Chapitre 2 : L'INTEGRATION DE LA MICROFINANCE DANS LES
SYSTEMES FINANCIERS
Il s'agira dans ce second chapitre démontrer que la
microfinance fait partie intégrante de la finance globale dans les PED.
En effet, nous avons vu que dans les PED, on constate une prolifération
d'IMF qui occupe une part importante du système financier jusqu'alors
délaissé par les banques. Aujourd'hui, dans une perspective de
développement économique, il nous parait indispensable
d'approfondir l'articulation entre le secteur bancaire et les IMF dans les PED.
Il s'agira de présenter les raisons d'une l'articulation entre les
banques et les institutions de microfinance compte tenu du dualisme financier
qui prévaut dans la plupart des PED. Ceci par une approche en terme
d'intermédiation financière tout en définissant les
stratégies et modalités pour renforcer cette articulation afin de
créer un espace d'intermédiation beaucoup plus dynamique
indispensable à la croissance financière dans les PED.
Cependant une analyse financière des IMF s'impose pour
mieux prendre en compte leur rentabilité. Enfin, nous examinerons le cas
de l'UEMOA en la matière.
Section1 Les IMF partie intégrante de la finance
globale des PED
Lelart [2000] souligne que les IMF ont naturellement leur
place dans les systèmes financiers nationaux. Ceci dans la mesure
où il existe des liens entre les banques et ces institutions. Bien avant
d'avancer des arguments qui militent en faveur de cette approche, nous
proposons de faire un bref rappel de l'architecture financière des PED
qui constitue de notre point vue un second argument pour la prise en compte des
IMF comme faisant partie à part entière des systèmes
financier nationaux des PED.
Bref rappel de l'architecture financière des PED
Dans les PED, le secteur financier est
caractérisé très fréquemment par un dualisme
financier et imparfait avec la coexistence du secteur formel et des secteurs
informels. Cette situation est moins vraie dans les pays
développés mais il faut aujourd'hui constater que la ligne de
démarcation entre les deux secteurs n'est plus aussi nette qu'auparavant
ceci a cause des interpénétrations des opérations et des
participants. En effet, Venet [1997] nous fait remarquer que « les banques
africaines et le secteur informel sont complémentaires» ceci dans
la mesure où les banques limitent leur soutien aux moyennes et grandes
sociétés, tandis que la finance informelle réponds aux
besoins des petits et microentreprises. Cette complémentarité est
aussi valable avec le secteur de la microfinance. En outre, on a une
démarcation de plus en plus réduite entre microfinance et
le secteur financier formel. De plus, la microfinance permet
à une catégorie de personnes qui étaient jusqu'à
présent exclus du système financier, d'amasser des
actifs et d'augmenter leur revenu.
§1. Les raisons qui justifient cette
intégration dans le système financier globale
Nous avons vu que pour contourner les défaillances du
marché du crédit bancaire et l'exclusion d'un nombre
considérable d'entrepreneurs potentiels, divers
systèmes de crédit ont été mis en place
dans les PED. Or, nous avons démontré au chapitre
précédent que le problème fondamental du
développement financier dans la plupart des PED reste la mise à
contribution de manière institutionnalisée des pratiques de
microfinancement pour remédier à la pénurie de
crédit à laquelle se trouvent confrontées les PME. Compte
tenu du fait qu'elles n'ont pas accès au crédit bancaire et
d'autre part qu'elles ont des besoins en financement excédant les
plafonds des agents informels et d'un grand nombre de programmes de
microfinancement. Par conséquent, il existe aujourd'hui peu de
possibilités d'amélioration de l'allocation du crédit de
notre point de vue si ce n'est un resserrement des liens entre le secteur
bancaire et celui des IMF.
De ce fait pour résoudre le manque de crédit, il
faudrait encourager les banques à établir des rapports plus
étroits avec les programmes de microcrédit qui ont la
possibilité de mobiliser des dépôts et de distribuer du
crédit. A ce titre, l'exemple de la Banque Africaine de
Développement s'avère intéressant dans la mesure où
elle s'est proposée en 1997 d'encourager les banques africaine à
offrir des taux préférentiels aux institutions de
microcrédit et même aux agents financiers informels pour inciter
ces derniers à être des clients réguliers et des
partenaires en matière de mobilisation de l'épargne. En effet,
ils sont susceptibles de rassembler les petites épargnes à
coût relativement faible et de distribuer davantage de crédit
s'ils ont accès au crédit bancaire.
