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Première alternance politique au Sénégal en 2000: Regard sur la démocratie sénégalaise

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par Abdou Khadre LO
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - DEA Science Politique (Sociologie Politique) 2001
  

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II / L'IMPLOSITION DU PARTI SOCIALISTE

1. Le PS de Diouf : une nouvelle politique

S'il y a un point sur lequel tous nos interviewés ont bien voulu insister c'est celui de l'implosion du Parti Socialiste.

En effet, que le PS ait aujourd'hui irrémédiablement perdu  sur le plan électoral, la ville de Dakar, puis une bonne partie des grands centres urbains du Sénégal n'étonnera guère. Comme nous l'avons vu, depuis environ une décennie, un glissement s'était opéré en faveur de l'opposition, les défections depuis 1997 dans les rangs socialistes ayant rendu plus malaisé le maintien de fortes positions : « la contestation se déploie dans les villes, où le brassage social, la proximité des milieux plus ouverts de la classe moyenne, l'information véhiculée par les médias sont propices à la désaffection du pouvoir en place » (Boubacar Seck, rédacteur en chef du quotidien Le Matin)

C'est d'ailleurs une tradition de longue date : Léopold Sédar Senghor, au temps de l'Union progressiste sénégalaise, et même avant, se méfiait déjà de la volatilité de l'opinion dans la capitale, et s'appuyait volontiers sur ses « braves paysans », les campagnes l'ayant toujours soutenu dans ses combats électoraux. « Tout le monde reconnaissait, encore à la veille des élections que l'implantation du PS dans le milieu rural lui permettait d'être une formidable machine de guerre, avec laquelle aucun parti ne pouvait raisonnablement prétendre rivaliser. » (Alioune Fall, chef du desk politique du quotidien Le Matin).

En fait de Senghor à Diouf, la transition du pouvoir s'est faite sur des bases inchangées. Les véritables alliés du pouvoir sont au niveau des sections du parti, qui quadrillent le territoire, relayent l'administration, servent de bureaux de doléances et de lieux de résolution des conflits, et permettent à Dakar de sentir le « pouls » du pays profond, concurremment avec les autorités traditionnelles, notamment religieuses, en mesure de dialoguer directement avec le chef de l'Etat.

Rappelons que le principal souci du successeur de Senghor, en 1981, est de gagner son autonomie par rapport à un parti dominé par la « vieille garde senghorienne ». Abdou Diouf lui-même n'est pas issu du parti, il a suivi un parcours technocratique qui l'a mené aux avant-postes, et c'est le cas pour toute une génération de nouveaux cadres, promus par Senghor, qui vont aider le nouveau Président de la République à asseoir son pouvoir.

Pendant les premières années, le compromis prévaut. Puis c'est une véritable reprise en main à laquelle on assiste avec le congrès du PS de 1984 : les « barons » senghoriens quittent le bureau politique du parti (certains d'entre eux, devenus ministres, quittent aussi le gouvernement, en compagnie d'un certain Moustapha Niasse, alors ministre des Affaires étrangères), et le secrétaire général s'entoure de ces hommes à lui, accordant cependant comme Senghor sa confiance à Jean Colin (français d'origine), au poste de secrétaire politique.

Parallèlement on assiste à l'émergence d'un nouveau phénomène : ce sont les « mouvements de soutien » (nous le verrons plus loin) qui permettent à Abdou Diouf de se constituer un réseau, en partie étranger au parti. Au sein même du PS, les « groupes de réflexion » sont animés par de jeunes intellectuels de sa génération, parfois issus de mouvements gauchistes (maoïstes notamment), naguère actifs à l'université. Ce sont donc eux qui reprennent peu à peu les commandes, sans toutefois qu'il puisse être question d'écarter totalement les « barons », qui se sont taillés des fiefs électoraux et dont l'expérience politique est nécessaire.

Dès 1984, un thème domine la vie du PS : c'est l'existence de ces « tendances » dont on dénonce la guérilla incessante et qui, s'il n'est pas question de leur conférer une reconnaissance officielle, font apparaître de grandes divergences d'intérêts. Les luttes, en particulier, pour la reconduction à la tête des organisations de base du parti sont féroces, et font parfois des victimes.

En 1989-90, après le traumatisme des élections de 1988 et de la contestation urbaine très violente, Abdou Diouf s'efforce de parachever son entreprise de conquête du parti. Lors du nouveau congrès, tous les membres du bureau politique sont en effet désignés par lui, et ne rendent de comptes qu'au secrétaire général, mais la houle de mécontentement et les nombreuses résistances dans la préparation d'un congrès plusieurs fois reporté l'obligent, encore une fois, à faire une place aux « anciens ».

L'unanimisme de façade ne permet plus de cacher des divisions. De plus en plus Abdou Diouf gouverne seul, impose le silence au parti à l'aide de sa garde rapprochée, tout en faisant des gestes de compris. La désignation en 1991 d'un « conservateur » du PS, Habib Thiam, comme Premier ministre, en est un. Mais cette nomination dans le cadre d'un gouvernement ouvert à l'opposition a certes pour effet d'apaiser la tension sociale mais elle a surtout pour effet de déstabiliser encore un peu plus le parti, qui a perdu en 1990 son stratège, Jean Colin, « sacrifié au désir de changement émanent aussi bien des socialistes que de l'opinion. » selon Momar. S. N'diaye. (Ancien rédacteur en chef du quotidien national Le Soleil)

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus