CHAPITRE II: CONCEPTS ET DELIMITATION
Dans ce chapitre, nous allons essayer de discuter et de
délimiter les termes et concepts utilisés, dans le but de
permettre un niveau de compréhension harmonisé de leur emploi
dans le cadre de cette étude.
II.1 ESPACES : Terroir villageois et Espace
forestier
Ainsi que l'a remarqué KANE, A. « Deux types
de lieu caractérisent les paysages africains: le lieu habité, le
village et son environnement immédiat, et au-delà de ce
dernier,(...), s'étend la zone des arbres et des herbes, tantôt
appelée forêt tantôt appelée brousse...
»16.
Il s'agit donc pour nous de distinguer ici d'une part les
espaces de production du village, c'est-à- dire le paysage agricole et,
de l'autre, l'espace de cueillette, c'est à dire le milieu forestier. En
d'autres termes, mettre en évidence l'opposition entre paysage agricole
et milieu naturel qui constituent ensemble le « territoire villageois
»17 , c'est-à-dire, selon LE BERRE « une
portion de l'espace terrestre approprié par un groupe social pour
assurer sa reproduction et la satisfaction des besoins sociaux
»18.
> Le terroir villageois
D'une manière générale, les
géographes ont donné au terme ou au concept19 de
«terroir» différentes définitions, qui traduisent
toutes, cependant, une réalité agricole20.
Le professeur Cheikh BA, dans son cours de maîtrise de
Géographie, « Stratégies traditionnelles et modernes
de l'espace en Afrique tropicale », de l'année universitaire
1995-1996 à l'UCAD,
16 KANE, A (1988) - Quelques considérations sur
l'arbre en Afrique occidentale et Centrale - in Notes de
Biogéographie n°3, numéro spécial :
L'arbre et l'espace, Novembre 1988. Département de
géographie, FLSH/UCAD, p.41.
17 LERICOLLAIS, A. (1992) - Gestion de
l'environnement rural en pays Sereer - in Actes du colloque «
L'environnement dans l'enseignement des sciences humaines et sociales
», Dakar, 25-27 Novembre 1992, FLSH/UCAD, Fondation FORD,
p. 150.
18 Cité par LETICHE, F. et VIEL, F. (1995) -
Constructions territoriales au Sénégal. Peuplement, appropriation
et représentation : Exemple villageois dans la région de
Kédougou. Mémoire de maîtrise de géographie,
Université de Rouen, PSO, ORSTOM, p.330.
19 La considération de «terroir»
comme un simple terme désignant un lieu ou un espace, ou bien en tant
que notion conceptuelle dépend des périodes et des auteurs.
20 LACOSTE, Y. (2003) - Dictionnaire de la
Géographie. De la Géopolitique aux paysages, Paris, 2003, Armand
Colin, pp. 380-38 1.
BRUNET. R, FERRAS. R et THERY. H (2003) - Les mots de la
Géographie, dictionnaire critique (troisième édition revue
et augmentée), Reclus - La Documentation Française, Collection
Dynamiques du territoire, p. 482.
15
indiquait que « le terroir est un niveau
d'organisation dans lequel les fonctions de production, de consommation et
sociale coïncident et sont très solidaires
»21.
Selon la Commission Française du Développement
Durable, les terroirs correspondent à l'espace qui « à
l'opposé des espaces naturels où l'influence humaine et faible,
dépendent d'une relation particulière entre les
sociétés humaines et leur habitat naturel qui
afaçonné le paysage »22.
En outre, nous pouvons rappeler que les «études de
terroirs» ont constitué le thème central de la
géographie rurale des pays tropicaux africains au cours des
années 1960 et 1970. En effet, « l'approche terroir » a
été codifiée et conceptualisée par ces deux
illustres précurseurs, en l'occurrence les professeurs P. PELISSIER et
G. SAUTTER qui ont défini le terroir villageois comme étant
« la portion de territoire appropriée, aménagée
et utilisée par le groupe qui y réside et en tire ses moyens
d'existence »23.
