PARTIE I : PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE
Chapitre I : contexte et problématique de
recherche
1.1. Généralité
En Algérie, comme dans d'autres pays en voie de
développement, le lait est un aliment préféré par
le consommateur et largement soutenu par les pouvoirs publiques vu sa richesse
et son équilibre en éléments nutritifs d'une part et son
coût d'autre part. AMELLAL (1995) estime qu'en Algérie, le
coût d'un gramme de protéines laitières est huit fois
inférieur à celui de la viande. Environ 85% de la production
laitière nationale est assurée par une population bovine
estimée à 900 000 vaches, dont 300 000 sont de races
importées. Toutefois, la production laitière, estimée
à plus de 1,5 milliard de litres, ne couvre en moyenne que 35 à
40% des besoins nationaux en lait et produits laitiers.
Sur le plan géographique, l'Est algérien
détient plus de la moitié des effectifs bovins (60%) qui se
répartissent sur les montagnes et sur les hauts plateaux. Cette
concentration s'explique par la présence des ressources alimentaires
favorisée par le niveau des précipitations. En montagne, les
troupeaux sont majoritairement composés de populations locales ou
d'animaux croisées conduits en système sylvo-pastoral allaitant
(MADANI, 1993). Dans les hauts plateaux, divers populations peuvent être
rencontrées (locales, croisées ou importées)
élevées en extensif et valorisant les sous produits de la
céréaliculture ou en intensif dans un système
diversifié. En région humide de littorale et autours des grandes
villes, l'élevage hors sol est largement répondu (BOULEHCHICHE,
1997). Cet élevage dépend largement de l'achat d'aliments et
constitue la source principale d'approvisionnement des usines de transformation
du lait.
La consommation du lait en Algérie,
évaluée à plus de 110kg équivalent lait par
habitant et par an (FERRAH, 2000), est plus élevée par rapport
à celle du Maroc qui avoisine 32 kg (ARABA et al. 2001) et
celle de Tunisie qui est de 80kg (KHALDI et NAILI, 2001), mais
inférieure à celle des pays développés (PADILLA et
GHERSI, 2001). Toutefois, environ 65% du lait consommé en Algérie
provient de l'importation, alors que les pays voisins importent des niveaux
plus faible, 40% en Tunisie (KHAMASSI et HASSAINYA, 2001) et 35% au Maroc
(PADILLA et GHERSI, 2001). Cette situation de dépendance vis à
vis de l'étranger
coûte à la trésorerie nationale plus de 500
millions de dollars par an (CHARFAOUI, 2002) et place l'Algérie en
3ème importateur du lait après le Mexique et
l'Italie.
1.2. L'élevage bovin dans le système de
production
L'élevage bovin joue un rôle important dans
l'économie agricole algérienne. Il contribue à la
couverture des besoins nationaux en protéines animale mais aussi
à la création d'emplois en milieu rural.
Selon les disponibilités en facteurs de production, la
conduite des animaux, les niveaux d'utilisation des intrants, la localisation
géographique et les objectifs de production, plusieurs modes ou
systèmes d'élevage bovin existent.
L'intensification est généralement liée
à la disponibilité en facteurs de production et au type de
matériel animal exploité, mais largement indépendante des
niveaux de production. On distingue : (i) un système `'intensif» se
localisant dans les zones à fort potentiel d'irrigation et autours des
grandes villes. Ce système exploite des troupeaux de vaches
importées à fort potentiel de production et assure plus de 40% de
la production totale locale du lait. (ii) un Système plus `'extensif''
concerne les ateliers localisés dans les zones forestières de
montagne et les hautes plaines céréalières ; la taille des
troupeaux est réduite. Les troupeaux bovins exploités peuvent
appartenir à de multiples populations composées de femelles
issues de vaches importées, de populations issues de croisement ou de
populations locales pures. Avec plus de 80% du cheptel national des vaches, la
production laitière assurée par ce système est de 60%.
La spécialisation en élevage bovin dans le
contexte algérien est peu pratiquée et la production mixte (lait
- viande) domine les systèmes de production. Cette diversité des
produits bovins favorise la diversité des revenus et par
conséquent la durabilité des systèmes de production. A
l'exception des ateliers engraisseurs pratiquant uniquement la finition des
taurillons, la majorité des systèmes est mixte.
