1.5 LE DEVELOPPEMENT DE L'OBJECTIF DE LA RECHERCHE
Essayer de borner et de définir un projet de recherche
en s'appuyant uniquement sur ses premières intuitions et
hypothèses est une chose difficile mais nécessaire dans un
travail sociologique, car se laisser emmener par des idées
imprécises est dangereux et non productif. En effet, cette
dernière situation peut faire dépenser beaucoup plus
d'énergie au chercheur.
Il est de bon sens alors de se rappeler d'une phrase qu'un des
mes amis aime toujours répéter, « si tu ne sais pas
où tu vas, n'importe quel chemin t'emmènera là-bas
»88. Il est important d'avoir un objectif et accessoirement un
plan de travail ne serait-ce que provisoire.
Dans le premier plan que j'ai proposé aux responsables
du DEA de l'URMIS, un plan inspiré de mes interrogations sur le
passé et le devenir des immigrés Malgaches présents en
France, et globalement sur le rapport des Malgaches avec l'«Autre»,
je me posais des questions relatives aux représentations que les
Malgaches peuvent avoir des Français (une des figures réelles et
possibles de l'autre), je voulais mesurer le rôle des
représentations de l'autre dans la manière de l'accueillir ou de
se faire accueillir. Mes questions étaient « comment les Malgaches
se sentent-ils étrangers en France?, Les Français sont-ils les
mêmes étrangers (représentations), qu'ils soient
Français sur le territoire français ou des Français vivant
à Madagascar? »89.
Des questions qui touchent principalement les notions
d'altérité, d'intégration et d'identité. J'avais un
plan de travail dont la population d'enquête serait présente en
France et d'autre à Madagascar. Bref, mes questions
s'intéressaient à la fois aux Français et aux Malgaches.
Je rallongeais interminablement mon temps documentaire. J'avais beaucoup de
difficultés à me rassembler et à dessiner un plan de
travail moins vaste et plus pertinent aux attentes de ce DEA. Un plan
réalisable dans le temps de travail qui me restait.
Lors des premières journées des
mémoires90, les professeurs m'ont surtout invité
à ancrer mon sujet dans un lieu plus concret et à se limiter dans
mon objet de recherche. Celui-ci était senti comme très abstrait.
Ce qui est vrai car je voulais tant traiter les questions sur l'identité
sans avoir une question particulière qui s'y rapporte. Je n'avais pas
encore fait de terrain jusqu'ici. Et je voulais travailler la question
d'identité d'une manière globale, en soi.
88 Conversation personnelle. Je me rappelle ici les
mots de Sénèque « Il n'y a pas de bon vent pour celui qui ne
sait pas où aller »
89 Tiré du document de projet de recherche
présenté à l'URMIS, intitulé « Projet de
recherche pour une contribution à la compréhension de la
situation des immigrés malgaches en France : leurs pensées, leurs
identités et leurs logiques d'intégration ».
90 15/16 janvier 2002
Il était urgent à ce moment là de trouver
un lieu d'ancrage, et me mettre sur le terrain, en situation. C'est là
que j'ai commencé à chercher des associations ou des groupements
particuliers de Malgaches. Le milieu estudiantin malgache à Paris m'a
beaucoup attiré car c'est aisé à faire mais ce qui se
montrait comme le terrain évident c'était les temples où
se regroupent des communautés protestantes malgaches à Paris.
Ce terrain me paraissait évident pour au moins trois
raisons. D'abord, le lien avec ma problématique, mon sujet se centrait
d'avantage sur la construction communautaire et ne concerne plus du tout les
logiques identitaires. Aussi, parce que dans mes temps bibliographiques, de
nombreux auteurs semblent témoigner le fait que la migration malgache en
France est largement liée à l'Histoire du protestantisme malgache
(CRENN, 1994, 1995, 1998, 1999. KOERNER, 1994. RAISON-JOURDE, 1991...). Enfin,
ce terrain me fait disposer des lieux d'observation pertinents : les temples,
avec une population d'enquête précise : les jeunes.
J'essaie de caractériser, en tenant compte des
différents rôles que tiennent les églises protestantes dans
la construction communautaire tels qu'ils sont décrits dans les
chapitres qui vont suivre la communauté que j'ai rencontrée. Ce
voyage -qui commence avec une vue sur l'emprise de l'offre institutionnelle des
églises, qui continue avec une image des demandes des jeunes Malgaches
vis à vis de ces institutions, et qui va se terminer par
considérer à des degrés variés la complexe
articulation des deux- répète mon propre processus de
participation à la structuration d'une communauté malgache
à Paris.
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