C'est ainsi que, la monographie d'un terroir était le
« parcours initiatique », c'est-à-dire le premier contact avec
le terrain et/ou l'apprentissage à la recherche de tout géographe
de cette période au sortir des universités
françaises24. Dès lors, l'étude d'un terroir
correspondait à celui des paysages agraires, c'est-à-dire le mode
d'exploitation du sol (pratiques culturales) et les structures foncières
(modes d'usage, modes d'acquisition...). En d'autres termes, il s'agissait de
l'analyse «des techniques d'encadrement et des techniques de
production »25 d'une communauté villageoise.
Néanmoins, faisant une évaluation des
différentes études de terroir menées sous leur direction,
ils (P. PELISSIER et G. SAUTTER) soulignaient qu' « aucun terme, et
surtout pas celui de «finage », ne peut être substitué
à « terroir » dans l'usage que nous continuons en afaire...
»26
Cependant, signalons que notre préoccupation n'est pas
ici de faire une étude de terroir, dans le sens classique du terme, car
les activités agricoles ne sont pas concernées par cette
étude. D'ailleurs le qualificatif « villageois » que nous
avons apposé au terme de terroir sert justement à préciser
les contours et les limites de l'espace pris en considération.
C'est-à-dire, d'après ENDA GRAF-SAHEL, ceux d' « un
espace clairement délimité...de préférence
unitaire, composé d'une
21 Cité par KEITA, B. (1996) - Organisation
villageoise et gestion des terroirs : l'exemple de Bembou. Mémoire de
maîtrise de géographie, FLSH/UCAD, PSO, ORSTOM, p.2.
22 Citée par BRODHAG, C. (2000) - Agriculture
durable, terroirs et pratiques alimentaire - in Courier de
l'environnement de l'INRA, n° 40, pp 33-45.
23 SAUTTER, G et PELISSIER, P (1964) - Pour un atlas
des terroirs africains. Structures types d'une étude de terroirs - in
L'homme, Tome IV, n°1, p. 57.
24 SEIGNOBOS, C. (2004) - in Sciences au
Sud - Le journal de l'IRD - n° 26, septembre/octobre 2004,
p.7.
25 GOUROU, P - Géographie et
développement - in Cahiers des Sciences
humaines, Trente ans, Hors série 1993, pp. 49-50.
26 SAUTTER, G. et PELISSIER, P. (1970) - Bilan et
perspectives d'une recherche sur les terroirs africains et malgaches 1962-1969
- in Etudes Rurales, 37-38-39, p.9.
16
géographie, FLSH/UCAD, PSO, ORSTOM, p.5.
29 KANE, A (1988)-idem, p.41.
30 DIALLO, T.B (2003) - idem, p.40.
seule pièce de terrain et identifiable sans
ambiguïté sur une carte. Il a une surface et des limites bornables
»27.
Ainsi, tel que nous l'emploierons dans le cadre de cette
étude, le terme de «terroir villageois» correspond à
l'espace vécu, c'est-à-dire en d'autres termes à l'espace
mis en valeur ou l'espace « d'organisation et de production
»28. Il s'agit donc de l'espace sur lequel l'homme,
à travers ses activités, a imprimé un caractère et
une physionomie particulière pour assurer une fonction de production et
satisfaire ses besoins de consommation.
> L'espace forestier
Par opposition au terroir villageois, le terme d' «
espace forestier» désigne ici l'espace libre sans aucune forme
d'aménagement ou de mise en valeur. Il s'agit donc du milieu naturel, de
«l'espace non défriché, (de) la brousse ... qui
fait suite au village »29 et où les
activités humaines se résument au prélèvement ou
à la cueillette.
C'est aussi l'espace qui abrite les principaux sites
d'exploitation qui sont « des formations boisées de l'espace
forestier, identifiées, localisées et reconnues par les
populations comme propices à la cueillette. Ce sont des zones qui
abritent, sur un espace plus au moins étendu, une importante
concentration de ressources ligneuses et non ligneuses exploitées
à des fins multiples (alimentaires, curatives ou commerciales)
»30.