En situation algérienne, le bovin est exploité
dans les régions favorables (plaine tellienne) mais aussi en situation
déficitaires en pluviométrie et ressources alimentaires (Hautes
plaines, piémonts et montagnes).
L'élevage bovin de plaine est
caractérisée par la dominance des populations importées
exploitées en hors sol, ou en système intensif basé sur
des cultures de fourrages conduites en irriguée. Le rendement laitier
par lactation peut atteindre, selon l'ITELV (2000), en moyenne 4000 litres.
Dans les hauts plateaux, l'élevage bovin est toujours associé
à la céréaliculture où les jachères et les
chaumes sont utilisés en pâturage et les céréales,
orge en particulier, comme concentré. Le bovin dans cette situation est
exploité pour son lait et sa viande et le matériel animal
utilisé est généralement de race importée pure, ou,
plus rarement croisée avec la locale. En zones de montagne, les
éleveurs exploitent des populations locales conduites en système
allaitant. Le mode d'élevage de ces troupeaux selon YEKHLEF (1988) est
assez bien adapté au milieu qui impose de longues périodes de
pâturage en forêt loin des villages. Ce système contribue
à la production de viande alors que le lait est autoconsommé ou
utilisé pour l'allaitement des veaux mais rarement vendu.
1.3. Contraintes de l'élevage bovin et de la
filière lait en Algérie
Le développement de l'élevage bovin en
Algérie est sous l'influence d'une multitude de contraintes en relation
avec le milieu, le matériel animal exploité ainsi que les
politiques agricoles adoptées dès l'indépendance.
1.3.1. Contraintes liées à l'environnement
: un milieu accidenté
L'Algérie connaît de fortes contraintes de
développement de l'élevage bovin liées à
l'environnement. La faible superficie agricole comparée à la
superficie totale, et la concurrence entre les spéculations
végétales et animales posent des problèmes au
développement de cette filière.
La superficie agricole utile algérienne qui est
estimé à huit millions d'hectares ne représente que 3% de
la superficie totale avec plus de 3 millions d'hectare laissées en
jachère chaque année (JOUVE, 1999). De plus, 70% de la SAU est
semi aride et se localise entre les isoètes 300 et 500mm, alors que les
zones les plus arrosées sont à dominante montagneuse et ne
permettent pas l'intensification.
Il est à noter aussi que plus de 60% du cheptel bovin
et 2/3 des vaches importées sélectionnées pour le lait
sont exploitées en région recevant moins de 600 mm de
précipitation (ITELV, 2000). Dans cette zone, le déficit hydrique
donne un choix unique aux éleveurs, celui de cultiver des espèces
fourragères en sec ou d'utiliser les sous produits de la
céréaliculture (jachère, paille...). Ces
types de fourrage récoltés tard ne permettent pas l'expression du
potentiel génétique des animaux. En outre, les fortes
températures estivales agissent d'une façon négative sur
les niveaux de production et notamment sur la production de lait.
Pour la zone recevant une quantité de pluies
élevée, à l'exception de la Mitidja, et les plaines de
l'extrême Est, la montagne en occupe une grande partie. Cette
région détient la majeure partie de la population bovine locale
conduite en systèmes sylvo-pastoraux pour produire de la viande (MADANI,
1993). Le milieu accidenté ne permet pas dans ce cas l'exploitation des
populations laitières. A la Mitidja et les plaines de l'Est, une forte
concurrence a lieu entre les cultures fourragères nécessaires au
développement de l'élevage bovin et les spéculations
industrielles, tel que la tomate, le maraîchage et l'arboriculture.
Les superficies consacrées aux cultures
fourragères durant la dernière décennie sont
évaluées en moyenne à 510 000 hectares,
représentant ainsi 7% de la SAU, dont seule 18% est conduite en
irriguée et exploitée en vert. Les superficies prairials sont
très réduites en Algérie (25 000Ha en 2002) et largement
concentrées en montagne. Elles sont exploitées à double
fin (pâturage et production de foins) et la période de vert est de
3 à 6 mois. Dans la région de Sétif, ABBAS et al.
