protection des droits de l'homme

L'acte constitutif de l'Union africaine adopté le 11 juillet 2000 au sommet de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) à Lomé au Togo. L'UA a pris officiellement la succession de l'OUA, le 9 juillet 2002 à Durban en Afrique du Sud. La protection des droits de l'homme va certainement se voir renforcée avec l'instauration par l'UA d'organes spécifiques importants.137(*)

Les premiers organes de protection des droits de l'homme en Afrique à savoir, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, et la Cour africaine, ont été créés sous l'égide de l'OUA. Si le résultat de l'activité de ces organes jusqu'à nos jours est très minime138(*), cela n'écarte en rien le fait que ces organes présentent des avantages certains d'efficacité, dû aux rapprochements sociaux culturels et aux intérêts communs aux Etats africains. En effet, contrairement à l'Union européenne, l'UA au-delà des difficultés d'ordre organisationnel et financier, peut se vanter d'être assise sur un fondement interculturel solide. C'est pourquoi, sur le terrain de la justice régionale, les intérêts communs devraient constituer le moteur essentiel de grandes réalisations. Une culture commune, une terre commune et des intérêts communs sont un véritable fondement à la réalisation d'une justice sans ambages.

Face à la vague déferlante des violations massives des droits de l'homme sur les terres africaines, peut-on espérer que les efforts considérés de l'UA aboutiront à l'instauration effective de la Cour de justice, qui est un organe de l'Union139(*). Toutefois, on est encore à espérer que « l'Acte constitutif de la Cour de justice africaine ne s'arrêtera pas à connaître uniquement des affaires civiles, mais s'érigera en une véritable Cour pénale au sens africain du terme »140(*). Cet Acte constitutif étant encore en cours de rédaction, il est encore difficile de répondre à certaines questions.

Il faut dire que sur ce terrain que les Etats africains, bien que désireux de trouver des solutions à ses violations massives qui détruisent chaque jour un peu plus, restent très attachés au principe de souveraineté. Et le rappellent clairement à l'article 3 de l'Acte constitutif de l'UA. Jusqu'ici les Etats africains sont restés très réticents face à l'évolution de la justice pénale internationale, il est à noter que « dans le contexte africain, chaque accusation portée sur le plan international est rapidement interprétée comme un coup politique ne recherchant aucun autre objectif que l'affaiblissement politique du pouvoir. »141(*)

 L'attachement des Etats africains à la souveraineté peut s'expliquer par le fait qu'ils l'ont obtenu avec beaucoup de peine, à la suite de revendications sanglantes. Cependant, il se trouve que plus ils y sont attachés, plus ce principe devient un obstacle à la protection des droits de l'homme sur le plan régional. Car à cause de ce principe, malgré les intérêts partagés, le non-interventionnisme reste l'alibi qu'utilisent les Etats africains pour ne pas réagir aux violations massives des droits de l'homme qui minent les Etats voisins. L'UA est peut-être en train de fournir des efforts sur le terrain de l'intervention.

De fait, le paragraphe h de l'article 4 de son acte constitutif pose le principe suivant : « Le droit de l'Union d'intervenir dans un Etat membre sur décision de la Conférence, dans certaines circonstances graves, à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l'humanité. »142(*) La création du Conseil de paix et de sécurité de l'UA en mars 2004, constitue une innovation et une avancée considérable de la Communauté africaine.

Le Conseil de sécurité pourrait présenter des avantages d'efficacité certains, étant donnés les intérêts communs que partagent les Etats africains. Cette prise de conscience découle peut être de la passivité dont a fait preuve la Communauté internationale, notamment le Conseil de sécurité de l'ONU face aux massacres perpétrés au Rwanda entre avril et juin 1994.

Car, il faut reconnaître que si la Communauté internationale n'a pas toujours intérêt à agir face aux violations perpétrées en Afrique, la Communauté africaine elle, y a véritablement intérêt, vu ne fût-ce que le partage commun du territoire. Les violations massives de droits de l'homme ne sont plus de nos jours des questions d'Etat, mais deviennent de plus en plus des questions allant au-delà des frontières, la crise dans la Région des grands lacs nous en fait la démonstration.

Certes, il est vrai que « les chemins de la justice supranationale restent largement à défricher »143(*)mais, une Cour de justice africaine aurait certainement plus d'avantages que la Cour pénale internationale.

Sous-section2 : La Cour européenne des droits de l'homme

« La Cour européenne des droits de l'homme a été instituée en 1959 par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (1950) afin d'assurer le respect des obligations résultant de celle-ci pour les Etats contractants. »144(*)Elle est la première juridiction internationale de protection et de garantie des droits et libertés fondamentaux.

La formation de cette Cour peut nous permettre de comprendre les avantages qu'elle présente sur le terrain de la diversité culturelle. « L'article 38 de la Convention prescrit que la Cour se compose d'un nombre de juges égal à celui des Etats membres du Conseil de l'Europe. »145(*) En dehors du but principal de cette organisation qui était d'éviter les injustices, notamment à l'égard des petits Etats membre du Conseil de l'Europe, il faut remarquer que cela garantie également une représentation culturelle égalitaire.

