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Fondements juridiques des dispositions relatives à la propriété industrielle dans l'accord d'association entre la Tunisie et la Communauté Européenne

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par Maher EL EUCH
Université El Manar de Tunis - mastère professionnel en droit de la propriété intellectuelle 2008
  

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Sommaire

Introduction générale 2

PREMIERE PAR TIE

UN CHOIX INITIAL AX SUR L'INTERNATIONALITE 10

CHAPITRE I- LES FONDEMENTS RELEVANT DU DROIT INTERNATIONAL ECONOMIQUE 11

Section 1- Les fondements relevant du droit de l'Organisation Mondiale du commerce (OMC) 11

Section 2- Les fondements relevant du droit conventionnel de l'investissement international 21

CHAPITRE II - LES FONDEMENTS RELEVANT DU DROIT INTERNATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE 23

Section 1- La référence explicite à la Convention de Paris 23

Section 2- Les renvois prévus par l'accord sur les ADPIC 27

DEUXIEME PAR TIE
UNE NOUVELLE STRATEGIE EUROPEENNE : LA TENDANCE A LA

COMMUNAUTARISATION 30

CHAPITRE I- LES AXES DE LA NOUVELLE STRA TEGIE EUROPEENNE 31

Section1- les axes issus de la directive communautaire de 2004 31

Section 2- les axes issus du nouveau règlement douanier 35

CHAPITRE II- LES RAPPORTS A VEC LA NOUVELLE POLITIQUE DE

VOISINA GE 38

Section 2- les grands axes de la nouvelle politique de voisinage 39

Section 2- Harmonie avec la nouvelle politique de voisinage 42

Conclusion générale 49

Bibliographie 53

ANNEXES : 55

Introduction générale

Les relations entre la Tunisie et la Communauté européenne s'inscrivent dans le cadre des relations entre la rive nord et la rive sud de la méditerranée. De tels rapports ont été marqués depuis longtemps par une coexistence du conflit et de la coopération.

Après l'indépendance des pays du sud de la méditerranée, une nouvelle logique basée sur le droit conventionnel s'est progressivement substituée à l'ancienne tendance conflictuelle de l'époque coloniale.

Dans le cadre de la consolidation de ses rapports privilégiés avec ses partenaires européens, la Tunisie a conclu, le 28 mars 1969 un accord créant une association avec la Communauté Economique Européenne. L'accord de 1969 a été remplacé par l'accord de coopération du 25 avril 1976. L'accord de 1976 n'était pas un simple accord commercial. Il comprenait également un volet important, à savoir la coopération financière.

La Tunisie a participé activement aux travaux de la conférence de Barcelone qui s'est tenue le 27 et 28 novembre 1995. Elle a, cependant, anticipé les résultats de la conférence et a été le premier pays du sud à avoir signé, le 17 juillet 1995, un accord euroméditerranéen établissant une association avec la Communauté Européenne et ses Etats membres.

Le terme « accord d'association avec la Communauté Européenne» nécessite une clarification. Certains utilisent le terme « accord de partenariat avec l'Union Européenne » comme étant le cadre juridique de la coopération entre la Tunisie et son partenaire européen. Il s'agit donc de confronter le mot "association" à celui du "partenariat", d'une part et le mot "Communauté Européenne" à celui de "l'Union Européenne", d'autre part.

C'est le terme "association" qui a été officiellement utilisé par les rédacteurs de l'accord dans son intitulé : « accord euro méditerranéen établissant une association avec la Communauté Européenne et ses Etats membres ». Le même terme a été utilisé pour qualifier les structures mixtes de suivi de la mise en oeuvre de l'accord : "conseil d'association" et "comité d'association".

Le concept d'association est fondé sur l'article 310 CE (ex-article 238) du traité instituant la communauté européenne signé à Rome le 25 mars 1957. Cet article prévoit ce qui suit : « La Communauté peut conclure avec un ou plusieurs États ou organisations internationales des accords créant une association caractérisée par des droits et obligations réciproques, des actions en commun et des procédures particulières. »

« Selon l'article 310, un accord d'association est caractérisé par des droits et obligations réciproques. Or, ceci est, en principe, le cas de tout accord international. A ce

constat s'ajoute le fait qu'une certaine catégorie d'accords d'association conclus par la Communauté, notamment ceux dits de développement, établis sent des droits et obligations non réciproques et donc déséquilibrés. Il s'ensuit que le critère des droits et obligations réciproques ne peut, en soi, servir de paramètre permettant d'identifier la spécificité des accords d'association »
· 1

Quant au terme « partenariat », il a été utilisé, à deux reprises, par l'accord. D'une part, le préambule de l'accord a avancé ce qui suit : « ...considérant que la Communauté, les États membres et la Tunisie souhaitent renforcer ces liens et instaurer durablement des relations fondées sur la réciprocité, le partenariat et le codéveloppement;... ». D'autre part, l'article 42 relatif aux objectifs de la coopération économique (titre V) stipule que « Les parties s'engagent à renforcer leur coopération économique, dans leur intérêt mutuel et dans l'esprit du partenariat qui inspire le présent accord ».

Donc, nous pouvons affirmer que le terme « partenariat » a une signification essentiellement économique, tandis que « l'association » revêt un sens plus large qui englobe plusieurs aspects (politiques, humanitaires, culturels, financiers et techniques, économiques et commerciaux...).

Une autre précision terminologique concerne la distinction entre "Communauté Européenne" et "Union Européenne". Ces deux termes ne sont pas des synonymes. En effet, selon un glossaire spécialisé (disponible sur le site WEB : http://www.mondediplomatique.fr), la Communauté européenne (CE) est « l'un des trois piliers de l'Union européenne. Depuis l'entrée en vigueur du traité de Maastricht (novembre 1993), elle succède à la Communauté économique européenne (CEE) instituée par le traité de Rome. L'Union européenne (UE), créée par le traité de Maastricht, entend donner une dimension nouvelle à la construction communautaire en ce qu'elle dépasse le contenu essentiellement économique de la CEE. Elle repose sur trois piliers. Le premier (la Communauté européenne) est régi par les procédures communautaires avec un rôle moteur assuré par la Commission. Les deux autres piliers sont de caractère intergouvernemental ; politique étrangère et de sécurité commune (Pesc) et Coopération judiciaire et policière».

Il est intéressant de souligner, également, que la partie européenne de l'accord d'association englobe les parties contractantes au traité instituant la Communauté européenne et au traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, dénommées les «États membres». La conclusion et l'entrée en vigueur de l'accord

1 DONY (Marianne). « Droit des relations extérieures de l 'Union Européenne», Institut d'Etudes Européennes, disponible sur :www.ulb.ac.be/iee/cours%20en%20ligne/DONY/DroitRelex2006-7.doc

d'association ont été conditionnées par sa signature par les représentants des gouvernements des Etats membres et son approbation par leurs parlements nationaux.

La définition et les fondements de la propriété industrielle ont été différemment présentés par la théorie économique et la doctrine juridique.

Selon la théorie économique, «le droit de la propriété intellectuelle répond à deux impératifs : inciter à l'innovation et faciliter les échanges. Il réalise un compromis entre deux objectifs d'efficacité économique. L'atteinte de l'efficacité dite statique requiert que les ressources soient allouées de telle sorte que le surplus total soit maximisé. Ce surplus se compose du profit des producteurs et du gain des consommateurs. L'efficacité dynamique se réfère à l'amélioration et au renouvellement dans le temps des techniques de production et des biens. Elle est le résultat des investissements consacrés à la R&D (recherche et développement) et aux activités de conception et de création». 2

Selon le rapport de la commission sur l'économie de l'immatériel qui relève du ministère français de l 'Économie, des Finances et de l 'Industrie (2006), «la propriété intellectuelle occupe une place centrale dans l'économie de l'immatériel. En effet, dans une économie où les idées priment, où c'est l'innovation qui crée de la valeur, il est normal que les acteurs cherchent à protéger ces idées ou le bénéfice économique qu'ils peuvent en tirer. La propriété intellectuelle doit donc normalement permettre de garantir la rente temporaire qu'une entreprise peut tirer d'une innovation. De ce fait, on constate une multiplication du recours aux instruments juridiques destinés à protéger cette propriété intellectuelle, notamment les brevets et les marques »3.

Dans la doctrine juridique, la définition de la propriété industrielle n'a pas échappé aux controverses. Dans ce cadre, M.Chavane a présenté certains débats théoriques en la matière. Une première théorie a été défendue par le Doyen Roubier. Selon cette théorie, « tous les droits de la propriété industrielle sont des droits de clientèle. Les droits de clientèle se caractérisent par une exclusivité, un monopole. Ils constituent à côté des droits personnels et réels une troisième catégorie de droits... ».

Les auteurs qui ont critiqué la théorie du Doyen Roubier lui reprochaient d'avoir suivi une démarche « exclusivement fondée sur la fonction des droits de propriété industrielle ».

Une deuxième théorie, présentée par M. Mousseron, soutient l'idée selon laquelle la définition des droits de la propriété industrielle doit reposer sur l'analyse du contenu de ces

2 LEVEQUE (François) et MENIERE (Yann), « Économie de la propriété intellectuelle ». Collections Repères, Éditions la Découverte. Octobre 2003, p. 4 et 5.

3 « L 'économie de l'immatériel. La croissance de demain ». Rapport de la commission sur l'économie de l'immatériel. Ministère de l 'Économie, des Finances et de l 'Industrie. Paris, mars 2006, p. 22

droits. Pour l'auteur, « le droit de breveté n'est rien d'autre qu'un droit de propriété, "un droit de propriété incorporelle". Pareille qualification vaut pour tous les droits de propriété industrielle ainsi que l'ont confirmé le législateur et la jurisprudence ».4

En tout état de cause, les juristes et les économistes sont unanimes à considérer que la propriété industrielle fait partie de la notion de la propriété intellectuelle au sens large.

Dans l'accord d'association, le terme "propriété industrielle" a été utilisé conjointement avec deux autres termes, à savoir "la propriété intellectuelle" et la "propriété commerciale". Dans ce sens, le paragraphe1 de l'article 39 stipule que « les parties assureront une protection adéquate et effective des droits de propriété intellectuelle, industrielle et commerciale... ».

Cette rédaction est une source d'imprécision dans la mesure où le terme "propriété industrielle" a été utilisé indépendamment de celui de la "propriété intellectuelle" d'une part, et associé au terme "propriété commerciale" d'autre part.

Pour ce qui est de l'utilisation du terme "propriété industrielle" indépendamment de celui de la "propriété intellectuelle", cela parait en contradiction avec la classification qui a fait l'objet d'unanimité et qui considère que le terme "propriété industrielle" ne peut que faire partie de celui de la "propriété intellectuelle" qui englobe la discipline de la propriété littéraire et artistique (droit d'auteur et droits voisins ou connexes) et celle de la propriété industrielle.

La rigueur juridique exige deux alternatives. La première est de se contenter de l'utilisation du terme général «propriété intellectuelle» qui, ipso facto, englobe le terme spécial «propriété industrielle» et ce en harmonie avec le principe selon lequel «l'accessoire suit le principal». La deuxième est l'utilisation des deux termes de «propriété littéraire et artistique» et «propriété industrielle».

En ce qui concerne l'utilisation du terme «propriété industrielle» associé au terme "propriété commerciale", l'imprécision résulte de la signification de ce dernier. Selon la doctrine, le terme «propriété commerciale» signifie d'autres droits attachés à l'activité commerciale. Ainsi, le Doyen Ripert a identifié l'origine historique de ce terme en parlant de certaines lois anciennes qui ont reconnu certains «privilèges d'exploitation» aux commerçants. L'un de ces privilèges «consiste à se réserver la possession des éléments du fonds de commerce en empêchant de nouveaux venus de se la faire donner. Les commerçants en ont usé pour le droit au bail et ils ont appelé propriété commerciale le droit qui leur a été accordé par la loi du 30 juin 1 926.»5

4 CHAVANE (Albert), « Droit de la propriété industrielle ». 2ème édition. Paris Dalloz 1980, p. 1et 2.

5 RIPERT (Georges), « Aspects juridiques du capitalisme moderne », 2ème édition. LGDJ. Paris 1951, p. 197.

Nous signalons aussi qu'aucune disposition de l'accord d'association ne contient une définition générale et abstraite de la notion de propriété intellectuelle ou industrielle. Les parties contractantes ont opté, dans la déclaration commune relative à l'article 39 de l'accord, pour une énumération des droits qui composent l'une ou l'autre des deux notions. Selon ladite déclaration, « ...les parties conviennent que la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale comprend, en particulier, les droits d'auteur, y compris les droits d'auteur dans les programmes d'ordinateur, et droits voisins, les marques de fabrique et commerciales, les indications géographiques, y compris l'appellation d'origine, les dessins et modèles industriels, les brevets, les schémas de configuration (topographie) des circuits intégrés, la protection des renseignements non divulgués et la protection contre la concurrence déloyale selon l'article 10 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle dans l'acte de Stockholm de 1967 (Union de Paris)».

Partant de cette énumération, nous pouvons avancer les deux remarques suivantes :

1- Procédant par élimination et en excluant les droits de la propriété littéraire et artistique (droits d'auteur et droits voisins), nous pouvons dire que les droits de la propriété industrielle comprennent :

- Les marques de fabrique et commerciales ;

- les indications géographiques, y compris l'appellation d'origine ; - les dessins et modèles industriels ;

- les brevets ;

- les schémas de configuration des circuits intégrés ;

- la protection des renseignements non divulgués ;

- la protection contre la concurrence déloyale

2- La liste prévue par la déclaration, bien qu'extensive, n'est limitative. En outre, elle tient compte des évolutions du droit international en la matière.

Le caractère indicatif de la liste découle de l'utilisation du terme "en particulier". Cela signifie que la liste peut contenir d'autres droits qui n'ont pas été énumérés. Cette remarque peut être confirmée par la lecture de la déclaration dans son rapport avec d'autres dispositions de l'accord. Ainsi, l'annexe 7 relative à la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale et qui fixe un échéancier pour l'adhésion de la Tunisie à certaines conventions internationales sur les droits de la propriété intellectuelle ajoute deux autres types de domaines qui relèvent de la propriété industrielle, à savoir les micro-organismes (traité de Budapest 1977, modifié en 1980) et les obtentions végétales (acte de Genève, 1991). D'autre part, le caractère extensif de la liste découle du fait de classer la protection

contre la concurrence déloyale parmi les droits de la propriété industrielle et ce par référence à l'article 10 bis de la Convention de Paris sur la protection de la propriété industrielle.

Pour ce qui est de la prise en compte des évolutions qui ont marqué la matière sur le plan international, nous pouvons citer la protection des renseignements non divulgués qui constitue une innovation de l'accord sur les ADPIC de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Le terme "fondements juridiques" peut être défini comme étant l'ensemble des règles matérielles et des principes auxquels les parties se sont référées de façon explicite ou implicite et qui constituent les sources de leurs engagements conventionnels.