(2005) affirment que l'exploitation à double fin de la prairie naturelle
est la pratique dominante rencontrée chez plus de 72% des exploitations.
La prairie est donc pâturée en automne et en fin d'hiver ; elles
est mise en défend au printemps pour être fauchée au
début d'été.
1.3.2. Contraintes liées au matériel animal
: problème d'adaptation des races importées et faible
productivité des populations locales
Le bovin exploité en Algérie est habituellement
subdivisé en deux grandes populations : locale (pure ou croisée)
ou issue de races importées.
Le bovin local est représenté par la race
`'Brune de l'Atlas» et par ses croisements avec les races
européennes. Leur effectif, dominé par la race locale, est
estimé à plus de 80% des effectifs totaux avec une
majorité concentrée dans la région des montagnes (MADANI,
1993 ; ALI BENAMARA, 2001) et conduite en système extensif exploitant
des ressources fourragères agro-sylvo-pastorales. Ce type de bovin est
exploité pour la production de viande, alors que le lait est
destiné uniquement à l'autoconsommation. Dans les conditions de
production difficiles de montagne, la vache produit en moyenne un seul veau en
deux ans
après 3 à 4 ans d'élevage et moins de 700
kg de lait durant 5 à 6 mois de lactation ce qui est l'équivalent
de 4 kg de lait par jours (YEKHLEF, 1988 ; MADANI et YEKHLEF, 2000 ; BENLEKHAL,
1999).
Le bovin sélectionné en conditions favorables
dans les régions tempérées, a été
importé en Algérie afin de former un noyau laitier permettant la
réduction vis à vis de l'étranger la dépendance en
matière de lait et produits laitiers. La population importée est
estimée à plus de 300 000 têtes et dominée par la
Frisonne, la Montbéliarde et la Holstein introduites de la France, des
Pays-Bas, de l'Allemagne et de l'Autriche. Sur la base des niveaux
d'importation et quelques paramètres zootechniques, BEDRANI et BOUAITA
(1998) indiquent que le troupeau de vaches nées en Algérie issues
des vaches importées avait dû être au minimum en 1996, 1 800
000 têtes, se qui a engendré un gaspillage énorme en
capital productif. Pour ces auteurs, plusieurs explications peuvent être
attribué à cet écart considérable. Les plus
importantes sont résumées en un manque d'un système
d'enregistrement et de suivi des vaches importées ainsi que la
réforme de ce type de bétail avant qu'il puisse assurer une
carrière complète (réduction de la durée de vie
productive) à cause des difficultés d'élevage, de sa
fragilité et le prix intéressant de la viande comparée
à celui du lait.
Globalement, plusieurs études en Algérie
(GHOZLENE, 1979 ; BENABDEAZIZ, 1989 ; GACI, 1995 ; FAR, 2002 ; MOUFFOK et
SAOUD, 2003) et chez nos voisins marocains (SORHAITZ, 1998 ; SRAIRI et LYOUBI,
2003) montrent l'existence de problèmes d'adaptation de ces populations
liés à des niveaux de reproduction et de production du lait
inférieurs à ceux des régions tempérées. En
général, les limites climatiques et alimentaires sont à
l'origine des contraintes imposées à l'élevage bovin
laitier. En effet, la période réduite de disponibilité des
aliments verts, la médiocrité des foins récoltés
tard et mal conservé et les fortes températures estivales
contribuent à la faiblesse des performances animales.
1.3.3. Contraintes liées aux politiques
agricoles
Les politiques mises en place par l'Etat depuis
l'indépendance ont contribué au faible niveau d'organisation et
de développement de la filière lait. En effet, la marginalisation
du secteur privé, la fixation du prix du lait à un prix bas ainsi
que le faible développement du segment de la collecte et l'encouragement
par les subventions de l'importation de la poudre de lait sont les facteurs
freinant le développement de cette filière.