Il s'agit donc d'un écosystème naturel dont les
ressources végétales (arbres et arbustes) constituent
l'élément dominant. Dans la « poche de Dialakoto »
l'espace forestier correspond à une végétation soudano -
sahélienne caractérisée par une savane très
diversifiée (boisée, arborée, arbustive) et des
forêts claires au niveau des plateaux; mais aussi des forêts
galeries, le long de la vallée de la Gambie.
27 Cité par NDIAYE, B. (1997) - Organisations
villageoises et gestion du terroir: exemple de Ségou. Mémoire de
maîtrise de géographie, FLSH/UCAD, PSO, ORSTOM, p.1 6.
28 NDIAYE, T. (1997) - Organisation villageoise et
gestion des terroirs: l'exemple de Bandafassi. Mémoire de maîtrise
de
+ PRESENTATION DES TERROIRS VILLAGEOIS DE DIALAKOTO ET
DE
LABOYA
Sur le plan administratif, les terroirs villageois de
Dialakoto et de Laboya font partis de la Communauté Rurale de Dialakoto,
Arrondissement de Missirah, dans le Département et la Région de
Tambacounda. Ils sont contigus et se situent dans une «poche»
étroite délimitée par deux réserves
forestières naturelles, le PNNK au nord et la FC de Diambour au sud
[cf. carte 2].
· Le terroir villageois de Dialakoto,
chef-lieu de la communauté rurale du même nom, se trouve à
environ 70 km de Tambacounda, sur la Route Nationale n°7. Il a l'aspect
d'un gros village qui présente un caractère semi - urbain et
abrite des infrastructures sociales de base (dispensaire, écoles,
forage, centres de téléphonie, boutiques,...) qui polarisent
l'ensemble des villages de la « poche ».
· Le terroir villageois de Laboya est
un ancien hameau de culture qui a été défriché au
début des années 80. Il se trouve, quant à lui, à
l'intérieur des terres, dans la zone tampon du Parc, à environ
7,5 km au sud de Dialakoto. Il est relié à la route Nationale 7,
à partir du village de Damantan, par une bonne piste en latérite.
Actuellement, le village qui abrite deux périmètres de
bananeraies, dont le plus grand de la communauté rurale avec près
de 220 hectares, s'agrandit et attire une importante population de main
d'oeuvre.
Carte 2: Les terroirs villageois de Dialakoto etde
Laboya
672000 680000 688000 696000
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Forêt Classée
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de Diambour
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N
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Dialakoto
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"P oc he de D ialacoto"
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Parc
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Région de Tambacounda
% Chef-l ieu d ecommunauté rurale ( Vill age
Fleuve Rivière
Route Nati onale 7
Piste
Terroir villageois de DialaIoto
Terroir villageois de Lab oya
ParcNationaldu NioIoloKoba ForêtClassée de
Diambour
Sources : DTQC
Trav aux de terrain
UTM; WQS84, Zone 28
ThiernoB. Dialo,Alla MANQA,2005
672000 680000 688000 696000
0 4 8Im
531p.
II.2 RESSOURCES
Selon BRUNET et al,31 la ressource est «
une richesse potentielle qui sert à produire des richesse ».
Ici, les ressources étudiées sont naturelles,
végétales, non ligneuses et se renouvellent spontanément,
c'est-à-dire qu' « elles sont constamment reproduites,
(mais) cela ne signifie pas que l'on ne les exploite pas
au-delà de leur rythme de renouvellement, qu'on ne les épuise ou
ne les détruise : renouvelables, elles sont cependant épuisables
».