Après ces précisions terminologiques, il est utile, à présent, de situer la propriété industrielle par rapport aux autres aspects de l'accord. Une présentation générale des objectifs, de la nature juridique et de l'architecture de l'accord parait nécessaire.

Les objectifs de l'accord ont été déclarés dans son préambule et dans son article 1 alinéa 2. Ils peuvent être classés en deux catégories :

> Les objectifs généraux qui tendent à « fournir un cadre approprié au dialogue politique, développer les échanges et assurer l'essor de relations économiques et sociales équilibrées entre les parties, promouvoir la coopération dans les domaines économique, social, culturel et financier »

> les objectifs spécifiques qui permettent de «... fixer les conditions de la libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux, et d'encourager l'intégration maghrébine en favorisant les échanges et la coopération entre la Tunisie et les pays de la région ».

Pour ce qui est de la nature juridique, l'accord d'association est considéré comme étant un accord bilatéral et un accord d'intégration régionale.

Il est un accord bilatéral qui encadre les relations entre deux entités de droit international, à savoir l'Etat tunisien et la Communauté Européenne qui dispose de la personnalité juridique pour conclure ce type d'accords et engager ses Etats membres dans un domaine qui relève de sa compétence réservée.

Il est un accord d'intégration régionale conclu entre le gouvernement d'un pays appartenant au sud de la méditerranée et une communauté constituée d'un ensemble de pays qui appartiennent à sa rive nord. La forme de cette intégration est la zone de libre échange entre les deux parties contractantes.

L'accord d'association est marqué également par son caractère évolutif. Bien que conclu pour une durée illimitée, la possibilité de réviser et de développer ses dispositions fait partie des attributions générales du conseil d'association en matière de mise en oeuvre.

Quant à l'architecture de l'accord, elle concerne aussi bien l 'instrumentum que le negotium6.

Au niveau de l'instrumentum, l'acte final établissant une association entre la Tunisie et la communauté, comporte les documents suivants :

- l'accord proprement dit ;

- les annexes (5 protocoles) qui font partie intégrante de l'accord ;

- les déclarations (11 déclarations communes, une déclaration de la communauté et deux déclarations de la Tunisie).

S'agissant du negotium, l'accord reflète une approche globale dans les relations tuniso-communautaires. Les dispositions de fond concernent les différents volets de la coopération bilatérale :

- dialogue politique ;

- libre circulation des marchandises ;

- droit d'établissement et services ;

- paiements, capitaux, concurrence et autres dispositions économiques ;

- coopération économique ;

- coopération sociale et culturelle ;

- coopération financière ;

- dispositions institutionnelles générales et finales.

Cette approche globale s'applique également à la propriété industrielle dans la mesure où cette dernière touche à la quasi-totalité des domaines couverts par l'accord : échanges commerciaux, investissements, coopération industrielle, coopération technique, scientifique et technologique, coopération douanière et policière...

Il est question donc d'un aspect dont les enjeux sont multiples et dont l'intérêt théorique et pratique justifie le choix de son étude.

Sur le plan théorique, l'intérêt de l'étude du sujet est en rapport avec son caractère multidimensionnel dans la mesure où il touche à plusieurs disciplines juridiques du droit international : droit international général, droit international économique (commerce et

6 L 'instrumentum est le document écrit dans lequel est consigné l'accord des parties contractantes. Le negotium est l'opération juridique qui correspond à l'accord réalisé entre elles.

investissement) et droit international de la propriété intellectuelle, d'où la richesse théorique de la question.

Sur le plan pratique, c'est l'importance des enjeux économiques, commerciaux et technologiques liés aux engagements de la Tunisie avec son premier partenaire qui nous amène à traiter ce sujet. De tels enjeux sont en rapport avec le caractère évolutif de la question. Ainsi, le paragraphe 2 de l'article 39 de l'accord d'association stipule que « la mise en oeuvre de cet article et de l'annexe 7 sera régulièrement examinée par les parties ». Et qu'« en cas de difficultés dans le domaine de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale affectant les échanges commerciaux, des consultations urgentes auront lieu à la demande de l'une ou l'autre partie, afin de parvenir à des solutions mutuellement satisfaisantes».

Ces dispositions reflètent le caractère dynamique des relations de coopération entre la Tunisie et la Communauté Européenne, ce qui nécessite une bonne préparation des futures négociations et une vision permettant de préserver l'intérêt national, l'équilibre des concessions et l'esprit de partenariat. Les engagements et les obligations des parties sont fortement liés aux fondements juridiques. La recherche et l'analyse de ces fondements permettront aux autorités chargées des négociations d'évaluer l'équilibre de l'accord et d'avoir une vision prospective à propos d'éventuelles propositions en la matière. Nous tenons à préciser, à cet égard, que la notion d'équilibre n'est pas en contradiction avec la possibilité de prévoir une certaine différenciation dans le niveau et le contenu des engagements.

En outre, c'est sur la base de ces fondements que les juridictions (les tribunaux et les instances arbitrales) pourront identifier le droit applicable en cas de différend ou en cas de violation de ces dispositions.

La problématique centrale à laquelle nous essayerons de répondre porte sur la question de savoir dans quelle mesure la Tunisie et la Communauté Européenne ont réussi à choisir les fondements juridiques permettant aux dispositions relatives à la propriété industrielle de garantir l'équilibre général de l'accord d'association et la réalisation de leurs attentes légitimes et quelles sont les orientations actuelles et les perspectives qui peuvent guider les deux partenaires dans leurs futures négociations ?

La réponse à cette question peut être présentée à travers l'analyse du choix de départ qui a été axé sur l'internationalité (première partie) et la recherche de la nouvelle tendance orientée vers la communautarisation des fondements juridiques qui touchent à la propriété industrielle (deuxième partie).

PREMIERE PAR TIE

UN CHOIx INITIAL AxE

S UR L'INTERNATIONALITE

Les dispositions relatives à la propriété industrielle trouvent leurs fondements essentiels dans des règles d'origine internationale. Outre les relations avec les règles et principes du droit international général, tels que la bonne foi et pacta sunt servanda qui s'appliquent à tous les accords internationaux, ces dispositions se distinguent par l'importance de leur référence aux branches spécifiques du droit international. Un tel choix peut être explicite ou implicite. Pour le cas de l'accord d'association, et au moment de sa conclusion, la volonté des parties s'est orientée essentiellement vers le droit international économique (chapitre I) et le droit international de la propriété industrielle (chapitre II).

CHAPITRE I- LES FONDEMENTS RELEVANT DU
DROIT INTERNATIONAL ECONOMIQUE

Les professeurs Carreau et Juillard distinguent entre la conception extensive et la conception restrictive du droit international économique. Selon eux, «dans sa conception extensive, le droit international économique comprendrait l'ensemble des règles qui régissent les opérations économiques de toute nature, dès lors que ces opérations se dérouleraient dans un cadre plus vaste que celui de l'ordre juridique d'un seul Etat... Dans sa conception restrictive, le droit international économique serait constitué par l'ensemble des règles qui régissent l'organisation des relations internationales économiques, c'est-àdire, pour l'essentiel, des relations macro-économiques par opposition à des relations micro-économiques ».7

Les mêmes auteurs ont précisé davantage la notion du droit international économique en le considérant comme étant « la branche du droit qui appréhende l'établissement des personnes et leurs investissements, le commerce international des biens et services ainsi que le financement de ces activités ».8

Deux principales disciplines juridiques peuvent constituer des règles de droit économique qui touchent au domaine de la propriété industrielle : le droit de l'Organisation Mondiale du commerce (section 1) et le droit conventionnel de l'investissement international (section 2)

Section 1- Les fondements relevant du droit de l'Organisation

Mondiale du commerce (OMC)

Les enjeux de la recherche des fondements juridiques des dispositions de l'accord d'association relatives à la propriété industrielle dans le droit de l'OMC sont d'une importance majeure. Ainsi, l'applicabilité des accords de l'OMC permet de faire fonctionner les moyens contraignants à travers la possibilité offerte aux parties contractantes de recourir à l'organe de règlement de différends de cette institution.

L'organisation Mondiale du Commerce9 est une organisation intergouvernementale instituée par l'accord de Marrakech conclu le 15 avril 1994 suite aux négociations

7 CARREAU (Dominique) et JUILLARD (Patrick). « Droit international économique », 2ème édition. Dalloz 2005. p 2 et 3.

8 Ibid. p 4.

9 Le site web de l'OMC est : www.wto.org

commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay menées dans le cadre du GATT10. Elle constitue « le cadre institutionnel commun pour la conduite des relations commerciales entre ses Membres en ce qui concerne les questions liées aux accords et instruments juridiques connexes... »11. Les accords multilatéraux gérés par l'OMC touchent au commerce des marchandises (GATT 1994 et autres accords et instruments), au commerce des services (Accord Général sur le Commerce des Services : AGCS ou GATS) et à la propriété intellectuelle dans ses liens avec le commerce (Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce : ADPIC ou TRIPs)12. Cet ordre qui figure dans l'accord de Marrakech ne va pas être respecté dans le cadre du présent travail. L'ordre proposé tiendra compte de la pertinence des liens entre les accords de l'OMC et les dispositions de l'accord d'association qui touchent à la propriété industrielle. Ces liens de fondements juridiques vont être respectivement recherchés à travers l'accord sur les ADPIC (§1), l'accord du GATT (§2) et l'accord du GATS (§3).

§1- Les fondements se rapportant à l'accord sur les ADPIC13

L'accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) ou TRIPs (en anglais) figure parmi les résultats de l'Uruguay round. Il s'agit d'un accord multilatéral qui a été accepté par tous les membres de l'organisation sur la base du principe ou de la clause de l'engagement unique14.

L'Accord sur les ADPIC « contient des dispositions détaillées sur l'application des droits et oblige tous les États contractants à introduire des mécanismes d'application efficaces, y compris des procédures civiles et administratives, des procédures pénales, des mesures à la frontière et des mesures provisoires. De plus, l'accord institue des mécanismes efficaces de règlement des différends dans les cas où une Partie contractante estime qu'une autre Partie contractante ne s'acquitte pas scrupuleusement des obligations qui lui incombent en vertu de l'Accord sur les ADPIC »15.

10 Il s'agit du GATT 1947 et non du GATT 1994 qui est juridiquement distinct du premier. Voir l'article II-4 de l'accord de Marrakech.

11 Article II-1 de l'accord de Marrakech

12 A côté des accords multilatéraux, l'OMC gère quatre accords plurilatéraux : l'accord sur le commerce des aéronefs civils, l'accord sur les marchés publics, l'accord international sur le secteur laitier et l'accord international sur la viande bovine. Ces accords ne sont obligatoires que pour les membres qui les acceptent. (Article II paragraphe 3 de l'accord de Marrakech)

13 Voir annexe 1

14 L'engagement juridique unique signifie que le résultat des négociations constituerait un « paquet unique » qui sera mis en oeuvre en tant que traité unique (Article II paragraphe 2 de l'accord de Marrakech)

15 Cours avancé (à distance) de l'académie de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle sur « le droit d'auteur et les droits voisin » : www.wipo.int

Pour ce qui est de la propriété industrielle, la liste prévue par l'accord sur les ADPIC comprend les marques de fabrique ou de commerce, les indications géographiques, les dessins et modèles industriels, les brevets, les schémas de configuration (topographies) de circuits intégrés et la protection des renseignements non divulgués.

Le point essentiel sur lequel nous voulons insister c'est que l'objet et la finalité de l'accord sur les ADPIC ne sont pas la protection des droits de la propriété intellectuelle (y compris la propriété industrielle) en tant que tels16, mais la protection de ces droits en leur rapport avec le commerce international. Cela a été expressément prévu par le préambule de l'accord qui prévoit ce qui suit : « Désireux de réduire les distorsions et les entraves en ce qui concerne le commerce international, et tenant compte de la nécessité de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle... ».

Après cette brève présentation de l'accord sur les ADPIC, il convient d'analyser la nature de la relation entre cet instrument juridique international et l'accord d'association et démontrer comment cet accord pourrait constituer l'un des fondements juridiques des dispositions de l'accord d'association qui touchent à la propriété industrielle.

Tout d'abord, nous pouvons constater que l'accord d'association ne s'est pas référé expressément à l'accord sur les ADPIC. En effet, aucune disposition de l'accord et des ses annexes ne contiennent le terme « ADPIC » ou « TRIPs ». Comment alors pouvons-nous déduire ce lien?

Deux dispositions reflètent la volonté implicite des rédacteurs de l'accord d'association quant à la référence à l'accord sur les ADPIC : l'article 6 relatif à la mise en place de zone de libre échange (A) et l'article 39 relatifs aux standards de protection (B).

A- la mise en place de la zone de libre échange et l'accord sur les ADPIC

En vertu de l'article 6 de l' accord d'association, « la Communauté et la Tunisie établis sent progressivement une zone de libre-échange pendant une période de transition de douze années au maximum à compter de la date d'entrée en vigueur du présent accord selon les modalités indiquées ci-après et en conformité avec les dispositions de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 et des autres accords multilatéraux sur le commerce de marchandises annexés à l'accord instituant l'OMC, dénommés ci-après GATT ».

Cet article est d'une importance capitale pour la mise en oeuvre du partenariat économique et commercial entre la Tunisie et la Communauté Européenne dans la mesure où il prévoit la libéralisation progressive des échanges commerciaux entre les deux parties

16 De tels droits sont protégés par d'autres conventions internationales auxquelles l'accord fait référence, comme par exemple, la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle.

à travers la mise en place d'une zone de libre échange.17 « Le libre échange commercial est la principale proposition contenu dans les accords de Barcelone pour promouvoir la régionalisation » 18.

La protection des droits de la propriété industrielle permet la facilitation du commerce entre les deux partenaires et assure l'effectivité de l'échange des avantages prévus par l'accord. Les marques de fabrique constituent, par exemple, un élément d'identification de l'origine des produits échangés.

En outre, à côté du GATT, l'article 6 de l'accord d'association évoque les « autres accords multilatéraux sur le commerce de marchandises annexés à l'accord instituant l'OMC ». La question qui se pose est de savoir si l'accord sur les ADIPC peut être classé parmi les accords multilatéraux sur le commerce de marchandises ?

Si nous nous basons sur un critère purement formel et nous nous référons aux quatre annexes de l'accord de Marrakech instituant l'Organisation Mondiale du Commerce, la réponse serait négative. En effet, L'annexe 1A relatives aux accords multilatéraux sur le commerce des marchandises énumère, à titre limitatif, le GATT et douze autres accords (accord sur l'agriculture, accord sur le textile et vêtements, accord sur les obstacles technique au commerce, accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce « MIC », etc.). En outre, toute une annexe (l'annexe 1C) a été réservée à l'accord sur les ADPIC.