1.3.3.1. Marginalisation du secteur privé et
négligence de la race locale
Avant la proposition du programme de la réhabilitation
de la production du lait en 1995, l'aide de l'Etat était
destinées en majorité au secteur public et ses formes de
restructuration (anciennes domaines agricoles, EAC et EAI). Mais, ce secteur
à fortes potentialités agricoles a été très
peu efficient. Les principales raisons qui peuvent être avancées
sont le manque d'intéressement et de contrôle par les ouvriers des
grands domaines et la concurrence des importations de lait. Cependant, le
secteur privé qui détient plus de 60 % de la SAU et exploite plus
de 70% des effectifs bovins, est resté en marge de la politique agricole
(JOUVE, 1999).
Concernant le matériel animal et à l'exception
de certaines essais durant la période coloniale (SADELER, 1931), ou la
race locale a été croisée avec de nombreuses races
importées, particulièrement la tarentaise et la schwitz, celle-ci
n'a jamais bénéficié d'une politique de
développement durant la phase postcoloniale. Aujourd'hui, on observe que
cette population est concentrée uniquement dans les milieux non
accessibles aux races importées dans les régions
forestières, où elle est conduite en système agropastoral
extensif. L'amélioration des conditions d'élevage de ce cheptel
peut permettre l'augmentation de la production laitière par vache et par
conséquence la production nationale. En effet, estimé à
plus de 600 000 têtes, l'augmentation de la production par vache d'un
litre par jour pour des lactations de 6 mois peut apporter une production
supplémentaire de 100 millions de litres de lait couvrant ainsi les
besoins laitiers d'un million d'algérien à raison de 100 litres
par an et par habitant.
1.3.3.2. Politique du prix du lait à la
consommation
Le choix d'une politique laitière basée sur des
prix à la consommation fixés par l'Etat à un niveau bas
s'est traduit par l'orientation des éleveurs vers la production de
viande ou la production mixte (viande/lait), en consacrant la production
laitière des premiers mois aux veaux, ce qui a limité l'expansion
de la production laitière locale. Avant 1992 le prix payé par les
unités de transformation ne couvrait pas les charges de production
(ITELV, 2000). Le lait étant donc considéré par les
éleveurs comme une production secondaire qui ne nécessite pas des
investissements lourds en terme de cultures en fourrage vert nécessaire
à l'obtention des rendements acceptables en lait. Dans le cas de
disponibilité en eau pour l'irrigation, les agriculteurs -
éleveurs l'utilisent dans le développement des cultures
maraîchères plus avantageux en rendement et en rentabilité
que les cultures fourragères.
Le prix libre et rémunérateur de la viande a
incité les éleveurs à utiliser les aliments achetés
(concentré) pour engraisser les animaux destinés à
l'abattage et même réformer des vaches à un âge
précoce après une période d'engraissement selon
l'état de marché. Le raccourcissement de la duré
productive des vaches laitières produit des pertes énormes en
terme de production locale ce qui se répercute sur les niveaux
d'importation de lait de poudre.
1.3.3.3. L'industrie laitière et sa
dépendance du marché mondiale
Conçu initialement pour être un
débouché d'un système de production intensif du lait
(AMELLAL, 2000), l'industrie laitière s'est totalement
déconnecté du secteur de l'agriculture dans la mesure ou la
majorité de ses besoins est couverte par l'importation. Le lait produit
à la ferme est autoconsommé ou livré aux petites laiteries
ou bien vendu aux consommateurs sous sa forme crue ou transformé (petit
lait et beurre) sans aucun contrôle, et seul 6 à 10% passe par les
usines de transformation (BENCHARIF, 2001). La concentration de
l'élevage bovin laitier dans la région de l'Est exerce moins de
pression sur l'industrie laitière, qui à l'échelle
nationale s'approvisionne à 90% de l'importation de poudre de lait ; si
à l'Est l'offre est de 35 litres d'équivalent lait par habitant
et par an, au Centre et à l'Ouest l'offre de l'industrie laitière
s'élève à plus de 70 litres de lait par habitant et par an
(CHARFAOUI, 2002).
Le faible taux d'intégration de l'industrie
laitière est dû à plusieurs raisons dont les principales
sont résumées en quatre points (TERRANTI, 2000): (i) la fixation
du prix du lait à la consommation à un niveau bas ce qui rend
très difficile la couverture des charges de sa production ; (ii)
l'utilisation massive de lait en poudre dans les usines de transformation, un
lait largement répondue sur le marché mondiale à des prix
concurrentielles ; (iii) l'absence de moyens de collecte conditionnés et
de conservation du lait à la ferme et aux usines ; (iv) ainsi que le
manque de confiance entre les éleveurs et les transformateurs qui n'a
pas permit le développement d'une filière organisée.
