Chapitre 3
Comment améliorer davantage le secteur financier
Sénégalais à travers la microfinance pour mieux
établir les bases saines du
développement économique?
Pour ce faire, on va voir comment les acteurs de la
microfinance doivent agir à travers les rôles qui leur sont
assignés.
I. L'Etat et des agences coopération
internationale, stabilisateurs des environnements économique et
financier
Ils constituent les précurseurs de l'évolution
du secteur financier Sénégalais. On a pensé qu'il serait
favorable de les impliquer en premier.
1) Pour une lutte contre la «
rivalité » financière de l'état vis-à-vis
des institutions financières et des PME
Les états de l'Afrique de l'Ouest ont toujours
été dénoncés du fait de leur implication dans le
système bancaire pour bénéficier d'apports financiers leur
permettant de réduire leur déficit public, tout en
bénéficiant des moyens offerts par la banque centrale (BCEAO).
Ils usent des moyens octroyés aussi par les Banques de
développement plusieurs projets mis en oeuvre par ces derniers
bénéficient de financement sans porter leurs fruits ou sans
même voir le jour.
L'état Sénégalais devrait s'engager dans
la lutte contre « la rivalité
financière » que les états de l'Union mènent
avec les entreprises, qui sont les vecteurs du développement
économique alors que la vocation des projets étatiques est le
plus souvent social et non économique. Il peut impliquer les acteurs
financiers comme les banques et les IMF à lutter contre la
précarité sociale en exigeant des résultats.
Le rôle de l'état devrait se limiter à la
restauration de la confiance pour certaines banques. En plus il doit les
orienter vers les réalités sociales et les pousser à en
tenir compte lors de la mise e place de leurs politiques de crédit et de
collecte de l'épargne.
Sur ce point, il peut favoriser les relations Banques-IMF
pour lutter contre l'asymétrie de l'information qui existe au niveau du
secteur financier Sénégalais.
2) Pour une considération du secteur
informel
Au niveau organisationnel, l'informel n'est pas à
bannir mais à intégrer. Il constitue la base de l'économie
Sénégalaise, avec rappelons le, 60 % de sa population active. Le
secteur est à réformer et la population n'a pas conscience des
méfaits qu'il a sur l'image internationale du pays. Des campagnes de
sensibilisation pourraient être organisées pour les informer,
comme l'état et ses partenaires du développement l'ont fait pour
la lutte contre le Paludisme ou le Sida. Le fait de prendre conscience de nos
maladies économiques (endettement, manque de financement des
activités économiques, corruption, lourdeurs administratives,
manque de garanties, inflation, taux d'intérêt
élevés...), nous permettrait de trouver des solutions
adéquates à nos réalités. Par contre, le fait de
les importer et de ne pas faire l'effort d'adapter les solutions du Nord de
façon adéquate, ne fera que qu'aggraver notre situation
économique, sociale et financière.
Les agences de coopération devraient refuser que les
programmes soient uniquement l'affaire de l'état, mai ils devraient
constituer l'affaire de tous. En plus elles doivent considérer les
réalités socio-économico-cuturelles du
Sénégal. En insistant de nouveau, l'importation de modèles
économiques et financiers d'autres pays ne feraient que remuer le
couteau dans la plaie. Cela pourrait impliquer d'autres problèmes
structurels. Le diagnostic sur le terrain est une méthode simpliste,
mais d'une grande efficacité pour trouver des solutions adéquates
à la population visée.
3) Pour une incitation fiscale des PME et un
allègement de la réglementation du système financier
décentralisé
L'état doit veiller à l'adéquation entre
les réglementations bancaire et financière avec les traditions
sociales et culturelles. Il pourrait par exemple alléger les charges
fiscales pour les intermédiaires financiers qui mettraient leurs outils
en adéquation aux réalités socio-écomiques du
Sénégal. D'autres part, la fiscalité des PME est lourde et
implique une persistance du secteur informel. En effet les PME informelles
n'auront pas comme finalité de devenir formelles si elles voient que
leurs coûts augmentent, notamment ceux liés à
l'immatriculation, aux démarches administratives et à
l'impôt. Encore faudrait-il qu'elles soient informées de
l'existence et de l'intérêt de telles démarches.
L'allègement de la réglementation pour les PME
et pour les IMF serait favorable à celles-ci et l'économie
Sénégalaise.
Les agences de coopération devraient exiger un effort
fiscal de la part du gouvernement avant la mise en place des programmes de
développement visant les PME. Cela pourrait permettre une
efficacité de leurs politiques, puisqu'elles ne pourraient voir ceci se
concrétiser que si le secteur informel rétrécit. En effet
beaucoup de bailleurs de fonds ne peuvent pas avoir accès à ce
type de marché puisque le risque y est très élevé,
voir même non quantifiable.
4) Pour une autonomie des structures d'appui
publiques
Les structures d'appui ne sont pas autorisées (pour
l'instant) à effectuer des études sectorielles pour permettre aux
banques et aux IMF d'avoir accès aux informations relatives aux PME
qu'elles pourraient financer. Le manque d'informations pertinentes
empêche ces dernières à considérer l'importance du
renforcement financier et de son intérêt économique. Elles
ne s'engageraient pas à effectuer des études pour neutraliser
l'asymétrie de l'information, ce qui leur coûterait cher et
exclurait un certain nombre de PME.
Autonomiser les structures d'appui au service des PME
permettrait de remédier à cette insuffisance. Encore faudrait-il
penser à une privatisation prochaine de ces dernières ?
5) Pour une orientation des bailleurs de fonds
vers les secteurs porteurs
Cette recommandation est conditionnée par la
réussite de la lutte contre les pratiques informelles. Certes le secteur
formel peut être quantifié et approché, mais il existe des
niches qui ne sont pas encore exploitées faute de moyens. Les ressources
humaines sont au rendez vous, mais les capacités de production font
défaut. Si l'état pouvait communiquer sur les pratiques à
avoir pour attirer les bailleurs de fonds, cela permettrait l'émergence
d'activités restées jusqu'ici dans le noir. Les structures
d'appui essaient d'aller vers ce sens, mais il y'a un manque de dynamisme et
les études sur le terrain manque énormément, notamment sur
l'économie parallèle. Comment pourrait-on alors
l'éradiquer, si son existence est notée, mais non prise en
charge ?
Notons qu'il ne s'agit en aucun cas de mener des politiques de
répression contre des marchands ambulant qui gagnent leur vie et ne sont
pas dans la délinquance. Il s'agit simplement de les informer sur la
nocivité de leurs activités dans l'économie
Sénégalaise, et sur la possibilité d'être pris en
charge tout en améliorant leurs activités.
Encore faudrait-il que l'état prenne conscience du
facteur important de la communication avec la population avant la mise en place
de programmes qui ne seront perçus que par des
« intellectuels », sachant que la population
Sénégalaise compte plus de 70% d'analphabètes.
Les moyens de communication visés pourraient être
des sketchs à la télévision et des campagnes de
sensibilisation, les programmes de santé les ont bien
intégrés. Et pourquoi les programmes de développement n'en
feraient pas autant ?
II. Les Banques classiques et les IMF, accompagnateurs
financiers incontournables des PME
1) Pour un partenariat entre banques et
IMF
Certaines banques effectuent du Dowscaling,
c'est-à-dire qu'elles adaptent leurs produits à une cible
prédéterminée. C'est le cas de la CBAO
(Sénégal) qui a mis en place un service dédié
à la microfinance. Le but de cette dernière est de se tailler une
part de marché dans le secteur ou les banques sont
« exclues » du fait de la concurrence forte des IMF.
Certaines vont jusqu'à collaborer avec des IMF pour
récupérer les clients qui ne peuvent plus
bénéficier de financement du fait de la taille que leurs
activités ont atteint. Les banques concurrencent à cet
égard avec les IMF au niveau des clients qui auparavant étaient
exclus du système bancaire, mais qui deviennent
réintégrables du fait de leur évolution financière
rendue possible par les dites IMF.
Ainsi, les banques et les IMF devraient établir des
politiques communes visant à assainir le système financier
ensemble. En effet, cette tache n'incombe pas seulement les IMF
antérieurement et les banques à posteriori. La concurrence que le
système financier décentralisé (SFD) subit à ce
niveau pourrait même remettre en cause les performances
déjà notées du secteur de la microfinance d'une part. Ce
qui serait dommageable, car le secteur bancaire rappelons le ne s'est pas
basé sur les réalités socioculturelles et économico
financières pour mettre en place ses politiques. Elles devraient
s'imprégner des stratégies du SFD pour développer des
produits adéquats.
D'autre part, les IMF confient leurs dépôts aux
banques classiques. Donc le développement du secteur de la microfinance
ne permet pas réellement une concurrence des banques classiques, mais il
lui favorable puisqu'il leur apporte des liquidités
supplémentaires. Liquidités, qui ne pouvaient être
reçues à cause du manque de structuration de certaines PME
informelles et de la majorité des ménages
Sénégalais. L'informel étant au coeur du système
économique et financier.
Parallèlement, les IMF ne doivent pas
« dormir sur leurs lauriers», à cause des
évolutions économique, financière, sociale, culturelle,
politique et juridique. Elles ont été les premières
à être capables à s'adapter dans un environnement non
structuré et fortement risqué financièrement L'innovation
financière leur a permis cette réelle adaptation. Elles sont dans
un environnement fortement concurrentiel, où l'innovation en produits,
en services, en outils de gestion sera inévitable pour conserver sa
clientèle.
Celles qui sont constituées en réseau devraient
alléger leur procédure de gestion, rendue caduque à cause
de la diversité des caisses fédérées. Les
simplifier, reviendrait à conserver leurs clients et leurs
employés.
