c- La crise cénomano-turonienne
c-1- Généralités
Caractérisé par le dépôt de
'black shales', laminées, riches en pyrite et avec un
contenu en COT allant de 1 ou 2 % jusqu'à plus de 20 % , cet
évènement, d'ampleur mondiale, est également marqué
par une absence générale de traces de bioturbation, et des
assemblages de microfossiles nettement dominés par des
foraminifères planctoniques (et des radiolaires), tandis que dans le
même temps les espèces benthiques sont absentes ou ne consistent
qu'en des assemblages particulièrement peu diversifiés, notamment
de foraminifères agglutinés (Schlanger et al., 1987).
Tous ces critères caractérisent un milieu où
l'anoxie règne dans les eaux de fond. Cet
évènement, étudié par de nombreux auteurs, a donc
été dénommé `Evènement d'Anoxie
Océanique' (`Oceanic Anoxic Event', ou `0AE' en anglais) par
Schlanger et Jenkyns (1976).
Au cours du Crétacé, ce sont au total trois
évènements de cette ampleur qui ont été reconnus
(Jenkyns, 1980), le premier entre l'Aptien et l'Albien, le second entre le
Cénomanien et le Turonien (OAE2), et le dernier entre le Coniacien et le
Santonien.
Plusieurs explications ont été données
à de tels évènements. Plusieurs auteurs évoquent
ainsi une température globale très élevée et un
faible gradient latitudinal, ce qui aurait diminué le taux de
réoxygénation des eaux de fond, d'autant que la solubilité
de l'oxygène diminue à mesure que la température de l'eau
augmente (Fisher et Arthur, 1977). Certains évoquent également un
lien avec les grandes transgressions crétacées (Schlanger et
Jenkyns, 1976), une stratification saline des eaux (Arthur et Natland, 1979) ou
une stagnation des eaux de fond.
La durée de l'évènement
d'anoxie, estimée à #177; 1 Ma par Arthur et al.
(1987), serait plutôt inférieure à 500 ka
selon Caron et al. (1999), pour qui la formation Bahloul (de
Tunisie centrale) se serait déposée au cours d'un grand cycle
d'excentricité de type Milankovitch, soit #177; 400 000 ans.
D'un point de vue micropaléontologique, les
caractéristiques de cet évènement sont :
la disparition des Rotalipores, formes
planctoniques carénées complexes,
le grand développement de formes planctoniques
globuleuses, Whiteinelles et
Hétérohélicidés notamment,
l'absence ou la très grande rareté des
formes benthiques, qui, lorsqu'elles sont présentes, sont
extrêmement peu diversifiées et souvent constituées de
rares Agglutinés.
D'un point de vue géochimique, en plus de la variation
de la teneur en COT, de nombreux auteurs ont également signalé
une variation des rapports isotopiques du carbone. Des valeurs nettement
positives du 513C s'observent ainsi en divers endroits dans le monde
aux alentours du passage entre Cénomanien et Turonien, ce que signalent
Scholle et Arthur dès 1980. Cette 'excursion géochimique' est
donc un évènement océanique global, et sa signature peut
être utilisée pour des corrélations sur de très
grandes distances (Accarie et al., 1996).
En Afrique du Nord, des études menées en Tunisie
centrale montrent des valeurs `anormales' (2 à 3.5 %o) logiquement
associées à des taux de COT eux aussi particulièrement
élevés (Accarie et a/.,1996; Nederbragt
et Fiorentino, 1999; Accarie et al., 2000, Caron et al.,
2006). Selon une étude récente de Groshény et al.
(2007), des valeurs comparables se retrouvent également dans
l'Atlas saharien oriental en Algérie (Aurès et Ouled
Naïl).
Concernant notre travail, aucune analyse des rapports isotopiques
n'a pu être entreprise à ce jour, ce qui est à
regretter.
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