1.4. Tendance actuelle et perspective
d'amélioration
Après les grands investissements dans le secteur
étatique par les différents plans de développement
agricole (les domaines autogérés, révolution agraire,
restructuration des domaines et création des EAC et EAI), les pouvoirs
publiques ont tenté d'orienter les aides à partir de 1995 vers le
secteur privé. Cette politique vise à encourager les agriculteurs
et éleveurs privés à investir dans les domaines agricoles,
notamment le secteur laitier. Cette
intervention, selon BOURBIA (1998) est devenue
impérative en raison du poids des importations en produits laitiers et
rendue possible grâce aux transformations profondes du monde agricole ces
dernières années.
La stratégie a commencé en 1995 par la mise en
place d'un programme national de réhabilitation de la production
laitière et s'est renforcé par le lancement du PNDAR (Plan
National de Développement Agricole et Rural) en 2000 dont les
financement sont assurés par le FNRDA (Fonds National de
Régulation et de Développement agricole). L'objectif visé
par les pouvoirs publics réside dans le développement de la
production laitière locale mais aussi sa collecte et sa
transformation.
D'après les données de la CNMA rapportée
par CHARFAOUI et al. (2003), l'évolution des niveaux de
consommation des enveloppes de subventions étatiques montre la forte
importance donnée par les décideurs à l'aval de la
filière par rapport à son amont. En effet, la collecte du lait
reste le secteur privilégié des subventions en consommant
à elle seule plus de 80% des montants réservés au secteur
laitier. Cependant, les secteurs de l'amont (investissement à la ferme,
insémination artificielle et production des génisses) ne
bénéficient que de 13% des subventions totales.
Le niveau faible des enveloppes destinées vers l'amont
de la filière est dû à une vision dominante à
l'échelle gouvernementale qui s'est appuyée sur un model unique
retenu pour l'exploitation laitière. Ce model comporte la
nécessité de la présence d'au moins un troupeau de 12
vaches laitières et 6 hectares cultivés en fourrages et ne tient
pas compte des différences agro-climatiques entre régions. De ce
model, il apparaît que les décideurs tendent vers la
spécialisation car selon l'ITELV (2000), la SAU moyenne détenue
par les exploitations privé n'est que de 6,5Ha qui doit, selon ce model,
être cultivée seulement en fourrages. Cela peut être
efficace dans la région tellienne mais inapplicable dans les zones
déficitaires où la diversification des productions agricoles
constitue la source d'une rentabilité durable des systèmes de
production.
Pour une meilleure rentabilité de ce programme, il nous
semble intéressant de respecter en terme de planification le principe de
spécificité locale et régionale, et de proposer pour
chaque région un plan de développement propre en prenant en
considération les caractères agro climatiques, environnementaux
et socioculturels.
1.5. Formulation de la problématique
Le contexte agricole algérien et
particulièrement la filière lait est caractérisé
par une demande croissante due à l'expansion démographique d'une
population en voie d'urbanisation dont le niveau de vie a connu une nette
augmentation, une offre locale insuffisante marquée par la faiblesse de
la production des populations locales et une mauvaise adaptation productive des
races importées, due principalement à l'environnement
contraignant, et enfin à un recours massif à l'importation pour
combler le déséquilibre entre l'offre et la demande.
Le recours à l'importation du lait cru, puis du lait en
poudre est devenu nécessaire dés l'indépendance à
cause du choix posé par les pouvoirs publics de considérer le
lait comme un produit de première nécessité. En 1969,
l'Etat a créé l'Office National du Lait, qui avait comme but le
développement de la production laitière locale et la
régulation du marché de lait, caractérisé par une
demande croissante que la production locale était incapable de
satisfaire. La politique mise en oeuvre par cet office a consisté
à combiner l'importation des produits laitiers ainsi que l'introduction
de vaches de races laitières et les implanter dans les domaines
étatiques dans les différentes zones agro écologiques.
