L'impérialisme culture occidental et devenir de la culture africaine: Défis et perspectives( Télécharger le fichier original )par Bernard ZRA DELI Grand Séminaire Saint Augustin de Maroua - Fin de cycle de Philosophie (Licence) 2008 |
II.1.2 Valeurs de la culture africaineLa valeur d'une culture se reconnaît dans les normes, les institutions, les rites et les coutumes d'un peuple. La culture se fait connaître à travers la constitution et les lois d'un peuple. La diversité des valeurs culturelles est sujette aux modes de vie. Fabien EBOUSSI BOULAGA reconnaît que toutes les cultures ont une valeur spécifique. Ce dernier précise que : « les cultures sont un choix de traits sur le grand are de cercle des possibilités... Chacune s'étant constituée de la sorte, toutes se valent, aucune n'est réductible à une autre... Toute culture est ainsi aveugle à certaines valeurs... Les cultures qui triomphent ne sont pas meilleures que les autres.»44(*) C'est dire que les valeurs culturelles des uns ne sont pas automatiquement pour les autres. Cependant, la diversité des valeurs n'empêche pas la montée d'une universalité de valeurs communes à toutes les cultures : celle de promouvoir l'épanouissement de l'individu dans son milieu de vie. Du cité de Vatican, le pape JEAN-PAUL II encourage la promotion de ces valeurs culturelles en ces termes : « Il existe des valeurs communes à toutes les cultures, parce qu'elles sont enracinées dans la nature de la personne. Il faut cultiver dans les esprits la conscience de ces valeurs, pour nourrir l'humus culturel de nature universelle qui rend possible le développement fécond d'un dialogue constructif. »45(*) Par ce fait, l'homme doit faire de sa culture le moyen d'épanouissement puisque les valeurs culturelles d'une société ne viennent pas hors de sa culture. Elles imprègnent l'univers social de cette société. Chaque culture présente ainsi une variété des valeurs. Saisi sous cet angle, il y a lieu de dire avec MBENGUE que : « Toutes les cultures se valent et il n'en a pas une qui soit supérieure à l'autre. »46(*) Dans cette optique, la culture africaine présente, elle aussi, un certain nombre de valeurs propres à elle. Celles-ci sont capables de « briser certains liens qui entravaient leur évolution, lui donnant le moyens de faire face à ses besoins nouveaux et l'aidant à mieux comprendre le sens de sa vie et à se remettre en cause dans l'organisation de son quotidien ainsi que dans ses relations avec la société et le cosmos. »47(*) Dans une approche phénoménologique, la culture africaine présente comme valeur la solidarité fragilisée aujourd'hui par la course à l'individualisme cynique provoqué par l'avènement du capitalisme manoeuvrant et pédant, le sens d'assistance, d'aide et d'attention au frère qui est mis au ban de la société. C'est l'humanisme africain qui reste la seule et unique chance pour le monde entier devant la déshumanisation qui menace l'homme moderne. Cette valeur humaniste de la culture africaine est recherchée par d'autres peuples aveuglés par l'individualisme et le matérialisme aliénant qui réduit désespérément tout être humain en sisyphe. Cependant, la perte de cette valeur en Afrique laisse place aux guerres fratricides déplorables. L'Africain a le devoir urgent de rejoindre cette valeur culturelle et de ne plus considérer son acquis culturel comme manifestation d'un primitivisme aride et arriéré pour éviter le « génocide des âmes »48(*) dont parle MBUMUA. Mécanisé, aveuglé par les nouvelles valeurs de la culture occidentale, l'homme africain a de quoi retourner à sa source. Face à cette aliénation culturelle sur tous les plans d'une façon subtile, il y a « nécessité impérieuse, urgente, d'une véritable révolution culturelle pour extirper toutes les manifestations du néo-colonialisme culturel nocif, pour secouer la tendance à l'imitation sans discernement ou le passéisme aveugle. Cette révolution implique à la fois révolution de la pensée, de la mentalité, et de l'action. »49(*) C'est l'urgence d'un retour à la source pour percer le mystère de cette valeur culturelle cachée dans les décombres de la ruine, de la crise des valeurs provoquée par la destruction cynique des cultures africaines qu'il prône. Frantz FANON n'est pas le seul à comprendre l'utilité de ces valeurs aujourd'hui quand il pense que : « les Nègres (...) constituent en quelque sorte l'assurance sur l'humanité. Quand les Blancs se sentent par trop mécanisés, ils se tournent vers les hommes de couleur et leur demandent un peu de nourriture humaine.»50(*) Evidemment, l'Afrique est le creuset des cultures car, toutes, elles partent d'elle et reviennent vers elle. Les recherches de Cheikh ANTA DIOP et de Théophile OBENGA l'attestent. Avec l'avènement de l'Internet, toutes les cultures du monde se trouvent en Afrique. Peuple ensoleillé où naquit la première civilisation, l'Afrique demeure une mosaïque des cultures grâce à la pléiade d'artistes, d'intellectuels et de chercheurs qu'elle met au service des peuples contemporains. Ce n'est pas un mauvais choix pour la France de désigner en 1998 Youssou N'DAW, un des chanteurs africains pour composer une mélodie adaptée à la finale de la Coupe du Monde de football de cette édition. Les valeurs culturelles africaines sont loin d'être exhaustives. Le sens du respect, mis de côté par la perversité de la génération présente ; l'éthique et l'amour du prochain sont des vertus que la tradition africaine considère comme priorité des priorités. Avons-nous raison de tourner le dos à cette culture qui exprime notre identité ? Non. Sinon nous serons perdus comme SAMBA DIALLO dont parle CHEICK HAMIDOU Kane dans L'Aventure ambiguë51(*). Comment sortir de notre léthargie d'homme aliéné culturellement quand nous savons qu'en Afrique, on méprise encore les richesses culturelles nationales et l'on demeure indifférent à leur égard en attendant que le public occidental reconnaisse certaines d'entre elles et qu'on se hâte alors de consacrer et d'aduler52(*) ? La tâche est longue et difficile, mais croyons d'abord en nous-mêmes et restons ce que nous sommes. Et avec Willon DILLON, disons : Africain, « Deviens ce que tu es »53(*) même si ta culture est menacée par des problèmes actuels dont elle ne peut se passer. L'essentiel est de les maîtriser afin de mieux les contourner. * 44 EBOUSSI B. F., La crise du Muntu, Paris, Présence africaine, 1977, pp. 77-78. * 45 JEAN-PAUL II, « Diversité culturelle et respect réciproque », in DC 2239, ( 2001), p. 5. * 46 MBENGUE, « Internet et enjeux culturels en Afrique », (AFRINET), Site Internet. * 47 SOW I. A., Op. Cit., pp. 31- 32. * 48 Cf. MBUMUA W.E, Op. Cit., p. 9. * 49 Idem, p. 11. * 50 FANON F., cité par JANHEINZ J., Muntu, L'homme africain et la culture néo-africaine, Paris, Seuil, 1958, pp. 130-131. * 51 CHEIKH H. K., L'Aventure ambiguë, Paris, Juliard, 1961. * 52 Cf. SOW I A., Op. Cit., p. 37. * 53 DILLON W., cité par HOUPHOUET-BOIGNY F., Tradition et Modernisme en Afrique noire, Rencontre internationale de Bouaké, Paris, Seuil, 1965, p. 313. |
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