3. Pour l'analyse de marques.
Afin d'analyser les fonctions que peuvent occuper les marques
dans les romans, nous devons modifier quelque peu la théorie de Roland
Barthes.
Tout d'abord, là où R. Barthes confère
aux « indices » et aux « informations » une sanction
paradigmatique, et aux « fonctions », une sanction syntagmatique,
nous sommes dans l'obligation de constater l'incapacité pour les marques
d'occuper un rôle de fonction au sens où R. Barthes l'entend. Il
va de soi qu'aucune marque ne renvoie à une opération. En effet,
nous nous sommes rendu compte que cette incompatibilité venait du fait
que R. Barthes, dans ce qu'il nomme « fonctions », analyse des
phrases, là où nous étudions des noms propres. Nous
maintiendrons la distinction entre fonctions « catalyses » et
fonctions « cardinales ». Pour l'étude de fonctions «
catalyses », nous intégrerons les marques dans la phrase et pour
les fonctions « cardinales », nous rendrons compte du rôle que
les marques peuvent jouer dans la narration, à partir du schéma
actantiel de A.J. Greimas.
Ensuite, R. Barthes assimile les « fonctions »
à une relation métonymique, à une fonctionnalité du
faire, et les « indices », à une relation métaphorique,
à une fonctionnalité de l'être. En pratique, dans une
phrase comme « À la sortie du Ritz, ils montèrent dans leur
Mercedes », Mercedes peut être considérée comme une
métonymie car la marque de voiture est une partie des
éléments qui représentent la richesse des gens, leur
statut.
Au contraire, dans le roman « Le silence de
Médéa », la phrase « Ils étaient ivres au volant
de leur Mercedes » (p 19), la marque de voiture a une valeur
métaphorique, car Mercedes renvoie par métaphore à la
richesse, au luxe, à l'Europe capitaliste. Pourtant, nous classerons ces
deux exemples dans la catégorie « indices », car dans le
premier exemple, le statut des gens ne fait nullement avancer l'histoire. Cette
distinction n'est pas pertinente pour l'analyse des marques car les marques ont
un poids symbolique très important.
Enfin, à propos des « informations », R.
Barthes déclare qu'il s'agit de données pures qui apportent une
connaissance immédiate. Or il va de soi qu'aucune marque ne peut
être qualifiée ainsi, étant donné la palette de
connotations dont elle est porteuse. Toutefois, les informations sont, en
parlant des marques, les données les plus élémentaires que
nous pouvons leur attribuer.
Pour structurer notre analyse, nous dirons que, selon leurs
fonctions dans le roman, l'auteur exploite différemment la palette de
sens que lui offre la marque. Ainsi, pour les « informations », il
fait appel à « la carte d'identité » de la marque :
époque et lieu de production, données civiles des personnes
visées. Pour les informations et les composantes du portrait, l'auteur a
recours au « branding » de la marque; pour les actants, à
l'objet auquel la marque renvoie, et pour les catalyses, simplement, à
la marque en tant que nom marqué.
Nous pouvons ajouter à ces quatre types d'emplois, un
cinquième qui témoigne de l'ancrage des noms de marque dans le
langage courant. Il s'agit de figures de style intégrant des marques.
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