2. La crise du « Ndiguël » ou
consigne de vote.
C'est à partir de l'élection de 1988
qu'apparaît un fait nouveau : La crise du
« Ndiguël ». Pendant ces élections, le
khalife général des Mourides, Serigne Abdou Lahat M'Backé
fit le seul à donner son « Ndiguël ».
En effet, le khalife général des Tidjanes, Abdou Aziz Sy, ne
donna pas de mot d'ordre. Cependant, la puissante confrérie mouride, qui
jusque là soutenait Diouf sans faille connut un mouvement inédit.
En effet, Serigne Dame M'backé, un marabout qui n'est certes pas le
khalife général, se rebiffa en s'inscrivant sur la liste du PDS
tandis qu'un autre, Serigne Khadim M'backé, très connu dans la
communauté intellectuelle sénégalaise fit une
déclaration télévisée la veille des
élections et appela à voter contre Diouf en ces termes :
« Abdou Diouf nous a privé de travail et si Dieu veut le
bonheur du peuple sénégalais, Abdou Diouf ne sera pas
réélu. Inutile de continuer à prier s'il est
réélu puisque Dieu nous aura abandonné. »
Cette déclaration a marqué les esprits de tous
les sénégalais tant elle était inimaginable. La
confrérie Mouride étant surtout connue pour la discipline et le
respect de la hiérarchie qui y règne, aussi bien chez les
« talibés » (les disciples, c'est-à-dire tous
les sénégalais qui se reconnaissent de l'autorité morale
du Khalife général) que chez les
« serignes » (les marabouts qui sont fils ou
petits fils du fondateur du mouridisme, Serigne Ahmadou Bamba M'backé.
Le khalife général étant toujours le fils
aîné de celui-ci).
Ces déclarations ont, par ailleurs conforté tous
les fidèles qui étaient révoltés par la consigne de
vote en faveur de Diouf qu'ils considéraient comme responsable de leurs
difficultés économiques.
Depuis cette épisode, les khalifes
généraux mourides, successeurs de Serigne Abdou Lahat
M'backé, ont été beaucoup plus discrets sur la
scène politique. Cependant, cette discrétion affichée par
le Khalife général n'est pas toujours suivi par tous les
marabouts de la confrérie. En effet, à l'occasion de la
présidentielle de 1993, Abdou Diouf avait bénéficié
du soutien sans réserve de deux influents chefs religieux du mouridisme.
Serigne Kosso M'backé et Serigne Modou Bousso Dieng. Ces incidents
illustrent parfaitement la dimension importante de l'islam et des
confréries dans le champs politique sénégalais.
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