Les clients qui sont susceptibles de croître, doivent
faire l'objet d'une étude prévisionnelle. C'est-à-dire
que, pour les empêcher d'aller vers les banques pour assouvir leurs
besoins financiers, qui ne peuvent pas être satisfaits par l'institution
à laquelle ils ont adhéré, celle-ci doit effectuer des
efforts d'anticipation des besoins de la clientèle. Cela pourrait
s'effectuer en étudiant l'évolution des prêts
accordés à un client type et ses capacités à
rembourser sur une période donnée.
2) Pour une collaboration entre
IMF
Une IMF doit aussi être capable de nouer des
partenariats avec ses concurrents au niveau national, international et au
niveau de l'union pour s'imprégner des pratiques du secteur de la
microfinance et pour ne pas être prise au dépourvu, vu la forte
croissance du secteur.
Elles pourraient renforcer leur regroupement au niveau des
organisations professionnelles de la microfinance pour bénéficier
d'allègements au niveau de la réglementation et au niveau des
taux de leur refinancement. Le fait de constituer des groupes de pression au
niveau national et international pourrait apporter des changements au niveau
des pratiques financières qui ont toujours existé et qui ont
toujours accompagne les banques. Cela pourrait constituer une révolution
financière, qui doit être bien pensée et motivée
pour lutter contre l'exclusion financière des populations pauvres.
La mise en place de l'association professionnelle des
institutions de microfinance d'épargne et de crédit du
Sénégal (APIMEC) constitue un excellent début à cet
effet.
3) Pour une diversification de l'offre aux PME et
un dépassement du clivage Banque-IMF
Les besoins des PME sont divers et variés. Cependant,
la majorité de leurs besoins satisfaits sont de court terme. Leurs
besoins en investissement sont rarement financés. Les IMF ont du mal
à retenir leurs clients qui grossissent. Les plafonds de crédits
qu'elles ont fixés leur empêchent de financer des montants trop
élevés. Ce qui fait l'affaire de certaines banques. Pourtant
celles-ci n'ont pas mis en place jusqu'ici des stratégies visant
à développer des produits pour la clientèle
qui « s'évapore des IMF ». Les IMF doivent
innover en matière de fidélisation de leurs clients et de
nouveaux produits. Pour ce faire, leurs plafonds devront être
révisés. Cependant, une collaboration entre banques et IMF comme
on l'a déjà recommandé serait avantageuse.
Le clivage entre banques et IMF doit être
dépassé pour laisser la place un réel partenariat, pouvant
aller jusqu'au partage même de base de données pour permettre aux
«clients-IMF» susceptibles de progresser en mode
«clients-banque» de le faire, ainsi qu'aux
«clients-Banques» d'aller en mode «clients-IMF» s'ils ne
peuvent pas remplir les conditions exigées.
Les banques et les IMF doivent aider les PME à bien
formaliser leurs besoins pour qu'elles y répondent bien. Ainsi, si
l'objet du crédit est bien défini, cela favoriserait un recours
excessif au crédit. Par exemple un besoin technique (en formation par
exemple) ne devrait pas être camouflé par un besoin purement
financier, sachant qu'un besoin technique s'accompagne d'un besoin financier
dans le cas ou la formation n'est pas gratuite. Les structures d'appui
publiques octroient des formations gratuites aux PME à cet effet. Ainsi,
la dépense serait évitée.
4) Pour une mise en place d'une centrale des
risques
Il faut noter que les trois réseaux d'IMF (ACEP, CMS et
PAMECAS) font chacun plus de 20 millions de FCFA de dépôt. Leur
disparition équivaudrait à la disparition d'une banque selon
l'étude menée sur la mésofinance du programme de
renforcement institutionnel de la microfinance et de son environnement (PRIME)
Ce qui pourrait entraîner des risques systémiques. La
collaboration entre banques et IMF permettrait d'évincer ce risque. Au
niveau des IMF, il y'a un manque de mutualisation des risques, ce qui n'est pas
sans risque non plus.
La collaboration entre banques et IMF pourrait permettre
d'avoir plus de visibilité sur leur environnement technique, financier
et juridique.
5) Pour une réforme de l'environnement
financier
La faiblesse du financement à long terme relève
du fait que l'environnement financier Sénégalais est
risqué dans un certaine meure. Le groupe de réflexion du PRIME
pointe du doigt certains éléments de la réglementation
qu'il est important d'améliorer pour la zone UEMOA. Il s'agit :
-du taux de transformation financière fixé par
la BCEAO (=100%, couverture exigée des emplois long terme par des
ressources long terme)
-des accords de classement
-des ratios de portefeuille
-du problème de l'utilisation des ressources à
long terme
-de la cherté du coût du crédit
La considération de cette recommandation implique
fortement la Banque centrale et l'ensemble des institutions financières
de la sous région.
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