Nous savons que selon la théorie, en matière
d'allocation de crédit, le meilleur moyen est de
développer une relation d'agence. Par conséquent, cela est aussi
vrai dans la relation des prêts entre le secteur bancaire et les IMF.
Ainsi donc, la banque alloue des crédits aux IMF en fonction des
dépôts mobilisés qui les rétrocèdent aux
petits entrepreneurs. Cette politique d'acheminement du crédit bancaire
vers les IMF ou encore aux prêteurs informels est acceptable que sur la
base de l'efficacité et d'une intégration financière plus
renforcée.
Auparavant cette absence de liaisons entre le secteur bancaire
et les IMF pouvait s'expliquer par la méfiance, ainsi que les
préjugés négatifs des banques vis-à-vis de ce
secteur qui leur semblait trop risqué. Pourtant nous avons pu voir
que ces institutions sont en mesure d'établir avec leurs
emprunteurs des relations personnelles qui leur assurent des
taux de non remboursement extrêmement faibles. Cette réduction des
risques comme nous l'avons vu passe par des garanties coopératives et
des mécanismes de contrats innovants, ainsi que d'un suivi
systématique des projets et de remboursement des prêts.
De plus, nous devons préciser que les IMF ont fondé leur
stratégie de réduction de risques sur une analyse
minutieuse des capacités de l'entreprise en mettant l'accent sur les
aspects immatériels de l'endettement tels que la caractéristique
de l'entrepreneur, les antécédents de celui-ci en matière
de remboursement et pour finir ses aspirations au succès.
Par conséquent pour réduire leur risque dans le
domaine du microfinancement, les banques gagneraient à partager les
risques avec ces institutions en s'appuyant sur leurs
expériences. De ce fait, il est recommandable aux pouvoirs publics
d'apporter leur soutien à ce rapprochement. Il s'agira, entre autre,
d'utiliser des mesures incitatives telles que la fiscalité, les
systèmes de réglementation et de surveillance pour
encourager les banques à traiter avec des intermédiaires
crédibles du secteur de la microfinance afin que celles-ci
perçoivent une réduction des risques encourus.
Toutefois, les réglementations devraient éviter des dispositions
restrictives et supprimer les dispositions constituantes des obstacles à
l'approfondissement financier entre les deux secteurs. L'objectif pour les
pouvoirs publics devrait être d'encourager les institutions bancaires
à investir dans les programmes de microfinancement pour permettre que
des fonds bancaires subsistants puissent être utilisés dans le but
d'encourager le potentiel des entrepreneurs dans les PED.
? Relations entre banques et microfinance
On dénombre aujourd'hui cinq grands types de
relation entre les banques et la microfinance à savoir:
· la banque soutient l'IMF sous forme de
mécénat
· la banque met à disposition son infrastructure
à l'institution
· la banque refinance l'institution de microfinance
· La banque prend une participation dans l'institution de
microfinance
· la banque met en place un fonds d'investissement en
microfinance
? Des institutions de microcrédit aux banques
spécialisées
Depuis quelques années, entraînées par
l'expérience de la Grameen Bank du Bangladesh, les grandes fondations et
ONG du micro crédit de plusieurs pays du sud ont leur propre
banque.
Limitées dans leur financement et souvent par des
règles administratives nationales, ces organisations, face à une
demande en progression de crédit émanant des petits producteurs
et commerçants du secteur informel, mais aussi des petites
entreprises naissantes ou en développement, ont développé
des instruments financiers qui ont évolués, avec l'accord des
pouvoirs publics, vers la création d'institutions financières
formelles et de banques spécialisées dans le financement du
microcrédit.
Aujourd'hui plusieurs d'entre elles gèrent des
portefeuilles de microcrédit supérieurs à 10 millions de
dollars à l'image de BancoSol en Bolivie, de Pro Empressa au
Pérou, de la Grameen Bank au Bangladesh, de la BRI Bank en
Indonésie, de K-REP au Kenya, de Rural Credit
Facility d'Afrique du Sud, etc. Ainsi, les promoteurs de la
microfinance se sont dotés d'instruments financiers et des banques
nécessaires pour attirer et gérer l'épargne des
populations et souvent des clients auxquels ils accordent du crédit. En
plus, pour bénéficier des lignes de crédit
accordées par les banques internationales de développement ou les
agences bilatérales de coopération. Il s'agit d'un progrès
important vers l'intégration dans le système financier
global. Cependant, la problématique du financement demeure une question
cruciale pour une intégration parfaite.
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