Pour assurer une couverture régulière en lait cet Office s'est
rapidement spécialisé dans l'importation de poudre de lait et de
matière grasse et leur recombinaison en Algérie. Une telle
politique permise au départ par les intrants pétroliers,
était mise en cause après la crise pétrolière de
1986. Juste après, l'Etat a accéléré les
importations des vaches mais aussi de génisses pour augmenter la
production laitière locale, les effectifs introduits au pays
s'élèvent rapidement de moins de 2500 têtes par an en
moyenne avant 1986 à plus de 10000 têtes par an en moyenne
après 1986 (BEDRANI et BOUAITA, 1998).
Le cheptel de races importées n'est pas
exploités uniquement dans les régions favorables suite aux
faibles potentialités en foncier et la concurrence entre
spéculations, par conséquent une partie importante a
été destiné vers la zone d'intérieur, tel que la
zone céréalière des hautes plaines semi aride,
caractérisée par des contraintes environnementales plus
élevées.
Le questionnement central de notre travail traite la
problématique de la place et des performances de l'élevage bovin
laitier dans les systèmes de production des régions semi aride,
du rôle des races bovines importées dans ces systèmes,
ainsi que leurs niveaux d'adaptation aux nouvelles condition d'élevage
en choisissant la région de Sétif comme zone d'étude. De
cette interrogation globale découle une série de questions :
- Pourquoi l'élevage bovin de races
améliorées s'est fortement développé dans une
région caractérisée par des contraintes climatiques et
considérée moins favorable à ce type d'élevage ?
- Quelles est la diversité structurelle et
fonctionnelle des exploitations agricoles possédant un troupeau bovin et
peut-on considérer les facteurs eau et agro climatique comme la source
de variabilité de leur organisation?
- Quel est le rôle du bovin dans les systèmes de
production ?
- Quel est le type de bovin qui domine les systèmes
d'élevage en question et pourquoi ce choix ? et quel est le niveau des
performances des races exotiques dans cette région en tenant compte des
conditions d'élevage ?
- Quels sont les principaux facteurs agissant sur la
variabilité des performances des vaches laitières ? Et en fin, y
a-t-il des perspectives d'améliorer ces performances en agissant sur
l'animal et\ou l'environnement ?
Cette recherche se pose comme objectif de vérifier les
hypothèses suivantes :
- Sur le plan régional, la répartition des
effectifs bovins dans la région semi aride obéit en
général à la possibilité d'offrir des ressources
alimentaires pour ces troupeaux ainsi que la présence de
débouchés pour la commercialisation des produits. En effet, le
bovin peut se développer même dans des régions arides en
présence des ressources souterraines d'eau permettant le
développement des cultures fourragères, alors qu'en
régions plus arrosées mais de reliefs accidentés le manque
de terres labourables ne permet le développement que de l'élevage
allaitant en exploitant des populations locales rustiques.
- Au niveau exploitation, dans des situations de contrainte
comme celle de la région semi aride, la multiplicité des
activités agricoles dans les exploitations domine les systèmes de
production. Cette diversité constitue la clé d'une gestion
durable de l'exploitation agricole et de l'espace rural.
- En région semi aride, le troupeau bovin est
exploité pour une double fin (lait et viande). Cela permet une
diversité des revenus et donne à l'exploitation plus de
sécurité face aux aléas climatiques et du marché.
En effet, seul le lait procure des revenus quotidiens réguliers
exploités pour couvrir les besoins en trésorerie
quotidienne, alors que les grands investissements
(aménagement des bâtiments, matériels d'irrigation, de
traite, achat d'animaux... etc.) peuvent être couverts par la vente du
bétail.
- Pour ces raisons, les éleveurs en conditions
difficiles exploitent des races bovines à orientation mixtes moins
fragiles et qui s'adaptent mieux à une telle situation. En effet, les
normes disponibles de reproduction et production du lait de ces races
concernent des milieux d'élevage différents nous semblent
inapplicable dans nos régions. Ceci nous a conduit à identifier
et proposer des références locales issues de suivi et la
comparaison entre les performances enregistrées dans différentes
conditions d'élevage.
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