Il est par ailleurs prévu que : « Les juges ressortissants des Etats en cause feront d'office partie des chambres qui jugent les affaires qui intéressent leurs Etats. »146(*) Ceci étant, chaque juge a la possibilité d'apporter des éclaircissements nécessaires sur les questions qui se rapportent à sa culture. En outre, les langues officielles de la Cour sont le français et l'anglais147(*). Ce qui a l'avantage de faciliter les procédures. Bien que chaque Etat dispose d'une langue nationale, sauf dérogation devant la Cour l'application des langues officielles s'impose.

La composition, l'organisation et le fonctionnement de la Cour, constitue le terrain de la diversité culturelle, et au niveau de la Cour on peut dire que cette diversité est respectée, c'est à dire que tous les particularismes sont pris en compte. Toutefois, il y a lieu aujourd'hui de se demander si la justice régionale au niveau de la nouvelle institution Union européenne, pourrait véritablement porter des fruits. Le débat actuel concernant essentiellement les questions d'ordre culturel. Il faut rappeler que l'Union européenne n'est pas assise sur des fondements historiques et culturels communs, mais bien sur des fondements et des intérêts économiques et financiers.

Le fait de ne pas avoir une même culture ni une même histoire peut poser de sérieux problèmes sur le terrain de la justice supranationale. En effet, les intérêts de chacun sont partagés et si la famille européenne s'élargie et existe aujourd'hui, c'est bien parce que chaque Etat y poursuit des intérêts autant économiques que politiques.

Peut-on envisager dans ce genre de situation une justice pénale régionale ? Il est bien difficile de répondre à cette question, encore que cela se trouve loin des préoccupations de la famille européenne.

CONCLUSION GENERALE

Qu'elle est la portée et la valeur d'un procès international lorsque la norme internationale sur laquelle se fonde le juge international ne s'articule pas avec les réalités culturelles en cause ? Quel intérêt doit-on accorder à une décision qui n'est autre que le reflet des conceptions que l'on pourrait qualifier de discriminatoires ? Telles sont les questions qui ressortent des réflexions effectuées autour de notre question centrale à savoir, si la non-prise en compte par le juge des particularismes culturels au cours d'un procès ne pourrait compromettre la justice pénale internationale? Ces analyses et réflexions nous ont permis de comprendre et de découvrir que le procès international malgré ses nombreux avantages est le terrain de sérieuses difficultés, particulièrement sur les questions de la diversité culturelle. Il faut reconnaître que la valeur, la portée et l'intérêt à accorder à ses décisions, sont très mitigés. C'est pourquoi, nous convenons que la justice internationale peut être remise en cause.

La question de la diversité culturelle dans le procès international relatif aux droits de l'homme a été examinée en deux périodes importantes, à savoir le juge et les difficultés pratiques qu'il rencontre au cours du procès, et les discussions sur certaines alternatives. Ces réflexions ont été faites sur la base de deux méthodes d'analyse, la méthode stratégique et la méthode systémique. Les stratégies employées par le juge, de même que les systèmes de la justice internationale ont donc été étudiés dans ce travail. Toutes ces analyses sont parties d'une hypothèse principale, à savoir : La non-prise en compte, tant par la norme internationale que par le juge, de la diversité culturelle pourrait compromettre la justice internationale. Avant de rappeler les hypothèses subsidiaires, il sied de relever que cette hypothèse a était confirmée. La justice internationale pourrait effectivement être compromise s'il n'y est pas apporté certains aménagements.

Rappel des hypothèses secondaires 

- Le juge s'approprie les faits culturels qui constituent les circonstances d'une affaire. Le juge pourrait à cette occasion rencontrer des difficultés.

Cette première hypothèse a été étudiée à travers l'observation des stratégies dont use le juge afin de comprendre et de faire siennes les réalités culturelles qui entourent les faits qu'il est amener à juger. Cette étude a permis de démontrer que le juge international rencontre de nombreuses difficultés lorsqu'il essaie de s'approprier les faits culturels d'une affaire. Il découle de cette démonstration que le juge se perd très souvent et s'oblige à faire des adaptations qui se trouvent trop souvent en inadéquation avec les réalités en cause.

- Le juge pourrait être conduit, compte tenu de ces difficultés, à se confiner dans l'application stricte du droit.

Cette seconde hypothèse a été étudiée dans différents cas, tant dans le procès devant les Tribunaux pénaux internationaux que devant les juridictions internes de compétence universelle. L'observation a démontré que les difficultés de communication d'interprétation et d'articulation de la norme internationale aux réalités culturelles en cause, ont conduit le juge à écarter certains faits culturels importants de ses analyses. Cela peut être assimilé à une violation du principe de reconnaissance des identités et des particularismes existants. Finalement, l'on peut affirmer que la non prise en compte de ces particularismes comme viennent de le démontrer ces deux hypothèses, compromet la justice pénale internationale. Cependant, il faut relever qu'il est possible de pallier cette situation pour permettre à la justice pénale internationale de se former et de s'accomplir plus promptement.