Toutefois, si nous nous basons sur le critère matériel, la réponse serait nuancée et les provisions de l'accord sur les ADPIC peuvent être considérées comme étant des dispositions qui touchent partiellement au commerce des marchandises. Dans cette logique, la relation entre l'objet de l'accord sur les ADPIC et le commerce des marchandises peut être déduite de son préambule qui reconnaît « la nécessité d'établir un cadre multilatéral de principes, règles et disciplines relatifs au commerce international des marchandises de contrefaçon ... ».

La finalité essentielle de l'accord sur les ADPIC est la protection du commerce international du phénomène de la contrefaçon qui peut être considéré comme étant une entrave à la mise en place de la zone de libre échange prévue par l'article 6 de l'accord d'association.

17 La zone de libre échange est la forme primaire de l'intégration régionale. Les formes les plus évoluées sont l'union douanière et le marché commun. La possibilité de conclure un accord établissant une zone de libre échange entre les membres de l'OMC est prévue par l'article 24 du GATT et l'article 5 du GATS (AGCS : accord général sur le commerce des services)

18 KEBADJIAN (Gérard). « Economie politique du régionalisme : le cas euro-méditerranéen » in : Région et développement n° 19-2004, p.1 65.

B- Les standards de protection et l' accord sur les ADPIC

L'article 39 de l'accord d'association engage les parties à assurer « une protection adéquate et effective des droits de propriété intellectuelle, industrielle et commerciale en conformité avec les plus hauts standards internationaux, y compris les moyens effectifs de faire valoir de tels droits ».

Cet article de base ne renvoie pas de façon explicite à l'accord sur les ADPIC. Il est donc nécessaire de procéder par analogie afin de rechercher les fondements des dispositions de l'accord d'association. Dans ce cadre, l'article 39 a utilisé deux termes qui sont clairement inspirés de l'accord sur les ADPIC.

Le premier terme est celui de la « protection adéquate et effective ». L'obligation d'assurer une protection adéquate et effective, telle que prévue par l'accord d'association, n'est qu'une application du principe édicté par le préambule de l'accord sur les ADPIC et selon lequel il est nécessaire « de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle ». En effet, si l'on compare les termes utilisés respectivement par les deux accords, le caractère adéquat de la protection suppose sa suffisance et son caractère effectif suppose son efficacité.

Cette démarche peut être confirmée à travers les mécanismes fixés par l'accord sur les ADPIC pour la mise en oeuvre du principe de la nécessité « de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle ». Ainsi, les deux points "c" et "d" du préambule prévoient « la nécessité d'élaborer de nouvelles règles et disciplines » et à travers la mise en place des « moyens efficaces et appropriés pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce [... et] des procédures efficaces et rapides pour la prévention et le règlement, au plan multilatéral, des différends entre gouvernements... »

Le deuxième terme utilisé par l'article 39 de l'accord d'association est celui de la «conformité avec les plus hauts standards internationaux ». Il s'agit là encore d'une référence implicite à l'accord sur les ADPIC. En effet, l'accord sur les ADPIC a été le plus souvent cité comme étant l'accord multilatéral le plus contraignant en matière de propriété intellectuelle. C'est un accord qui contient des dispositions relatives aux moyens de faire respecter les droits (partie III)19 et un mécanisme de règlement de différends (article 64).20

19 Ces moyens, tels que prévu par l'accord, sont : Les procédures et mesures correctives civiles et administratives, les mesures provisoires, les prescriptions spéciales concernant les mesures à la frontière et les procédures pénales.

20 Il s'agit des procédures du règlement de différends devant l'organe de règlement de différends de l'OMC et en vertu du mémorandum d'accord sur les règlement de différends.

Lesdits éléments « font de l'accord ADPIC un des instruments les plus efficaces pour résoudre les problèmes liés à la violation des DPI »21. Toutefois, le terme de « plus hauts standards internationaux » nécessite une clarification dans la mesure où l'accord sur les ADPIC a été, à maintes reprises, conçu comme « standard minimum de protection ».

Après avoir passé en revue les fondements des dispositions de l'accord d'association relatives à la propriété industrielle dans l'accord sur les ADPIC, une question mérite d'être posée : pourquoi les rédacteurs de l'accord d'association n'étaient pas explicites quand il se sont référés à l'accord sur les ADPIC ?

La réponse à cette question peut être recherchée dans les enjeux des négociations de l'Uruguay Round qui ont donné lieu à la naissance de l'OMC et à l'intégration de la propriété intellectuelle dans le système commercial multilatéral. En effet, dans la phase qui a précédé la signature de l'accord de Marrakech, une résistance accrue a été manifestée par les pays en développement quant à l'accord sur les ADPIC. Un tel accord a été jugé trop contraignant pour ces pays et destiné à préserver et défendre les intérêts des pays développés et leurs multinationales22. Toutefois, les pays en développement (PED) aussi bien que les pays les moins avancés ont été obligés à accepter le compromis qui a permis la conclusion de l'accord instituant l'OMC et ce en vertu du principe de l'engagement unique susmentionné23. C'est cette susceptibilité vis-à-vis de l'accord sur les ADPIC qui peut expliquer le choix de ne pas le citer expressément dans les dispositions de l'accord d'association qui touchent à la propriété industrielle.

Le deuxième accord multilatéral administré par l'OMC et qui est en rapport avec les fondements des dispositions relatives à la propriété industrielle dans l'accord d'association est le GATT.

21 Stratégie communautaire visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle dans les pays tiers (2005).

22 Pour ce qui est de la propriété industrielle, c'est surtout la protection par brevet d'invention qui a fait l'objet d'une telle résistance. Il s'agit notamment des deux questions de la biodiversité (brevetabilité du vivant consacrée par l'article 27-3b) et l'accès aux médicaments et santé publique (les limites de la protection des médicaments par le brevet d'invention et le traitement spécial et différencié des pays en développement).

23 Les critiques adressées par les pays en développement (notamment l'Inde, le Brésil et le Groupe Africain) et la société civile (ONG des pays développés) ont aboutit a deux acquis : la déclaration sur l'ADPIC et la santé publique dans le cadre du programme de Doha pour le développement en 2001 et la révision des dispositions de l'ADPIC qui touchent aux médicaments génériques (décembre 2005).

§2- Les fondements se rapportant à l'accord du GATT

Nous remarquons tout d'abord que les dispositions de l'accord d'association qui touchent directement à la propriété industrielle ne citent pas expressément l'accord du GATT. Toutefois, cet accord peut représenter l'un des fondements juridiques de certaines de ces dispositions. Le rapport peut être vérifié à deux niveaux : au niveau de la relation entre les exceptions au libre échange et la protection des droits de la propriété industrielle (A) et au niveau de la relation entre l'accord du GATT et l'accord sur les ADPIC dans le droit de l'OMC (B).

A- Relation entre les exceptions au libre échange et la protection des droits de la propriété industrielle

L'article 28 de l'accord d'association fixe les cas qui permettent aux parties contractantes de limiter ou d'exclure le principe du libre échange. Selon cet article, « L'accord ne fait pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale ni aux réglementations relatives à l'or et à l'argent. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les parties ».

Les termes de l'article 28 nous rappellent la clause générale de sauvegarde prévue par l'article XX du GATT relatif aux exceptions générales. Ledit article prévoit ce qui suit : « sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, l'application par toute partie contractante des mesures [...]

d) nécessaires pour assurer le respect des lois et règlements qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent accord, tels que, par exemple les lois et règlements qui ont traits à ... la protection des brevets, marques de fabrique et droits d'auteur et de reproduction et aux mesures propres à empêcher les pratiques de nature à induire en erreur ».

Les exceptions, mesures et restrictions prévues par les deux accords sont, à l'origine, considérées comme des obstacles ou des barrières non tarifaires au commerce international. La possibilité de leur application n'est permise que pour des cas

exceptionnels et à condition qu'elle soit nécessaire. De ce fait, l'application arbitraire et injustifiable de ces mesures permet de les requalifier d'obstacles non tarifaires.24

B- Relations entre l'accord du GATT et l'accord sur les ADPIC

Deux dispositions de l'accord sur les ADPIC se référent au GATT. L'une est prévue par le préambule et l'autre par l'article 64. Ainsi, le préambule reconnaît « la nécessité d'élaborer de nouvelles règles et disciplines concernant l'applicabilité des principes fondamentaux du GATT de 1994 ». Quant à l'article 64, relatif au règlement des différends, il prévoit que « les dispositions des articles XXII et XXIII du GATT de 1994, telles qu'elles sont précisées et mises en application par le Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, s'appliqueront aux consultations et au règlement des différends dans le cadre du présent accord, sauf disposition contraire expresse de ce dernier ».

Le troisième accord multilatéral dont certaines de ses provisions peuvent constituer des fondements juridiques des dispositions de l'accord d'association qui touchent à la propriété industrielle est l'accord du GATS.

§3- Les fondements se rapportant à l'accord sur le commerce des services (AGCS)

L'accord général sur le commerce des services (AGCS), ou le GATS en anglais, est l'accord multilatéral de l'OMC dont l'objet est la libéralisation du commerce international des services.

Le GATS n'a pas présenté une définition des services. Toutefois, il définit le commerce des services par référence à ses quatre modes de fourniture. Selon l'article premier, « le commerce des services est défini comme étant la fourniture d'un service :

a) en provenance du territoire d'un Membre et à destination du territoire de tout autre Membre;

b) sur le territoire d'un Membre à l'intention d'un consommateur de services de tout autre Membre;

24 Les obstacles ou « les barrières non tarifaires sont des mesures ou des politiques gouvernementales, autres que les droits de douane, qui restreignent ou faussent le commerce international. Il s'agit, par exemple, de contingents à l'importation, de pratiques discriminatoires dans le domaine des marchés publics et des mesures visant à protéger la propriété intellectuelle. Ces interventions sont devenues des obstacles au commerce relativement plus évidents alors que les droits de douane ont été réduits au cours de cycles successifs de négociations commerciales multilatérales. » Source : http://www.dfait-maeci.gc.ca/tna-nac/MA-FAQ-fr.asp

c) par un fournisseur de services d'un Membre, grâce à une présence commerciale sur le territoire de tout autre Membre;

d) par un fournisseur de services d'un Membre, grâce à la présence de personnes physiques d'un Membre sur le territoire de tout autre Membre ».

Selon les professeurs Carreau et Juillard, « la prestation de services relève du domaine de l'immatériel ... les principales catégories de services méritant d'être retenus sont au nombre de cinq. Ce sont tout d'abord les opérations liées aux mouvements des marchandises et à la circulation des personnes (transports, voyages et tourisme). Ce sont, ensuite les opérations résultant des revenus du travail et du capital (salaires, pensions, dividendes, intérêts, droits d'auteur, ect.). Ce sont de plus les opérations d'assurances ainsi que les services bancaires et financiers. Ce sont enfin toutes les opérations [...] liées aux télécommunications et à l'informatique »25.

Cette liaison entre les services et l'immatériel, d'une part, et la classification des services, d'autre part, a été affinée davantage par certains économistes. Ainsi, «Le premier sous-ensemble, le plus traditionnel, est celui des activités issues essentiellement de l'externalisation, par les ménages, d'activités domestiques et de transport : restauration, blanchis sage, hôtellerie, transport [...]. Le deuxième sous-ensemble au contraire est celui des activités informationnelles [...] ayant pour objet de produire des réponses et des connaissances autres que les connaissances simples : c'est le bloc d'activités dont la croissance est incontestablement la plus forte. Ces activités sont essentiellement immatérielles, requièrent le plus souvent des qualifications élevées à très élevées et comportent nécessairement une relation de service...».26

Partant de ces définitions et clarifications, il est permis de dire que les principaux liens entre les services et la propriété industrielle sont vérifiés aussi bien pour les activités traditionnelles que pour les activités informationnelles. Ainsi, pour la première catégorie, ce sont les marques de fabrique, de commerce et de services qui constituent le domaine privilégié de ces liens. Le mode de fourniture le plus fréquent est celui de la présence commerciale (le mode3) qui permet à une marque étrangère s'établir et d'avoir une filiale dans le pays hôte27.

25 CARREAU et JUILLARD, op.cit, pp 261-263

26 DE BANDT (Jaques), « réflexions sur l 'immatériel ». In « immatériel, nouveau concept », ouvrage collective sous la direction de jaques DE BANDT et Genevière GOURDET. Edition Economica. 2001, p 25 et s.

27 Le mode3 relatif à la présence commerciale est considéré comme forme d'investissement direct étranger prévue par l'accord du GATS. Sur ce plan, le GATS est analysé comme étant un accord qui touche à l'investissement international.

Pour la deuxième catégorie relative à l'activité informationnelle, ces liens sont issus du caractère stratégique qu'occupe la propriété industrielle dans la vie de l'entreprise. Ainsi, la compétitivité des entreprises modernes dépend, de plus en plus, de leur actif immatériel, de leur investissement dans la recherche et développement (R&D) et de la bonne gestion et défense des droits de la propriété industrielle. La valorisation de ces droits (au niveau de la conception et de la mise en oeuvre) nécessite une certaine expertise juridique, technique, économique et comptable qui peut être classée dans la catégorie des « services aux entreprises ». Beaucoup de ces services sont fournis par des bureaux et des cabinets spécialisés dans le conseil et les études en propriété industrielle. Le mode le plus approprié pour la fourniture de tels services est le mode 4 relatif au mouvement des personnes physiques pour une durée limitée et pour des missions bien déterminées. Toutefois, le recours au mode 3, à travers la présence permanente des bureaux de conseil, reste possible compte tenu des potentialités offertes par le marché cible.

Dans le cadre de l'accord d'association, le titre III intitulé «droit d'établissement et services» s'est référé à l'accord du GATS dans toutes ses dispositions.

Lors de la conclusion de l'accord, le commerce des services n'a pas été intégré dans le processus de libéralisation des échanges entre la Tunisie et la Communauté Européenne dans le cadre de la zone de libre échange. L'article 31 stipule que « les parties conviennent d'élargir le champ d'application de l'accord de manière à inclure le droit d'établissement des sociétés d'une partie sur le territoire de l'autre partie et la libéralisation de la fourniture de services par les sociétés d'une partie envers les destinataires de services dans une autre partie ».

Une « clause de rendez-vous » pour un premier examen de la mise en oeuvre de cet objectif a été prévue par l'alinéa 3 du même article qui a fixé une échéance d'«au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur » de l'accord. Cette échéance correspond à une date importante dans le cadre de l'OMC, à savoir l'ouverture des négociations multilatérales destinées à parvenir progressivement à un niveau plus élevé de libéralisation des échanges de services dans le cadre de l'OMC en date du 1er janvier 2000.28

Actuellement, des pourparlers sur la libéralisation du commerce des services et du droit d'établissement sont lancés entre la Tunisie et la Communauté. Les aspects qui touchent à la propriété industrielle peuvent faire partie des futures négociations. L'équilibre des concessions dans ce domaine nécessite la prise en considération des deux principes prévus par le GATS, à savoir la sélectivité et la progressivité.