Il s'agit particulièrement de produits de cueillette
(PC) ou Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL), un terme
générique qui « s'entend des biens et services
commerciaux ou de substances destinés à la consommation humaine
ou industrielle et provenant de ressources renouvelables et de la biomasse
forestière, qui ont toute probabilité d'augmenter les revenus
réels et l'emploi des ménages ruraux. Il s'agit d'aliments, de
poissons, de fourrage, de combustibles et de médicaments d'origine
végétale, d'animaux, notamment oiseaux et poissons, dont on tire
les aliments, fourrures et plumes, des produits qu'on en tire (miel,
résines, soie, etc.) et des services de conservation et de loisirs
fournis par la terre ».32
+ PRESENTATION DES ESPECES LIGNEUSES ETUDIEES
La description des caractéristiques botaniques et
stationnelles des six espèces ligneuses étudiées est celle
de BERHAUT, J et de MAYDELL, H. J. von 33. Il s'agit de:
· Parkia biglobosa est un
arbre de grande taille qui atteint 15 à 20 mètres, avec une large
cime en forme de parasol, de la famille des Mimosacées. On le
retrouve généralement dans les savanes et forêts
sèches soudaniennes, entre les isohyètes 500 et 700 mm/an, sur
des sols limoneux profonds. Il se localise préférentiellement
près des villages, dans les périmètres agraires (champs et
jachères), où il est préservé lors des
défrichements34.
· Saba senegalensis est une
liane ligneuse de grande taille qui appartient à la famille des
Apocynacées. Elle se développe au niveau des zones humides, dans
les galeries forestières, le long des cours d'eau, sur des sols argileux
et hydromorphes.
31 BRUNET. R, FERRAS. R et THERY. H (2003) - idem, p.
433.
32 FAO (1992) - Produits forestiers non ligneux: Quel
avenir ? Etude FAO, FORETS 97, Rome, 1992, p.1.
33 BERHAUT, J. (1971-79) - Flore illustrée du
Sénégal. Tome Ià VI. Paris, Maisonneuve.
BERHAUT, J. (1988) - Flore illustrée du
Sénégal. Tome IX. Paris, Maisonneuve.
MAYDELL, H. J. von (1983) - Arbres et arbustes du Sahel: leurs
caractéristiques et leurs utilisations. GTZ, Eschborn,
· Parinari macrophylla est un
arbuste ou un petit arbre de 4 à 8 mètres de hauteur, de la
famille des Rosacées. Il se développe dans les savanes
arborées et les forêts sèches, mais aussi au niveau des
périmètres agraires (champs et jachères) lorsqu'il est
épargné par les défrichements.
· Detarium microcarpum est lui
aussi un petit arbre de taille comprise entre 8 et 10 mètres, de la
famille des Caesalpiniacées. Il se localise dans les savanes
sèches ou boisées, sur des sols secs et latéritiques.
· Vitex madiensis est un tout
petit arbuste de moins de deux mètres de haut et rarement plus, de la
famille des Verbanacées. Il se développe habituellement
au niveau de l'espace forestier, ou bien quelques rares fois en
périphérie des périmètres agraires.
· Borassus aethiopum est un
grand palmier dioïque qui peut atteindre plus de 30 mètres de
hauteur, de la famille des Arecacées. Le tronc, appelé
stipe, est droit, lisse, de couleur grise et peut avoir un diamètre de
60 cm, pour les individus adultes, tandis que celui des jeunes individus est
couvert de pétioles gris de 30 à 40 cm de long. Près de la
couronne des individus adultes, un premier renflement apparaît à
25 ans, puis un second entre 90 et 120 ans. On le retrouve au niveau des
savanes boisée et arborée; dans les galeries forestières,
le long des cours d'eau, dans les plaines et dépressions où il
forme des peuplements localisés, plus ou moins denses, appelés
rôneraies. En outre, il peut être présent en individus
clairsemés, épargnés lors des défrichements au
niveau des périmètres agraires (champs et jachères). Il se
développe sur des sables limoneux et des sols alluviaux bien
drainés, entre les isohyètes 500 et 1200 mm / an.
II.3 MODES DE PRELEVEMENT
Le mode de prélèvement, qui est
différent de la technique de collecte du produit, dépend du
milieu ou de l'espace considéré. C'est ainsi que dans les deux
espaces déjà définis (terroir villageois et espace
forestier), nous distinguons aussi deux modes de prélèvement,
quelque soit la destination alimentaire ou commerciale du produit obtenu.