En effet, l'on ne saurait rejeter en bloc l'oeuvre de la justice pénale internationale, car comme il a été démontré dans ce travail, la justice interne ne saurait répondre aux exigences qui ont poussé la mise en place d'une nouvelle forme de justice pénale. Il n'est pas certain d'attendre d'elle qu'elle lutte contre l'impunité et qu'elle accomplisse véritablement la protection des droits de l'homme, malgré tous les avantages dont elle dispose, à savoir la possibilité de répondre sans difficultés aux questions culturelles. C'est pourquoi de nouvelles perspectives et alternatives doivent être proposées à la justice pénale internationale, afin qu'elle soit désormais en mesure d'évacuer tout cet amas de difficultés qui l'asphyxie. Il est intéressant d'examiner des propositions comme celles de Almiro Simoels Rodriguez, exprimées à l'occasion d'un colloque international sur  « la justice pénale internationale » à Limoges en 2001 : « Beaucoup de formules sont possibles : création de tribunaux (internes) à vocation internationale composés de façon mixte ; observateurs internationaux envoyés auprès des tribunaux locaux » Cette possibilité, il le précise, pourrait quand même poser un certain nombre de problèmes tels, «  l'unité du droit applicable, la jurisprudence, la procédure ou la formation des juges. »148(*) Mais, ces dernières difficultés sont, à notre avis, plus simples à résoudre, il est donc possible que ce genre de proposition puisse permettre à la justice pénale internationale de pallier certaines insuffisances.

La lutte contre l'impunité dans un cadre international n'est pas toujours chose aisée, même s'il faut reconnaître que c'est bien le meilleur moyen de libérer l'humanité de ces criminels qui la privent de paix. Mais, comment lutter promptement contre l'impunité sans tenir compte des particularismes culturels qui entourent les événements et les violations pour lesquelles on recherche réparation? Cette étude ne nous a malheureusement pas permis, compte tenu des limites que nous nous étions assignés, de répondre à cette question. Il s'agissait jusqu'ici de démontrer comment la diversité culturelle pouvait constituer un obstacle à la lutte contre l'impunité dans un cadre international. Ainsi, sous la base des discussions, qui ont fait l'objet de notre dernier chapitre, un nouveau thème d'étude pourrait intégrer les réflexions scientifiques, à savoir : comment aménager la justice internationale tout en tenant compte des particularismes culturels existants ? La norme pénale internationale encore au stade de formation, il est toujours possible de la construire de manière à exclure toutes discriminations possibles. L'aménagement des dispositions existantes, tout en tenant compte de la diversité culturelle est un moyen qui servirait grandement à élaguer la majeur partie des difficultés que nous avons relevé dans ce travail. Le Comité de droit international (CDI) pourrait examiner avec un peu plus d'intérêt ce genre de propositions. Les juges internationaux investis d'une mission législative peuvent également examiner la question pour préparer l'avenir de la Cour pénale internationale. Par ailleurs, c'est à la science d'inspirer un peu plus afin de répondre à cette question si importante.

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Ø Revue générale de droit public, Paris, A Pedone, Tome 101/1997/ 4 ; Tome 103/1999/1 ; Tome103/99/4 ; Tome98/1994/1.

Ø Revue trimestrielle des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1999, n° 40.

Ø Cahier africain des droits de l'homme, Yaoundé, Presse de l'UCAC, n°6-7.

Ø Problèmes politiques et sociaux, Paris, La documentation française, 1999, n°826 ; n°859.

III- ARTICLES

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IV- DOCUMENTS

Ø BOUKONGOU J.D., Introduction à la protection internationale des droits de l'homme: Aspects fondamentaux du Système africain des droits de l'homme, Douzième concours africain de procès fictif des droits de l'homme, Yaoundé, Université catholique d'Afrique centrale, 4-9 août 2004, 25p

Ø EBERHARD C., « Les droits de l'homme au LAJAP : Origine et développement d'une problématique », Paris, Bulletin de liaison de LAJAP,1998, pp. 23-34.

Ø LE ROY E., « Fondements idéologiques et anthropologiques des droits de l'homme », Recueil de cours de la 28éme session d'enseignement de l'Institut International des droits de l'homme de Strasbourg, 1997, pp. 15-30.

Ø NATIONS UNIES, Recueil d'instruments internationaux, Droits de l'homme, vol I ( première partie ), Instruments universels, New York et Genève, 1994, 428p.

Ø SCHABAS W.A., « La justice pénale internationale: Dissuasion et lutte contre l'impunité », Institut international des droits de l'homme, 28è Session d'enseignement des droits de l'homme, 1997, pp. 123-133.

V- TEXTES INTERNATIONAUX

Ø Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948.

Ø Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de juin 1981.

Ø Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre1948.

Ø Les quatre Conventions de Genève de 1949.

Ø Convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984.

Ø Résolution n°827, 25 mai 1993 du Conseil de Sécurité, Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda.

Ø Résolution n°955, 8 novembre 1994 du Conseil de sécurité, Statut du Tribunal pénal international pour l'ex Yougoslavie.

Ø Les lignes directives de Robben Island de juillet 2003.

Ø Règlement de procédure et de preuve du Tribunal pénal international pour l'ex Yougoslavie du 11 février 1994.

