CONCLUSION et PERSPECTIVES
La (micro)paléontologie n'est pas en soi une science
compliquée. Elle nécessite en fait deux choses principales : une
grande expérience et une documentation de référence
très bien fournie... L'expérience ne peut s'acquérir
qu'avec le temps, en contact avec le terrain et en observant de très
nombreux spécimens. Amasser une importante documentation
nécessite également du temps et des échanges avec des
paléontologues expérimentés, les seuls à même
de partager leur savoir...
Lorsque j'ai commencé ce Magister, je ne connaissais
rien (ou presque !) à la (micro)paléontologie, à peine
avais-je déjà observé une petite dizaine de fois des
foraminifères ou des ostracodes dégagés, et quelques rares
lames minces. Les premières séances de tri furent donc
laborieuses, difficile en effet de trier des microorganismes à peine
plus gros que la tête d'une épingle ! Le geste doit être
extrêmement précis, faute de quoi il est facile d'écraser
de si petits organismes, ou de les perdre sur 'l'immensité' d'une table
(ils furent d'ailleurs nombreux à subir ce sort) !
Cependant, au fur et à mesure, le geste s'affirme, la
cadence s'accélère et les microfossiles deviennent familiers. Les
quelques mois passés à la réalisation de ce Magister
m'auront ainsi permis d'observer des milliers de microfossiles, de dizaines de
genres et d'espèces différentes. Du statut de
(micro)paléontologue totalement néophyte, je suis donc
passée à celui de (micro)paléontologue débutante,
avec pour bagage une expérience d'une année.
En introduction, deux objectifs avaient clairement
été définis, d'une part préciser la
biostratigraphie des dépôts et d'autre part en faire une
étude paléoenvironnementale.
Le premier objectif a été atteint grâce
à l'identification d'un certain nombre de fossiles-marqueurs,
essentiellement des foraminifères planctoniques. Trois zones ont ainsi
pu être définies entre le début du Cénomanien et le
début du Turonien (zone à Rotalipora brotzeni, à R.
cushmani et à Whiteinella archeocretacea), alors que la
limite entre Vraconnien et Cénomanien inférieur n'a pas pu
être située avec précision. En effet, une certaine
imprécision est à regretter, en premier lieu du fait de mon
inexpérience, et en second lieu du fait d'un contenu
(micro)paléontologique particulièrement peu favorable
(quasi-absence des foraminifères planctoniques carénés
essentiels pour des études biostratigraphiques précises,
extrême rareté des ammonites).
L'étude paléoenvironnementale a quant à
elle pu être mieux détaillée, grâce à un
ensemble de critères (minéralogiques ou géochimiques, en
plus des études statistiques réalisées à partir des
paramètres définis lors des séances de tri des
microfossiles). Le milieu de dépôt ainsi caractérisé
est un milieu marin calme, de type plate-forme externe, d'une profondeur de
l'ordre de 200 m, caractérisé par une fréquente tendance
à l'anoxie au niveau du fond. Le contenu paléontologique est
nettement dominé par des organismes benthiques de type bivalve (des
ostréidés très majoritairement) et gastéropodes,
alors que les ammonites sont quant à elle très rares. Parmi les
microfossiles, il faut retenir la dominance des foraminifères
planctoniques (un peu plus de la moitié de l'ensemble des microfossiles
observés, mais parmi eux très peu de foraminifères
planctoniques carénés), et la faible représentation des
ostracodes.
Loin d'être homogène, cet environnement
présente au contraire une variabilité relativement importante,
marquée par une différenciation nette du contenu
micropaléontologique notamment. En effet, bien que globalement
dominants, les foraminifères planctoniques sont en réalité
supplantés par les foraminifères benthiques dans
environ 40 % des échantillons, ce qui dénote
à n'en pas douter de variations paléoenvironnementales notables.
Ce sont ainsi quatre cycles qui ont été mis en évidence,
ce qui équivaut en vérité à quatre séquences
de dépôt, au cours desquels le niveau marin a fluctué,
ainsi donc que le contenu (micro)paléontologique.
La crise Cénomanien/Turonien, qui constituait
également l'un de nos thèmes de recherche, a bien
été caractérisée. Les calcaires laminés
noirs, typiques de la formation `Bahlour, ont révélé, en
plus d'un taux de COT élevé (jusqu'à 2 %), un contenu
micropaléontologique composé presque uniquement de
foraminifères planctoniques globuleux, tandis que dans le même
temps les Rotalipores avaient déjà disparu, ce qui confirme bien
la survenue de la crise C/T. Les foraminifères benthiques,
extrêmement peu diversifiés, ne comportent que quelques
espèces de type agglutiné.
Pour terminer, replaçons maintenant notre étude
dans un cadre plus global. Imaginons-nous au Cénomanien. Les
températures sont très élevées, bien plus que les
températures actuelles. Le climat tropical règne sur une bonne
partie de la planète. Le niveau des océans est un des plus
élevés qu'il n'a jamais été, si bien que les zones
basses des continents sont en grande partie recouvertes par les eaux, formant
d'immenses plate-formes épicontinentales. Le nord de l'Algérie
est ainsi inondé. La zone de Tébessa, située à
environ 15° de latitude nord, est recouverte d'une tranche d'eau
épaisse de 100 à 200 m, qui s'épaissit vers l'est et se
réduit à l'ouest et au sud. On peut ainsi imaginer un vaste
golfe, ouvert vers le nord-est.
Une telle reconstitution géographique s'appuie bien
entendu sur de multiples études. Environ 40 km à l'est de
Tébessa, en Tunisie, de nombreuses recherches montrent un milieu de
dépôt profond, de type talus, avec des associations de
foraminifères riches en formes planctoniques carénées
(Robaszynski et al., 1993, 1999 par exemple). Dans la zone de
Tébessa, l'environnement décrit est nettement mois profond, on se
retrouve au niveau de la plate-forme externe (cf notamment Benkherouf (1988) et
Vivière (1985), en plus de cette étude). Resteraient donc
à mener des études plus précises immédiatement
à l'ouest et au sud de Tébessa, afin notamment de préciser
les paléoenvironnements...
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3ibliograph
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