Par conséquent, la caractérisation du mode de
prélèvement est déterminée par le
«caractère
approprié de l'espace (foncier) sur lequel est
obtenu une récolte ou du caractère libre de l'espace sur lequel
est effectué une cueillette».35
> Production / Récolte
Au niveau du terroir villageois, le mode de
prélèvement appliqué aux produits de cueillette peut
être considéré comme étant un acte de
production, dans la mesure où la récolte d'une
ressource dans un périmètre agraire est un droit individuel et
non collectif.
De ce fait, la mise en valeur d'un espace autorise le droit
d'usage d'un produit dont on est propriétaire, ou
«l'usus, le fructus et
l'abusus»36 des différents produits de
celui-ci. En d'autres termes, ce mode de prélèvement est
déterminé «par l'appropriation préalable du sol
sur lequel se trouvent les ressources»37, car celui qui
met en valeur un espace, s'approprie naturellement ses produits.
Inversement, la présence d'un arbre dans un
périmètre agraire assure une double réalité et
traduit un signe et une fonction38. En effet, d'une part elle
exprime un signe de propriété et indique le caractère
approprié du sol, car « la cueillette des fruits et
écorces des arbres et arbustes d'un champ affirme le droit d'usage sur
ce champ de la personne qui procède à la cueillette
»39 ; et d'autre part, elle remplit une fonction à
la fois « agronomique, alimentaire et pastorale
»40.
Toutefois, il faut souligner ici que les arbres dans les
champs n'ont pas été plantés. Leur présence
résulte plutôt « d'un défrichement respectant les
plantes utiles... (car) Rares sont les paysans africains qui abattent tous les
arbres d'une parcelle pour la mettre en culture. Le cultivateur africain est
respectueux de certains arbres pour leur valeur culturelle, mais aussi pour
leur rôle dans l'alimentation des hommes et du bétail et pour leur
action sur la régénération des sols
»41.
> Cueillette
35 NDIAYE, P (2000) - Le prélèvement
des ressources vivantes au Sénégal Oriental (Tambacounda et
Kolda). Convention SODEFITEX/UCAD/IRD, PSO, p.4.
36 GASTELLU, J - M (1980) - L'arbre ne cache pas la
forêt, ou : usus, fructus et abusus - in Cahiers des sciences
humaines, vol.17, n° 3 et 4, pp. 279-282.
37 NDIAYE, P (2000) - idem p.4.
38 PELISSIER, P (1980) - L'arbre en Afrique
tropicale. La fonction et le signe - in Cahiers des sciences
humaines, vol.17, n° 3 et4,pp. 127-130.
39 GASTELLU, J - M (1980) - Idem.
40 BECKER, C (1988) - Note sur la place de l'arbre
dans la culture sérère - in Notes de Biogéographie
n°3, numéro spécial: L'arbre et l'espace,
Novembre 1988. Département de géographie, FLSH/UCAD, p.33.
41 KANE, A (1988)-ibidem, p.44 et 45.
A l'opposé, l'acte de prélèvement
opéré au niveau de l'espace forestier peut être
considéré comme étant de caractère fortuit
résultant donc du hasard ou de la « contingence
»42. En effet, l'usage des ressources est ici collectif
à toute une communauté villageoise mais non individuel ou
exclusif à une personne. Seul le droit d'exploitation ou «
abusus», dans le sens strict d'utilisation, est permis, car l'absence
du droit de propriété du sol inhibe toute forme de droit
individuel.
Ainsi, la cueillette des produits végétaux au
niveau de l'espace forestier, n'est régie par aucun type de
règlement, mais plutôt soumise à une forme de
compétition entre les exploitants.
II.4 POTENTIEL
Selon WEIGEL, J-Y. « La notion de ressource renvoie
à une valeur potentielle d'usage ou d'échange et à
l'évaluation de celle-ci »43. De ce fait, le
potentiel peut se définir comme l'ensemble des
ressources exploitées et exploitables par les populations et renvoie
donc à la notion de disponibilité. Par conséquent, la
reconnaissance et l'identification des aires de production et d'exploitation
des produits de cueillette, ainsi que l'estimation de leur potentiel est
nécessaire pour s'assurer de leur approvisionnement durable.
