3.1.8 Quel est le coût de la réintroduction de
l'ours brun ?
Pour 2006, le budget global prévisionnel du plan ours a
été de 2,26 millions d'euros avec 580.000 € pour les
indemnisations et les subventions aux éleveurs. Dans ce budget, il n'est
mentionné nulle part la valeur d'un ours acheté en
Slovénie, ni les charges relatives à la transaction (frais de
mission, entretien véhicules...), sauf si ce coût est compris dans
les 384.000 € de dépenses engagées la rubrique
dépenses des Opérations techniques et scientifiques
spécifiques au renforcement. Cela peut vouloir montrer que pour 2,26
millions d'euros engagés par le contribuable européen, seulement
384.000 € a été consacré à l'ours qu'on
prétend défendre et 580.000 € au pastoralisme qu'on veut
forcer à accepter l'ours. En d'autres termes, moins de la moitié
pour les véritables concernés et le reste... on se
précipiterait à conclure que dans cette polémique, Ours et
Pastoralisme sont tous victimes ; de qui ? Pour 2006, ce montant a-t-il
été suffisant ? Ce que l'on sait, c'est qu'en 2007, il y a eu 79
expertises suite aux situations incriminant l'ours avec 350/361 dommages
imputés à l'ours parmi lesquels : 295 pour les ovins, 25 pour les
bovins, 9 pour les chevaux, 23 pour les ruches et 2 classés autres
(ASPAP, 2008). Si nous considérons que seulement dans l'Ariège
346.000 ha sont concernés par le pastoralisme et que, pour
protéger les animaux et les ruches quatre fils électriques sont
nécessaires, même si seulement un fil et deux sont utilisés
pour garder les chevaux et les bovins respectivement. Partant, il est
légitime de se demander quels sont/seront les bénéfices du
plan ours et leurs externalités positives à long terme sur la
biodiversité comparés à ce que le pastoralisme produit
aujourd'hui ? Comment les partager ? Quel est le coût de la formation des
agriculteurs à faire autre chose que l'élevage ou d'élever
autrement ? Quel est le coût de cette restructuration sociale ? Parce que
la réponse à ces questions ne peut être trouvée par
les résultats de
ce travail, ces questions sont donc les sujets de
réflexion et les axes de travail pour progresser dans ce projet en
faveur de la cohabitation à l'avenir.
Ces multiples questions ne sont pas de nature ou n'ont pas
pour but de fermer la réflexion sur la cohabitation pastorale. Bien au
contraire, prenant en compte les travaux de Aubin (1991), selon qui Un
organisme vivant modifie le milieu dans lequel il vit, et s'adapte aux
modifications exogènes de ce milieu, suivant ainsi un « sentier de
viabilité » le long duquel il n'y a ni équilibre, ni
optimum, autres qu'instantanés nous espérons plutôt que les
conditions nécessaires pour une cohabitation durable soient
trouvées. Les travaux actuels sur la dynamique des systèmes
tendant à montrer que l'équilibre est un concept ancré
dans les esprits mais qu'il n'existe guère d'équilibre
qu'instantané dans la nature comme dans l'économie, nous nous
alignons à la suite de Weber et al. (1990) et Pavé
(1994) pour penser qu'un développement viable à long terme
(durable) revient à envisager de gérer au mieux, sur la base
d'objectifs de très long terme, des interactions entre des sources
différentes de variabilité, économique, naturelle et
sociale.
Il ressort de ces entretiens avec quelques acteurs du milieu
rural que ce n'est pas tant l'ours (l'animal en lui-même) qui fait
problème45 en montagne, mais le statut qu'on lui a
attribué et les considérations des personnes et autorités
extérieures concernant l'activité pastorale. Cela confirme les
conclusions du plan Mansholt (1980) qui stipulent que dans un ensemble
très complexe de problèmes sociaux, financiers et
économiques, auxquels s'ajoutent des problèmes humains
très délicats où interviennent de nombreux facteurs
psychologiques, on ne saurait aboutir à des résultats par
quelques recettes simplistes. Plutôt que de s'appuyer sur des
dispositions législatives et réglementaires rigides, il faut, au
contraire offrir aux acteurs un large éventail de possibilités
nouvelles leur permettant de déterminer librement leur propre initiative
pour leur avenir.
45 Si décroissance générale, oui
à l'ours sinon, non ! (Entretien 8. Mai, 2008) propos qui suit
l'idée de Daniel Bensaïd
(2003), selon qui la Terre souffre avant tout des «
conséquences de l'économie de profit et de la croissance à
tout prix et à court terme» . ; on se plaint qu l'élevage ne
vit que des subventions comme si avec l'ours on a l'intention de réduire
les dépenses des contribuables pourtant avec toutes ces subventions, je
gagne moins que le SMIG tandis que qu'un viticulteur de Bordeaux se paye une
maison à Toulouse et un agriculteur un jet privé où est
l'équité et la logique ? (Entretien 7 et 11. Mai, 2008) ; on
pouvait vivre sans trop de soucis avec l'ours si on avait le droit de se
défendre. A partir du moment où il protégé et que
ses actes sont applaudis et nos pratiques reniées, il devient lourd
à supporter (Entretien 5, 14. Mai, 2008)
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