28 Sur l'état d'avancement des négociations sur les services dans le cadre de l'OMC, voir : www.wto.org

Outre leurs liens avec le commerce, les droits de la propriété industrielle peuvent constituer une composante importante d'un investissement international, d'où leur relation étroite avec les règles qui relèvent du droit conventionnel de l'investissement international.

Section 2- Les fondements relevant du droit conventionnel de

l'investissement international

Le droit conventionnel de l'investissement international constitue l'un des fondements des dispositions de l'accord d'association qui touchent à la propriété industrielle. Il s'agit en fait des accords bilatéraux sur l'encouragement et la protection des investissements conclus entre la Tunisie et les pays membres de la Communauté. La référence au bilatéralisme interétatique est consacrée et validée par l'article 50 de l'accord relatif à la promotion et à la protection des investissements. Cet article mentionne que « La coopération vise la création d'un climat favorable aux flux d'investissements et se réalise notamment à travers(...) l'établissement d'un cadre juridique favorisant l'investissement, notamment par la conclusion, entre la Tunisie et les États membres, des accords de protection des investissements ... »

La reconnaissance de ces accords bilatéraux par le droit communautaire est une manifestation des limites de la compétence de la Communauté Européenne en matière d'investissement international.

Dans ce cadre, la Tunisie a conclu des accords bilatéraux avec ses principaux partenaires européens tels que la France (1997), l'Allemagne (1963), l'Italie (1985), l'Espagne (1991), la Belgique (1997), et les Pays Bas (1998).29

Les rapports entre les droits de la propriété industrielle et l'investissement international sont vérifiés au niveau de la notion d'investissement et au niveau de sa protection et de son traitement.

Au niveau de la notion d'investissement, «les Accords bilatéraux d'investissement (ABI)... protègent les droits de propriété intellectuelle en incluant la propriété intellectuelle, les licences et les biens immatériels dans la définition de l'investissement... ».30

Au niveau de la protection et du traitement, le fait de citer les droits de propriété industrielle dans la liste des actifs qui peuvent constituer un investissement permet de faire

29 Source : ministère du développement et de la coopération internationale

30 « La propriété intellectuelle dans les accords d'investissement : les répercussions des mesures ADPIC-plus sur les pays en développement ». Document analytique Centre Sud. Mai 2005. P 5. Disponible sur : http://www.bilaterals.org/article.php3?id article=6495.

bénéficier ces droits des règles de protection de l'investissement contre toute forme de dépossession et d'atteinte à l'exploitation (expropriation directe et indirecte). Elle permet aussi l'application des standards du traitement à ces droits ou à leurs titulaires. Il s'agit de deux types de traitement : le traitement non discriminatoire (traitement de la nation la plus favorisée «TNPF» et traitement national « TN »), d'une part, et le traitement juste et équitable «TJE», d'autre part.

L'importance de la question du traitement de l'investissement dans sa relation avec les fondements juridiques de propriété industrielle est surtout vérifiée au niveau du traitement juste et équitable. En effet, et par rapport au traitement non discriminatoire (TNPF et TN) qui est touj ours prévu par une clause conventionnelle et peut subir des exceptions et limitations claires, le traitement juste et équitable est considéré comme étant un principe général qui ne connaît aucune exception. La précision de la notion du traitement juste et équitable telle qu'elle est prévue par les modèles européens nécessite le recours à d'autres sources du droit international dont, essentiellement, les principes du droit international et la jurisprudence arbitrale internationale. La référence aux principes du droit international est expressément prévue par la plupart des modèles. A titre d'exemple, le modèle français stipule que « chacune des Parties contractantes s'engage à assurer, sur son territoire et dans sa zone maritime, un traitement juste et équitable, conformément aux principes du droit international... ». Le terme « conformément aux principes du droit international » a besoin d'une clarification. S'agit-il des principes généraux du droit international ? S'agit-il du droit international coutumier ?

A titre de comparaison et dans un souci de précision, le nouveau modèle américain du traité bilatéral sur l'investissement et les récents accords de libre échange conclus par les Etats-Unis associent le traitement juste et équitable au droit international coutumier et conventionnel.

A côté du droit conventionnel, il est essentiel de rappeler le rôle qu'a joué la jurisprudence arbitrale internationale (dans le cadre de l'ALENA31 et du CIRDI32) pour l'identification de la notion du traitement juste et équitable. L'évolution de cette jurisprudence a permis une grande extension du champ d'application de ladite notion. Dans ce cadre, la non transparence de la législation du pays d'accueil a été considérée comme étant contraire au principe du traitement juste et équitable.33 Pour ce qui est des droits de la

31 Accord de Libre Echange Nord Américain (NAFTA en anglais)

32 Centre International de Règlement de Différends relatifs à l'Investissement

33 Sur l'ensemble de la question, voir : OCDE. « La norme du traitement juste et équitable dans le droit international des investissements », DOCUMENTS DE TRAVAIL SUR L'INVESTISSEMENT INTERNATIONAL Numéro 2004/3- Septembre 2004

propriété industrielle, et partant d'une conception large du principe du traitement juste et équitable associé à la notion d'expropriation indirecte, il est possible de considérer la protection insuffisante ou non effective des droits découlant d'une marque, d'un brevet d'invention ou d'un dessin et modèle comme étant un traitement injuste et non équitable de l'investisseur étranger titulaire de ces droits.

Ces fondements relevant du droit économique international sont en rapport avec le caractère marchand des droits de la propriété industrielle. Cela ne touche en rien à leur nature de création de l'esprit, ce qui nous amène à la recherche des fondements qui relèvent du droit international de la propriété industrielle.

CHAPITRE II - LES FONDEMENTS RELEVANT DU DROIT INTERNATIONAL DE LA PROPRIETE IND USTRIELLE

Il est utile de préciser, en premier, que nous adoptons une définition stricto sensu du droit international de la propriété industrielle. Il s'agit des règles et dispositions que contient la Convention de Paris gérée par l'Organisation Mondiale de la Propriété intellectuelle (OMPI). Bien que la référence à cette convention par l'accord d'association ait été explicite (section 1), elle peut être déduite à travers le renvoi à cette convention par l'accord sur les ADPIC (section 2).

Section 1- La référence explicite à la Convention de Paris

La Convention de Paris est la première convention multilatérale qui touche au domaine de la propriété industrielle et qui a constitué l'Union pour la Protection de la Propriété industrielle appelée "l'Union de Paris". Ladite convention a été conclue en 1883 et a été révisée à cinq reprises. Elle comporte des dispositions qui traitent de certaines questions horizontales applicables à toutes les branches de la propriété industrielle et des dispositions spécifiques à certains types de droits.

Les rédacteurs de l'accord d'association se sont explicitement référés à la Convention de Paris à deux reprises : dans la déclaration relative à l'article 39 et dans l'annexe 7. Dans la déclaration relative à l'article 39, l'objectif de la référence était la « bilatéralisation » de la défense des droits de la propriété industrielle sur la base de la concurrence déloyale (§1). Dans l'annexe 7 cet objectif se rapporte à la consolidation des engagements multilatéraux des parties contractantes dans le domaine de la propriété industrielle (§2).

§1- « Bilatéralisation » des mécanismes de défense des droits de la propriété industrielle sur la base de la concurrence déloyale

La déclaration commune relative à l'article 39 qui a fixé la liste des droits de la propriété industrielle a cité « la protection contre la concurrence déloyale selon l'article 10 bis de la convention de Paris ... » parmi les droits de la propriété industrielle.

L'article 10 bis de la convention de Paris prévoit ce qui suit :

« 1) Les pays de l'Union sont tenus d'assurer aux ressortissants de l'Union une protection effective contre la concurrence déloyale.

2) Constitue un acte de concurrence déloyale tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.

3) Notamment devront être interdits :

1° tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n'importe quel moyen avec l'établissement, les produits ou l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent;

2° les allégations fausses, dans l'exercice du commerce, de nature à discréditer l'établissement, les produits ou l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent; 3° les indications ou allégations dont l'usage, dans l'exercice du commerce, est susceptible d'induire le public en erreur sur la nature, le mode de fabrication, les caractéristiques, l'aptitude à l'emploi ou la quantité des marchandises ».

La concurrence déloyale a posé de multiples questions quant à son régime juridique et son autonomie par rapport à la responsabilité civile délictuelle et par rapport à l'action en contrefaçon fondée sur le droit de la propriété intellectuelle. Ce régime juridique ne s'avère pas être homogène dans les systèmes juridiques des Etats membres de la Communauté Européenne et même dans les droits nationaux de chacun des principaux partenaires économiques de la Tunisie. A titre d'exemple, la jurisprudence française « tire l'action en concurrence déloyale de l'article 1382 du Code Civil. Le concept ne serait donc pas révélateur d'un régime juridique, mais seulement d'une typologie de faute. [Toutefois], les tribunaux ont, de plus en plus, recours à l'idée de "trouble commercial" qui constituerait un préjudice autonome, indépendant d'un éventuel détournement de clientèle... »34.

En doctrine, « d'autres fondements que la responsabilité civile délictuelle ont été avancés : propriété et éviction, déontologie professionnelle ou des marchés... Partant de la notion de détournement de clientèle, le Doyen Ripert n'a pas hésité à y voir une action à

34 Références doctrinales citées par CAPUT (Yves), « concurrence déloyale et parasitisme : complément ou substitut ». In « l'entreprise face à la contrefaçon de droits de propriété intellectuelle », colloque organisé par l'IRPI, Paris 17 décembre 2002. Edition LITEC 2003, p.29

finalité patrimoniale visant à protéger le fonds de commerce ou, à tout le moins, les forces vives de l'entreprise...En revanche, d'autres auteurs se réfèrent à la déontologie [et] invoquent une action qui serait de nature disciplinaire... »35.

En droit tunisien, l'action en concurrence déloyale relève du droit civil. Elle est prévue par l'article 92 du code des obligations et des contrats "COC").

En tout état de cause, l'action en concurrence déloyale n'est pas un substitut à l'action en contrefaçon. Elle est un complément qui peut servir en cas d'épuisement des recours exercés sur la base de la contrefaçon des droits privatifs de la propriété industrielle.

Le choix conventionnel, faisant appel à l'article 10 bis de la convention de Paris, reflète l'intention de donner une dimension bilatérale à une disposition prévue par une convention multilatérale. Cette transposition par la voie de « bilatéralisation » tend à éviter les disparités et à uniformiser le fondement juridique des recours juridictionnels exercés sur la base de la concurrence déloyale.

Outre la technique de « bilatéralisation », les fondements du droit international de la propriété industrielle dans l'accord d'association peuvent être liés à la consolidation des engagements multilatéraux des parties contractantes en la matière.

§2- Consolidation des engagements multilatéraux des parties contractantes dans le domaine de la propriété industrielle

Selon les termes de l'annexe 7 de l'accord d'association, « les parties contractantes expriment leur attachement au respect des obligations découlant [de la] convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle dans l'acte de Stockholm de 1967 (Union de Paris) ».

La première question qui peut être soulevée touche à la valeur juridique d'une telle disposition au niveau du droit international. Autrement dit, est-il juridiquement valable de rappeler, dans le cadre d'un accord bilatéral, « l'attachement (des deux parties contractantes) au respect des obligations découlant » d'une convention multilatérale à laquelle ces parties sont membres ?

La réponse à cette question ne peut être que nuancée. En effet, le respect des accords internationaux et la bonne exécution des obligations qui en découlent trouvent leurs sources dans les principes prévus par la convention de Vienne sur le droit des traités et notamment du principe "pacta sunt servanda" et du principe de la bonne foi36.

35 Ibid, pp.30-31.

36 L'article 26 de la convention de vienne et intitulé « Pacta sunt servanda » stipule que « tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ».

Il s'agit plutôt d'une disposition à valeur politique dont l'objectif est la consolidation des engagements multilatéraux des parties contractantes.

La deuxième question est relative à l'identification des principales dispositions de la convention de Paris qui font l'objet de cette consolidation. Il s'agit essentiellement des principes et règles qui touchent respectivement au traitement national, au droit de priorité, à l'indépendance des brevets, aux marques notoires et aux marques de services.

L'article 2 aliéna 1er relatif au traitement national contient la clause selon laquelle « les ressortissants de chacun des pays de l'Union jouiront dans tous les autres pays de l'Union, en ce qui concerne la protection de la propriété industrielle, des avantages que les lois respectives accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux »

L'article 4 relatif au droit de priorité prévoit, dans son aliéna 1er, que « celui qui aura régulièrement fait le dépôt d'une demande de brevet d'invention, d'un modèle d'utilité, d'un dessin ou modèle industriel, d'une marque de fabrique ou de commerce, dans l'un des pays de l'Union, ou son ayant cause, jouira, pour effectuer le dépôt dans les autres pays, d'un droit de priorité... »

L'article 4bis annonce le principe de l'indépendance des brevets. Selon son alinéa 1er, «les brevets demandés dans les différents pays de l'Union par des ressortissants de l'Union seront indépendants des brevets obtenus pour la même invention dans les autres pays, adhérents ou non à l'Union.

L'alinéa 2 du même article affirme que « cette disposition doit s'entendre d'une façon absolue, notamment en ce sens que les brevets demandés pendant le délai de priorité sont indépendants, tant au point de vue des causes de nullité et de déchéance qu'au point de vue de la durée normale ».

L'article 4quater relatif à la brevetabilité en cas de restriction légale de la vente spécifie que « la délivrance d'un brevet ne pourra être refusée et un brevet ne pourra être invalidé pour le motif que la vente du produit breveté ou obtenu par un procédé breveté est soumise à des restrictions ou limitations résultant de la législation nationale ».

L'article 6 bis relatif aux marques notoires dispose dans son aliéna 1er que « les pays de l'Union s'engagent, soit d'office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l'intéressé, à refuser ou à invalider l'enregistrement et à interdire l'usage d'une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l'imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d'une marque que l'autorité compétente du pays de l'enregistrement ou de l'usage estimera y être notoirement connue. »

Enfin, l'article 6sexies relatif aux marques de service fixe une obligation selon laquelle « les pays de l'Union s'engagent à protéger les marques de service » et précise que ces pays « ne sont pas tenus de prévoir l'enregistrement de ces marques ».

Cette consolidation du droit international de la propriété industrielle reflète le souci communautaire de renforcer davantage la protection de droits et de leurs titulaires. En effet, la clause du traitement national et la neutralisation des lois et règlements nationaux restrictifs, telles que prévues par la convention de Pais, constituent en fait une limitation du droit de règlementer qui est généralement reconnu aux pays en développement37 en vertu des règles de l'OMC. En outre, « le privilège » accordé aux marques notoires et la « protection automatique »38 des marques de services préservent plus les intérêts des pays développés dans la mesure où les marques notoirement connues sur le plan international sont généralement originaires de ces pays et les économies de ces derniers sont nettement plus compétitives dans le secteur des services.

Les fondements relevant du droit international de la propriété industrielle peuvent être déduits à travers les renvois à la Convention de Paris prévus par l'accord sur les ADPIC.

