3.6. CORROSION DES ARMATURES
La fissuration excessive du béton, qu'elle soit naturelle
ou accidentelle, facilite la pénétration des agents agressifs,
facteurs de corrosion des armatures de béton armé et
précontraint.
De nombreuses recherches effectuées en laboratoire et sur
des ouvrages ont montré que les problèmes de durabilité et
en particulier le risque de corrosion des barres d'armature passive
n'étaient pas influencés de manière
significative par la valeur de l'ouverture des fissures tant que celle-ci
demeure inférieure à une valeur de l'ordre de 0,3 et cela, dans
un environnement sec à l'intérieur des bâtiments. Pour les
éléments d'ouvrage exposés aux intempéries ou
à un environnement agressif la limite d'ouverture de fissure qui
résulterait en un problème de corrosion est de 0,15 mm selon ACI
code (règlement Américain).
Le processus de corrosion dépend principalement de
l'épaisseur et de la qualité du béton d'enrobage mais ne
dépend guère de la fissuration.
Louverture des fissures n'influence que la longueur de la phase
d'initiation, c'est-à-dire la durée à partir de laquelle
le processus de corrosion démarre. Mais étant donné que la
durée de cette phase n'est que de 2 à 6 années, elle ne
joue pratiquement aucun rôle en ce qui concerne la durabilité eu
égard à la durée de vie de l'ordre de 30 à 80 ans
normalement attendue pour l'ouvrage, voire davantage dans certains cas.
Une conséquence pratique très importante de ces
observations est donc qu'une limitation très sévère des
ouvertures de fissures réalisable en particulier au moyen d'une
augmentation des quantités d'armature ne s'avère pas comme un
moyen efficace pour accroître la durabilité des structures en
béton armé; et cela, même en cas d'environnement
particulièrement agressif. En cas d'exigences élevées
concernant la durabilité, ce sont d'autres mesures auxquelles on
devra
recourir, telles que:
? La réalisation d'un enrobage suffisant.
? La confection d'un béton particulièrement dense
et peut perméable et surtout résistant aux éventuelles
attaques chimiques, grâce à un type de ciment approprié,
à un dosage suffisant, à
un rapport eau / liant aussi faible que possible, à une
quantité minimale de fines, au recours éventuel à un
béton avec ajout de fumée de silice ( bétons à
hautes performance),etc..
? Une cure soignée et de durée suffisante.
? Et au besoin, en cas d'agression par des substances chimiques
très agressives, la mise en oeuvre d'une couche étanche à
la surface du béton et/ou l'utilisation de barres d'armature
revêtues d'une couche de résine époxy.
C'est en effet l'épaisseur et la qualité du
béton d'enrobage protégeant la cage d'armatures qui constituent
les facteurs déterminants pour la durabilité. Les exigences
relatives peuvent être graduées en fonction du type d'ouvrage et
de l'agressivité de son milieu environnant comme indiqué au
tableau 3.1
Tableau 3.1: Valeur limites recommandées pour
assurer la durabilité des structures
en béton armé.
Agressif
Sels (+gel)
|
Humide avec
gel
|
Humide sans
gel
|
Sec
|
Environnement
|
4
|
2,5
|
2
|
1,5
|
Enrobage minimum (cm)
|
C 30
|
C 25
|
C 20
|
C16
|
CEB
|
Classe minimale de résistance
|
B 45/35
|
B35/25 à B40/30
|
B
|
B
|
SIA
|
0,50 à 0,40
|
0,55
|
0,6
|
0,65
|
Rapport max E/C
|
300 à 350
|
300
|
300
|
270
|
Dosage minimal en ciment
|
La corrosion commence sur la surface proche de l'extérieur
du fait que le béton contacte perd son alcalinité en premier et
que les sources extérieure de chlorures, d'humidité et
d'oxygène sont proches. Les produits de la corrosion s'entassent et
exercent graduellement une pression sur le béton jusqu'à le faire
éclater comme montré en figure 3.3
Figure 3.3 : Eclatement du béton dû
à la corrosion des armatures.
La corrosion des armatures d'acier a été et sera
toujours une des causes majeures de détérioration des structures
en béton armé. Les armatures d'acier se corrodent chaque fois
que le béton de recouvrement ne les protège pas suffisamment
contre la rouille. Ce manque de protection peut avoir plusieurs causes, une
trop forte valeur du rapport eau / liant, un mauvais mûrissement ou
l'absence totale de mûrissement, un mauvais positionnement des armatures
trop près des coffrages, la progression des ions chlores, une
très forte carbonatation.
