2.2 Collecte des données
Une trame d'enquête sur la gestion
technico-économique et socio-culturelle de l'exploitation a
été conçue à la suite bibliographique. Bien que
n'adaptée en partie aux éleveurs pro-ours, elle a inspiré
les entretiens avec ces derniers. Voulant éviter les réponses du
genre : Je n'ai pas encore été prédaté et ne sais
quels dommages l'ours crée au système ; Je n'ai pas encore
réfléchi sur les alternatives au contraintes liées
à l'ours ; Je ne saurai mettre en application les mesures de protection
alors que mon troupeau ne souffre pas de prédation..., j'ai
réalisé un premier entretien avec les responsables de l'ASPAP
pour cibler les communes à fort enjeu lié à la
prédation ainsi que les éleveurs qui ont subi les
dégâts d'ours sur leurs exploitations et ceux avoisinants. Ceci
m'a permis de choisir mes interlocuteurs compte tenu des aspects
matériels et temporels de ce stage.
2.2.1 Une approche bibliographique pour définir
l'état des travaux sur le sujet
La documentation sur le système d'élevage
pastoral est aussi « difficile » à trouver que le
système est complexe à gérer. Il est fréquemment
rencontré des données sur le nomadisme et la transhumance en
milieux tropicaux, et dans d'autres pays du Sud où la logique de
fonctionnement de l'exploitation n'est pas tout à fait la même que
dans les pays du Nord. La plupart du temps, le système tel qu'il est
présenté fait allusion à la technique d'il y a 500
à 600 ans. Concernant le pastoralisme dans les Pyrénées,
les archives montrent que, dans les années 1400 à 1500, le
rassemblement des animaux se faisait seulement à la maison le soir.
Elles montrent, cependant quoi éviter dans ce système : les
bergers envahi avaient légalement le droit de saisir le bétail
jusqu'à paiement d'une pénalité. Ce système a
demeuré en « escabot » entre l'an 1500 et 1900, pas de
véritables troupeaux, moins de 150 animaux à la charge d'un
berger. C'est une forme de pâturage, à
la fois fragmenté mais couvrant l'ensemble du
territoire, très ancienne (plus d'un demi-millénaire), qui a
véritablement "créé" l'éco-agrosystème que
sont les montagnes Pyrénéennes et la richesse de leur
végétation jusqu'à haute altitude. Introduire des
changements, par d'autres moyens de garder les bêtes détruirait la
façon dont cet environnement a été établi et
maintenu (...) voire détruirait cet environnement (B. Besche-Commenge,
2008). Toutefois, s'il s'avérait nécessaire de changer les
pratiques pour favoriser la cohabitation pastorale, il faudrait au
préalable former et accompagner les exploitants sur cette nouvelle
façon sous peine de transformer cohabitation pastorale en exclusion
pastorale.
2.2.2 Enquêtes de terrain
L'Ariège étant divisé en trois
arrondissements et, seuls deux véritablement concernés par les
problématiques ours (Foix et Saint-Girons), j 'ai
sélectionné quelques exploitants de ces arrondissements en plus
de quelques éleveurs des communes de Melles (commune de la Haute Garonne
ayant mis en place les mesures d'accompagnement suite à la
prédation excessive) et d'Arbas (commune de la Haute Garonne
théâtre du premier lâcher). Du fait de la limitation du
temps et des moyens, les entretiens semi conversationnels se sont
déroulés par téléphone, au domicile de l'exploitant
ou sur l'exploitation. Lors de ces entretiens, le fait de ne pas prendre parti
a dû limiter les réponses des exploitants au point où j 'ai
dû prendre le même parti que celui enquêté à
chaque fois pour que celui-ci soit plus confiant. Ceci a ses avantages et ses
inconvénients. L'avantage étant que l'exploitant se «
lâche » complètement dans les réponses qui confortent
sa position. L'inconvénient est qu'une question ou remarque à
l'opposé de leurs champs d'intérêts génère le
plus souvent une réponse très courte, avec des propos du genre :
vous-même vous savez que... et là vous êtes impuissant de
dire je n'en sais rien (pour rester cohérent).
Les approches compréhensives des pratiques
développées dans le domaine de la socioanthropologie montrent que
le sens de ces pratiques est ambigu et non donné a priori. La
collecte d'informations directement ou par l'intermédiaire
d'enquêtes sur la réalisation physique d'une pratique (ici
l'élevage) ne conduit pas à identifier la signification des
choses. Mais il est possible d'obtenir le sens, à travers l'analyse de
ce que les pratiquants disent. Cette signification peut être
déduite de la description des agriculteurs, car en eux, « ils ne
disent pas la vérité des choses, mais la vérité de
leur relation aux choses » (Darré, 1999). Ainsi, afin de
caractériser le sens de la diversité et la transformation des
pratiques paysannes, il est important de recenser les concepts dans leurs
actions/mouvements et de ne pas isoler les concepts d'un agriculteur dans sa
position sociale (...). Afin d'avoir des points de vue, des alternatives aux
contraintes et des perspectives de production diversifiés, j'ai
interrogé les éleveurs de plateau, de montagne, de haute
montagne, de coteaux, ceux pour et ceux contre la cohabitation pastorale avec
la préférence à l'élevage ovin qui est plus
sensible
St Girons
Soueix
Note: Pas d'Estive dans les villes soulignées
= Le Pays Couserans
= Le Pays des Pyrénées Cathares
= Le Pays des Portes d'Ariège-Pyrénées = Le
Pays de Foix Haute Ariège
+ = Sor
++ = Barjac
= Larcat = Verdun
= Ascou
= Les Cabannes
Figure 3 Dispersion géographique des
éleveurs enquêtés
(adapté de la carte des villages de
l'Ariège. Préfecture de l'Ariège)
à la prédation. Même si dans la
réalité, plus de 90% des éleveurs sont opposés
à la cohabitation, j'ai interrogé 7 éleveurs contre la
cohabitation, 6 éleveurs en faveur, 2 bergers et 2 gestionnaires de
GP.
2.2.3 Analyse des structures et des systèmes
d'élevage
J'ai pensé que le statut juridique de l'exploitation
aurait une certaine influence sur les systèmes de
production et par conséquent amoindrir la
vulnérabilité des troupeaux. J'ai ensuite recueilli des
informations sur l'agriculture, l'élevage, la reproduction et le
système fourrager. Afin d'avoir un large spectre de situations, j'ai
enquêté avec un échantillon dispersé les
éleveurs des deux arrondissements concernés directement par la
prédation (voir figure 3 ci-contre).
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