I. Quelle place pour la
culture dans l'analyse stratégique?
Pour répondre à cette question, il convient de
répondre un certain nombre de questions à savoir : dans quelle
mesure la culture nationale influe-t-elle sur la stratégie
adoptée ? En quoi différentes approches de la stratégie
reflètent-elles autant d'hypothèses culturelles sous-jacentes ?
Confrontés à des environnements commerciaux semblables, comment
les dirigeants de cultures différentes les perçoivent-ils et s'y
adaptent ? Comment l'impact de la culture se ressent-il non seulement quant aux
décisions prises (contenu), mais aussi à la façon d'y
parvenir (processus)? Et en quoi l'influence culturelle concerne t-elle
l'interaction entre contenu et processus stratégiques ? Pour
répondre à toutes ces questions, nous allons essayer d'identifier
ce qu'impliquent l'analyse concurrentielle, l'anticipation des mouvements
stratégiques de plusieurs concurrents nationaux, le rôle des
maisons mères et des filiales au moment d'appliquer une
stratégie, et la stratégie même d'internationalisation.
1. Les racines culturelles de la stratégie
Depuis fort longtemps, la stratégie n'a cessé de
susciter de l'intérêt pour les dirigeants des organisations et se
trouve exposée à un contexte belliqueux ou militaire. De
l'étymologie strategos (commandant de l'armée) du grec,
aux manoeuvres militaires décrites dans l'art de guerre[1] et
à celles, personnelles, du Prince[2] de Machiavel, les
stratégies sont pensées pour servir des intérêts
nationaux ou individuels. Dans le cadre d'une organisation, la stratégie
est conçue pour atteindre des objectifs.
Dans un contexte commercial, la notion de stratégie est
apparue dans les années 60, période pendant laquelle la
concurrence entre les organisations s'intensifie et les ressources se
raréfient. Pour centraliser et formaliser les décisions, les
organisations s'engagent dans des guerres de planification stratégique.
Par exemple, chez GE et Shell, l'opération stratégique a pris une
allure « sacro-sainte » devenant une sorte de rituel religieux. L'un
des anciens dirigeants de Shell explique que « les responsables
intéressés par ces systèmes de planification luttent en
permanence pour ne pas en arriver à une danse de la pluie ».
Les dirigeants doivent procéder à une analyse
stratégique de l'organisation afin d'évaluer ses forces et
faiblesses, ainsi que les opportunités et les menaces de l'environnement
(l'analyse SWOT). Les armes du management stratégique tel que la matrice
BCG constituent des outils d'aide aux décisions stratégiques
importantes comme la conquête de nouveaux marchés.
Plus tard, le modèle de Porter (les 5 forces de
Porter), s'appuyant sur l'économie industrielle permet de
synthétiser les facteurs influant sur la performance d'une entreprise
par 5 forces : l'intensité de la concurrence intersectorielle, le
pouvoir de négociation des fournisseurs, le pouvoir de
négociation des clients, la menace de potentiels entrants dans le
secteur et le menace de produits de substitution. Le poids des 5 forces permet
de déterminer la capacité des firmes en présence à
dégager un profit.
Les services de planification stratégique, rituels,
outils, modèles ne sont rien d'autre que des artéfacts culturels.
Les modes et les tendances ayant véhiculé des pratiques
managériales défendent certaines croyances et valeurs telles que
« la rationalité analytique ». Il faut toutefois bien saisir
les hypothèses sous-jacentes pour savoir si leur signification est la
même quelle que soit la culture qui les accueille. Pour cela, les
entreprises internationales doivent envisager des modèles
d'élaboration de stratégies plus ou moins viables dans tous les
contextes. D'où la nécessité de mettre au point des
stratégies au niveau tant local et mondial, de comprendre les
stratégies des maisons mères et des filiales et d'anticiper les
mouvements stratégiques des concurrents et partenaires locaux et
internationaux.
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