L'estimation du potentiel de production et d'exploitation a
été possible grâce à un inventaire des ressources
ligneuses. Cet inventaire a été réalisé avec des
unités d'échantillonnage forestier ou placettes 44 qui
sont « de petites proportions de terrains (forêts)
représentatives d'une plus grande surface. L'inventaire consiste donc
à faire un dénombrement de tous les individus ligneux se trouvant
dans l'aire considérée. Les résultats issus de
l'inventaire des placettes vont permettre, sur la base d'une extrapolation,
l'analyse de la flore ligneuse et de la végétation de la zone
d'étude »45.
Au niveau du terroir villageois, nous trouvons, soit des
parcs arborés bien élaborés, soit des individus ligneux
disséminés dans le paysage agraire qui traduisent «
l'influence des pratiques culturales et agraires sur la composition floristique
d'un terroir villageois »46 . Dans les deux cas, le
peuplement végétal est alors clairsemé, avec un taux de
recouvrement plus ou moins faible.
42 NDIAYE, P (2000)- ibidem, p.4.
43 WEIGEL, J-Y (1996) - Grandes manoeuvres autour des
ressources naturelles renouvelables - in Les ressources naturelles
renouvelables : Pratiques et représentations. in Cahiers des
Sciences humaines, vol.32 - n°1-1996, ORSTOM, p.3.
44 Il s'agit de placettes circulaires de rayon
égal à 20 m, soit une surface de 1256 m2 et une
superficie totale d'inventaire égale à 3,6 hectares. Ce qui donne
un taux de sondage égal à 0,03 %, car la superficie de la zone
d'étude est d'environ 14 000 hectares.
45 DIALLO, T.B (2003) - idem, p.34.
46 BA, C. (1988) - Editorial - Notes
de Biogéographie n°3, numéro spécial:
L'arbre et l'espace, Novembre 1988. Département de
géographie, FLSH/UCAD, p.5.
23
En outre, les espèces présentes dans ce milieu
sont souvent l'expression d'un boisement relictuel, signe d'une
dégradation plus ou moins avancée de la végétation
originelle (défrichements), donc les arbres n'ont pas été
plantés, mais conservés. Leur régénération
est donc assurée par la sélection et la protection des jeunes
pousses au niveau des champs et des jachères.
En revanche, au niveau de l'espace forestier, nous trouvons
une très grande diversité des espèces, avec une
végétation arborée et arbustive plus ou moins dense et un
taux de recouvrement très élevé au niveau des plateaux et
des bas fonds boisés.
L'analyse du potentiel d'un site se fera au moyen de tableaux
et de graphiques. L'appréciation du potentiel fera appel à la
notion de taux d'abondance qui exprime « la valeur relative de la
prédominance ou la valeur relative de l'espèce
»47, au niveau de l'ensemble du site ou de l'espèce
proprement dite, quelque soit le site. La notion d'efficience,
qui dépend fortement du potentiel de la ressource permettra
également de déterminer la performance du mode de
prélèvement ou la capacité de rendement de chaque milieu
ou espace.
CONCLUSION PARTIELLE
Au terme de cette première partie, la
méthodologie de recherche a été exposée. D'abord,
la problématique nous a permis à la fois de poser le sujet et de
présenter l'objectif principal de cette étude qui est de comparer
le potentiel de production et de cueillette fruitière forestière,
afin de déterminer l'efficience de la cueillette sur les terroirs
villageois ou sur l'espace forestier.
Cependant, les hypothèses de travail, formulées
à la suite de constats faits dans une étude antérieure, ne
pourront être vérifiées qu'à l'issu de l'analyse des
résultats des inventaires.
Ensuite, les concepts qui ont été
définis et délimités dans le second chapitre, ont permis
d'éclairer le contenu du sujet et d'harmoniser leur compréhension
dans le cadre de cette étude. C'est ainsi qu'ils permettront
l'interprétation des résultats des inventaires pour confirmer ou
infirmer les hypothèses de recherche.
47 DIALLO, T.B (2003) - ibidem, p.38.
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