Section 2- Les renvois prévus par l'accord sur les ADPIC

Dans un esprit de complémentarité, l'accord sur les ADPIC renvoie à la Convention de Paris dans certaines de ses dispositions. Outre l'article 2 qui annonce le principe général de la conformité à la Convention de Paris, d'autres provisions de l'accord traitent de certaines questions spécifiques telles que la prise en compte des exceptions au traitement national, l'application mutatis mutandis de la Convention de Paris, la possibilité du recours à la concurrence déloyale pour protéger et défendre certains types de droits et l'obligation de transparence.

Le premier renvoi concerne le traitement national. L'article 3 stipule que « chaque Membre accordera aux ressortissants des autres Membres un traitement non moins favorable que celui qu'il accorde à ses propres ressortissants en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, sous réserve des exceptions déjà prévues dans [...] la Convention de Paris (1967)... »

37 Voir, à titre d'exemple, le préambule de l'accord du GATS qui prévoit ce qui suit : « Reconnaissant le droit des Membres de réglementer la fourniture de services sur leur territoire et d'introduire de nouvelles réglementations à cet égard afin de répondre à des objectifs de politique nationale... ».

38 Il s'agit d'un principe prévu par la convention de Berne sur le droit d'auteur et selon lequel la jouissance et l'exercice du droit d'auteur ne doivent être subordonnés à aucune formalité ni en dépendre (article 5.2)

Le deuxième renvoi est relatif à l'application, mutatis mutandis, de certaines dispositions de la Convention de Paris. Il a été prévu par les articles suivants de l'accord sur les ADPIC :

- l'article 16 relatif aux droits conférés stipule dans son alinéa 2 que L'article 6bis de la Convention de Paris (1967) s'appliquera, mutatis mutandis, aux services ». Il stipule dans son alinéa 3 que « l'article 6bis de la Convention de Paris (1967) s'appliquera, mutatis mutandis, aux produits ou services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels une marque de fabrique ou de commerce est enregistrée... ».

- l'article 62 qui à l'acquisition et au maintien des droits prévoit dans son alinéa 3 que « l'article 4 de la Convention de Paris (1967) s'appliquera, mutatis mutandis, aux marques de service ».

Le terme latin "mutatis mutandis" a été classé parmi ceux dont on n'a « pas encore réussi à trouver un consensus satisfaisant sur les divers sens accordés à une même expression ». Ainsi, selon certains auteurs, « le sens serait "les choses devant être changées étant changées", ou encore la périphrase "dans la mesure où ces dispositions sont applicables". « Ce changement d'éclairage entre la traduction littérale et une adaptation libre conduit à une autre interprétation de l'expression, qui se lit de la façon suivante : "Pour autant que ces dispositions s'appliquent..." »39.

Dans un souci de clarté, la loi québécoise du 26 août 1977 a remplacé le terme "mutatis mutandis" par l'expression française "compte tenu des changements nécessaires" ou "compte tenu des adaptations nécessaires".40

Le troisième renvoi prévu par l'accord sur les ADPIC concerne la possibilité de recours à la concurrence déloyale pour certains types de droits non prévus par la Convention de Paris. Il s'agit précisément de la protection des indications géographiques41 et des renseignements non divulgués. Ainsi, pour ce qui est des indications géographiques, l'article 22 stipule dans son alinéa 2 que « les Membres prévoiront les moyens juridiques qui permettent aux parties intéressées d'empêcher: (b) toute utilisation qui constitue un acte de concurrence déloyale au sens de l'article 10bis de la Convention de Paris (1967) ». Pour les renseignements non divulgués, l'article 39 stipule dans son alinéa 1er qu'«en assurant une protection effective contre la concurrence déloyale conformément à l'article 10bis de la

39 Sparer. (M) et Shwab (W). « RÉDACTION DES LOIS : rendez-vous du droit et de la culture ». Conseil Canadien de la langue française, p.150. Disponible sur : http://www.cslf.gouv.qc.ca/publications/pubb101/B101 IIch3.html#note02

40 Voir le site Web : http://www.juripole.fr/traduction-juridique/Bulletins/sept-oct-2000.php

41 Les indications géographiques ont été définies par l'article 22 de l'accord sur les ADPIC comme suit : «des Indications qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d'un Membre, ou d'une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique. »

Convention de Paris (1967), les Membres protégeront les renseignements non divulgués [...] ».

Le dernier renvoi touche à l'obligation de transparence. L'article 63 prévoit dans son alinéa 2 que « les Membres notifieront les lois et réglementations mentionnées au paragraphe 1 au Conseil des ADPIC pour l'aider dans son examen du fonctionnement du présent accord.... Par ailleurs, le Conseil étudiera à cet égard toute mesure qui pourrait être requise en ce qui concerne les notifications à présenter conformément aux obligations imposées par le présent accord qui découlent des dispositions de l'article 6ter de la Convention de Paris (1967) ».

Tous ces fondements analysés dans le cadre de la première partie reflètent l'intention des parties contractantes, et notamment la partie européenne, de s'orienter vers les règles du droit international lors de la conclusion de l'accord d'association.

Ce choix, axé sur l'internationalité, peut être expliqué par le fait qu'au moment de la conclusion de l'accord d'association (juillet 1995), les règles les plus contraignantes, notamment celle de l'OMC, étaient encore nouvelles. Après les crises successives du système commercial multilatéral42 et l'orientation des pays développés vers le régionalisme et le bilatéralisme, une tendance à la communautarisation de ces fondements dans une logique d'"ADPIC PLUS" marque la nouvelle politique communautaire dans ce domaine.

42 Notamment celles de Seattle 1999 et de Cancun 2003.

DEUXIEME PAR TIE

UNE NOUVELLE STRATEGIE

EUROPEENNE : LA TENDANCE A LA

COMMUNA UTARISA TION

Consciente des enjeux stratégiques de la propriété intellectuelle et du danger grandissant du phénomène mondial de la contrefaçon, la Communauté Européenne a officiellement mis en place en 2005 une stratégie visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle dans les pays tiers.43-44

Cette stratégie « entend contribuer à l'amélioration de la situation dans les pays tiers. Elle s'inscrit logiquement dans la lignée d'initiatives récentes, telles que la directive visant à assurer le respect des droits intellectuels, qui doit harmoniser les modalités d'application de la législation au sein de l'Union européenne, et la révision du règlement douanier, qui prévoit des mesures contre les marchandises de contrefaçon ou les marchandises pirates aux frontières de la Communauté.»

L'élaboration de la stratégie a été le fruit du diagnostic effectué dans le cadre de l'enquête que la Commission Européenne a lancé à la fin de 2002. Sur la base de cette enquête, intitulée «Survey on Enforcement of Intellectual Property Rights in Third Countries»45, une liste de pays prioritaires a été fixée. Bien que la Tunisie ne figure pas dans ladite liste, cela n'affecte en rien l'importance de l'analyse de la nouvelle stratégie européenne dans la mesure où elle constitue le document de référence pour toute perspective de coopération dans le domaine de la propriété industrielle.

Nous allons, dans le cadre de l'étude de cette nouvelle stratégie, analyser les principaux axes sur lesquels elle repose (chapitre I) et ses rapports avec la nouvelle politique de voisinage (chapitre II)

43 Référence du document : 2005/C 129/03. Journal officiel de l'Union européenne du 26.5.2005. C 129/3

44 Voir annexe 2

45 http://europa.eu.int/comm/trade/issues/sectoral/intell property/survey en.htm

CHAPITRE I- LES AXES DE LA NOUVELLE

STRA TEGIE E UR OPEENNE

Les principaux axes de la nouvelle stratégie européenne visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle dans les pays tiers trouvent leurs fondements juridiques dans le droit communautaire. Il a été expressément prévu par la nouvelle stratégie que deux textes communautaires peuvent constituer des sources d'inspiration pour les éventuelles révisions des dispositions conventionnelles insérées dans les accords bilatéraux et qui touchent à la propriété intellectuelle. Il s'agit de la directive communautaire de 2004 (section 1) et du nouveau règlement douanier communautaire (section 1).

Section1- les axes issus de la directive communautaire de 2004

Le premier instrument législatif qui peut servir de fondement juridique visant une communautarisation de la coopération avec les pays tiers et notamment les partenaires de la Communauté dans le domaine de la protection des droits de la propriété industrielle est la « directive 2004/48/CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle »46 . Le texte de la directive a été voté en mars 2004 par le Parlement et définitivement adopté par le Conseil des ministres le 26 avril 2004.

Avant de mettre en exergue les nouveautés de ladite directive (§2), nous essayerons de la présenter sommairement (§1).

§1- Présentation sommaire de la directive de 2004

L'adoption de cette directive a été considérée comme étant une « réponse appropriée à la lutte contre la contrefaçon en Europe [et qui] passe par une harmonisation des législations au sein de l'Union européenne dans le dessein d'assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur »47-48.

46 Voir annexe 3

47 « Impacts de la contrefaçon et de la piraterie en Europe » Etude réalisée par l'équipe de recherche du Centre d'études internationales de la propriété industrielle (CEIPI). Juillet 2004, p 8. Disponible sur :

http://ec.europa.eu/justice home/doc centre/crime/studies/study ceipi counterfeiting fr.pdf

48 En France, « Le ministre délégué à l'industrie a présenté un projet de loi de lutte contre la contrefaçon, lors du Conseil des Ministres du 7 février 2007. Le projet de loi procède notamment à la transposition de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004... ». Source : http://www.legalbiznext.com/droit/Lutte-contre-la-contrefacon-projet

Dans une communication du 4 octobre 2006 et intitulée « une Europe compétitive dans une économie mondialisée », la Commission Européenne a insisté sur le fait que « Les ALE (accords de libre échange) doivent inclure des dispositions plus fermes en faveur des DPI et de la concurrence, y compris, par exemple, des dispositions sur l'application des DPI conformes à la directive relative au respect des droits de propriété intellectuelle»49.

Dans son programme (janvier-juin 2007), la présidence allemande a réaffirmé la vision stratégique de l'Europe quant à la protection des droits de propriété intellectuelle par les Etats tiers. Il a été clairement annoncé que « sur les marchés tiers, il importera également de garantir des conditions identiques aux entreprises concurrentes ainsi que le respect des règles reconnues. Seule l'UE dans son ensemble, et non les États membres individuellement, a le poids nécessaire pour instaurer une concurrence loyale. La présidence allemande s'opposera avec détermination à tout comportement contraire à la concurrence ainsi qu'aux pratiques commerciales déloyales telles que le dumping, les subventions illégales, la violation des droits de propriété intellectuelle ou les transferts de technologie forcés. La deuxième phase de l'initiative de l'UE concernant la mise en oeuvre des droits de propriété intellectuelle et la révision évolutive de certains instruments de politique commerciale doit être poursuivie ».50

§2- Les nouveautés de la directive de 2004

Certains principes et règles matérielles contenus dans la directive peuvent être proposés et défendus par la partie européenne à l'occasion des futures négociations sur le cadre juridique de sa coopération avec ses partenaires de la rive sud de la méditerranée, soit par leur insertion pure et simple dans les nouveaux accords, soit par leur transposition dans les droits nationaux à travers l'obligation d'harmonisation et de rapprochement des législations. Les principales nouveautés de la directive et qui peuvent aider à la préparation des négociations avec la partie communautaire sont : sa référence explicite à l'accord sur les ADPIC (A), son objectif visant la réduction des disparités (B) et la limitation de son champ d'application à travers l'exclusion de certains domaines(C).

A- De la référence implicite à la référence explicite à l'accord sur les ADPIC

La directive s'est expressément référenciée à l'accord sur les ADPIC. Elle stipule que « l'accord sur les ADPIC contient notamment des dispositions relatives aux moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle, qui constituent des normes communes

49 Disponible sur : www.trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2006/october/tradoc 130464.pdf -

50 Document disponible sur : www.auswaertiges-amt.de/diplo/de/EU-P/Programm-EU-P-fr.pdf -

applicables sur le plan international et mises en oeuvre dans tous les États membres. La présente directive ne devrait pas affecter les obligations internationales des États membres y compris celles résultant de l'accord sur les ADPIC ». Ainsi, toute négociation qui serait lancée devrait s'inscrire dans une logique d'"ADPIC Plus".

B- La réduction des disparités

Selon la Commission Européenne, « il existe encore des disparités importantes en ce qui concerne les moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle. Ainsi, les modalités d'application des mesures provisoires qui sont utilisées notamment pour sauvegarder les éléments de preuve, le calcul des dommages-intérêts ou encore les modalités d'application des procédures en cessation des atteintes aux droits de propriété intellectuelle connaissent des variations importantes d'un État membre à l'autre. Dans certains États membres, il n'existe pas de mesures, procédures et réparations telles que le droit d'information et le rappel, aux frais du contrevenant, des marchandises contrefaisantes mises sur le marché.

Les disparités actuelles conduisent également à un affaiblissement du droit matériel de la propriété intellectuelle et à une fragmentation du marché intérieur dans ce domaine. Cela entraîne une perte de confiance des milieux économiques dans le marché intérieur et, en conséquence, une réduction des investissements dans l'innovation et la création... Le rapprochement des législations des États membres en la matière est donc une condition essentielle au bon fonctionnement du marché intérieur». 51

Les raisons pour lesquelles la commission vise à réduire les disparités dans le marché intérieur sont aussi valables pour les pays tiers avec lesquels la Communauté a conclu des accords d'intégration régionale. Ainsi, le bon fonctionnement de la zone de libre échange euro-méditerranéenne suppose une protection harmonisée des droits de la propriété industrielle ce qui permettra de rétablir la confiance des investisseurs européens dans les marchés de la rive sud et de développer les flux des échanges commerciaux entre les partenaires.

L'obligation d'harmonisation avec le droit communautaire est l'une des formes du « rapprochement des législations » prévu par l'article 52 de l'accord d'association qui prévoit une disposition générale selon laquelle «La coopération vise à aider la Tunisie à rapprocher sa législation de celle de la Communauté dans les domaines couverts par le présent accord».

51 Voir directive : points (7), (8) et (9)

Une étude réalisée, en mai 2005, par l'Agence espagnole de défense de la marque (ANDEMA) dans le cadre du Programme régional pour la promotion des instruments et mécanismes du Marché euro-méditerranéen a classés les pays des deux rives de la méditerranée en six groupes et ce « selon les différents niveaux de proximité et de leurs systèmes de protection des droits de propriété intellectuelle...».

Selon les conclusions de ladite étude, « le premier groupe serait l'ensemble des pays de l'UE, qui est tout à fait homogène et serait le modèle à suivre.

Le deuxième groupe serait constitué d'un seul pays, la Turquie, qui semble être le plus proche du développement et de la protection existants dans l'Union européenne.

Le troisième groupe serait formé de Malte et de Chypre, qui devraient avancer rapidement en raison de leur condition actuelle de membres de pleins droits de l'Union européenne.