VI- PAGES WEB

www.ridi.org/adi/archives.htm., 20 juillet 04.

www.hirondelle.org, 20 août 2004.

www.reseauvoltaire.net/bibliothèque.htm, 7 août 2004.

www.reseauvoltaire.net/article8760.html, 10 août 2004.

www.reseauvoltaire.net/article8695.html, 10 août 2004.

http://www.senat.fr/rap/l03-220/l03-220.html, 20 juillet 2004

http://zombie.lautre.net/recherche.php3?recherche=commentaire+sur+union+africaine20 août 2004.

TABLES DES MATIERES

DEDICACE......................................................................................I

REMERCIEMENTS..........................................................................II

RESUME.......................................................................................III

SUMMARY....................................................................................IV

SIGLES ET ABREVIATIONS..............................................................V

SOMMAIRE...................................................................................VI

INTRODUCTION GENERALE 1

I- DEFINITION DES CONCEPTS 5

A- LA DIVERSITÉ CULTURELLE 5

B- LES DROITS DE L'HOMME 6

C- LE PROCÈS INTERNATIONAL 7

II- LE CADRE DE L'ETUDE 9

A- INTERET DE L'ETUDE 9

B- REVUE DE LITTERATURE 10

C- LA PROBLEMATIQUE 17

III- LA CONDUITE DE L'ETUDE 18

A- LES HYPOTHESES DE TRAVAIL 18

B- LE PROCESSUS METHODOLOGIQUE 19

C- JUSTIFICATION DU PLAN 22

PREMIÈRE PARTIE : LE JUGE INTERNATIONAL FACE A LA DIVERSITE CULTURELLE 23

CHAPITRE I : L'APPROPRIATION DU FAIT CULTUREL PAR LE JUGE 24

Section 1 : Le juge et l'appropriation de la situation culturelle 24

Sous-section 1 : Communication et dialogue 24

A- La communication 24

B- Dialogue et traduction 26

Sous-section 2 : Références historiques et pratiques sociales 28

Section 2 : L'interprétation des faits et l'application du droit 30

Sous-section 1 : L'interprétation des faits 31

A- Devant les juridictions belges 31

B- Devant les Comités des droits de l'homme 34

Sous-section 2 : Confrontation de cultures dans l'application de la loi 38

CHAPITRE II : LE JUGE INTERNATIONAL, LA DIVERSITE CULTURELLE ET LE SORT DES ACCUSES 42

Section1 : L'implication de la diversité culturelle dans la décision du juge. 42

Sous-section1 : L'application des circonstances atténuantes 42

Sous-section 2 : Les circonstances aggravantes 44

Section2 : La diversité culturelle et l'application de la règle de droit. 45

Sous-section 1 : L'incidence de l'application stricte de la norme internationale 45

Sous-section 2 : La possible prise en compte des dispositions d'ordre interne 47

A- L'application de la loi interne 48

B- L'application de la loi des parties 49

DEUXIÈME PARTIE : L'UNIVERSALITE DU DROIT ET L'INTERCULTUREL AU REGARD DU PROCES INTERNATIONAL 51

CHAPITRE I: L'AVENIR DE LA CPI AU REGARD DE L'EXPERIENCE DES TRIBUNAUX PENAUX INTERNATIONAUX 52

Section 1 : Les limites de la justice pénale internationale : l'expérience des Tribunaux ad hoc. 52

Sous-section 1 : Difficile adéquation du droit international aux réalités culturelles particulières. 52

A- La norme internationale et ses imperfections 53

B- Difficultés du juge à traduire juridiquement les faits 54

Sous-section2 : L'incidence des difficultés observées sur le fonctionnement de la justice pénale internationale 59

Section 2 : La CPI : Vers une uniformisation du droit et des cultures. 61

Sous-section1 : Pour une procédure pénale internationale unique. 61

Sous-section 2 : La justice pénale internationale à l'épreuve de la lutte contre le terrorisme 63

CHAPITRE II : REPENSER LA JUSTICE INTERNE ET LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME. 67

Section1 : Réflexion sur la compétence des tribunaux internes. 67

Sous-section 1 : La compétence universelle 67

Sous-section 2 : La compétence des juridictions internes 70

Section 2 : Les avantages de la justice régionale 72

Sous-section1 : L'Union Africaine et les organes de protection des droits de l'homme 72

Sous-section2 : La Cour européenne des droits de l'homme 75

CONCLUSION GENERALE 77

BIBLIOGRAPHIE GENERALE 81

I- OUVRAGES 81

III- ARTICLES 82

IV- DOCUMENTS 86

VI- PAGES WEB 88

* 1 J. HERSCH, « L'universalité des droits de l'homme, défi pour le monde de demain », Conseil de l'Europe, Universalité des droits de l'homme dans un monde pluraliste, Strasbourg, Ed NP Engel, 1990, p. 111.

* 2 Article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

* 3 Y.B. ACHOUR, « Les droits fondamentaux entre l'universalité et les spécificités culturelles et religieuses », H. PALLARD, S. TZITZIS, Droits fondamentaux et spécificités culturelles, Paris, L'Harmattan, 1997, p. 83.

Voir également sur cette question, F. TERRE « Universalité des droits de l'homme et diversité culturelle », MINISTERE DE LA JUSTICE DE LA REPUBLIQUE DE MAURICE, L'effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone, Colloque international, Montréal, Ed AUPELF-UREF, 1994, p. 53.