Le mécanisme de corrosion de l'acier dans le béton
est bien connu: la perte de passivation de
l'acier lorsque décroît le PH de l'eau
interstitielle du béton conduit celui-ci à s'oxyder et à
rouiller. L'oxydation de l'acier ou sa rouille s'accompagne d'une augmentation
de volume
qui commence par générer des microfissures dont le
nombre va en augmentant. Ces premières microfissures rendent la
pénétration des agents agressifs encore plus facile de sorte que
la corrosion s'accélère jusqu'à provoquer
finalement l'éclatement de l'enrobage de béton. Lorsque l'on
atteint une telle dégradation, non seulement les armatures d'acier sont
exposées directement à la corrosion, mais une nouvelle surface de
béton, qui était initialement située en profondeur, est
exposée directement à l'action des chlorures.
Encore maintenant, plusieurs auteurs pensent que la corrosion des
aciers d'armatures est un phénomène inévitable,
inhérent au béton armé. Pour réduire la corrosion
des armatures d'acier, différentes solutions et agents anticorrosion
sont régulièrement proposés sur le marché et
certaines compagnies font la promotion de la protection intégrale d'une
structure en utilisant une protection cathodique très coûteuse.
En fait, pour résoudre le problème de la corrosion
des armatures d'acier, on peut suivre deux approches [21] :
- On continue d'utiliser un béton très poreux, et
il faut alors absolument spécifier des armatures qui résistent
à la corrosion ou un système de protection cathodique pour
protéger
toute la structure. Pour l'auteur [21], un
béton qui a une résistance à la compression
inférieure à 30 MPa est un béton qui ne protège pas
bien les armatures d'acier, quel que soit
l'environnement dans lequel il est utilisé, si l'on
continue à maintenir les épaisseurs de recouvrement actuelles. En
outre, on sait très bien qu'un tel béton n'offre pas une
protection adéquate face à la carbonatation. En adoptant une
telle solution facile, mais coûteuse à long terme, on oublie les
deux causes majeures de la corrosion des armatures d'acier: une trop forte
valeur du rapport eau/liant et de mauvaises pratiques de mûrissement.
Tout béton qui a un rapport eau/liant supérieur à 50
présente une microstructure très ouverte qui offre de larges
avenues à la pénétration d'agents agressifs quels qu'ils
soient;
-La deuxième approche consiste à spécifier
un béton imperméable et à bien le mûrir. Il n'est
alors plus nécessaire de faire recours à des armatures
résistants à la corrosion et donc l'acier ordinaire suffit. Des
BHP qui ont un rapport eau/liant compris entre 0,30 et 0,35 sont suffisamment
imperméable pour procurer une bonne protection aux armatures d'acier si
l'épaisseur de recouvrement de ces armatures est suffisante et si la
peau du béton a été mûrie de façon
adéquate. L'épaisseur de recouvrement doit être
ajustée selon la sévérité de l'environnement, et
peut atteindre jusqu'à 7,5 cm [21], pour s'assurer une
duré de vie suffisamment longue à l'ouvrage.
Évidement, le choix d'un faible rapport eau/liant ne
constitue qu'une première étape pour résoudre le
problème de la corrosion de l'acier. Il faut aussi que ce béton
imperméable soit
bien mis en place et bien mûri de façon à
protéger efficacement les armatures d'acier contre la corrosion. Quand
la mise en place et le mûrissement sont faits correctement, il n'est pas
nécessaire d'utiliser des armatures à l'épreuve de la
rouille, d'utiliser un adjuvent anticorrosion ni d'envisager une protection
cathodique. Un BHP de faible rapport eau/liant, une mise en place et un
mûrissement adéquats garantissent la protection des armatures
contre la corrosion.
La formulation du béton classique, en particulier son
dosage en ciment et son rapport des teneurs eau-ciment, dépend de
l'environnement auquel ce matériau est exposé
La corrosion des armatures a deux conséquences sur le
comportement de l'ouvrage. Dans un premier temps, les produits de corrosion
occupent un volume plusieurs fois supérieur au volume initial de
l'acier, leur formation fissure le béton (de façon
caractéristique, parallèlement à la direction du lit
d'armatures), entraîne son éclatement ou son feuilletage.
La pénétration des agents agressifs en direction de
l'acier est donc facilitée, ce qui se traduit par une augmentation de
la vitesse de corrosion. Ensuite, la progression de la corrosion à
l'anode réduit la section effective de l'acier, ce qui réduit par
conséquent sa capacité de résistance.
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