Le quatrième groupe serait formé d'un seul pays : Israël, qui se distingue de ses voisins.

Le cinquième groupe serait formé du Liban, de la Jordanie et du Maroc, pays qui semblent être en avance sur le reste des pays du sud de la Méditerranée.

Finalement, le sixième et dernier groupe serait constitué du reste des pays, où il reste encore beaucoup à faire, et on peut constater encore beaucoup de carences en ce qui concerne la régulation et la protection de ces matières »52.

La Tunisie a été donc classée parmi les pays du sud qui constituent le sixième groupe et dont le degré d'harmonie de leurs législations et de leurs systèmes de protection avec le droit matériel et le système communautaire est jugé faible.

Cette évaluation a été officiellement confirmée par les institutions communautaires. Ainsi, selon un rapport publié par la Commission le 4 décembre 2006 et relatif au suivi de la politique de voisinage, « des préoccupations persistent en ce qui concerne la gouvernance économique, la concurrence, la propriété intellectuelle ... la Tunisie a adhéré à pratiquement toutes les principales conventions internationales et aux principaux traités concernant la propriété intellectuelle et industrielle mais la mise en oeuvre peine à suivre, tant au niveau du commerce international (douane) qu'industriel (brevets) ».53

Donc, la réduction des disparités, notamment pour ce qui est de l'effectivité de la protection des droits, constitue un préalable à la mise en place de la zone de libre échange.

52 « Étude sur la Propriété Intellectuelle. Étude comparative sur les différents systèmes utilisés par les Partenaires méditerranéens et les Etats membres de l'UE et sur les bonnes pratiques, droit matériel, procédures administratives et judiciaires ».p 152. Disponible sur :

http://www.euromedmarket.org/images/frances/banners/3%20Propriété%20intellectuelle.pdf

53 Rapport de Suivi PEV.TUNISIE. Référence : COM (2006) 726 final. P6.

C- Exclusion de certains domaines

La directive a expressément exclu certains domaines de son champ d'application. Cette exclusion peut aussi être valable pour les éventuelles négociations entre la Tunisie et son partenaire européen. Ces exclusions touchent, essentiellement, au domaine judiciaire, au domaine de la concurrence et la protection du consommateur de bonne foi.

Pour ce qui est du domaine judiciaire le point (11) stipule que « la directive n'a pas pour objet d'établir des règles harmonisées en matière de coopération judiciaire, de compétence judiciaire, de reconnaissance et d'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ni de traiter de la loi applicable ».

Concernant le domaine de la concurrence, le point (12) prévoit que la directive « ne devrait pas avoir d'incidence sur l'application des règles de concurrence [...] »

Quant à la préservation des intérêts des consommateurs agissant de bonne foi, le point (14) dispose que « les mesures prévues à l'article 6, paragraphe 2, à l'article 8, paragraphe 1, et à l'article 9, paragraphe 2, ne doivent s'appliquer qu'à des actes perpétrés à l'échelle commerciale, sans préjudice de la possibilité qu'ont les États membres d'appliquer également ces mesures à d'autres actes. Les actes perpétrés à l'échelle commerciale sont ceux qui sont perpétrés en vue d'obtenir un avantage économique ou commercial direct ou indirect, ce qui exclut normalement les actes qui sont perpétrés par des consommateurs finaux agissant de bonne foi ».

Le deuxième texte auquel la nouvelle stratégie a fait référence est le nouveau règlement douanier de 2003.

Section 2- les axes issus du nouveau règlement douanier

Un nouveau règlement douanier communautaire a été adopté par le Conseil de l'Union Européenne le 22 juillet 2003. Le règlement concerne « l'intervention des autorités douanières à l'égard de marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle ainsi que les mesures à prendre à l'égard de marchandises portant atteinte à certains droits de propriété intellectuelle »54.

Certaines dispositions prévues par ce règlement constituent des sources d'inspiration qui peuvent guider la Communauté Européenne lors des éventuelles et futures négociations ou renégociations des accords qui touchent à la propriété industrielle.

Ces dispositions touchent essentiellement aux objectifs du règlement (§1), aux définitions (§2) et aux mesures commerciales à prendre (§3).

54 Voir annexe 4

§1- Fixation des objectifs

Pour ce qui des objectifs généraux, le règlement stipule qu'il «convient dès lors d'empêcher, dans toute la mesure du possible, la mise sur le marché de telles marchandises et d'adopter à cette fin des mesures permettant de faire face efficacement à cette activité illicite sans pour autant entraver la liberté du commerce légitime. Cet objectif rejoint d'ailleurs les efforts entrepris dans le même sens au plan international».

Un tel objectif qui fait référence à la notion du commerce légitime telle qu'elle est prévue par l'accord sur les ADPIC et à l'effort entrepris sur le plan international, peut dépasser les limites de la coopération entre les pays membres de la Communauté et être élargi aux relations avec les pays tiers conformément à la nouvelle stratégie de 2005.

§2- Définition de certaines notions

Les définitions concernent aussi bien les «marchandises de contrefaçon» que «les titulaires des droits».

L'alinéa 1er de l'article 2 du règlement a défini la notion de «marchandises portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle». Il s'agit, pour la branche de la propriété industrielle, des «marchandises de contrefaçon» qui portent atteinte au droit des marques, des «marchandises pirates» qui portent atteinte au droit des dessins et modèles et des autres marchandises qui portent atteinte aux droits de brevet, au droit des obtentions végétales selon le droit interne de cet État membre ou à un droit à la protection communautaire aux termes du règlement (CE) no 2 100/94 du Conseil ; aux appellations d'origine et aux indications géographiques prévues par le droit interne de cet État membre ou par les règlements (CEE) no 2081/92 et (CE) no 1493/1999 du Conseil; aux dénominations géographiques telles que prévues par le règlement (CEE) no 1576/89 du Conseil .

L'alinéa 3 de l'article 2 assimile certains objets (moules ou matrices) à des marchandises portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle.

Selon L'alinéa 2 de l'article 2 on entend par "titulaire du droit":

« a) le titulaire d'une marque de fabrique ou de commerce, d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin, d'un dessin ou modèle, d'un brevet, d'un certificat complémentaire de protection, d'un droit d'obtention végétale, d'une appellation d'origine protégée, d'une indication géographique protégée ou, d'une manière générale, d'un des droits visés au paragraphe 1, ou

b) toute autre personne autorisée à utiliser un des droits de propriété intellectuelle visés au point a) ou un représentant du titulaire du droit ou d'un utilisateur autorisé»

§3-Identification des recours douaniers et des mesures à prendre

Concernant les recours douaniers et selon l'alinéa 4 de l'article 3, «Lorsque le demandeur est titulaire d'une marque communautaire, ou d'un dessin ou modèle communautaire, d'une protection communautaire d'une obtention végétale ou d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique ou d'une désignation géographique protégée par la Communauté, la demande d'intervention peut viser à obtenir, outre l'intervention des autorités douanières de l'État membre dans lequel elle est introduite, l'intervention des autorités douanières d'un ou de plusieurs autres États membres».

Pour ce qui est des mesures à prendre et selon les termes de l'article 16, «les marchandises reconnues comme des marchandises portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle au terme de la procédure prévue à l'article 9 ne peuvent être:

- introduites sur le territoire douanier de la Communauté,

- mises en libre pratique,

- retirées du territoire douanier de la Communauté,

- exportées,

- réexportées,

- placées sous un régime suspensif, ou

- placées en zone franche ou en entrepôt franc».

Ces dispositions du nouveau règlement douanier peuvent être une source d'inspiration pour les futures propositions communautaires qui concernent la coopération douanière dans le domaine de la lutte contre la contrefaçon au niveau euro-méditerranéen.

Une coopération et coordination entre l'Europe et ses partenaires de la rive sud de la Méditerranée sont en train de se développer. La déclaration finale du séminaire régional sur la « Coopération douanière et lutte contre la contrefaçon et la piraterie » qui s'est tenu à Barcelone du 12 au 15 décembre 2005 dans le cadre du Programme "EuroMed Marché" a mis l'accent sur les points suivants :

- la nécessité de la coopération entre la Commission européenne, les douanes des Etats membres de l'UE et celles des Partenaires méditerranéens afin de mener une lutt e efficace et efficiente contre la contrefaçon et la piraterie dans la région euroméditerranéenne ;

- l'opportunité de promouvoir la coopération entre les administrations de douane et les titulaires de droits afin de maximiser l'efficacité de la lutte contre la contrefaçon et la piraterie;

- le caractère essentiel de la formation dans le domaine de la contrefaçon et de la piraterie;

- la nécessité éventuelle d'améliorer l'étendue de la législation douanière nationale dans la région méditerranéenne (contrôles des exportations, transit, zones franches, entrepôts, etc.), même si cette obligation n'est pas prévue par l'Accord ADPIC ;

- la nécessité de recourir au contrôle analytique afin de compléter le contrôle documentaire et visuel.

Après avoir passé en revue les textes auxquels la nouvelle stratégie européenne a fait référence, nous allons analyser ses rapports avec la nouvelle politique européenne de voisinage.

CHAPITRE II- LES RAPPOR TS A VEC LA NOUVELLE

POLITIQ UE DE VOISINA GE

Le 1er mai 2004, l'Union Européenne a été élargie à travers l'adhésion définitive de dix nouveaux pays.55 Suite à cet élargissement, le nombre des pays de l'Union a augmenté à vingt cinq.56

L'effet immédiat de l'élargissement est le changement du paysage européen aux yeux de ses partenaires de la rive sud de la méditerranée aussi bien sur le plan de la coopération régionale que bilatérale. C'est dans l'objectif de limiter les éventuelles conséquences négatives d'un tel changement que la nouvelle politique de voisinage a été conçue par l'Europe des quinze et validée l'Europe élargie à travers les institutions communautaires. En mars 2003, la Commission a présenté une communication intitulée «L'Europe élargie - Voisinage : Un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l'Est et du Sud». Cette initiative a été saluée par le Conseil européen qui a invité la Commission et le Conseil à la poursuivre. A la fin 2003, la Commission a engagé des discussions exploratoires avec certains partenaires d'Europe de l'Est et du Sud de la Méditerranée, y compris la Tunisie. Ces pays ont confirmé l'intérêt qu'ils portent à la politique européenne de voisinage. Par la suite, le 12 mai 2004, la Commission a adopté et publié un document stratégique appelé : « Politique européenne de voisinage. Document d'orientation ».

55 Les dix nouveaux membres sont : Chypre, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovénie et la Slovaquie

56 Actuellement, et suite à l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, l'Union Européenne compte vingt sept (27) membres.

Pour les droits de la propriété industrielle, « l'élargissement risque d'accroître les risques de contrefaçon, d'une part, en faisant entrer dans l'Union européenne des pays encore peu familiarisés au respect des droits de propriété industrielle, d'autre part, en multipliant, pour les marchandises litigieuses, les points d'ouverture au marché européen. En effet, le danger est double : non seulement des États comme la Pologne, la Tchéquie ou la Hongrie sont fabricants, distributeurs et consommateurs de copies en tout genre, mais ils sont aussi perméables à la pénétration de contrefaçons en provenance d'Asie, de Russie ou de Turquie ».57

Il est à préciser, à ce propos, que « le dispositif du voisinage constitue un complément de l'offre européenne qui doit consolider le partenariat et non s'y substituer... ».58

Avant d'évaluer l'harmonie entre la nouvelle stratégie de 2005 et la nouvelle politique de voisinage (section 1), il convient de présenter les grands axes de cette dernière, notamment en matière de propriété industrielle (section 2).

Section 2- les grands axes de la nouvelle politique de voisinage

Selon le document stratégique, «la nouvelle politique de voisinage vise... à offrir à [aux voisins] l'occasion de participer à diverses activités de l'UE par le biais d'une coopération étroite sur les plans politique, économique et culturel, ainsi qu'en matière de sécurité ».59

La protection des droits de la propriété industrielle a été considérée comme étant une question liée au commerce. Le document stratégique précise que « la mise en convergence de la réglementation dans des disciplines-clés liées au commerce procurera des avantages économiques, tant en termes de réformes dans les pays partenaires qu'en termes d'amélioration du climat d'investissement. Une protection plus efficace des droits de la propriété intellectuelle et industrielle, ainsi qu'une application effective de ces droits, en association avec une mise en convergence réglementaire et une amélioration de l'accès au marché dans le domaine des marchés publics devraient avoir un effet de levier important sur le développement économique et sur les niveaux d'investissement ».

57 « Les conséquences de l'élargissement européen pour les titulaires de droits de propriété industrielle ». Article publié par Catherine Druez-Marie. Institut de recherche en propriété intellectuelle Henri-Desbois. Mai 2005. P 8. Disponible sur : http://www.irpi.ccip.fr/fichiers/Etudes/05-Elargissement.pdf

58 Rapport du FEMISE 2006 sur le partenariat euro-méditerranéen. Septembre 2006.p 2.

59 Source : http://europa.eu.int/comm/world/enp/index en.htm

Les deux dimensions de la coopération entre les deux rives de la méditerranée ont été prises en compte par cette nouvelle politique de voisinage : la dimension régionale (§1) et la dimension bilatérale (§2).

§1- la dimension régionale de la nouvelle politique de voisinage

La principale question qui a été posée dans ce cadre est de savoir quelle est la nature de l'intégration régionale prévue par la nouvelle politique de voisinage? S'agit-il d'une forme d'intégration profonde ?

Cette question a été traitée par les auteurs du rapport du FEMISE 2006 sur le partenariat euro-méditerranéen. 60

D'abord, les auteurs ont commencé par définir la notion d'intégration profonde qui «va beaucoup plus loin [que la zone de libre échange] dans la mesure où, comme en Europe :

- elle repose en général sur un projet politique, qui conduit à passer de l'union douanière au marché commun, puis à l'union économique et monétaire, pour finir par l'intégration complète ;

- elle implique à chaque étape des évolutions institutionnelles lourdes ;

- elle impose de mener des actions de convergence significatives au niveau de l'ensemble de la région ». 61

Ensuite, ils ont constaté qu'« avec la PEV, nous ne sommes pas encore dans le cadre d'une vision d'intégration profonde de la région Euro-Med qui pourrait servir de référence normative claire à atteindre ».62

Enfin, ils ont conclu que l'offre européenne s'appuie sur la démarche de transposition des directives européennes à travers la mise en place d'un jalon dans le marché intérieur de l'Union ("stake in the internal market").

Partant de cette identification de la nature de l'intégration régionale dans le cadre de la nouvelle politique de voisinage, les auteurs du rapport ont démontré le processus nécessaire pour sa réussite. Selon eux, «trois étapes sont indispensables :

> La première étape consiste à faire une typologie des directives européennes susceptibles d'être transférées (celles jugées les plus importantes pour le développement économique) selon le degré d'implication du sociétal national.