* 4 Idem, p. 81.

* 5 Nations unies, Recueil d'instruments internationaux, Droits de l'homme, vol I ( première partie ), Instruments universels, New York et Genève, 1994, p. 55.

* 6Commission africaine des droits de l'homme, Résolution sur les lignes directrices et mesures de prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique, Genève, mai 2003.

* 7 J. MATRINGE, Tradition et modernité dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 16.

* 8C. EBERHARD,  « Les droits de l'homme au laboratoire d'anthropologie juridique de Paris -origine et développement d'une problématique », Bulletin de liaison, n°23, juillet 1998, p. 23.

* 9 C. BASSIOUNI, « L'expérience des premières juridictions pénales internationales », H. ASCENSIO, E. DECAUX., A. PELLET, Droit pénal international, Paris, A.Pedone, 2000, p. 635.

* 10 P-A. LAGESE, « La position de l'Etat français face à la justice pénale internationale et les perspectives d'évolution », S. GABORAIU ET H. PAULIAT, La justice pénale internationale, Limoges, Pulim, 2001, p. 45.

* 11 Le Petit Larousse, Paris, Her, 1999.

* 12 Idem.

* 13 G. VANNIER, « De l'universalité et de la particularité des droits de l'homme », H. PALLARD et S. TZITZIS, Droits fondamentaux et spécificité culturelles, Paris, l'Harmattan, 1997, pp. 19-40.

* 14 O. DUHAMEL et Y.(MENY Dirs), Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 33 ; B. BOUMAKANI, « Démocratie, droit de l'homme et Etat de droit », Annales de la FSJP, Université Dschang, Tome 1, Vol2, PUA, 1997, p. 6.

* 15 J.J. VINCENSINI, Le livre des droits de l'homme, Paris, Robert Laffont, 1985, p. 20.

* 16 « Procès », Le Petit Larousse, Paris, Her , 1999.

* 17 CONSEIL DE SECURITE, Statut du Tribunal pénal international pour l'Ex- Yougoslavie, Résolution n°827, 25 mai 1993. Conseil de Sécurité, Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, Résolution n°955, 8 novembre 1994. Ces deux juridictions internationales ont été créées pour juger des crimes graves commis dans les Balkans dès le début des années 90, et de ceux commis au Rwanda entre avril et juillet 1994.

* 18 L. CONDORLLERI, «Présentation de la II ème partie », H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELET, Droit international pénal, Paris, A. Pedone, 2000, p. 241.

* 19 J. HERSCH, « L'universalité des droits de l'homme, défi pour le monde de demain », CONSEIL DE L'EUROPE, Universalité des droits de l'homme dans un monde pluraliste, Strasbourg, Ed NP Engel, 1990, p. 111.

* 20 C. TAYLOR, Multiculturalisme- Différence et démocratie, Aubier, Flammarion, 1994, ouvrage traduit de l'anglais au français, p. 58.

* 21 G. VANNIER, « De l'universalité et de la particularité des droits de l'homme », H. PALLARD et S. TZITZIS, Droits fondamentaux et spécificités culturelles, Paris, L'Harmattan, 1997, p. 130.

* 22 A. GUTMAN, « Introduction », Taylor C., Multiculturalisme - Différence et démocratie, op.cit., p. 19.

* 23P. MEYER BISCH, « Les droits culturels forment-ils une catégorie spécifique des droits de l'homme », P. MEYER BISH, Les droits culturels, op.cit, p. 23.

* 24C. EBERHARD, « Les droits de l'homme au LAJP, origine et développement d'une problématique », op.cit, p. 25.

* 25 H. ABDELHAMID, «  Raison islamique et raison d'Etat », J. MORIN et C. OTIS (dir), Les défis des droits fondamentaux, Bruxelles, Bruylant, Actualité scientifique, 2000, p. 219.

* 26 C. EBERHARD, « Les droits de l'homme au Lajap- origine et développement d'une problématique », op.cit, p. 24.

* 27 Idem.

* 28 E. LE ROY, « Fondements idéologiques et anthropologiques des droits de l'homme », Recueil de cours de la 28éme session d'enseignement de l'Institut International des droits de l'homme de Strasbourg, 1997, p. 1.

* 29 Idem, p. 15.

* 30 C. SANTULLI, « Pourquoi combattre l'impunité dans un cadre international ? », S. GABORIAU et H. PAULIAT, La justice pénale internationale, Limoges, Pulim, 2001, p179.

* 31 M. BENNOUNA, « La Cour pénale internationale », H. ASCENSIO, E. DACAUX., A . PELLET , Droit pénal international, A. Pedone, 2000, p. 735.

* 32 B. KOUCHNER, « Vers une Cour pénale internationale permanente », Fontanaud D., La justice pénale internationale, Paris, La documentation française, Problèmes politiques et sociaux, août 1999, n°826, p. 51.

* 33 Idem, p. 52.

* 34 M. BEAUD, L'art de la thèse, Paris, La Découverte, 1997, p. 32.