60 FEMISE : Forum Euro-Méditerranéen des Instituts Economiques

61 Rapport FEMIS. p. 26. Disponible sur : http://www.femise.org/PDF/Femise A2006fr.pdf 62 Rapport FEMIS. p. 28

> La seconde étape est d'examiner le degré de compatibilité entre les directives européennes et les institutions et pratiques locales.

> La troisième étape traitera la question du contenu du jalon, dans diverses hypothèses de rapprochement avec l'UE, tentera de hiérarchiser les priorités et de donner une idée des niveaux principaux de responsabilité ».63

§2- la dimension bilatérale de la nouvelle politique de voisinage

Sur le plan bilatéral, le document stratégique sur la nouvelle politique de voisinage précise que la méthode proposée pour réaliser les objectifs de la politique européenne de voisinage « consiste, en accord avec les pays partenaires, à définir une série de priorités dans des plans d'action arrêtés conjointement, qui permettront à ces pays de se rapprocher autant que possible de l'Union européenne. Ces plans d'action reposent sur l'engagement en faveur de valeurs communes... dans le domaine du commerce, la PEV prévoit une ouverture accrue du marché, conformément aux principes de l'OMC, et une convergence par rapport aux normes de l'UE. Les plans d'action définiront la marche à suivre pour les trois à cinq années à venir. La prochaine étape pourrait consister à proposer un nouveau partenariat privilégié sous la forme d'accords européens de voisinage destinés à remplacer la génération actuelle d'accords bilatéraux, une fois que les priorités des plans d'action auront été réalisées».

Pour ce qui des relations entre la Tunisie et l'Union européenne, les deux partenaires ont établi conjointement un plan d'action dont l'objectif est de « donner une nouvelle dimension à l'Accord d'association dans tous ces volets... ». Sur le plan économique, le plan d'action vise « le développement de conditions propices à l'investissement direct étranger, à la croissance et au développement durable ».

Dans le domaine de la propriété industrielle, le point 36 du plan d'action avec la Tunisie rappelle l'objectif général d'«as surer un niveau de protection conforme aux plus hauts standards internationaux et renforcer l'application effective de ces dispositions, conformément à l'article 39 de l'accord d'association ».

En outre, le même plan d'action fixe un ensemble d'objectifs à court terme et à moyen terme. L'essentiel de ces objectifs prend la forme d'obligations incombant à la partie tunisienne.

63 Rapport FEMIS. p. 3 1-32

Les obligations de court terme ont été fixées comme suit :

> l'adhésion aux principaux accords internationaux - y compris les conventions prévues par l'article 39 de l'accord d'association - et appliquer les plus hauts standards internationaux ;

> le renforcement de l'application de la réglementation, notamment en matière des sanctions afin d'assurer une protection efficace aux titulaires de droits ;

> le renforcement de la coopération administrative entre les autorités tunisiennes compétentes et celles des pays tiers ;

> le renforcement des capacités de la structure de suivi qui permet d'enregistrer, d'accorder et de gérer des droits ;

> le renforcement de la lutte contre les produits contrefaits/piratés dans des secteurs très ciblés ;

> le renforcement des actions qui permettent : la création d'un environnement propice au développement de la propriété industrielle en Tunisie ; la consolidation des services du département de la Propriété industrielle à l'Institut National de la Normalisation et de la propriété Industrielle ; la promotion des brevets et de l'activité inventive.

Quant aux obligations à moyen terme, elles tournent autour des axes suivants :

> le renforcement des structures chargées notamment des brevets ;

> la possibilité d'une collaboration renforcée avec d'autres partenaires Euromed ;

> la progression vers l'application d'un niveau de protection similaire à celui de l'UE.

Après avoir passé en revue les grands axes de la nouvelle politique de voisinage, une évaluation de l'harmonie de la stratégie de 2005 avec cette nouvelle politique aidera à identifier les traits de la tendance basée sur la communautarisation des fondements juridiques des dispositions relative à la propriété industrielle dans l'accord d'association.

Section 2- Harmonie avec la nouvelle politique de voisinage

Il est utile de remarquer tout d'abord que la nouvelle stratégie communautaire ne fait pas référence à la nouvelle politique de voisinage. Toutefois, et dans la mesure où cette dernière constitue le cadre général au tour duquel doit s'articuler tout projet destiné à la promotion des relations de coopération entre les parties concernées, la stratégie européenne visant la protection des droits de la propriété intellectuelle par les pays tiers devrait être en harmonie avec les axes et les objectifs de cette politique et refléter son esprit.

Certains axes reflètent l'esprit de l'association et du voisinage. La stratégie a choisi d'éliminer certaines attitudes (§1) et de fixer la démarche que la Commission Européenne doit suivre pour sa mise en oeuvre (§2).

§1- Les attitudes à exclure

La nouvelle stratégie a choisi d'exclure certaines attitudes de la démarche à suivre pour la protection des droits de la propriété intellectuelle par les pays tiers. Il s'agit notamment du rejet de l'unilatéralisme (A) et de la standardisation des modèles de protection (B).

A- Rejet de l'unilatéralisme

La stratégie a mis le point sur le fait qu'elle « n'entend pas imposer des solutions unilatérales ». Le document explique ce choix en rappelant qu'« il est évident que les solutions proposées ne seront efficaces que si le pays bénéficiaire les juge prioritaires et reconnaît leur importance » et que « la Commission est disposée à aider à l'instauration de telles conditions ».

L'approche européenne se propose une nouvelle vision différente de celle des EtatsUnis marquée par son attitude unilatéraliste. Ainsi, et dans la cadre de leur lutte contre le phénomène mondial de la contrefaçon, les Etats-Unis ont mis en place « une législation musclée qui a doté le Représentant du Commerce (USTR) d'une arme puissante de pression internationale (la Section 301), et institué une Commission du commerce international (ITC) chargée d'enquêter et de déférer auprès d'une juridiction parallèle ad hoc - le Tribunal (américain) du commerce international (ITC) - toute pratique commerciale déloyale selon les lois américaines, y compris en matière d'atteinte à des DPI (Section 337) ».64

Le rejet de l'unilatéralisme dans la stratégie européenne n'est qu'une confirmation du refus des pouvoirs de sanctions reconnues aux autorités américaines en vertu des lois des Etats-Unis. Nous pouvons, à cet égard, rappeler que la Communauté Européenne a déjà contesté la loi américaine « spécial 301 » devant l'organe de règlement des différends de l'OMC en invoquant son atteinte à la prévisibilité du commerce international.65

Selon la logique européenne, la protection des droits de la propriété intellectuelle par les pays tiers doit être le résultat d'un volontarisme politique exprimant la conviction de

64 VIDON (Patrice). « Le chantier de la régulation internationale du commerce par le droit de la propriété intellectuelle ». p. 4. Disponible sur : http://www.afri-ct.org/IMG/pdf/vidon2000.pdf

65 Affaire DS 152 .Disponible sur : http://www.wto.org/french/tratop f/dispu f/cases f/ds152 f.htm

la nécessité d'une telle protection. L'adhésion volontaire à tout système de protection, par un pays tiers, constitue la source de légitimité recherchée par la stratégie communautaire.

Une telle logique trouve son fondement dans l'esprit de partenariat qui inspire l'accord d'association et le bon voisinage qui constitue la base et la finalité de la nouvelle politique européenne. Les deux notions de partenariat et de bon voisinage n'auront de sens que si elles seront accompagnées d'un respect de la souveraineté des Etats qui est incompatible avec toute attitude unilatéraliste.

Toutefois, le rejet communautaire de l'unilatéralisme a été mis en cause par certains. Par ailleurs, et « pour couvrir la propriété intellectuelle, l'UE a également eu recours à un mécanisme d'examen dans le cadre du Règlement sur les obstacles du commerce, qui a un rôle similaire à celui de l'examen annuel des représentants pour les négociations commerciales américains (dans le cadre de l'article spécial 301 de la Loi sur le commerce extérieur) ».66

L'harmonie entre la démarche à suivre par les institutions communautaires (notamment la Commission) et les valeurs attachées au bon voisinage suppose le recours aux instruments conventionnels.

B- Rejet de la standardisation des modèles de protection

La stratégie a précisé qu'elle n'entend pas « proposer une approche standardisée et uniforme pour promouvoir le respect des DPI ».

La comparaison avec le modèle américain est également possible à ce propos. Le bilatéralisme américain se caractérise par une standardisation et uniformisation des dispositions relatives à la propriété intellectuelle. Ces dispositions ont été insérées dans deux catégories d'accords bilatéraux conclus par les Etats-Unis en matière économique et commerciale, à savoir les traités bilatéraux sur l'investissement (TBI ou BIT en anglais) et les accords de libre échange. Les négociateurs américains procèdent touj ours par référence à un modèle prédéterminé. Dans le domaine de l'investissement, un nouveau modèle américain de traités bilatéraux (le modèle de 2004) a remplacé celui de 1994. Les droits de la propriété intellectuelle ont été inclus dans la définition de l'investissement afin de les faire bénéficier des normes de traitement et des mécanismes de libéralisation. Les gouvernements des pays importateurs d'investissement direct étranger (IDE) sont contraints d'accepter l'approche américaine qui lie le traitement juste et équitable au droit international coutumier et à la protection et sécurité intégrales, d'une part, et qui consacre

66 « La propriété intellectuelle dans les accords d'investissement : les répercussions des mesures ADPIC-plus sur les pays en développement ».Document précité. p. 11.

la confusion entre traitement et libéralisation en prévoyant le traitement national pour les deux phases de pré-investissement et de post-investissement, d'autre part. Dans l'esprit de continuité qui caractérise la diplomatie économique américaine, la standardisation de la protection des droits de la propriété industrielle dans sa relation avec le droit conventionnel de l'investissement international doit s'effectuer selon le système de l'«open door policy ».

Sur le plan commercial, la consécration d'un chapitre entier pour la protection des droits de la propriété intellectuelle dans le modèle américain des accords de libre échange vise la consolidation de la standardisation au niveau bilatéral. En effet, un accord de libre échange, en tant que forme d'intégration régionale, permet aux deux parties contractantes d'échapper à l'effet de généralisation des avantages résultant de la clause de la nation la plus favorisée (NPF) telle qu'elle est prévue par l'article 1er du GATT.

Cette pratique peut, de prime abord, s'avérer contraire à l'objectif de généralisation du modèle américain mais en tenant compte du pragmatisme américain, nous pouvons affirmer que cela renforce davantage la position des Etats-Unis dans la mesure où les concessions octroyés par la partie américaine ne vont pas être généralisées aux autres membres de l'OMC et les principaux standards sont confirmés dans tous les accords bilatéraux conclus par elle.

A titre d'exemple, le chapitre 15 de l'accord de libre échange conclu entre les EtatsUnis et le Maroc prévoit les standards suivants : traitement national, obligation de transparence, adhésion aux instruments internationaux de protection, et moyens de faire respecter les droits.

Sur le plan régional, la vision américaine est également vérifiée dans l'Accord de libre échange nord-américain de 1992 (ALENA) et notamment le chapitre 17 qui impose le traitement national et des niveaux élevés de protection du droit d'auteur, des brevets, des marques de commerce et d'autres droits, au Canada, aux États-Unis et au Mexique.

La standardisation des modèles de protection n'est en fait qu'une forme d'unilatéralisme. Le rejet communautaire affiché d'une telle attitude au niveau des principes va être vérifié au niveau de la démarche que la stratégie propose pour leur mise en oeuvre.

§2- La démarche pour la mise en oeuvre

Pour ce qui est de la démarche à suivre, la stratégie a insisté sur l'importance de l'esprit de coopération qui doit marquer les actions de la Commission. Deux repères peuvent conduire ces actions : la flexibilité et la différenciation (A) d'une part, et l'efficacité des clauses conventionnelles (B), d'autre part.

A- Flexibilité et différenciation

En vertu de la stratégie, «il conviendra d'adopter une démarche flexible qui tiendra compte des différents besoins, du niveau de développement, de l'appartenance ou non à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et des principaux problèmes des pays concernés en termes de DPI (pays de production, de transit ou de consommation de marchandises portant atteinte à des droits de propriété intellectuelle) ».

La prise en compte, par la stratégie, des niveaux du développement des pays tiers est une forme du traitement différencié prévu par la nouvelle politique de voisinage et qui se manifeste aussi dans les instruments du partenariat Euro-Med. La flexibilité de la démarche peut être déduite des spécificités de la rédaction des documents propres à chacun des partenaires du sud.

Dans le cadre de la nouvelle politique de voisinage, le plan d'action établi avec la Tunisie prévoit dans ces termes généraux que « l'approche est fondée sur le partenariat, une appropriation commune et sur la différentiation ».

Le plan d'action (2005) avec le Maroc qui couvrira une période de trois à cinq ans fixe un objectif d'assurer un niveau de protection des droits de la propriété industrielle similaire à celui de l'UE et renforcer l`application effective des dispositions relatives à la matière, conformément à l'article 39 de l'accord d'association.67

Dans le cadre du partenariat Euro-Med, le document de stratégie pour la Tunisie (2002-2006) cite parmi les résultats attendus l'objectif de « moderniser le système de la propriété intellectuelle et l'application de la protection effective des droits de propriété » en rapport avec le Programme de Modernisation Industrielle (PMI).68

Dans le même cadre, le programme indicatif national pour le Liban (2005-2006) prévoit dans son volet "Etat de droit" « la création d'un tribunal spécialisé dans la propriété intellectuelle (ou d'une instance comparable), capable de statuer sur des cas de propriété intellectuelle et de faire exécuter ses décisions, en coopération avec la police ».69

Outre sa prise en compte des niveaux de développement des partenaires qui constituent une préoccupation majeure des pays en développement dans le cadre du Programme de Doha pour le Développement de l'OMC, la différenciation constitue un choix intrinsèquement cohérent avec la nouvelle stratégie européenne visant la protection des droits de la propriété intellectuelle par les pays tiers. En effet, la définition même des « pays prioritaires » tient compte de cet élément. Selon les termes de la stratégie, « Plusieurs critères définissent les pays qui posent le plus de problèmes sur le plan du

67 http://www.delmar.ec.europa.eu/fr/ue maroc/Plan%20d'action.pdf

68 Voir : http://www.taskforcenordest.org/upload/doc/Tunisia-CSP.pdf 69 http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2006/march/tradoc 127802.pdf

respect des droits de propriété intellectuelle. Ils peuvent se répartir comme suit: a) pays d'origine; b) pays de transit, et c) pays destinataires. Pour chacun de ces groupes de pays, la nature des mesures les plus adéquates pour s'attaquer au problème est différente. »

B- Efficacité des clauses conventionnelles

Un axe important de la stratégie tend à combler certaines lacunes et imprécisions marquant les dispositions actuelles qui touchent à la propriété intellectuelle et insérées dans les accords d'association conclus par la Communauté Européenne. Pour ce faire, la stratégie propose de « revoir l'approche adoptée en ce qui concerne le chapitre des accords bilatéraux consacré aux DPI, notamment en clarifiant et en renforçant les clauses liées au respect des DPI. Bien qu'il importe, lors de l'élaboration des règles en vue de chaque négociation spécifique, de tenir compte de la situation et des capacités de nos partenaires, des instruments tels que la nouvelle directive communautaire harmonisant les moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle au sein de la Communauté et le nouveau règlement douanier sur les marchandises de contrefaçon ou les marchandises pirates peuvent constituer des sources d'inspiration précieuses et des outils de référence utiles ».