* 35 Articles 16 et 15 respectifs du Statut du TPIY et du TPIR, §1  « Le procureur est responsable de l'instruction des dossiers et de l'exercice de la poursuite contre les auteurs des violations grave du droit international humanitaire (...) »

* 36 TPIY, Règlement de procédure et de preuve, Section 3 et Section 5.

* 37 Idem

* 38C. TAYLOR, Multiculturalisme: Différence et démocratie, op.cit, p. 42.

* 39 Cette expression est utilisée pour désigner les rédacteurs des textes internationaux, il s'agit ici beaucoup plus de la Commission de droit international (CDI) des Nations unies.

* 40 Voir à cet effet, TPIY, Le Procureur contre Dusco Tadic, chambre de première instance, § 289, p. 45.

Voir également, TPIR, Le Procureur contre Jean Paul Akayesu, Chambre de première instance, §152.

* 41 TPIR, Le procureur contre Ignace Bagilishema, Arrêt de la chambre de première instance, 2001, §339, p. 57.

* 42 Procès verbal d'audience, Trial Day 183, affaire Bagosora et Al, case n°ICTR-98-41-T, Chambre de première instance, 8 septembre 2004.

* 43TPIR, Le procureur contre Ignace Bagilishema, Arrêt de la Chambre de première instance, 1 juin 2001, §187, p. 32.

* 44 TPIY, Le Procureur c/ Dusco Tadic, Jugement de la chambre de première instance, 7 mai 1997, II- Historique et conclusions factuelles préliminaires, A.  §53, p. 9.

* 45TPIY, Le Procureur c/ Dusco Tadic, Jugement de la chambre de première instance, 7 mai 1997, II- Historique et conclusions factuelles préliminaires, pp. 9-31

* 46F.X. NSANZUWERA, « Quelles leçons tirées des deux Tribunaux pénaux internationaux? »,

www.ridi.org/adi/archives.htm, 20 juillet 2004.

* 47 TPIY, Procureur c/ Dusco Tadic, Jugement de la chambre de première instance, 7 mai 1997, §59, p. 10.

* 48 G. DE LA PRADELLE, « La compétence universelle », H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, Paris, A.Pedone, 2000, p. 905.

* 49 P. MARTENS, « L'expérience belge de compétence universelle », Gaboriau.S., Pauliat H., La justice pénale internationale, Limoges, Pulim, 2002, p. 192.

* 50 Idem, p. 194.

* 51Juge d'instruction près la Cour d'assise de Bruxelles, chargé de l'instruction dans l'affaire du Génocide rwandais.

* 52F.X. NSANZUWERA, «  Quelles leçons tirées des deux Tribunaux pénaux internationaux? », www.ridi.org/adi/archives.htm, 20 juillet 04.

* 53Kayishema et Ruzindana, le verdict, www.fondationhirondelle.org , 20 août 2004.

* 54P. TAVERNIER, « Observation sur le procès du génocide en Belgique », www.cicr.org, 20 août 2004.

* 55« Le vif/l'express » du 18 mai 2001, p16 ; cité par P. MARTENS, « L'expérience Belge de compétence universelle », op.cit, p. 194.

* 56 Voir préambule du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civile et politiques, in, NATIONS UNIES, La Charte internationale des droits de l'homme, Fiche d'information n°2, novembre 2001, p. 63.

* 57 M. BEDJAOUI, « La difficile avancée des droits de l'homme vers l'universalité », CONSEIL DE L'EUROPE, Universalité des droits de l'homme dans un monde pluraliste, Strasbourg, Ed NP. Engel, 1990, p. 47.

* 58 A.D. OLINGA, « La notion de dignité en droit international des droits de l'homme », Cahier de l'UCAC, Yaoundé, Dignité humaine en Afrique, 1996, p. 234 et 235.

* 59 NATIONS UNIES, Discrimination à l'égard des femmes : La convention et le comité, Fiche d'information, Droits de l'homme, n°22, p. 49.

* 60 Association des femmes juristes de Brazzaville, Rapport 2001, inédit.

* 61Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, Affaire William Courson c/ Zimbabwe, Communication n°136, 1994, J.D. BOUKONGOU, « Introduction à la protection internationale des droits de l'homme », op.cit, p. 17.

* 62 E.A. ANKUMAH, La commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Pratiques et procédures, Sadic, Londres, 1995, p189, J.D. BOUKONGOU, Idem

* 63 NATIONS UNIES, Déclaration sur l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales, Recueil d'instruments internationaux, Droits de l'homme, Vol.I ( première partie ), Instruments universels, 1994, p. 63.

* 64 A.D. OLINGA., « La notion de dignité en droit international »,  op.cit, p. 239.

* 65CEDH, B c/ France, 25 mars 1992.

* 66 Convention européenne des droits de l'homme, article 8.

* 67 V. BERGER, Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, Paris, Dalloz Sirey, 6é Ed, 1998, p. 454.

* 68 Idem, p. 455.

* 69 Idem.

* 70P.M. DUPUY, « Le juge et la règle générale », RGDIP, n°4, 1989, p. 572.

* 71TPIR, Le Procureur c/ Ignace Bagilishema, Chambre de première instance, 7 juin 2001, §111, p. 23.

* 72 F.X.. NSANZUWERA, « Quelles leçons tirer des deux tribunaux pénaux internationaux ? », op.cit.

* 73 TPIR, Le Procureur c/ Ignace Bagilishema, Chambre de première instance, 7 juin 2001, §140, p. 26.

* 74TPIR, Le Procureur c/ Ignace Bagilishema, Chambre de première instance, 7 juin 2001, §146, p. 27.

* 75P.A. GOURION, « Le travail de l'arbitre international », P. LAMBERT (dir.), La méthode de travail du juge international, Bruxelles, Bruylant, Droit et justice, 1997, p. 77.

* 76 Statut du TPIY, article 24 paragraphe 2.

* 77P. TAVERNIER, « L'expérience des Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda », Revue internationale de la Croix rouge, n°828, p. 648.

* 78 C. JORDA et J. DE HEMPTINE, « Le rôle du juge dans la procédure face aux enjeux de la répression internationale », H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, Paris, A. Pedone, 2000, pp. 807-821.

* 79 TPIR, affaire, Le Procureur c/ Jean Kambanda, Jugement de la Chambre de première instance, 1998.

* 80 P. ROBERT, « Procédure de jugement international », ASCENSIO H., DECAUX E. et PELLET A. Droit international pénal, Paris, A. Pedone, 2000, op.cit, p. 826.

* 81 TPIY, affaire Le Procureur c/ Dusco Tadic, jugement de la chambre de première instance, 7 mai 1997, p. 113.

* 82 NATIONS UNIES, La Charte internationale des droits de l'homme, Fiche d'information n° 2, novembre 2001, p. 16.

* 83 F.X. NSANZUWERA, « Quelles leçons tirer des deux tribunaux pénaux internationaux ? », op.cit.

* 84 R. MAISON, « Le crime de génocide dans les premiers jugements du Tribunal pénal international pour le Rwanda », RGDIP, n°103, 1999, p. 129.

* 85 G. DE LA PRADELLE, « La compétence universelle », Ascensio H., Decaux E. et Pellet A. Droit international pénal, Paris, A. Pedone, 2000, p. 609.

* 86 Idem.

* 87 Cour d'assises de Bruxelles, Arrêt du 27 juin 2001, Affaire Ntezimana Vincent, Higaniro Alphonse, Mukangango Consolata et Mukabutera Julienne, p. 11.

* 88 Idem.

* 89 G. DE LA PRADELLE, op.cit, p. 909.

* 90 Cour d'assises de Bruxelles, Arrêt du 27 juin 2001, Affaire Ntezimana Vincent, Higaniro Alphonse, Mukangango Consolata et Mukabutera Julienne, p. 11.

* 91 S. GUINCHARD, « Synthèse », S. GABORIAU, H. PAULIAT, La justice pénale internationale, Limoges, Pulim, 2002, p. 192.

* 92 Tribunal de District Jérusalem, Affaire Avocat général de l'Etat d'Isräel c/ Eichman, 12 décembre 1951.

* 93 H. ASCENSIO, « Les tribunaux ad hoc pour l'ex Yougoslavie et pour le Rwanda », H. ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET, Droit international pénal, Paris, A. Pedone, 2000, p. 715.

* 94 A. PELLET, « Le tribunal criminel international pour l'ex-Yougoslavie. Poudre aux yeux ou avancée décisive ? » RGDIP, Tome 98, n°1, 1994, p. 56.

* 95 Cour internationale de justice.

* 96H. TIGOUDJA, « La peine en droit international pénal »,

www.réseauvoltaire.net/bibliotheque.articles.html, 20 juillet 2004.

* 97W.A. SHABAS, « Justice pénale internationale : Dissuasion et lutte contre l'impunité », Institut international des droits de l'homme, 28è Session d'enseignement, Montréal, 1997, p. 124.

* 98R. MAISON, « Le crime de génocide dans les premiers jugements du Tribunal pénal international pour le Rwanda », RGDIP, n°103,1999, p. 129.

* 99TPIR, Le Procureur c/ Jean Kambanda, Jugement de la Chambre de première instance, 2-09-1998, §510.

* 100Idem, §120.

* 101TPIR, Le Procureur c/ Jean Kambanda, Jugement de la Chambre de première instance, 2 septembre 1998, §169.

* 102Idem, §508.

* 103R. MAISON, « Le crime de génocide dans les premiers jugements du Tribunal pénal international pour le Rwanda », RGDIP, n°103,1999, p. 129.

* 104R. MAISON, « Le crime de génocide dans les premiers jugements du Tribunal pénal international pour le Rwanda », RGDIP, n°103,1999, p. 130.

* 105H. ASCENSIO, « Les Tribunaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda », H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, op.cit, p. 720.

* 106 P. MARTENS, « L'expérience belge de compétence universelle », H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, Paris, A.Pedone, 2000, p. 195.

* 107 TPIY, Le Procureur c/ Dusco Tadic, jugement de la chambre de première instance, 7 mai 1997, §53, p. 9.

* 108 F.X. NSANZUWERA, op.cit.

* 109 P. TAVERNIER, « L'expérience des Tribunaux pénaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda », RICR, 1999, n°828, p. 649.

* 110 Idem.

* 111 Voir article 15 du Statut du TPIY.

* 112 Confert I ère partie, p. 29.

* 113 F.X NSANZUWERA, « La longue plainte des victimes », Gaboriaux S. Pauliat H., La justice pénale internationale,op.cit, p. 89.

* 114 Article 13, sur les qualifications du juge international, Statut du TPIY.

* 115 D. FONTANAUD, Glossaire, La justice pénale internationale, Paris, La documentation française, Problèmes politiques et sociaux, 1999, n°826, p. 6.

* 116 C. JORDA, et J. HEMPTINNE, « Le rôle du juge dans la procédure face aux enjeux de la répression internationale », op.cit, p. 808.

* 117 P. TAVERNIER, « L'expérience des Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda », op.cit, p. 650.

* 118 TPIY, Le Procureur c/ Dusco Tadic, jugement de la chambre de première instance, 7 mai 1997, §535-536, p. 83.

* 119 S. GUINCHARD, « Synthèse », S. GABORIAU, H. PAULIAT, La justice pénale internationale, Limoges, Pulim, 2002, p. 270.

* 120 C. BOURGUES-HABIF, « Terrorisme international », H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, op.cit, p. 457

* 121 D. HERMANT, D. BIGO, «  Des terrorismes. Un nécessaire pluriel », X. GETTIEZ, Le terrorisme, violence et politique, Paris, La documentation française, Problèmes politiques et sociaux, 2001, n°859, p. 19.

* 122 C. BOURGUES-HABIF, « Le terrorisme international », op.cit, p. 458.

* 123 C. BOURGUES-HABIF, Idem, p. 458.

* 124 G. DE LA PRADELLE, « La compétence universelle », op.cit, p. 905.

* 125 Article5 de la Convention pour la prévention et la répression du génocide, 9 décembre 1948, entrée en vigueur le 12 janvier 1951.

* 126 Article 5 de la Convention contre la torture et autres traitements cruels inhumains ou dégradants, New York, 10 décembre 1984, entrée en vigueur le 26 juin 1987.

* 127 HUMAN RIGHTS WATCH, « Cour pénale internationale. Faire fonctionner la justice internationale », septembre 2001 : http://www.hrw.org .

* 128 P. MARTENS, « L'expérience belge de compétence universelle », Ascensio H., Decaux E., Pellet A.(dir.), Droit international pénal, Paris, A.Pedone, 2000, p. 196.

* 129 M. BENNOUNA, « La Cour pénale internationale », Ascensio H, Decaux E., Pellet A. (dir.), op.cit., p. 735.

* 130W.A. SCHABAS, « La justice pénale internationale: Dissuasion et lutte contre l'impunité », Institut international des droits de l'homme, 28è Session d'enseignement des droits de l'homme, 1997, p. 132.

* 131G. SEBUNDANDI, Procès Gacaca: Panacée ou alibi? www.réseauvoltaire.net/bibliotheque.html., 7 août 2004.

* 132 SENAT RWANDAIS, Session ordinaire 2003-2004, Projet de loi Rwanda. Exécution des peines prononcées par le TPI, http://www.senat.fr/rap/103-220.html, 20 juillet 2004.

* 133F.X NSANZUXERA, «  Quelles leçons tirées des deux Tribunaux pénaux internationaux? », www.ridi.org/adi/archives.htm, 20-07-04.

* 134M. BERGER-LAVIGNE (Rapporteur), sénat rwandais, Session ordinaire 2003-2004, Projet de loi Rwanda. Exécution des peines prononcées par le TPI, http://www.senat.fr/rap/103-220.html, 20 juillet 2004.

* 135W.A. SCHABAS, « La justice pénale internationale: Dissuasion et lutte contre l'impunité », op.cit, p. 128.

* 136C. APTEL, «  A propos du Tribunal pénal pour le Rwanda », RICR, décembre 1997, n°828, p. 730.

* 137Article 5 de l'Acte constitutif de l'Union Africaine.

* 138M. MUBIALA, « Le protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatifs à l'institution d'une Cour. », Human rights, Droits de l'homme, avril 1998, p. 27.

* 139Articles 5 et 18 de l'Acte constitutif de l'Union Africaine.

* 140M. TCHENZETTE, L'Union africaine:Evolution et perspectives, http://zombie.lautre.net/recherche.php3?recherche=commentaire+sur+union+africaine, 20 août 2004.

* 141J.D. BOUKONGOU, Introduction à la protection internationale des droits de l'homme: Aspects fondamentaux du Système africain des droits de l'homme, op.cit, p. 9 et 10.

* 142 Article 4 § h de l'Acte constitutif de l'Union africaine.

* 143 J.D BOUKONGOU, op.cit, p. 9.

* 144 Cour européenne des droits de l'homme, Aperçu Trente-cinq années d'activité 1959-1994, Strasbourg, 1995, p. 1.

* 145 J. VELU et R. ERGEC, La convention européenne des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1990, p. 927.

* 146 J. VELU et R. ERGEC, Idem, p. 928.

* 147 Article 27 du Règlement de la Cour européenne des droits de l'homme.

* 148 Rodriguez A.S., Synthèse, Gaboraiux.S. et Pauliat.H., La justice pénale internationale, Limoges, Pulim, 2001, p. 117.






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