Dans la même perspective, la stratégie prévoit qu'«il est aussi envisagé de rendre plus efficaces les clauses liées au respect des DPI dans les futurs accords bilatéraux ou birégionaux, et de définir clairement ce que l'UE considère comme les normes internationales les plus élevées dans ce domaine et quel type d'efforts elle attend de ses partenaires commerciaux».

Partant de ces orientations, nous pouvons constater que l'efficacité des clauses

conventionnelles nécessite, selon la stratégie, la réunion des éléments suivants : - le renforcement de la protection prévue par lesdites clauses ;

- la clarification de leur contenu, notamment pour ce qui de la définition

précise de la notion des "normes internationales les plus élevées" ;

- la prise en compte des objectifs spécifiques qui différent d'un partenaire

à l'autre ;

- la possibilité d'inspiration du droit communautaire (la nouvelle directive de 2004 et le nouveau règlement douanier de 2003).

Toutefois, nous tenons à préciser que la stratégie était explicite quant à l'importance du cadre multilatéral. Elle a rappelé que « l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) contient un chapitre détaillé consacré à l'établissement de règles minimales en matière de respect des DPI et à la coopération technique. Il créé aussi une structure chargée du suivi de la mise en oeuvre des dispositions

de l'accord et des consultations interparties, le Conseil des ADPIC. Enfin, il établit un mécanisme de prévention et de règlement des différends. Ces éléments font de l'accord ADPIC un des instruments les plus efficaces pour résoudre les problèmes liés à la violation des DPI ».

Il est donc permis de constater à la fin de cette deuxième partie que la tendance actuelle qui oriente les choix communautaires quant aux fondements juridiques des dispositions conventionnelles liées à la propriété industrielle ne met pas en cause le recours au droit international et notamment le droit de l'OMC. Il s'agit bel et bien d'une approche « ADPIC PLUS ».

Conclusion générale

A la fin de ce travail, nous pouvons conclure que la pluralité des fondements juridiques des dispositions relatives à la propriété industrielle dans l'accord d'association constitue une source d'ambigüité et d'incertitude. D'une part, leur origine essentiellement internationale est, dans la plupart des cas, déduite de la rédaction des articles qui renvoient implicitement et/ou indirectement au droit international. D'autre part, la tendance à la communautarisation desdits fondements risque d'être une source de «désordre» si elle n'est pas conditionnée par l'équilibre conventionnel lié aux obligations des parties contractantes. Un tel équilibre sera de plus en plus contesté si on se place au niveau des rapports entre le droit communautaire et le droit international économique, notamment le droit de l'OMC. En effet, la Communauté ou les Communautés Européennes et la Tunisie ne peuvent pas jouer le même rôle au sein de cette organisation qui constitue un vrai forum pour la promotion des intérêts communautaires sur le plan multilatéral. Les exemples que nous pouvons citer à propos de l'influence communautaire dans les négociations commerciales multilatérales sont nombreux. Ainsi, l'introduction de nouvelles questions ou sujets lors de la conférence ministérielle de Singapour en 1 99670 était le fruit d'une vision européenne basée sur le principe de généralité. Il en est de même pour le "principe de précaution" et "l'exception culturelle" qui tendent à donner un certain visage humain à la mondialisation. « Nul ne doute par ailleurs que, au sein de l'OMC, la Communauté s'efforce d'obtenir la transposition au plan international de certaines conceptions communautaires ».71

D'autre part, le caractère stratégique issu des instruments actuels de la coopération entre l'Europe et les pays du sud de la méditerranée (partenariat Euro-Med et nouvelle politique de voisinage) s'avère relatif si nous procédons à une comparaison avec d'autres cadres qui lient le vieux continent à d'autres pays en développement. Le cas du « partenariat stratégique » entre les pays de l'Union européenne et ceux de l'Amérique latine et des Caraïbes conformément au second sommet qui s'est tenu à Madrid en mai 2002 est illustratif. Dans ce cadre, un accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, a été signé le 18 novembre 2002 à Bruxelles.

Pour les droits de la propriété industrielle, la rédaction de certains articles de cet accord reflète mieux l'esprit de partenariat, l'équilibre conventionnel et la différenciation.

70 Les nouveaux sujets ou « les questions de Singapour » touchent à l'investissement, la concurrence, la transparence des marchés publics et à la facilitation du commerce.

71 GAUTRON (Jean-Claude). «L 'ordre juridique communautaire et le droit international : quelles articulation ? ». In « Droit communautaire et mondialisation », actes de colloque organisé par le laboratoire de droit communautaire et de relations Maghreb-Europe. Centre de Publication Universitaires 2003. p 70.

L'article 32 qui trace les grandes lignes de la coopération dans ce domaine prévoit que « les Parties conviennent de coopérer, selon leurs propres capacités, sur les questions ayant trait à la mise en oeuvre, la promotion, la diffusion, la rationalisation, la gestion, l'harmonisation, la protection et l'application efficace des droits de propriété intellectuelle, à la prévention des abus de tels droits, à la lutte contre la contrefaçon et la piraterie ainsi qu'à la création et au renforcement d'organismes nationaux de contrôle et de protection de ces droits ».

Au niveau sectoriel, les rapports entre les droits de la propriété intellectuelle et le transfert technologique sont plus nets. L'article 36 relatif à la coopération dans le secteur des sciences et technologies stipule dans son alinéa 1er que « les objectifs de la coopération scientifique et technique, menée dans l'intérêt mutuel des deux Parties et conformément à leurs politiques, en particulier en ce qui concerne les règles d'exploitation de la propriété intellectuelle découlant de la recherche, sont les suivants :

a) dialogue politique et échanges d'informations et d'expérience scientifiques et technologiques au niveau régional, en particulier en ce qui concerne les politiques et les programmes ;

b) promotion de relations durables entre les communautés scientifiques des deux Parties ; ainsi que l'intensification des actions visant à promouvoir les réseaux, l'innovation et les transferts de technologie entre les partenaires européens et chiliens ».

L'exposé de motifs du projet de la loi française autorisant la ratification de l'accord établissant une association avec le Chili a qualifié cet accord d'« ambitieux mais réaliste compte tenu du niveau de développement du Chili et des progrès rapides de son économie ». (Sénat session ordinaire de 2003-2004. Annexe au procès-verbal de la séance du 29 octobre 2003).

Nonobstant ses atouts de réussite, l'intégration euro-méditerranéenne souffre de quelques insuffisances. Un article publié récemment et intitulé « Méditerranée : d'un Euromed en panne à une région industrielle Nord-Sud »72 a fait un diagnostic de la situation. Face aux deux points forts de cette intégration, à savoir la convergence et l'intégration intra-zone, la Méditerranée est confrontée à deux faiblesses. La première faiblesse concerne la mobilité des personnes, dans la mesure où les Sud-méditerranéens en Europe sont quatre fois moins que les Mexicains aux Etats-Unis. La deuxième qui est la plus grande faiblesse, selon ces auteurs, est l'absence d'un système productif Nord-Sud.

72 http://www.strategie.gouv.fr/revue/IMG/pdf/article BeckoucheGuigou4.pdf

Les perspectives du développement de la coopération bilatérale et régionale entre le nord et le sud de la méditerranée dans le domaine de la propriété industrielle ne dépendent pas uniquement du cadre juridique approprié et équilibré mais également de certains autres facteurs qui doivent se réunir afin de permettre la réalisation de l'objectif de partenariat :

- un vrai volontarisme politique de la part de tous les acteurs;

- la prise en compte du caractère stratégique de la coopération avec les pays du sud de la méditerranée lors de la préparation, de la conception et de la mise en place du projet de réforme des institutions européennes défendu par la France dans le cadre du rôle actif qu'elle veut jouer suite aux dernière élections présidentielles 73;

- la réduction des disparités sud-sud dans l'objectif de faciliter la réduction des disparités qui existent entre les deux rives de la méditerranée. A ce propos, l'intégration entre la Tunisie, la Jordanie, le Maroc et l'Egypte dans le cadre la zone araboméditerranéenne de libre échange (processus d'Agadir) peut constituer un cadre opportun pour aider à réaliser cet objectif. L'élargissement de ladite intégration à d'autres pays arabes ayant conclu des accords d'association avec la Communauté Européenne est aussi souhaitable. Une relance de l'intégration maghrébine constitue également une priorité.

Pour ce qui de la propriété industrielle, des efforts supplémentaires de la part de l'Europe et de ses partenaires et voisins du sud de la méditerranée sont indispensables.

Du côté européen, deux principaux aspects nécessitent un effort soutenu d'appui au développement : le transfert technologique et l'assistance technique.

Du côté sud-méditerranéen, un travail reste à faire pour l'effectivité de la protection des droits et la sensibilisation à l'importance de cette protection.

En Tunisie, le dossier de la propriété industrielle nécessite une vraie impulsion. Dans cet objectif, les axes suivants peuvent être proposés :

> l'élaboration d'une étude pour aider à la mise en place d'une stratégie nationale en matière de protection des droits et d'harmonisation de la législation avec le droit communautaire et des plans d'action nationaux servant à la mise en oeuvre d'une telle stratégie ;

> la mise à niveau des structures administratives chargées de la conception et de la mise en oeuvre de la politique nationale en la matière ;

> l'exploitation optimale de l'assistance financière destinée à l'organisation des séminaires et aux autres actions liées à la valorisation des compétences nationales ;

73 La France défend l'idée de la constitution d'une Union Méditerranéenne.

> l'implication des différents intervenants et parties prenantes (administration, secteur privé, universités, inventeurs et chercheurs, société civile, médias...) dans tout projet de réforme ;

> la promotion de la coopération internationale multilatérale, régionale et bilatérale dans les différents aspects qui touchent à la question (financement de projets ; coopération scientifique et technique ; coopération économique, commerciale et douanière ; échange d'expériences et d'information ; etc.) ;

> la création d'une haute structure de supervision et de coordination afin d'assurer les chances de réussite.

La réalisation des objectifs nationaux liés à la promotion des droits de la propriété industrielle en Tunisie dépend de certains préalables, dont notamment la prise en compte du caractère stratégique, multidimensionnel et évolutif de la question.

Bibliographie

Ouvrages

- LEVEQUE (François) et MENIERE (Yann), Économie de la propriété intellectuelle. Collections Repères, Éditions la Découverte. Octobre 2003.

- CHAVANE (Albert), Droit de la propriété industrielle. 2ème édition. Paris Dalloz 1980.

- RIPERT (Georges), Aspects juridiques du capitalisme moderne, 2ème édition. LGDJ. Paris 1951.

- CARREAU (Dominique) et JUILLARD (Patrick), Droit international économique. 2ème édition. Dalloz 2005.

- Sparer. (M) et Shwab (W). Rédaction des lois : rendez-vous du droit et de la culture. Conseil Canadien de la langue française. Disponible sur : http://www.cslf.gouv.qc.ca/publications/pubb101/B101 IIch3 .html#note02

Rapports et études

- « L 'économie de l'immatériel. La croissance de demain ». Rapport de la commission sur l'économie de l'immatériel. Ministre de l 'Économie, des Finances et de l'Industrie. Paris, mars 2006.

- « La propriété intellectuelle dans les accords d'investissement: les répercussions des mesures ADPIC-plus sur les pays en développement ». Document analytique Centre Sud. Mai 2005. Disponible sur : http://www.bilaterals.org/article.php3?id article=6495.

- « La norme du traitement juste et équitable dans le droit international des investissements », documents de travail sur l'investissement international. Numéro 2004/3. OCDE. Septembre 2004.

- « Impacts de la contrefa çon et de la piraterie en Europe » Etude réalisée par l'équipe de recherche du Centre d'études internationales de la propriété industrielle (CEIPI). Juillet 2004. Disponible sur :

http://ec.europa.eu/justice home/doc centre/crime/studies/study ceipi counterfeiting fr.pdf

- « Étude sur la Propriété Intellectuelle. Étude comparative sur les différents systèmes

utilisés par les Partenaires méditerranéens et les Etats membres de l'UE et sur les

bonnes pratiques, droit matériel, procédures administratives et judiciaires». Agence

espagnole de défense de la marque (ANDEMA). Mai 2006 .Disponible sur : http://www.euromedmarket.org/images/frances/banners/3%20Propriété%20intellectuell e.pdf

- Rapport du FEMISE 2006 sur le partenariat euro-méditerranéen. Septembre 2006. Disponible sur : http://www.femise.org/PDF/Femise A2006fr.pdf

Articles

- KEBADJIAN (Gérard). « Economie politique du régionalisme: le cas euroméditerranéen » in: Région et développement n° 9-2004.

- DE BANDT (Jaques), « réflexions sur l 'immatériel ». In « immatériel, nouveau concept », ouvrage collectif sous la direction de DE BANDT (jaques) et GOURDET (Genevière). Edition Economica. 2001.

- CAPUT (Yves), « concurrence déloyale et parasitisme : complément ou substitut ». In « l'entreprise face à la contrefaçon de droits de propriété intellectuelle », colloque organisé par l'IRPI, Paris 17 décembre 2002. Edition LITEC 2003.

- Druez-Marie (Catherine), « Les conséquences de l 'élargissement européen pour les titulaires de droits de propriété industrielle ». Institut de recherche en propriété intellectuelle Henri-Desbois. Mai 2005. Disponible sur : http://www.irpi.ccip.fr/fichiers/Etudes/05-Elargissement.pdf

- VIDON (Patrice). « Le chantier de la régulation internationale du commerce par le droit de la propriété intellectuelle ». Disponible sur : http://www.africt.org/IMG/pdf/vidon2000.pdf

- GAUTRON (Jean-Claude). «L 'ordre juridique communautaire et le droit international : quelles articulations ? ». In « Droit communautaire et mondialisation », actes de colloque organisé par le laboratoire de droit communautaire et de relations Maghreb-Europe. Centre de Publication Universitaires 2003.

Sites WEB :

- Site de l'Union Européenne : www.europa.eu

- Site de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) : www.wto.org - Site du Programme EuroMed Marché : www.euromedmarket.org

- Site de l'Organisation Mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) : www.wipo.int

- Site de la Commission Européenne à Tunis : www.deltun.cec.eu.int

- Site de la CNUCED : www.unctad.org

- Site l'OCDE : www.oecd.org

ANNEXES :

- Annexe 1 : Accord sur les ADPIC

- Annexe 2 : Stratégie visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle dans les pays tiers (2005)

- Annexe 3 : Directive 2004/48/ce du Parlement Européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle

- Annexe 4 : Nouveau règlement douanier communautaire du 22 juillet 2003






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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault